M. Christian Cambon. Que c’est drôle ! Et quel esprit !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Hier, on nous a expliqué que la gauche n’avait aucune vision sur le monde économique, un monde en mouvement perpétuel, et que nous avions une perception sclérosée de la fonction publique.
M. Jean-Patrick Courtois. C’est la vérité !
M. Yves Daudigny. Je souhaite répondre à ces affirmations.
Mon modèle de référence en matière sociale, ainsi que celui de nombre d’entre nous, ce n’est pas la Chine ! Et l’avenir de nos territoires, urbains ou ruraux, ne se construira pas sur la destruction des services publics et l’effacement progressif de la présence de l’État dans les quartiers, dans les communes rurales, les cantons ou dans les bourgs…
Pourtant, telle est bien la machine que vous avez mise en route à travers les phases successives de la RGPP. Désormais, la principale question que se pose un ministre chaque matin est de savoir sur quel poste il pourrait ne pas remplacer des fonctionnaires partant à la retraite et quelle mission il pourrait supprimer.
Cet article 21 entre bien dans la philosophie que je décris, mais il participe aussi de cette pratique du Président de la République et du Gouvernement : cliver ! Ce sont les jeunes contre les anciens, les riches contre les pauvres, ceux qui se lèvent tôt contre ceux qui se lèvent tard et, plus spécialement aujourd'hui, les fonctionnaires contre les salariés du secteur privé.
Nous n’entrerons pas dans une telle mécanique et nous voterons bien sûr contre cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 21.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC-SPG, l'autre, du groupe UMP.
M. Jean Desessard. Connivence ! (Sourires.)
M. le président. Je rappelle que la commission comme le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 47 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article 22
(Non modifié)
I. – L’article L. 25 bis du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 25 bis. – L’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite résultant de l’application de l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale est abaissé pour les fonctionnaires relevant du régime des pensions civiles et militaires de retraite qui ont commencé leur activité avant un âge et dans des conditions déterminés par décret et ont accompli une durée totale d’assurance et de périodes reconnues équivalentes dans ce régime et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par le même décret, tout ou partie de cette durée totale ayant donné lieu à cotisations à la charge du fonctionnaire. Ce décret précise les modalités d’application du présent article et, notamment, les conditions dans lesquelles, le cas échéant, une partie des périodes de service national et les périodes pendant lesquelles les fonctionnaires ont été placés en congé de maladie statutaire ainsi que les périodes comptées comme périodes d’assurance dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au titre de la maladie, de la maternité et de l’inaptitude temporaire peuvent être réputées avoir donné lieu au versement de cotisations. »
II. – L’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite est applicable aux fonctionnaires affiliés au régime de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. La condition de durée minimale d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes prévue à ce même article est celle accomplie dans le régime de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires.
III. – L’article 57 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 est abrogé.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, sur l'article.
M. Jacques Mahéas. Nous aurions préféré une véritable amélioration du dispositif « carrières longues » qui profite aussi bien aux fonctionnaires qu’aux salariés du privé.
En effet, permettre à ceux qui ont validé un grand nombre de trimestres de partir avant les autres constitue une mesure de justice.
Voilà quelques jours, j’avais évoqué avec M. Woerth le cas de cette dame ayant commencé à travailler à 14 ans et considérant de ce fait avoir été plus solidaire que les autres. Avec les mesures que vous avez annoncées, elle pourra effectivement partir en retraite à 58 ans. Il n’empêche qu’elle aura cotisé pendant quarante-quatre ans, et sans avoir pour autant augmenté sa pension de retraite ! C’est ce que je tenais à préciser à M. le ministre, quand j’ai souhaité l’interrompre mais qu’il n’y a pas consenti.
Cette mise au point étant effectuée, je voudrais vous faire part d’un constat : vous vous contentez d’un décalque qui allonge le temps de travail pour tous. L’âge d’ouverture du droit à la retraite anticipée pour carrière longue sera ainsi repoussé de deux ans pour les assurés sociaux ayant commencé à travailler avant 16 ans et d’un an pour ceux qui auront commencé à travailler à 16 ans et qui pourront partir à 60 ans.
Par ailleurs, le dispositif sera étendu aux assurés ayant débuté leur carrière à 17 ans pour un départ anticipé à 60 ans.
Je veux ici réaffirmer notre attachement à la retraite à 60 ans ; l’année 2012 nous donnera peut-être l’occasion de la rétablir… D’ailleurs, si les Français étaient consultés aujourd'hui, notre position serait, me semble-t-il, largement majoritaire et le projet de loi serait brocardé par un nombre très important de nos concitoyens !
Cela étant, pour revenir à l’article 22, il faudrait toutefois veiller à ne pas pénaliser ceux qui ont commencé à travailler très jeune sans avoir pu cotiser suffisamment au début de leur activité. Je pense notamment à certains apprentis, étudiants ou personnels de laboratoire universitaire, pour lesquels les salaires versés les premières années étaient trop faibles pour qu’ils puissent valider des trimestres.
J’attire également votre attention sur la nécessité d’augmenter la durée des congés maladie admis pour l’ouverture du droit à départ anticipé, car il importe de ne pas pénaliser les agents ayant subi des périodes de maladie en cours de carrière. Certains prétendent que les fonctionnaires tombent malades intentionnellement…Honnêtement, je vous assure qu’ils préfèrent travailler et être en bonne santé !
Afin de respecter les règles de décompte du temps partiel dans l’appréciation de l’ouverture d’un droit à pension, il convient également de prendre en compte la durée des services effectués, qu’il s’agisse d’un temps plein ou d’un temps partiel.
Il est donc nécessaire de modifier la rédaction de l’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite pour prendre en compte le temps partiel dans les mêmes conditions que pour l’appréciation de l’ouverture des droits à pension.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. Depuis que nous avons commencé à débattre de ce projet de loi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous ne cessez de réaffirmer que vous êtes les seuls à vous préoccuper de la question des salariés ayant commencé à travailler tôt, c’est-à-dire ayant des carrières longues.
Or, cette affirmation est fausse. En 2002, avant que M. Fillon présente son projet de loi, nous avions déposé avec nos collègues députés une proposition de loi destinée à tenir compte des carrières longues.
Par ailleurs, mon groupe a également déposé au Sénat en juillet 2010 une proposition de loi visant à garantir le financement de la retraite à 60 ans sans décote, avec un taux de remplacement au moins égal à 75 % du SMIC net, et ce texte abordait clairement la question des carrières longues.
Pour notre part, nous proposons que, passé un certain âge, le salarié soit inscrit dans un processus où chaque année de vie donnerait droit à des périodes de cotisations sociales. Ce mécanisme, qui repose sur le principe d’une sécurité sociale professionnelle, exige, bien entendu, que l’on bouleverse l’ordre actuellement établi. Cela passe par un renforcement des droits des salariés et de leurs représentants, par une meilleure répartition des richesses ou encore par une rénovation fondamentale du code du travail, avec comme objectifs principaux la préservation de l’emploi et la diminution notable des emplois précaires.
Pour nous, dans un tel projet, chaque période de vie donne lieu à des périodes de cotisation, y compris les périodes de formations initiale ou professionnelle puisqu’elles contribuent à enrichir personnellement et professionnellement les salariés, donc, par voie de conséquence, les entreprises.
Ce projet repose, naturellement, sur un bouleversement fiscal et social. Par exemple, le taux des cotisations des entreprises pourrait être modulé à raison de leur politique en matière d’emplois et de salaires et les dividendes taxés afin de faire cesser la mécanique d’intoxication financière qui plonge notre économie dans la crise.
Avec cette proposition, nous pourrions être en mesure de garantir à tous les salariés un droit à la retraite à taux plein dès 60 ans tout en assurant aux salariés ayant eu des carrières longues le droit d’en bénéficier réellement, contrairement à ce que prévoit le dispositif que vous avez introduit en 2003 et dont vous avez durci les conditions d’accès au point de le rendre quasi inaccessible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à supprimer l’article 22 du projet de loi, qui transpose dans cette réforme le dispositif « carrières longues » de la loi de 2003.
Loin d’améliorer une disposition par ailleurs rendue quasi obsolète par les modifications décidées par le Gouvernement, l’article 22 se contente de réécrire cette dernière pour la durcir en fonction de l’allongement de la durée de cotisation.
Le dispositif « carrières longues » a été instauré par la loi de 2003. Il prévoyait que les personnes ayant commencé à travailler entre 14 ans et 16 ans pourraient partir à la retraite avant 60 ans sous différentes conditions : une durée minimale d’assurance en début de carrière avant 16 ans ou 17 ans selon l’âge de départ, une durée minimale totale d’assurance, une durée minimale d’assurance cotisée variant selon l’âge de l’assuré à la date d’effet de sa pension.
Cependant, en raison du coût trop important de ce dispositif, le Gouvernement n’a eu de cesse de le durcir jusqu’à en provoquer la dénonciation par la seule organisation syndicale signataire en 2003, la CFDT.
Ainsi, en 2008, le Gouvernement prévoit que les activités n’ayant pas donné lieu au versement d’une cotisation telle que les apprentissages ou les aides familiales sont désormais constatées non plus par la signature d’un document par deux témoins, mais par le déplacement de ces derniers en vue d’effectuer une déclaration sur l’honneur.
De plus, sans preuves matérielles établissant l’activité, par exemple des feuilles de paye, seulement quatre trimestres pourraient être validés contre la validation d’une période indéterminée et sans limites dans le dispositif antérieur à 2008.
Enfin, depuis janvier 2009, la durée de cotisation pour bénéficier de ce dispositif a été allongée, contraignant certains salariés à devoir cotiser jusqu’à 43 ans avant de pouvoir partir.
Conséquence, le nombre de bénéficiaires, qui dépassait 100 000 personnes jusqu’en 2008, est tombé en 2009 à 30 000 personnes, soit une diminution de 70 %, ce dispositif se réduisant comme peau de chagrin.
La nouvelle rédaction prévue dans cet article ne changera pas fondamentalement la donne, c’est bien le problème. L’article acte l’allongement de l’espérance de vie sur le dispositif « carrières longues » pour, encore une fois, opérer une régression sociale en augmentant l’âge de départ à la retraite des salariés concernés, sans dépasser l’âge de 60 ans.
Ainsi, pour les débuts de carrière à 14 ans ou à 15 ans, l’âge de départ sera porté à 58 ans ou à 59 ans ; pour les débuts de carrière à 16 ans et à 17 ans, il sera porté à 60 ans.
Nous avons, nous, l’ambition de revoir les conditions d’accès à un départ anticipé à la retraite pour les carrières longues afin d’améliorer véritablement le dispositif.
Nous sommes donc opposés à un article qui ne change rien dans la continuité de l’existant, mais durcit un dispositif déjà minime. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement. Son adoption aurait pour conséquence paradoxale de faire tomber le dispositif « carrières longues » dans la fonction publique !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29, tendant à supprimer l’article 22.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 48 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote sur l'article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. L’article 22 procède à la réécriture du dispositif « carrières longues » dans la fonction publique en le calquant sur celui qui en vigueur dans le secteur privé.
En d’autres termes, il est question du dispositif de retraite anticipée pour longue carrière au sein de la fonction publique. Ce dispositif, instauré par l’article 23 de la loi du 21 août 2003, a été étendu aux fonctionnaires par l’article 119 de la loi de finances pour 2005. Il permet aux agents ayant commencé très jeune leur activité professionnelle de partir avant la date de liquidation prévue par leur corps.
Ainsi, la rédaction de l’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite est alignée sur celle de l’article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale. Avec cette mesure, à partir du 1er juillet 2011, l’âge nécessaire pour bénéficier de ces dispositions sera relevé de deux années. Par exemple, un fonctionnaire ayant commencé à cotiser à 14 ans pourra liquider sa pension à partir de 58 ans, soit après quarante-quatre ans de travail, comme l’a souligné mon collègue.
L’allongement de la durée de travail qu’impose ce texte n’est pas dénué de conséquences sur la santé des personnels visés par cette disposition.
À cet égard, il eût été logique que la rédaction proposée à l’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite instaure une amélioration pour les ayants droit, et s’inscrive dans une recherche de justice sociale et de reconnaissance du travail effectué durant quarante-trois ans ou quarante-quatre ans. Or il n’en est rien.
Le Gouvernement estime que près de 90 000 personnes pourraient être chaque année concernées par ce dispositif. Nous parlons de personnes ayant commencé à travailler à 14 ans, à 15 ans, à 16 ans ou à 17 ans. Et vous voulez leur imposer une année, voire deux années de plus de travail pour pouvoir bénéficier d’une retraite anticipée ? N’est-ce pas là une régression sociale ? Pour notre part, nous en sommes convaincus !
L’argumentation du Gouvernement en faveur de l’augmentation de la durée du travail est purement économique, nous le savons. En dehors de l’invalidité, que nous allons examiner dans les prochains articles, l’impact d’une telle mesure sur la santé des salariés semblent laisser de marbre l’exécutif.
Or il suffit de se pencher sur les observations effectuées par les médecins généralistes pour se rendre compte des effets induits par cette réforme. À titre d’exemple, je prendrai l’étude effectuée dans sept maisons médicales réparties sur tout le pays.
Sur les 1 150 patients âgés de 50 ans à 55 ans dont 48,9 % hommes et 51,1 % femmes, il apparaît que 65,5 % des 50-55 ans souffrent d’au moins une maladie chronique ayant un impact sur la capacité de travail, 44 % souffrent de pathologies musculo-squelettiques – 43 % des hommes et 44 % des femmes – et 16 % souffrent de pathologies mentales – 11 % des hommes et 21 % des femmes.
En allongeant la durée de travail pour les salariés, notamment pour ceux qui ont débuté leur activité professionnelle tôt, le Gouvernement augmente la durée d’exposition aux risques professionnels directs et diffus.
Nous considérons que cet article constitue donc une nouvelle étape dans la régression sociale organisée sciemment par les promoteurs de ce projet de loi. Nous nous opposons donc à son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 22.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. C’est excessif !
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est de l’obstruction !
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi les sénateurs UMP ne sont-ils pas présents !
M. le président. Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 49 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 185 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Sueur. Je m’adresse directement à vous, monsieur le président, car je sais que vous êtes profondément attaché à la forme du débat parlementaire, mais aussi à son esprit. Or nous assistons, ce soir, à un véritable détournement de la procédure du scrutin public.
Quelle est l’origine de cette procédure ? Elle date, comme vous le savez, mes chers collègues, de la Révolution française. On considérait alors que les citoyens désignés pour siéger dans les assemblées qui se sont succédé n’étaient pas porteurs de leur seul point de vue, mais aussi de celui de la population qu’ils étaient censés représenter.
C’est pourquoi, dès l’origine des assemblées révolutionnaires, le principe a été posé que les scrutins ne devaient pas être secrets. Le scrutin public permet donc à chacun d’exprimer son point de vue, et à la population de prendre connaissance du vote de chaque parlementaire, afin que celui-ci puisse en répondre devant elle.
Ceux qui ont établi cette procédure, non seulement dans sa forme, mais aussi dans son esprit, n’auraient pu imaginer que, par une nuit d’octobre 2010, elle serait ainsi pervertie et qu’un scrutin public serait demandé toutes les dix minutes, faute de participants au débat, faute de combattants, faute de présents, faute de conviction…
En l’occurrence, l’esprit du scrutin public n’est plus respecté : il s’agit d’une sorte de manœuvre, destinée à masquer toutes ces carences ! Nos collègues de la majorité devraient tout de même prendre des dispositions ! M. Woerth nous répète tous les jours que cette réforme est tellement importante qu’il faut la voter en l’état, hormis quelques éventuels aménagements très mineurs. Mais si cette réforme est aussi nécessaire, et même indispensable, qu’il ne le dit, pourquoi ses partisans n’accourent-ils pas pour la soutenir ?
Nous en sommes à seize scrutins publics consécutifs ! Nous assistons à un véritable détournement de procédure. J’aimerais connaître, monsieur le président, votre sentiment sur cette situation, au regard tant de la lettre que de l’esprit.
M. Christian Cambon. C’est vous qui voulez faire durer le débat !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous argumentons ! En présentant nos amendements, nous exprimons notre point de vue, tandis que vous ne faites que demander des scrutins publics ! Ce sont des scrutins publics « de confort », qui détournent l’esprit fondamental de cette procédure…
M. Christian Cambon. Et les 1000 amendements, ce n’est pas du détournement ? Vous vous exprimez par amendements, et nous par scrutins publics ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Si vous étiez suffisamment convaincus par ce texte, vous viendriez le soutenir avec enthousiasme, même à cette heure !
M. Jean-Patrick Courtois. Si c’est pour vous entendre répéter toujours la même chose…
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Je rappelle que le scrutin public est de droit. (Voilà ! sur les travées de l’UMP.)
L’article 60 du règlement du Sénat dispose que « le scrutin public ordinaire, lorsqu’il n’est pas de droit ou lorsqu’il ne résulte pas des dispositions de l’article 54, ne peut être demandé que par le Gouvernement, le président, un ou plusieurs présidents de groupes, la commission saisie au fond, ou par trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal ».
M. Jean-Pierre Sueur. Cela, je le sais ! (Alors ? sur les mêmes travées.) Vous ne dites rien sur l’esprit de la procédure !