M. Guy Fischer. Or les consultations de médecine du travail ne peuvent pas durer dix ou quinze minutes, elles doivent être bien plus longues, compte tenu de leur spécificité. Une consultation de ce type demanderait plutôt une heure.
Ensuite, on voit bien qu’il y a une volonté de remettre en cause, en autorisant des dérogations, le corps des médecins du travail. Remplacer des spécialistes par des généralistes, c’est démanteler de manière insidieuse …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Progressive !
M. Guy Fischer. … le corps des médecins du travail.
En outre, vous souhaitez placer ce corps spécialisé sous l’autorité…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Du MEDEF !
M. Guy Fischer. … du MEDEF, donc du patronat. Nous avons longuement argumenté sur ce sujet, je n’y reviens pas.
En fait, vous souhaitez toujours faire passer le « moins pire » pour une avancée sociale. Nous ne l’acceptons pas. Le « moins pire » reste pour nous le pire, c’est évident ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, ce chapitre est un point « dur » du projet de loi.
La médecine du travail – cela a déjà été dit sur les travées de la gauche de l’hémicycle – est trop sérieuse pour que nous nous contentions d’à-peu-près.
Face aux difficultés rencontrées, la proposition que vous nous faites, monsieur le secrétaire d’État, est un pis-aller, je le comprends bien. Cependant, si d’autres réponses ne sont pas apportées, ce pis-aller deviendra structurant dans le temps, nous le savons, et nous assisterons à un accroissement de cette misère de la médecine du travail dont j’ai déjà eu l’occasion de parler ici.
Vous nous dites que la médecine du travail pourra être prise en charge par des médecins non spécialistes. Concrètement, nous pensons que ce seront des médecins généralistes, car nous n’imaginons pas des médecins exerçant en secteur II ou dans le secteur optionnel, des spécialistes, accepter en nombre de faire de la médecine du travail pour le salaire qu’on leur offrira !
Or nous manquons de médecins généralistes. Ce corps est, lui aussi, globalement vieillissant, et de surcroît très féminisé. Dans les grandes villes, certains quartiers, vous le savez, n’ont plus de médecins généralistes. Certaines parties de l’Hexagone sont d’ores et déjà, c’est patent, de véritables déserts médicaux. Nous le déplorons.
Les généralistes ont de très longues journées, je ne vois donc pas comment ils pourraient en plus s’occuper de médecine du travail ! J’ai passé une partie de ma vie à tenter d’organiser des enseignements postuniversitaires pour les médecins généralistes afin de leur permettre de suivre au mieux l’évolution de la technicité et les avancées médicales dans leur spécialité ou dans des spécialités voisines. Où trouveront-ils donc le temps, sauf en sacrifiant leur vie familiale, sur laquelle ils empiètent déjà au maximum, de faire de la médecine du travail ?
En fait, il y a un problème de fond. Nous savons que le corps des médecins du travail compte environ 6 000 médecins et qu’il est vieillissant. Il faut prendre le problème à bras-le-corps et essayer de rendre plus attractif un métier très spécialisé, très complexe, qui demande de grandes compétences, dans un champ qui, scientifiquement, est très vaste.
Revenons sur le cas des mannequins, que nous évoquions tout à l’heure. Il faut savoir que les jeunes femmes, ou les jeunes hommes, d’ailleurs, qui exercent cette profession, risquent un ensemble de pathologies liées à l’anorexie et des décompensations qui peuvent être dépressives, du fait des canons de beauté et des normes strictes qui leur sont imposés. Si les médecins n’ont pas de très sûres connaissances en matière d’hygiène alimentaire, ils risquent de passer à côté de catastrophes potentielles. Je donne cet exemple, mais on pourrait en citer d’autres.
Je le répète : il faut prendre ce problème à bras-le-corps et rendre financièrement plus attractive cette filière professionnelle, ne serait-ce que pour modifier la perception qu’en ont les membres du corps médical eux-mêmes, qui voient souvent dans la médecine du travail la spécialité des derniers de la classe qui ne l’exerceraient que faute d’avoir pu faire autre chose.
Se pose également un problème d’organisation globale. Dans la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, on l’a vu, le volet « santé » a été escamoté. On nous a renvoyés à une loi de santé publique qui viendra peut-être un jour, du moins je l’espère. Mais quid des agences régionales de santé mises en place par la loi ? Peut-être pourraient-elles tenir compte de cette dimension du problème dans la réorganisation territoriale des politiques de santé ?
Et puisque, dans les rapports qui lui sont consacrés, on lit que le Service de santé des armées, qui emploie beaucoup de monde, coûterait très cher pour un service, en fin de compte, assez modeste, pourquoi ne pas intégrer dans la médecine du travail les médecins extrêmement pointus qu’il compte ?
Il faut repenser l’ensemble de cette question et non pas proposer un simple pis-aller, cette petite formation que les généralistes n’auront de toute façon pas le temps de suivre. Pourquoi ne pas saisir la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat ou de l’Assemblée nationale afin qu’elle nous remette un rapport sur cette question et nous soumette des propositions ? Car des solutions sont possibles.
Peut-être faudra-t-il investir un peu d’argent, je le concède (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame), mais les retours sur investissements seront considérables. Les entreprises et les employeurs de ce pays, je le répète, ont intérêt à avoir des salariés en bonne santé.
La proposition que vous nous faites, monsieur le secrétaire d’État, n’est pas satisfaisante. Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre cet article. Il faut forcer la main, dans cette affaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Très bien ! Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 25 octies illustre bien ce qui nous sépare !
Cet article prévoit la possibilité de déroger, par accord collectif de branche étendu, aux règles normales régissant le suivi médical au travail, et ce pour quatre professions – les artistes et techniciens intermittents du spectacle, les mannequins, les salariés des particuliers employeurs et les VRP –, au motif que, aujourd’hui, ces salariés n’ont pas accès à la médecine du travail lorsqu’ils travaillent de manière fractionnée.
Dans les faits, c’est vrai. Des dérogations sont-elles pour autant justifiées ? Pour notre part, nous considérons que ces salariés doivent avoir accès à la médecine du travail de droit commun.
Si j’ai bien compris, des négociations de branche sont actuellement en cours pour les quatre professions visées par cet article. Elles portent notamment sur le thème de la santé au travail. C’est très bien.
L’adoption de cet article viserait donc à donner une base légale aux éventuelles dérogations par rapport au code du travail auxquelles les négociateurs pourraient parvenir. Au contraire, monsieur le secrétaire d’État : au lieu d’anticiper les résultats de cette négociation et d’encourager les négociateurs dans ce sens, nous devrions les inciter à s’insérer dans le dispositif normal.
Nous nous inquiétons parce que, en général, les dérogations vont toujours dans le sens d’un nivellement par le bas de la protection offerte à ces catégories de travailleurs, souvent précaires, je le rappelle.
Pour ces raisons, mais aussi pour celles que vient d’évoquer notre collègue Jacky Le Menn, nous nous opposerons à l’article 25 octies. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 25 octies, modifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 56 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 182 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article 25 nonies
La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail est complétée par un article L. 4622-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-13. – Toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre le service de santé au travail et son président, son directeur général, l’un de ses directeurs généraux délégués ou l’un de ses administrateurs doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration.
« Il en est de même des conventions auxquelles une des personnes visées à l’alinéa précédent est indirectement intéressée.
« Sont également soumises à autorisation préalable les conventions intervenant entre le service de santé au travail et une entreprise, si le président, le directeur général, l’un des directeurs généraux délégués ou l’un des administrateurs du service de santé au travail est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise.
« Toutefois, lorsque les conventions portent sur des opérations courantes ou conclues à des conditions usuelles, elles font uniquement l’objet d’une communication au président et aux membres du conseil d’administration. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 265 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 425 est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 265.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, oui, cet amendement vise à supprimer l’article 25 nonies.
Comme nous l’avons évoqué samedi, le cœur du problème de la médecine du travail est la dépendance du médecin du travail vis-à-vis de l’employeur, qui limite considérablement son rôle de protection de la santé des salariés.
Bien que vous vous en défendiez, ces articles, qui portent bel et bien réforme de notre système de santé au travail, s’inscrivent dans une tendance qui existe depuis plusieurs années. En effet, alors qu’il y a de moins en moins de prévention des risques professionnels et de prise en compte de la santé du salarié dans sa globalité, on constate une tendance croissante à la médecine utilitariste chargée de remettre le salarié au boulot à moindre coût !
Cela se traduit par une diminution du nombre de médecins, qui sont remplacés par des infirmières, des infirmiers ou des ergonomes, dans les services de santé au travail.
Évidemment, cette préconisation n’est pas innocente ; lorsqu’il y a moins de médecins, il y a moins de « paperasse embarrassante », comme des déclarations de maladies professionnelles, et moins d’études sur les conditions générales de travail.
Depuis des années, on assiste à la casse d’un service de santé au travail efficace, dont la mission exclusive est – je le rappelle – d’éviter « toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».
Cet article 25 nonies prévoit que toute convention passée entre un service de santé au travail et un autre organisme est soumise à l’autorisation préalable du président du conseil d’administration. C’est-à-dire que cette autorisation préalable doit être soumise à l’employeur...
Une fois de plus, on renforce le pouvoir et le contrôle des dirigeants d’entreprise sur les services de santé au travail et on menace l’indépendance des médecins du travail. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour présenter l'amendement n° 425.
M. Jacky Le Menn. L’article 25 nonies serait de portée juridique courante et habituelle en matière commerciale. Il aurait donc tout à fait sa place dans un texte relatif aux relations commerciales. Mais nous sommes ici dans la gestion des services de santé au travail.
On aurait pu supposer que des services de santé n’avaient pas besoin de faire l’objet de telles précisions, normalement réservées aux relations entre des entreprises échangeant des prestations de services.
Cet article est, me semble-t-il, la conséquence logique et indispensable de votre conception de ce que doit être désormais la médecine du travail : un service d’aide aux employeurs pour mettre en place des dispositifs de prévention et de protection, dans le cadre de conventions de type commercial. Le tout sera réalisé en fonction de contrats d’objectifs et de moyens, sans oublier les réalités locales.
Cet article met en place le cadre juridique nécessaire pour que les services de santé fonctionnent de manière habituelle avec des entreprises auxquelles sont sous-traitées des prestations de prévention et de protection.
Ce n’est pas être médisant que de constater à quel point les ambitions des rédacteurs de ce texte, et du gouvernement qui les porte, sont réduites.
Avec cet article de droit commercial, nous entrons de la manière la plus explicite dans un système totalement différent de ce qui existait jusqu’à présent. Ce n’est plus la médecine du travail ; c’est le marché de la protection et de la prévention qui est ainsi organisé.
Ce texte sert, en réalité, à déterminer la place des services de santé dans ce marché.
Les services de santé au travail ne seront plus structurés autour du médecin du travail. La pluridisciplinarité, qui aurait pu être une avancée, servira à noyer, littéralement, le médecin au milieu d’une équipe elle-même soumise à des impératifs de gestion fort éloignés de la santé des travailleurs.
L’alinéa 4 de cet article, qui prévoit l’autorisation préalable du conseil d’administration – c’est bien le moins que l’on puisse demander – pour les conventions entre le service de santé au travail et une entreprise dont l’un des administrateurs est propriétaire, est d’ailleurs révélateur de cette nouvelle perspective.
Encore que cette autorisation ne sera pas exigée pour des opérations courantes ou – c’est une autre notion – « conclues à des conditions usuelles ».
Nous sommes ouvertement dans l’ère de la marchandisation de la santé, comme nous avons d’ailleurs déjà pu le constater dans cet hémicycle à propos d’un certain nombre d’aspects de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, notamment s’agissant de la mission de service public. Mais je ne m’attarde pas sur ce point, car j’aurai sans doute l’occasion d’y revenir par ailleurs.
Il est simplement effrayant de voir l’idéologie ultralibérale s’emparer ainsi de la prévention et de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Nous ne pouvons pas vous suivre sur ce chemin, monsieur le secrétaire d’État.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, et nous voterons contre si nos amendements de suppression ne sont pas adoptés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je pensais que la rédaction issue de travaux de la commission était allée au-devant de vos appréhensions et des questions que vous vous posez, mes chers collègues.
En effet, les conventions concernées seront soumises au conseil d’administration et nous avons, notamment, prévu une présidence alternée.
Je ne comprends donc pas que vous vouliez supprimer cet article.
M. Jacky Le Menn. Je peux vous réexpliquer, si vous y tenez !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je ne crois pas qu’il faille ici parler d’ultralibéralisme ou de dogmatisme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, en effet, ce n’est pas du tout votre genre… (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Georges Tron, secrétaire d'État. En fait, cet article transpose une disposition qui existe effectivement dans le code de commerce. Il s’agit d’assurer une certaine transparence aux conventions conclues entre le service et les présidents, en les soumettant au vote préalable du conseil d’administration. Ce n’est donc pas de l’« ultralibéralisme » !
Cela dit, je me permets de relever une inexactitude dans les propos de MM. Desessard et Le Menn. En effet, les conventions sont soumises à l’autorisation préalable non pas du président du conseil d’administration, mais du conseil d’administration lui-même.
M. Jean Desessard. Avec voix prépondérante du président !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Et, en vertu du nouveau texte, élaboré par la commission, le conseil d’administration devient paritaire.
Ces éléments me paraissent de nature à lever les inquiétudes que vous avez exprimées.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour notre part, nous soutenons les amendements présentés par nos collègues Jean Desessard et Jacky Le Menn, et nous voterons contre l’article 25 nonies si les amendements de suppression n’étaient pas adoptés.
Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes mal placé pour nous renvoyer en permanence des accusations de dogmatisme !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous incarnez le dogmatisme dans toute sa splendeur !
En réalité, vous êtes en mission, et nous voyons bien dans ce débat comment vous la menez. Vous êtes, certes, habile, mais cela ne nous empêche pas de déceler la réalité, qui perce de toute manière quand on examine votre dispositif.
Cela rejoint le processus que vous avez mis en place sur les durées de cotisation. Vous vous posez en défenseur de la retraite par répartition, mais la retraite par capitalisation apparaît en creux, comme le souhaite le patronat. En 2018, certains constateront que le système ne permet évidemment pas de financer les retraites, et la retraite par capitalisation reviendra à grands pas !
Nous le savons, la médecine du travail gêne le patronat, qui insiste d’ailleurs sur la nécessité de la réformer. Comment compte-t-il s’y prendre ? En s’en remettant à l’actuelle majorité, puisque les organisations professionnelles ne veulent pas de sa réforme !
Et vous, que faites-vous ? Vous ne déclarez évidemment pas explicitement que vous voulez supprimer la médecine du travail, non, vous n’attaquez pas de front, mais vous la mettez petit à petit en morceaux ! Nous avons vu les dérogations. Nous avons vu la mainmise du patronat sur les médecins du travail. Nous voyons à présent que la santé en général est un marché.
En clair, non seulement le patronat décidera, mais en plus d’autres feront de l’argent avec la médecine du travail !
Tout cela est bien orchestré. Et même si vous vous défendez de tout dogmatisme, nous savons bien que vous avez un projet global, et vos professions de foi de pragmatisme ne sauraient nous en dissimuler l’ambition : il est limpide et, s’il était nécessaire, nous serions là pour le révéler !
D’ailleurs, nos concitoyens qui manifestent comprennent bien que cette réforme recouvre beaucoup d’enjeux et qu’elle va à l’encontre des intérêts des salariés.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. M. le secrétaire d’État m’a fait remarquer que le conseil d’administration était désormais paritaire et que les conventions lui seraient soumises. Mais l’alinéa 6 de l’article 25 sexies prévoit que le président dispose d’une voix prépondérante en cas de partage des voix.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 265 et 425.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 25 nonies.
(L'article 25 nonies est adopté.)
Article 25 decies
L’article L. 4623-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au précédent alinéa, un décret fixe les conditions dans lesquelles les services de santé au travail peuvent recruter, après délivrance d’une licence de remplacement et autorisation par les conseils départementaux compétents de l’ordre des médecins, à titre temporaire un interne de la spécialité. »
M. le président. L'amendement n° 426, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
qui travaillera sous l'autorité d'un médecin du travail du service de santé au travail possédant une expérience minimale de dix années.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet article 25 decies prévoit que les services de santé au travail pourront recruter à titre temporaire un interne de la spécialité pour remplacer des médecins du travail en exercice.
Cet article valide une dérogation, puisque l’article L. 4623-1 du code du travail impose un diplôme spécial pour exercer les fonctions de médecin du travail.
A priori, nous sommes devant une situation analogue à celle qui prévaut en cas de remplacements effectués par les internes dans d’autres spécialités, dont la médecine générale.
En fait, c’est une nouvelle fois le mode de gestion de la pénurie qui est appliqué ici.
La France ne compte que 6 915 médecins du travail représentant 5 772 équivalents temps plein, dont les trois quarts ont plus de 50 ans, pour suivre la santé de près de 16 millions de salariés du privé…
Aujourd’hui, un médecin en équivalent temps plein dans un service interentreprises suit en moyenne 3 050 salariés, et ce chiffre est en augmentation constante.
Si l’on s’en tient à l’âge légal de la retraite à 60 ans, 4 000 médecins auront atteint ou dépassé cet âge d’ici à cinq ans. Bien entendu, le chiffre serait moindre si l’âge légal devait passer à 62 ans, mais cela ne résoudra pas le problème pour autant.
Des mesures de régulation ont été prises, mais elles n’ont fait que stabiliser temporairement les choses.
Plusieurs problèmes se posent, et votre texte n’y apporte aucun embryon de solution.
Ainsi, en matière de formation, plusieurs chaires de spécialité en faculté ne sont pas pourvues et les enseignements sont parfois assurés – quand ils le sont ! – par des professeurs qui ne sont pas eux-mêmes médecins du travail. Aujourd’hui, c’est le cas de 55 des 70 professeurs de médecine du travail.
Le cursus de formation n’est pas non plus des plus attractifs.
À cet égard, le remplacement dans le cadre de l’internat est une solution intéressante, mais les conditions dans lesquelles il se déroulera ne sont pas satisfaisantes. En effet, en raison de la pénurie organisée, l’interne se trouvera isolé dans son service sans bénéficier de l’expérience d’un médecin expérimenté qui assurerait une fonction de tutorat.
Nonobstant l’intérêt pour l’interne d’une telle expérience in situ, cette situation n’est pas responsable. C’est pourquoi nous proposons que le recrutement d’internes dans les services de santé au travail soit non pas un simple remplacement, mais une étape de la formation bénéficiant d’un encadrement par un médecin expérimenté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission estime que cet amendement est intéressant. Cependant, s’il est en effet souhaitable que l’interne travaille sous l’autorité du médecin du travail du service, le terme, plus générique, d’« expérimenté » nous semble préférable à l’expression « possédant une expérience minimale de dix années ».
La commission avait déjà proposé que les modalités de remplacement d’un médecin du travail par un interne soient calquées sur celles des autres spécialités médicales : ainsi, il faut que l’interne dispose d’une licence de remplacement et que le conseil départemental de l’ordre des médecins ait rendu un avis favorable. La rédaction était beaucoup plus complète.
Je répète donc que l’avis de la commission sur l’amendement n° 426 est favorable, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement prévoyant que le tuteur de l’interne est un médecin « expérimenté » et non plus « possédant une expérience minimale de dix années ».
M. le président. Monsieur Godefroy, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Qu’elle prenne la forme d’une rectification ou d’un sous-amendement, je n’ai rien contre une telle modification. Notre rédaction présentait l’inconvénient de créer un effet de seuil ; celle que propose la commission me semble tout à fait acceptable.
M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 1241, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
possédant une expérience minimale de dix années
par le mot :
expérimenté
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l'amendement comme au sous-amendement, pour les raisons qui ont été données par M. le rapporteur et par M. Godefroy.
Le sous-amendement de la commission permet d’éviter un effet de seuil et d’assouplir le dispositif tout en maintenant le principe.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote sur l'article.