Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le rapport d’information commun de nos collègues Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot, déposé au mois de juin dernier, dressait un panorama complet de la situation du patrimoine immobilier universitaire et étudiait scrupuleusement les questions posées par son transfert.
Le transfert du patrimoine immobilier de l’État aux universités est, en effet, essentiel pour que ces dernières puissent acquérir l’autonomie souhaitée par la loi LRU. Auparavant, nos établissements se trouvaient dans un carcan qui les empêchait d’évoluer. Une partie de ce qui était essentiel pour leur vie leur échappait. Or, partout dans le monde, le succès des systèmes publics d’enseignement supérieur repose sur des universités autonomes. Il faut permettre à la France, dans un contexte de forte concurrence, de se maintenir en tête dans l’économie de la connaissance.
Cette autonomie est également importante pour ne pas laisser nos bâtiments dépérir. Nous disposons d’un patrimoine immobilier considérable, mais en mauvais état, parfois même hors normes de sécurité. Le rapport précité nous apprend que 35 % du patrimoine immobilier serait vétuste ou en mauvais état. Cela est dû à l’absence d’une réelle vision stratégique et globale, et au fait que la maintenance n’a jamais été considérée comme un poste prioritaire. De plus, les surfaces ne sont pas optimisées, ce qui résulte en partie d’une faible responsabilisation des universités.
L’immobilier universitaire est devenu une priorité politique depuis l’annonce faite par le Président de la République, en 2007, de financer une opération immobilière d’envergure, l’opération Campus, pour la remise à niveau de ce patrimoine. Il s’agit d’un thème important du débat public.
Cette opération doit financer l’émergence d’une dizaine de campus de niveau international par la remise à niveau de leur patrimoine immobilier. Il s’agit de requalifier et de dynamiser les campus existants pour créer des campus de standard international dotés d’une forte visibilité. L’opération doit être réalisée par des contrats de partenariat publics-privés.
À cette fin, il paraît nécessaire de permettre aux universités de disposer des bâtiments que l’État leur a affectés, même si elles n’en ont pas encore demandé le transfert. Cette question, conformément aux recommandations du rapport du mois de juin, fait l’objet de l’article 1er de la proposition de loi.
Les exemples cités par le rapporteur sont éclairants. En commission, ont été évoqués les projets de l’université de Bourgogne, à Dijon, dans le cadre de l’opération Campus. Une résidence d’accueil sera mise à la disposition de chercheurs étrangers, mais pourra, hors des périodes d’occupation, être louée par le partenaire.
Il faut également permettre le recours au montage promu par la Caisse des dépôts et consignations, comme c’est le cas pour l’université de Strasbourg : rénovation de bâtiments datant des années soixante, bibliothèque universitaire, équipements sportifs et résidence d’accueil de chercheurs… Il s’agit donc d’introduire plus de souplesse afin que les universités puissent rénover leur patrimoine le plus efficacement possible.
D’une manière générale, l’application de la loi LRU va permettre aux universités d’inscrire la stratégie immobilière dans leur projet d’établissement et de renforcer leur identité, leur image de marque et leur attractivité. En obtenant la gestion de leur parc immobilier, nos universités vont gagner en souplesse, mais elles auront également un travail considérable devant elles, ce qui implique des risques financiers significatifs. Il faudra être particulièrement attentif aux difficultés des plus petites universités.
Je tiens à préciser que je partage le sentiment de M. Jacques Legendre, qui souhaite que les travaux de suivi de la loi LRU soient présentés devant la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
L’autonomie immobilière des universités constitue-t-elle une « gageure » ou un « défi surmontable » ? Ainsi était formulée la question posée par le rapport de MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont. Il ne fait aucun doute que nous devons relever ce défi pour renforcer notre enseignement supérieur. Le présent texte est une première étape sur cette voie. J’apporterai donc, au nom du groupe UMP, mon soutien et ma voix à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons cet après-midi prolonge le rapport d’information de nos collègues Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont Autonomie immobilière des universités : gageure ou défi surmontable ?
L’objectif affiché est d’assouplir le cadre juridique qui régit le patrimoine immobilier universitaire afin de faciliter la rénovation de ce dernier. En réalité, elle imprime un tournant dans la stratégie sous-tendant les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, à la fois dans leurs objectifs et dans leur mise en œuvre.
Bien qu’aucun bilan n’ait encore été dressé sur les pôles de recherche et d’enseignement supérieur, l’on veut passer à l’étape suivante à marche forcée ! C’est un cadeau empoisonné que l’on offre aux directeurs d’université.
Il est certes important pour notre pays d’avoir des campus d’excellence. Cependant, la méthode que vous adoptez ne nous semble pas de nature à parvenir à cet objectif. Cette réforme ne peut pas se faire au détriment des universités qui n’auront pas les moyens suffisants pour gérer leur établissement. Elle ne peut pas se faire non plus au détriment de la démocratisation de l’université et de l’aménagement du territoire.
Mes collègues socialistes et moi-même sommes opposés à la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, qui fixe des compétences optionnelles pour les universités autonomes. Seules cinq d’entre elles pourront, en 2011, profiter de la dévolution immobilière. En effet, le transfert du patrimoine implique que les universités aient préalablement accédé aux responsabilités et compétences élargies tant en matière budgétaire qu’en matière de gestion des ressources humaines. Il impose également une bonne connaissance par les établissements de leur patrimoine, du potentiel humain et, surtout, des capacités d’autofinancement. Or, aujourd’hui, 20 % des universités ont mis en place un schéma directeur immobilier et seules 50 % d’entre elles connaîtraient les coûts de fonctionnement de leurs bâtiments !
Le rapport nous apprend que 35 % du patrimoine universitaire est vétuste. Les inégalités sont très fortes entre les territoires. Le transfert de cette compétence nécessiterait donc, a minima, une remise à niveau préalable du patrimoine universitaire, donc un effort financier de l’État. Ce n’est malheureusement pas le chemin pris par le Gouvernement. En effet, les crédits consacrés à la sécurité et à la maintenance des bâtiments baissent de 166,3 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2011. Les deux tiers de ces crédits sont consacrés au désamiantage, à la réhabilitation et à la mise en sécurité de Jussieu ; pour le reste, seule sera prise en compte la mise en sécurité des bâtiments dans le domaine de la sécurité incendie.
« La liberté dans la pauvreté et la pénurie, cela ne marche pas », pour reprendre les mots de Thomas Piketty. Le Gouvernement n’a pas donné un centime pour assurer la maintenance des bâtiments, ce qui explique que les universités ne se soient pas précipitées pour devenir propriétaires. La question des financements revêt une importance majeure pour les petites structures, notamment les universités qui se trouvent sur des territoires ruraux ainsi que de nombreux IUT. Il doit y avoir une parité de moyens entre les universités. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas.
Pourquoi vouloir aller vite lorsque l’on ne sait pas où l’on va ? N’aurait-il pas fallu, avant de faciliter la conclusion des contrats de partenariat public-privé, réfléchir à une stratégie de gestion immobilière à long terme ? L’un des grands enjeux n’aurait-il pas été de sécuriser de manière pérenne l’aide de l’État, qui devra porter sur l’investissement, la maintenance et le renouvellement ? N’était-ce pas l’une des conclusions du rapport Autonomie immobilière des universités : gageure ou défi surmontable ?
L’article 2 de la proposition de loi ouvre aux établissements publics de coopération scientifique, les EPCS, la possibilité d’être habilités par le ministre chargé de l’enseignement supérieur à délivrer des diplômes nationaux. Cette mesure facilitera la délégation aux PRES de la délivrance des diplômes.
Des réserves sont pourtant apportées quant à l’efficacité des pôles de recherche et d’enseignement supérieur qui ont été mis en place par la loi de 2007.
Deux rapports, l’un de la Cour des comptes, de février 2010, sur la politique de regroupements et de coopération dans l’enseignement supérieur, et l’autre de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche de mars 2010 PRES et reconfiguration des sites universitaires, ont dressé un portrait très critique du fonctionnement des PRES.
Par ailleurs, quelles sont les conséquences pour les territoires ? Bien souvent, les communes ou les agglomérations sont à l’origine de la création d’une structure universitaire, faculté ou IUT. Un établissement d’enseignement supérieur est pour ces collectivités le gage d’une dynamique et d’une attractivité, d’autant que grâce à cette implantation peut naître un bassin d’emplois spécifiques autour du génie civil, par exemple, ou des biotechnologies. L’université est alors le maillon d’une chaîne essentielle en termes d’aménagement du territoire. Nous ne pouvons pas faire abstraction de cette dimension importante de l’enseignement supérieur. Or, la proposition de loi oublie tout simplement ces territoires. Avec la dévolution du patrimoine et la possibilité de passer des contrats de participation avec des tiers, les grandes universités auront les moyens d’attirer des financements privés, ce qui ne sera pas le cas des plus petites ! Dès lors, quel sera leur avenir ?
Ce dispositif sera peu attractif et les collectivités territoriales seront une nouvelle fois obligées de mettre la main à la poche pour trouver des partenariats et pour les conserver. La sollicitation des collectivités va donc s’amplifier, avec un risque de concentration de l’offre de formation sur les grands sites et de fermetures de centres universitaires. Le danger est bien de mettre en place des universités à plusieurs vitesses et de créer des déserts universitaires !
Permettez-moi d’illustrer mon propos par un exemple pris dans mon département, le Finistère. La communauté d’agglomération, parfois appelée Morlaix Communauté, est aujourd’hui maître d’ouvrage pour la création d’un deuxième département au sein de l’IUT de génie civil. La décision ministérielle de créer ce département a été prise à la fin du mois de juin 2010, pour la rentrée universitaire de septembre 2010 ! Des locaux provisoires ont donc été aménagés par Morlaix Communauté. Aujourd’hui, il n’est pas un jour sans que les élus se battent pour obtenir des financements suffisants afin de procéder à la réhabilitation des locaux et ainsi permettre l’installation définitive du département. Pour l’heure, l’avenir reste incertain. Si les élus ont obtenu des assurances sur le financement des dépenses d’investissement, rien n’est clair pour le financement des dépenses de fonctionnement. Sur quels crédits seront rémunérés les personnels techniques ? La collectivité devra-t-elle payer ? Assisterons-nous à la mise en place de nouveaux transferts financiers ?
Enfin, nous nous interrogeons sur les conséquences des partenariats public-privé pour les territoires. Je n’ai pas l’intention de stigmatiser ce mode de coopération qui peut, en effet, être une source de dynamisme et offrir une structure intéressante pour les territoires, mais seulement sous certaines conditions. La Cour des comptes elle-même a émis des réserves sur ces partenariats. Que se passera t-il si les acteurs privés n’investissent que dans des territoires attractifs ? Ne va-t-on pas se tourner une fois encore vers les collectivités territoriales pour financer une partie des opérations, notamment les opérations « non rentables » ? Il ne faut pas fermer les yeux sur la réalité des inégalités territoriales.
Par ailleurs, quelles activités gérera l’opérateur privé une fois la construction terminée ? N’y a-t-il pas un risque que le partenaire privé, afin de dégager des recettes supplémentaires, exploite les locaux à d’autres fins que celles qui auront été jugées nécessaires et relevant des missions d’enseignement et de recherche, et ce sans droit de regard de la personne publique ? Quelles garanties avons-nous en ce qui concerne l’exploitation mercantile du domaine public ? Quelles assurances avons-nous en cas de grave défaillance financière de la part du financeur privé ? Ne reviendra-t-il pas alors aux collectivités locales de se substituer aux partenaires défaillants, alors qu’elles sont déjà victimes d’un véritable étranglement financier ?
Je veux enfin dire quelques mots sur l’avenir des diplômes nationaux, remis en cause par une externalisation à outrance. Le risque est grand que les universités se recentrent sur des diplômes propres à chaque établissement avec, bien sûr, une compétition entre les universités et une dévaluation des diplômes universitaires.
Il ne s’agit pas ici de verser dans la condamnation sans nuance, ni de tomber dans l’excès de prudence ; il s’agit de poser les bonnes questions. Cette proposition de loi est une opportunité, nous le concevons, mais veillons à ce qu’elle ne se transforme pas en piège, car elle partage, avec la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, une caractéristique majeure que nous avions dénoncée : l’absence de vision et de stratégie durable.
Une démarche mieux pensée et concertée, et, surtout porteuse d’une véritable ambition progressiste pour l’enseignement public en France, reste à élaborer, au service d’une certaine idée de l’université qui ne peut être simplement assimilée à un lieu de formation professionnelle et de production d’innovations destinées au marché. C’est pourquoi, au nom de cette ambition, le groupe socialiste s’abstiendra sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est la suite logique du rapport d’information sur l’autonomie immobilière des universités que Jean-Léonce Dupont et moi-même avons présenté en juin 2010.
Madame la ministre, je profite de cette intervention pour vous présenter mes sincères félicitations pour votre renouvellement à la tête du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Voilà un beau compliment à l’heure où l’on souligne que les meilleurs ministres restent à leur poste !
La loi relative aux libertés et responsabilités des universités est clairement plébiscitée, puisque presque toutes les universités ont aujourd’hui demandé leur autonomie. Même ceux qui ont combattu cette réforme s’en sont emparés, et c’est très bien ainsi !
En ira-t-il de même pour la dévolution des biens universitaires ? Il est bien clair qu’un certain nombre de points devront trouver une solution : nous en avons énoncé dix dans notre rapport. J’insisterai simplement sur le dernier d’entre eux.
Dans ce dixième point, nous préconisons, indépendamment de la dévolution, de permettre aux universités qui le souhaitent d’établir une véritable stratégie immobilière. À cette fin, il était nécessaire d’assouplir le cadre juridique qui régit aujourd’hui la manière dont les universités peuvent conduire ces stratégies. L’objet de cette proposition de loi est précisément de permettre aux universités de disposer des droits réels, afin d’optimiser les constructions et les rénovations, en utilisant les techniques modernes de financement et de gestion. Il s’agit d’encourager non seulement les partenariats public-privé, mais aussi les partenariats public-public ou entre les universités et les collectivités locales.
La finalité de cette proposition de loi est double : responsabiliser les dirigeants des universités, qui décideront des stratégies et en assumeront les conséquences, et optimiser l’utilisation des locaux en privilégiant la qualité par rapport à la quantité. C’est l’objet de l’article 1er, sur lequel je ne reviendrai pas, Jean-Léonce Dupont l’ayant parfaitement présenté. Cet article est le plus important de cette proposition de loi, puisqu’il tend à remédier à certains blocages consécutifs à la mise en œuvre du plan Campus.
L’article 2 vise à permettre au PRES de délivrer des diplômes. Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, cette disposition permet de leur donner une véritable garantie d’efficacité et de notoriété sur le plan international.
L’article 3 concerne le recrutement des responsables des services de biologie médicale dans les centres hospitaliers universitaires. Cet article a suscité de nombreuses réactions. Je tiens donc à souligner que la voie dominante restera la biologie. Pour autant, aucune profession n’a intérêt à s’arc-bouter sur des prérogatives qui pourraient s’avérer nuisibles, par manque d’ouverture.
J’ai ici un mail que m’a envoyé le président de la Conférence des doyens de facultés de pharmacie, en accord avec le président de la Conférence des doyens de facultés de médecine. Ces deux personnalités soutiennent l’article 3. Nous pouvons donc leur faire confiance : ils sont prêts à examiner les conditions de la mise en place d’une réglementation stricte pour prévenir tout risque de dérive. L’ouverture en ce domaine me paraît devoir être absolument encouragée !
Enfin, je remercie le groupe de l’Union centriste, notamment Jean-Léonce Dupont, qui a accepté de présenter cette proposition de loi dans le cadre de l’ordre du jour réservé à son groupe. En effet, vous le savez, un sénateur non inscrit ne dispose d’aucun espace pour présenter une proposition de loi.
M. Yvon Collin. C’est normal ! (Sourires.)
M. Philippe Adnot. Je tenais donc à remercier le groupe de l’Union centriste de ce geste élégant. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi s’inscrit, en quelque sorte, dans la continuité de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.
Comme je le disais tout à l’heure au président de mon groupe, Yvon Collin, nous devons aller jusqu’au bout de notre démarche. Or, cette proposition de loi nous permet de franchir une nouvelle étape.
J’ai pris acte des réserves, sans doute justifiées, de certains de mes collègues, mais je considère pour ma part qu’il faut toujours aller de l’avant. Le monde évolue très vite. Si l’on veut que nos universités tiennent leur rang dans la compétition internationale, il faut savoir coller au changement, s’y adapter. C’est l’objet de l’article 2 de cette proposition de loi.
Depuis longtemps, mes collègues du groupe RDSE et moi-même nous sommes prononcés pour l’autonomie des universités. Il est donc cohérent de conduire cette idée à son terme en donnant aux universités, qui sont déjà maîtres d’ouvrage de leurs biens immobiliers, les compétences dévolues à un propriétaire, sans pour autant leur en accorder le titre.
Nous émettons quelques réserves sur le cas de la Corse, mais je laisse à mon collègue Nicolas Alfonsi le soin d’aborder ce point particulier.
Nous sommes favorables au partenariat public-privé. Le secteur public doit bien évidemment continuer à définir l’orientation directrice, mais en acceptant le regard du privé ! Nous nous inscrivons dans cette logique, parce que l’on ne peut pas vouloir rapprocher les entreprises du monde universitaire, tout en les excluant du processus de décision. L’on ne peut pas, dans un même temps, plaider en faveur de la compétitivité, de la revalorisation de la recherche, et refuser aux universités les moyens d’être réellement compétitives entre elles, en France, mais aussi sur le plan international !
J’entends de nombreuses critiques sur ce rapprochement entre secteur public et secteur privé, mais, au fond, quelle différence y a-t-il entre une société d’économie mixte et un partenariat public-privé ? Franchement, je n’en vois pas ! La pratique de ces partenariats est d’ailleurs courante dans nos collectivités locales, quelle que soit l’appartenance politique de leurs élus.
Venons-en maintenant aux autres dispositions de la proposition de loi, et tout d’abord à l’article relatif à l’élargissement des compétences des pôles de recherche et d’enseignement supérieur. Cette proposition nous semble aller dans le bon sens. En effet, dès lors que les établissements membres de ces pôles ont la capacité d’exercer des compétences en commun, il paraît logique de leur octroyer également la possibilité de délivrer des diplômes. La commission ayant encadré cette possibilité de garanties qui nous semblent suffisantes, nous soutiendrons cet article.
Le dernier article de la proposition de loi nous a paru un peu plus problématique. Je laisse à Gilbert Barbier, qui connaît très bien le sujet, le soin d’expliquer les raisons de notre perplexité.
Madame la ministre, vous l’aurez compris, en dépit de quelques réserves, mes collègues radicaux et moi-même sommes, dans l’ensemble, favorables à cette proposition de loi. Nous attendrons toutefois la fin des débats avant de nous prononcer définitivement. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors de la discussion du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités, à l’été 2007, nous avions affirmé notre opposition à un texte qui, sous couvert d’autonomie, fragilisait les universités et leurs personnels.
Ce rappel est d’autant plus nécessaire que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui se situe dans la continuité de la loi de 2007. Elle s’inscrit pleinement dans un schéma de recomposition, à marche forcée, du paysage universitaire national, faisant émerger des pôles d’excellence reconnus internationalement aux côtés de collèges universitaires indigents et limités aux formations de niveau licence.
Le texte est censé faciliter la seconde étape de l’autonomie des universités qui doit se matérialiser par la dévolution du patrimoine immobilier universitaire de l’État aux universités.
Ce transfert de propriété, autorisé par la loi LRU, reste facultatif. Peu demandé par les universités, il est relativement long à mettre en œuvre. Ainsi, sur les neuf universités citées par notre rapporteur et ayant manifesté leur intérêt, seules cinq pourraient accéder à la pleine propriété de leurs bâtiments en 2011.
Pour accélérer ce processus, la proposition de loi confère aux universités de nouveaux droits sur leur patrimoine immobilier, sans nécessairement souscrire à la dévolution prévue par la loi LRU. Ce texte leur permet ainsi de confier à une tierce personne des droits réels correspondant aux prérogatives et obligations du propriétaire, afin de développer les partenariats public-public, et surtout public-privé, qui sont privilégiés pour la mise en œuvre du plan Campus.
Nous ne pouvons accepter de favoriser le plan Campus alors que celui-ci concentre les financements destinés à la rénovation des universités sur un nombre restreint d’établissements jugés internationalement compétitifs, renforçant ainsi un système universitaire à deux vitesses.
Nous sommes en outre pour le moins réservés quant au développement des partenariats public-privé. Les universités peuvent déjà conclure de tels partenariats, mais cette loi vise à en étendre et élargir le champ, aujourd’hui limité à la construction et à la réhabilitation des bâtiments. L’université serait alors davantage ouverte au secteur privé, mettant à la disposition de ce dernier tout ou partie des locaux publics. Accueillir des congrès dans l’enceinte universitaire, louer les résidences d’accueil d’étudiants deviendrait demain possible. Il s’agit bien de promouvoir un nouveau type de partenariats public-privé, que ses promoteurs qualifient d’intelligent, en autorisant un partenaire privé à occuper à sa guise des locaux publics et à en tirer un profit financier.
Les universités, contraintes financièrement, risquent, si elles veulent survivre, de devoir céder progressivement leurs murs au secteur privé, quitte à sacrifier l’intérêt des étudiants et la qualité de leurs formations. Cela revient à demander aux universités de se financer par un développement de leurs fonds propres, ce que la plupart ne seront pas en mesure de faire.
L’autonomie immobilière que l’on cherche à favoriser n’est au fond qu’un moyen de permettre à l’État de réduire la dépense publique en se désengageant d’un patrimoine immobilier universitaire vétuste et couteux.
La loi LRU prévoit certes qu’une contribution annuelle du ministère viendra compenser la dévolution du patrimoine, mais rien ne garantit que son montant sera suffisant, alors que les besoins sont évalués, dans le rapport, à 125 millions d’euros par an. Manquant de moyens pour entretenir un patrimoine dégradé et devant faire face à la baisse des crédits de l’État, les universités ne risquent-elles pas d’être amenées, à très court terme, à devoir vendre purement et simplement une partie de leurs bâtiments ? Mais n’est ce pas là le but recherché ?
D’une manière générale, la mise en œuvre des partenariats public-privé soulève quelques questions. Le risque de voir le cahier des charges de bâtiments publics non respecté par les prestataires privés est bien réel. Rien ne garantit le bon déroulement des travaux, comme le démontre l’exemple de l’université Paris VII, actuellement confrontée aux manquements majeurs de l’entreprise Vinci en matière de normes de sécurité.
L’intérêt des partenariats public-privé réside à première vue dans une diminution des coûts d’investissement. Cependant, les universités pourront-elles supporter le paiement d’une rente pendant vingt à trente ans ? On peut en douter. La Cour des comptes elle-même, dans son rapport de 2008, soulignait les limites des partenariats public-privé qui, dans l’exploitation à long terme de secteurs technologiquement complexes et risqués, engendrent des surcoûts importants.
Au final, le coût pour la collectivité sera plus élevé, car les charges de remboursement seront très importantes, et ce d’autant que les acteurs privés empruntent à des taux moins avantageux que les acteurs publics. Au fond, il ne s’agit que d’une forme d’endettement différé qui ne résout en rien la question du financement des locaux universitaires.
Le rôle central accordé par cette proposition de loi aux pôles de recherche et d’enseignement supérieur soulève également quelques difficultés. La capacité de mettre les bâtiments universitaires à la disposition de tiers est accordée aux universités, mais également aux PRES, qui se voient également octroyer la possibilité de délivrer des diplômes lorsqu’ils sont constitués en établissements publics de coopération scientifique. Les PRES voient ainsi leurs possibilités de coopération élargies.
Pourtant, ces regroupements d’établissements ès qualités ne permettent pas d’assurer les missions de service public de l’enseignement supérieur, ni dans leur fonctionnement ni par leur composition. En effet, les PRES ne sont pas des structures aussi collégiales que les universités. Pilotés par un conseil d’administration, ils ne disposent ni de conseil scientifique ni de conseil des études et de la vie universitaire, comme c’est le cas dans les universités. De plus, les PRES se créent selon la volonté des présidents d’université, incluant parfois des grandes écoles, des établissements privés et excluant le plus souvent les petites universités. Cette structure étant peu démocratique, il nous paraît dangereux de lui accorder autant de pouvoirs, notamment celui de disposer du patrimoine des universités et de délivrer des diplômes.
Actuellement, l’offre de formation proposée par l’université, son évolution et la répartition du budget sont débattues au sein des instances démocratiques des universités dans lesquelles les étudiants, les enseignants-chercheurs et les personnels sont représentés. Le transfert de l’habilitation à délivrer des diplômes des universités vers les PRES revient à retirer à ces dernières leur capacité à s’exprimer et à peser sur les orientations. Comme la LRU en son temps, cette loi fragiliserait encore un peu plus la démocratie universitaire.
On peut en outre s’interroger sur la valeur qui sera accordée aux diplômes délivrés par les petites universités qui ne seront pas intégrées dans un PRES. Il est à craindre que la nouvelle disposition ne nuise à la reconnaissance nationale des diplômes universitaires.
Enfin, cette proposition de loi offre l’opportunité aux établissements privés de bénéficier de manière abusive, par leur seule appartenance à un PRES, de l’habilitation à délivrer des diplômes nationaux. Ainsi, on peut se demander si les établissements fixant librement les frais d’inscription et pratiquant une sélection parmi les étudiants pourront disposer d’une prérogative jusqu’alors confiée aux seules universités ? Une telle mesure engendrerait un déséquilibre considérable dans notre système d’enseignement supérieur et fragiliserait indéniablement les établissements publics.
Madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi s’inscrit dans la droite ligne de la loi LRU dont elle va aggraver les travers. Égalité d’accès des étudiants aux établissements supérieur, investissement massif de l’État dans toutes les universités, promotion de la démocratie universitaire et des logiques de coopération entre établissements, maintien dans chaque université du lien entre recherche et enseignement supérieur qui constitue un gage de qualité des formations dispensées : tels sont les axes principaux de la conception du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche que nous défendons. Force est de constater que la finalité de ce texte tout autre. C’est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi.