Sommaire
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
Secrétaires :
MM. Alain Dufaut, François Fortassin.
2. Saisines du Conseil constitutionnel
3. Candidatures à un organisme extraparlementaire
4. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
5. Conventions internationales. – Adoption de huit projets de loi en procédure d'examen simplifié (Textes de la commission)
Accord de sécurité sociale avec l'Inde. – Adoption de l'article unique du projet de loi
M. Didier Boulaud.
Adoption définitive de l'article unique du projet de loi
6. Reconversion des militaires. – Adoption définitive d'un projet de loi (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération ; André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
MM. Yves Pozzo di Borgo, Didier Boulaud, François Fortassin, Mme Michelle Demessine, MM. Jacques Gautier, Bernard Piras.
MM. le rapporteur, le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Adoption définitive du projet de loi.
7. Lutte contre la piraterie et police de l’État en mer – Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération ; André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
MM. Michel Boutant, François Fortassin, Mme Michelle Demessine, M. André Trillard.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Adoption définitive du projet de loi.
8. Mises au point au sujet d'un vote
MM. Yves Pozzo di Borgo, le président.
MM. André Trillard, le président.
Suspension et reprise de la séance
9. Adaptation de la législation au droit communautaire. – Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : MM. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, en remplacement de M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports.
M. Michel Billout, Mme Bariza Khiari.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
M. Pierre Hérisson.
Adoption définitive de la proposition de loi.
10. Nomination à un organisme extraparlementaire
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaires :
M. Alain Dufaut,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Saisines du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi :
– le 21 décembre 2010, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés et soixante sénateurs de la loi de finances pour 2011 ;
– le 22 décembre 2010, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante députés de la loi de finances rectificative pour 2010.
Le texte des saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
3
Candidatures à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger au sein de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, en application du décret n° 2010-1048 du 1er septembre 2010.
Les commissions des affaires sociales, de l’économie, des finances et des lois ont présenté chacune des candidatures pour deux titulaires et deux suppléants. La commission de la culture et la commission des affaires européennes ont présenté chacune des candidatures pour un titulaire et un suppléant.
Ces candidatures sont les suivantes :
Titulaires : Mme Catherine Procaccia, MM. Serge Larcher, Georges Patient, Daniel Marsin, Éric Doligé, Marc Massion, Christian Cointat, Mme Jacqueline Gourault, MM. Soibahadine Ibrahim Ramadani, Simon Sutour ;
Suppléants : Mmes Anne-Marie Payet, Gélita Hoarau, MM. Claude Lise, Michel Magras, Roland du Luart, Mme Michèle André, M. Nicolas Alfonsi, Mmes Éliane Assassi, Lucienne Malovry, Colette Mélot.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
4
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur le suivi de l’objectif de baisse d’un tiers de la pauvreté en cinq ans établi en application de l’article L. 115-4-1 du code de l’action sociale et des familles.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.
5
Conventions internationales
Adoption de huit projets de loi en procédure d'examen simplifié
(Textes de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de huit projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.
Il s’agit des projets de loi suivants :
- projet de loi autorisant la ratification de la convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens [projet n° 555 (2008-2009), texte de la commission n° 74, rapport n° 73] ;
- projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l’Inde [projet n° 345 (2009-2010), texte de la commission n° 124, rapport n° 123] ;
- projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’adhésion à la convention des Nations unies de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation [projet n° 402 (2009-2010), texte de la commission n° 458, rapport n° 457] ;
- projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cap-Vert relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire [projet n° 405 (2009-2010), texte de la commission n° 76, rapport n° 75] ;
- projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire [projet n° 406 (2009-2010), texte de la commission n° 77, rapport n° 75] ;
- projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Irak relatif à la coopération dans le domaine de la défense [projet n° 593 (2009-2010), texte de la commission n° 126, rapport n° 125] ;
- projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Bosnie-et-Herzégovine, d’autre part [projet n° 670 (2009-2010), texte de la commission n° 120, rapport n° 119] ;
- projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération dans le domaine de la défense [projet n° 689 (2009-2010), texte de la commission n° 72, rapport n° 71].
Pour ces huit projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
convention des nations unies sur les immunités juridictionnelles des états
Article unique
Est autorisée la ratification de la convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, adoptée le 2 décembre 2004 et signée par la France le 17 janvier 2007.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
accord de sécurité sociale avec l’inde
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de l'Inde, signé à Paris le 30 septembre 2008.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
convention des nations unies de 1997 relative aux cours d’eau internationaux
Article unique
Est autorisée l'adhésion à la convention sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation (ensemble une annexe), adoptée à New York le 21 mai 1997, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec le cap-vert relatif à la gestion concertée des flux migratoires
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cap-Vert relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire (ensemble trois annexes), signé à Paris le 24 novembre 2008.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec le burkina faso relatif à la gestion concertée des flux migratoires
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire (ensemble six annexes), signé à Ouagadougou le 10 janvier 2009.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec l’irak relatif à la coopération dans le domaine de la défense
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Irak relatif à la coopération dans le domaine de la défense, signé à Paris le 16 novembre 2009.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
accord de stabilisation et d’association entre les communautés européennes et la bosnie-et-herzégovine
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la Bosnie-et-Herzégovine, d'autre part (ensemble sept annexes et sept protocoles), signé à Luxembourg le 16 juin 2008.
M. Didier Boulaud. Je demande la parole.
M. le président. Mon cher collègue, la procédure d’examen simplifié ne laisse normalement place à aucun débat. Mais puisque Noël approche, je ne voudrais pas vous priver d’un cadeau, et je vous donne donc la parole. (Sourires.)
M. Didier Boulaud. Merci, monsieur le président.
En tant que rapporteur pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du projet de loi autorisant la ratification de cet accord de stabilisation et d’association, je me réjouis que cette ratification soit enfin menée à bien. Je regrette toutefois que la France ait été le dernier pays de l’Union européenne à y procéder.
Notre pays devrait, me semble-t-il, se montrer un peu plus allant à l’égard des Balkans, ces territoires dans lesquels nous avons dû intervenir militairement par le passé, laissant malheureusement derrière nous quelques morts. Nous pourrions y jouer un rôle plus affirmé.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
accord avec la république slovaque relatif à la coopération dans le domaine de la défense
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération dans le domaine de la défense, signé à Bratislava le 4 mai 2009.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
6
Reconversion des militaires
Adoption définitive d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la reconversion des militaires (projet n° 611 [2009-2010], texte de la commission n° 154, rapport n° 153).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants, qui représente en ce moment même le Gouvernement aux obsèques du second maître Jonathan Lefort, tué le 17 décembre dernier en Afghanistan, lors d’une opération.
Vous le savez, quatre militaires du rang sur cinq quittent l’institution avant d’avoir accompli un parcours professionnel leur ouvrant droit à une pension de retraite. Ces carrières courtes sont une condition indispensable pour conserver une armée jeune et opérationnelle.
Dans ce contexte, l’aide à la reconversion est à la fois un droit et une nécessité : un droit pour les jeunes militaires, qui doivent pouvoir regagner la vie civile dans les meilleures conditions après avoir rempli leur mission au service de la patrie ; une nécessité pour le ministère qui doit, pour satisfaire ses besoins en recrutement, être en mesure de proposer une seconde carrière à son personnel, principalement aux hommes du rang et aux sous-officiers.
Cette nécessité est aujourd’hui plus criante que jamais : d’abord, parce que le financement des allocations chômage des anciens militaires pèse de plus en plus lourdement sur le budget de l’État – en six ans, cette charge est passée de 75 millions à 110 millions d’euros –, mais surtout parce que la loi de programmation militaire pour 2009-2014 prévoit une diminution des effectifs du ministère de 54 000 personnes, dont environ trois quarts de militaires.
Face à cette situation, depuis plusieurs années déjà, le ministère de la défense a pris des mesures fortes. Je pense au renforcement du dispositif d’aide à la reconversion des militaires, au sein des fonctions publiques comme dans le secteur privé. Je pense aussi à la création, en 2009, de l’agence de reconversion de la défense et à la mise en place d’une vraie politique d’orientation, de formation professionnelle et de recherche d’emploi.
Aujourd’hui, si les résultats sont globalement satisfaisants, avec un taux de reclassement des militaires qui atteint 69 % en moyenne – 71 % pour les officiers, 73 % pour les sous-officiers et 50 % pour les militaires du rang – ce dispositif présente cependant deux faiblesses : d’une part, 35 % seulement des militaires du rang quittant l’institution avec quatre ans d’ancienneté trouvent un emploi ; d’autre part, les reclassements dans la fonction publique sont inférieurs de moitié aux objectifs fixés initialement.
Pour pallier ces carences, nous devons prendre des mesures complémentaires : c’est tout le sens du projet de loi qui vous est soumis.
Ce texte doit nous permettre d’améliorer notre dispositif d’aide à la reconversion grâce à deux leviers.
Le premier est le congé de reconversion. L’article 1er du projet de loi tend à en assouplir les règles, de façon à permettre aux militaires de suivre une formation segmentée dans le temps. Le congé serait désormais fractionnable par journées, dans la limite de cent vingt jours ouvrés cumulés, contre six mois consécutifs au maximum actuellement.
En outre, le projet de loi ouvre le droit au congé de reconversion, dans la limite de vingt jours, aux volontaires ayant moins de quatre ans de services. Il s’agit d’un progrès important pour cette population fortement exposée au chômage, puisqu’elle ne disposait auparavant d’aucun dispositif complet d’accompagnement.
Le deuxième levier de progrès est l’aide à la création d’entreprise. Deux dispositifs expérimentaux ont été prévus en ce sens.
D’une part, est prévu à l’article 2 le congé pour création ou reprise d’entreprise, directement inspiré du dispositif existant pour la fonction publique. Ce congé d’une durée maximale d’un an, renouvelable une fois sur demande agréée, est destiné aux militaires ayant huit ans d’ancienneté.
D’autre part, le cumul d’activité entre l’activité de militaire et celle d’auto-entrepreneur a été autorisé par l’Assemblée nationale pour les militaires en fin de carrière. Prévue à l’article 3, cette mesure est très encadrée : elle est réservée aux militaires qui sont à moins de deux ans de la limite d’âge ou de durée de services ou bien aux militaires bénéficiant d’un congé de reconversion. Naturellement, ces activités d’auto-entrepreneur doivent être agréées par le commandement, car elles doivent être compatibles avec le bon fonctionnement des services.
Au-delà de ces mesures, le Gouvernement a souhaité que le projet de loi comporte deux séries d’articles additionnels, qui ont d’ailleurs tous été adoptés par l’Assemblée nationale.
La première série d’articles vise à assouplir et à rendre plus attractif le dispositif des emplois réservés de la fonction publique ouverts aux invalides de guerre et militaires blessés en opération, aux veuves, aux orphelins, aux enfants de harkis, ainsi qu’aux militaires en activité ou libérés depuis moins de trois ans. Il s’agit notamment de permettre aux candidats d’effectuer leur année de stage dans leur emploi réservé en conservant – j’insiste sur ce point – la rémunération qu’ils auraient perçue s’ils étaient restés en position d’activité au sein des armées ; cela signifie qu’ils ne subiront aucune perte à cet égard.
La deuxième série d’articles est destinée à permettre aux agents du ministère de la défense de se reconvertir dans le cadre d’opérations d’externalisation. Les personnels qui le souhaiteraient pourraient ainsi être mis à disposition des prestataires privés liés par un contrat de partenariat. Cela pourrait notamment être le cas dans le cadre du grand projet Balard.
En outre, les personnels des établissements publics du ministère de la défense pourraient désormais bénéficier des mises à disposition prévues par la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de conclure, je tiens à remercier le président Josselin de Rohan, ainsi que tous les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour leur fructueuse coopération avec le ministère. Je pense en particulier – personne n’en sera surpris – à l’éminent président André Dulait, rapporteur du texte au Sénat, qui a effectué un travail de préparation très efficace (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) pour que le projet de loi puisse être examiné rapidement, afin de répondre aux légitimes – mais vives – attentes du monde de la défense.
Avec ce texte, nous avons en effet l’opportunité de compléter la panoplie des outils de reconversion indispensables à la gestion de nos armées.
Nous répondons également aux aspirations des militaires, qui, à l’issue de leur carrière dans l’institution, souhaitent pouvoir s’insérer au mieux dans la société civile.
Enfin, nous nous donnons un atout supplémentaire pour réussir la modernisation de notre outil de défense, dans un contexte de réforme sans précédent, qui se traduit notamment par une forte réduction du format de nos armées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, avec la reconversion des militaires, nous abordons un grand sujet à travers un petit texte. Ne voyez là, monsieur le ministre, aucune critique ! (Sourires.)
Nous nous plaignons trop de l’inflation législative, qui nous fait réformer à tour de bras des pans entiers de notre législation, pour ne pas nous féliciter de voir un texte retoucher le code de la défense, afin de n’y apporter que des modifications nécessaires.
Un texte modeste, donc, mais un sujet important.
La reconversion est tout d’abord, historiquement, une mission des armées. Celles-ci prennent à la société une partie de notre jeunesse, pour la lui rendre quelques années plus tard. Ce brassage de jeunes Français de toutes origines rappelle l’existence d’un lien historique entre les armées et leur mission sociale de reconversion de leurs soldats. Cette mission n’a pas disparu malgré la fin de la conscription.
Il y a également un lien structurel entre les armées et cette mission de reconversion. Les carrières militaires sont en effet courtes. Ainsi, 80 % des militaires n’effectuent pas l’intégralité de leur carrière dans les armées. Ces dernières ont besoin de beaucoup de jeunes soldats aptes au combat et de peu de généraux.
La question de la reconversion se pose donc dès le recrutement. Les armées savent bien qu’elles pourront d’autant mieux recruter qu’elles sauront reconvertir.
Évidemment, cette reconversion revêt une importance conjoncturelle.
Vous l’avez largement souligné, monsieur le ministre : du fait du nouveau format des armées, celles-ci se seront, en 2014, séparées de 54 000 hommes, et c’est considérable. Nous avons jugé cette réforme nécessaire : la modernisation de nos armées passe par des effectifs resserrés, mieux équipés, plus entraînés. Nous devons toutefois veiller à la cohérence globale de l’action des pouvoirs publics. Les réformes actuelles préoccupent les familles de militaires et les bassins d’emploi concernés.
S’il nous faut moderniser notre outil de défense, il nous faut aussi lutter contre le chômage dans le contexte économique défavorable que nous connaissons. D’où l’impérieuse nécessité de reconvertir au mieux les anciens militaires.
La reconversion est donc un sujet d’importance, mais aussi un sujet délicat. Il faut ici concilier les aspirations individuelles et les besoins de l’institution militaire.
Les armées ne recrutent pas pour reconvertir, les armées ne forment pas pour reconvertir ; les armées recrutent et forment les soldats pour qu’ils accomplissent au mieux les missions qui leur sont confiées, au service de la nation.
Il faut donc trouver un juste équilibre entre la nécessité de rentabiliser les efforts consentis en matière de recrutement comme en matière de formation des soldats et la nécessité de préparer ces derniers à une reconversion leur permettant d’embrasser une seconde carrière. Cela suppose de veiller à ce que les efforts faits pour ceux qui partent ne soient pas supérieurs à ceux qui sont faits pour ceux qui restent.
Le chômage des militaires a un coût croissant, vous l’avez souligné, monsieur le ministre.
Pour bien des raisons, les pouvoirs publics ont, depuis plusieurs années déjà, renforcé le dispositif d’aide à la reconversion des militaires.
Comme vous l’avez également rappelé, en 2009, le Gouvernement a restructuré son dispositif au sein d’une agence unique, l’agence de reconversion de la défense.
D’ores et déjà, et en dépit d’un contexte économique difficile, les résultats sont globalement convenables. Cependant, le taux de reclassement n’est pas tout à fait satisfaisant pour les militaires du rang puisqu’il est de 50 %. Le taux de reclassement est encore moins bon pour les militaires du rang ayant quatre ans d’ancienneté : il n’est que de 35 %.
Ces chiffres permettent de comprendre clairement que la situation des militaires du rang, plus particulièrement de ceux ayant le moins d’ancienneté, est une priorité.
Les reclassements dans la fonction publique ne sont pas tout à fait satisfaisants non plus. Comme j’avais eu l’occasion de le dire lors de l’examen du budget, il fallait s’y attendre : seulement la moitié de l’objectif a été atteinte. En effet, toutes les administrations réduisent leurs effectifs et n’accueillent donc pas nos militaires à bras ouverts. Ces reclassements dans la fonction publique sont néanmoins en nette augmentation puisque près de 2 000 militaires ont intégré la fonction publique en 2009, soit une hausse de 54,6 % par rapport à 2008. Mais n’attachons pas plus d’importance qu’ils n’en ont à ces résultats statistiques.
Comme vous pouvez le constater, ce projet de loi comporte des dispositions très techniques et de portée limitée.
À lire certaines dispositions du projet de loi – « la prise en compte des congés maladie, dans la durée maximale du congé de reconversion à partir du quarantième jour de celui-ci » (Sourires.) –, on se dit que l’on est loin de l’esprit et de la lettre de l’article 34 de notre Constitution, qui prévoit que la loi fixe les principes fondamentaux.
Il s’agit vraiment ici de modalités pratiques. C’est, d’une certaine façon, l’illustration de l’inflation législative qui nous conduit à avoir toujours plus de lois et des sessions de plus en plus longues, ainsi que nous pouvons le vérifier ce soir même. C’est à l’image d’un goût très français pour la norme et les statuts, sinon d’une passion pour la réglementation, au moins d’un fort appétit pour la loi. (Nouveaux sourires.)
Portalis, à moins que ce ne soit Montesquieu, disait que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. Je ne crois cependant pas que ce projet de loi soit inutile, monsieur le ministre. Ses dispositions, telles qu’elles nous reviennent de l’Assemblée nationale, répondent très concrètement à différents besoins des armées. Il faut bien reconnaître qu’à partir du moment où des dispositions figurent dans la loi, elles ne peuvent être modifiées que par une autre loi.
Nous avons expertisé chacun des dispositifs. Nous avons procédé à plusieurs auditions. Les dispositions, telles qu’elles sont écrites, semblent bien atteindre les objectifs fixés. Aussi, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n’a-t-elle pas vu matière à proposer des amendements à ce texte. Elle ne voudrait pas contribuer, elle aussi, par des amendements superflus, à l’inflation législative.
C’est pourquoi, après l’adoption de ce texte à l’unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter ce texte sans modification.
Ce vote conforme est l’occasion, monsieur le ministre, de vous interroger – et, à travers vous, d’interroger le ministère de la défense – sur le financement de cette politique de reconversion.
L’action du ministère de la défense en faveur de la reconversion est financée par le titre II du budget de la défense. Or, depuis plusieurs années, ce titre souffre d’une sous-dotation structurelle de l’ordre de 250 millions d’euros.
Lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2011, le ministre de la défense nous a annoncé un « resoclage » de 113 millions d’euros, ce qui ne nous rassure pas entièrement.
Vous l’aurez compris, le bouclage financier de cette politique et, plus largement, celui de la réforme en cours suscitent une certaine inquiétude. On observe que, malgré la diminution des effectifs, la masse salariale s’est maintenue depuis trois ans. Les gains attendus de la réforme tardent.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer comment seront financés en 2011 le titre II et la politique de reconversion ? Quelles sont les mesures prises pour que la situation que nous avons connue en 2010, en particulier l’abondement de fin d’année de près de 200 millions d’euros, ne se reproduise pas en 2011 ?
Malgré ses interrogations, la commission vous propose, mes chers collègues, d’adopter le présent projet de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque année, environ 35 000 militaires quittent nos armées, et ce sont principalement des militaires du rang qui sont concernés par ces départs. En 2009, près de 20 000 de ces derniers ont quitté le service. En moyenne, ces militaires du rang quittent l’armée après environ quatre années de service, alors qu’ils sont âgés de 25 ans.
Il faut garder à l’esprit cet âge moyen pour comprendre à quel point il est essentiel que ces femmes et ces hommes entament leur seconde carrière professionnelle dans les meilleures conditions.
Les enjeux ont été très bien résumés par M. le rapporteur. Comme cela a été dit, la difficulté consiste à trouver l’équilibre entre l’intérêt de ceux qui partent et celui de ceux qui restent, entre les besoins de notre défense et ceux des femmes et des hommes qui la font vivre.
La période actuelle est difficile. Au sein de l’armée, la restructuration de notre outil de défense est très exigeante pour les civils et les militaires qui l’animent. Au dehors, la crise financière et le manque de compétitivité du pays compliquent l’accès à l’emploi pour tous, spécialement pour les demandeurs d’emploi les plus jeunes.
Dans ce contexte, je salue la création de l’entité « Défense mobilité » par l’arrêté du 10 juin 2009. Elle a permis de rationaliser les structures locales de reconversion. Regroupées et coordonnées, celles-ci sont plus efficaces que lorsqu’elles étaient éclatées dans les différentes armées.
J’espère que, dans le prolongement de cet effort, le présent projet de loi contribuera à un meilleur accompagnement des militaires vers une nouvelle carrière professionnelle.
Après avoir servi nos armées, les gradés comme les militaires du rang doivent pouvoir valoriser leur expérience pour embrasser la carrière qu’ils souhaitent. Il ne faut évidemment pas que leur horizon se limite aux secteurs de l’armement et de la sécurité, comme c’est actuellement le cas. Tous la société civile doit bénéficier de leur expertise, notamment les secteurs du génie, de la logistique, de l’informatique. Dans cette optique, il faut que leur formation et leur parcours soient attrayants pour les recruteurs dans tous les secteurs économiques.
Le texte que nous examinons est d’une portée limitée, mais il tend à faciliter la poursuite de l’activité professionnelle des militaires qui quittent l’institution.
Il comporte des dispositions relatives à deux mesures statutaires et vise également le bilan professionnel de carrière. L’Assemblée nationale l’a utilement complété et, comme le rapporteur, je ne pense pas qu’il soit utile que le Sénat y apporte d’autres modifications. Je vous indique d’ailleurs d’ores et déjà que les membres du groupe de l’Union centriste voteront ce texte.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite à présent évoquer deux pistes, deux perspectives, qui sont non pas concurrentes mais complémentaires des mesures prévues dans ce projet de loi.
Voilà quelques semaines, alors que nous débattions du système antimissile qui doit être mis en place en Europe dans le cadre de l’OTAN, j’ai eu l’occasion de rappeler le cœur de la doctrine militaire des centristes, qui est en vérité fort ancienne.
À nos yeux, la défense française doit s’inscrire dans le cadre à la fois de l’Alliance atlantique et du développement d’une véritable Europe de la défense ; notre position rejoint d’ailleurs celle du Président de la République. (D’un geste de la main, M. Didier Boulaud manifeste que cela ne lui paraît pas aller de soi.) Il doit en être ainsi pour nos forces, nos projets, nos moyens, que nous devons apprendre à mutualiser, mais également pour les hommes et les femmes qui font vivre nos armées. Sur tous ces plans, il est des bonnes pratiques dont nous devons nous inspirer.
Dans cet esprit, je souhaite évoquer tout d’abord le cas des États-Unis. Évidemment, dans la société américaine, l’armée joue un rôle très différent de celui qu’occupe l’armée française dans la société française.
Les inégalités sociales, le coût des études, le système de protection sociale, la place des jeunes dans la société et face à l’emploi : tout est si différent outre-Atlantique qu’il n’y a pas lieu d’établir des comparaisons qui ne pourraient être que vaines. Cependant, nous pourrions utilement nous inspirer de certaines pratiques, en les adaptant, évidemment, au contexte français. Je pense au système de bourses et de partenariat avec des universités mis en place par l’armée américaine pour attirer des recrues. Ces bourses permettent à des jeunes d’accéder à des études avant, pendant ou après leur service sous les drapeaux, alors que, dans ce pays, l’accès à ces formations est souvent réservé à une élite financière.
Fort heureusement, le système universitaire est très différent en France, mais cela ne signifie pas que nous ne devions pas songer à adapter chez nous ce qui se fait de bien chez nos partenaires.
La reconversion militaire se prépare évidemment au moment du départ, généralement dans les douze à dix-huit mois qui précèdent l’interruption de service. Mais elle gagnerait peut-être à être pensée plus en amont, plus tôt dans la carrière, voire dès l’entrée dans l’armée.
Le meilleur passeport pour l’emploi, assurément, c’est une formation de qualité, enrichissante, professionnalisante. L’armée procure cette formation aux militaires.
Depuis toujours, la formation militaire est reconnue, et aujourd’hui encore, notamment pour ce qui concerne les métiers techniques et d’ingénierie. Elle constitue un atout pour ceux qui cherchent ensuite à entamer une autre carrière dans le secteur privé. Mais l’armée recrute et forme pour que les militaires remplissent les missions qui lui sont dévolues, et non celles que leur confiera leur prochain employeur.
Compte tenu du très jeune âge des nombreux militaires qui souhaitent se reconvertir, il semble intéressant de réfléchir à des partenariats resserrés et durables entre la défense et des structures d’enseignement supérieur. Je sais que certains existent déjà, notamment pour les officiers. Je regrette d’ailleurs que le rapport de la commission n’apporte pas d’éléments sur ce point.
J’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous apporter des précisions sur ce qui existe et nous dire ce qui pourrait être fait pour avancer dans cette voie.
Je souhaite à présent évoquer le second pilier de notre défense et le cadre naturel dans lequel elle doit se développer : je pense bien sûr à l’Union européenne.
Plus précisément, je vise l’initiative européenne pour les échanges de jeunes officiers, inspirée du programme Erasmus. Je connais ce projet puisque j’ai été amené à présenter à l’Union de l’Europe occidentale un rapport sur ce sujet au mois de juin 2009.
Les ministres de la défense des pays membres de l’Union européenne ont discuté, au mois d’octobre 2008 à Deauville, de cette initiative, qui a été adoptée officiellement au mois de novembre suivant par le Conseil de l’Union européenne. À l’époque, Hervé Morin, alors ministre de la défense, a été l’un des acteurs principaux.
Il s’agit de permettre aux jeunes officiers européens, dès leurs premières années d’études, d’acquérir une compréhension supranationale des questions de sécurité et de défense, et de développer une attitude commune à cet égard.
Le projet « Erasmus militaire » a germé durant la préparation de la présidence française de l’Union européenne ; il est donc à porter au crédit du Président de la République. Il vise avant tout à constituer une culture de sécurité commune. L’idée n’est pas nouvelle : depuis longtemps, les pays d’Europe ont établi des relations en matière d’instruction et des programmes d’échanges bilatéraux variés. L’exemple le plus significatif est sans doute la coopération franco-allemande de sécurité et de défense, créée dans le cadre du traité de l’Élysée, signé cinquante ans plus tôt.
Aujourd’hui, dans tous les domaines, le fait de disposer d’une expérience à l’étranger est un atout. En faisant valoir une expérience d’études, de stage ou de travail effectués à l’étranger, les jeunes démontrent qu’ils savent s’adapter, évoluer dans un univers différent du leur. Ces expériences, auxquelles les recruteurs sont réellement sensibles, leur procurent ouverture d’esprit et audace. Elles enrichissent l’économie française.
Il semble par conséquent d’autant plus intéressant de relancer la dynamique autour du projet « Erasmus militaire ».
Dans une étude réalisée par le secrétariat général du Conseil de l’Union européenne au mois de septembre 2008, on pouvait lire ceci : « La formation initiale des officiers commence après le recrutement. Elle comprend trois sous-catégories : la formation “académique” et la formation militaire de base, toutes deux assurées par les académies militaires, et la formation professionnelle, dispensée dans d’autres écoles ou instituts de formation militaires. »
C’est dans le domaine académique que la charte Erasmus doit permettre des échanges entre États membres.
Aujourd’hui, moins des deux tiers des États membres reconnaissent la formation initiale reçue dans d’autres États membres. La proportion de jeunes officiers concernés par les différents programmes d’échanges existants, bilatéraux ou multilatéraux, y compris le programme Erasmus, demeure très limitée.
J’espère, monsieur le ministre, que, après avoir été à l’origine de ce projet, la France pourra lui donner un second souffle.
Je sais que le Royaume-Uni n’a pas manifesté d’intérêt pour l’initiative au moment où elle a été proposée. Peut-être la signature de deux traités historiques avec la France le 2 novembre dernier encouragera-t-elle ce pays à accueillir de jeunes officiers français dans ses écoles et à prendre une part plus active à ce projet.
Cet élan européen serait bénéfique non seulement à nos armées, mais aussi aux femmes et aux hommes qui la font vivre, pendant leur service et après, dans la suite de leur vie professionnelle.
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Monsieur le ministre, nous le savons tous, la reconversion des militaires est un élément important, et même très important, étant donné l’actuelle situation de la défense française ; elle doit être la garantie de la bonne santé des armées.
Parce qu’elle touche directement aux hommes et aux femmes qui composent la communauté militaire, nous savons qu’elle est une donnée clé de la défense.
Le dispositif de reconversion est de plus en plus présent dans la vie des militaires ; il s’agit donc de lui apporter un soin spécifique et des moyens à la hauteur des ambitions.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, fût-il de portée limitée, reste un outil nécessaire, destiné à améliorer le dispositif existant. Dont acte !
Le rapporteur a très bien rappelé les éléments techniques de ce texte. Je n’y reviendrai donc pas, mais je voudrais vous livrer mes réflexions et mes interrogations sur un sujet qui concerne des milliers de femmes et d’hommes qui ont choisi la carrière militaire.
Je souhaite cependant exprimer d’abord un regret, celui de voir ce texte examiné longtemps après qu’ont été prises des dispositions le concernant, comme l’arrêté du mois de juin 2009 relatif à l’agence de reconversion de la défense et le décret du mois de mars 2010 relatif à l’entretien préalable. Il eût été préférable et logique de procéder autrement.
Cela étant dit, peut-on étudier ce texte en ignorant les conséquences de la crise budgétaire dans laquelle nous ont plongé votre gouvernement et votre majorité ?
La crise financière internationale est un événement grave, dont les conséquences sont douloureuses, mais c’est votre gestion des finances publiques depuis 2002 qui a abouti à cette France aux caisses vides dont a parlé le Premier ministre.
Ainsi, des économies nouvelles devront être trouvées rapidement sur le budget des armées. Quel en sera le montant ? 3,5 milliards d’euros ? 3,9 milliards ? D’aucuns parlent même de 6 milliards d’euros…
Quoi qu'il en soit, ces économies auront de très sérieuses conséquences sur les emplois, qui seront, une fois de plus, appelés à diminuer, dans le secteur de la défense comme ailleurs. Or vouloir dégager plus de personnels, dans une période de crise, avec une situation de l’emploi qui se dégrade de jour en jour, c’est une gageure !
Monsieur le ministre, vous le savez comme nous, les personnels militaires, tout comme les personnels civils, feront les frais de la réduction des effectifs de la fonction publique et seront alors confrontés à un marché de l’emploi plus difficile que jamais.
Ces dernières années, le passage à une armée professionnelle, décidé par le Président Jacques Chirac, a mis la défense sous tension. Soumise à une réforme sans précédent, elle a dû se restructurer, tout en assurant ses missions et en affrontant de nouveaux défis.
C’était un remarquable effort qui, je tiens à le souligner encore une fois, n’avait été ni bien programmé ni bien préparé.
La professionnalisation a coûté plus cher que prévu et les économies que les concepteurs du système avaient fait miroiter n’ont jamais vu le jour.
Un tel rappel de l’histoire récente est utile pour comprendre que les propositions du Livre blanc et les dispositions de la loi de programmation militaire ne rassurent pas ceux qui, comme les militaires, comme les sénateurs, ont la mémoire alerte.
Les objectifs fixés par ces textes sont considérables : 54 000 suppressions de postes, comme l’a rappelé le rapporteur, et une vague d’externalisations.
Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, les armées sont, une fois encore, soumises à rude épreuve. Mais, bonnes élèves et disciplinées, elles vont s’appliquer à bien réaliser ces objectifs ! Raison de plus pour apporter tous les moyens budgétaires nécessaires à la reconversion des militaires.
Le dispositif de reconversion doit fonctionner. C’est une nécessité impérieuse, puisqu’il constitue un pilier central de la réforme en cours. De la grande manœuvre des ressources humaines dépend la réussite du modèle exposé dans le Livre blanc.
La qualité du dispositif de reconversion a une incidence directe sur la qualité du recrutement et sur la fidélisation des militaires engagés dans nos armées dans des carrières de courte durée.
Si le ministère ne maîtrise pas avec précision la manœuvre des ressources humaines, il peut en résulter des pertes de compétences extrêmement préjudiciables pour la défense en général et pour l’efficacité de nos armées en particulier. Il importe aussi d’améliorer le délicat équilibre entre le soutien et l’opérationnel.
N’oublions pas, comme le signale M. le rapporteur, que les armées ont un intérêt financier direct quant à l’efficacité des dispositifs de reconversion, dans la mesure où le ministère de la défense assume lui-même le coût du chômage des militaires non reconvertis. Ce coût ne cesse de s’accroître, hélas !
La réduction du format des armées conduit inéluctablement à un accroissement du nombre de départs, puisqu’il est passé de 28 000 en 2005 à 34 000 aujourd’hui, toutes catégories confondues.
Puisque la présentation du budget de la défense a manqué de sincérité, nous devrons très probablement assumer la nécessité d’une prochaine révision des objectifs et des moyens naguère définis par la loi de programmation militaire. Chacun le sait désormais, ce texte est caduc ou tout au moins obsolète.
Les rapporteurs de notre commission des finances ont pu prévoir « un risque de « cannibalisation » des dépenses d’équipement par les dépenses de fonctionnement, potentiellement à hauteur de plusieurs milliards d’euros ».
À l’horizon 2020, les perspectives financières et physiques de la mission « Défense » sont préoccupantes. La révision à la baisse des moyens en 2011-2013, dans le cadre de la programmation budgétaire triennale, n’incite pas à l’optimisme. C’est un constat partagé. En outre, l’impasse budgétaire dans laquelle nous nous enfonçons doucement a de quoi nous inquiéter.
La reconversion des militaires et la manœuvre des ressources humaines risquent, par conséquent, d’en faire les frais.
J’aborderai à présent, monsieur le ministre, le chapitre des interrogations, qui sont au nombre de trois.
Première interrogation : le ministère, et plus largement le Gouvernement, envisagent-ils la mise en place d’un nouveau plan de restructuration prévoyant encore la suppression d’un grand nombre d’emplois ?
M. Didier Boulaud. Vous me dites que non, mais il serait préférable de nous donner des précisions sur ce point. Nous prendrons ainsi date pour l’avenir.
M. Didier Boulaud. Deuxième interrogation : au ministère de la défense, déjà très sollicité ces dernières années, les conséquences d’une nouvelle réduction des effectifs peuvent être dramatiques.
La révision générale des politiques publiques, ou RGPP, s’inscrit dans une logique quelque peu suicidaire. Comment peut-on, en plein effort de reconversion, réduire les effectifs de la chaîne de reconversion, qui devraient passer d’un total de 680 actuellement à 515 d’ici à 2014, tout en augmentant ses missions ?
Dans ce contexte, quel est l’avenir des moyens octroyés à la reconversion des militaires et, in fine, celui de la reconversion ?
Troisième interrogation : la réduction du format des armées a-t-elle effectivement permis de renforcer l’aspect opérationnel de nos forces par rapport au soutien ?
Je ne veux pas conclure ce bref propos sans souligner le respect dû à ces femmes et à ces hommes, dont la carrière, parfois longue, mais plus souvent brève et intense, exige une disponibilité constante.
Nous venons de le constater, ces femmes et ces hommes sont prêts au sacrifice suprême. Au moment où le ministre de la défense leur rend hommage sur le terrain, j’aurai une pensée pour les familles des militaires qui ont perdu la vie dans le conflit afghan.
Faut-il rappeler que nous venons de perdre le cinquante-deuxième soldat dans ce conflit ? Ce chiffre confirme les propos tenus par le général David Petraeus, que nous avions eu le plaisir de rencontrer en début d’année à Tampa, et qui nous avait alors indiqué que l’année 2010 serait sans doute la plus meurtrière depuis le début du conflit. Je le souligne, le nombre de soldats de la coalition tués en Afghanistan depuis le 1er janvier 2010 a passé la barre des 700.
Il importe de rappeler le sacrifice de nos soldats. Mais, au-delà, nous devons nous interroger sur notre présence en Afghanistan. Quels sont nos objectifs réels et quelle issue envisageons-nous ?
Pour toutes ces raisons, la nation a l’obligation de proposer à ces militaires des perspectives dignes au terme de leur engagement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux, à mon tour, rendre hommage à tous les militaires engagés sur les théâtres d’opérations extérieures, en particulier au cinquante-deuxième soldat français décédé en Afghanistan le 17 décembre dernier.
Cette tragédie vient nous rappeler que la carrière militaire comporte une dimension que, vue de l’Hexagone, nous avons parfois tendance à oublier : le sacrifice de sa propre vie et le dévouement coûte que coûte à son pays et à la cause qu’il défend sont, en effet, constitutifs du statut de militaire. L’actualité le souligne souvent de façon dramatique.
C’est pourquoi, en retour, nous devons aux militaires une reconnaissance ne se limitant pas aux distinctions honorifiques, mais se concrétisant par des mesures destinées à compenser les contraintes de leur engagement.
Créer les meilleures conditions pour leur reconversion en fait partie. Tel est l’objet du projet de loi que nous examinons cet après-midi.
Comme l’a indiqué le rapporteur, André Dulait, le texte comporte des dispositions très techniques et de portée limitée, malgré l’ajout de six nouveaux articles par les députés.
Il n’est pas inutile de rappeler que, chaque année, 35 000 militaires quittent l’armée, après avoir effectué, pour la plupart, moins de quinze ans de service. Pour les militaires du rang, l’ancienneté ne dépasse guère quatre ans. Il s’agit donc d’une carrière très brève.
Il est naturellement indispensable de maintenir une armée jeune et opérationnelle. Aussi devons-nous affronter le délicat problème de la reconversion des jeunes.
Outre les obstacles techniques qu’ils peuvent rencontrer, ils ont parfois des difficultés psychologiques non négligeables.
Ayant été extrêmement encadrés dans l’armée, une fois rendus à la vie civile, s’ils ont le sentiment de profiter d’une certaine liberté, il leur est parfois difficile de faire face, du jour au lendemain, à leurs responsabilités individuelles. Cet aspect de leur situation est très important.
En outre, les militaires sur le théâtre d’opérations peuvent être relativement traumatisés par ce qu’ils ont vécu durant les années passées dans l’armée.
À la sortie de ces années d’engagement, malgré les dispositifs de reconversion existants, tous les militaires ne sont pas assurés de trouver un emploi. Le chômage affecte plus particulièrement les militaires du rang, aussi bien en termes de taux que de durée.
En 2009, le taux de chômage des militaires de l’armée de terre, constaté dans l’année de leur départ, était de près de 8 % pour les officiers, d’un peu plus de 9 % pour les sous-officiers et de près de 19 % pour les militaires du rang.
Ces derniers doivent donc bénéficier d’une action plus soutenue, d’autant que la réduction du format des armées, opérée dans le cadre de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014, prévoit, à terme, la suppression de 54 000 emplois.
J’ajoute que l’enjeu de la politique de reconversion n’est pas seulement de nature individuelle. Il est aussi collectif. En effet, le dynamisme du recrutement dépend en partie des perspectives de reconversion.
Or, depuis quelques années, après une période relativement euphorique, l’armée ne fait plus recette ! Depuis 2008, on constate une baisse très sensible du nombre de candidats à la carrière de militaire. Pour l’armée de terre, le nombre de candidats par poste ne dépasse pas 1,6.
La qualité de notre armée et, donc, la sécurité de notre pays pourraient in fine souffrir de cette désaffection.
Pourtant, vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, il existe un dispositif de reconversion, qui permet d’absorber une grande partie des militaires de retour à la vie civile.
Comme vous le savez, mes chers collègues, les pouvoirs publics articulent la reconversion des militaires autour de deux dispositifs destinés à favoriser l’accès, l’un à la fonction publique, l’autre au secteur privé par le biais d’aides à l’orientation, à la formation ou à l’accompagnement.
Cependant, à l’évidence, dès lors que notre pays connaît une crise, la reconversion devient beaucoup plus difficile que dans les périodes d’euphorie économique.
L’Agence de reconversion de la défense, l’ARD, mise en place en 2009, décline ces dispositifs aux échelons national, régional et local.
Actuellement, les résultats de la reconversion sont corrects compte tenu du contexte économique. Le taux global de reclassement des militaires est en effet de 71 %.
Toutefois, si l’on examine les chiffres dans le détail, on ne peut se satisfaire d’un taux qui tombe à 50 % pour les militaires du rang et à 35 % pour ceux ayant peu d’ancienneté. Autrement dit, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce sont les militaires qui restent le moins longtemps dans l’armée qui rencontrent le plus de difficultés à se réinsérer dans la vie civile.
C’est pourquoi le projet de loi ouvre de nouvelles opportunités en assouplissant les règles du congé de reconversion. Ainsi, les militaires pourront suivre une formation segmentée dans le temps. Le congé de reconversion est enfin ouvert aux volontaires ayant moins de quatre ans de services effectifs. Un congé pour la création ou la reprise d’entreprise est également proposé.
L’Assemblée nationale a ajouté quelques dispositions qu’il convient également de souligner. Je pense, en particulier, au dispositif permettant de cumuler l’activité de militaire et celle d’auto-entrepreneur.
Si ces mesures vont dans le bon sens, on peut cependant s’interroger sur le financement de toute cette politique de reconversion.
Monsieur le ministre, il est à souhaiter que ces dispositifs fonctionnent, puisque c’est le ministère de la défense qui supporte le coût du chômage.
Par ailleurs, pourriez-vous nous communiquer les coûts prévisionnels de ces nouvelles mesures et les moyens que vous pourrez y consacrer ?
Mes chers collègues, même si le Parlement a des prérogatives relativement limitées dans le domaine des affaires étrangères, nous y avons consacré de nombreux débats durant ces derniers mois, notamment concernant l’OTAN, la défense antimissile et la situation au Moyen-Orient. Dans ces échanges, il fut surtout question de grande stratégie.
Aujourd’hui, nous avons l’occasion plus rare de nous pencher sur tous ces hommes et ces femmes qui sont les principaux acteurs de la sécurité de notre pays. Au cours de leur courte carrière, ils ont acquis des compétences et des savoir-faire qui peuvent être utilement réemployés dans la vie civile.
Il nous reste à améliorer le regard porté sur les garnisons militaires dans les villes qui les accueillent, afin d’empêcher que le monde militaire et le monde civil soient séparés par une cloison étanche.
C’est une situation qui nous échappe à nous, élus, puisque nous entretenons généralement des relations de partenariat et de confiance avec les militaires. Cependant, même si la population vit la présence de ces derniers de manière tout à fait naturelle, une interpénétration des deux sphères serait utile.
Certes, ce texte ne résoudra pas toutes les difficultés de la reconversion des militaires. Toutefois, les quelques avancées qu’il contient méritent d’être adoptées. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’associe à mon tour à l’hommage rendu par nos collègues à nos soldats, en particulier à ceux qui sont les plus exposés. L’actualité vient de nous rappeler cruellement que notre engagement en Afghanistan, largement désapprouvé par nos compatriotes, est très lourd en pertes humaines. Aujourd'hui, nos pensées vont aux familles des victimes ; nous les assurons de notre soutien dans cette douloureuse épreuve.
De longue date, nos armées s’attachent à reconvertir certains de leurs personnels dans la vie civile. À l’heure actuelle, cette question s’inscrit dans un contexte nouveau, marqué par la professionnalisation des forces depuis les années quatre-vingt-dix, la suspension de la conscription en 1996, le chômage élevé dû à la crise économique et financière, les contraintes budgétaires imposées à tous les ministères.
La reconversion est aussi un enjeu essentiel pour le bon fonctionnement de notre outil de défense. Elle est non seulement la condition du renouvellement des effectifs pour préserver la jeunesse de nos armées, mais aussi la contrepartie des contraintes inhérentes à la vie militaire et l’un des moyens d’assurer l’attractivité de l’institution.
Le dispositif global actuel est large. À ce jour, il fonctionne modestement, mais de façon satisfaisante. Cependant, en raison des charges supplémentaires et des nouveaux défis auxquels il est confronté, il risque d’être de plus en plus inadapté et en décalage avec la réalité de notre société.
Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous soumettez a donc pour objectif louable d’améliorer et de compléter ce qui existe. Toutefois, il le fait à la marge, sur des aspects très techniques, qui plus est « toutes choses égales par ailleurs », c’est-à-dire sans tenir réellement compte de l’évolution de la société dans laquelle nous vivons.
C’est la raison pour laquelle je serais tentée de le qualifier de virtuel. Certes, il ouvre des droits, encore que ce soit sur des points mineurs, mais il fait l’impasse sur leur possibilité d’application. L’étude d’impact qui l’accompagne le montre de façon flagrante !
Le Gouvernement a dû prendre conscience du peu de consistance de son projet de loi initial, puisqu’il a présenté des amendements à l'Assemblée nationale visant à faire passer le nombre d’articles de ce texte de deux à huit. Hélas ! les dispositions introduites ne concernent que des aspects mineurs, quand il ne s’agit pas tout simplement de précisions rédactionnelles.
Je m’interroge, en outre, sur l’opportunité de passer par la voie législative pour aboutir à un résultat aussi mince.
Comme le souligne d’ailleurs avec justesse le rapporteur, André Dulait, ce texte comporte des dispositions très techniques, de portée limitée, et qui semblent éloignées de l’esprit et de la lettre de la Constitution, laquelle prévoit que la loi fixe les principes fondamentaux et non des modalités pratiques.
Pour autant, le dispositif de reconversion des personnels militaires a incontestablement besoin d’être amélioré et complété. Au vu de la gravité de la situation – la RGPP et la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 prévoient la suppression de 54 000 emplois d’ici à quatre ans –, ce projet de loi aurait mérité d’être plus ambitieux pour être plus efficace.
Convenons-en, les résultats de la reconversion sont contrastés.
D’un côté, alors que près de 35 000 militaires quittent chaque année les armées, 21 000 prestations d’orientation, de formation professionnelle et d’accompagnement vers l’emploi ont été accordées l’an dernier. Autrement dit, le taux de reconversion, c’est-à-dire de ceux qui trouvent un emploi après leur départ des armées, est d’environ 70 %.
D’un autre côté, 61 % des militaires ayant quitté l’armée en 2007 n’avaient pas eu recours aux différents dispositifs de reconversion, 25 % des militaires du rang connaissent une situation de chômage dans l’année suivant leur départ, près de 9 000 anciens militaires sont inscrits au chômage et, enfin, seuls 60 % des militaires quittant l’institution sont éligibles à l’ensemble des prestations de reconversion en vigueur. Quant aux reclassements dans la fonction publique, ils sont de moitié inférieurs aux objectifs initiaux.
On constate donc que le dispositif de reconversion ne concerne qu’une partie des militaires, puisque seuls ceux qui justifient de plus de quatre ans de service peuvent bénéficier de l’ensemble des prestations de reconversion. L’exclusion du bénéfice de ce congé pour ceux qui ont effectué moins de quatre ans de service prive statutairement 38 % des militaires.
Des mesures d’assouplissement et d’élargissement du congé de reconversion étaient donc absolument nécessaires.
Ainsi, en adaptant les modalités du congé de conversion à la diversité des parcours de formation du secteur civil, le présent texte permet de prendre ce congé de manière fractionnée lorsque la formation suivie l’exige.
De même, les volontaires ayant accompli moins de quatre années de services effectifs sont autorisés à bénéficier d’un congé de reconversion court d’une durée maximale de vingt jours ouvrés. Cette mesure, qui touchera essentiellement de jeunes gendarmes peu diplômés, est également bienvenue.
L’autre grande disposition de ce projet de loi est l’instauration d’un congé pour création ou reprise d’entreprise.
C’est une adaptation du parcours individualisé du créateur ou repreneur d’entreprise qui instaure le congé pour création d’entreprise comme nouvelle position statutaire d’activité.
Dans la mesure où cette disposition s’inspire du congé proposé aux agents publics depuis la loi du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, était-il absolument nécessaire de l’inscrire dans une loi et même d’en faire le second point fort de ce texte ?
Il faut prendre la mesure réelle de cette nouvelle disposition. L’étude d’impact montre que cette dernière est très restrictive, puisqu’elle ne toucherait potentiellement qu’une vingtaine de militaires par an, lesquels, au surplus, pourraient être compris parmi les 200 bénéficiaires du parcours individualisé du créateur ou repreneur d’entreprise.
Cela étant, ce dispositif peut constituer un petit complément aux conventions signées entre le ministère de la défense et de grands groupes français.
Pour le reste, loin de fixer de grands principes législatifs, le texte ne prévoit que des mesures de détail, loin d’être inutiles certes, mais qui ne sont pas à la hauteur du problème posé.
En cinq articles, vous autorisez un cumul d’activité pour une vingtaine de militaires souhaitant devenir auto-entrepreneurs, vous ouvrez quelques rares emplois réservés de la fonction publique, vous modifiez les modalités de fixation des établissements concernés par ces emplois, ou encore vous autorisez l’externalisation de la restauration de l’École polytechnique et de notre futur « Pentagone » français sur le site de Balard.
Tout cela peut aider la recherche d’emploi, mais ce n’est pas la garantie de retrouver un emploi.
Surtout, et d’aucuns l’ont souligné avant moi, quelle peut-être l’utilité de donner un cadre législatif à un tel dispositif sans avoir les moyens de le faire fonctionner, c’est-à-dire sans en avoir vraiment prévu le financement ?
L’expérience des années précédentes nous montre que, face à la demande, les mesures d’accompagnement social des départs ont toujours été insuffisamment budgétées. Je comprends bien que l’intérêt de la reprise ou de la création d’entreprise est de réaliser des économies, puisque le ministère de la défense aura ainsi moins d’indemnités de chômage à verser. Il n’en demeure pas moins que je reste très sceptique sur les incidences d’une telle mesure : si nous savons qu’elle touchera peu de monde, en revanche, nous ignorons tout de son coût.
Le défi d’un système de reconversion adapté à la situation ne pourra être relevé avec ce seul projet de loi. Il faudra, comme l’a suggéré le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire dans son rapport du mois de juin dernier, que vous preniez un ensemble de mesures d’ordre réglementaire et de gestion.
Dans cette attente, monsieur le ministre, alors que le contexte économique devient de plus en plus difficile, je ne crois pas qu’en l’état, ce texte permette véritablement de consolider l’accompagnement de la reconversion des militaires pour leur permettre de réussir une seconde carrière dans la vie civile.
C'est la raison pour laquelle le groupe CRC-SPG s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant tout, je souhaite, au nom du groupe UMP, m’associer à l’hommage que rend en ce moment même, à Lorient, le ministre de la défense à l’officier marinier décédé en mission vendredi dernier. Nos pensées vont à sa famille et à celle du capitaine du 2e régiment étranger de génie : nous les assurons tous de notre soutien dans cette épreuve. Je tiens également à saluer l’ensemble de nos soldats actuellement en OPEX.
Le projet de loi que nous examinons porte sur la reconversion de nos soldats. C’est pour les armées et le ministère de la défense dans son intégralité un défi qu’il nous faudra relever au cours des dix prochaines années. Il y va ni plus ni moins de son avenir en tant qu’institution. À cet égard, je me félicite du travail accompli par notre rapporteur, André Dulait, qui suit ces questions depuis longtemps au sein de la commission des affaires étrangères.
Je ne reviendrai que partiellement sur le détail de ce texte, les intervenants précédents l’ayant fait avant moi. Ce projet de loi constitue une première étape, car la reconversion des militaires doit s’accompagner d’une réflexion beaucoup plus large sur laquelle je souhaite attirer votre attention.
À terme, il s’agit aussi de savoir quelle place les anciens militaires peuvent occuper dans la vie civile alors qu’ils ont servi la nation, mais aussi de quels profils nos armées auront besoin. En résumé, le ministère de la défense mène et doit poursuivre une véritable politique de ressources humaines : elle est en cours, mais elle doit encore évoluer.
Depuis 1996, les armées ont connu de véritables bouleversements qui les ont profondément modifiées et ce, jusque dans leur identité.
À l’époque, rappelez-vous, nous avions pensé définir un modèle d’armée qui devait correspondre à une armée moins nombreuse, mais aux capacités techniques accrues.
Ce modèle d’armée 2015 s’est révélé trop lourd et inadapté du point de vue des réalités géopolitiques comme des besoins de notre pays en tant que puissance militaire digne de ce nom sur la scène internationale, c’est-à-dire capable d’avoir une réelle force de projection matérielle et humaine.
Plus de dix ans après la suppression du service militaire, nos armées doivent répondre à un problème identitaire. La création de contrats courts implique un turnover auquel s’ajoute celui qui est issu de la RGPP et qui rime avec suppression de postes et externalisation de certains services. Concrètement, cela entraîne la suppression de 54 000 postes dans les années à venir.
Rappelons que le ministère des armées en est à sa deuxième réforme. Avec la dernière loi de programmation militaire, ces restructurations ont permis de mettre en place, en quelque sorte, un cercle vertueux : une partie non négligeable des économies issues des réorganisations et restructurations est affectée à la revalorisation de la condition militaire. Peu de ministères peuvent s’en prévaloir.
Si le ministère de la défense a externalisé certaines fonctions de support, dans un souci de rationalisation et d’optimisation de gestion, cela a été fait dans un objectif : recentrer la politique de ressources humaines autour du soldat lui-même.
Parallèlement, la France doit faire face à de nouveaux impératifs stratégiques, notamment des menaces nouvelles, l’engagement sur des théâtres d’opération d’un nouveau type, qui impliquent le retour aux fondamentaux qui composent l’armée, à savoir le soldat en OPEX.
Nos armées sont confrontées à la confluence de deux phénomènes, d’une part, l’arrivée à la retraite des engagés, notamment de ceux qui avaient un contrat d’une durée allant de cinq ans à quinze ans, et, d’autre-part, le non-renouvellement de contractuels de la défense.
Cependant, nous préoccuper de la reconversion des militaires nous engage aussi à mieux définir en amont les besoins réels des armées pour les années à venir, en termes tant de projection des forces en OPEX que d’anticipation des menaces depuis le territoire national.
La professionnalisation de l’armée posait déjà, en 1996, le défi de la reconversion des soldats et de leur réintégration dans la vie civile, et ce dans une société pacifiste pour laquelle les notions de « perte humaine » et de « sacrifice pour la Nation » sont inconnues et riment parfois avec incompréhension.
Un tel turnover impose au ministère de la défense de recruter à un rythme soutenu, donc de susciter non plus des vocations pour une vie entière, mais l’envie de s’engager « seulement » – si je puis me permettre une telle expression – pour quelques années, années au cours desquelles on peut perdre la vie. Il s’agit de donner le désir d’intégrer, pour un temps plus limité, une institution qui représente la nation et qui se bat pour elle.
Au cours des campagnes de recrutement, le ministère de la défense a mis en valeur les multiples formations accessibles. Si l’armée offre la possibilité d’exercer de nombreux métiers spécifiques, ces derniers doivent pouvoir trouver une transcription dans la société civile.
La dernière loi de programmation militaire que nous avons votée implique, nous le rappelions, la reconversion de 54 000 postes. Le reclassement et la reconversion de ces personnes sont donc essentiels.
Désormais, le « passage dans l’armée » doit être une plus-value et se traduire « positivement » au cœur de la société civile professionnelle. C’est dans cette optique que l’Agence de reconversion de la défense, l’ARD, créée en 2009, et les dix pôles Défense Mobilité devront adopter une politique des ressources humaines digne des stratégies des chasseurs de têtes.
Si nous ne voulons pas que les futurs ex-soldats deviennent des inactifs, la fin des contrats doit se traduire impérativement par une validation des acquis de l’expérience, ou VAE dans le jargon de la formation professionnelle, et ce avant que les personnels militaires ne commencent, si nécessaire, une nouvelle formation, qui constituera pour eux une transition entre deux vies.
Le présent texte s’inscrit dans la continuité des précédentes réformes. Surtout, il comporte deux principales améliorations techniques.
Premièrement, il assouplit certaines des conditions d’accès au congé de reconversion.
En effet, il rend plus flexible le régime actuel du congé de reconversion réservé aux militaires ayant accompli au moins quatre années de service et il permet, par ailleurs, aux volontaires enregistrant moins de quatre ans de service de bénéficier d’un congé de reconversion de courte durée.
Deuxièmement, il instaure un congé pour la création ou la reprise d’entreprise.
Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que ces dispositifs offrent une meilleure flexibilité et, surtout, correspondent à la réalité difficile du marché du travail.
C’est pour ces raisons, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que le groupe UMP votera le présent texte, qui témoigne de l’engagement du ministère de la défense envers ceux qui doivent le quitter.
Enfin, il me semble également que la reconversion doit s’accompagner de la reconnaissance par la société de citoyens qui, après leur passage dans les armées pour la nation, auront été profondément marqués par une expérience multiple qui doit pouvoir bénéficier à la société civile entière.
Il s’agira alors de valoriser l’expérience républicaine, le respect de la hiérarchie et de l’autorité, le dépassement de soi, le développement de capacités telles que la gestion des conflits et des crises en faisant appel à des moyens humains ou matériels.
La promotion et la mise en valeur de ces aptitudes doivent se faire par le biais de la Journée défense et citoyenneté, la JDC. Celle-ci doit encore être améliorée, de façon à susciter davantage l’envie de s’engager. Pour recruter, l’armée doit mettre en place une stratégie en quelque sorte de soft power pour elle-même.
Par ailleurs, les JDC constituent un moment idéal pour permettre aux militaires de repérer les futurs « engagés », une première étape dans la démarche de recrutement.
De plus, il appartiendra au ministère de la défense de mettre en place une véritable politique de retour et de valorisation des soldats revenant des OPEX. La bonne gestion de ces nouveaux et jeunes vétérans est primordiale pour le ministère.
Mes chers collègues, de ce point de vue, l’exemple américain est des plus intéressants. Les études de la Rand center for military health policy research doivent être une source d’inspiration. Quid de ceux qui se sont battus lors de la première guerre du Golfe ? Quid de ceux qui sont allés en Bosnie ? Quid de ceux qui auront connu le Rwanda, le Tchad et bien d’autres régions de conflits ?
Il serait intéressant de bénéficier d’études approfondies pour savoir à quelles catégories socioprofessionnelles ces combattants appartiennent aujourd’hui.
Une telle politique implique également un réel suivi de ces anciens soldats, qui sont des ambassadeurs de l’armée au sein de la société civile. Pour ce service des armes par le passé, la nation entière doit être consciente, et non critique, avant d’être reconnaissante.
Sur la préparation, chaque OPEX, notamment celle qui se tient actuellement en Afghanistan, requiert une formation spécifique, qui est très éloignée, reconnaissons-le, des formations des métiers du civil. Pour autant, ces préparations intenses et de haut niveau doivent être mises en avant et valorisées, car l’armée investit dans la formation de ses soldats.
Par ailleurs, beaucoup d’engagés ont appris un métier avec une spécialisation technique ou technologique, qui trouve une traduction immédiate dans la vie civile.
Aussi, monsieur le ministre, il faut reproduire le très bel exemple du récent partenariat de « Défense Mobilité » avec le groupe SPIE, spécialisé dans des activités multitechniques, regroupant le génie électrique, climatique et mécanique, la maintenance, les services d’information et de communication, le nucléaire.
Les OPEX doivent pouvoir se traduire sur un curriculum vitae comme une expérience internationale.
Cependant, il est possible d’atténuer le turnover grâce à une politique de fidélisation. Il faut favoriser l’accès aux écoles de sous-officiers et d’officiers. Reconnaissons-le, une telle démarche passe également par la revalorisation des soldes, ainsi que par une refonte de la formation initiale, dont certains aspects ont des équivalences dans les métiers du civil.
Par exemple, la gestion des troupes et le commandement ne sont ni plus ni moins que du management, matière largement enseignée dans les écoles de commerce.
De plus, il me paraît important de développer et d’améliorer l’apprentissage des langues, en particulier de l’anglais. La France ayant réintégré le commandement intégré de l’OTAN, elle se doit de fournir des soldats au sein des contingents internationaux.
M. Didier Boulaud. Elle le faisait déjà auparavant !
M. Jacques Gautier. Par leur comportement exemplaire et le rôle qu’ils jouent dans la gestion des conflits, les soldats français sont reconnus pour leur sens de l’humain et pour leur bonne appréhension des populations locales. Voilà qui mérite d’être rappelé et optimisé dans leur formation initiale.
Bien sûr, il ne s’agit pas de transformer nos soldats en géopoliticiens bilingues. Cependant, pour faire de la gestion de crise, ils auront besoin de recevoir des formations plus approfondies, dans les domaines culturel, religieux, géographique, sur la situation des pays dans lesquels ils seront envoyés.
C’est déjà partiellement le cas actuellement, mais il est important, dans la perspective de la reconversion, de promouvoir ces enseignements.
Pour conclure, je terminerai avec cette vision : le ministère de la défense forme des soldats, mais aussi des citoyens.
M. Jacques Gautier. Le contexte géopolitique mondial et la place de la France sur la scène internationale nécessitent le recrutement et la formation d’un soldat d’un genre nouveau, un soldat aux capacités et aux savoirs multiples, techniques et humains, qui pourra réintégrer une société civile dans laquelle il devra prouver que son « passage dans l’armée » équivaut à un passage dans une bonne école.
De cette école qu’est l’institution militaire, nos soldats doivent être fiers, qu’ils y soient restés cinq ans seulement, dix ans ou à vie.
Toutefois, c’est également à nous, politiques, qu’il appartient de créer et de tisser le lien entre l’armée et le reste de la nation, en facilitant les conditions de la reconnaissance, puis les passerelles professionnelles qui permettront le retour de nos soldats dans la société civile. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je tiens à rendre hommage à nos soldats de manière générale et, en particulier, à ceux qui sont sur les terrains opérationnels. J’aurai une pensée attristée pour les familles des deux soldats français tombés récemment en Afghanistan.
Le travail accompli au sein de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées nous a permis d’appréhender la pertinence du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui.
Les observations avancées par André Dulait, dans son rapport, nous conviennent, et je partage l’objet du projet de loi : améliorer l’efficacité du reclassement des militaires.
Pour autant, nous devons voir la réalité telle qu’elle est. Didier Boulaud, ainsi que d’autres intervenants, viennent de rappeler quelques vérités budgétaires et financières qu’il ne faut pas perdre de vue.
Si nous ne fixons pas des moyens à la hauteur de l’objectif visé, les bonnes dispositions du projet de loi seront inopérantes.
À cet égard, monsieur le ministre, je suis désolé de vous rappeler que la conjoncture économique ne nous rend pas optimistes.
M. Bernard Piras. Je souhaite que l’avenir nous donne tort ! Malheureusement, je crains que la suite des événements ne nous donne raison.
La seule finalité d’une armée, c’est l’engagement opérationnel. Tel est le sens premier de la réorganisation en cours d’exécution de la défense.
L’actuelle déflation des effectifs doit donc permettre de bâtir une armée jeune, dynamique, opérationnelle et disponible. Vaste défi, tant la RGPP frappe avec force les effectifs et modifie les structures.
Dans ce contexte, l’amélioration des dispositifs de reconversion des militaires est singulièrement importante pour l’attractivité de la carrière militaire.
En effet, pour susciter des vocations, un corps de métier doit veiller à ce qu’il y ait un « après », une sortie par le haut de ses effectifs. Cet objectif nous semble très important.
Il s’agit d’offrir aux militaires qui le souhaitent une reconversion souple, adaptée, accessible à tous, sans distinction de rang.
Il y va aussi de la juste reconnaissance que la société doit offrir aux femmes et aux hommes qui assurent la sécurité de la nation. Je considère que nous nous devons d’assumer sérieusement cette obligation.
Améliorer la reconversion des militaires nécessite de corriger le manque d’adaptation de certains outils statutaires. En même temps, il faut faire face à la montée d’un chômage structurel, à la RGPP et à l’évolution récente des politiques publiques en matière de mobilité professionnelle. L’addition de tous ces éléments a rendu la question fort complexe.
Le dispositif de reconversion est confronté aujourd’hui à cinq défis principaux.
Le premier défi concerne l’augmentation du flux de départs des armées. Leur nombre est en effet passé de 28 728 en 2005 à 34 696 en 2009. Il est en outre appelé à s’accroître avec la suppression de 54 000 postes prévue d’ici à 2014 par la loi de programmation militaire.
La réorganisation de la défense touchera à la structure des effectifs, notamment pour les officiers. Or il faudra valoriser les ressources humaines, sachant que le pyramidage des corps est déjà en équilibre fragile. Une telle mesure aura un coût !
Deuxième défi : les profils des partants varient beaucoup en fonction de l’âge, de la catégorie ou de l’armée. Les militaires quittant le service en 2009 comportaient 19 332 militaires du rang, 12 784 sous-officiers et 2 580 officiers ; leurs perspectives de sortie, comme leur adaptabilité aux postes civils, ne sont pas les mêmes. Certains facteurs ne sont pas maîtrisés par le ministère de la défense, notamment l’évolution du marché de l’emploi et les capacités de ses personnels à se reconvertir.
Sans doute faudra-t-il accompagner les évolutions par des mesures d’incitation au départ, qui ne pourront être que financières ou symboliques. Je crains cependant que l’efficacité du levier symbolique ne soit extrêmement limitée en la matière.
Troisième défi, une contrainte forte est la réduction programmée des effectifs, qui concerne aussi la chaîne de reconversion elle-même, dont les effectifs doivent passer de 680 actuellement à 515 en 2014.
À cela s’ajoute le coût du chômage des militaires non reconvertis, assumé par le ministère de la défense. Or le nombre de chômeurs augmente.
Ensuite, le chef d’état-major de l’armée de terre nous indiquait récemment : « La première de toutes mes préoccupations est la stabilisation d’un turnover de notre ressource humaine, que j’estime trop rapide, car il nous épuise en termes de recrutement, puis de formation, et surtout épuise nos viviers traditionnels ».
Les armées, soumises aux tensions propres à leurs missions, auront du mal à assumer un tour de vis supplémentaire en termes d’effectifs.
Quatrième défi, les mutations induites par la profonde crise économique sur le marché du travail supposent une grande réactivité de la chaîne de reconversion du ministère et tendent à empêcher une réinsertion rapide, durable et de qualité des militaires dans la vie civile.
Par exemple, les reclassements dans la fonction publique, pour le personnel militaire, n’ont pas été à la hauteur des objectifs, ce qui a contraint les armées à utiliser d’autres outils pour favoriser les départs.
Par ailleurs, la mise en place d’une agence unique, l’Agence de reconversion de la défense, semble donner de bons résultats. Le taux global de reclassement des militaires est aujourd’hui de 69 % : 71 % pour les officiers, 73 % pour les sous-officiers et 50 % pour les militaires du rang.
Comme vous le constatez, mes chers collègues, il y a encore des efforts à faire et le marché du travail – c’est un euphémisme – n’est pas favorable !
Cinquième défi, dans le contexte actuel de déflation des effectifs, le recrutement et la fidélisation restent plus que jamais les priorités si l’on veut pouvoir compter sur une armée jeune, opérationnelle et motivée.
Or nous savons tous que si la déflation d’effectifs se fait en resserrant trop les recrutements, cela se traduira par le vieillissement des armées, un déséquilibre de la pyramide des grades, un embouteillage des carrières et, vraisemblablement, un gonflement des soutiens.
Ce projet de loi vise formellement à répondre à ces défis, que je viens d’énoncer sommairement. Il adapte, aménage et élargit les possibilités offertes par le dispositif de reconversion. Or cet outil ne pourra donner sa pleine mesure que si les crédits affectés sont à la hauteur de la situation.
Enfin, monsieur le ministre, je poserai une petite salve de questions, consacrée à l’application aux armées de votre réforme des retraites.
Quel sera l’impact de la récente réforme des retraites sur l’effort entrepris par les armées pour fidéliser les militaires du rang ?
Le prolongement des carrières va à l’encontre de la réduction du format, qui repose, en partie, sur les départs naturels. Quelle sera l’incidence de cette loi sur la déflation des effectifs ?
Soyez-en sûr, monsieur le ministre, vos réponses nous intéressent au plus haut point ! En tant qu’ancien sénateur et ancien ministre chargé des relations avec le Parlement, vous aurez à cœur, je le sais, de nous éclairer sur ces sujets ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait, rapporteur. Monsieur Fortassin, vous avez évoqué longuement la baisse de la qualité du recrutement. Je souhaite apporter quelques éléments d’information sur ce point.
La sélectivité du recrutement s’est maintenue puisqu’elle s’établit, pour les hommes de troupe de l’armée de terre, à un 1,8 candidat pour un poste. Nous enregistrons donc une légère augmentation par rapport à l’année précédente. Cet effort mérite d’être souligné.
En outre, comme l’a dit Jacques Gauthier, le vrai défi est bien dans la fidélisation. Il faut, en effet, que nous rentabilisions les carrières en portant leur durée de quatre à cinq ans, voire à six ans, ce qui sera véritablement une réussite totale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre. Je veux d’abord remercier M. le rapporteur et l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés, les féliciter pour le climat dans lequel le dialogue s’est instauré cet après-midi au Sénat. Mais je n’en suis pas surpris, c’est une constante de cette assemblée.
Je commencerai par répondre à la question très importante de M. le rapporteur, qui souhaite savoir comment seront financés, en 2011, les crédits du titre II et la politique de reconversion.
Je tiens à le dire le plus clairement possible, l’insuffisance de 200 millions d’euros de crédits constatée en 2010, sur un total de 11,750 milliards d’euros, n’a rien à voir avec le problème spécifique de la reconversion. Cette dernière n’a pas souffert d’un financement insuffisant, qu’il s’agisse de l’agence de reconversion de la défense en tant que telle ou de son budget de fonctionnement ou d’achats de prestations.
Cette insuffisance a différentes causes : elle s’explique, pour moitié, par des facteurs indépendants du ministère, telle que la montée du dispositif de cessation anticipée d’activité pour exposition à l’amiante, l’indemnisation du chômage à cause de la crise économique, la non-budgétisation d’une part du point de la fonction publique et, enfin, la réintégration dans le commandement de l’OTAN.
M. Didier Boulaud. Vous voyez ! Cela coûte cher !
M. Henri de Raincourt, ministre. C’est néanmoins une bonne mesure !
Pour l’autre moitié, cette insuffisance provient de facteurs que le ministère contrôle davantage, comme l’augmentation des indemnités de départ volontaire des ouvriers d’État, les indemnités de mobilité ou les indemnités de préparation opérationnelle avant le départ en OPEX. Ces éléments ont déjà été fournis à la Haute Assemblée lors de la discussion budgétaire, puisqu’une question très précise avait été posée par le président de la commission des finances, Jean Arthuis.
Pour 2011 et les années suivantes, 200 millions d’euros supplémentaires permettront de financer les dépenses des actions déficitaires en 2010. La reconversion n’est pas concernée.
J’en viens aux prévisions d’évolution de la masse salariale et à sa contribution à la réforme.
Je souligne que la masse salariale a été maintenue en valeur depuis trois ans – M. Jacques Gautier a évoqué ce point – et j’ajoute que le ministère de la défense est même le seul à avoir eu ce résultat ; on ne peut pas citer d’équivalent.
À partir de 2011, nous constaterons sa baisse en valeur, par tranches de 200 millions d’euros, grâce à des économies récurrentes procurées par les suppressions d’emplois. Ainsi, la prévision s’établit à 11,7 milliards d’euros en 2011, puis à 11,5 milliards d’euros en 2012 et à 11,2 milliards d’euros en 2013.
Je crois ainsi avoir répondu précisément, monsieur le rapporteur, à votre interrogation.
Monsieur Pozzo di Borgo, des partenariats avec les universités existent au sein de l’appareil de formation du ministère de la défense. Certains ont été noués dans le cadre de l’enseignement militaire supérieur, par exemple, à la direction générale de l’armement et au service de santé des armées.
S’agissant de la reconversion, les partenariats sont ponctuels et adaptés à chaque cas individuel. Ils sont développés, en particulier, dans le cadre de la valorisation des acquis de l’expérience, très utilisée pour les militaires en reconversion.
En ce qui concerne la création d’un Erasmus militaire, ce dispositif d’échange d’étudiants européens, que vous connaissez bien, monsieur le sénateur, a été proposé à l’Union européenne lorsque la France présidait cette dernière.
Depuis cette date, la France s’est particulièrement investie dans la mise en place de ce dispositif auquel a contribué le rapport de l’UEO que vous avez vous-même rédigé.
Vous le savez, de nombreux échanges existent déjà entre nos écoles d’officiers et de sous-officiers et celles de nos partenaires européens. Le ministre de la défense, Alain Juppé, a déjà exprimé, à plusieurs reprises, son intention de développer et de faire vivre ce dispositif Erasmus militaire.
Cependant, nous nous attachons, dans le cadre du présent débat, à renforcer le dispositif de reconversion pour l’ensemble des militaires, puisque c’est l’objet même du projet de loi dont nous discutons. Nous nous préoccupons, notamment, des militaires qui quittent le service après seulement quatre années d’ancienneté. Pour eux, un effort particulier est fait.
Monsieur Boulaud, vous comprendrez, je l’espère, que ce n’est pas le lieu pour moi, représentant du Gouvernement, de revenir sur les critiques que vous avez formulées en matière économique. Elles s’inscrivent dans le jeu normal de la démocratie. Je souhaite, pour ma part, me concentrer sur d’autres éléments de votre propos.
Le ministère de la défense n’envisage pas de réductions supplémentaires d’emplois ni de nouvelles restructurations. La loi de programmation militaire a fixé les objectifs à atteindre et, cela a été confirmé par M. le ministre d’État lui-même lors de la discussion budgétaire, il convient de mettre en œuvre cette réforme très importante sans transformer ce cadre.
En ce qui concerne la chaîne de reconversion, vous avez évoqué, monsieur le sénateur, l’évolution des effectifs consacrés à la reconversion, qui passent – on ne peut pas le nier – de 680 à 525.
Les structures qui assurent la reconversion des militaires étaient jusqu’alors éclatées au sein de différentes armées dans des structures locales. La rationalisation de ce dispositif a consisté à créer une agence unique Défense Mobilité, qui regroupe l’ensemble des structures consacrées à la reconversion.
Cette agence est organisée selon trois niveaux : il s’agit, d’abord, de l’échelon national, qui assure la conception, le pilotage et l’évaluation ; il s’agit, ensuite, de dix pôles intermédiaires situés à Bordeaux, Brest, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Paris, Rennes, Toulon, Toulouse, qui offriront un plateau de compétences polyvalentes ; il s’agit, enfin, d’un échelon local constitué d’une antenne par future base de défense, soit environ soixante-dix-huit entités à terme.
Si les effectifs ont baissé, c’est en raison de la rationalisation de l’organisation.
M. Didier Boulaud. Aéroports de Paris pratique aussi la rationalisation ! On voit les résultats !
M. Henri de Raincourt, ministre. En effet, on a besoin, dans beaucoup de domaines, de rationaliser les choses pour améliorer l’utilisation des fonds publics !
Cela étant, les effectifs n’ont pas vocation à continuer à baisser dans l’avenir.
Monsieur Fortassin, pour ce qui a trait au recrutement, M. le rapporteur a répondu, me semble-t-il, à votre question.
Madame Demessine, pardonnez-moi de ne pas être d’accord avec vous : je ne considère pas que ce projet de loi est virtuel. Pour moi, il est bien réel !
On peut toujours me dire qu’il est technique, de faible portée et s’interroger sur l’utilité de voter des lois. Mais si l’on vote des lois, c’est parce que l’on modifie ou l’on prolonge des dispositifs législatifs ! Seule une loi peut défaire ou compléter ce qu’une autre loi a fait ! En l’occurrence, le présent texte apporte une amélioration, qui est reconnue sur l’ensemble des travées. Je vous demande donc de bien vouloir prendre ce fait en considération.
Vous avez évoqué la création d’entreprises par les militaires. À l’instar de ce qui se passe dans la fonction publique, l’accompagnement à la reconversion des militaires s’organise autour de plusieurs dispositifs : aux aides pécuniaires à la formation et à la valorisation des acquis de l’expérience, il faut ajouter la création d’un congé pour création d’entreprises, qui existe sous d’autres formes pour les salariés du secteur privé et pour les agents des fonctions publiques.
Le statut particulier des militaires, qui ne permet pas une activité à temps partiel, rendait impossible la transposition des dispositifs existants pour les fonctionnaires. Il fallait donc instaurer un congé spécifique de création d’entreprises pour les militaires, ce qui est l’objet de l’article 2 du projet de loi.
Madame le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que le dispositif est peu efficace. En effet, certains d’entre vous l’ont rappelé, les résultats sont là : le taux de reclassement des militaires atteint 69 %. On peut toujours objecter que ce n’est pas assez, ce qui est vrai, mais c’est déjà très significatif. Ce pourcentage doit, bien entendu, être amélioré, pour être porté à 71 %, voire plus.
M. Bernard Piras. Pour les militaires du rang, il n’est que de 50 % !
M. Henri de Raincourt, ministre. Je reconnais très volontiers, monsieur le sénateur, que le pourcentage doit être amélioré pour les hommes du rang.
La réalité est là et elle justifie ce texte, car il nous faut obtenir de meilleurs résultats.
Monsieur Gautier, je vous remercie de votre intervention. Vous avez raison d’insister sur la nécessité de tirer des enseignements des engagements de nos soldats dans les différentes OPEX, de leur évolution après leur départ des armées. Permettez-moi de vous dire que j’ai particulièrement apprécié la formule que vous avez utilisée, affirmant que les armées forment des soldats et des citoyens. C’est exactement cela ! Et, dans tous les cas de figure, c’est bon pour le service de la patrie, qui peut s’exercer de façons diverses.
Monsieur Piras, je m’efforcerai de répondre aux questions précises que vous avez posées, concernant notamment les retraites.
Comme les autres catégories de personnels, les militaires contribuent à l’effort réalisé par la nation pour consolider – tel est notre point de vue – notre régime de retraite par répartition auquel nous sommes, les uns et les autres, très attachés, même si nous pouvons avoir des points de vue différents pour y parvenir. Mais cet exercice de la démocratie est tout à fait légitime.
L’allongement de la durée des services et le recul de l’âge de départ concernent par conséquent la population militaire, comme celle des fonctionnaires. Pour pallier les effets de cet allongement sur les flux des départs hors ministère, deux mesures sont prévues : d’une part, des mesures de gestion des carrières qui permettent l’allongement de celles-ci et, d’autre part, des dispositifs d’aide au départ, tels que l’attribution de pécules, pour les officiers des armées et services. C’est l’un des facteurs qui rendent encore plus nécessaire le dispositif de reconversion que nous vous présentons.
C'est pourquoi j’émettrai le vœu, en cette période propice, que le Sénat accepte d’adopter ce texte en pensant à celles et à ceux qui bénéficieront des dispositions prévues. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
(non modifié)
L’article L. 4139-5 du code de la défense est ainsi rédigé :
« Art. L. 4139-5. – I. – Le militaire peut bénéficier sur demande agréée :
« 1° De dispositifs d’évaluation et d’orientation professionnelle destinés à préparer son retour à la vie civile ;
« 2° D’une formation professionnelle ou d’un accompagnement vers l’emploi, destinés à le préparer à l’exercice d’un métier civil.
« II. – Pour la formation professionnelle ou l’accompagnement vers l’emploi, le militaire ayant accompli au moins quatre ans de services effectifs peut, sur demande agréée, bénéficier d’un congé de reconversion d’une durée maximale de cent vingt jours ouvrés, qui peut être fractionné pour répondre aux contraintes de la formation suivie ou de l’accompagnement vers l’emploi. Il peut ensuite, selon les mêmes conditions, bénéficier d’un congé complémentaire de reconversion d’une durée maximale de six mois consécutifs.
« Le volontaire ayant accompli moins de quatre années de services effectifs peut bénéficier d’un congé de reconversion d’une durée maximale de vingt jours ouvrés selon les mêmes modalités et dans les mêmes conditions de fractionnement que prévues à l’alinéa qui précède.
« Le bénéficiaire de ces congés perçoit, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, la rémunération de son grade. Celle-ci est réduite ou suspendue lorsque le bénéficiaire perçoit une rémunération publique ou privée.
« La durée de ces congés compte pour les droits à avancement et pour les droits à pension.
« III. – Sous réserve des dispositions prévues au VI de l’article 89 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, le militaire qui bénéficie d’un congé de reconversion est radié des cadres ou rayé des contrôles à titre définitif, selon le cas :
« 1° Soit à l’issue d’un congé de reconversion d’une durée cumulée de cent vingt jours ouvrés ;
« 2° Soit, s’il n’a pas bénéficié de la totalité de ce congé, au plus tard deux ans après l’utilisation du quarantième jour du congé. Dans ce cas, les durées d’activité effectuées dans l’une des situations mentionnées au a à d et au f du 1° de l’article L. 4138-2 ainsi que, le cas échéant, la durée des missions opérationnelles accomplies sur ou hors du territoire national sont pour partie comptabilisées dans le calcul de cette période de deux ans, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ;
« 3° Soit à l’expiration du congé complémentaire de reconversion. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(non modifié)
I. – Le 1° de l’article L. 4138-2 du code de la défense est complété par un g ainsi rédigé :
« g) D’un congé pour création ou reprise d’entreprise ; ».
II. – Après l’article L. 4139-5 du même code, il est inséré un article L. 4139-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4139-5-1. – Le bénéfice du congé pour création ou reprise d’entreprise mentionné au g du 1° de l’article L. 4138-2 est ouvert, sur demande agréée, au militaire ayant accompli au moins huit ans de services militaires effectifs.
« L’interdiction d’exercer à titre professionnel une activité privée lucrative et le 1° de l’article L. 4122-2 ne sont pas applicables au militaire qui crée ou reprend une entreprise dans le cadre de ce congé.
« Le congé a une durée maximale d’un an, renouvelable une fois.
« Durant ce congé, le militaire perçoit, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, la rémunération de son grade. Lorsque le congé est renouvelé, le militaire perçoit la rémunération de son grade réduite de moitié.
« La durée de ce congé compte pour les droits à avancement et pour les droits à pension.
« Le militaire qui bénéficie d’un congé pour création ou reprise d’entreprise est radié des cadres ou rayé des contrôles à titre définitif à l’expiration de ce congé, sauf s’il est mis fin à ce congé dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État.
« Le bénéfice d’un congé pour création ou reprise d’entreprise est exclusif de tout congé accordé au titre du II de l’article L. 4139-5. » – (Adopté.)
Article 3
(non modifié)
Après l’article L. 4139-6 du même code, il est inséré un article L. 4139-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4139-6-1. – Le militaire de carrière se trouvant à moins de deux ans de la limite d’âge de son grade, l’officier sous contrat et le militaire engagé se trouvant à moins de deux ans de la limite de durée des services ainsi que le militaire en congé de reconversion peuvent, sur demande agréée, créer une entreprise régie par les articles L. 123-1-1 du code de commerce, L. 133-6-8-1 et L. 133-6-8-2 du code de la sécurité sociale et 50-0 et 102 ter du code général des impôts.
« Le cumul de cette activité avec l’activité principale des militaires est autorisé dans les conditions prévues aux cinquième et sixième alinéas de l’article L. 4122-2 du présent code et par le décret en Conseil d’État pris pour leur application. » – (Adopté.)
Article 4
(non modifié)
À la première phrase de l’article L. 405 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, la référence : « L. 4138-8 » est remplacée par la référence : « L. 4139-4 ». – (Adopté.)
Article 5
(non modifié)
La dernière phrase de l’article L. 405 du même code est complétée par les mots : «, y compris au-delà de la limite de durée des services fixée au II de l’article L. 4139-16 du même code ». – (Adopté.)
Article 6
(non modifié)
Après le mot : « définie », la fin du 2° de l’article L. 406 du même code est ainsi rédigée : « par arrêté du ministre compétent. » – (Adopté.)
Article 7
(non modifié)
L’article 43 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « défense », sont insérés les mots : « ou d’un de ses établissements publics » ;
2° Au troisième alinéa, après le mot : « État », sont insérés les mots : « ou l’établissement public ». – (Adopté.)
Article 8
(non modifié)
L’article 43 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 précitée est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « titulaire du contrat ou de tout organisme chargé de l’exécution de prestations au titre du contrat précité lorsque ce contrat est passé en application de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat » ;
2° Le troisième alinéa est complété par les mots : « ou par convention » – (Adopté.)
7
Lutte contre la piraterie et police de l’État en mer
Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer (projet n° 134, texte de la commission n° 152, rapport n° 151).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, le phénomène de la piraterie, qui prend depuis deux ans une ampleur croissante et sans précédent dans le golfe d’Aden et dans l’océan Indien, constitue une menace réelle non seulement pour la sécurité des personnes et pour les intérêts du commerce mondial, mais également pour l’acheminement de l’aide humanitaire.
Face à cette menace, la France se doit d’être pleinement mobilisée.
Nous agissons d’abord sur le plan militaire, notamment dans le cadre de l’opération Atalante, lancée en 2008 à la suite d’une initiative franco-espagnole, et dont nous venons d’assurer, pendant quatre mois, le commandement à la mer. Cette action porte ses fruits, puisque, sur près de 800 arrestations en deux ans par les forces anti-pirates, environ 140 présumés pirates ont été appréhendés par les moyens français. Au moment où je vous parle, j’ai une pensée, que je sais partagée, pour les équipages du Floréal et du Jacoubet, déployés au large de la Corne de l’Afrique.
Nous agissons également sur le plan diplomatique, en intervenant auprès des États riverains de l’océan Indien, en particulier du Puntland, du Kenya et des Seychelles, pour accélérer le traitement judiciaire et pénitentiaire des pirates appréhendés. À titre d’exemple, depuis le début des opérations, les onze pirates remis par la France aux Seychelles ont tous été condamnés à six ans de prison et, sur les vingt-neuf pirates remis au Kenya, onze ont été condamnés à cinq ans de prison, les autres étant toujours en attente de jugement.
Mais, dans ce domaine, la situation est loin d’être satisfaisante : 90 % des individus interceptés sont relâchés et, selon un rapport du secrétariat général des Nations unies, 700 présumés pirates auraient été libérés au cours du premier semestre de l’année 2010.
Nous devons donc renforcer notre efficacité sur le plan juridique en donnant à tous les acteurs de la lutte contre la piraterie les moyens adaptés. C’est l’objet du projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui.
Ce texte permet de réaliser trois avancées.
Première avancée, il prévoit d’inscrire la piraterie dans le code pénal. Depuis 2007 et l’abrogation de la loi du 10 avril 1825, il n’existait plus de référence à l’incrimination de piraterie en vigueur dans la loi française. Cette information est très éclairante sur l’évolution de la planète !
M. André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Tout à fait !
M. Henri de Raincourt, ministre. Le projet de loi comble cette lacune en définissant la piraterie conformément à la convention de Montego Bay et par référence à des infractions déjà existantes en droit positif, comme ce fut le cas pour les actes de terrorisme.
Je précise, cependant, que l’absence de référence à la piraterie ne faisait naturellement pas obstacle à ce que des pirates puissent être poursuivis en vertu des textes existants, relatifs notamment au détournement de navire, à la prise d’otages et aux violences commises en bande organisée. C’est en effet sur ce fondement que sont détenus et mis en examen à l’heure actuelle les quinze auteurs d’actes de piraterie commis dans les affaires du Ponant, du Carré d’As et du Tanit. Le projet de loi conforte ce dispositif.
Deuxième avancée, le texte prévoit d’inscrire la lutte contre la piraterie au sein du dispositif de l’action de l’État en mer.
Le texte intègre la lutte contre la piraterie à la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer.
Il vise d’abord à accorder aux commandants de navires d’État français des pouvoirs de police judiciaire, qu’il s’agisse de constater les infractions commises, d’en rechercher les auteurs et, le cas échéant, de les appréhender, ou encore de saisir des documents et des objets.
Il prévoit ensuite qu’à défaut de pouvoir être jugés par un État tiers, les auteurs et complices appréhendés par des agents français puissent être jugés par les juridictions françaises, quelle que soit la nationalité du navire ou des victimes.
Troisième avancée, le projet de loi tend à conforter la validité de nos procédures juridiques.
Conformément à l’arrêt Medvedyev de la Cour européenne des droits de l’homme, du 29 mars 2010, le projet de loi intègre au code de la défense trois dispositions permettant une mise en œuvre juridiquement sécurisée des mesures privatives ou restrictives de liberté liées à la répression de la piraterie.
La première tend imposer l’obligation pour le commandant du navire d’informer le procureur de la République dans les meilleurs délais de la mise en œuvre de mesures de coercition à l’égard d’une personne appréhendée.
La deuxième disposition a trait à l’application d’un régime de rétention respectueux des droits et des personnes, avec notification des droits et examen médical ou examen de santé d’une personne appréhendée par une personne qualifiée dans un délai de vingt-quatre heures.
Enfin, la troisième disposition, qui est à l’évidence essentielle, inscrit l’obligation pour le procureur de la République de saisir un magistrat du siège, le juge des libertés et de la détention, dans les quarante-huit heures qui suivent la mise en œuvre des mesures de coercition.
Mesdames, messieurs les sénateurs, s’agissant de ce projet de loi important, je tiens à exprimer, au nom du Gouvernement, comme pour le texte que nous venons d’examiner, ma gratitude sincère et chaleureuse au président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Josselin de Rohan, au rapporteur, M. André Dulait, et, au-delà, à l’ensemble des membres de la commission qui, une fois encore, a accompli un travail remarquable et efficace pour notre pays.
Je tiens également à saluer le souci de concertation qui a présidé au travail réalisé par les deux chambres de notre Parlement et l’esprit de consensus qui s’est manifesté tout au long de cette navette parlementaire fructueuse.
Ce travail nous permet d’aboutir aujourd’hui à un texte équilibré nous offrant l’opportunité d’améliorer la cohérence de l’action de l’État en mer, de garantir encore davantage les droits de la personne et, partant, de conforter la validité juridique des procédures judiciaires que nous mettons en œuvre pour relever le défi de la piraterie. Je le répète, en ce début de xxie siècle, la piraterie est de retour ; il faut la combattre avec détermination ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la piraterie semblait avoir disparu des mers et des océans, ce fléau a connu une forte résurgence ces dernières années, ainsi que vient de le souligner M. le ministre.
Selon le Bureau maritime international, plus de 4 000 actes de piraterie ont été recensés au cours de ces vingt dernières années et le nombre d’attaques est en forte augmentation.
En 2009, 159 navires ont subi des attaques et 49 ont été capturés par des pirates, 1 052 marins ont été pris en otage, 8 ont été tués et 68, blessés. Actuellement, 21 navires et 498 otages sont toujours aux mains des pirates. Le montant des rançons est estimé à 80 millions de dollars.
Plus de la moitié de ces actes de piraterie ont été commis – vous l’avez souligné, monsieur le ministre – dans le golfe d’Aden au large des côtes somaliennes où passent près de 25 000 navires par an et qui constitue une région stratégique, au carrefour de l’Europe, de l’Asie et du Moyen-Orient.
La piraterie constitue aujourd’hui une menace sérieuse à la liberté de navigation et à la sécurité des approvisionnements, alors que le transport de marchandises au niveau mondial se fait à 90 % par voie maritime.
La France n’a pas été épargnée par la piraterie, comme en témoignent les attaques du Ponant, du Carré d’As ou du Tanit.
Depuis l’abolition de la guerre de course par la déclaration de Paris, en 1856, notre pays a toujours joué un rôle majeur dans la lutte contre la piraterie.
Ainsi, la France a été à l’initiative du lancement par l’Union européenne, en décembre 2008, de sa première opération navale – Atalanta – de lutte contre la piraterie au large de la Somalie.
Ayant séjourné, avec notre collègue Michel Boutant, à bord d’une frégate de la marine nationale dans le golfe d’Aden, je tiens à rendre hommage au courage et à l’efficacité des marins et des militaires français qui participent à Atalanta.
Je voudrais également saluer l’action des commandos de marine et des gendarmes du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, le GIGN, lors des opérations de libération des otages français. (M. Jacques Gautier applaudit.)
Le projet de loi, qui a été déposé en premier au Sénat, a pour objet de doter la France d’un cadre juridique et de moyens efficaces pour lutter contre la piraterie. Il comporte trois principaux volets.
Premièrement, il prévoit d’introduire en droit français un cadre juridique pour la répression de la piraterie. Rappelons que la France disposait d’une loi sur la piraterie datant de 1825 mais qui avait été abrogée en 2007.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui détermine les infractions pénales constitutives d’actes de piraterie, les modalités de recherche et de constatation de ces infractions ainsi que les agents habilités à y procéder.
Ces dispositions s’appliqueront aux actes de piraterie commis en haute mer, mais aussi dans les eaux territoriales d’un État à condition que le droit international l’autorise.
Cela permettra de prendre en compte la situation particulière de certains États « fragiles » qui ne sont plus en mesure d’assurer le contrôle de leurs eaux territoriales, à l’image de la Somalie.
Deuxièmement, le projet de loi tend à instaurer dans notre droit une compétence quasi universelle des juridictions françaises pour juger d’actes de piraterie commis hors du territoire national.
Afin d’éviter un engorgement des juridictions françaises, deux conditions sont toutefois fixées : d’une part, les auteurs doivent avoir été appréhendés par des agents français et, d’autre part, les juridictions françaises ne seront compétentes qu’à défaut d’entente avec les autorités d’un autre État pour l’exercice par celui-ci de sa compétence juridictionnelle. Cette deuxième condition vise à prendre en compte le cas des accords conclus par l’Union européenne avec certains pays tiers tels que les Seychelles, qui ont accepté le transfert sur leur territoire des suspects afin qu’ils soient jugés par leurs juridictions.
Actuellement, huit pirates capturés sur dix sont remis en liberté, ce qui favorise un sentiment d’impunité.
En juillet dernier, le secrétaire général de l’ONU a remis un rapport sur le traitement juridictionnel des pirates qui présente différentes options possibles comme la création d’un tribunal régional.
Monsieur le ministre, pourriez-vous – c’est une autre question qui vous est adressée – nous présenter la position de la France sur cette question essentielle des tribunaux régionaux ?
Troisièmement, le projet de loi prévoit la mise en place d’un régime sui generis pour la consignation à bord des personnes appréhendées dans le cadre des actions de l’État en mer. Il s’agit ainsi de répondre aux griefs formulés à l’encontre de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans son arrêt dit Medvedyev du 29 mars 2010.
Dans cet arrêt, la Cour de Strasbourg a constaté une violation par la France de la Convention européenne des droits de l’homme à l’occasion d’une opération d’interception d’un navire suspecté de se livrer au trafic de produits stupéfiants. En l’espèce, il a été reproché à la France de ne pas disposer, à cette époque, d’un cadre légal suffisant organisant les conditions de privation de liberté à bord d’un navire.
Sans modifier l’équilibre général du projet de loi, le Sénat a apporté des améliorations sensibles lors de son examen en première lecture. Je rappelle que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait adopté vingt amendements qui ont tous été confirmés par notre assemblée.
M. André Trillard. Parce qu’ils étaient bons !
M. André Dulait, rapporteur. En effet.
Ainsi, nous avons estimé souhaitable de préciser les conditions dans lesquelles le procureur de la République doit être informé des mesures de restriction ou de privation de liberté afin de garantir une application uniforme de ce régime quelles que soient la nature de l’opération et l’autorité dont elle relève.
Notre commission a également jugé indispensable d’indiquer que, dès leur arrivée sur le sol français, les personnes retenues à bord seront mises à la disposition de l’autorité judiciaire.
Enfin, lors de la discussion en séance publique, notre assemblée avait adopté un amendement du Gouvernement permettant de reconnaître la qualité de pupille de la nation aux enfants de victimes d’actes de piraterie.
En première lecture, l’Assemblée nationale n’a pas modifié fondamentalement le texte adopté par le Sénat. En effet, nos collègues députés n’ont adopté que quatre amendements qui constituent davantage des améliorations qu’un bouleversement.
Tout d’abord, l’Assemblée nationale a estimé utile de prendre en compte, dans la définition de la piraterie, le cas – assez improbable au demeurant, nous le reconnaissons ! – de l’attaque d’un aéronef par un autre aéronef.
Ensuite, concernant la mise en œuvre des mesures de contrôle et de coercition, plutôt que de reprendre l’expression « sérieuses raisons » utilisée dans la convention de Montego Bay mais qui semble provenir d’une mauvaise traduction de l’anglais – cela ne vous a pas échappé, monsieur le ministre –, nos collègues députés ont préféré – avec raison ! – reprendre l’expression « motifs raisonnables », déjà utilisée dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants.
En outre, sur l’initiative du groupe socialiste, radical et citoyen l’Assemblée nationale a aussi jugé nécessaire de prévoir l’autorisation du procureur de la République pour procéder à la destruction des embarcations de pirates, ce qui permettra de sécuriser la procédure.
Enfin, le quatrième amendement est une modification purement rédactionnelle.
En définitive, je me réjouis que l’ensemble des améliorations apportées par la Haute Assemblée aient été confirmées par l’Assemblée nationale.
Je voudrais également saluer le travail réalisé par le rapporteur de ce projet de loi à l’Assemblée nationale, le député Christian Ménard, et l’esprit consensuel qui – comme vous l’aviez souligné, monsieur le ministre – a présidé aux travaux de notre commission.
C’est à l’unanimité que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous recommande aujourd’hui, mes chers collègues, l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
MM. Jacques Gautier et André Trillard. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant.
M. Michel Boutant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 16 décembre dernier, le journal Le Monde publiait un article sur le dénommé Garaad Mohamed, que le célèbre quotidien maritime londonien Lloyd’s List venait de placer en quatrième position de sa liste des cent principaux acteurs du transport maritime mondial. Or cette personne, que nous connaissons sous ce nom d’emprunt, se trouve être l’un des plus renommés pirates somaliens.
En plaçant M. Mohamed dans leur liste – et en si haute position –, l’équipe du journal britannique a souhaité mettre en relief l’importance qu’a prise la piraterie maritime, tout particulièrement dans le golfe d’Aden et, de plus en plus, dans l’océan Indien.
Richard Meade, rédacteur en chef du Lloyd’s List, ajoutait dans le même article que les pirates « obtiennent d’autant plus facilement les rançons exigées que la lutte contre le fléau à l’échelle internationale s’est révélée un échec ». Plus loin, le journaliste du Monde Marc Roche note que les incidents en haute mer ont augmenté en 2010. On a notamment vu des pirates attaquer de très gros navires afin de pouvoir s’en servir ensuite pour attaquer des navires encore plus importants.
Bien sûr, il ne faut pas croire que tous les pirates, à l’instar de M. Mohamed, qui est un commanditaire plus qu’un pirate au sens propre, sont tous devenus riches en l’espace de quelques années. Le développement de la piraterie, exacerbé par l’absence de tout pouvoir central en Somalie, a été décuplé par la pauvreté extrême dans laquelle se débattent la grande majorité des Somaliens. Cet aspect – il avait déjà été évoqué en séance lors de l’examen de la mission « Action extérieure de l’État » du projet de loi de finances pour 2011 – ne doit pas être négligé.
Au-delà, il faut également avoir à l’esprit que le nombre d’otages, conséquence logique du développement des incidents, se multiplie. Ce sont environ trois cents marins qui seraient aujourd’hui retenus et leur sort ne semble susciter, malheureusement, que bien peu d’intérêt.
Alors oui, monsieur le ministre, il était nécessaire, notamment pour toutes ces raisons, que notre pays se dotât d’une loi pour participer à la lutte contre ce fléau. En l’absence de tout texte sur le sujet depuis le retrait il y a trois ans de la fameuse loi de 1825, il était urgent de légiférer sur ce point.
Le groupe socialiste a toujours convenu de la nécessité d’un tel texte. La piraterie maritime, que l’on croyait cantonnée aux romans de Robert Louis Stevenson – on célébrait d’ailleurs le mois dernier les cent cinquante ans de sa naissance – ou aux superproductions hollywoodiennes, a en effet resurgi sur la scène internationale depuis quelques années.
Si les médias se sont emparés du sujet essentiellement depuis 2008, il ne faut pas croire pour autant que les faits sont si récents que cela. La piraterie, comme la plupart des formes de criminalité, est bien souvent symptomatique de situations de détresse et de pauvreté. Je ne cherche pas là à excuser les actes des pirates, mais il me semble évident que, comme je l’ai dit voilà un instant, la situation dans laquelle se débat la Somalie depuis plusieurs années n’a fait qu’accélérer ce type de comportements.
En France, c’est la célèbre prise d’otage du Ponant qui a ravivé l’intérêt des acteurs politiques et médiatiques pour la piraterie. C’est l’Union européenne qui avait réagi le plus vite avec la mise en place de l’opération Atalanta qui, même si elle s’essouffle depuis quelques mois, a eu dans un premier temps des résultats probants. Les enjeux étaient en effet de taille et nécessitaient une intervention.
La vie des marins est bien sûr mise en danger par ces actes mais, d’un point de vue plus global, c’est tout un système économique, dans un monde où une grande majorité du commerce se fait par voie maritime, qui est ainsi remis en question.
C’est donc une bonne chose que la France se soit finalement, à son tour, saisie de ce problème au moyen de ce projet de loi déposé par votre prédécesseur, monsieur le ministre. Néanmoins, lors de la première lecture dans cet hémicycle, mon collègue Didier Boulaud, notamment, avait mis en évidence quelques points d’ombre. Le député Gilbert Le Bris a fait de même lors du récent passage du projet devant l’Assemblée nationale.
La décision prise le jeudi 16 décembre par la Cour de Cassation ravive même nos inquiétudes à l’égard de certaines dispositions. Il a, en effet, été établi que le ministère public n’était pas une autorité judiciaire au sens de la Convention européenne des droits de l’homme. Les procureurs de la République sont donc certes des magistrats mais pas des juges, ce qui pose problème dans le cas qui nous occupe aujourd’hui. Attendons de voir ce que donnera l’appel, mais admettez que cette décision remet en cause certains aspects fondamentaux du texte.
Les arrêts Medvedyev du 10 juillet 2008 et Moulin du 23 novembre 2010 rendus tous deux par la Cour européenne des droits de l’homme se voient ainsi, pour le moment, confirmés par la Cour de cassation.
Revenons un instant sur l’arrêt Medvedyev : le cas considéré était celui de marins interpellés sur un cargo pour trafic de drogue, et qui avaient été reconduits vers la France sous le contrôle à la fois de la marine nationale et du procureur de la République, au cours d’un voyage en mer qui avait duré treize jours.
La Cour européenne des droits de l’homme avait alors estimé que ces marins avaient été privés de liberté sans contrôle d’une autorité judiciaire dans la mesure où – comme je le disais à l’instant – le procureur de la République, du fait de son rattachement au pouvoir exécutif, n’était pas, aux yeux de la Cour, une autorité judiciaire.
Aussi, monsieur le ministre, j’aimerais savoir comment le Gouvernement entend agir si la décision prise jeudi dernier par la Cour de cassation est confirmée. En effet, il apparaît évident que serait alors totalement remis en cause le progrès que constitue pourtant ce projet de loi.
Les inquiétudes exprimées par mes collègues lors de l’examen en première lecture apparaissent aujourd’hui dans toute leur acuité, car il est essentiel que ce projet de loi garantisse bien la sécurité juridique des agents de l’État intervenant en mer.
Au-delà, la protection des droits de la défense n’est, à nos yeux, toujours pas pleinement assurée par le présent projet de loi. Penser au sort des pirates ne signifie pas pour autant oublier celui des otages ; je veux rassurer M. Christian Cambon, qui s’en était ému plusieurs fois lors de l’examen en première lecture.
La justice d’un pays se mesure à l’aune du traitement appliqué à ceux qui n’ont pas respecté les lois. Cela implique que la personne détenue, sur un bateau ou ailleurs, puisse être conseillée par un avocat. Or à aucun moment celui-ci n’apparaît dans la procédure telle que vous la définissez. Un amendement visant à remédier à cette absence avait été défendu par notre collègue Robert Badinter en première lecture puis, malheureusement, rejeté. Les députés socialistes, qui avaient présenté un amendement allant dans le même sens, ont également été déboutés.
Certes, il est peut-être difficile, comme cela nous avait été rétorqué, de faire venir un avocat sur un bateau. Cependant, – M. Robert Badinter l’avait bien noté – je crois savoir que ni le procureur de la République – si la possibilité lui en est encore donnée –, ni le juge des libertés et de la détention ne seront sur le navire. Il serait relativement aisé d’établir une communication par satellite avec le port le plus proche et donc avec un avocat.
À l’heure où notre système judiciaire est remis en question, de l’intérieur comme de l’extérieur, il aurait été bon de ne pas s’exposer à une critique supplémentaire. Nous regrettons donc que de telles dispositions n’aient pas été prises dans ce projet de loi.
Monsieur le ministre, puisque vous avez un regard neuf sur le sujet,...
M. Michel Boutant. ... je vous demande de bien vouloir m’expliquer pourquoi un tel choix a été fait par le Gouvernement.
Vous en conviendrez, nous avons été jusqu’à présent relativement critiques sur certains points du projet de loi. Toutefois, nous l’avons été non pas parce que nous sommes dans l’opposition, mais parce que nous sommes des parlementaires et que, à ce titre, il nous semble être de notre devoir de pointer les défauts de la loi et de demander au Gouvernement de modifier si nécessaire sa conduite.
Croyez bien que mes collègues et moi-même sommes tout à fait conscients de l’urgence qu’il y avait à se doter d’un tel texte face à la recrudescence des actes de piraterie. Ce texte existera bientôt ; nous nous en réjouissons. Cependant, la perfection n’étant pas de ce monde, j’ai cru bon d’énumérer ici les légitimes inquiétudes qui sont les nôtres.
Bien sûr, tout comme vous, nous souhaitons que les agents de l’État bénéficient d’une sécurité juridique sans faille pour intervenir face aux pirates en mer. Nous voudrions les assurer qu’ils peuvent bien agir sereinement dans un cadre sûr ; c’est primordial pour nos forces. À défaut, on irait vers un développement accentué et difficilement maîtrisable du phénomène des sociétés militaires privées, qui escortent déjà bon nombre de navires affrétés par de grands groupes. Telle n’est pas là ma conception de la défense.
Au-delà de ces considérations nationales, je rappelle avant de conclure que la piraterie est, par définition, un sujet à dimension internationale. L’Organisation des Nations unies l’a bien compris et a émis en juillet dernier plusieurs recommandations pour traiter le problème. Je ne vais pas faire ici un examen exhaustif des propositions de son secrétaire général. Toujours est-il que le rapport met l’accent sur le rôle qu’ont à jouer les États des régions directement concernées par la piraterie.
Il est noté que, dans le cadre du programme fixé par l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, l’UNODC, le Kenya a inauguré en juin de cette année une chambre de haute sécurité précisément destinée à la lutte contre la piraterie. C’est là, je le crois, une façon de responsabiliser les pays d’où sont bien souvent originaires les pirates interpellés.
Cela ne signifie pas que la France ou l’Europe doivent se détourner du problème. En effet, s’agissant d’un enjeu international, le problème ne peut être résolu qu’avec l’appui de tous les États concernés.
Il est également important que des pays comme la Somalie disposent d’installations pénitentiaires suffisantes et conformes au droit international pour la détention des pirates. À cet égard, la situation politique et sociale dans laquelle se débat la Somalie ne laisse augurer rien de bon pour le moment. Une aide devra nécessairement être fournie à Mogadiscio si l’on souhaite que soient mis en place des systèmes judiciaire et pénitentiaire appropriés. Mais que de travail à faire dans ce pays avant d’en arriver là !
Pour en terminer, et au risque de me répéter, je reprendrai les arguments tels qu’ils avaient été développés à cette même tribune lors de l’examen du projet de loi de finances.
Certes, ce texte a le mérite d’aider à lutter contre la piraterie, un crime grave qui doit être puni. Mais nous parlons ici des seules manifestations et conséquences. Or ce n’est pas en arrachant ses feuilles que l’on soigne un arbre malade ! Conjointement à l’ONU et à l’Union européenne, il nous faut lutter avec acharnement contre les causes de ce fléau.
Cela implique d’abord de venir en aide aux États en situation de faillite politique totale, comme la Somalie.
Cela implique ensuite de secourir les populations qui sont victimes de ce contexte et ainsi de les empêcher d’être tentées de survivre grâce au crime, voire au crime organisé.
Cela implique enfin d’empêcher d’agir des hommes tels que Garaad Mohamed, qui exploitent la misère et la faiblesse des plus pauvres de leurs compatriotes.
Alors oui, ce projet de loi est un premier pas dans la bonne direction. Il nous faut maintenant avancer sur ce chemin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pendant longtemps la mer fut un espace libre où régnait la loi du plus fort. Mais le quadrillage des mers par les marines d’État est venu à bout de la dernière grande vague de piraterie, celle qui sévissait dans les Antilles et dans l’océan Indien au XVIIIe siècle, cette piraterie dont la littérature et les fictions cinématographiques ont abondamment nourri notre imaginaire.
Qui n’a pas entendu parler, même avec un peu d’admiration, de ces pirates barbaresques qui faisaient les délices d’une certaine littérature dont s’abreuvaient beaucoup de gamins voilà à peu près trois quarts de siècle ?
M. André Trillard. Chut ! (Sourires.)
M. François Fortassin. Mais, bien sûr, si cette piraterie s’est éteinte, on constate aujourd’hui la recrudescence d’une nouvelle forme de piraterie beaucoup plus dangereuse et qui, en tout état de cause, n’a rien à voir avec les aventuriers des siècles passés. Celle-ci est davantage concentrée dans le golfe d’Aden, au large de la Somalie. En effet, près de la moitié des actes délictueux touchant bien des bateaux de plaisance, des navires de commerce ou encore des convois de l’aide humanitaire se situent dans cette zone.
Mes chers collègues, vous le savez, 90 % du transport marchand s’effectue par la mer. Les tentations sont grandes, en particulier pour des individus frappés par la pauvreté et la misère.
N’oublions pas que la plupart des nouveaux pirates des mers ne sont pas nés aventuriers. Ils en sont arrivés là du fait non seulement de la faiblesse des États dans ces zones, mais aussi de la misère de pays sous-développés où l’instabilité politique laisse peu de place à des lendemains radieux. On s’aperçoit par ailleurs que nombre de personnes qui se sont rendues coupables d’actes de piraterie en mer étaient d’anciens pêcheurs n’hésitant pas à user de lance-roquettes.
Mais il faut s’interroger sur les responsabilités. Par exemple, il est évident que la surpêche du thon pratiquée dans les années quatre-vingt-dix par des chalutiers étrangers, essentiellement européens, a amputé la région côtière de la Somalie d’importantes ressources halieutiques. Privés de cette activité de pêche, certains Somaliens n’ont pas hésité à se tourner vers le banditisme.
On peut aussi retrouver de telles actions criminelles dans le golfe de Guinée, où l’Africa Marine Commando, auteur d’un assaut meurtrier contre une plateforme pétrolière, a menacé les compagnies pétrolières étrangères de poursuivre ces opérations criminelles. Selon un enseignant spécialisé en géostratégie de l’Université de Yaoundé, ce phénomène pose le problème de la mauvaise redistribution des ressources issues des exploitations pétrolières.
Bien entendu, mon propos n’est pas d’excuser ces actes de piraterie. Il est de dire qu’il faut trouver des mesures coercitives vigoureuses et très rigoureuses, et parallèlement, entreprendre un certain nombre d’actions destinées à lutter contre le développement de tels actes, en permettant aux pêcheurs somaliens de vivre de leur activité. Il en existe encore, mais ils sont extrêmement misérables.
À nos yeux, cette lutte contre le sous-développement et la pauvreté est tout aussi importante que les mesures vigoureuses que l’on doit prendre contre des activités criminelles. Les deux choses doivent être menées simultanément, la mer étant, dans l’imaginaire collectif, un espace de liberté. Celui-ci doit être sécurisé, mais la sécurisation ne passe pas par des actions. Un certain nombre des orateurs qui m’ont précédé ont d’ailleurs montré qu’elles étaient parfois extrêmement difficiles à mettre en place.
Pour autant, compte tenu du fait que ce texte constitue un pas en avant, notre groupe ira de l’abstention positive à l’acceptation.
M. André Dulait, rapporteur. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre amendements ont été adoptés par les députés sur ce texte relatif à la lutte contre la piraterie maritime que nous avions examiné en première lecture.
Ces amendements précisent utilement les importantes modifications que nous avions apportées au texte du Gouvernement. Toutefois, sur le fond, ils ne modifient pas le texte que nous avions adopté ; par conséquent, mon appréciation de première lecture n’a pas vraiment de raison de varier.
Je pense toujours qu’il était nécessaire de combler certaines lacunes de notre législation et qu’il y avait urgence à l’adapter en raison de l’ampleur et de la recrudescence des actes de piraterie depuis quelques années.
On peut considérer que la situation s’aggrave, au regard tant du nombre d’actes commis que de l’importance du rôle joué par les protagonistes de la piraterie dans l’économie de certains pays.
Pour la seule Somalie, dont les côtes concentrent l’essentiel de l’attention et des forces de la communauté internationale, on comptait avant-hier encore près de 700 marins de nationalités diverses détenus par des pirates.
C’est donc avant tout par souci d’efficacité que ce projet de loi adapte notre droit à la convention de Montego Bay, en créant une incrimination de piraterie dans le code pénal et qu’il confère à nos tribunaux la faculté de juger très largement ces crimes.
Mais la disposition la plus importante de ce projet de loi – et peut-être la seule raison d’être de ce texte – est celle qui vise à fixer et à sécuriser juridiquement la procédure d’appréhension et de rétention des pirates jusqu’à leur remise à une autorité judiciaire française ou étrangère.
Le régime sui generis pour la rétention à bord des personnes appréhendées est la solution proposée dans ce texte pour répondre aux griefs que la Cour européenne des droits de l’homme avait formulés à cet égard. Celle-ci avait en effet estimé, dans son fameux arrêt Medvedyev, que la privation de liberté n’avait pas été décidée par une autorité judiciaire suffisamment indépendante.
En conséquence, ce texte fait intervenir dans les quarante-huit heures le juge des libertés et de la détention, qui autorisera ou non la consignation à bord et devra renouveler, le cas échéant, cette autorisation tous les cinq jours.
Toutefois, cette solution, qui paraissait équilibrée, a été de nouveau fragilisée par un récent arrêt de la Cour, qui a fait droit à la requête d’une avocate contestant la qualité d’autorité judiciaire du représentant du parquet.
On peut regretter que ces subtilités juridiques, certes importantes sur le plan des principes et qui entrent dans le débat plus général sur la garde à vue, menacent une nouvelle fois de rendre moins efficace le dispositif que notre pays veut mettre en place.
En première lecture, j’avais insisté sur le fait que ces dispositions législatives coercitives, si nécessaires soient-elles pour défendre des intérêts économiques et protéger des personnes, ne sauraient suffire à résoudre ce problème tant que la communauté internationale et nous-mêmes ne nous attaquerons pas aux causes et aux systèmes qui produisent de telles situations. Notre collègue François Fortassin vient de le rappeler.
Il est urgent que nous apportions une réponse globale à un phénomène qui ne cesse de croître.
Si l’opération maritime Atalanta de l’Union européenne a permis de le juguler, tout le monde est bien conscient que la solution est à terre.
La France a ici un rôle important à jouer à la fois pour aider ces pays, mais aussi dans les instances internationales, car il faut malheureusement constater que, faute de volonté politique de la communauté internationale de rendre prioritaire la lutte pour éradiquer la misère et la corruption qui gangrène certains pays, ceux qui profitent de telles situations ont de beaux jours devant eux.
Ainsi, un quotidien maritime londonien a récemment publié le classement des cent principaux acteurs du transport maritime mondial. On y trouve à la quatrième place un homme d’affaires somalien qui est, de notoriété publique, à la tête d’une organisation de piraterie maritime.
Le rédacteur en chef de ce quotidien explique que « ce classement consacre l’emprise des pirates sur le secteur ». Il poursuit : « Ils obtiennent d’autant plus facilement les rançons exigées que la lutte contre ce fléau à l’échelle internationale s’est révélée un échec. »
Cela illustre la difficulté qu’ont les Nations unies à trouver, sur le seul plan juridique, une réponse à ce phénomène d’augmentation significative du nombre de bateaux abordés, tout particulièrement les supertankers des compagnies pétrolières.
Au total, monsieur le ministre, cette discussion en deuxième lecture n’a d’autre intérêt que de permette l’adoption rapide de ce texte afin que nos actions de lutte contre la piraterie maritime soient efficaces et juridiquement sécurisées.
En première lecture, j’avais fait part des craintes de mon groupe sur la possible utilisation de cette législation à l’égard des immigrés clandestins, que je considère non pas comme des délinquants, mais comme des victimes.
Bien que nous conservions ces craintes, le groupe CRC-SPG votera ce texte au nom de l’efficacité dans la lutte contre la piraterie maritime. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Michel Boutant applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. André Trillard. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cette fin d’après-midi, nous examinons en deuxième lecture le projet de loi relatif à la lutte contre la piraterie maritime et à l’exercice des pouvoirs de police de l’État en mer. C’est avec satisfaction que nous avons pu constater, en commission, que ce texte n’a été modifié qu’à la marge par nos collègues députés.
En effet, les amendements adoptés par l’Assemblée nationale sont d’ordre rédactionnel, preuve du remarquable travail préparatoire du rapporteur, notre collègue André Dulait, et de la qualité de celui que nous avons mené à la fois commission et, le 6 mai dernier, en séance publique, grâce à l’ensemble de nos collègues, sur quelque travée qu’ils siègent.
De fait, nous ne referons pas le débat, de même que je ne reviendrai pas sur le fond du texte, mais vous me permettrez d’attirer votre attention sur quelques points qui me semblent importants.
Tout d’abord, ce projet de loi est aussi symbolique que pragmatique. Il apporte une réponse législative concrète à un phénomène en hausse : je vous renvoie aux publications chiffrées du Bureau maritime international sur la hausse des actes de piraterie, étant observé que plus de 90 % du transport mondial de marchandises s’effectue par voie maritime.
Et ce n’est pas seulement le sénateur de la commission des affaires étrangères qui s’en émeut, c’est aussi l’élu de Loire-Atlantique, car, en 2009, le trafic du port de Saint-Nazaire a avoisiné les 30 millions de tonnes.
Ce projet de loi, que nous examinons en deuxième lecture, permet la mise en place d’un cadre juridique relatif à la répression de la piraterie en s’appuyant, d’une part, sur la convention de Montego Bay et en reprenant, d’autre part, les dispositions de la loi du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer.
Ce texte évitera à l’avenir à notre pays les condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme, comme ce fut le cas avec l’arrêt Medvedyev en 2008.
Désormais, la France disposera d’un cadre légal pour intervenir, appréhender et éventuellement détenir les auteurs d’actes de piraterie, et ce au moment où notre pays participe aux opérations navales européennes en la matière. Je pense notamment à l’opération Atalanta, qu’elle mène avec ses partenaires espagnol et anglais.
Face à l’euroscepticisme en matière de défense européenne, nous ne pouvons que nous en féliciter. Cela prouve que notre droit national peut tout à fait coexister avec le droit européen et que les États européens peuvent parler d’une seule voix tout en menant des actions concrètes et efficaces.
Je vous renvoie d’ailleurs aux déclarations de Mme Ashton, le 29 juillet dernier, qui se félicitait des opérations européennes contre la piraterie.
L’adoption de ce texte correspond à l’envoi d’un double message. Outre notre attachement au droit européen, c’est un message aux pirates eux-mêmes que nous adressons, et ce au moment où six Somaliens sont renvoyés devant la cour d’assises des mineurs de Paris pour la prise d’otages à bord du Carré d’As.
Les lacunes de notre droit auraient pu être interprétées par les pirates comme « un laisser-passer », mais ce texte est un avertissement sévère qui a d’ores et déjà des conséquences judiciaires pour les auteurs.
Si nous mettons en place des opérations telles qu’EuNav pour lutter contre la piraterie, nous savons que les solutions se trouvent également sur place.
Certes, ce fléau trouve ses origines dans la misère et la pauvreté, mais, malgré ses difficultés, le pouvoir central somalien devrait engager des actions à l’encontre de ses pirates.
À ce jour, au large des côtes somaliennes, la piraterie laisse planer une menace sur 25 000 navires qui y croisent chaque année. Pour 2010, ce ne sont pas moins de 206 actes de piraterie qui ont été recensés par le Bureau maritime international.
Ces actes de kidnapping sont d’autant plus odieux qu’aucune distinction n’est faite entre les bateaux de plaisance, les navires commerciaux ou les navires du programme alimentaire mondial à destination des populations démunies, pour qui ces cargos sont bien évidemment vitaux.
Les trois derniers mois de cette année resteront marqués par le nombre d’attaques, qui s’étendent désormais au large des côtes de l’Afrique orientale. À la fin du mois de septembre, à moins de 45 nautiques du port Dar Es Salam, en Tanzanie, trois navires ont été pris pour cible ; le 11 octobre, c’est un cargo japonais transportant de l’acier qui a été attaqué au large du Kenya ; enfin, le 9 novembre, un bateau de plaisance sud-africain a été attaqué.
À cette menace s’ajoutent l’angoisse d’une demande de rançon et l’incertitude sur l’avenir des cargaisons, dont la valeur marchande atteint souvent plusieurs millions d’euros, voire plus.
Les conséquences de ce pic de dangerosité se traduisent par une très forte augmentation des primes d’assurance pour les armateurs, qui n’ont toujours pas d’autre choix que de transiter par le golfe d’Aden ou l’océan Indien.
Souvenons-nous du Sirius Star : la cargaison était estimée à 100 millions de dollars et les demandes de rançon s’élevaient 25 millions ! Mais combien d’autres navires sont encore retenus parce que ni les armateurs ni les gouvernements n’ont les moyens d’intervenir ?
Mes chers collègues, je souhaite ici attirer votre attention sur un point qui n’a pas été évoqué, ou très peu.
Le dernier rapport de l’association Ecoterra International, spécialisée sur les questions de piraterie, estime que, à ce jour, 669 marins – philippins, ukrainiens, yéménites, indiens, ghanéens, etc. – sont détenus par des pirates dans des conditions dramatiques.
Depuis leur fond de cale, ils croupissent en attendant une hypothétique libération ou un geste de leurs armateurs et gouvernements.
Alors à ceux qui s’inquiètent – légitimement – du respect des droits des prisonniers et des conditions d’arrestation des pirates par les autorités françaises, je souhaite rappeler que les kidnappés sont aussi concernés par les droits de l’homme !
Bien sûr, il est difficile de dresser un profil type des pirates et de leur appartenance à certains réseaux ou groupes mal identifiés, mais le trafic maritime représente pour ces individus une manne financière illimitée et sans cesse renouvelée.
C’est là ni plus ni moins un fonds d’investissement qui leur permet d’acquérir de véritables arsenaux militaires, lesquels font désormais partie intégrante de la parfaite panoplie du pirate du XXIe siècle.
D’ailleurs, lorsqu’on observe l’état de leurs embarcations – les « bateaux-mères » – s’élançant à l’assaut de supertankers, on ne peut que constater leur témérité, qui n’est pas si éloignée de celles des flibustiers ou des boucaniers des siècles passés !
À la lecture du quotidien britannique maritime Lloyd’s List, on découvre que M. Garaad Mohamed, pirate somalien de son état, se hisse au hit-parade des descendants de Barbe Noire et qu’il est l’un des hommes les plus influents de Somalie et de la navigation. D’ailleurs, il n’hésite pas à se targuer des bénéfices que lui rapporte son florissant commerce.
C’est pour cela que je vous remercie, mes chers collègues, d’avoir accepté ma proposition d’amendement tendant à permettre aux autorités de saisir et de détruire les embarcations.
Cependant, si l’on prend en compte le fait que les océans couvrent plus de 70 % de la surface de la planète et que 90 % des marchandises sont transportées par voie maritime, nous aurons un rapide aperçu du chemin qu’il reste à parcourir aux États pour assurer la sécurité totale de leurs navires.
À terme nous pouvons craindre la mise en place d’opérations de maintien de la sécurité maritime menées par les acteurs de la politique de sécurité et de défense commune et leurs alliés.
N’oublions pas non plus que ces détournements de navires et de leurs cargaisons peuvent avoir des conséquences catastrophiques en termes humanitaires et économiques, mais aussi écologiques.
Certes, les pirates n’ont aucun avantage à détériorer les cargaisons, bien au contraire, ils n’en ont d’ailleurs pas les moyens, mais les risques d’accident existent.
C’est en particulier le cas lors d’attaques de supertankers – le Sirius Star transportait 2 millions de barils de pétrole – ou de bateaux-citernes, qu’ils contiennent des produits chimiques ou du gaz.
De plus, ces détournements de supertankers, qui transportent des matières énergétiques en des temps où celles-ci tendent à se raréfier et où leurs prix s’envolent, nous poussent à nous interroger sur les transports de marchandises stratégiques.
Les conséquences sur les marchés de matières premières sont loin d’être négligeables.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je souhaiterais vous faire part de ma préoccupation « technique » sur les actes de piraterie commis dans les eaux territoriales françaises.
Nous le savons, la France bénéficie de la deuxième surface maritime au monde grâce à ses départements et collectivités d’outre-mer et à quelques îles éparses.
La menace de piraterie existe dans les eaux françaises de certaines collectivités d’outre-mer, comme le prouvent des exemples récents à Mayotte, à Tromelin, etc.
Or il me semble que nous nous retrouvons dans une situation paradoxale. La loi donne compétence aux commandants de navire de guerre pour agir en haute mer, y compris dans les eaux territoriales étrangères lorsque le droit international les y autorise, alors que cette compétence leur est refusée contre les brigands opérant en eaux françaises.
Pourtant, conformément à la convention de Montego Bay, il est possible de prévoir en droit français de punir les personnes qui commettraient en eaux intérieures ou territoriales françaises des infractions analogues à l’infraction de piraterie.
Malheureusement, le projet de loi ne crée pas d’infraction de piraterie spécifique puisqu’il reprend des infractions prévues par le code pénal.
Malgré tout, les articles 25 et 27 de la convention de Montego Bay donnent pouvoir à l’État côtier de prendre, dans sa mer territoriale, les mesures nécessaires pour empêcher tout passage qui n’est pas inoffensif.
Ainsi, dans certaines de ces zones, comme dans les îles Éparses, seule la marine dispose des moyens permettant de rechercher, constater et réprimer des infractions, que ce soit depuis la haute mer ou bien lors de missions dédiées.
Or le code disciplinaire et pénal de la marine marchande habilite déjà les commandants de la marine nationale à constater des infractions en mer territoriale similaires à des actes de piraterie. Toutefois, ce code disciplinaire ne prévoit rien concernant les pouvoirs de constatation relatifs aux attaques intentionnelles, enlèvements et séquestrations en mer à des fins non politiques.
Cette absence d’élargissement des pouvoirs de nos commandants aux eaux territoriales fait que seuls des officiers de police judiciaire pourraient constater les actes de « banditisme maritime » ou de « vol à main armée ».
Ainsi, les tâches conduites par le bâtiment sous contrôle du procureur de la République seraient exclusives de toutes autres missions. C’est donc parce que les commandants ont aujourd’hui des pouvoirs de police judiciaire, et non des pouvoirs d’officier de police judiciaire que le procureur de la République ne peut pas distraire les bâtiments des autres missions.
Ma question est de savoir s’il est opportun de priver en eaux territoriales les bâtiments de guerre de l’autonomie juridique et opérationnelle dont ils disposent en haute mer pour appréhender des pirates. En métropole, peut-être, mais pas dans la région des îles Éparses très isolées et totalement dépourvues d’officier de police judiciaire.
Outre ce point de droit franco-français, important pour mes collègues ultramarins, nous pouvons nous féliciter des avancées contenues dans ce projet de loi. C’est pourquoi le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord répondre à M. le rapporteur qui souhaitait savoir s’il serait opportun de mettre en place un tribunal régional, conformément à la proposition contenue dans le rapport du secrétaire général des Nations unies.
Le projet de loi tend à renforcer les capacités des juridictions françaises à juger les pirates. Mais, comme vous le savez très bien, monsieur le rapporteur, le problème de la piraterie dans le golfe d’Aden et dans l’océan Indien ne peut évidemment pas être résolu par la France seule.
Le rapport du secrétaire général des Nations unies du 26 juillet 2010 présente plusieurs options possibles pour parvenir à mieux poursuivre et incarcérer les personnes responsables d’actes de piraterie commis au large des côtes somaliennes. Sont notamment évoquées la création de chambres spéciales, éventuellement dotées de personnel international, dans les juridictions nationales, ou encore la création d’un tribunal régional, voire la création d’un tribunal international.
M. Jack Lang, votre collègue député et conseiller spécial du secrétaire général des Nations unies pour les questions juridiques liées à la piraterie, a été chargé de rédiger un rapport précisant les options à privilégier par la communauté internationale en matière de traitement judiciaire des pirates. Les conclusions de ce rapport sont attendues dans la première quinzaine du mois de janvier 2011.
Dans l’attente de ce rapport – attente qui ne sera pas longue –, la France considère que le problème de la piraterie au large de la Somalie ne peut être résolu efficacement que par l’implication forte des différentes autorités somaliennes. (M. le rapporteur opine.) Les problèmes de sécurité et de désorganisation des pouvoirs publics auxquels la Somalie fait face – ces points ont été évoqués – incitent néanmoins à privilégier le principe de la création d’une chambre somalienne délocalisée dans un État de la région.
Cette option permettrait de contribuer au renforcement de l’état de droit en Somalie, de préserver la légitimité de la juridiction de ce pays, ainsi que l’automaticité de sa compétence à juger ses propres ressortissants.
Si une telle option était retenue, elle ne pourrait sans doute pas voir le jour et être opérationnelle avant plusieurs années. Aussi, dans un premier temps, l’effort devra porter sur le développement des accords judiciaires et pénitentiaires avec les États régionaux (M. le rapporteur opine de nouveau.), tels que ceux qui ont été conclus entre l’Union européenne et certains États de l’océan Indien.
On peut d’ailleurs noter que le projet de loi, dans la rédaction qu’il prévoit à l’article 2 pour l’article 5 de la loi n° 94–589 du 15 juillet 1994, ne donne compétence aux juridictions françaises pour poursuivre et juger les auteurs d’actes de piraterie qu’à défaut d’entente avec les autorités d’autres États pour le traitement judiciaire des pirates.
Par ailleurs, vous nous interrogez, monsieur Trillard, sur une éventuelle extension du champ d’application du projet de loi aux eaux territoriales nationales. Ai-je bien compris ?
M. André Trillard. Parfaitement !
M. Henri de Raincourt, ministre. Par construction, ce régime est adapté à la haute mer, et non aux eaux territoriales.
Tout comme le régime de lutte contre le narcotrafic – datant de 1996 – et le régime de lutte contre l’immigration illicite – qui date de 2005 –, ce projet de loi a été conçu pour lutter contre la piraterie telle qu’elle est définie par la convention de Montego Bay, c’est-à-dire contre des actes commis en haute mer, là où les États ne peuvent exercer de répression pénale de leur propre autorité.
Le régime prévoit notamment des conditions spécifiques de rétention des pirates à bord et la responsabilité potentielle d’un commandement militaire étranger qui pourraient être invalidées si ce dispositif était utilisé dans les eaux territoriales françaises. Dans celles-ci, naturellement, le code pénal, le code de procédure pénale et le code de la défense s’appliquent pleinement.
Par conséquent, nous pensons qu’il n’est pas absolument indispensable d’appliquer dans les eaux territoriales françaises le régime conçu pour la haute mer.
D’ailleurs, je signale – j’y faisais référence tout à l’heure – que la marine nationale peut actuellement intervenir, en application du code de la défense ou de l’article 73 du code de procédure pénale, dans les eaux françaises. Les officiers de police judiciaire ne sont donc pas les seuls à pouvoir agir.
Je crois ainsi, monsieur Trillard, avoir apporté la réponse à votre question.
Je voudrais remercier les autres orateurs qui se sont exprimés – M. Boutant, Mme Demessine, M. Fortassin – et, en particulier, dire à Mme Demessine que je me réjouis de la perspective de son vote positif.
Mme Michelle Demessine. Il ne faut jamais désespérer !
M. Henri de Raincourt, ministre. J’ajouterai, monsieur Boutant, que je ne souhaite pas ouvrir ici le débat sur le rôle et le statut du parquet, compte tenu de l’heure et, de plus, ce n’est pas ma mission. Et, bien sûr, vous ne me surprendrez pas à commenter des décisions de justice.
Il est vrai que, selon un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, confirmé par un arrêt du 15 décembre 2010 de la Cour de cassation, le procureur de la République n’est pas une autorité judiciaire indépendante au sens de l’article 5, alinéa 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Cette évolution jurisprudentielle ne remet pas pour autant en question le régime juridique de rétention adopté dans le projet de loi.
En effet, le contrôle juridictionnel sur la rétention est effectué par un magistrat du siège – le juge des libertés et de la détention –, avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures, compatible juridiquement avec la notion de circonstances exceptionnelles toujours admise par les deux juridictions dans les cas de capture en mer. Le magistrat en charge du contrôle de la rétention à bord des personnes interpellées est un juge du siège sur lequel aucune critique n’est émise.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais vous apporter.
Je me permets d’ajouter, eu égard à la mission ministérielle qui m’est actuellement confiée, que je suis totalement d’accord sur la nécessité de favoriser les politiques de développement endogène pour éviter que les populations ne soient parfois contraintes à s’engager dans des opérations éminemment condamnables. Mais je ne voudrais pas que le débat que nous avons à l’occasion de l’examen de ce projet de loi fasse un parallèle systématique entre ces deux points.
S’agissant en particulier de la Somalie – vous connaissez comme moi, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation politique de ce pays –, je veux vous dire que la France a agi très fortement, notamment depuis 2008, pour réunir tous les protagonistes de la vie politique somalienne de façon à permettre la formation d’un gouvernement fédéral de transition. Elle discute avec les responsables de ce gouvernement fédéral de transition, afin de favoriser l’élargissement de la base politique de ce dernier et, ainsi, contribuer à remettre sur pied un État digne de ce nom, fonctionnant comme on est en droit de le vouloir.
Avec un État digne de ce nom, nous sommes tout à fait disposés à engager, dans le cadre de l’Union européenne ou d’organismes multilatéraux, des politiques de développement qui répondront à vos attentes. Nous y sommes tout à fait ouverts, mais encore faut-il que nous ayons des interlocuteurs permettant à toute politique de développement qui serait engagée de produire des effets positifs, allant dans le sens que vous souhaitez et que nous partageons. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
Article 2
(non modifié)
Le titre Ier de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative aux modalités de l’exercice par l’État de ses pouvoirs de police en mer est ainsi rétabli :
« TITRE Ier
« DE LA LUTTE CONTRE LA PIRATERIE MARITIME
« Art. 1er. – I. – Le présent titre s’applique aux actes de piraterie au sens de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer signée à Montego Bay le 10 décembre 1982, commis :
« 1° En haute mer ;
« 2° Dans les espaces maritimes ne relevant de la juridiction d’aucun État ;
« 3° Lorsque le droit international l’autorise, dans les eaux territoriales d’un État.
« II. – Lorsqu’elles constituent des actes de piraterie mentionnés au I, les infractions susceptibles d’être recherchées, constatées et poursuivies dans les conditions du présent titre sont :
« 1° Les infractions définies aux articles 224-6 à 224-7 et 224-8-1 du code pénal et impliquant au moins un navire ou un aéronef dirigé contre un navire ou un aéronef ;
« 2° Les infractions définies aux articles 224-1 à 224-5-2 ainsi qu’à l’article 224-8 du même code lorsqu’elles précèdent, accompagnent ou suivent les infractions mentionnées au 1° ;
« 3° Les infractions définies aux articles 450-1 et 450-5 du même code lorsqu’elles sont commises en vue de préparer les infractions mentionnées aux 1° et 2°.
« Art. 2. – Lorsqu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’une ou plusieurs des infractions mentionnées au II de l’article 1er ont été commises, se commettent, se préparent à être commises à bord ou à l’encontre des navires mentionnés à l’article L. 1521-1 du code de la défense, les commandants des bâtiments de l’État et les commandants des aéronefs de l’État, chargés de la surveillance en mer, sont habilités à exécuter ou à faire exécuter les mesures de contrôle et de coercition prévues par le droit international, le titre II du livre V de la première partie du même code et la présente loi soit sous l’autorité du préfet maritime ou, outre-mer, du délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, soit sous l’autorité d’un commandement civil ou militaire désigné dans un cadre international.
« À l’égard des personnes à bord peuvent être mises en œuvre les mesures de coercition prévues par les dispositions du chapitre unique du titre II du livre V de la première partie du même code relatives au régime de rétention à bord.
« Art. 3. – (Non modifié)
« Art. 4. – Les officiers de police judiciaire et, lorsqu’ils sont spécialement habilités dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les commandants des bâtiments de l’État, les officiers de la marine nationale embarqués sur ces bâtiments et les commandants des aéronefs de l’État, chargés de la surveillance en mer, procèdent à la constatation des infractions mentionnées au II de l’article 1er, à la recherche et l’appréhension de leurs auteurs ou complices.
« Ils peuvent procéder à la saisie des objets ou documents liés à la commission des faits sur autorisation, sauf extrême urgence, du procureur de la République.
« Après la saisie autorisée à l’alinéa précédent, ils peuvent également procéder sur autorisation du procureur de la République à la destruction des seules embarcations dépourvues de pavillon qui ont servi à commettre les infractions mentionnées au II de l’article 1er, lorsqu’il n’existe pas de mesures techniques envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions, dans le respect des traités et accords internationaux en vigueur.
« Les mesures prises à l’encontre des personnes à bord sont régies par la section 3 du chapitre unique du titre II du livre V de la première partie du code de la défense.
« Art. 5 et 6. – (Non modifiés) »
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 6
(non modifié)
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° L’article L. 1521-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du 2°, après les mots : « navires étrangers », sont insérés les mots : « et aux navires n’arborant aucun pavillon ou sans nationalité, » ;
b) Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :
« 4° Aux navires battant pavillon d’un État qui a sollicité l’intervention de la France ou agréé sa demande d’intervention. » ;
2° Le chapitre unique du titre II du livre V de la première partie est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Mesures prises à l’encontre des personnes à bord des navires
« Art. L. 1521-11. – À compter de l’embarquement de l’équipe de visite prévue à l’article L. 1521-4 sur le navire contrôlé, les agents mentionnés à l’article L. 1521-2 peuvent prendre les mesures de coercition nécessaires et adaptées à l’encontre des personnes à bord en vue d’assurer leur maintien à disposition, la préservation du navire et de sa cargaison ainsi que la sécurité des personnes.
« Art. L. 1521-12. – Lorsque des mesures de restriction ou de privation de liberté doivent être mises en œuvre, les agents mentionnés à l’article L. 1521-2 en avisent le préfet maritime ou, outre-mer, le délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, qui en informe dans les plus brefs délais le procureur de la République territorialement compétent.
« Art. L. 1521-13. – Chaque personne à bord faisant l’objet d’une mesure de restriction ou de privation de liberté bénéficie d’un examen de santé par une personne qualifiée dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la mise en œuvre de celle-ci. Un examen médical intervient au plus tard à l’expiration d’un délai de dix jours à compter du premier examen de santé effectué.
« Un compte rendu de l’exécution de ces examens se prononçant, notamment, sur l’aptitude au maintien de la mesure de restriction ou de privation de liberté est transmis dans les plus brefs délais au procureur de la République.
« Art. L. 1521-14. – Avant l’expiration du délai de quarante-huit heures à compter de la mise en œuvre des mesures de restriction ou de privation de liberté mentionnées à l’article L. 1521-12 et à la demande des agents mentionnés à l’article L. 1521-2, le juge des libertés et de la détention saisi par le procureur de la République statue sur leur prolongation éventuelle pour une durée maximale de cent vingt heures à compter de l’expiration du délai précédent.
« Ces mesures sont renouvelables dans les mêmes conditions de fond et de forme durant le temps nécessaire pour que les personnes en faisant l’objet soient remises à l’autorité compétente.
« Art. L. 1521-15. – Pour l’application de l’article L. 1521-14, le juge des libertés et de la détention peut solliciter du procureur de la République tous éléments de nature à apprécier la situation matérielle et l’état de santé de la personne qui fait l’objet d’une mesure de restriction ou de privation de liberté.
« Il peut ordonner un nouvel examen de santé.
« Sauf impossibilité technique, le juge des libertés et de la détention communique s’il le juge utile avec la personne faisant l’objet des mesures de restriction ou de privation de liberté.
« Art. L. 1521-16. – Le juge des libertés et de la détention statue par ordonnance motivée insusceptible de recours. Copie de cette ordonnance est transmise dans les plus brefs délais par le procureur de la République au préfet maritime ou, outre-mer, au délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer, à charge pour celui-ci de la faire porter à la connaissance de la personne intéressée dans une langue qu’elle comprend.
« Art. L. 1521-17. – Les mesures prises à l’encontre des personnes à bord des navires peuvent être poursuivies, le temps strictement nécessaire, au sol ou à bord d’un aéronef, sous l’autorité des agents de l’État chargés du transfert, sous le contrôle de l’autorité judiciaire tel que défini par la présente section.
« Art. L. 1521-18. – Dès leur arrivée sur le sol français, les personnes faisant l’objet de mesures de coercition sont mises à la disposition de l’autorité judiciaire. » – (Adopté.)
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
8
Mises au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, le mardi 21 décembre 2010, lors du vote par scrutin public n° 136 sur les amendements identiques nos 3 rectifié et 49 rectifié ter, Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Claude Merceron ont été déclarés comme votant contre, alors qu’ils souhaitaient voter pour.
M. le président. La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Monsieur le président, le mardi 21 décembre 2010, lors du vote par scrutin public n° 136 sur les amendements identiques nos 3 rectifié et 49 rectifié ter, M. Pierre Martin a été déclaré comme votant contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Adaptation de la législation au droit communautaire
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne (texte de la commission n° 193, rapport n° 192).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission de l’économie, en remplacement de M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, en remplacement de M. Bruno Sido, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens en l’absence de Bruno Sido, notre rapporteur.
Le 6 septembre dernier, je déposais, avec mes collègues Gérard Longuet et Jean Bizet, la proposition de loi que nous examinons, désormais rebaptisée « proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne ».
Au terme d’un processus législatif relativement court, le Gouvernement ayant eu recours à la procédure accélérée, nous avons, avec nos collègues de l’Assemblée nationale, adopté un texte riche de dispositions variées, mais tendant au même objectif : assurer la compatibilité de notre droit national avec nos obligations européennes.
C’est dans cet esprit, et cela mérite d’être souligné, que nos travaux législatifs ont été abordés, car les retards de notre pays en matière de transposition des textes communautaires ne sont pas sans conséquences. Non seulement ils fragilisent notre position dans les institutions de l’Union en créant une forte insécurité juridique pour nos concitoyens, mais, surtout, ils nous placent dans une situation délicate au regard des procédures contentieuses qui peuvent être déclenchées, avec le risque de nous voir condamnés au versement d’amendes pour non-transposition.
C’est pourquoi nous ne pouvons, aujourd’hui, que nous féliciter d’adopter définitivement une proposition de loi qui nous permettra d’adapter une partie de notre législation nationale en matière d’environnement, de professions réglementées, de marché intérieur, de santé, ou encore de transport, et d’éteindre ainsi les contentieux communautaires qui menacent notre pays.
Lors de l’examen de ce texte au Sénat, nous avons tout d’abord assuré une coordination normative entre des dispositions figurant dans trois véhicules législatifs différents et qui étaient en cours de discussion entre nos deux assemblées : d’abord, la présente proposition de loi, ensuite, la proposition de loi Warsmann de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, enfin, l’ordonnance du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’environnement.
Par ailleurs, nous avons, dans cette assemblée, sur l’initiative du Gouvernement, enrichi le texte initial en adoptant plusieurs dispositifs visant à autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances afin de transposer plusieurs directives communautaires.
Sur ce point, mes chers collègues, j’ai bien entendu, lors des débats, ici même ou à l’Assemblée nationale, un certain nombre de critiques émises contre ces délégations législatives, mais je voudrais profiter de cet instant pour vous faire part de mon sentiment et apporter quelques précisions.
Sur la forme, d’abord, je tiens à souligner que le débat a bien eu lieu, et ce en toute transparence en séance publique. Le Gouvernement a même pris le soin, sur mon initiative, de nous présenter ces demandes d’habilitations législatives dès l’examen du texte en commission, afin que tous les groupes politiques puissent être en mesure de formuler leurs observations.
Sur le fond, ensuite, l’argument principal à opposer aux critiques émises tient tout simplement au risque élevé de pénalités pour retard de transposition, qu’il convient absolument de réduire tant pour l’image de la France que pour la situation de ses finances publiques.
Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour rassurer mes collègues de l’opposition. Je leur rappelle, en effet, qu’attentif aux demandes des parlementaires le Gouvernement a pris plusieurs engagements.
D’abord, les projets d’ordonnance nous seront systématiquement transmis. La commission de l’économie, que j’ai l’honneur de présider, a déjà commencé à recevoir ces éléments d’information. Vous avez ainsi, monsieur le secrétaire d’État, pris cet engagement avant-hier en séance publique à l’Assemblée nationale, pour plusieurs projets d’ordonnance actuellement en cours de finalisation.
Ensuite, pour certains textes sensibles, et je pense notamment aux deux directives fixant des règles communes d’organisation des marchés du gaz et de l’électricité, le ministre chargé de l’énergie, M. Eric Besson, a annoncé la constitution d’un groupe de travail sur la transposition de la directive «Énergie » afin d’associer pleinement les parlementaires à la production de la norme.
Enfin, nous avons obtenu du Gouvernement qu’il s’engage à transmettre un calendrier prévisionnel des directives à prendre dans les prochaines années, de sorte que nous ne soyons plus contraints de leur trouver, dans l’urgence, un véhicule législatif plus ou moins adapté.
N’oublions pas, mes chers collègues, que nous aurons tout loisir de débattre de nouveau au fond de ces sujets dans le cadre des projets de loi de ratification de ces ordonnances.
J’en viens à présent aux dispositions que nous avions adoptées au Sénat en première lecture. À l’exception des dispositions relatives à l’urbanisme, sur lesquelles je reviendrai dans un instant, celles-ci n’ont fait l’objet que d’ajustements rédactionnels de pure forme lors de leur examen à l’Assemblée nationale, puis en commission mixte paritaire.
S’agissant de l’urbanisme, le Sénat avait introduit un article afin de donner du temps aux élus pour adapter les plans locaux d’urbanisme, les PLU, et les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, aux nouvelles dispositions de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle 2, adoptée en juillet 2010.
L’Assemblée nationale a conservé ce dispositif, en introduisant encore davantage de souplesse : les SCOT et les PLU approuvés avant le 12 janvier 2011 auront jusqu’au 1er janvier 2016 pour intégrer les dispositions du Grenelle 2 ; les SCOT et les PLU en cours d’élaboration ou de révision approuvés avant le 1er juillet 2013, dont le projet de schéma ou de plan aura été arrêté avant le 1er juillet 2012, pourront opter pour l’application des dispositions antérieures. Ils auront ensuite jusqu’au 1er janvier 2016 pour intégrer les dispositions du Grenelle 2.
La commission mixte paritaire a adopté cette rédaction, extrêmement opportune dans un contexte où le Parlement est appelé à simplifier les normes, notamment celles qui pèsent sur les collectivités territoriales.
Je profite de cette occasion, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour remercier M. le rapporteur, Bruno Sido, du travail considérable qu’il a effectué.
En définitive, et contrairement à ce qui a pu être affirmé ici ou là, j’ai la conviction profonde que cette proposition de loi honore le Parlement en ce qu’elle illustre notre volonté de nous saisir pleinement de la question du respect, par notre pays, du droit de l’Union européenne. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État. (M. Jacques Gautier applaudit.)
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte de la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne qui vous est soumis va permettre de transposer les dispositions de plusieurs textes européens pour lesquels il devenait urgent de disposer d’un texte législatif.
Cette proposition de loi a vu le jour grâce à l’initiative des présidents Gérard Longuet, Jean Bizet et Jean-Paul Emorine. Je souhaite avant tout les en remercier particulièrement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez examiné ce texte hier matin en commission mixte paritaire, après une première lecture par la Haute Assemblée le 17 novembre dernier et par l’Assemblée nationale le 20 décembre. Ce texte est le fruit d’un travail de coopération intense entre le Gouvernement et le Parlement. En effet, de nombreux échanges ont eu lieu entre votre rapporteur et mes services dès son premier examen en commission et tout au long de la navette parlementaire.
Grâce à nos efforts conjugués, nous avons pu mener à bien la mission qui incombait à notre pays et élaborer un texte de loi fournissant l’instrument juridique indispensable à l’accomplissement de nos engagements de transposition. Ainsi, comme vous l’avez souligné, monsieur le président de la commission, nous évitons les risques financiers d’une condamnation de la France pour défaut de transposition et manquement à ses obligations.
Certes, ce texte contient des dispositions relatives à des domaines très divers : santé, transports, environnement, énergie. En outre, plusieurs de ses articles habilitent le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances.
Je suis conscient de l’importance que le Parlement accorde au fait d’être plus étroitement associé aux travaux d’élaboration des ordonnances par le Gouvernement. Ayant été parlementaire pendant dix-sept ans, j’y suis plus attaché que quiconque.
Ainsi que je m’y suis engagé devant vous le 17 novembre dernier, mes services se tiennent à la disposition des membres de la Haute Assemblée qui souhaiteraient faire part d’observations relatives aux projets d’ordonnances. Je m’engage de nouveau à ce que ces projets vous soient communiqués lors de leur phase d’élaboration, et cela dès demain pour les textes dont une première rédaction est déjà disponible.
Par ailleurs, afin d’éviter autant que possible de soumettre à l’avenir au Parlement un projet de loi de même nature, je prends l’engagement de vous communiquer tous les deux mois, comme je l’ai fait à l’Assemblée nationale, un état de l’avancement de la transposition des directives dans le domaine des transports, dont j’ai la responsabilité, ce qui vous évitera d’être pris de court et contraints de légiférer « l’amende sous la gorge », si je puis dire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec l’adoption de cette proposition de loi, vous poursuivez l’œuvre entamée sur votre initiative et permettez à notre pays de respecter ses engagements européens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici amenés à voter de manière définitive la proposition de loi d’adaptation au droit communautaire, déposée le 6 septembre dernier par nos collègues Jean Bizet, Jean-Paul Emorine et Gérard Longuet, qui doit s’approcher du record du texte le plus vite examiné ! (M. le secrétaire d’État sourit.)
En effet, déposé le 6 septembre 2010, ce texte a été adopté en commission au Sénat le 3 novembre dernier, voté en séance le 17 novembre, examiné à l’Assemblée nationale en commission le 1er décembre et en séance lundi dernier, la commission mixte paritaire se tenant hier pour un vote définitif aujourd’hui. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette proposition de loi était...
M. Michel Billout. … très attendue par le Gouvernement !
Je souhaiterais, lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire, vous exposer une nouvelle fois la position de mon groupe sur cette proposition de loi, tant sur la forme que sur le fond.
Tout d’abord, sur la forme, nous considérons qu’il n’est pas satisfaisant de détourner le pouvoir d’initiative parlementaire afin de transposer des directives européennes, a fortiori si ce processus se fait par le biais de ratifications d’ordonnances ou d’habilitations à légiférer de cette manière.
Aujourd’hui, cette proposition de loi comporte 17 articles, soit plus du double qu’elle n’en contenait initialement, notamment grâce à l’intégration d’amendements du Gouvernement.
Il n’est pas non plus satisfaisant que la procédure accélérée s’applique à une proposition de loi. Bien que nous soyons habitués à ce que l’urgence devienne la règle, nous trouvons cette procédure pour le moins contestable.
Cette urgence est justifiée, nous dit encore le président de la commission, par les sanctions pécuniaires qui pèsent sur la France en raison du retard enregistré dans la transposition de directives européennes. Nous ne pouvons nous satisfaire de cet argument. La construction européenne ne peut en aucun cas justifier le dessaisissement des parlements nationaux, alors même, chers collègues de la majorité, que vous avez défendu l’adoption du traité de Lisbonne, considéré comme un grand progrès en la matière.
De plus, nous estimons que l’existence d’une commission des affaires européennes devrait permettre d’éviter ce type d’initiative, grâce à un travail sur la question de la transposition des directives européennes mené bien plus en amont, dès leur adoption par le Parlement européen. Une plus grande implication de cette commission à l’ensemble des travaux législatifs est donc nécessaire, notamment au regard de l’irrigation de plus en plus importante de notre droit par les normes communautaires.
Dois-je vous rappeler la teneur du rapport d’information rendu en 2002 par le sénateur Hubert Haenel, naguère président de la commission des affaires européennes, aujourd’hui membre du Conseil constitutionnel ? Il y était indiqué que la loi dont l’objet exclusif est la transposition doit rester la norme et que le recours à une ordonnance ne doit être envisagé que dans des conditions exceptionnelles et comme une solution de dernier ressort. Or, dans cette proposition de loi, 7 articles sur 17 prévoient une transposition par ordonnance. Voilà encore un nouveau record !
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué que le Gouvernement prendra en considération les observations des parlementaires lors de la mise au point du texte des ordonnances, avant leur examen par le Conseil d’État. Vous présentez cette annonce comme une garantie du respect du pouvoir législatif, ce qui pourrait prêter à sourire si la dérive n’était pas si grave.
Sur le fond, ce texte comprend quatre titres qui, comme l’a très justement noté le rapporteur à l’Assemblée nationale, ne trouvent leur unité que dans l’absence de lien qu’ils entretiennent les uns avec les autres.
Mme Bariza Khiari. Tout à fait !
M. Michel Billout. Le titre Ier comporte diverses dispositions relatives à l’environnement. L’article 2 bis transpose trois directives issues du « paquet énergie climat », et l’article 2 quater, quant à lui, a pour objet de transposer deux directives concernant les règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et du gaz. Nous nous sommes élevés, en première lecture, contre cet article qui réintroduit par la porte ce qui avait été sorti lors de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dit NOME. Nous nous opposons à ces pratiques qui témoignent de votre mépris des parlementaires.
Nous pensons également que la transposition du « paquet climat énergie », au moment même où se tiennent de nombreux sommets internationaux, comme à Copenhague et à Cancún, aurait mérité un débat approfondi par nos assemblées.
C’est d’autant plus vrai que la pertinence d’un marché des quotas fait l’objet de plus en plus fréquemment de vives critiques, avec la création d’un marché financier parallèle suscitant la spéculation, alors même que l’objectif de réduction des émissions n’est pas atteint.
Le titre II transpose la directive Services, une fois de plus par petits bouts, à certaines professions réglementées comme les géomètres experts, l’activité de gérance des auto-écoles ainsi que les experts en automobile. Nous contestons depuis le début l’adoption fragmentée de cette directive, alors même que la plupart des pays européens ont fait le choix de l’adoption d’une loi-cadre.
Par ailleurs, et plus fondamentalement, la grave crise que traverse l’Europe, dont les causes sont à chercher dans le dessaisissement du pouvoir politique face aux marchés financiers, et, plus généralement, à la sphère économique, devrait inciter les institutions nationales et européennes à renoncer aux dogmes de l’ultralibéralisme.
Nous regrettons une nouvelle fois que le Gouvernement ne souhaite pas aborder frontalement ce débat et qu’il fasse le choix de transpositions sectorielles.
Le titre III est relatif aux transports et ne nous semble pas particulièrement problématique, puisqu’il s’agit principalement de traduire un règlement européen concernant les droits des voyageurs. Cependant, nous regrettons l’introduction, lors de l’examen du texte au Sénat, d’un article permettant la poursuite de la libéralisation du secteur aérien, notamment concernant l’embauche des personnels.
Les articles 12 à 15 sont issus d’amendements gouvernementaux. Nous en revenons ici aux procédés, déjà utilisés, de véhicules législatifs hybrides permettant de manière décousue d’entériner en catastrophe des habilitations gouvernementales afin de légiférer dans des domaines variés.
Enfin, le dernier titre a été inséré ici au Sénat et ne correspond nullement à une directive européenne : il a pour objet de répondre à une inquiétude des élus quant à l’application de la loi Grenelle II. Il s’agit donc clairement d’un cavalier législatif.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que confirmer notre position exprimée en première lecture.
Au final, ce texte vide de sens la notion d’initiative parlementaire et constitue un grave abus de pouvoir de l’exécutif en termes d’habilitation par voie d’ordonnances. Le Parlement n’est ici considéré que comme une chambre d’enregistrement.
De plus, en transposant une nouvelle fois en catimini la directive Services, pierre angulaire des politiques de libéralisation et de privatisation, il permet au Gouvernement de tenter, une fois encore, de se déresponsabiliser dans ce domaine.
En ces temps particuliers, où ce sont les citoyens qui payent en lieu et place des banques et des grandes fortunes les conséquences dramatiques de la crise financière que nous traversons, nous ne pouvons accepter ce manque de courage du Gouvernement, qui se cache derrière sa majorité avec cette proposition de loi, pour continuer d’appliquer les préceptes qui ont conduit l’Europe et la France à la récession.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, Daniel Raoul, Roland Courteau et Roland Ries n’ont pu se libérer pour cette séance finale et vous prient de bien vouloir les excuser. Il me revient donc la responsabilité de revenir, au terme de la réunion de la commission mixte paritaire, sur cette séquence qui, à l’image de tant d’autres, met à mal le mythe de l’« hyperparlement » qui prospère depuis la réforme constitutionnelle de 2008 : on nous parlait de revalorisation des droits des assemblées, et j’avais eu, en ma qualité de nouvelle parlementaire, la faiblesse d’y croire.
Sur les travées de l’opposition comme sur celles de la majorité, le malaise est palpable : le Parlement est devenu une institution malléable et corvéable à merci.
Il est malléable, car je n’avais encore jamais vu, pour ma part, de proposition de loi de transposition, qui plus est astreinte à la procédure d’urgence. Comble de la supercherie, cette proposition de loi de transposition s’est transformée en proposition de loi d’habilitation. Nous sommes les complices d’un hara-kiri parlementaire ! Le Gouvernement joue en effet au coucou dans cette affaire. Je suis, quant à moi, perplexe face à cette invasion gouvernementale de nos travaux.
Le Parlement est également corvéable, car des dispositions identiques se retrouvent dans trois véhicules législatifs différents, sur lesquels nous avons dû nous prononcer à chaque reprise ; il nous a fallu suivre l’évolution de dispositions disparates en ayant l’œil sur la proposition de loi Warsmann de simplification du droit, sur l’ordonnance du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’environnement et sur les amendements gouvernementaux à la proposition de loi de MM. Longuet, Emorine et Bizet.
Nous avons participé, de mauvais gré, à une course à l’échalote : il nous a été clairement indiqué que le sort des propositions de loi déposées, respectivement, par M. Warsmann et MM. Longuet, Bizet et Emorine dépendrait du calendrier : la première adoptée l’emporterait et ferait tomber les dispositions identiques prévues dans l’autre !
De fait, quatre des huit articles initiaux de la présente proposition de loi figuraient déjà dans le texte de Jean-Luc Warsmann. C’est donc un contre-exemple de simplification du droit. Finalement, tout est bon pour parvenir à l’objectif recherché ; peu importent les moyens.
La sanction infligée en cas de retard de transposition des directives devenant de plus en plus incitative, je peux certes comprendre le souci de ne pas obérer plus encore nos finances publiques par le paiement d’amendes forfaitaires pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros par jour. Il est vrai qu’il s’agit là d’une motivation puissante, pour la majorité comme pour l’opposition.
Si j’en crois le rapport de notre collègue Bruno Sido, depuis 2005, la France a payé 30 millions d’euros d’amendes pour ces retards. C’est un peu moins que le budget du tourisme pour cette année ! Autant dire que cet argent aurait pu recevoir une destination plus opportune…
En réalité, la facture est bien plus lourde encore. Dans une note datant de septembre 2010, la Commission européenne a publié les résultats d’une enquête auprès des pays membres : il apparaît que quatre-vingts procédures d’infraction sont actuellement engagées contre la France et que la plupart concernent des défauts de transposition. Je vous laisse faire le calcul, mes chers collègues : les 30 millions d’euros seront bien dépassés !
Quand on veut faire des économies sur la CMU, les aides aux plus précaires et les services publics tout en maintenant le bouclier fiscal, la décence voudrait que l’on assume ses responsabilités et que l’on ne se mette pas en situation de payer des millions d’euros par simple incurie !
Ces sanctions pécuniaires nous obligent à légiférer avec une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. On dirait que le Gouvernement vient tout juste de découvrir l’article du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui stipule que la Cour de justice peut, dès lors qu’elle est saisie d’un recours en manquement de la part de la Commission, infliger à l’État membre concerné le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte.
Les conséquences des retards de transposition sont de plus en plus importantes. Au-delà même des enjeux financiers, ils suscitent une insécurité juridique et posent, surtout, la question de la crédibilité de nos engagements européens : c’est sans doute l’aspect le plus coûteux à moyen et long terme.
Comme l’a dit M. Billout, l’Europe traverse une zone de tourmente économique majeure. La crise financière grecque, suivie par celles qui ont frappé l’Irlande, le Portugal et l’Espagne, oblige les pays membres à redéfinir la gouvernance de la zone euro. De nouvelles règles du jeu doivent émerger, ainsi que de nouveaux mécanismes et, je l’espère, un budget européen. En attendant, les moteurs traditionnels de l’Europe sont grippés.
Dans ces conditions, il est encore plus important que les États membres, notamment les pays fondateurs de l’Union, soient exemplaires en matière d’engagements européens. Cet effort passe bien évidemment par le respect du calendrier des procédures. Or, en la matière, nous figurons parmi les derniers de la classe. Surtout, nous qui donnons des leçons de démocratie à la terre entière devons également être exemplaires dans la méthode de délibération retenue, car le déficit démocratique sur les sujets européens alimente et entretient le désamour pour l’Union européenne.
À cet égard, le choix d’une transposition sectorielle de la directive Services, couplé à la méthode de la législation par délégation, n’est pas de nature à relancer l’envie d’Europe : près de la moitié des articles de ce texte concernent des habilitations à légiférer par ordonnances ; c’est un chèque en blanc qui nous est demandé !
Absence d’intelligibilité pour nous, mais aussi pour nos concitoyens : la méthode choisie pour la transposition de la directive Services me semble scandaleuse au regard de la transparence du débat démocratique. Texte après texte, petit bout par petit bout, la directive est transposée, empêchant ainsi l’émergence d’un débat citoyen sur ces mesures qui ont une incidence directe, immédiate et massive sur la vie économique et sociale de notre pays.
M. Bizet, dans un rapport d’information consacré à cette directive, a dénoncé à juste titre cette méthode de transposition par tronçon, estimant que « l’éclatement de la directive Services dans plus d’une dizaine de textes permet de noyer le débat et d’éviter une nouvelle mobilisation des acteurs sociaux ».
En effet, la directive Services – personne ne l’a oublié, même si on a rebaptisé ce texte – est issue du travail de refonte de la fameuse directive Bolkestein par le Parlement européen. C’est la preuve indiscutable que le Parlement est une instance nécessaire et essentielle dans l’élaboration de la loi.
À ce propos, je tiens d’ailleurs à rendre hommage au travail d’Evelyne Gebhardt, eurodéputée allemande, membre du SPD, qui a eu la lourde charge de conduire les négociations autour de la refonte complète du texte Bolkestein. Son travail fut difficile, en quête constante de compromis et d’améliorations. Elle y est finalement parvenue, puisque le principe du pays d’origine, qui posait de nombreuses difficultés, a été supprimé. De même, les services d’intérêt général ont été retirés du champ d’application de la directive.
Monsieur le secrétaire d’État, en dépit de la demande des groupes parlementaires de gauche, vous n’avez pas souhaité vous engager dans une loi-cadre. Et maintenant, vous nous infligez l’ordonnance… Dans une note datant de la fin de l’année 2007, le service des études juridiques du Sénat dressait le bilan de la législation par délégation : de 1981 à 2003, en plus de deux décennies, le Parlement a adopté vingt-neuf lois d’habilitation ; de 2004 à 2007, en l’espace de trois ans seulement, il en a voté trente-huit, qui, de surcroît, sont de plus en plus hétérogènes.
L’argument de l’encombrement législatif n’est pas recevable. S’il ne tenait qu’à nous, monsieur le secrétaire d’État, nous nous passerions bien volontiers du rythme qui nous impose un texte sur la sécurité et un autre sur l’immigration tous les ans, tout comme nous nous passerions bien volontiers des textes qui ont trait à la sécurité des manèges ou aux chiens dangereux, sujets qui relèvent du domaine réglementaire.
À force de transformer le Parlement en relais médiatique de ces politiques d’affichage, le Gouvernement impose au législateur une cadence d’assaut et lui interdit d’accomplir son travail dans la sérénité.
Comment travailler, dans un temps aussi réduit, sur un texte qui comporte tout à la fois des dispositions relatives à l’environnement et au climat, aux professions et activités réglementées, aux transports, à l’étiquetage, aux produits chimiques, aux bons à polluer, aux écoles de conduites, et j’en passe ?
Le texte issu de la CMP n’a plus grand-chose à voir avec la proposition de loi déposée au début du mois de septembre dernier par MM. Longuet, Bizet et Emorine. En effet, près de la moitié de ses articles sont désormais issus d’amendements gouvernementaux visant la législation par délégation.
Je conviens volontiers qu’il n’est pas vraiment utile que le législateur intervienne sur certaines questions. Toutefois, sur des sujets comme le climat ou l’énergie, alors que la préoccupation environnementale grandit, il n’est pas concevable de mettre ainsi le législateur sur la touche et de contourner, si ce n’est fuir, le débat sur des sujets d’avenir.
Enfin, mes chers collègues, je ne crois pas qu’il y ait véritablement matière à se réjouir de la proposition du Gouvernement de mettre en place une commission spéciale afin d’associer les parlementaires à l’élaboration de l’ordonnance relative à l’énergie. Une telle méthode de travail, qui n’est pas prévue par les institutions, risque de tourner au marché de dupes. Aussi, le groupe socialiste veillera à ce que cette option, que vous qualifiez de « nécessité conjoncturelle », ne se reproduise pas.
J’ai écouté nos collègues députés lundi dernier en séance plénière ; je vous ai écoutés aujourd’hui, mes chers collègues. Nos interventions n’ont que trop furtivement évoqué le cœur des dispositions du texte, et mes propos n’échappent pas à ce constat. Voilà bien la preuve que la transposition sectorielle, couplée à la législation par habilitation, interdit le débat parlementaire sur le fond, comme nous le dénonçons. La proposition de loi d’habilitation, de surcroît soumise à la procédure accélérée, est un monstre législatif. Nous l’avons tous dénoncé, mais je regrette que nous n’ayons pas davantage parlé du fond.
Toutefois, comme ma nature ne me porte pas à la lamentation, je terminerai mon propos sur quelques notes de satisfaction.
L’adoption de notre amendement relatif aux schémas de cohérence territoriale, les SCOT, et aux plans locaux d’urbanisme, les PLU, est un réel soulagement pour les collectivités concernées.
Enfin, et surtout, je souhaiterais remercier la commission de l’économie – en premier lieu mon collègue Hervé Maurey, mais aussi M. Jean-Paul Emorine – d’avoir réintroduit la suppression de la condition de nationalité pour les géomètres-experts. Je me réjouis que nous allions au-delà du principe de non-discrimination communautaire et que, dorénavant, seule la condition de diplôme soit retenue.
Vous voyez, monsieur le secrétaire d’État,…
Mme Bariza Khiari. … que, petit à petit, les dispositions de la proposition de loi visant à supprimer les conditions de nationalité, que j’avais présentée voilà deux ans et qui avait été adoptée au Sénat à l’unanimité des groupes politiques, se concrétisent.
Les conditions de nationalité ont disparu pour les professions de santé dans la loi HSPT ; elles disparaissent à présent pour les géomètres-experts. Il reste encore un effort à faire pour les vétérinaires, les architectes et les experts-comptables, ainsi que pour tous les métiers que ma proposition de loi ne visait pas !
Vous savez bien, mes chers collègues, que les discriminations légales légitiment, par effet de système, les discriminations illégales. On pouvait récemment lire à la une du journal Le Monde que, dans les quartiers sensibles, 43 % des hommes jeunes sont au chômage. Ce chiffre m’obsède et m’enjoint de poursuivre mon combat contre toutes les discriminations, notamment celles qui ont trait à l’embauche.
Notre conception de la méritocratie républicaine impliquait l’abrogation de ces dispositions datées et proprement scandaleuses, qui remontaient à l’entre-deux-guerres, voire au régime de Vichy. Elles étaient d’autant moins soutenables que les directives européennes avaient progressivement permis aux ressortissants des États de l’Union détenteurs d’un diplôme de niveau équivalent à ceux de notre pays de pouvoir exercer en France. Dès lors, un étranger titulaire d’un diplôme français avait moins de droits qu’un Européen détenteur d’un diplôme communautaire.
Ma proposition de loi avait connu un sort peu enviable à l’Assemblée nationale, mais je constate que, progressivement, ses articles sont repris, un à un, au fil des différents textes. Il est même assez réjouissant, monsieur le secrétaire d’État, de vous voir aujourd’hui défendre un texte dans lequel figure un article que vous avez tant vilipendé lorsque vous étiez député. Je salue la sagesse que votre nouvelle fonction vous a si vite conférée. En somme, vérité au-delà du perchoir, erreur en deçà…
Si je me réjouis de ce pas en avant dans la lutte contre les discriminations, cette satisfaction ne saurait masquer ma profonde amertume face à un texte qui, globalement, entérine la régression des droits des parlementaires.
La période des vœux ayant commencé, pour ma part, et au nom de mon groupe, je forme celui qu’une telle aberration législative ne se reproduira pas. Évidemment, pour toutes ces raisons, qui tiennent tant à la méthode qu’au fond des sujets, le groupe socialiste votera contre ce texte. (M. Michel Billout applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Titre Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENVIRONNEMENT ET AU CLIMAT
Article 1er A
I. – L'ordonnance n° 2010-1232 du 21 octobre 2010 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'environnement est ratifiée.
II. – L’article L. 229-13 du code de l’environnement est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les quotas délivrés ou acquis au cours d’une période d’affectation qui n’ont pas été utilisés au cours de cette période et annulés en application de l’article L. 229-14 sont rendus à l’État et annulés au début de la période suivante. La même quantité de quotas d’émission valables pour la nouvelle période est simultanément délivrée aux personnes qui étaient détentrices des quotas ainsi annulés.
« Il n’est pas procédé à la délivrance des quotas prévue à la seconde phrase du deuxième alinéa en remplacement des quotas annulés à l’issue de la période triennale débutant le 1er janvier 2005. »
III. – À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 229-5 du même code, la référence : « l’article L. 330-1 du code de l’aviation civile » est remplacée par la référence : « l’article L. 6412-2 du code des transports ».
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Article 2 bis
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de promulgation de la de la présente loi, les dispositions législatives nécessaires à la transposition des directives communautaires suivantes :
1° Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE ;
2° Directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre ;
3° Directive 2009/30/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, modifiant la directive 98/70/CE en ce qui concerne les spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles ainsi que l’introduction d’un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, modifiant la directive 1999/32/CE du Conseil en ce qui concerne les spécifications relatives aux carburants utilisés par les bateaux de navigation intérieure et abrogeant la directive 93/12/CEE.
II. – Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans le délai de trois mois à compter de la publication des ordonnances.
Article 2 ter
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à l’adaptation de la législation :
– au règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006 ;
– au règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission ;
– au règlement (CE) n° 842/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2006, relatif à certains gaz à effet de serre fluorés ;
– au règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, concernant les polluants organiques persistants et modifiant la directive 79/117/CEE ;
– au règlement (CE) n° 689/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juin 2008, concernant les exportations et importations de produits chimiques dangereux ;
– au règlement (CE) n° 1005/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone ;
– et à la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, concernant la mise sur le marché des produits biocides.
II. – Les ordonnances doivent être prises dans un délai de douze mois suivant la promulgation de la présente loi. Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans le délai de trois mois à compter de la publication des ordonnances.
Article 2 quater
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la date de promulgation de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour transposer la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE, et pour transposer la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE.
L’ordonnance a pour objet :
1° De renforcer l’indépendance des gestionnaires de réseau de transport d’électricité ou de gaz, s’agissant de leurs moyens techniques et humains ainsi que de l’organisation interne de ces sociétés, en optant dans les deux cas pour l’option « Gestionnaire de réseau de transport indépendant », régie par les dispositions du chapitre V de la directive 2009/72/CE précitée et par celles du chapitre IV de la directive 2009/73/CE précitée ;
2° D’instaurer une procédure de certification de l’indépendance des gestionnaires de réseau de transport d’électricité ou de gaz confiée à la Commission de régulation de l’énergie ;
3° D’assurer le suivi de l’indépendance des gestionnaires de réseau de transport d’électricité ou de gaz, ainsi que des gestionnaires de réseau de distribution d’électricité ou de gaz desservant plus de cent mille clients, par un cadre chargé de la conformité ;
4° De renforcer les obligations d’investissement des gestionnaires de réseau de transport d’électricité ou de gaz en instaurant l’obligation de réalisation d’un plan décennal de développement des réseaux concernés ;
5° De renforcer les compétences de la Commission de régulation de l’énergie notamment en matière de sanctions, et de la doter de nouvelles compétences pour intervenir en matière d’investissements de réseau ;
6° De renforcer les compétences de la Commission de régulation de l’énergie en ce qui concerne les tarifs d’utilisation des réseaux de transport, de distribution d’électricité ou de gaz ainsi que les tarifs d’utilisation des installations de gaz naturel liquéfié.
II. – Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois à compter de la publication de cette ordonnance.
TITRE II
DISPOSITIONS DIVERSES RELATIVES À DES PROFESSIONS ET ACTIVITÉS RÉGLEMENTÉES
Article 3
La loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l’ordre des géomètres-experts est ainsi modifiée :
1° A Au premier alinéa de l’article 2-1, les mots : « la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « l’Union européenne » ;
1° B L’article 3 est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Pour les personnes physiques n’étant pas de nationalité française, posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession en France ; »
b) Le b du 2° est ainsi modifié :
– le début de la première phrase est ainsi rédigé : « Pour les ressortissants étrangers dont l’État d’origine ou de provenance n’est pas la France, ne pas…(le reste sans changement). » ;
– à la deuxième phrase, les mots : « l’État membre » sont remplacés par les mots : « l’État » ;
– à la dernière phrase, les mots : « l’État membre » sont remplacés, deux fois, par les mots : « l’État » et les mots : « les États membres » sont remplacés par les mots : « les États » ;
c) Le b du 4° est ainsi rédigé :
« b) Pour les ressortissants de l’Union européenne, pour les ressortissants d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, pour les personnes physiques exerçant ou habilitées à exercer sur le territoire d’un État ou d’une entité infra-étatique dont les autorités compétentes ont conclu un accord de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles avec l’ordre des géomètres-experts approuvé par décret, dès lors qu’ils ne sont pas titulaires d’un des diplômes mentionnés au a du présent 4°, avoir été reconnu qualifié par l’autorité administrative dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » ;
1° C L’article 4 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le titre de géomètre-expert stagiaire est attribué aux candidats à la profession de géomètre-expert qui, ayant subi avec succès l’examen de sortie d’une école d’ingénieurs géomètres reconnue par l’État ou répondant aux conditions requises pour l’obtention du diplôme de géomètre-expert foncier délivré par le Gouvernement définies par décret, ont à accomplir une période réglementaire de stage. » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « aux ressortissants d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen » sont remplacés par les mots : « aux ressortissants et personnes physiques mentionnés au b du 4° de l’article 3 » ;
1° L’article 6-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « géomètres-experts peuvent constituer entre eux » sont remplacés par les mots : « personnes exerçant légalement la profession de géomètre-expert peuvent constituer entre elles » ;
b) Au début du dernier alinéa, les mots : « Aucun géomètre-expert » sont remplacés par les mots : « Aucune personne exerçant légalement la profession de géomètre-expert » ;
2° L’article 6-2 est ainsi modifié :
a) Au 2°, les mots : « un ou des géomètres-experts associés » sont remplacés par les mots : « une ou des personnes exerçant légalement la profession de géomètre-expert » ;
b) À la fin du 4°, les mots : « être géomètres-experts associés » sont remplacés par les mots : « exercer légalement la profession de géomètre-expert » ;
3° L’article 8-1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du I, les mots : «, à titre accessoire ou occasionnel, » sont supprimés ;
b) La deuxième phrase du même premier alinéa est supprimée ;
b bis) Le début de la troisième phrase du même premier alinéa est ainsi rédigé : « Cette activité ne peut... (le reste sans changement). » ;
« c) Après la première occurrence du mot : « activité », la fin du deuxième alinéa du même I est ainsi rédigée : « de gestion immobilière. » ;
d) Le II est ainsi rédigé :
« II. – Le géomètre-expert ou la société de géomètres-experts doit tenir, pour les opérations relevant de ces deux activités, une comptabilité distincte.
« Les géomètres-experts et sociétés de géomètres-experts reçoivent des fonds, effets ou valeurs pour le compte de leurs clients, les déposent dans un établissement du secteur bancaire ou dans une caisse créée à cette fin par le conseil supérieur de l’ordre des géomètres-experts et en effectuent le règlement.
« Lorsqu’ils n’effectuent pas de dépôt auprès d’un des établissements mentionnés à l’alinéa précédent, ils souscrivent une assurance garantissant le remboursement intégral des fonds, effets ou valeurs reçus.
« Le règlement de la profession précise les conditions dans lesquelles les géomètres-experts et sociétés de géomètres-experts reçoivent les fonds, effets ou valeurs pour le compte de leurs clients, les déposent à la caisse mentionnée au deuxième alinéa et en effectuent le règlement. Ladite caisse est placée sous la responsabilité du président du conseil supérieur de l’ordre des géomètres-experts. Le remboursement intégral des fonds, effets ou valeurs doit être garanti par une assurance contractée par l’ordre des géomètres-experts qui fixe le barème de la cotisation destinée à couvrir tout ou partie du coût de cette assurance et en assure le recouvrement auprès des géomètres-experts et sociétés de géomètres-experts autorisés à exercer l’activité d’entremise immobilière ou l’activité de gestion immobilière.
« Le défaut de paiement de la cotisation destinée à couvrir tout ou partie du coût de l’assurance mentionnée à l’alinéa précédent est sanctionné comme en matière de défaut d’assurance de responsabilité civile professionnelle.
« Ces dispositions ne font pas obstacle à l’application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, notamment de son article 18.
« Les éléments relatifs à la nature des dépôts effectués ainsi que ceux relatifs à la souscription d’assurance sont portés à la connaissance du président du conseil supérieur de l’ordre des géomètres-experts, qui peut à tout moment avoir communication de la comptabilité relative aux opérations immobilières.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment le délai dans lequel les géomètres-experts exerçant une activité de gestion immobilière à la date de la publication de la loi n° … du ˙… portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne sont tenus de se mettre en conformité avec les dispositions de cette loi. » ;
4° Au premier alinéa de l’article 23-1, les mots : « la Communauté européenne » sont remplacés par les mots : « l’Union européenne ».
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Article 5
I. – Le même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 326-3 est ainsi rédigé :
« Nul ne peut exercer la profession d’expert en automobile s’il ne figure sur une liste fixée par l’autorité administrative. » ;
2° L’article L. 326-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 326-5. – Les conditions d’application des articles L. 326-1 à L. 326-4, et notamment le régime disciplinaire auquel sont soumis les experts en automobile, sont fixées par un décret en Conseil d’État.
« Une commission nationale composée de représentants de l’État, de représentants des professions concernées par l’expertise et l’assurance et de représentants d’associations d’usagers est consultée pour avis par l’autorité administrative qui rend les décisions disciplinaires, selon des modalités prévues par décret. » ;
3° Le 4° du I de l’article L. 326-6 est remplacé par un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Les conditions dans lesquelles un expert en automobile exerce sa profession ne doivent pas porter atteinte à son indépendance. »
II. – Le I entre en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant la promulgation de la présente loi.
Article 6
I. – Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À l’article L. 5131-1, les mots : « préparation destinée à être mise » sont remplacés par les mots : « mélange destiné à être mis » ;
2° Le 2° de l’article L. 5131-7-1 est ainsi rédigé :
« 2° Les quantités de substances qui entrent dans la composition de ce produit et répondent aux critères d’une des classes ou catégories de danger suivantes, visées à l’annexe I du règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006 :
« a) Les classes de danger 2.1 à 2.4, 2.6 et 2.7, 2.8 types A et B, 2.9, 2.10, 2.12, 2.13 catégories 1 et 2, 2.14 catégories 1 et 2, 2.15 types A à F ;
« b) Les classes de danger 3.1 à 3.6, 3.7 effets néfastes sur la fonction sexuelle et la fertilité ou sur le développement, 3.8 effets autres que des effets narcotiques, 3.9 et 3.10 ;
« c) La classe de danger 4.1 ;
« d) La classe de danger 5.1. » ;
3° L’article L. 5131-7-2 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du a est ainsi rédigée :
« Le cas échéant, les méthodes alternatives validées et adoptées par la Commission européenne sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; »
b) La seconde phrase du b est ainsi rédigée :
« Le cas échéant, les méthodes alternatives validées et adoptées par la Commission européenne sont fixées par l’arrêté mentionné au a ; »
c) La deuxième phrase du d est ainsi rédigée :
« Les méthodes alternatives validées sont précisées dans le règlement (CE) no 440/2008 de la Commission, du 30 mai 2008, établissant des méthodes d’essai conformément au règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) ou dans l’arrêté mentionné aux a et b. »
II. – (Suppression maintenue)
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX TRANSPORTS
Article 7
Le chapitre VIII du titre Ier du code de la voirie routière est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Sécurité des ouvrages et des infrastructures » ;
2° Il est inséré une section 1 intitulée : « Sécurité des ouvrages du réseau routier dont l’exploitation présente des risques particuliers pour la sécurité des personnes » et comprenant les articles L. 118-1 à L. 118-5 ;
3° Il est ajouté une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Gestion de la sécurité des infrastructures routières
« Art. L. 118-6. – À l’exclusion des ouvrages visés à la section 1 du présent chapitre, l’autorité gestionnaire d’une infrastructure appartenant au réseau routier d’importance européenne ou son concessionnaire effectue périodiquement un recensement du réseau et une classification de sa sécurité, ainsi que des inspections de sécurité destinées à prévenir les accidents. L’autorité gestionnaire ou son concessionnaire met en œuvre les mesures correctives en résultant.
« Un décret établit la liste des infrastructures routières qui constituent le réseau routier d’importance européenne.
« L’autorité maître d’ouvrage d’un projet d’infrastructure devant appartenir au réseau routier d’importance européenne ou son concessionnaire réalise une évaluation de ses incidences sur la sécurité routière ainsi que des audits de sécurité.
« Un décret fixe les conditions d’application du présent article et notamment le contenu et le moment où sont réalisés les recensements, classifications, inspections, évaluations et audits qu’il ordonne.
« Art. L. 118-7. – Les auditeurs de sécurité routière, assurant les audits de sécurité des infrastructures routières prévus à l’article L. 118-6, sont titulaires d’un certificat d’aptitude obtenu dans un des États membres de l’Union européenne sanctionnant une formation initiale ou une expérience professionnelle et suivent régulièrement des sessions de perfectionnement.
« Les conditions de reconnaissance des certificats d’aptitude délivrés par les États membres de l’Union européenne avant l’entrée en vigueur de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne sont définies par décret en Conseil d’État. »
Article 7 bis
Le code des transports est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase de l’article L. 3113-1 et à l’article L. 3211-1, après les mots : « à des conditions », sont insérés les mots : « d’établissement, » ;
2° Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la troisième partie est complété par un article L. 3113-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 3113-2. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil.
« Il fixe notamment :
« a) La liste des personnes de l’entreprise, dirigeants et gestionnaire de transport, devant satisfaire à ces conditions ;
« b) La liste des infractions qui font perdre l’honorabilité professionnelle ;
« c) Les modalités selon lesquelles les autorités compétentes se prononcent sur la réhabilitation de l’entreprise et des dirigeants qui ne satisfont plus la condition d’honorabilité professionnelle et sur la réhabilitation du gestionnaire de transport qui a été déclaré inapte à gérer les activités de transport d’une entreprise ;
« d) Les modalités selon lesquelles les autorités compétentes informent un État membre de la situation, au regard de la condition d’honorabilité professionnelle, d’un gestionnaire de transport résidant ou ayant résidé en France ;
« e) Les modalités selon lesquelles les autorités compétentes se prononcent sur la situation, au regard de la condition d’honorabilité professionnelle, de l’entreprise de transport ou du gestionnaire de transport qui a fait l’objet, hors de France, d’une condamnation pénale grave au sens du règlement n° 1071/2009, du 21 octobre 2009, précité ou d’une sanction pour les infractions les plus graves aux actes de droit de l’Union européenne mentionnés par ce règlement. » ;
3° Le chapitre Ier du titre Ier du livre II de la troisième partie est complété par un article L. 3211-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-2. – Le décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 3113-2 détermine les conditions d’application du règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes sur les conditions à respecter pour exercer la profession de transporteur par route, et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil. » ;
4° L’article L. 3452-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3452-5. – Les modalités selon lesquelles, en application du règlement (CE) n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route et du règlement (CE) n° 1073/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, établissant des règles communes pour l’accès au marché international des services de transport par autocars et autobus, et modifiant le règlement (CE) n° 561/2006, les autorités compétentes sanctionnent les transporteurs établis en France qui ont commis des infractions graves à la législation communautaire dans le domaine des transports par route sont fixées par le décret prévu à l’article L. 3452-5-2. » ;
5° Après l’article L. 3452-5, sont insérés deux articles L. 3452-5-1 et L. 3452-5-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 3452-5-1. – Les modalités selon lesquelles, en application des règlements cités à l’article L. 3452-5, un transporteur non résident qui a commis en France, à l’occasion d’un transport de cabotage, une infraction grave au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports routiers peut faire l’objet d’une interdiction temporaire de cabotage sur le territoire français, sont fixées par le décret prévu à l’article L. 3452-5-2.
« Art. L. 3452-5-2. – Les modalités d’application de la présente section, notamment celles concernant la publication de la sanction administrative et l’interdiction temporaire de cabotage, sont fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret fixe la liste des infractions mentionnées à l’article L. 3452-2. »
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Article 9
I. – Dans les conditions et sous réserve des exceptions prévues par décret en Conseil d’État, la personne à laquelle ont été confiées, par acte unilatéral ou par contrat, la gestion et l’exploitation d’un service public de transport de personnes tient compte, lorsqu’elle achète pour l’exécution de ce service un véhicule à moteur au sens du 1° de l’article L. 110-1 du code de la route, des incidences énergétiques et environnementales de ce véhicule sur toute sa durée de vie.
Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’écologie et de l’économie détermine les incidences énergétiques et environnementales liées à l’utilisation du véhicule à moteur qu’il convient de prendre en compte, ainsi que la méthodologie à appliquer s’il est envisagé de traduire ces incidences en valeur monétaire.
II. – Après l’article 37 de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, il est inséré un article 37-1 ainsi rédigé :
« Art. 37-1. – Dans les conditions et sous réserve des exceptions prévues par décret en Conseil d’État, lorsqu’ils achètent un véhicule à moteur au sens du 1° de l’article L. 110-1 du code de la route, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices tiennent compte des incidences énergétiques et environnementales de ce véhicule sur toute sa durée de vie.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’écologie et de l’économie détermine les incidences énergétiques et environnementales liées à l’utilisation du véhicule à moteur qu’il convient de prendre en compte, ainsi que la méthodologie à appliquer s’il est envisagé de traduire ces incidences en valeur monétaire. »
Article 10
Le code des transports est ainsi modifié :
1° et 2° (Suppression maintenue)
3° L’article L. 6521-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le personnel navigant prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans un État membre de l’Union européenne autre que la France ou dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou aux accords bilatéraux passés par l’Union européenne avec la Confédération suisse, ainsi que le personnel navigant salarié d’un prestataire de services de transport ou de travail aériens établi dans l’un des États précités, qui exercent temporairement leur activité en France, n’entrent pas dans le champ d’application du présent article. » ;
4° (Suppression maintenue)
5° Au premier alinéa de l’article L. 6527-1, les mots : « inscrit sur les registres prévus par l’article L. 6521-3 » sont remplacés par les mots : «, nonobstant les dispositions du 2° de l’article L. 6521-2 ».
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Article 12
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les dispositions législatives nécessaires, dans le domaine de la sûreté, à la simplification du droit de l’aviation civile et à son adaptation au règlement (CE) n° 300/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2008, relatif à l’instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile et abrogeant le règlement (CE) n° 2320/2002 et aux textes pris pour son application.
L’ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois suivant la promulgation de la présente loi.
II. – Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans le délai de trois mois à compter de la publication de cette ordonnance.
Article 13
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre, par voie d’ordonnances, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi :
1° Les dispositions législatives nécessaires à la transposition des directives communautaires suivantes :
a) Directive 2009/15/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, établissant des règles et normes communes concernant les organismes habilités à effectuer l’inspection et la visite des navires et les activités pertinentes des administrations maritimes ;
b) Directive 2009/16/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative au contrôle par l’État du port ;
c) Directive 2009/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, modifiant la directive 2002/59/CE relative à la mise en place d’un système communautaire de suivi du trafic des navires et d’information ;
d) Directive 2009/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, établissant les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents dans le secteur des transports maritimes et modifiant la directive 1999/35/CE du Conseil et la directive 2002/59/CE du Parlement européen et du Conseil ;
e) Directive 2009/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à l’assurance des propriétaires de navires pour les créances maritimes ;
2° Les mesures d’adaptation de la législation liées à ces transpositions, comprenant les dispositions législatives nécessaires à l’établissement d’un système de sanctions pénales et administratives proportionnées, efficaces et dissuasives, notamment en ce qui concerne la sécurité des navires et de la navigation maritime, ainsi que la protection des établissements de signalisation maritime ;
3° Les dispositions requises pour l’application du règlement (CE) n° 392/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relatif à la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d’accident, ainsi que les mesures d’adaptation de la législation liée à cette application ;
4° Les mesures d’adaptation de la législation française aux évolutions du droit international en matière de sécurité et de sûreté maritimes, de prévention de la pollution et de protection de l’environnement, ainsi qu’en matière de conditions de vie et de travail à bord des navires, y compris les mesures de mise en œuvre de la convention internationale sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (convention « Hydrocarbures de soute »), adoptée à Londres le 23 mars 2001 ;
5° Les mesures nécessaires pour :
a) Adapter aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d’outre-mer les dispositions prises par ordonnances en application du présent article ;
b) Étendre, avec les adaptations nécessaires, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, aux Terres australes et antarctiques françaises, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy les dispositions prises par ordonnances en application du présent article, sous réserve des compétences dévolues à ces collectivités.
II. – Le projet de loi de ratification de ces ordonnances est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de leur publication.
Article 14
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi :
1° Les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2009/13/CE du Conseil, du 16 février 2009, portant mise en œuvre de l’accord conclu par les associations des armateurs de la Communauté européenne (ECSA) et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) concernant la convention du travail maritime, 2006, et modifiant la directive 1999/63/CE, ainsi que les mesures d’adaptation de la législation liées à cette transposition ;
2° Les mesures de clarification et d’harmonisation des dispositions législatives en vigueur relatives aux conditions minimales requises pour le travail à bord des navires, à l’identification, aux documents professionnels et au droit du travail applicables aux marins et à toute personne employée à bord, aux représentants de ceux-ci, à la responsabilité et aux obligations des armateurs, à la protection de la santé, notamment en ce qui concerne les marins de moins de dix-huit ans et la maternité, aux soins médicaux et aux conditions d’emploi, de travail, de vie et d’hygiène des gens de mer ;
3° Toutes mesures législatives de cohérence résultant de la mise en œuvre des 1° et 2° ;
4° Les dispositions législatives nécessaires à l’établissement de sanctions pénales et administratives proportionnées, efficaces et dissuasives permettant la mise en œuvre des 1° à 3° ;
5° Les mesures visant à étendre, avec les adaptations nécessaires, à Wallis-et-Futuna, aux Terres australes et antarctiques françaises, à Mayotte, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy les dispositions prises par ordonnance sous réserve des compétences dévolues à ces collectivités.
II. – Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.
Article 15
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2009, sur les redevances aéroportuaires, ainsi que les mesures d’adaptation de la législation liées à cette transposition.
II. – Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans le délai de six mois à compter de la publication des ordonnances.
TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES
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Article 17
I. – La loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement est ainsi modifiée :
1° Le VIII de l’article 17 est ainsi rédigé :
« VIII. – Le présent article entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi, le cas échéant après son intégration à droit constant dans une nouvelle rédaction du livre Ier du code de l'urbanisme à laquelle il pourra être procédé en application de l'article 25 de la présente loi.
« Toutefois, les schémas de cohérence territoriale en cours d’élaboration ou de révision approuvés avant le 1er juillet 2013, dont le projet de schéma a été arrêté par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale avant le 1er juillet 2012, peuvent opter pour l’application des dispositions antérieures.
« Les schémas de cohérence territoriale approuvés avant la date prévue au même premier alinéa et ceux approuvés ou révisés en application du deuxième alinéa demeurent applicables. Ils intègrent les dispositions de la présente loi lors de leur prochaine révision et au plus tard le 1er janvier 2016.
« Lorsqu’un schéma de cohérence territoriale approuvé avant l’entrée en vigueur du présent article est annulé pour vice de forme ou de procédure, l’établissement public prévu à l’article L. 122-4 du code de l’urbanisme peut l’approuver à nouveau dans le délai de deux ans à compter de la décision juridictionnelle d’annulation, après enquête publique et dans le respect des dispositions antérieures. » ;
2° Le V de l'article 19 est ainsi rédigé :
« V. – Le présent article entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi, le cas échéant après son intégration à droit constant dans une nouvelle rédaction du livre Ier du code de l'urbanisme à laquelle il pourra être procédé en application de l'article 25 de la présente loi.
« Toutefois, les plans locaux d’urbanisme en cours d’élaboration ou de révision approuvés avant le 1er juillet 2013, dont le projet de plan a été arrêté par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ou le conseil municipal avant le 1er juillet 2012, peuvent opter pour l’application des dispositions antérieures.
« Les plans locaux d’urbanisme approuvés avant la date prévue au premier alinéa et ceux approuvés ou révisés en application du deuxième alinéa demeurent applicables. Ils intègrent les dispositions de la présente loi lors de leur prochaine révision et au plus tard le 1er janvier 2016.
« Les plans locaux d’urbanisme approuvés après l’entrée en vigueur du présent article qui n’entrent pas dans le champ d’application du deuxième alinéa sont soumis aux dispositions de la présente loi. Toutefois, par dérogation au deuxième alinéa de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme, les plans locaux d’urbanisme en cours d’élaboration par un établissement public de coopération intercommunale dans un périmètre qui ne comprend pas l’ensemble des communes membres de l’établissement public peuvent être approuvés dans ce périmètre jusqu’à la fin d’un délai de trois ans à compter de la date de publication de la présente loi. Après leur approbation, ils sont soumis aux dispositions du dernier alinéa du présent V.
« Les plans locaux d'urbanisme des communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale compétent et le programme local de l'habitat de cet établissement demeurent applicables jusqu'à l'approbation d'un plan local d'urbanisme intercommunal. Il en est de même du plan de déplacements urbains de l'établissement public de coopération intercommunale lorsque celui-ci est autorité organisatrice des transports urbains. Pendant un délai de trois ans à compter de la date de publication de la présente loi, ils peuvent évoluer en application de l'ensemble des procédures définies par le code de l'urbanisme, le code de la construction et de l'habitation et le code des transports. Passé ce délai, toute évolution de l'un de ces documents remettant en cause son économie générale ne peut s’effectuer que dans le cadre de l'approbation d'un plan local d'urbanisme intercommunal. »
II. – À la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 123-19 du code de l'urbanisme, les références : « L. 123-1-1 à L. 123-18 » sont remplacés par les références : « L. 123-1-11 à L. 123-18 ».
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote. (M. Jacques Gautier applaudit.)
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous allons définitivement voter aujourd’hui est issu d’une proposition de loi déposée par le président de notre groupe, Gérard Longuet, ainsi que par les présidents de commission Jean Bizet et Jean-Paul Emorine. Il vise à remédier à une situation inquiétante et embarrassante : la France est aujourd’hui l’État membre de l’Union européenne qui a fait l’objet du plus grand nombre de condamnations financières par la Cour de justice des Communautés européennes pour manquement à ses obligations de transposition des directives communautaires.
Notre pays totalise même, à lui seul, près de la moitié de ces condamnations – trois sur sept –, pour un coût de plus de 30 millions d’euros.
Comme l’a souligné M. Jean-Paul Emorine, les retards de transposition de directives fragilisent notre position en Europe, peuvent donner lieu à contentieux et à condamnations, sont source d’insécurité juridique – puisque tout citoyen peut attaquer un État devant la Cour de justice – et portent atteinte à l’esprit communautaire, adressant un mauvais signal aux pays candidats comme aux nouveaux membres de l’Union européenne.
C’est donc dans ce constat des conséquences dommageables d’un retard de transposition que ce texte-catalogue trouve sa principale justification, à défaut d’une véritable cohérence d’ensemble. On peut regretter qu’il soit trop commodément fait recours aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution et déplorer aussi que l’initiative parlementaire en vienne à se substituer à celle du Gouvernement faute de « véhicule législatif » adéquat, ou encore que le choix de transpositions sectorielles rende difficile l’organisation de débats plus globaux.
Monsieur le secrétaire d’État, c’est dans ce contexte que notre pays se trouve aujourd’hui contraint d’agir à la hâte et sous la menace d’une amende ou d’une astreinte journalière. Le temps étant compté, l’initiative parlementaire en vient ainsi à offrir un obligeant et très opportun vecteur législatif à des dispositions hétéroclites traitant d’environnement, d’énergie, de professions réglementées ou de transport.
Si le réalisme et l’efficacité doivent l’emporter pour mettre fin à cette situation délicate, il n’est pas interdit d’espérer que, à l’avenir, d’autres voies législatives seront empruntées, plus respectueuses des droits du Parlement. Répétons-le avec insistance : les ordonnances ne sauraient constituer la voie normale de transposition. Le Gouvernement a les moyens, pour peu qu’il s’en donne la peine, de déposer en temps et heure un projet de loi qui puisse être intégralement et consciencieusement discuté par le Parlement.
Conscient des circonstances et de sa responsabilité, le groupe UMP votera les conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(La proposition de loi est définitivement adoptée.)
10
Nomination à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que les commissions des affaires sociales, de l’économie, des finances et des lois ont présenté chacune des candidatures pour deux titulaires et deux suppléants pour la Commission nationale des politiques de l’État outre-mer. La commission de la culture et la commission des affaires européennes ont présenté chacune des candidatures pour un titulaire et un suppléant pour le même organisme.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame : Mme Catherine Procaccia, MM. Serge Larcher, Georges Patient, Daniel Marsin, Éric Doligé, Marc Massion, Christian Cointat, Mme Jacqueline Gourault, MM. Soibahadine Ibrahim Ramadani et Simon Sutour membres titulaires ; et Mmes Anne-Marie Payet, Gélita Hoarau, MM. Claude Lise, Michel Magras, Roland du Luart, Mme Michèle André, M. Nicolas Alfonsi, Mmes Éliane Assassi, Lucienne Malovry et Colette Mélot membres suppléants.
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 11 janvier 2011 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe).
À quatorze heures trente :
2. Débat sur l’indemnisation des communes au titre des périmètres de protection de l’eau.
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
3. Questions cribles thématiques sur le trafic des médicaments.
À dix-huit heures :
4. Débat sur l’avenir de la politique agricole commune.
À dix-neuf heures :
- Désignation des vingt-quatre membres de la mission commune d’information sur les dysfonctionnements éventuels de notre système de contrôle et d’évaluation des médicaments, révélés à l’occasion du retrait de la vente en novembre 2009 d’une molécule prescrite dans le cadre du diabète, commercialisée sous le nom de Mediator, et sur les moyens d’y remédier en tant que de besoin ;
- Désignation des vingt-six membres de la mission commune d’information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux.
Mes chers collègues, permettez-moi enfin de vous souhaiter une très bonne fin d’année. (Applaudissements.)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART