Mme Annie David. Cet article prévoit de nouvelles dérogations en matière de santé au travail pour les salariés visés. Cela nous inspire les plus grands doutes sur la réelle volonté du Gouvernement, et bien entendu du patronat, de couvrir médicalement ces millions de salariés.
Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, qu’il y a en France seulement 6 500 médecins du travail pour 15 millions de salariés, soit moins d’un médecin pour 20 000 salariés ? Savez-vous que 75 % de ces médecins sont âgés de plus de 50 ans et que tous les observateurs soulignent le risque de disparition progressive de cette profession ?
Le projet de loi évoque le recours au médecin de ville pour pallier cette insuffisance numérique. N’allez-vous pas exonérer, par là même, le patronat de sa responsabilité financière exclusive en la matière ? On en revient toujours à la même question : que gagneront les travailleurs à ce transfert vers la médecine de ville de la médecine du travail, qui devrait normalement être un outil à leur service ? Le recours aux internes et, pour certaines tâches, aux infirmières aura inévitablement pour conséquence de vider de son contenu le concept même de santé au travail.
Ne faut-il pas voir là la volonté de transférer le coût de la médecine du travail vers la sécurité sociale ? Je regrette une nouvelle fois que notre collègue Alain Vasselle n’ait pas davantage interrogé le Gouvernement sur le coût d’une telle mesure pour la sécurité sociale. Peut-être aurons-nous l’occasion d’en reparler bientôt lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et d’obtenir alors des informations chiffrées.
Cela étant, monsieur le ministre, nous savons que lorsque Mme Parisot fronce les sourcils, vous lui donnez rapidement satisfaction. Nous ne sommes pas dupes : en transférant à la médecine de ville une part importante de la responsabilité de la sécurité au travail, vous porterez un coup fatal à cette dernière au lieu de la réformer dans un sens positif, comme nous le souhaitions.
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.
M. René-Pierre Signé. Le débat sur les modalités de départ à la retraite a remis au premier plan la notion de pénibilité du travail et l’importance de sa prise en compte dans les négociations actuelles sur les retraites.
Éliminons tout de suite la confusion, qui n’est pas innocente, entre incapacité et pénibilité : ces deux notions n’ont rien de commun. Certaines conditions de travail génératrices d’astreintes tout au long de la vie active étant susceptibles de comporter des risques différés pour la santé, la question de la prise en compte de cette pénibilité par des compensations ou des dispositifs de cessation anticipée d’activité pour les travailleurs soumis durablement à ces expositions professionnelles se pose légitimement, avec de plus en plus d’acuité.
Un certain nombre d’études ont démontré que l’état de santé des travailleurs en fin de vie active et au-delà dépend des conditions de travail et, plus globalement, de la « pénibilité de leur travail passé », susceptibles d’entraîner des effets à long terme. Il en est ainsi de certains travaux ou encore des expositions professionnelles à des agents toxiques, qui ne sont pas toujours déclencheurs de maladie professionnelle dans l’immédiat mais qui en comportent le risque. Quant aux maladies professionnelles, si elles n’induisent pas toujours des atteintes à la santé entraînant la mort, elles handicapent, pour le moins, la vieillesse.
À l’instar de Mme David, je ne suis pas sûr que les médecins du travail seront les plus aptes à constater les dégâts causés par les expositions professionnelles…
M. Jacques Blanc. Pourquoi ?
M. René-Pierre Signé. … sur des malades qu’ils ne suivent plus et qui échappent à leur surveillance.
Les conséquences sur la santé sont mesurables. Cette pénibilité objective mériterait que toute période de travail pénible – travail de nuit, travail à la chaîne, etc. – ouvre le bénéfice d’une majoration des annuités permettant de partir plus tôt à la retraite.
Cependant, le Gouvernement a choisi de préconiser la voie individuelle et médicale. Les salariés touchés par une maladie professionnelle ayant entraîné une incapacité physique d’au moins 10 % devraient pouvoir partir à la retraite à 60 ans, sous réserve de l’accord d’une commission spéciale. Aux yeux du Gouvernement, cette solution présente plusieurs avantages : elle est simple d’application et devrait concerner peu de monde – environ 30 000 personnes –, et, par conséquent, coûter peu cher.
À la notion de pénibilité, le Gouvernement a substitué celles d’invalidité et d’incapacité constatées, ce qui est profondément injuste. Nul ne peut croire que les contraintes physiques et un environnement agressif n’entraînent aucune conséquence sur la santé, mais la prise en compte de la pénibilité suppose des coûts et des modalités de financement que l’État et le patronat ne veulent pas assumer.
Pourtant, toutes les études le prouvent, la prise en compte de la pénibilité relève d’une exigence d’équité. Lorsque l’on sait qu’il y a dix ans d’écart entre l’espérance de vie à 35 ans d’un cadre et celle d’un ouvrier, on ne peut nier que la pénibilité constitue un handicap.
La première réponse à apporter est la prévention. Or la remise en cause de la médecine du travail et le renforcement des liens de dépendance des médecins du travail envers les employeurs ne feront qu’affaiblir plus encore la prévention, déjà insuffisante au sein des entreprises. Celle-ci nécessite des moyens que l’État n’a pas la volonté d’apporter.
Nous devons prendre en considération les ouvriers et les employés qui sont soumis à des risques, de façon à leur donner des bonifications en fonction des années d’exposition, c’est-à-dire une majoration des annuités leur permettant de partir plus tôt à la retraite.
La façon dont le Gouvernement aborde la question de la pénibilité du travail, dans le dessein de mieux refuser sa prise en compte réelle, constitue l’une des injustices les plus flagrantes de ce projet de loi, par ailleurs dénué de toute ambition en matière de progrès social.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Dans cette réforme hâtive – oserais-je dire bâclée ? – des règles du suivi médical au travail que vous avez introduite à la hussarde dans ce projet de loi, la constitution d’équipes pluridisciplinaires permettrait, selon vous, de mieux couvrir les travailleurs intérimaires ou saisonniers. Pour notre part, nous en doutons fortement dans la mesure où, aujourd’hui déjà, pour 28 % des salariés, la visite médicale du travail est le seul contact avec un médecin dans l’année. Nous le savons bien, les parcours atypiques, dont le travail saisonnier fait partie, se caractérisent par un déclassement social, des épisodes de chômage réguliers, des changements d’emploi fréquents, des conditions de travail difficiles, de plus en plus souvent associés à un état de santé dégradé.
Pour avoir suivi les travaux de la mission d’information sur le mal-être au travail, je sais combien de souffrances s’expriment dans tous les milieux professionnels. Je sais aussi combien, dans le domaine du travail saisonnier, sévissent la non-déclaration et le non-respect du code du travail. D’ailleurs, la presse n’est pas avare de révélations en la matière.
Alors que le droit prévoit, pour ces salariés, une visite médicale d’embauche obligatoire, au plus tard avant la fin de la période d’essai et avant l’embauche si le salarié a moins de 18 ans, combien d’employeurs s’exonèrent de leurs obligations, recrutent des sans-papiers et les emploient au noir, s’approvisionnent sans vergogne en salariés corvéables à merci sur un marché international de la main-d’œuvre qui fait fi des codes du travail nationaux ?
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Nous sommes ici bien éloignés du droit à la médecine du travail ; qu’en sera-t-il demain après votre réforme ?
Devant un tel déni des droits des travailleurs, notamment de ceux des plus fragiles d’entre eux, comment ne pas rappeler les avancées que nous avions suggérées dans notre proposition de loi visant à améliorer la santé au travail des salariés et à prévenir les risques professionnels auxquels ils sont exposés, texte hélas ! rejeté dans cet hémicycle au mois de janvier 2008 ?
Nous avions proposé de créer une agence nationale de santé au travail qui, du fait de sa mission de service public, aurait été de nature à garantir l’indépendance des professionnels de santé et des acteurs de la prévention à l’égard des employeurs. Cette agence aurait pu être chargée d’organiser et de coordonner les services de santé au travail dans un strict objectif de prévention de tous les risques professionnels et de préservation de la santé des salariés, au sens retenu par l’Organisation mondiale de la santé.
Cette agence, nous voulions lui donner les moyens de participer au développement de la recherche fondamentale et appliquée, cruellement insuffisante en matière de santé au travail, en sollicitant tous les organismes compétents.
Nous inscrivions par ailleurs l’activité spécifique de la médecine du travail dans le champ de la prévention. Nous généralisions également la consultation médicale professionnelle en rendant sa fréquence annuelle. Contrairement à ce que vous êtes en train de faire à l’instigation du patronat (M. le rapporteur s’exclame), nous souhaitions renforcer la présence et l’effectif des médecins du travail, en privilégiant la consultation individuelle comme moyen particulier de connaissance et de prévention.
Nous ne pouvons que voter contre cet article 25 duodecies, dont l’importance nous amène à demander qu’il soit mis aux voix par scrutin public.
M. le président. Je mets aux voix l'article 25 duodecies, modifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 58 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article additionnel après l'article 25 duodecies (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 25 terdecies (nouveau)
Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
I. – La première phrase du premier alinéa de l’article L. 717-2 est remplacée par les dispositions suivantes :
« Des décrets déterminent, en application de l’article L. 4622-8 du code du travail et du présent titre, les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des services de santé au travail en agriculture ainsi que les conditions d’application de l’article L. 4625-1 du code du travail.
« Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail en agriculture et les conditions d’application des articles L. 4624-1 et L. 4622-13 du code du travail.
« Pour la mise en œuvre de la pluridisciplinarité en agriculture, les modalités d’application du chapitre IV du titre IV du livre VI de la quatrième partie du code du travail sont déterminées par décret. »
II. – Après l’article L. 717-3, il est inséré un article L. 717-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 717-3. – Le service de santé au travail en agriculture élabore un projet de service pluriannuel qui définit les priorités d’action du service coordonnées avec celles du service de prévention des risques professionnels et qui s’inscrit dans le cadre du contrat d’objectifs conclu avec l’autorité administrative compétente prévu à l’article L. 4622-10 du code du travail. »
III. – L’intitulé de la section II du chapitre VII du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé : « Institutions et organismes concourant à la prévention et à la pluridisciplinarité ».
M. le président. Mes chers collègues, il me semble que c’est la première fois dans cet hémicycle que l’on examine un article 25 terdecies. Cela mérite d’être salué !
L'amendement n° 433, présenté par MM. Godefroy et Le Menn, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 517 rectifié, présenté par MM. Pointereau, César, Cornu, Doublet, Laurent et Revet, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
« ... - Les dispositions de l'article L. 4622-9 du code du travail ne s'appliquent pas aux catégories de travailleurs dont les employeurs sont mentionnés à l'article L. 717-1 du code rural et de la pêche maritime. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Les dispositions de l'article L. 4622-9 du code du travail n'ont pas lieu de s'appliquer aux salariés du particulier employeur et aux voyageurs, représentants et placiers lorsqu'ils relèvent des professions agricoles, car ils bénéficient déjà de la surveillance médicale du travail assurée par les services de santé au travail des caisses de la Mutualité sociale agricole.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat. Il s’agit d’une mesure de bon sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Vous mentionnez les salariés du secteur agricole, monsieur Revet, qui vont donc continuer à bénéficier du système de santé au travail existant. Cela est fort bien, mais on organise, au travers de ce projet de loi, l’exclusion du dispositif de santé au travail actuel des salariés travaillant dans d’autres secteurs, ce qui me semble profondément regrettable.
Avec cet amendement, vous allez introduire une discrimination de fait entre les travailleurs des différents secteurs.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Actuellement, les services de santé au travail existent dans le cadre de la MSA.
Mme Annie David. Mais ils existent déjà pour tous les travailleurs !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Madame David, les salariés dont il est question ici ont accès à la médecine du travail au sein de la MSA. Il s’agit simplement d’un transfert juridique, qu’il est nécessaire de confirmer pour éviter une lacune.
M. Charles Revet. Voilà !
M. le président. L'amendement n° 1216, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3
Remplacer la référence :
L. 4622-8
par la référence :
L. 4622-15
II. - Alinéa 4
Remplacer la référence :
L. 4622-13
par la référence :
L. 4622-14
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 25 terdecies, modifié.
(L'article 25 terdecies est adopté.)
Article additionnel après l'article 25 terdecies (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Articles 26 et 26 bis
(Supprimés)
Articles additionnels après l'article 26 bis (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Articles 26 ter, 26 quater, 27 et 27 bis A
(Supprimés)
Article 27 bis
(Non modifié)
L’article L. 3153-1 du code du travail est complété par les mots : « ou pour cesser, de manière progressive, son activité ».
M. le président. L'amendement n° 1047, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. L’article 27 bis, introduit par l’Assemblée nationale, vise à ouvrir à tout salarié la possibilité d’utiliser les droits affectés sur son compte épargne-temps pour cesser progressivement son activité.
Actuellement, le principe du compte épargne-temps est de permettre au salarié d’épargner des temps de repos – congés, jours de repos, etc. – et des sommes d’argent en vue d’une utilisation ultérieure.
L’article 25 de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail a modifié l’article L. 3153-1 du code du travail et permis, nonobstant les stipulations de la convention ou de l’accord collectif, à tout salarié, sur sa demande et en accord avec son employeur, d’utiliser les droits affectés sur son compte épargne-temps pour compléter sa rémunération.
Le présent article vise à compléter cette disposition en ouvrant également la possibilité à tout salarié, en accord avec son employeur et malgré les stipulations de la convention ou de l’accord collectif ayant institué le compte épargne-temps, d’utiliser les droits affectés sur ce compte pour cesser de manière progressive son activité.
En d’autres termes, même si la convention ou l’accord collectif ne prévoit pas que les droits accumulés sur le compte épargne-temps peuvent être utilisés pour cesser de manière progressive son activité, la possibilité d’effectuer une telle opération est néanmoins ouverte à tout salarié.
Par ailleurs, l’article 27 bis est glissé entre deux articles relatifs à la médecine du travail et au départ anticipé pour cause d’incapacité. Il n’a pourtant rien à faire à cet endroit du texte. Il aurait été plus cohérent de le faire figurer au titre V ter, qui concerne l’épargne retraite.
Pour notre part, nous sommes opposés à ce que les salariés soient autorisés et même incités à se servir de leur compte épargne-temps pour cesser de manière progressive leur activité.
En effet, nous considérons que cet article encourage les salariés à se tourner vers une certaine forme de retraite par capitalisation individuelle, c’est-à-dire à préparer leur retraite en dehors du système par répartition. À cet égard, cet article est parfaitement cohérent avec l’esprit de la réforme, puisqu’il vise à faire reposer l’effort sur les salariés !
De plus, une telle logique va à l’encontre du principe du temps de repos dû au salarié, qui, comme un écureuil, peut capitaliser son repos, le faire fructifier. Nous considérons pour notre part que ce repos est nécessaire au salarié et qu’il est une condition de sa bonne santé et, accessoirement, de sa productivité. Il semble cependant très difficile de faire comprendre aux employeurs qu’un salarié reposé produit mieux qu’un salarié usé et dont les capacités sont surexploitées. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’utilisation du compte épargne-temps pour aménager une fin de carrière est bien sûr tout à fait compatible avec l’esprit du projet de loi.
M. Charles Revet. Bien sûr ! C’est même étonnant que les communistes soient contre !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents se réunira à seize heures. Souhaitez-vous que nous poursuivions les débats ou préférez-vous que nous suspendions la séance ? (On continue ! sur les travées de l’UMP.)
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Je comprends bien que nos collègues de la majorité ne veuillent pas d’une suspension de séance ; mais nous qui présentons des amendements et des argumentations la souhaitons, afin que chacun d’entre nous puisse participer au débat comme il l’avait prévu.
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cette conférence des présidents aura sans doute des conséquences sur la suite de nos travaux.
M. Charles Pasqua. On verra !
M. Charles Revet. Nous le saurons bien assez tôt !
Mme Annie David. Il est important que nous puissions savoir dans quelles conditions le débat va se poursuivre.
Par ailleurs, nous souhaitons que l’ensemble des présidents puissent participer à cette conférence,…
Un sénateur de l’UMP. M. Bel n’est pas là !
Mme Annie David. … notamment M. Fischer, qui est très impliqué dans ce débat.
M. Charles Revet. Il n’est plus là !
Mme Annie David. Nous souhaitons donc nous aussi une suspension de séance, pour que M. Fischer puisse participer à la conférence des présidents sans devoir manquer la suite de la discussion.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je voudrais indiquer à nos collègues de la majorité qu’une suspension de séance nous permettrait d’examiner les quatre amendements du Gouvernement dont le dépôt nous a été annoncé tout à l’heure avant la réunion de ce soir de la commission des affaires sociales.
Mme Annie David. Très bien !
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Sur une telle question, il ne devrait pas y avoir de clivage aussi net entre la gauche et la droite.
Quel est l’enjeu ? Certains sénateurs effectuent leur « tour de garde » dans l’hémicycle, en quelque sorte, et ne veulent pas le passer en suspension de séance. Mais, pour notre part, nous essayons de participer activement au débat, et nous apprécierions une suspension de séance étant donné le rythme de travail que nous devrons encore soutenir cette semaine, y compris la nuit, d’autant que nous avons à étudier de nouveaux amendements du Gouvernement. MM. Fischer et Bel, en particulier, sont concernés par la conférence des présidents.
M. Adrien Gouteyron. Où sont-ils ?
M. David Assouline. Une suspension de séance ne serait donc vraiment pas superflue ! Je m’étonne que ceux que nous n’avons pas encore entendus durant ce débat la refusent avec tant de véhémence ! Un consensus devrait pouvoir se dégager sur une demande aussi simple.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais d’abord souligner que les amendements du Gouvernement sont en ligne depuis samedi…
Monsieur le président, il serait raisonnable, à mon sens, de suspendre la séance.
M. le président. La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Je voudrais attirer l’attention de notre assemblée sur le fait qu’il s’agit d’une circonstance exceptionnelle. À ma connaissance, jamais auparavant une conférence des présidents n’avait été organisée pendant la séance publique.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Si, c’est déjà arrivé !
M. François Autain. En tout cas, je n’en ai pas le souvenir, bien que j’aie tout de même derrière moi un certain nombre d’années de mandat.
Je considère que, à circonstance exceptionnelle, il faut mesure exceptionnelle. Il serait justifié, me semble-t-il, que nous suspendions la séance.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Samedi soir, nous en étions à quatre-vingt-douze heures et dix-neuf minutes de débat sur ce projet de loi. Nous avons consacré six heures et neuf minutes à la discussion générale et quatre-vingt-une heures et quarante-six minutes à l’examen des articles.
La majorité, très respectueuse du droit de s’exprimer de l’opposition,…
M. François Autain. Merci !
M. Gérard Longuet. … a fait en sorte, par une autodiscipline largement acceptée (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), que 44,8 % du temps de parole soit utilisé par le groupe CRC-SPG et 36,9 % par le groupe socialiste, contre 3,7 % par le groupe UMP.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous êtes des « godillots » !
M. Gérard Longuet. Je comprends parfaitement que le président du Sénat convoque une conférence des présidents à cet instant et, dans un esprit d’apaisement, je propose que nous interrompions nos travaux pour une quinzaine de minutes, avant que vous continuiez à parler, et nous à vous écouter sans répondre, sauf quand notre exaspération est à son comble ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
Mes chers collègues, la conférence des présidents est encore réunie, mais elle a souhaité que nous reprenions nos travaux.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Article additionnel après l’article 27 bis (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.