PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
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Allocution de M. le président du Sénat
M. le président. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, dans environ trente heures maintenant, le très long quadrimestre entamé au tout début du mois de septembre va s’achever. Le travail législatif du Sénat au cours de ces quatre mois a ressemblé à une véritable course de fond.
Il y a eu le débat sur les retraites, au cours duquel chacun s’est exprimé presque autant qu’il l’a souhaité. Au Sénat, je le rappelle, le temps législatif est non pas programmé, mais concerté, du mieux possible, entre nous.
Aussi cette réforme, ici, au Sénat, a-t-elle pris du temps, mais je pense, car j’en reçois de fort nombreux échos du pays, que cela n’a pas été inutile, ni pour notre assemblée ni pour les Français, auprès desquels nous avons pu faire véritablement œuvre de pédagogie.
Il y a eu le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il y a eu le collectif budgétaire. Il y a eu la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit. Il y a eu enfin le projet de loi de finances pour 2011.
À ce sujet, je formulerai une demande, relayant ainsi celle du président de la commission des finances : je crois que, dans l’avenir, il incombera au Gouvernement d’éviter, autant que faire se peut, la profusion d’articles rattachés, laquelle a singulièrement complexifié nos débats et les a rendus peu visibles et peu lisibles. (Applaudissements.)
Mes chers collègues, nous sommes assez prompts à faire l’union vis-à-vis du Gouvernement, mais nous devons également le contrôler, et vous le savez mieux que quiconque, monsieur Mercier, vous qui – je ne l’oublie pas – avez été parlementaire avant d’être membre du Gouvernement.
Or le budget ne constitue plus le seul moment de contrôle de l’action du Gouvernement. Le passage en revue des politiques publiques s’est annualisé, notamment au travers des semaines mensuelles de contrôle. Il me semble que nous devons les utiliser le mieux possible, et nous avons commencé. C’est là un sujet de méditation en cette fin d’année.
Nous avons siégé un peu moins que l’année précédente, mais plus que l’Assemblée nationale. Je tiens à cette occasion à remercier les vice-présidents du Sénat de la manière dont ils ont présidé nos travaux, se succédant sans relâche au fauteuil de la présidence. (Applaudissements.)
Si nous avons siégé plus que l’Assemblée nationale, c’est parce que nous avons tenu, ensemble – majorité, groupes d’opposition et groupes minoritaires –, à utiliser pleinement les semaines affectées à nos missions d’initiative, de contrôle et de prospective, ce qui n’a pas été tout à fait le cas dans l’autre assemblée…
Plus que jamais, notre objectif premier doit être de maîtriser notre ordre du jour et d’en garantir la prévisibilité, pour nos collègues, pour l’organisation de nos travaux et pour nos collaborateurs, ici, au Parlement.
Pour autant, il ne saurait être question à mes yeux de toucher aux deux droits fondamentaux du sénateur : le droit de parole et le droit d’amendement.
Je tiens également à adresser de nouveau, au nom du Sénat tout entier, mes félicitations à ceux de nos collègues qui ont été nommés, ou confortés, au Gouvernement, tout d’abord à M. le garde des sceaux, mais aussi à nos collègues Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales, dossier qui doit être particulièrement suivi, et à Henri de Raincourt, dont la mission promet d’être compliquée, compte tenu de l’actualité internationale.
Mon salut s’adresse également à ceux qui sont allés vers d’autres horizons, Christian Gaudin et Alain Lambert.
En votre nom à tous, je souhaite la bienvenue à Valérie Létard, Hubert Falco et Jean-Marie Bockel, qui ont retrouvé notre assemblée. J’exprime également ma gratitude à leurs suppléants, qui ont siégé parmi nous pendant toutes ces années. Je pense à Béatrice Descamps, à Élie Brun et à Jacques Muller (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste), qui ont apporté au Sénat le meilleur d’eux-mêmes.
Nous avons un nouveau ministre chargé des relations avec le Parlement, Patrick Ollier, avec qui nous avons entamé ce travail essentiel de relation et de communication entre le Gouvernement et le Sénat.
Permettez-moi aussi de saluer le dévouement, la compétence et la disponibilité des fonctionnaires du Sénat pendant cette période, car ils ont été particulièrement sollicités. (Applaudissements.)
Enfin, je tiens à remercier très sincèrement tous ceux qui relaient les images et les informations du Sénat au-delà du Palais du Luxembourg. Je pense à la presse, écrite et audiovisuelle, à l’Agence France-Presse, ainsi qu’à notre chaîne Public Sénat.
L’année 2010 a été particulièrement chargée. C’est une raison de plus, mes chers collègues, de vous souhaiter une détente bien méritée – nous aurons achevé nos travaux, je l’espère, demain, vers dix-huit heures trente – et de vous inviter à marquer une pause salutaire, à prendre un peu de recul sur les événements, la vie parlementaire, quoi qu’en pensent certains, étant parfois particulièrement dense et intense.
Le Sénat, qui a particulièrement été sur le devant de la scène tout au long de ce quadrimestre, grâce à vous tous, mes chers collègues, est aussi un lieu où l’on prend le temps de réfléchir, loin du zapping du quotidien.
Un certain nombre de textes importants nous attendent à la rentrée prochaine, notamment sur la sécurité et la liberté, individuelle et collective, ainsi que sur la bioéthique, sujet majeur.
Ces rendez-vous seront essentiels, et le Sénat – je n’en doute pas – y apportera sa plus-value, après un travail de préparation effectué dans les différentes commissions ou dans le cadre de missions.
Enfin, nous aurons à mener une réflexion non moins essentielle dans les semaines et dans les mois qui viennent sur un sujet de société dont les enjeux ne sont pas uniquement financiers : la dépendance.
À chacune et à chacun, je souhaite d’heureuses et joyeuses fêtes de fin d’année. Qu’elles soient un moment d’écoute et de partage, aussi, car je ne saurais oublier en cet instant les personnes seules, dont la solitude est encore plus grande en cette période.
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce sera un grand plaisir de nous retrouver l’année prochaine. (Applaudissements.)
La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, permettez-moi, au nom du Gouvernement, de m’associer aux vœux que vous venez de présenter.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je pensais connaître un tant soit peu l’Assemblée nationale, où j’ai siégé vingt-deux ans, mais les fonctions qui sont aujourd'hui les miennes m’appellent à beaucoup de modestie, parce qu’elles m’offrent l’occasion inestimable de mieux connaître votre assemblée et d’approfondir avec vous ma connaissance du Parlement.
J’ai pu apprécier, depuis ma prise de fonctions, la qualité et la sérénité des débats que la Haute Assemblée conduit. Je n’étais pas habitué à ce style-là, je le reconnais. Je ne peux que vous complimenter, mesdames, messieurs les sénateurs, pour le souci permanent qui est le vôtre d’enrichir les textes du Gouvernement, en allant souvent au-delà des clivages, pour votre détermination à contribuer à l’initiative législative, pour le sens du dialogue permanent, l’écoute attentive, la recherche de la mesure, alchimie qui fait la singularité du Sénat.
Monsieur le président, vous avez évoqué à juste titre la charge de travail du Sénat cette année. Vous avez en effet siégé 1 160 heures, et ce chiffre à lui seul en dit assez sur l’importance de vos débats.
Parmi les soixante-trois lois qui ont été définitivement adoptées, je n’en citerai que cinq : la loi portant réforme des retraites, la loi de réforme des collectivités territoriales, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la loi relative au Grand Paris, sans oublier la loi portant engagement national pour l’environnement. C’est considérable.
Je vous remercie, monsieur le président, d’avoir relevé la poursuite de la décrue de l’engagement de la procédure accélérée. Vous le souhaitiez ; le Gouvernement a répondu favorablement à la demande du Sénat. Ainsi, seuls dix-huit projets de loi ont été concernés en 2010 par cette procédure, contre vingt-huit l’année précédente. Le Gouvernement, j’y insiste, a entendu l’appel de la Haute Assemblée. Cela démontre sa volonté de développer un dialogue toujours plus constructif avec le Parlement.
J’évoquerai maintenant les articles rattachés, monsieur le président. À ce sujet aussi, j’ai bien entendu votre message. J’ai vécu moi aussi, alors que je venais juste d’être nommé, la complexité du débat, notamment lors des secondes délibérations. Je puis vous assurer que je mettrai toute mon énergie, au cours de l’année qui vient, à faire en sorte que cette situation ne se reproduise pas.
Je me réjouis de la volonté du Sénat d’appliquer pleinement la réforme constitutionnelle de 2008, qui renforce le rôle du Parlement.
Avec les commissions permanentes, les missions d’information, les nombreux débats d’origine sénatoriale, dix-sept séances de questions d’actualité, près de quatre cents questions orales posées, ainsi que treize séances de questions cribles thématiques – une spécificité du Sénat –, vous avez pleinement exercé votre mission de contrôle de l’action gouvernementale. Le Gouvernement ne peut qu’en être satisfait.
En outre, trente-sept propositions de loi, monsieur le président, ont été discutées au Sénat, ce qui illustre parfaitement la nouvelle place qui est celle du Parlement dans l’initiative de la loi.
Et je pourrais encore allonger la liste, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs.
Monsieur le président, cher Gérard Larcher, je tiens à vous remercier, car vous m’avez témoigné beaucoup d’amitié en m’accueillant ici. Je vous en suis reconnaissant. Je puis vous assurer du respect que j’ai pour vous et pour votre fonction, ainsi que du plaisir qui est le mien de travailler avec vous et avec les membres de la conférence des présidents à la construction d’un calendrier parlementaire, dans le souci permanent de la prévisibilité qui vous est chère. Je m’attacherai à faire en sorte de prendre en compte ce souci de prévisibilité.
Je voudrais également saluer de manière très chaleureuse les vice-présidents de la Haute Assemblée, quelle que soit leur sensibilité politique. En effet, j’ai pu observer avec quelle efficacité ils mènent les débats. Ayant moi-même exercé cette fonction à l’Assemblée nationale, j’en connais les difficultés.
Je souhaite aussi exprimer ma gratitude aux présidents des commissions permanentes et des délégations, ainsi qu’à M. le rapporteur général de la commission des finances – le débat budgétaire a été quelque peu rude à certains moments –et à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Vous avez tous brillamment répondu aux exigences imposées par le rythme des réformes que nous conduisons et par les nouveaux défis liés à la révision constitutionnelle de juillet 2008.
Je tiens également à saluer, comme l’a fait M. le président du Sénat, le travail des fonctionnaires de la Haute Assemblée – je pense notamment aux administrateurs des commissions –, qui sont d’une efficacité tout à fait remarquable.
Mesdames, messieurs les présidents des groupes politiques, vous qui jouez un rôle essentiel aux activités de l’hémicycle, permettez-moi de vous remercier également de la manière dont vous m’avez accueilli. Nous avons engagé des relations qui, je l’espère, deviendront des relations de confiance. Puissions-nous, même si nous ne sommes pas toujours d'accord sur tout, construire ensemble chaque fois que cela est possible, dans le respect que le Gouvernement doit au Sénat, des relations toujours plus fructueuses.
Enfin, mes derniers remerciements seront pour chacune et chacun d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs. À l’instar de M. le président, je vous souhaite de profiter d’un repos bien mérité, et je vous adresse tous mes vœux de bonnes et heureuses fêtes de fin d’année. (Applaudissements.)
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Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
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Candidature à une commission
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe de l’Union centriste a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires sociales, à la place laissée vacante par Mme Béatrice Descamps, dont le mandat de sénateur a cessé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
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Représentation devant les cours d'appel
Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, portant réforme de la représentation devant les cours d’appel (projet n° 43, texte de la commission n° 161, rapport n° 160).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite m’associer aux vœux de joyeuses fêtes de fin d’année que M. Ollier vient de vous adresser.
Je vous indique que nous aurons très souvent l’occasion de nous rencontrer en 2011. Le Sénat sera ainsi saisi de l’examen de plusieurs textes législatifs venant du ministère dont j’ai la charge. J’entends que la Haute Assemblée puisse y imprimer toute sa marque, mesdames, messieurs les sénateurs.
La réforme de la représentation devant les cours d’appel a pour objet de rendre notre système judiciaire plus simple et moins cher.
En pratique, il y a aujourd'hui une dualité d’interventions, celle de l’avocat et celle de l’avoué, ce qui est difficilement compréhensible pour le justiciable. Ce dernier pourra, à l’issue de la réforme, s’adresser à un professionnel unique, habilité à le conseiller, à le représenter en justice et à plaider son dossier devant les deux degrés de juridiction.
Le projet de loi vise également à mettre la législation française en conformité avec le droit européen.
Alors que nous débutons cette deuxième lecture, je me félicite des nombreuses avancées apportées au projet de loi par le Sénat et confirmées par l’Assemblée nationale.
En effet, la Haute Assemblée a permis de mettre en place un régime d’indemnisation des avoués et de leurs salariés prenant mieux en compte les préjudices subis. Le texte renforce également les possibilités de reconversion professionnelle pour les avoués et leurs salariés.
M. Jean-Pierre Michel. Facile à dire !
M. Jean-Pierre Sueur. Qu’avez-vous fait concrètement pour les salariés ?
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que M. le garde des sceaux a la parole, et lui seul.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je vous remercie, monsieur le président. Cela étant, tout ce que M. Sueur nous dit maintenant, il ne dira plus après, et ce sera aussi bien. (Sourires.)
Mme Isabelle Debré. Ce n’est même pas sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Je le dirai quand même après ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’en suis tout à fait conscient, le calendrier de l’examen parlementaire de ce projet de loi a été quelque peu erratique, monsieur le rapporteur.
Désormais, les professionnels ont besoin rapidement d’une sécurité juridique que seule l’adoption de ce texte peut leur donner.
J’essaierai tout au long de nos débats d’apporter des réponses précises aux questions qui demeurent en suspens.
Le souci du Gouvernement, partagé par le Sénat et par l’Assemblée nationale, a été de trouver la meilleure solution possible pour les salariés des avoués.
Ainsi, de grands principes ont d’ores et déjà été votés par les deux assemblées. Ils permettent de prendre en compte les différentes situations et de définir une juste indemnisation.
Les salariés percevront une indemnité de licenciement d’un mois de salaire par année d’ancienneté, avec un plafond de trente mois. L’indemnité sera versée directement par le fonds d’indemnisation et pourra être cumulée avec les aides relevant de la convention de reclassement personnalisé.
Ceux qui seraient conduits à démissionner percevront l’indemnité la plus avantageuse entre celle qui est prévue par le code de travail et celle qui est prévue par la convention collective.
En fonction de leurs qualifications, les salariés bénéficieront de passerelles avantageuses vers les autres professions du droit.
Je sais qu’il reste des inquiétudes sur le reclassement de ces salariés. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Je peux vous apporter quelques précisions avant que ne s’engagent nos débats.
Je tiens à souligner que 383 postes ont été ouverts pour ces salariés dans les effectifs du ministère de la justice en 2010. Néanmoins, il y a eu peu de candidats et aucun des salariés qui a été accepté n’a souhaité finalement rejoindre le ministère de la justice, vraisemblablement parce que la loi n’avait pas été encore votée et qu’ils n’étaient donc pas susceptibles de percevoir les indemnités de licenciement qu’elle crée.
En 2011, l’effort se poursuit, avec le recrutement de 19 agents contractuels de catégorie A et le recrutement sans concours de 223 agents de catégorie C. Seront aussi ouverts 497 postes de greffier sur concours : ce concours est rénové et comprend dorénavant une épreuve orale destinée à valoriser l’expérience professionnelle acquise.
Ainsi, selon leur niveau, les salariés d’avoués pourront postuler à ces différents recrutements.
Je peux vous assurer que tout sera fait au sein du ministère de la justice pour faciliter ce reclassement. Mais encore faut-il qu’il y ait des candidats. Pour cela, je suis persuadé qu’il est important d’adopter rapidement le présent projet de loi, afin que les salariés puissent bénéficier des indemnités prévues et envisager plus sereinement leur avenir professionnel.
Nous devons aussi valoriser les compétences professionnelles des salariés d’avoués. Leur reclassement passe – nous en sommes tous convaincus – par un accompagnement personnalisé à la recherche d’emploi.
Une convention tripartite sera conclue à cet effet dès le vote de la loi entre l’État, la Chambre nationale des avoués près les cours d’appel et les représentants des salariés. Elle fixera les modalités de la convention de reclassement personnalisé dont les salariés pourront bénéficier.
Des moyens seront mobilisés : la convention prévoira des aides à la mobilité, des allocations compensant les pertes de revenus, des aides à la formation qui pourront se cumuler avec les indemnités de licenciement perçues en vertu de la loi.
Des dispositions spécifiques sont également prévues pour le reclassement des collaborateurs d’avoués. Vous avez voté dans le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées un amendement qui prévoit que les collaborateurs d’avoués diplômés avoués auront droit à la spécialisation « procédure d’appel ».
Nous sommes donc parvenus à un dispositif global d’accompagnement des salariés qui prend en charge leur situation de façon à la fois complète et personnalisée.
L’examen parlementaire nous permet également d’aboutir à une solution juste et équilibrée pour l’indemnisation des avoués.
Comme pour les salariés, à ce stade de la discussion parlementaire, un certain nombre de principes sont acquis.
Premièrement, l’indemnisation des avoués sera fixée par le juge de l’expropriation, conformément à ce que vous aviez voté en première lecture. Cette phase judiciaire sera précédée d’une offre d’indemnisation faite par la commission d’indemnisation.
Deuxièmement, l’accord est aussi acquis sur le champ de l’indemnisation, qui portera sur le préjudice de perte du droit de présentation, mais aussi sur le préjudice économique, le préjudice de carrière et tous les autres préjudices accessoires.
Troisièmement, un consensus s’est également formé sur l’entrée en vigueur de la fusion des professions d’avocat et d’avoué au 1er janvier 2012. À cette date, les avoués deviendront automatiquement avocats. Par ailleurs, ils bénéficieront de passerelles très avantageuses vers les autres professions du droit.
Pour ce qui reste en débat, je peux d’ores et déjà vous apporter des précisions sur les conditions d’une indemnisation efficace.
Le texte prévoit que la commission d’indemnisation formule une offre d’indemnisation dans les trois mois de la cessation d’activité. Bien évidemment, rien n’empêche que cette offre soit faite avant, si les avoués fournissent tous les éléments nécessaires. J’y veillerai.
Il prévoit également le versement d’un acompte de 50 % du dernier chiffre d’affaires, de même que le remboursement du capital restant dû. L’un comme l’autre peuvent être demandés dès la promulgation de la loi. Cet acompte sera imputé sur l’indemnité de perte de droit de présentation et aura donc le même traitement fiscal.
Reste la question du traitement fiscal de ces indemnités et, le cas échéant, des modalités de la fiscalisation.
Le débat sur le principe de la fiscalisation des indemnités versées aux avoués, qui a eu lieu au Sénat l’année dernière, avait abouti à l’adoption d’un dispositif d’exonération fiscale et sociale.
L’Assemblée nationale est revenue sur cette disposition et a voté un amendement de suppression de ces exonérations. En cela, elle a tenu compte du contexte budgétaire global pour 2011, qui est à la réduction des niches fiscales, comme cela apparaît dans le projet de loi de finances pour 2011, adopté par votre Haute Assemblée.
Le Gouvernement estime que c’est le régime de droit commun qui doit s’appliquer, comme dans tous les précédents cas de suppression d’un monopole ou d’une profession. C’est ce qui s’est passé notamment pour les professions de commissaire-priseur, de courtier maritime et d’avoué de première instance.
Pour ces professionnels, le montant des indemnités alloué était beaucoup moins élevé que celui qui est prévu aujourd’hui pour les avoués. Je rappelle également que ces indemnités ont été fiscalisées.
Par conséquent, et dans un contexte budgétaire rigoureux, ce régime de droit commun doit s’appliquer.
Ainsi, dans le strict respect du principe d’égalité, chaque avoué sera traité comme, par exemple, un entrepreneur qui se trouverait dans une situation similaire, qu’il parte en retraite ou qu’il continue d’exercer une activité professionnelle.
Lorsque l’avoué continue d’exercer une activité professionnelle, les plus-values seront égales au différentiel entre le montant de l’indemnité et la valeur d’acquisition de la charge. Toutefois, un mécanisme correctif existe pour les associés qui ont acheté leurs parts récemment : s’ils liquident leur société, la valeur d’acquisition de leurs parts sera prise en compte pour le calcul de la plus-value, qui sera soumise à l’impôt sur le revenu.
Des dispositions spécifiques seront mises en place lorsque la fixation de l’indemnité et la liquidation de la société n’interviennent pas la même année, afin de permettre cette imputation. Vous avez l’engagement du Gouvernement sur ce point.
Les autres indemnités prévues par le texte seront aussi traitées selon le droit commun.
Par exemple, si le juge alloue une indemnité au titre du préjudice moral, elle ne sera pas fiscalisée si elle est inférieure à un million d’euros, en vertu de l’article 96 de la loi de finances initiale pour 2011. Par ailleurs, si un avoué perçoit une indemnité pour préjudice de carrière, elle sera soumise, elle, à l’impôt sur le revenu.
Ainsi, chaque avoué doit être traité comme toute personne qui perçoit une indemnité, selon la nature de cette indemnité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en réformant la représentation devant les cours d’appel, le texte soumis à votre examen simplifie la procédure d’appel ; il s’inscrit dans le processus plus large de modernisation de la justice, puisqu’il s’accompagne d’une réforme procédurale et d’une dématérialisation des échanges.
La réforme de l’appel est destinée à mieux encadrer cette procédure en renforçant, notamment, les pouvoirs du conseiller de la mise en état. Elle aura pour effet de rendre la procédure plus efficace. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2011.
Quant à la communication électronique pour échanger avec les cours d’appel, elle sera rendue obligatoire progressivement, en commençant par la déclaration d’appel. Ainsi, à compter du 31 mars 2011, la déclaration d’appel devra obligatoirement être faite par voie électronique.
D’ici au début du mois de février 2011, toutes les cours d’appel auront été formées à l’utilisation des logiciels nécessaires et les avoués qui l’auront demandé seront équipés des moyens permettant d’être raccordés à la plateforme de communication électronique des avocats. À ce jour, plus de 80 % des avoués ont demandé les clés d’accès à cette plateforme. Le Conseil national des barreaux est prêt à mettre à la disposition des avoués son réseau de formateurs agréés.
Soyez assurés que le chantier de la dématérialisation électronique est primordial pour moi, mais aussi pour la réforme de notre système judiciaire. C’est la raison pour laquelle mon cabinet tient des réunions mensuelles sur le sujet. Il n’est pas imaginable que la justice reste en marge de ces progrès technologiques.
Enfin cette réforme ambitieuse nécessite l’engagement de chacun, des professionnels concernés comme du ministère. Les avoués ne peuvent pas rester à l’écart de cette modernisation.
Mon ambition est de mobiliser tous les moyens pour mettre en œuvre la dématérialisation, dans les délais prévus. Les échanges que nous avons avec les représentants des professions nous permettent de lever les difficultés et d’envisager des solutions pratiques satisfaisantes.
Je me félicite du travail qui a déjà été accompli par les deux assemblées, notamment par le Sénat, et de l’accord qui semble se dégager.
Cet accord porte sur les points essentiels du projet de loi soumis à votre examen aujourd'hui. Les discussions ont en effet permis de perfectionner le dispositif. Sur ce point, le rôle du Sénat a été décisif. À n’en pas douter, les débats que nous engageons maintenant préserveront l’équilibre du texte, qui offre des garanties supplémentaires aux professionnels et une heureuse clarification de la procédure pour le justiciable. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde de sceaux, mes chers collègues, nous sommes donc saisis en deuxième lecture du projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d’appel.
Ce texte a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 3 juin 2009. Son examen en première lecture au Sénat n’a eu lieu que les 21 et 22 décembre 2009, et il aura fallu attendre le 13 octobre 2010 pour que l’Assemblée nationale l’examine en deuxième lecture. La deuxième lecture au Sénat aujourd'hui intervient donc un an après la première lecture…
Il est vrai que la procédure s’est accélérée un peu et que, au fur et à mesure des changements ministériels intervenus - trois gardes des sceaux se sont succédé depuis le 3 juin 2009 -, la loi a progressé dans le bon sens ! (Sourires.)