Mme la présidente. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la loi LRU du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités dispose que les établissements universitaires peuvent, à leur demande – il s’agit donc d’une compétence facultative –, obtenir une dévolution du patrimoine immobilier de l’État. Ils ont alors la possibilité d’aliéner les biens concernés et de modifier leur affectation puisqu’ils disposent de droits réels ou complets sur ces bâtiments. Ils peuvent également maîtriser les programmes de travaux nécessaires à l’entretien de ce patrimoine.
Cependant, mes chers collègues, le processus de dévolution, tel qu’il est prévu dans la loi LRU, est long et complexe. Il faut en effet, pour atteindre cet objectif, que l’établissement ait inscrit sa politique immobilière dans un schéma directeur, qu’il ait défini une programmation pluriannuelle d’investissement, qu’il dispose d’une bonne connaissance de son inventaire et qu’il ait remis à niveau sa comptabilité immobilière. À ce jour, seules cinq universités ont été considérées comme prêtes pour la dévolution. Pour les autres, la procédure peut durer encore plusieurs années.
L’opération Campus, lancée en février 2008, je le rappelle, a pour objet de rénover et de redynamiser les campus existants, afin de créer des sites d’excellence qui renforceront l’attractivité et le rayonnement de l’université française. Nous connaissons tous, mes chers collègues, l’état actuel du patrimoine universitaire. On estime qu’au moins 35% des locaux universitaires sont vétustes et exigent de très lourds investissements.
Dans le cadre de l’opération Campus, l’État a choisi de privilégier les partenariats public-privé dans les projets de construction ou de réhabilitation des campus. L’université peut ainsi mettre à disposition d’un partenaire privé une partie de ses locaux pour les valoriser, en accueillant par exemple des congrès ou en installant au cœur des campus des commerces, des cafés ou des restaurants.
La difficulté, c’est que les partenariats public-privé ne peuvent pas être mis en place sans l’exercice par les universités des droits réels, c’est-à-dire sans que l’État ait préalablement dévolu le patrimoine à l’université. En vertu du droit actuel, les établissements exercent les droits et obligations du propriétaire sur leurs locaux, à l’exception, j’insiste sur ce point, du droit de disposition et d’affectation des biens.
C’est pourquoi la proposition de loi, dans son article 1er, introduit une exception. En effet, dans le cadre de la conclusion d’un contrat de partenariat public-privé, ou public-public, comme c’est le cas à Strasbourg, les universités et les pôles de recherche et d’enseignement supérieur peuvent conférer des droits réels à un tiers. Le partenaire sera alors non pas propriétaire des locaux, mais seulement utilisateur. Cet article permettrait donc aux universités qui le souhaitent de participer dès maintenant au plan Campus, dont les premières opérations pourraient être financées dès la fin de l’année 2010 ou au début de l’année 2011.
En ma qualité de maire de Strasbourg, je suis donc particulièrement intéressé par l’article 1er de la proposition de loi. L’université de Strasbourg, vous l’avez rappelé, madame le ministre, fait en effet partie des six premiers projets retenus dans l’opération Campus en mai 2008. Elle devrait, à ce titre, recevoir une dotation en capital de 375 millions d’euros. elle a donc conclu un partenariat, non pas public-privé, mais public-public, avec la Caisse des dépôts et consignations. Ce partenariat concerne notamment la rénovation indispensable de bâtiments datant des années soixante, une restructuration de la bibliothèque universitaire, une maison des étudiants, des équipements sportifs ainsi qu’une résidence d’accueil de chercheurs étrangers. Bref, c’est un programme très ambitieux qui, évidemment, nécessite un lourd investissement.
Malheureusement, l’université de Strasbourg n’a pas aujourd’hui la dévolution de son patrimoine. Faute de disposer de droits réels, elle n’est pas en mesure, dans l’état actuel de la législation, de donner une autorisation d’occupation temporaire à la Caisse des dépôts et consignations. Dans ces conditions, le partenariat public-public qu’elle a conclu ne peut pas prospérer.
Cette proposition de loi permettra à l’université de Strasbourg de mener à terme, dès cette année ou l’année prochaine, la vaste opération de réhabilitation et de transformation de son campus central, sans attendre qu’elle devienne propriétaire de son patrimoine. C’est la raison pour laquelle, ayant signé cette proposition de loi, bien évidemment, je la voterai.
Cela dit, la proposition de loi comporte trois articles. Je vous avoue que je suis plus réservé sur l’article 2, qui prévoit de donner la possibilité aux PRES de délivrer des diplômes nationaux. Je m’interroge en particulier sur la procédure d’élaboration de la maquette des diplômes, celle-ci étant normalement présentée par le conseil de l’unité de formation et de recherche, l’UFR, contrôlée par les services de l’université, puis par le conseil d’administration. La procédure nouvelle peut susciter des inquiétudes, même si la commission a en effet donné un certain nombre de garanties à ce sujet.
L’article 3, quant à lui, concerne la direction des laboratoires de biologie médicale dans les CHU et me paraît bien éloigné des questions évoquées par les deux premiers articles, hors de propos, en apesanteur, en quelque sorte.
Je comprends les réticences de Jean-Luc Fichet sur ces deux articles mais, en ce qui me concerne, je le répète, je voterai cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer, au nom du groupe de l’union centriste, l’initiative prise par notre collègue Jean-Léonce Dupont en matière d’évolution des règles de dévolution du patrimoine immobilier des universités.
Cette dévolution constitue, à nos yeux, une étape essentielle dans la construction progressive de l’autonomie des universités, laquelle restait jusqu’alors cantonnée au recrutement du personnel et à la gestion des moyens mobiliers, les outils techniques et juridiques pour la gestion de leur patrimoine immobilier faisant encore défaut.
La faculté qui est donnée par la présente proposition de loi de procéder à la dévolution des droits réels de propriétés aux universités et d’accorder des autorisations d’occupation temporaire constitutives de droits réels constitue une grande avancée. En effet, elle autorise une gestion beaucoup plus active et autonome de ce patrimoine et permet de parfaire la qualité de gestion des universités. Elle constitue aussi un levier permettant d’innover de nombreux partenariats, au rang desquels figurent les politiques partenariales publiques-privées.
La dévolution des droits réels de propriété permettra aussi d’améliorer la formation universitaire. Les universités pourront accueillir dans leurs murs des incubateurs, des laboratoires et – pourquoi pas ? – des pépinières d’entreprises favorisant ainsi la perméabilité entre le milieu de l’enseignement, de la recherche et de l’entreprise. Et l’on sait l’importance de cette perméabilité à l’heure où l’université ne peut plus être tournée sur elle-même, mais doit au contraire bâtir des ponts avec le monde scientifique et le monde de l’entreprise.
En outre, point très intéressant, la proposition de loi confère aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur la faculté de délivrer des diplômes, faculté jusqu’alors limitée aux seuls doctorants. La délivrance par les PRES de diplômes de licence et de master constitue une autre avancée fondamentale, et vient couronner l’évolution progressive des compétences des PRES.
Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur permettent aux enseignants et chercheurs de travailler de concert en vue de favoriser les transferts de technologie et sont propices à une approche globale des formations proposées sur un même territoire. En se regroupant au sein de PRES, les universités gagnent non seulement en qualité de formation et en lisibilité, mais aussi en efficacité de gestion puisque certains moyens peuvent être plus facilement mutualisés. Tout cela permet d’élever le niveau des universités françaises, dans un contexte de concurrence accrue des établissements, à l’échelon tant national qu’international.
En favorisant la délivrance de diplômes par les PRES, on poursuit la logique de coopération interuniversitaire, on renforce l’ancrage territorial de l’enseignement supérieur et de la recherche et on valorise le label d’excellence universitaire que doit constituer le PRES.
Parce que la vie étudiante est un point essentiel du développement de l’enseignement supérieur, je me réjouis de la mise en place d’un conseil de vie étudiante au sein des PRES, lieu de débat des enseignants-chercheurs et des étudiants sur les compétences coordonnées au niveau de l’établissement.
À titre personnel, je suis d’autant plus sensible au renforcement des attributions des PRES que la Normandie vient justement d’en créer un. Il rassemble les universités de Caen, du Havre et de Rouen. C’est un projet que mon collègue Jean-Léonce Dupont, bas-normand, connaît bien, et que vous avez soutenu et encouragé avec force en septembre dernier lors de votre déplacement au Havre, madame le ministre.
Voilà, mes chers collègues, les deux points essentiels que je souhaitais partager avec vous et qui fondent le soutien du groupe de l’Union centriste à la proposition de loi qui nous est soumise, proposition de loi – je tiens à le rappeler – qui est le fruit de travaux conjoints conduits par nos collègues Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot. Je salue leur conviction et la vision d’avenir qu’ils nous proposent aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Articles additionnels avant l'article 1er
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2 rectifié ter, présenté par MM. Lagauche et Fichet, Mme Bourzai, M. Ries et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'articler 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le rapport annuel prévu à l'article 51 de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités comporte un volet sur la mise en œuvre du transfert du patrimoine immobilier de l'État aux universités, le bilan des opérations immobilières en cours et l'exercice des droits réels par les universités sur le patrimoine immobilier.
La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Il nous est demandé, par la présente proposition de loi, d’aller encore plus loin dans les compétences que les universités pourront assumer en matière immobilière.
Notre rapporteur, en commission, s’est voulu rassurant en affirmant qu’il ne s’agissait là que d’une ouverture. Mais cette proposition de loi vise clairement une accélération du processus d’autonomie, alors même que le bilan du passage aux responsabilités et compétences élargies n’a pas été tiré, ce qui est compréhensible puisque toutes les universités n’y ont pas encore accédé.
Le Gouvernement butte sur la dévolution du patrimoine, qui est un processus long, complexe, coûteux puisqu’il implique la remise à niveau par l’État des locaux universitaires. N’oublions pas que 35 % du patrimoine universitaire est vétuste ou en mauvais état, avec des inégalités fortes entre universités. J’ajoute que la dévolution du patrimoine est également risquée pour les universités. En effet, elle ne sera pas forcément, et en tout cas pas pour toutes les universités, la manne espérée pour la valorisation de l’immobilier universitaire.
Nous sommes également très réservés sur les partenariats public-privé érigés par le Gouvernement en outil privilégié de la mise en œuvre de l’opération Campus et sur la possibilité donnée par cette proposition de loi aux universités et aux PRES d’accorder des autorisations d’occupations temporaires constitutives de droits réels à des partenaires privés.
Dans ce contexte, et face aux enjeux que représente le dossier du patrimoine universitaire pour notre système d’enseignement supérieur et de recherche, le Parlement se doit d’être informé au mieux, et régulièrement, de son évolution, pour pouvoir exercer sa vigilance et son pouvoir de contrôle. C’est pourquoi nous proposons que chaque rapport annuel du comité de suivi de la loi LRU, au sein duquel notre collègue Jean-Léonce Dupont représente notre Haute Assemblée, comporte obligatoirement un volet sur l’immobilier universitaire. Ce volet devra en particulier faire le point sur trois questions essentielles pour nous, et sur lesquelles nous ferons porter notre vigilance, si la proposition de loi devait être adoptée en l’état : premièrement, la mise en œuvre du transfert du patrimoine immobilier de l’État aux universités, deuxièmement, le bilan des opérations immobilières en cours, et, troisièmement, l’exercice des droits réels par les universités sur le patrimoine immobilier.
À travers cet amendement, nous répondons à la demande d’une meilleure information exprimée en commission par les membres de notre groupe et par nos collègues du groupe CRC-SPG, mais également par le président de la commission de la culture, Jacques Legendre.
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par M. Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remet aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport évaluant l'application de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités et notamment en ce qui concerne le transfert de propriété du patrimoine immobilier aux universités.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Notre amendement, dont l’objet est similaire à celui que vient de présenter notre collègue Jean-Luc Fichet, est de bon sens.
Nous ne cessons d’évoquer la loi LRU et ses conséquences dans le cadre de ce débat comme dans les rapports qui l’ont précédé. Cette proposition de loi, parce qu’elle vise à compléter la dévolution du patrimoine universitaire contenue dans la loi LRU, parce qu’elle tend à renforcer l’autonomie des universités, aurait pour le moins mérité d’être précédée d’une analyse approfondie de la mise en œuvre des différentes dispositions prévues dans cette même loi, ainsi que de leurs conséquences.
Je me permets d’ailleurs de rappeler, à ce titre, que l’article 51 de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités prévoyait que soit rendu un rapport annuel dont nous n’avons, pour notre part, jamais eu connaissance.
Nous considérons qu’avant de légiférer et d’adopter des dispositions s’inscrivant dans le cadre de cette loi il faut – c’est bien le minimum – qu’une étude approfondie soit menée à son terme et débouche sur un rapport qui ne pourrait qu’enrichir nos débats. En un mot, il importe de faire le bilan de l’application de la loi avant de continuer à galoper aujourd’hui encore avec ce transfert de propriété des biens meubles et immeubles aux universités.
Tel est le sens de notre amendement qui ne vise qu’à rappeler la pertinence et la nécessité d’appliquer ce fameux article 51 de la loi LRU sous forme d’un bilan annuel qui sera porté à la connaissance de l’ensemble de nos collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Compte tenu des rectifications apportées par notre collègue Jean-Luc Fichet à son amendement initial pour intégrer une suggestion formulée en commission ce matin, j’émets un avis favorable sur l’amendement no 2 rectifié ter.
Pour l’instant, les rapports n’ont pas évoqué cette problématique, car nous ne sommes vraiment qu’au tout début du processus de dévolution. Mais, naturellement, il me semble tout à fait cohérent que ces rapports puissent à l’avenir être intégrés et nous devrons veiller à leur bonne transmission.
L’amendement no 4 me semble satisfait. J’en demande donc le retrait ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Il est favorable à l’amendement n° 2 rectifié ter, car le volet concernant la dévolution du patrimoine immobilier, mais aussi au-delà, doit faire partie intégrante des rapports du comité de suivi. De ce point de vue, je suis sensible au fait que l’amendement ait été complété pour prendre en compte l’ensemble de l’évolution du patrimoine immobilier universitaire, notamment l’opération Campus, ainsi que l’état des chantiers universitaires.
L’amendement n° 4 me paraît satisfait, et j’en demande donc le retrait. En tout état de cause, sa rédaction est moins complète que celle de l’amendement no 2 rectifié ter, qui a donc ma préférence.
Monsieur Renar, le comité de suivi a publié deux rapports depuis le vote de la loi LRU et ils ont tous deux été transmis à la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Tout à fait !
Mme la présidente. Monsieur Renar, l’amendement n° 4 est-il maintenu ?
M. Ivan Renar. La raison – celle du Sénat et la mienne – va l’emporter : je vais retirer mon amendement et voter l'amendement rectifié ter, qui nous a d’ailleurs rassemblés tout à l’heure en commission. Il rejoint en effet la préoccupation que j’ai exprimée – et c’est pour moi l’essentiel – et qui a motivé le dépôt de l’amendement n° 4.
Je souhaite que l’on trouve de nouveaux modes de financement et de travail. Quelle que soit l’opinion que l’on ait de la loi LRU – il ne s’agit pas d’en parler comme de la guerre de 1914-1918 ! –, il me paraît souhaitable que, sur des textes de ce genre, soit publié régulièrement un rapport qui présente un bilan. C’est d’autant plus important, en l’occurrence, que ce bilan devra prendre en compte la dévolution du patrimoine et que la pratique va changer.
J’insiste d’ailleurs sur la nécessité, pour assurer une bonne information de l’ensemble des parlementaires, d’établir un rapport préalable à toute modification législative s’inscrivant dans des champs nouveaux. Il faut toujours faire le bilan de ce qui s’est passé et tenir compte des insuffisances portées à ce bilan pour aller de l’avant.
Madame la ministre, étant soucieux du respect des missions du comité de suivi, j’irai en effet consulter les deux rapports qui ont été établis.
Il ne suffit pas de préciser le champ d’étude d’un rapport, encore faut-il que celui-ci soit effectivement mené à son terme et présenté à notre assemblée dans son ensemble. Je crois qu’il n’y a pas, à cet égard, de mauvaise volonté de la part de la commission et je prends acte qu’il n’y en a pas non plus au niveau du ministère. D’ailleurs, madame la ministre, je souhaite en cet instant me féliciter que vous ayez été maintenue dans vos fonctions ; il aurait été dommage que vous voir vous aventurer sur des terrains plus hasardeux après tout le travail que vous avez effectué, quelle que soit l’opinion que l’on en ait.
Je retire donc l’amendement n° 4.
Mme la présidente. L'amendement n° 4 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.
L'amendement n° 3, présenté par M. Renar, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 719-14 du code de l'éducation est abrogé.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement prévoit d’abroger le dispositif prévu par la loi LRU qui permet la dévolution du patrimoine immobilier universitaire appartenant à l’État aux universités lorsqu’elles en font la demande.
Nous nous étions opposés à la mise en œuvre de l’autonomie des universités telle qu’elle est prévue par la loi LRU, car elle favorise la coopération entre grands établissements avec l’obsession constante d’accroître la compétitivité des universités françaises sur la scène internationale.
Il s’agit, avec cette proposition de loi, d’atteindre cet objectif, quitte à concentrer tous les moyens et tous les efforts sur quelques-unes des grandes universités jugées à fort potentiel, en délaissant la grande majorité des plus petites, au risque de renier leur rôle dans l’accès du plus grand nombre d’étudiants à l’université.
L’autonomie immobilière des universités apparaît comme la seconde étape de l’autonomie des universités, et pour cette raison nous ne pouvons y adhérer. On ne peut la dissocier du plan Campus qui, tout en se donnant pour objet de rénover un patrimoine immobilier universitaire vétuste, une fois de plus, n’attribue des moyens qu’à quelques-unes des universités capables de rivaliser avec les plus grandes dans le classement de Shanghai.
Cette autonomie immobilière risque de ne profiter qu’aux universités les plus riches, et encore rien n’est moins sûr. Car, en réalité, elle permet surtout à un État obnubilé par la réduction de sa dette de se désengager financièrement, de ne pas assumer la charge d’un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche qui lui incombe pourtant.
Pour justifier cette autonomie immobilière, on fait miroiter aux universités la perspective – erronée – d’un accroissement de leurs moyens par le développement de fonds propres résultant de la pleine possession de leurs immeubles, dont elles disposent alors librement. L’autonomie immobilière est un véritable miroir aux alouettes. Alors que l’État se désengage et que les bâtiments de l’université deviennent des locaux mis à disposition du privé pour dégager des revenus que le président d’université gère comme un chef d’entreprise, on ne voit guère comment cette opération pourrait bénéficier au service public de l’enseignement supérieur.
Si le transfert de la propriété de l’État vers les universités doit s’accompagner d’une compensation financière via une dotation, rien ne saurait garantir que le montant de cette dernière soit maintenu à un niveau suffisant par un Gouvernement qui n’hésite pas à procéder, avec la RGPP, à une réduction drastique des moyens humains dans l’enseignement.
C’est donc pour les universités, dans leur diversité, et pour assurer une formation supérieure de qualité que nous demandons l’arrêt de la seconde étape de l’autonomie des universités, c'est-à-dire le transfert du patrimoine immobilier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Madame Labarre, vous ne serez pas surprise que la commission émette un avis défavorable sur votre amendement de suppression de l’article de la loi LRU autorisant la dévolution du patrimoine aux universités.
Je vous rappelle qu’il s’agit bien d’une compétence facultative, qui n’est accordée qu’à la demande des universités et sous réserve que ces dernières soient effectivement prêtes à exercer ces nouvelles responsabilités.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
M. le rapporteur a fort justement rappelé que la dévolution du patrimoine est très soigneusement encadrée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avançons pas à pas sur ce dossier : sur les neuf universités candidates, seules cinq d’entre elles ont été autorisées à gérer leur patrimoine au 1er janvier 2011.
En effet, la dévolution du patrimoine ne signifie pas uniquement l’accès à la propriété, elle entraîne surtout la nécessité d’avoir une stratégie immobilière qui permette de faire de ce patrimoine un outil au service d’une meilleure pédagogie, d’une meilleure recherche et d’une meilleure qualité de vie sur les campus.
Il faut bien le dire, l’État est aujourd’hui un très mauvais propriétaire. Le patrimoine immobilier universitaire est évalué 20 milliards d’euros, pour 18 millions de mètres carrés répartis sur plus de 6 000 hectares.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la plupart de nos campus ont été construits selon le modèle d’urbanisme qui prévalait dans les années soixante et soixante-dix : ce sont des barres sur des terre-pleins. Cette forme d’urbanisme, qui est très déshumanisée, entraîne la multiplication des « dents creuses ». Il est possible de procéder sur ces campus à une densification urbaine tout en conservant une qualité environnementale, c’est-à-dire de construire des campus-villes dans lesquels les grands espaces vides, que l’on transformait souvent en parkings, seraient remplacés par des cafétérias, des cinémas, des lieux de vie, des commerces, des résidences étudiantes, bref par tout ce qui n’a pas été prévu à côté des laboratoires et des amphithéâtres.
Permettez-moi de vous donner un exemple concret. Vous le savez, l’État finance actuellement le désamiantage du campus de Jussieu pour un coût absolument astronomique. À l’issue des travaux, l’université recevra un patrimoine immobilier de 30 000 mètres carrés de droits à construire sur l’actuelle dent creuse du campus, situé en face de Notre-Dame ! Mesdames, messieurs les sénateurs, imaginez la valeur d’un tel patrimoine, dans le plus beau quartier universitaire du monde !
Ces 30 000 mètres carrés ne pourront pas être aménagés sur fonds d’État. En revanche, il est tout à fait envisageable de financer, par des partenariats public-privé innovants, une résidence hôtelière d’accueil de chercheurs étrangers prestigieux, des logements pour les étudiants ou l’incubateur d’entreprises que veut lancer Paris VI. C’est la raison pour laquelle il faut absolument donner aux universités cet outil puissant que représente le patrimoine foncier. Les universités doivent pouvoir valoriser leur patrimoine, d’autant qu’elles sont souvent très bien situées, dans le cœur historique des villes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Fichet. Notre groupe s’abstiendra sur cet amendement. Madame la ministre, votre projet est certes ambitieux, mais force est de constater que les moyens ne suivent pas. Lorsque les universités devront gérer, demain, leur patrimoine immobilier, il leur faudra déjà beaucoup d’argent pour remettre à niveau des installations fort vétustes, et bien plus encore pour mettre en œuvre votre projet.
Il est vrai que le partenariat public-privé peut être, en l’occurrence, intéressant, mais je crains que cela ne nous entraîne à l’égard du privé dans des engagements qui dépasseront la fonction d’enseignement et de recherche des universités.