Mme Catherine Procaccia. Respectez votre temps de parole !
M. René-Pierre Signé. Aux indemnités de chômage succéderont l’allocation de solidarité spécifique, puis le RSA afin de pouvoir bénéficier d’une retraite sans décote.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. René-Pierre Signé. Beaucoup de nos concitoyens, je le répète, abandonnent le travail fatigués, ulcérés. Faut-il trouver cette situation normale ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, il est tout à fait positif de passer un peu de temps sur les dispositions du sous-amendement n° 1200, me semble-t-il, parce qu’elles sont révélatrices de notre débat de ce matin.
Bien entendu, nous, sénateurs de l’opposition, et notamment du groupe socialiste, nous avons dès le début expliqué quelle était notre ligne de conduite. Aujourd’hui, nous discutons d’un point particulier, sur lequel le Gouvernement…
M. Jacky Le Menn. L’Élysée !
M. Jean-Pierre Bel. … a voulu donner l’impression de faire des concessions, ou plutôt des demi-concessions.
À travers le sous-amendement n° 1200 qu’elle a déposé, Mme Panis, qui appartient à la délégation aux droits des femmes du Sénat, pose la question essentielle, me semble-t-il : pourquoi limiter cette mesure aux mères de trois enfants ?
En réalité, il y a une forme de contradiction dans la position du Gouvernement. À mesure que le débat s’amplifiait, que la mobilisation sociale s’intensifiait, que l’examen du texte avançait au Parlement – à l’Assemblée nationale, dans les conditions que vous connaissez, mes chers collègues, puis, maintenant, au Sénat –, le Gouvernement a voulu donner le sentiment qu’il faisait une ouverture. Toutefois, il est tellement timoré que celle-ci pose problème !
À ce stade de notre débat, pouvons-nous – cette question vaut pour nous tous ici, mais plus particulièrement pour le Gouvernement – nous exprimer d’une façon qui ne soit pas dogmatique ?
Monsieur le ministre, à l’évidence, vous êtes lié par deux impératifs, l’un médiatique et l’autre financier, dont il faudrait vous départir.
L’impératif médiatique, c’est le tempo, le calendrier que le Président de la République a voulu imposer et qui nous a été rappelé tout au long de la semaine dernière. En effet, il fallait absolument voter les articles 5 et 6 de ce projet de loi avant le week-end. Or, nous avons tous pris conscience au cours de ce débat que ce n’était pas possible et que les questions posées étaient tellement importantes qu’il fallait y consacrer du temps.
Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous gagneriez à ne pas avoir les yeux rivés sur votre communication. Nous avons l’impression que les textes de loi sont examinés désormais en fonction des médias, même si, bien sûr, la mobilisation sociale joue un rôle, avec la manifestation qui est prévue le 12 octobre prochain et qui sera peut-être suivie par d’autres.
D'ailleurs, il y a déjà eu beaucoup de manifestations. Et les Français, pour être à chaque fois près de trois millions à se réunir dans la rue, doivent vraiment considérer cette question comme l’une de leurs préoccupations essentielles !
Vous aurez noté que les sondages, même s’ils ne sont que des indicateurs, sont encore très clairs ce matin : alors même qu’ils ont à souffrir de cette situation dans leurs déplacements et que chaque journée de grève leur coûte très cher, nos concitoyens sont aujourd’hui 70 % à être en désaccord avec le Gouvernement. Et ils sont presque aussi nombreux à vouloir que la mobilisation sociale continue pour lui adresser un message.
Monsieur le ministre, vous pourriez entendre ce message ce matin, me semble-t-il, et accepter les dispositions du sous-amendement n° 1200. Ainsi, vous montreriez que vous n’êtes pas enfermé dans une posture médiatique, que vous pouvez faire preuve d’humanité et que vous êtes capable de prendre en compte les raisonnements qui vous sont opposés lorsqu’ils sont énoncés avec calme et étayés par des arguments sérieux.
La deuxième contrainte à laquelle vous êtes soumis est financière. D'ailleurs, vous y avez fait référence, sur la base de certains éléments démographiques, depuis le début de notre discussion.
Or, selon l’expression consacrée, l’argent, on le trouve ! Vous le savez, vous pouvez disposer des sommes nécessaires en remettant en cause le bouclier fiscal. Le Premier ministre a d'ailleurs ouvert une brèche à cet égard, semble-t-il.
Les deux éléments, d’une certaine manière, peuvent être liés. Monsieur le ministre, si cette réflexion doit prendre du temps, pourquoi ne pas ajourner les décisions lourdes pour les mères de famille, notamment sur cette question, de façon à avancer vers des solutions que, aujourd’hui vous semblez admettre, à savoir une remise à plat à la fois du bouclier fiscal et de cette réforme, en particulier sur ce point essentiel qu’est l’âge de départ sans décote à 65 ans ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Annie David a déjà indiqué que notre groupe voterait le sous-amendement n° 1200. En effet, ces dispositions sont pleines de bon sens, me semble-t-il, car elles tiennent compte à la fois des interruptions de carrière et de l’évolution de notre société, en particulier du vieillissement de la population française, qui entraînera de nombreuses conséquences.
Nous l’avons dit et répété, mais il convient toujours de le rappeler, les inégalités touchent aujourd'hui plus particulièrement les femmes. Dans ce domaine, ce sont : « Les femmes d'abord ! »
Ce sont elles qui sont les plus concernées par les interruptions de carrière, que celles-ci soient dues à la vie professionnelle ou à la vie familiale et aux contraintes de plus en plus grandes qui s’exercent sur elles. D'ailleurs, on peut imaginer que les femmes joueront un rôle important, demain, s'agissant de la dépendance des plus âgés ; il faudra y réfléchir dans le cadre du futur projet de loi sur cette question.
Or, à l’évidence, les mesures qui nous sont proposées aujourd'hui sont largement insuffisantes et aboutissent à conforter ces inégalités.
Je le rappelle, les trous dans les carrières n’expliquent pas la totalité de la différence de niveau des pensions, loin s’en faut. Pour s’en tenir aux seules carrières complètes, l’écart entre hommes et femmes s’élevait encore, en 2004, à 36 %.
Et l’on observe, les années suivantes, le maintien d’un écart de quelque 40 %. En effet, si les femmes d’aujourd’hui travaillent plus longtemps que leurs aînées, elles occupent aussi plus souvent des emplois à temps partiel. Elles sont plus fréquemment au chômage et elles perçoivent des salaires inférieurs, en moyenne de 20 %, à ceux des hommes.
Mme Isabelle Debré. C’est là la vraie inégalité !
M. Guy Fischer. Ces situations entraînent des écarts dans les salaires de référence, qui se répercutent sur le niveau des pensions. En matière de durée d’assurance, ces écarts risquent de perdurer malgré leur réduction progressive. Ainsi, selon les projections de la CNAV et hors majoration de la durée d’assurance, ils pourraient passer de dix-huit trimestres pour la génération de 1950 à dix trimestres pour celle d’aujourd’hui, voire devenir négatifs.
Quand on se penche sur le salaire de référence, on s’aperçoit que son mode de calcul influe sur celui des pensions.
Les conséquences sur les retraites complémentaires iront dans le même sens.
Voilà pourquoi il faut voter ce sous-amendement et adopter une position qui puisse être comprise des Français. Ces derniers constateront ainsi la volonté du Gouvernement de remettre en cause tout le système de protection sociale, à commencer par celui des retraites.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le sous-amendement de Mme Panis recoupe les résolutions a minima de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes – comme chacun le sait, il n’y a pas parité entre la majorité et l’opposition dans cet organisme, la première y étant surreprésentée – où tout le monde s’est accordé sur la nécessité d’une mesure spécifique en faveur de l’ensemble des mères d’au moins un enfant.
L’amendement n° 1182 a été présenté comme une volonté du Gouvernement de répondre au mécontentement de la population. Mais il y a fort à craindre que, avec une telle mesure, vous ne fassiez qu’amplifier le mécontentement tant des femmes que de l’ensemble de la population. En effet, cibler votre cadeau sur une si faible proportion de la population féminine est contraire à toute réalité.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les femmes, dès lors qu’elles sont susceptibles d’avoir des enfants, sont pénalisées. En effet, pour le patronat, le fait que les femmes mettent au monde des enfants est considéré non comme une chance, mais comme un handicap, en quelque sorte.
Mme Catherine Tasca. Un défaut ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Cambon. N’exagérez pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avant même d’avoir des enfants et quasiment jusqu’à l’âge de 35 ans, elles sont soumises à des salaires inférieurs à ceux des hommes et à des carrières plus difficiles puisqu’on présuppose qu’elles auront des enfants. Quand elles ont effectivement des enfants, leurs problèmes s’aggravent puisque le patronat y voit une raison de les payer moins bien que les hommes. Enfin, parvenues à l’âge de 50 ans, elles ne trouvent plus d’emploi, comme c’est aussi le cas pour les seniors de sexe masculin ! Une femme qui a interrompu sa carrière et souhaite la reprendre à 50 ans rencontre en effet des difficultés considérables.
C’est nier la réalité que de réserver la mesure proposée à la moitié d’une tranche d’âge – les femmes nées entre 1951 et 1955 – et la conditionner au fait d’avoir cotisé durant un nombre donné de trimestres et élevé trois enfants en ayant interrompu leur carrière.
Faisant fi du droit à la retraite et de la situation réelle des hommes et des femmes, le Gouvernement répète inlassablement que la question est uniquement d’ordre financier. Il fait mine d’ignorer le fait que les personnes de plus de 50 ans ne trouvent plus d’emploi et se font même licencier car ils coûtent trop cher à leur entreprise. Il ne nous parle que d’argent !
Je tiens à signaler que le groupe CRC-SPG a déposé un certain nombre de sous-amendements ayant justement trait aux moyens de financement de notre système de retraite, suggérant notamment des mesures qui contreviendraient aux privilèges insensés de ceux qui gagnent le plus et ont des revenus autres que ceux du travail.
L’exécutif refuse de discuter du financement. C’est incompréhensible, car le Parlement a la légitimité de contester ses propositions et de suggérer d’autres solutions possibles.
Je suis convaincue qu’il faut au minimum faire droit aux femmes, et ne pas prendre leur situation différemment en compte selon qu’elles sont nées entre 1951 et 1955 ou non, selon qu’elles ont eu un ou plusieurs enfants, ou encore selon qu’elles ont commencé à travailler avant ou après leur avoir donné naissance.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. Je voudrais à mon tour attirer l’attention de chacun sur la proposition qui nous est faite par Mme Panis. Ce sous-amendement est pleinement justifié puisqu’il reflète le point de vue de la délégation aux droits des femmes. Il vient également renforcer nos positions quant à l’article 6, qui, en prévoyant le passage de 65 ans à 67 ans de l’âge de départ à la retraite à taux plein – mesure à notre avis particulièrement injuste, notamment vis-à-vis des femmes –, constitue le cœur de la réforme proposée. Enfin, il rejoint notre opinion quant à l’amendement n° 1182, proposé jeudi matin par le Gouvernement.
Mme Panis a raison de proposer que l’on maintienne à 65 ans l’âge légal du départ à la retraite pour toute mère d’au moins un enfant, quelle que soit son année de naissance, alors que le Gouvernement propose de cibler les femmes nées entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955, et mères d’au moins trois enfants. Que représente en effet une tranche d’âge d’une amplitude inférieure à cinq ans, comparée à l’ensemble de la population féminine de France ?
Mme Panis a également raison d’attirer notre attention sur toutes les personnes ayant interrompu leur carrière professionnelle pour rester auprès des membres de leur famille handicapés, dépendants ou malades.
La proposition faite par le Gouvernement constitue une porte à peine entrouverte, car ses critères sont stricts : appartenir à une tranche d’âge de quatre ans et demi d’amplitude, être mère d’au moins trois enfants, avoir validé un nombre minimal de trimestres cotisés – quel est d’ailleurs ce nombre ?– avant l’interruption de carrière ? Celle-ci doit également avoir eu lieu dans un délai et des conditions déterminés.
Toutes ces incertitudes font que, au-delà des effets d’annonce et des opérations de communication, seul un nombre restreint de nos concitoyens sera concerné par cette proposition.
On nous dit qu’après 1955, voire après 1960, le nombre de trimestres validés par les femmes va dépasser celui des trimestres validés par les hommes. Nous savons tous que ce n’est pas le cas ! C’est un argument fallacieux qui ne tient pas compte du chômage.
Pour toutes ces raisons, la suggestion de Mme Panis est très opportune et permettra de rétablir un peu de justice dans cette réforme, notamment pour les femmes concernées. Je vous demande donc, mes chers collègues, d’y répondre favorablement. Quant à vous, monsieur le ministre, je vous invite à suivre la proposition de notre commission. Au nom de la sagesse du Sénat, adoptons ce matin le sous-amendement n° 1200. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Beaucoup de choses ont déjà été dites mais votre amendement, monsieur le ministre, ne règle en rien la situation d’inégalité vécue par de trop nombreuses femmes.
Laisser croire que cet amendement constitue une révolution est purement mensonger quand on sait que les femmes sont aujourd’hui les premières victimes de cette réforme injuste et qu’elles subissent déjà de profondes inégalités dans le niveau de leurs pensions, en moyenne de 25 % inférieures à celles des hommes et même moitié moindres si l’on retranche les pensions de réversion.
Le problème vient effectivement des inégalités salariales au cours de la vie active, qu’il faudrait tenter de réduire. En repoussant les bornes d’âge à 62 ans et à 67 ans, le projet de réforme ne règle aucun problème, et l’amendement n° 1182 non plus.
C’est pourquoi il faut voter le sous-amendement de Jacqueline Panis, proposé dans le cadre de notre délégation aux droits des femmes.
J’ajoute que les inégalités subies par les femmes sont reconnues par tous, y compris par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE. En conséquence, le sous-amendement n° 1200 n’est certes qu’une proposition de repli par rapport à la situation actuelle mais il nous faut le voter.
M. le président. La parole est à M. Yves Dauge, pour explication de vote.
M. Yves Dauge. Pour expliquer mon vote, je dirai que le sous-amendement n° 1200 ouvre la voie à une vraie réflexion sur le travail. Je trouve en effet que le débat que nous avons depuis plusieurs jours escamote une question de fond, qui devra à un moment être examinée : qu’est-ce que le travail, aujourd’hui, dans notre société ? Nous sommes face à un texte qui ne prend pas en compte cette dimension du débat !
Monsieur le ministre, lorsque Pierre Mauroy vous a parlé de « la ligne de l’espérance », vous lui avez répondu que le monde a changé depuis les années 1980. C’est vrai ! Mais en quoi ?
Quantitativement, la France connaît de nos jours un taux de chômage plutôt supérieur à celui que nous avions en 1981. Qualitativement, le changement du monde du travail est considérable. Et nous ne le prenons pas en compte ! Il y a là, à mon avis, une réflexion qui dépasse totalement nos clivages.
Le sous-amendement n° 1200 ouvre donc la voie à une question essentielle, que le rapporteur Dominique Leclerc connaît bien : celle des personnes âgées et des handicapés. Qui s’en occupera ? Comment prendrons-nous en compte le temps de travail des personnes qui se consacreront à la question du handicap et de la dépendance ? C’est entre autres à ce titre que l’on pourra constater le rôle central des femmes.
Nous n’échapperons pas à cette question ; elle est devant nous et doit tous nous interpeller. Cet amendement a l’avantage de la poser. Le Gouvernement a pensé faire une ouverture, mais il faut aller plus loin.
Pour toutes ces raisons, je souhaite vivement que la Haute Assemblée engage une réflexion de fond sur le monde du travail, dont nous pourrons traduire les conclusions dans un texte qui sera alors d’autant amélioré. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Le vote de ce sous-amendement est l’occasion pour moi d’apporter quelques précisions sur l’amendement du Gouvernement.
En proposant une mesure pour les mères de trois enfants, nous répondons à la question posée : où sont, en termes de trimestres de cotisations, les inégalités entre les hommes et les femmes, sinon plus particulièrement sur les générations que nous visons ? Il suffit de regarder le dossier pour en être convaincu. D’où l’initiative prise par le Gouvernement.
Mme Raymonde Le Texier. Non, c’est parce qu’elles sont moins nombreuses !
M. Guy Fischer. Discrimination !
M. Éric Woerth, ministre. Il n’est qu’à lire les études de l’INSEE ou les évaluations que le Conseil d’orientation des retraites a publiées en 2008 à ce sujet : c’est au troisième enfant que le taux d’emploi « décroche » ; chez les femmes qui ont un ou deux enfants, ce taux est bien plus élevé. Or cette situation concerne d’abord les générations de femmes qui partiront à la retraite à compter de l’année prochaine et qui comptabilisent un nombre de trimestres moins important que les hommes. C’est pour cela que le Gouvernement a déposé cet amendement. Il ne s’agit nullement d’un « cadeau », comme d’aucuns le prétendent, non sans une certaine désinvolture : la question ne se pose pas en ces termes !
M. Guy Fischer. Des cadeaux, vous n’en faites pas !
Mme Annie David. Vous n’en faites jamais aux salariés !
M. Éric Woerth, ministre. Il faut plutôt entendre cette disposition comme une mesure d’équité vis-à-vis de la population féminine.
À ce propos, je tiens à faire remarquer que l’on ne peut pas, dans le même temps, reconnaître la nécessité d’une réforme des retraites et ne proposer que des exceptions à ce dispositif !
M. Guy Fischer. On en est loin !
M. Éric Woerth, ministre. Il faut un système général permettant d’équilibrer le régime de retraite par répartition. Je sais qu’il vous est difficile d’entendre de tels propos.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vos propos sont totalement faux !
M. Éric Woerth, ministre. Au fond, pour vous, il peut y avoir autant de déficits que l’on veut, ce n’est pas si grave ! Ce n’est pas notre position : nous avons, nous, une responsabilité vis-à-vis des Français ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons du financement si vous voulez parler des retraites !
Mme Raymonde Le Texier. Parlons des femmes !
M. Éric Woerth, ministre. Sauver le système des retraites est la première des mesures de justice. Ne rien faire serait au contraire la pire des injustices. Qui paiera les dispositifs de solidarité si le système des retraites n’est pas financé ? Ce sont 30 milliards d’euros financés par la CNAV et le FSV qui sont consacrés à la solidarité dans le système de retraite ; je pense aux majorations de durée d’assurance, aux congés parentaux, à la prise en compte du chômage. Or cette somme représente exactement le niveau du déficit global de l’ensemble des régimes de retraite.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les exonérations du patronat, c’est combien ?
M. Éric Woerth, ministre. Si nous voulons conserver le système de retraite par répartition et maintenir le principe de solidarité qui le fonde, il faut le faire évoluer. Mais si, à coups d’amendements ou de sous-amendements, vous ne proposez que des dérogations aux dispositions prévues, il n’y aura bientôt plus de réforme !
Mme Annie David. Ce sera la seule exception !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour l’instant, il n’y en a aucune !
M. Éric Woerth, ministre. Vouloir que toutes les femmes puissent partir à la retraite à 65 ans est extrêmement généreux de votre part, sauf que cela met en péril le régime de retraite et, par voie de conséquence, l’ensemble des Français.
Nous devons prendre des mesures. Nous l’avons fait pour les chômeurs et pour les personnes handicapées ; nous le faisons pour les femmes lorsque nous constatons une iniquité flagrante. Bien sûr, il ne faut pas en rester là, Mme Panis a bien raison, nous avons le devoir de continuer à agir en faveur de la population féminine,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en !
M. Éric Woerth, ministre. Oui, madame Borvo, il est temps ! Cela fait des années que nous cherchons à la réduire, en vain. Aujourd'hui, il faut des résultats et ce texte, que j’espère – j’en ai la certitude – vous voterez, prévoit une sanction financière pour les entreprises.
Nous devons également faire en sorte que les femmes qui ont des enfants puissent avoir véritablement le choix de reprendre ou non leur travail. Pour ce faire, des mesures s’imposent. Je pense, par exemple, à l’augmentation du nombre de places en crèche dans notre pays. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Depuis le temps que vous le promettez !
M. Éric Woerth, ministre. La création de 200 000 places supplémentaires de garde d’enfants – 100 000 places chez les assistantes maternelles agréées et 100 000 places en crèche, que les structures soient publiques ou privées –, constituera encore un progrès et permettra aux femmes de choisir librement. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG.) Le libre choix, c’est aussi d’avoir une société qui vous permette de répondre aux besoins.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce ne sont que des annonces non financées !
M. Guy Fischer. C’est de l’affichage !
M. Éric Woerth, ministre. Il faut avoir du cœur, avez-vous affirmé. Je ne reprendrai pas la réplique célèbre sur le monopole du cœur : je ne crois pas que le débat soit celui-là.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas une question de cœur ! Il faut des réformes justes !
M. Éric Woerth, ministre. Tout le monde a envie que nos concitoyens vivent plus heureux, que les emplois soient plus nombreux, qu’il soit plus facile de mener sa vie personnelle et dans les meilleures conditions. Pour cela, il faut que notre législation et notre système de protection sociale tiennent le choc et évoluent en même temps que la société tout entière.
C’est ce à quoi nous nous attachons à travers cette réforme : nous voulons un système qui permette à chacune et à chacun de bénéficier d’une retraite financée jusqu’au bout dans des conditions claires. C'est la raison pour laquelle il faut modifier le système existant.
Madame Panis, le Gouvernement est sensible à votre argument, mais il préfère que le sous-amendement soit retiré, dans la mesure où l'amendement n° 1182 répond très précisément à la question que vous posez en offrant une solution aux femmes qui comptent moins de trimestres que les hommes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mes chers collègues, sur les documents qui vous ont été transmis figure effectivement un avis de sagesse. Je souhaite dans ces conditions rappeler ce qu’est réellement l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 1200.
En commission, Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, a rapporté très brièvement les principales conclusions de la délégation, et Dieu sait si elles sont partagées.
Mme Catherine Tasca a, quant à elle, insisté sur les « inégalités cumulées » dont souffrent les femmes et a suggéré que les réponses les plus importantes devaient être apportées précisément au moment où les familles supportent la charge de l’éducation des enfants.
M. Yves Dauge l’a rappelé à l’instant et à juste titre : la vie a changé, la société a évolué.
M. Jacky Le Menn. Pas en bien, surtout pour les femmes !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il nous faut par conséquent proposer des solutions, non seulement au problème des retraites, mais aussi à celui du vieillissement de la population. Cela suppose de régler la question des financements.
Dans quelques semaines, nous serons appelés à réfléchir aux améliorations à apporter en matière de prise en charge de la maladie, de la dépendance, du logement des personnes âgées. Et notre système de retraite par répartition connaît déjà un déficit très important, de l’ordre de 30 milliards d'euros. M. le ministre l’a rappelé, nous connaissons tous les chiffres.
La retraite est le reflet de la vie professionnelle ; elle ne saurait être le moment où toutes les inégalités sont réglées. Notre système est essentiellement contributif.
Le sous-amendement qu’a présenté Mme Jacqueline Panis tend à faire disparaître la plupart des conditions exigées pour bénéficier de la mesure proposée par le Gouvernement. Son adoption rendrait la disposition beaucoup plus coûteuse, sans avoir pour autant d’effets significatifs sur la situation des femmes. (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.)
Nous le savons, entre les hommes et les femmes, le problème n’est pas tant celui du nombre de trimestres que celui de l’écart entre les pensions – 38 % – qui s’explique par des vies professionnelles différentes et des inégalités salariales. Sur ce point, le projet de loi prévoit une avancée significative. (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Pour conclure, je rappelle que la commission avait émis un avis défavorable sur ce sous-amendement. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Annie David. Non !
M. Guy Fischer. Non, c’était un avis de sagesse !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cela figure dans le compte rendu des commissions, je viens de vérifier ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Vous avez déjà expliqué votre vote sur ce sous-amendement, ma chère collègue.
M. Guy Fischer. Mais nous sommes trahis !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est scandaleux !
Mme Raymonde Le Texier. C’est honteux !
M. Guy Fischer. Cela commence mal !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut réunir la commission !