M. André Trillard. Parfaitement !
M. Henri de Raincourt, ministre. Par construction, ce régime est adapté à la haute mer, et non aux eaux territoriales.
Tout comme le régime de lutte contre le narcotrafic – datant de 1996 – et le régime de lutte contre l’immigration illicite – qui date de 2005 –, ce projet de loi a été conçu pour lutter contre la piraterie telle qu’elle est définie par la convention de Montego Bay, c’est-à-dire contre des actes commis en haute mer, là où les États ne peuvent exercer de répression pénale de leur propre autorité.
Le régime prévoit notamment des conditions spécifiques de rétention des pirates à bord et la responsabilité potentielle d’un commandement militaire étranger qui pourraient être invalidées si ce dispositif était utilisé dans les eaux territoriales françaises. Dans celles-ci, naturellement, le code pénal, le code de procédure pénale et le code de la défense s’appliquent pleinement.
Par conséquent, nous pensons qu’il n’est pas absolument indispensable d’appliquer dans les eaux territoriales françaises le régime conçu pour la haute mer.
D’ailleurs, je signale – j’y faisais référence tout à l’heure – que la marine nationale peut actuellement intervenir, en application du code de la défense ou de l’article 73 du code de procédure pénale, dans les eaux françaises. Les officiers de police judiciaire ne sont donc pas les seuls à pouvoir agir.
Je crois ainsi, monsieur Trillard, avoir apporté la réponse à votre question.
Je voudrais remercier les autres orateurs qui se sont exprimés – M. Boutant, Mme Demessine, M. Fortassin – et, en particulier, dire à Mme Demessine que je me réjouis de la perspective de son vote positif.
Mme Michelle Demessine. Il ne faut jamais désespérer !
M. Henri de Raincourt, ministre. J’ajouterai, monsieur Boutant, que je ne souhaite pas ouvrir ici le débat sur le rôle et le statut du parquet, compte tenu de l’heure et, de plus, ce n’est pas ma mission. Et, bien sûr, vous ne me surprendrez pas à commenter des décisions de justice.
Il est vrai que, selon un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, confirmé par un arrêt du 15 décembre 2010 de la Cour de cassation, le procureur de la République n’est pas une autorité judiciaire indépendante au sens de l’article 5, alinéa 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Cette évolution jurisprudentielle ne remet pas pour autant en question le régime juridique de rétention adopté dans le projet de loi.
En effet, le contrôle juridictionnel sur la rétention est effectué par un magistrat du siège – le juge des libertés et de la détention –, avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures, compatible juridiquement avec la notion de circonstances exceptionnelles toujours admise par les deux juridictions dans les cas de capture en mer. Le magistrat en charge du contrôle de la rétention à bord des personnes interpellées est un juge du siège sur lequel aucune critique n’est émise.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais vous apporter.
Je me permets d’ajouter, eu égard à la mission ministérielle qui m’est actuellement confiée, que je suis totalement d’accord sur la nécessité de favoriser les politiques de développement endogène pour éviter que les populations ne soient parfois contraintes à s’engager dans des opérations éminemment condamnables. Mais je ne voudrais pas que le débat que nous avons à l’occasion de l’examen de ce projet de loi fasse un parallèle systématique entre ces deux points.
S’agissant en particulier de la Somalie – vous connaissez comme moi, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation politique de ce pays –, je veux vous dire que la France a agi très fortement, notamment depuis 2008, pour réunir tous les protagonistes de la vie politique somalienne de façon à permettre la formation d’un gouvernement fédéral de transition. Elle discute avec les responsables de ce gouvernement fédéral de transition, afin de favoriser l’élargissement de la base politique de ce dernier et, ainsi, contribuer à remettre sur pied un État digne de ce nom, fonctionnant comme on est en droit de le vouloir.
Avec un État digne de ce nom, nous sommes tout à fait disposés à engager, dans le cadre de l’Union européenne ou d’organismes multilatéraux, des politiques de développement qui répondront à vos attentes. Nous y sommes tout à fait ouverts, mais encore faut-il que nous ayons des interlocuteurs permettant à toute politique de développement qui serait engagée de produire des effets positifs, allant dans le sens que vous souhaitez et que nous partageons. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
Article 2
(non modifié)
Le titre Ier de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer est ainsi rétabli :
« TITRE Ier
« DE LA LUTTE CONTRE LA PIRATERIE MARITIME
« Art. 1er. – I. – Le présent titre s’applique aux actes de piraterie au sens de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay le 10 décembre 1982, commis :
« 1° En haute mer ;
« 2° Dans les espaces maritimes ne relevant de la juridiction d’aucun État ;
« 3° Lorsque le droit international l’autorise, dans les eaux territoriales d’un État.
« II. – Lorsqu’elles constituent des actes de piraterie mentionnés au I, les infractions susceptibles d’être recherchées, constatées et poursuivies dans les conditions du présent titre sont :
« 1° Les infractions définies aux articles 224-6 à 224-7 et 224-8-1 du code pénal et impliquant au moins un navire ou un aéronef dirigé contre un navire ou un aéronef ;
« 2° Les infractions définies aux articles 224-1 à 224-5-2 ainsi qu’à l’article 224-8 du même code lorsqu’elles précèdent, accompagnent ou suivent les infractions mentionnées au 1° ;
« 3° Les infractions définies aux articles 450-1 et 450-5 du même code lorsqu’elles sont commises en vue de préparer les infractions mentionnées aux 1° et 2°.
« Art. 2. – Lorsqu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’une ou plusieurs des infractions mentionnées au II de l’article 1er ont été commises, se commettent, se préparent à être commises à bord ou à l’encontre des navires mentionnés à l’article L. 1521-1 du code de la défense, les commandants des bâtiments de l’État et les commandants des aéronefs de l’État, chargés de la surveillance en mer, sont habilités à exécuter ou à faire exécuter les mesures de contrôle et de coercition prévues par le droit international, le titre II du livre V de la première partie du même code et la présente loi soit sous l’autorité du préfet maritime ou, outre-mer, du délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, soit sous l’autorité d’un commandement civil ou militaire désigné dans un cadre international.
« À l’égard des personnes à bord peuvent être mises en œuvre les mesures de coercition prévues par les dispositions du chapitre unique du titre II du livre V de la première partie du même code relatives au régime de rétention à bord.
« Art. 3. – (Non modifié)
« Art. 4. – Les officiers de police judiciaire et, lorsqu’ils sont spécialement habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les commandants des bâtiments de l’État, les officiers de la marine nationale embarqués sur ces bâtiments et les commandants des aéronefs de l’État, chargés de la surveillance en mer, procèdent à la constatation des infractions mentionnées au II de l’article 1er, à la recherche et l’appréhension de leurs auteurs ou complices.
« Ils peuvent procéder à la saisie des objets ou documents liés à la commission des faits sur autorisation, sauf extrême urgence, du procureur de la République.
« Après la saisie autorisée à l’alinéa précédent, ils peuvent également procéder sur autorisation du procureur de la République à la destruction des seules embarcations dépourvues de pavillon qui ont servi à commettre les infractions mentionnées au II de l’article 1er, lorsqu’il n’existe pas de mesures techniques envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions, dans le respect des traités et accords internationaux en vigueur.
« Les mesures prises à l’encontre des personnes à bord sont régies par la section 3 du chapitre unique du titre II du livre V de la première partie du code de la défense.
« Art. 5 et 6. – (Non modifiés) »
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 6
(non modifié)
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° L’article L. 1521-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du 2°, après les mots : « navires étrangers », sont insérés les mots : « et aux navires n’arborant aucun pavillon ou sans nationalité, » ;
b) Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :
« 4° Aux navires battant pavillon d’un État qui a sollicité l’intervention de la France ou agréé sa demande d’intervention. » ;
2° Le chapitre unique du titre II du livre V de la première partie est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Mesures prises à l’encontre des personnes à bord des navires
« Art. L. 1521-11. – À compter de l’embarquement de l’équipe de visite prévue à l’article L. 1521-4 sur le navire contrôlé, les agents mentionnés à l’article L. 1521-2 peuvent prendre les mesures de coercition nécessaires et adaptées à l’encontre des personnes à bord en vue d’assurer leur maintien à disposition, la préservation du navire et de sa cargaison ainsi que la sécurité des personnes.
« Art. L. 1521-12. – Lorsque des mesures de restriction ou de privation de liberté doivent être mises en œuvre, les agents mentionnés à l’article L. 1521-2 en avisent le préfet maritime ou, outre-mer, le délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, qui en informe dans les plus brefs délais le procureur de la République territorialement compétent.
« Art. L. 1521-13. – Chaque personne à bord faisant l’objet d’une mesure de restriction ou de privation de liberté bénéficie d’un examen de santé par une personne qualifiée dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la mise en œuvre de celle-ci. Un examen médical intervient au plus tard à l’expiration d’un délai de dix jours à compter du premier examen de santé effectué.
« Un compte rendu de l’exécution de ces examens se prononçant, notamment, sur l’aptitude au maintien de la mesure de restriction ou de privation de liberté est transmis dans les plus brefs délais au procureur de la République.
« Art. L. 1521-14. – Avant l’expiration du délai de quarante-huit heures à compter de la mise en œuvre des mesures de restriction ou de privation de liberté mentionnées à l’article L. 1521-12 et à la demande des agents mentionnés à l’article L. 1521-2, le juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République statue sur leur prolongation éventuelle pour une durée maximale de cent vingt heures à compter de l’expiration du délai précédent.
« Ces mesures sont renouvelables dans les mêmes conditions de fond et de forme durant le temps nécessaire pour que les personnes en faisant l’objet soient remises à l’autorité compétente.
« Art. L. 1521-15. – Pour l’application de l’article L. 1521-14, le juge des libertés et de la détention peut solliciter du procureur de la République tous éléments de nature à apprécier la situation matérielle et l’état de santé de la personne qui fait l’objet d’une mesure de restriction ou de privation de liberté.
« Il peut ordonner un nouvel examen de santé.
« Sauf impossibilité technique, le juge des libertés et de la détention communique s’il le juge utile avec la personne faisant l’objet des mesures de restriction ou de privation de liberté.
« Art. L. 1521-16. – Le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance motivée insusceptible de recours. Copie de cette ordonnance est transmise dans les plus brefs délais par le procureur de la République au préfet maritime ou, outre-mer, au délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, à charge pour celui-ci de la faire porter à la connaissance de la personne intéressée dans une langue qu’elle comprend.
« Art. L. 1521-17. – Les mesures prises à l’encontre des personnes à bord des navires peuvent être poursuivies, le temps strictement nécessaire, au sol ou à bord d’un aéronef, sous l’autorité des agents de l’État chargés du transfert, sous le contrôle de l’autorité judiciaire tel que défini par la présente section.
« Art. L. 1521-18. – Dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l’objet de mesures de coercition sont mises à la disposition de l’autorité judiciaire. » – (Adopté.)
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
8
Mises au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, le mardi 21 décembre 2010, lors du vote par scrutin public n° 136 sur les amendements identiques nos 3 rectifié et 49 rectifié ter, Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Claude Merceron ont été déclarés comme votant contre, alors qu’ils souhaitaient voter pour.
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Monsieur le président, le mardi 21 décembre 2010, lors du vote par scrutin public n° 136 sur les amendements identiques nos 3 rectifié et 49 rectifié ter, M. Pierre Martin a été déclaré comme votant contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Adaptation de la législation au droit communautaire
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne (texte de la commission n° 193, rapport n° 192).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission de l’économie, en remplacement de M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, en remplacement de M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens en l’absence de Bruno Sido, notre rapporteur.
Le 6 septembre dernier, je déposais, avec mes collègues Gérard Longuet et Jean Bizet, la proposition de loi que nous examinons, désormais rebaptisée « proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne ».
Au terme d’un processus législatif relativement court, le Gouvernement ayant eu recours à la procédure accélérée, nous avons, avec nos collègues de l’Assemblée nationale, adopté un texte riche de dispositions variées, mais tendant au même objectif : assurer la compatibilité de notre droit national avec nos obligations européennes.
C’est dans cet esprit, et cela mérite d’être souligné, que nos travaux législatifs ont été abordés, car les retards de notre pays en matière de transposition des textes communautaires ne sont pas sans conséquences. Non seulement ils fragilisent notre position dans les institutions de l’Union en créant une forte insécurité juridique pour nos concitoyens, mais, surtout, ils nous placent dans une situation délicate au regard des procédures contentieuses qui peuvent être déclenchées, avec le risque de nous voir condamnés au versement d’amendes pour non-transposition.
C’est pourquoi nous ne pouvons, aujourd’hui, que nous féliciter d’adopter définitivement une proposition de loi qui nous permettra d’adapter une partie de notre législation nationale en matière d’environnement, de professions réglementées, de marché intérieur, de santé, ou encore de transport, et d’éteindre ainsi les contentieux communautaires qui menacent notre pays.
Lors de l’examen de ce texte au Sénat, nous avons tout d’abord assuré une coordination normative entre des dispositions figurant dans trois véhicules législatifs différents et qui étaient en cours de discussion entre nos deux assemblées : d’abord, la présente proposition de loi, ensuite, la proposition de loi Warsmann de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, enfin, l’ordonnance du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’environnement.
Par ailleurs, nous avons, dans cette assemblée, sur l’initiative du Gouvernement, enrichi le texte initial en adoptant plusieurs dispositifs visant à autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances afin de transposer plusieurs directives communautaires.
Sur ce point, mes chers collègues, j’ai bien entendu, lors des débats, ici même ou à l’Assemblée nationale, un certain nombre de critiques émises contre ces délégations législatives, mais je voudrais profiter de cet instant pour vous faire part de mon sentiment et apporter quelques précisions.
Sur la forme, d’abord, je tiens à souligner que le débat a bien eu lieu, et ce en toute transparence en séance publique. Le Gouvernement a même pris le soin, sur mon initiative, de nous présenter ces demandes d’habilitations législatives dès l’examen du texte en commission, afin que tous les groupes politiques puissent être en mesure de formuler leurs observations.
Sur le fond, ensuite, l’argument principal à opposer aux critiques émises tient tout simplement au risque élevé de pénalités pour retard de transposition, qu’il convient absolument de réduire tant pour l’image de la France que pour la situation de ses finances publiques.
Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour rassurer mes collègues de l’opposition. Je leur rappelle, en effet, qu’attentif aux demandes des parlementaires le Gouvernement a pris plusieurs engagements.
D’abord, les projets d’ordonnance nous seront systématiquement transmis. La commission de l’économie, que j’ai l’honneur de présider, a déjà commencé à recevoir ces éléments d’information. Vous avez ainsi, monsieur le secrétaire d’État, pris cet engagement avant-hier en séance publique à l’Assemblée nationale, pour plusieurs projets d’ordonnance actuellement en cours de finalisation.
Ensuite, pour certains textes sensibles, et je pense notamment aux deux directives fixant des règles communes d’organisation des marchés du gaz et de l’électricité, le ministre chargé de l’énergie, M. Eric Besson, a annoncé la constitution d’un groupe de travail sur la transposition de la directive «Énergie » afin d’associer pleinement les parlementaires à la production de la norme.
Enfin, nous avons obtenu du Gouvernement qu’il s’engage à transmettre un calendrier prévisionnel des directives à prendre dans les prochaines années, de sorte que nous ne soyons plus contraints de leur trouver, dans l’urgence, un véhicule législatif plus ou moins adapté.
N’oublions pas, mes chers collègues, que nous aurons tout loisir de débattre de nouveau au fond de ces sujets dans le cadre des projets de loi de ratification de ces ordonnances.
J’en viens à présent aux dispositions que nous avions adoptées au Sénat en première lecture. À l’exception des dispositions relatives à l’urbanisme, sur lesquelles je reviendrai dans un instant, celles-ci n’ont fait l’objet que d’ajustements rédactionnels de pure forme lors de leur examen à l’Assemblée nationale, puis en commission mixte paritaire.
S’agissant de l’urbanisme, le Sénat avait introduit un article afin de donner du temps aux élus pour adapter les plans locaux d’urbanisme, les PLU, et les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, aux nouvelles dispositions de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle 2, adoptée en juillet 2010.
L’Assemblée nationale a conservé ce dispositif, en introduisant encore davantage de souplesse : les SCOT et les PLU approuvés avant le 12 janvier 2011 auront jusqu’au 1er janvier 2016 pour intégrer les dispositions du Grenelle 2 ; les SCOT et les PLU en cours d’élaboration ou de révision approuvés avant le 1er juillet 2013, dont le projet de schéma ou de plan aura été arrêté avant le 1er juillet 2012, pourront opter pour l’application des dispositions antérieures. Ils auront ensuite jusqu’au 1er janvier 2016 pour intégrer les dispositions du Grenelle 2.
La commission mixte paritaire a adopté cette rédaction, extrêmement opportune dans un contexte où le Parlement est appelé à simplifier les normes, notamment celles qui pèsent sur les collectivités territoriales.
Je profite de cette occasion, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour remercier M. le rapporteur, Bruno Sido, du travail considérable qu’il a effectué.
En définitive, et contrairement à ce qui a pu être affirmé ici ou là, j’ai la conviction profonde que cette proposition de loi honore le Parlement en ce qu’elle illustre notre volonté de nous saisir pleinement de la question du respect, par notre pays, du droit de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État. (M. Jacques Gautier applaudit.)
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte de la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne qui vous est soumis va permettre de transposer les dispositions de plusieurs textes européens pour lesquels il devenait urgent de disposer d’un texte législatif.
Cette proposition de loi a vu le jour grâce à l’initiative des présidents Gérard Longuet, Jean Bizet et Jean-Paul Emorine. Je souhaite avant tout les en remercier particulièrement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez examiné ce texte hier matin en commission mixte paritaire, après une première lecture par la Haute Assemblée le 17 novembre dernier et par l’Assemblée nationale le 20 décembre. Ce texte est le fruit d’un travail de coopération intense entre le Gouvernement et le Parlement. En effet, de nombreux échanges ont eu lieu entre votre rapporteur et mes services dès son premier examen en commission et tout au long de la navette parlementaire.
Grâce à nos efforts conjugués, nous avons pu mener à bien la mission qui incombait à notre pays et élaborer un texte de loi fournissant l’instrument juridique indispensable à l’accomplissement de nos engagements de transposition. Ainsi, comme vous l’avez souligné, monsieur le président de la commission, nous évitons les risques financiers d’une condamnation de la France pour défaut de transposition et manquement à ses obligations.
Certes, ce texte contient des dispositions relatives à des domaines très divers : santé, transports, environnement, énergie. En outre, plusieurs de ses articles habilitent le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances.
Je suis conscient de l’importance que le Parlement accorde au fait d’être plus étroitement associé aux travaux d’élaboration des ordonnances par le Gouvernement. Ayant été parlementaire pendant dix-sept ans, j’y suis plus attaché que quiconque.
Ainsi que je m’y suis engagé devant vous le 17 novembre dernier, mes services se tiennent à la disposition des membres de la Haute Assemblée qui souhaiteraient faire part d’observations relatives aux projets d’ordonnances. Je m’engage de nouveau à ce que ces projets vous soient communiqués lors de leur phase d’élaboration, et cela dès demain pour les textes dont une première rédaction est déjà disponible.
Par ailleurs, afin d’éviter autant que possible de soumettre à l’avenir au Parlement un projet de loi de même nature, je prends l’engagement de vous communiquer tous les deux mois, comme je l’ai fait à l’Assemblée nationale, un état de l’avancement de la transposition des directives dans le domaine des transports, dont j’ai la responsabilité, ce qui vous évitera d’être pris de court et contraints de légiférer « l’amende sous la gorge », si je puis dire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec l’adoption de cette proposition de loi, vous poursuivez l’œuvre entamée sur votre initiative et permettez à notre pays de respecter ses engagements européens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici amenés à voter de manière définitive la proposition de loi d’adaptation au droit communautaire, déposée le 6 septembre dernier par nos collègues Jean Bizet, Jean-Paul Emorine et Gérard Longuet, qui doit s’approcher du record du texte le plus vite examiné ! (M. le secrétaire d’État sourit.)
En effet, déposé le 6 septembre 2010, ce texte a été adopté en commission au Sénat le 3 novembre dernier, voté en séance le 17 novembre, examiné à l’Assemblée nationale en commission le 1er décembre et en séance lundi dernier, la commission mixte paritaire se tenant hier pour un vote définitif aujourd’hui. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette proposition de loi était...
M. Michel Billout. … très attendue par le Gouvernement !
Je souhaiterais, lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire, vous exposer une nouvelle fois la position de mon groupe sur cette proposition de loi, tant sur la forme que sur le fond.
Tout d’abord, sur la forme, nous considérons qu’il n’est pas satisfaisant de détourner le pouvoir d’initiative parlementaire afin de transposer des directives européennes, a fortiori si ce processus se fait par le biais de ratifications d’ordonnances ou d’habilitations à légiférer de cette manière.
Aujourd’hui, cette proposition de loi comporte 17 articles, soit plus du double qu’elle n’en contenait initialement, notamment grâce à l’intégration d’amendements du Gouvernement.
Il n’est pas non plus satisfaisant que la procédure accélérée s’applique à une proposition de loi. Bien que nous soyons habitués à ce que l’urgence devienne la règle, nous trouvons cette procédure pour le moins contestable.
Cette urgence est justifiée, nous dit encore le président de la commission, par les sanctions pécuniaires qui pèsent sur la France en raison du retard enregistré dans la transposition de directives européennes. Nous ne pouvons nous satisfaire de cet argument. La construction européenne ne peut en aucun cas justifier le dessaisissement des parlements nationaux, alors même, chers collègues de la majorité, que vous avez défendu l’adoption du traité de Lisbonne, considéré comme un grand progrès en la matière.
De plus, nous estimons que l’existence d’une commission des affaires européennes devrait permettre d’éviter ce type d’initiative, grâce à un travail sur la question de la transposition des directives européennes mené bien plus en amont, dès leur adoption par le Parlement européen. Une plus grande implication de cette commission à l’ensemble des travaux législatifs est donc nécessaire, notamment au regard de l’irrigation de plus en plus importante de notre droit par les normes communautaires.
Dois-je vous rappeler la teneur du rapport d’information rendu en 2002 par le sénateur Hubert Haenel, naguère président de la commission des affaires européennes, aujourd’hui membre du Conseil constitutionnel ? Il y était indiqué que la loi dont l’objet exclusif est la transposition doit rester la norme et que le recours à une ordonnance ne doit être envisagé que dans des conditions exceptionnelles et comme une solution de dernier ressort. Or, dans cette proposition de loi, 7 articles sur 17 prévoient une transposition par ordonnance. Voilà encore un nouveau record !
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué que le Gouvernement prendra en considération les observations des parlementaires lors de la mise au point du texte des ordonnances, avant leur examen par le Conseil d’État. Vous présentez cette annonce comme une garantie du respect du pouvoir législatif, ce qui pourrait prêter à sourire si la dérive n’était pas si grave.
Sur le fond, ce texte comprend quatre titres qui, comme l’a très justement noté le rapporteur à l’Assemblée nationale, ne trouvent leur unité que dans l’absence de lien qu’ils entretiennent les uns avec les autres.