compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Noël Guérini,

M. Bernard Saugey.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Emmanuel Constans, président du Comité consultatif du secteur financier, le cinquième rapport annuel de cet organisme.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.

3

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2010
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2010

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2010
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (projet n° 163, rapport n° 166).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui le traditionnel projet de loi de finances rectificative de fin d’année.

Il s’agit du quatrième collectif pour l’année 2010, les trois précédents étant ceux du 9 mars 2010 relatif aux investissements d’avenir, du 7 mai 2010 sur l’aide à la Grèce et du 7 juin 2010 sur la mise en place du Fonds de stabilisation financière de l’Union européenne.

Ce projet de loi de finances rectificative procède à un certain nombre d’ajustements concernant l’équilibre du budget de l’État, qui prennent acte du respect de nos objectifs en matière de dépenses ainsi que de nos prévisions de recettes, sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Cette année, la norme de dépense est respectée et le solde budgétaire marque une légère amélioration depuis nos dernières prévisions. Les dépenses évolueront bien selon la norme « zéro volume » fixée pour cette année 2010. Notre engagement de maîtrise des dépenses est confirmé : nous respectons le plafond de dépenses fixé à 352,3 milliards d’euros.

L’évolution favorable de la charge des intérêts de la dette permet de compenser les besoins accrus des politiques de l’emploi et de la solidarité.

De même, les recettes pour 2010 correspondent aux dernières prévisions, que nous avons exposées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, en ce qui concerne tant les recettes fiscales, qui s’élèveront à 255 milliards d’euros, que les recettes non fiscales.

En conséquence, le déficit budgétaire est globalement conforme à nos prévisions, et même en légère amélioration, puisqu’il s’établit à 149,7 milliards d’euros en exécution, contre 152 milliards d’euros prévus dans la dernière loi de finances rectificative. Cette différence s’explique principalement par la réévaluation du coût pour l’État, en 2010, de la réforme de la taxe professionnelle, qui reste toutefois sans incidence sur le rythme de croisière de cette réforme.

Ce projet de loi de finances rectificative permet aussi d’apurer certaines dettes de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale, clarifiant ainsi les relations financières entre ces deux entités.

Un effort important a déjà été réalisé, puisque cette dette s’élevait à 7 milliards d’euros à la fin de l’année 2006. La mobilisation des excédents du panier de recettes affecté à la sécurité sociale en compensation des allègements généraux de charges, à hauteur de 1,4 milliard d’euros, permet d’apurer le montant résiduel de dette constaté à la fin de l’année 2009. À partir de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le passage à un régime où ce panier est définitivement affecté à la sécurité sociale s’effectue donc sur des bases assainies. Le Gouvernement a été particulièrement attentif à cette question, qui est importante.

Nous avons par ailleurs entendu l’appel des départements en difficulté financière. Dans la ligne des préconisations du rapport Jamet, nous souhaitons leur apporter une solution pragmatique pour la construction de leurs budgets pour 2010 et 2011.

Le Gouvernement a donc décidé de mettre en place un mécanisme exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, doté de 150 millions d’euros et financé par redéploiements de crédits à partir de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, et du Fonds national des solidarités actives.

Nous avons bien évidemment calibré ces redéploiements de façon à ne pas déséquilibrer les actions menées par ces deux organismes.

Premièrement, nous créons un fonds de soutien aux départements en difficulté, à hauteur de 75 millions d’euros, géré par la CNSA pour le compte de l’État.

Plus précisément, face au poids croissant de l’allocation personnalisée d’autonomie – je n’apprends rien sur ce point aux membres de la Haute Assemblée –, il s’agit d’apporter une aide exceptionnelle aux départements les plus exposés à cette dépense, sur la base de critères objectifs.

Les crédits du fonds de soutien seront répartis entre les départements les plus exposés, en fonction de trois critères : la part des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans ; le rapport entre le revenu moyen par habitant de l’ensemble des départements et celui de chaque département, le dernier revenu imposable connu étant pris en compte ; enfin, le potentiel fiscal des départements. Quiconque fait preuve d’un minimum de sérieux devrait pouvoir souscrire à ces critères, qui me semblent objectifs et exhaustifs.

Nous compléterons cette aide par une enveloppe de soutien conventionnel d’un montant de 75 millions d’euros, gagé par la mobilisation de crédits non versés au Fonds national des solidarités actives en raison d’une montée en charge du revenu de solidarité active « activité » plus lente que celle qui avait été initialement prévue.

Il était, me semble-t-il, nécessaire de répondre de façon immédiate et opérationnelle à la préoccupation dont témoignent aujourd’hui de nombreux élus face aux difficultés rencontrées par certains départements. Toutefois, cet effort exceptionnel devra être suivi d’une action plus structurelle.

Pour faire face au fameux effet de ciseaux existant entre les recettes et les dépenses des départements, il est en effet indispensable, d’une part, de rationnaliser l’action de ces derniers, comme le suggère le rapport Jamet, et, d’autre part, de revoir notre action en faveur de la dépendance, notamment son mode de financement. Tel est l’objet de la réforme voulue par le Président de la République, à propos de laquelle un débat sera engagé à l’échelle nationale dès le début de l’année prochaine.

Nous avons souhaité également, à travers le volet fiscal de ce projet de loi de finances rectificative, poursuivre notre action réformatrice dans le sens de la modernisation de la fiscalité foncière des entreprises, de l’encouragement de comportements favorables à l’environnement – en déclinant les objectifs du Grenelle – et, enfin, de la simplification des procédures fiscales et douanières.

En ce qui concerne la modernisation de la fiscalité foncière des entreprises, nous proposons deux dispositifs.

Le premier porte sur la révision des valeurs locatives foncières des entreprises. Attendue depuis longtemps et maintes fois repoussée, cette mesure a été préparée en concertation avec les associations d’élus et les entreprises. Elle permet de rétablir – enfin !, diront certains, à juste titre d’ailleurs – l’équité dans l’impôt foncier des entreprises, à produit constant.

Nous voudrions conduire une expérimentation dès l’année prochaine dans cinq départements – l’Hérault, le Pas-de-Calais, le Bas-Rhin, Paris et la Haute-Vienne –, en vue d’une généralisation des travaux en 2012 et d’une traduction de la réforme dans les bases d’imposition en 2014.

Les valeurs locatives des entreprises seront désormais assises sur des valeurs calculées à partir des loyers réellement constatés et révisées automatiquement chaque année. La réforme est limitée à ce stade aux locaux commerciaux et aux locaux professionnels des professions libérales.

Le second dispositif prévu pour la modernisation de la fiscalité foncière des entreprises porte sur la simplification des taxes d’urbanisme. Si vous l’adoptez, mesdames, messieurs les sénateurs, à compter de 2012 deux taxes viendront se substituer à quinze des dix-sept prélèvements existants.

Il s’agira, en premier lieu, d’une taxe d’aménagement, à vocation budgétaire, qui reconstituera l’essentiel du produit des anciennes taxes, avec une part communale et une part départementale, dont les taux demeureront fixés par délibération des collectivités.

En second lieu, un versement pour sous-densité, dont l’objectif sera de lutter contre l’étalement urbain, sera instauré sur délibération des municipalités. Il sera obligatoire pour les communes dont les projets d’équipements sont importants.

Annoncée dans la loi Grenelle II, et fruit d’une longue concertation, cette réforme a également reçu le soutien des élus locaux et des professionnels.

Le dernier point de cette modernisation fiscale porte sur des mesures de financement du Grand Paris. Je les mentionne pour mémoire, car j’ai noté qu’elles avaient suscité l’enthousiasme de votre assemblée – en effet, sans attendre l’examen de ce collectif, vous avez souhaité les incorporer dans le projet de loi de finances pour 2011.

Le texte adopté en commission mixte paritaire lundi dernier a permis de trouver une solution pour le financement du logement social et de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, qui constitue, à juste titre d’ailleurs, une priorité pour bon nombre d’élus locaux. En outre, la CMP a maintenu dans le projet de loi de finances rectificative la création des recettes fiscales destinées à financer les transports en Île-de-France, lesquels ont bien besoin d’un accompagnement budgétaire si l’on veut que leur fluidité, leur efficacité et la qualité du service rendu aux usagers s’améliorent.

La deuxième orientation du volet fiscal de ce projet de loi de finances rectificative porte sur l’encouragement des comportements favorables à l’environnement.

En premier lieu, le barème du malus automobile sera durci à compter de 2012.

En deuxième lieu, la taxe générale sur les activités polluantes, qui pèse sur les émissions d’oxydes d’azote, sera majorée afin de respecter les prescriptions communautaires.

En troisième lieu, et enfin, le cadre législatif permettant de mettre en place l’écotaxe sur les poids lourds sera adapté aux exigences opérationnelles révélées à l’occasion des appels d’offres.

La troisième orientation de ce collectif budgétaire que j’ai l’honneur de vous présenter, mesdames, messieurs les sénateurs, porte sur la simplification des procédures fiscales et douanières.

S’agissant des modalités de déclaration de l’impôt, nous prévoyons la possibilité de centraliser au niveau du groupe les montants de la TVA due ; la simplification du calcul du seuil de chiffre d’affaires pour les auto-entrepreneurs ; la suppression de l’exigence de dépôt de la déclaration d’impôt sur le revenu d’une personne dans les six mois suivant son décès ; enfin, l’extension de la dispense de cautionnement pour les opérations de dédouanement à l’entrée sur le territoire national. Nous avons également prévu des mesures techniques visant à la simplification.

Nous avons souhaité, notamment, moderniser le régime fiscal et social des plans d’épargne logement, les PEL. Il s’agit en fait de recentrer le PEL sur son objectif premier de financement de l’acquisition d’un logement. Le taux de rémunération des nouveaux plans sera fixé annuellement en fonction des conditions du marché et leurs intérêts seront soumis aux contributions sociales au fil de l’eau et non plus au bout de dix ans, ce qui représentera un apport de trésorerie bien précieux par les temps qui courent.

Par ailleurs, le droit à prime sera subordonné à la contractualisation d’un véritable prêt, et cette gratification sera « verdie ».

Nous avons souhaité, ensuite, harmoniser les procédures de recouvrement forcé, pour traduire dans la législation la fusion entre l’ancienne direction générale des impôts et l’ex-direction générale de la comptabilité publique au sein de la nouvelle direction générale des finances publiques.

Enfin, nous avons voulu mettre en conformité avec la norme communautaire certaines dispositions en matière de TVA. Il s’agit, notamment, de supprimer le taux réduit pour les prestations d’aide juridictionnelle et de revoir la fiscalité des produits du tabac. Pour cette dernière, sont concernées essentiellement la suppression du prix de seuil et la réforme des mesures encadrant l’introduction de produits du tabac en France. À cet égard, le Gouvernement précise qu’il n’est pas question d’accepter la libre circulation du tabac, compte tenu des enjeux de santé publique qui s’y attachent, notamment à cause de la lutte contre le tabagisme.

Voilà, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands axes structurant ce collectif budgétaire.

Évidemment, en raison de la gestion du calendrier parlementaire, l’examen de ce texte intervient quelques heures seulement après une commission mixte paritaire importante et pour laquelle je tiens, devant la Haute Assemblée, à remercier le rapporteur général de la commission des finances, M. Philippe Marini, de son degré d’implication personnelle, qui est bien connu, et depuis tant d’années. Je veux lui rendre un hommage sincère, individuel,…

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Merci, monsieur le ministre !

M. François Baroin, ministre. … mais aussi eu égard à la dignité de sa fonction éminente. Le contexte de nos finances publiques, tout à fait singulier, exigeait un échange vertueux entre le Gouvernement et le Parlement. C’est ce qui s’est passé, me semble-t-il, puisque deux cents amendements ont été acceptés parmi les neuf cents qui avaient été déposés.

Par ailleurs, au sein de la commission mixte paritaire, la représentation nationale a accompagné de manière, me semble-t-il, intelligente et efficace l’affirmation d’un objectif partagé et intangible de réduction de nos déficits publics. Je vous en remercie de nouveau, monsieur le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Merci à vous, monsieur le ministre !

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici venu le quatrième collectif budgétaire de l’année.

Grâce à ces lois de finances rectificatives, nous avons accompagné les changements du contexte économique. Au début de l’année, il s’agissait de sortir de la crise financière, ce qui nécessitait de prendre des mesures exceptionnelles pour essayer de compenser la perte de produit intérieur brut potentiel induite par la crise ; d’où la loi de finances rectificative permettant le financement des investissements d’avenir.

Puis, la zone euro a été rattrapée par d’autres turbulences, et ce fut la crise des dettes souveraines. Dès lors, on a demandé au Parlement de souscrire aux mesures spécifiques pour la Grèce, puis à l’élaboration d’un mécanisme européen de stabilisation.

Nous pouvons maintenant faire le point de façon quasi définitive sur la situation budgétaire de la France en cette fin d’année, qui est toujours marquée par la crise de la dette souveraine.

Certes, le présent collectif budgétaire ne comporte pas de dispositions spécifiques en faveur de l’Irlande, mais la situation de ce pays est dans tous les esprits, de même que les problèmes de la Grèce et leurs conséquences sur la zone euro avaient occupé une bonne part de nos débats au premier trimestre de l’année 2010.

Il me semble, mes chers collègues, que nous sommes fondés à nous poser tout d’abord une question fondamentale : les pays de la zone euro croient-ils encore en celle-ci ?

Cette question est directement liée à la mise en œuvre du dispositif que nous avons approuvé en juin dernier et, surtout, aux conditions que les pays de la zone euro poseront à l’Irlande pour prix de son renflouement.

Il y a, mes chers collègues, quelque chose d’affolant – je pèse mes mots – à constater, d’un côté, la mise sous tutelle économique et financière d’un État souverain – car, lorsque l’on se reporte au plan imposé à l’Irlande, c’est bien de cela qu’il s’agit : ce pays met entre parenthèses pendant un certain temps sa pleine indépendance –, et, d’un autre côté, l’absence de raisonnement à long terme sur les dommages que provoque au sein de la zone euro l’existence de systèmes fiscaux non coopératifs.

Mme Nicole Bricq. C’est vrai !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est à croire que les États de la zone euro ne croient plus vraiment en l’avenir de cette dernière, qu’ils ont renoncé dans les faits à l’objectif de convergence des structures économiques et qu’ils se contentent de passer les obstacles les uns après les autres, en d’autres termes de bâtir des plans susceptibles seulement de sauver les intérêts des principaux établissements financiers créanciers.

En tout état de cause, monsieur le ministre, il serait utile de nous indiquer quand le ministre de l’économie sera en mesure d’accorder la garantie de la France au Fonds européen de stabilité financière et quand et comment sera mise en œuvre la procédure d’information des commissions des finances des assemblées, prévue à l’article 3 de la loi de finances rectificative de juin 2010.

Permettez-moi de le redire : renflouer avec l’argent de la zone euro un pays à qui on ne demande même pas de prendre un minimum d’engagements pour sortir du dumping fiscal pose une question vraiment fondamentale.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Si l’on repasse à présent de ce côté-ci du Channel, le déficit de l’État ne peut que susciter encore beaucoup d’inquiétudes. Il est supérieur de 27,5 % à la prévision de la loi de finances initiale pour 2010 et de 8,5 % à l’exécution de 2009, et nous ne pouvons qu’être sensibles, nous aussi, à la nécessité d’inspirer confiance aux analystes et aux marchés.

À cet égard, en cette période où les sphères budgétaire et financière s’interpénètrent, on peut considérer que l’approche française d’une régulation stricte constitue pour notre système financier un véritable atout et protège nos finances publiques du risque de devoir le renflouer de nouveau. Monsieur le ministre, il est clair que, grâce aux choix réalisés, ensemble, par le Parlement et le Gouvernement, notre pays n’est pas menacé par un scénario à l’irlandaise.

J’en viens maintenant au projet de loi de finances rectificative en tant que tel.

Par définition, une loi de finances rectificative corrige des insuffisances. En matière fiscale, c’est un exercice qui se place dans la continuité des années précédentes, et nous trouvons ici nombre d’éléments divers.

Nous sommes habitués aux expressions utilisées en la matière : « troisième partie » de la loi de finances de l’année à venir, « session de rattrapage », « inventaire à la Prévert ». Dans ces articles fiscaux, il est vrai, on mêle les choses importantes à l’accessoire. Nous traiterons du régime fiscal des chiens de traîneaux et de celui des vendeurs colporteurs de presse,… (Sourires.)

M. François Baroin, ministre. C’est vrai !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … mais nous aborderons aussi des sujets significatifs, tels que l’aménagement du régime des sociétés de personnes…

M. François Baroin, ministre. Tout à fait !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … ou la déclinaison qu’il convient de donner aux notions de transparence et de translucidité fiscales des sociétés de personnes. Enfin – M. le ministre y a fait allusion –, nous simplifierons et nous renforcerons le régime des taxes locales d’urbanisme.

Dans le domaine des dépenses, il faut apporter des corrections, ce qui est l’objet de cette loi de finances rectificative.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Que rectifie-t-elle ? Les sous-dotations et les dérapages.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et il y en a !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Certes, monsieur le président de la commission !

Les ouvertures de crédits attestent – monsieur le ministre, vous le savez mieux que nous – une hausse significative des dépenses d’intervention à caractère social de l’État, qui est partiellement – mais partiellement seulement – imputable à la crise. Toutefois, elles sanctionnent également la persistance de sous-budgétisations d’une loi de finances initiale à l’autre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

Mme Nicole Bricq. C’est vrai !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je prendrai quelques exemples.

Le premier concerne les ouvertures de crédits en faveur de la politique de l’emploi – 1,3 milliard d’euros –, notamment au profit des contrats aidés. Bien sûr, nous ne mettons pas en cause les mesures prises ; nous observons simplement que les calculs du début de l’année étaient quelque peu optimistes en ce qui concerne tant le nombre de ces contrats que leur mode de calcul, et nous constatons en ce domaine un important dérapage. Par ailleurs, en exécution, il ne semble pas vraiment – c’est une litote – que les dépenses aient été engagées avec le souci quotidien et permanent de tenir compte des disponibilités budgétaires.

Deuxième exemple : l’allocation aux adultes handicapés – plus 319 millions d’euros –, dont nos excellents rapporteurs spéciaux ont, de façon récurrente, dénoncé le caractère habituellement sous-budgété.

Troisième exemple : les aides au logement et les dépenses d’hébergement d’urgence – plus 275 millions d’euros –, déjà abondées par décret d’avance et, une fois encore – nous ne nous lasserons jamais de le répéter –, régulièrement sous-évaluées en loi de finances initiale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hélas !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il en va de même pour la fameuse aide médicale d’État, les bourses étudiantes, la prise en charge des demandeurs d’asile : autant de rubriques que nous considérons habituellement comme insuffisamment dotées en loi de finances initiale, autant de mesures qui, sans surprise, sont évoquées de façon répétitive par nos rapporteurs spéciaux.

Hors dépenses à caractère social, nous observons aussi des ouvertures de crédits permettant de faire face à des pénalités communautaires dans le domaine agricole, pour un montant de 83 millions d’euros – en d’autres termes, nous avons alloué des aides hors du droit communautaire et nous sommes sanctionnés pour cette raison –, des dotations destinées à compléter le financement des opérations extérieures, les OPEX – plus 387 millions d’euros : là encore, c’est une chronique annuelle – ou visant à assurer la dette de l’État vis-à-vis du Crédit foncier de France au titre des primes d’épargne logement – 83 millions d’euros. D’ailleurs, il n’y a rien à reprocher à cette écriture, conforme aux recommandations formulées cette année par notre excellent rapporteur spécial, notre collègue Jean-Pierre Fourcade.

On peut ajouter à ces ouvertures de crédits l’opportune souplesse consistant à relever le plafond d’emploi du ministère de l’éducation nationale pour nous mettre en situation de le respecter en exécution. En modifiant le plafond, on a effectivement plus de chances de le respecter – monsieur le ministre, vous savez fort bien tout cela.

Face aux dépenses que j’ai caractérisées et qui – je tiens à le souligner – seront récurrentes, nous avons certes quelques bonnes surprises du côté des recettes. Toutefois, celles-ci sont de nature exceptionnelle.

Nous constatons, et nous nous en félicitons, une diminution de la charge de la dette à hauteur de 2,2 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2011. Cette évolution est due, d’une part, au maintien à un niveau très bas des taux d’intérêt, et, d’autre part, à l’extrême technicité, au professionnalisme et à l’ingéniosité de l’Agence France Trésor, qui, grâce notamment à la pratique de l’assimilation et à l’utilisation opportune du marché, a été en mesure de redéployer un assez grand nombre de lignes budgétaires, ce qui s’est traduit par des économies.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Néanmoins, ces marges positives exceptionnelles financent, nous le savons, des dépenses d’intervention et de fonctionnement qui, elles, ne présentent pas un tel caractère d’exception.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Par ailleurs, pour ce qui concerne les prélèvements sur recettes, nous observons un effet d’aubaine, dont nous ne pouvons que nous réjouir, avec une baisse de ces prélèvements qui s’élève à 1,2 milliard d’euros et se décompose en, d’une part, une réduction de 566 millions d’euros au titre de notre contribution en faveur de l’Union européenne – le mode de calcul nous est un peu plus favorable ! – et, d’autre part, une diminution de 646 millions d’euros du prélèvement en faveur des collectivités territoriales, en raison d’une baisse du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA. Toutefois, ce ne sont là, je le répète, que des effets favorables momentanés.

Nous notons également, pour nous en féliciter, une forte hausse des recettes non fiscales sous l’effet de facteurs exceptionnels. Ainsi, nous prélevons – et c’est tant mieux ! – 1 milliard d’euros sur la Caisse des dépôts et consignations et nous bénéficions, à hauteur de 700 millions d’euros, de dividendes supplémentaires de la part de grandes sociétés du secteur public.

Mes chers collègues, il est tout à fait clair que la dépense devra être, à l’avenir, mieux calibrée, pour que nous puissions respecter la trajectoire des finances publiques, celle de la consolidation budgétaire.

Mme Nicole Bricq. Elle a du plomb dans l’aile !

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le ministre, la maîtrise des dépenses est la pierre angulaire de la politique d’ajustement budgétaire du Gouvernement.

Les dérapages des dépenses ne doivent jamais être pris à la légère, car ils affectent notre capacité à respecter nos engagements en matière de solde budgétaire et de retour à l’équilibre primaire.

Ils illustrent la nécessité de compléter les déclarations de principe sur les réformes structurelles et de multiplier les actions concrètes permettant de peser sur la dépense.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer une brève réflexion sur la norme de dépense et donc sur la sincérité budgétaire.

La norme de dépense est exigeante. Elle doit être appliquée de manière pérenne et sincère.

Je rappelle que la norme « zéro volume » fait l’objet de quelques raffinements. Elle continue, certes, d’être notre objectif général, mais elle est complétée par la règle selon laquelle les dépenses hors dette et pensions doivent être stables en valeur. Nous devrons donc nous diriger au mieux dans ce tunnel du « zéro volume » et du « zéro valeur ». On veut aujourd’hui, et c’est tout à fait positif, que les économies de constatation sur la charge de la dette ne puissent plus être « recyclées » en dépenses nouvelles, comme c’est le cas – pour la dernière fois, espérons-le – dans le présent collectif budgétaire.

Le respect de la nouvelle norme, c’est-à-dire le cheminement dans ce tunnel, à compter de 2011, imposera de réelles contraintes nouvelles. À cet égard, je me suis livré à de petits calculs.

Si nous avions appliqué à la loi de finances initiale pour 2010 les principes annoncés pour 2011, il aurait fallu arbitrer les dépenses du budget général à un niveau inférieur de 3,9 milliards d’euros à celui que le Gouvernement nous a proposé à l’époque.

De manière analogue, si nous devions aujourd'hui appliquer à ce collectif budgétaire les nouvelles règles « zéro volume » et « zéro valeur », les crédits qui nous sont soumis devraient être inférieurs de 5,6 milliards d’euros au niveau cumulé des ouvertures pratiquées par la loi de finances initiale et par les différents collectifs budgétaires de l’année, et cela hors plan de relance, hors réforme de la taxe professionnelle et hors financement par le grand emprunt.

Enfin, monsieur le ministre, j’évoquerai une autre source d’inquiétude, à savoir la multiplication des dispositifs de contournement de la norme de dépense. Je sais que vous y êtes particulièrement vigilant ; le ministre du budget doit d’ailleurs souvent se trouver dans une position quelque peu solitaire s’il veut faire respecter une telle discipline. (Sourires.)