compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jean-Pierre Godefroy,

Mme Anne-Marie Payet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d'un rapport

M. le président. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2010-201 du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Il est disponible au bureau de la distribution.

3

Réforme des retraites

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports nos 721, 727 et 733 (2009-2010)].

Dans la discussion des articles, le Sénat va poursuivre l’examen de l’article 6, appelé par priorité, dont je vous rappelle les termes.

Article 6 (priorité) (suite)

(Non modifié)

I. – Le premier alinéa de l’article L. 351-1 du même code est ainsi rédigé :

« L’assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l’assuré qui en demande la liquidation à partir de l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2. »

II. – Le 1° de l’article L. 351-8 du même code est ainsi rédigé :

« 1° Les assurés qui atteignent l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 augmenté de cinq années ; ».

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que les amendements nos 851, 836, 852, 856, 855, 857 et 17 tendant à une rédaction globale de l’article 6 sont devenus sans objet, en raison de l’adoption de l’amendement n° 1181 du Gouvernement dans la nuit de vendredi.

Renvoi de la suite de la discussion (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 6 (Texte non modifié par la commission) (priorité)

M. Guy Fischer. Je demande la parole, pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il me paraît essentiel, avant de commencer cette deuxième semaine de débat sur le présent projet de loi qui remet en cause le droit à la retraite des Français, de rétablir la vérité sur un point important.

Monsieur le ministre, avec certains de vos amis du groupe UMP, vous avez prétendu, dès l’adoption par la majorité du Sénat de l’article 5 qui repousse à 62 ans l’âge de départ à la retraite, que cet article était définitivement – j’insiste sur ce mot – adopté et que le débat était clos.

Vous avez poursuivi cette opération de communication, déclenchée dans le seul dessein de freiner la vague sociale qui menace de vous emporter, vous et votre projet, alors même que le président de séance précisait qu’un article de loi n’était bien évidemment définitivement voté qu’après adoption de l’ensemble du projet de loi

Vous qui connaissez bien les institutions ne pouviez ignorer que, même sans rejet de l’ensemble du texte, une seconde délibération peut être demandée au Sénat.

Une nouvelle fois, ce gouvernement, sur consigne d’un président que l’on sait coutumier des contrevérités et manipulations diverses, a tenté de tromper notre peuple.

Le projet de loi est fondé sur un mensonge : celui de Nicolas Sarkozy affirmant en 2007 et en 2008, la main sur le cœur, que jamais il ne toucherait à la retraite à 60 ans. Il n’est donc pas étonnant que la tromperie demeure la méthode gouvernementale en la matière. La vérité est en l’espèce tout autre : l’article 5 peut être rejeté avant la fin du débat au Sénat.

Monsieur le ministre, serait-ce l’approche du mouvement massif de demain, le plus important que l’on puisse imaginer selon nous, qui vous a obligé à de telles pratiques peu glorieuses ?

Monsieur le président, je vous invite, pour le sérieux et la clarté de nos débats, à rappeler au Gouvernement la lettre et l’esprit de la Constitution comme du règlement du Sénat.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Nous en sommes parvenus aux explications de vote sur le sous-amendement n° 1200 à l’amendement n° 1182, appelé par priorité.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, je souhaite obtenir une réponse aux questions que nous avons posées vendredi.

M. Guy Fischer. C’est l’article 36 du règlement, monsieur le président !

M. le président. Mon cher collègue, l’article 36 doit être utilisé avec modération !

M. Guy Fischer. Nous souhaitons éclairer le débat !

M. le président. Madame Pasquet, vous avez la parole pour poser vos questions. Je considère que cela vaut explication de vote sur le sous-amendement n° 1200. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Guy Fischer. On ne peut pas commencer comme cela !

Renvoi de la suite de la discussion (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Mise au point au sujet d'un vote

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, avant le vote sur l’amendement n° 1182 du Gouvernement, je souhaite vous rappeler que les membres de mon groupe ont déposé un certain nombre de sous-amendements dont la présidence n’a semble-t-il pas accepté le dépôt vendredi dernier, bien que, lors d’un rappel au règlement ce même jour, nous ayons souligné leur incontestable validité réglementaire et constitutionnelle. Devant cette évidence, le président de séance nous avait annoncé que la présidence du Sénat serait immédiatement saisie des deux questions précises que nous formulions alors et que je renouvelle ce matin : est-il dorénavant impossible de sous-amender un amendement du Gouvernement, en particulier en proposant différentes mesures de financement de la disposition soumise au vote ? Sur quel article du règlement du Sénat le refus de nos sous-amendements est-il fondé ?

Je vous rappelle la gravité, au regard de la Constitution et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, d’une telle pratique. Par ailleurs, toute mise en cause manifeste du droit d’amendement peut s’apparenter à une censure.

Nous attendons une réponse précise de votre part, monsieur le président. Je vous rappelle également que nos amendements portant articles additionnels et visant le financement de l’ensemble des mesures figurant dans le présent texte n’ont aucun lien avec les sous-amendements évoqués précédemment, lesquels concernent uniquement le financement des dispositions prévues à l’amendement n° 1182.

M. le président. Cela a déjà été dit : c’est l’article 48 du règlement du Sénat. La conférence des présidents avait tranché, et M. Roland du Luart, président de séance, a rappelé la décision prise par cette dernière.

La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1200.

Mme Michèle André. Je souhaite rappeler que Mme Panis a travaillé à la rédaction du sous-amendement n° 1200 en sa qualité de rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de la Haute Assemblée.

Ce sous-amendement reprend les propositions figurant dans l’un de nos amendements. Il tend à ne pas limiter la possibilité de prendre sa retraite à 65 ans en percevant une pension à taux plein aux seules mères de famille ayant au moins trois enfants. Il vise expressément les femmes ayant « eu ou élevé au moins un enfant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article L.351-12 du code de la sécurité sociale, ou apporté des soins à un membre de leur famille handicapé, dépendant ou malade » et ayant « interrompu ou réduit leur activité professionnelle ».

Il est au cœur de l’une des propositions de la délégation précitée. Il a pour objet d’attirer l’attention sur la corrélation qui existe entre une interruption de carrière et un salaire moindre que M. le ministre comme M. le secrétaire d’État connaissent.

Je veux combattre l’idée selon laquelle les femmes, à terme, travailleraient aussi longtemps que les hommes et cumuleraient autant de trimestres que ces derniers. Tenir un tel propos est déplacé, et nombre d’entre vous, mes chers collègues, le savent. J’admets cependant que, avec le temps, un rattrapage puisse être enregistré.

La délégation a, par ailleurs, demandé l’établissement d’études d’impact beaucoup plus précises. Elle ne souhaite pas que l’on se fonde simplement sur une intuition. Aussi longtemps que 75 % des femmes toucheront le SMIC, elles ne pourront pas, c’est clair, percevoir une pension de retraite convenable.

Je rappelle une fois encore ce matin que la pension de retraite moyenne d’une femme s’élève à 1 020 euros, alors que celle d’un homme s’établit à 1 636 euros, montant déjà bien faible.

Aujourd’hui, les hommes prennent leur retraite à moins de soixante ans, alors que les femmes le font en général à plus de soixante et un ans et demi. Prenons en considération ces deux faits.

Aujourd'hui, reprenons un débat plus serein et sain. Il n’est pas imaginable de traiter seulement le cas des mères d’au moins trois enfants. Au nom de quelle conception pourrait-on penser que certaines femmes ont plus de mérite que d’autres ?

Il convient aussi de prendre en considération la vérité démographique. Aujourd’hui, en France, les femmes renouvellent les générations ; elles ont plus de deux enfants. Nous avons donc cette espérance pour la retraite par répartition, et chacun doit en avoir bien conscience.

Le sous-amendement n° 1200 est excellent, et nous le voterons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. À mon tour, je souhaite soutenir ce sous-amendement.

Madame la présidente de la commission des affaires sociales, j’observe que, sur ce texte, la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat. J’espère donc que cette sagesse s’imposera dans cet hémicycle.

Monsieur le ministre, samedi et dimanche, j’ai eu l’occasion, comme tous nos collègues, de parcourir le département dont je suis l’élu. J’ai pu constater que les quelques manœuvres mises en œuvre la semaine dernière n’ont pas eu d’effets très positifs dans la population…

Mme Isabelle Debré. Quelles manœuvres ?

M. Jean-Pierre Sueur. Les valses hésitations sur l’ordre du jour ne sont pas apparues très convaincantes, mais peu de personnes en ont été informées.

En revanche, l’idée de vouloir faire passer les articles 5 et 6 par priorité, de manière à tenter de désamorcer le mouvement social et de réduire le nombre des participants aux manifestations, a été très mal ressentie et très mal vécue.

Je crois, monsieur le ministre, que cette manœuvre aura l’effet contraire à celui qui est recherché. En effet, nos compatriotes ont vu là une petite ficelle, sans proportion avec le grand enjeu qui est en cause. Mes collègues Christiane Demontès et Michèle André y voient même, quant à elles, respectivement une corde ou un câble, et je leur donne acte de leurs déclarations, qui seront ainsi connues dans la France entière ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

La concession accordée aux femmes nées entre 1951 et 1955, qui, pour élever trois enfants, ont interrompu leur activité est apparue comme minimaliste. Elle concernerait peu de personnes au regard de toutes celles qui, si ce texte était voté, devraient travailler jusqu’à 67 ans pour obtenir une retraite à taux plein sans décote.

C’est pourquoi la proposition de Mme Jacqueline Panis et, comme l’a dit Mme Michèle André, de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui vise à généraliser cette mesure à l’ensemble des femmes ayant élevé au moins un enfant et ayant interrompu ou réduit leur activité professionnelle pour cela, quelles que soient les dates, serait perçue, monsieur le ministre, comme une mesure de justice et d’égalité.

En outre, l’une des dispositions de votre texte qui passe le plus mal, et vous le savez bien, est cette obligation, faite à des femmes tout particulièrement, de continuer à travailler jusqu’à 67 ans pour obtenir une retraite sans décote.

Ce point est très sensible. C’est pourquoi j’espère de tout cœur, mes chers collègues, que, au-delà des différences qui sont les nôtres, nous nous réunirons autour du sous-amendement de Mme Jacqueline Panis.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Les membres du groupe du RDSE voteront le sous-amendement de Mme Jacqueline Panis.

Je ne me lancerai pas dans de nouvelles explications, puisque ma collègue Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, a été très claire.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Bien entendu, je voterai ce sous-amendement.

Je souhaite remettre en perspective cette disposition. Comme l’a dit mon collègue M. Jean Desessard, on a globalement l’impression, de la part du Gouvernement, d’une réclame pour les ménagères de 50 à 60 ans !

Moi qui suis favorisée, je suis désolée de me citer comme exemple : je suis née entre 1951 et 1955, j’ai eu trois enfants, dont une fille trisomique.

Si j’avais été au fond de ma campagne, j’aurais pensé, en entendant la publicité du Gouvernement, appartenir à l’étroit créneau de celles qui pourraient s’arrêter à 60 ans. Or, ce n’est pas le cas du tout puisque j’ai mené ma carrière professionnelle sans l’interrompre. Il faut donc rendre plus transparente la réalité de cette proposition.

Mme Michèle André évoquait l’inégalité criante entre les hommes et les femmes, s’agissant du montant de leurs retraites. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous vous avons entendus dire qu’un texte sur les retraites n’est pas le lieu pour corriger les inégalités de la vie.

Si vous raisonnez de cette manière, je vous répondrai qu’un texte sur les retraites n’est pas non plus le lieu pour modifier les droits de la médecine du travail comme vous vous apprêtez à le faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean Desessard. Ça commence fort !

M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.

M. Jacky Le Menn. Monsieur le ministre, nous sommes au cœur d’une situation qui touche la moitié de notre population : les femmes.

Le sous-amendement n° 1200 de Mme Jacqueline Panis, tel qu’il a été présenté par la présidente de la délégation aux droits des femmes, est important parce qu’il se situe au cœur d’un problème de société.

Qu’on le veuille ou non, ce problème, compte tenu de notre culture, se posera encore de nombreuses années : les femmes supportent, s’agissant de la vie de famille, du ménage et de la domesticité, une charge beaucoup plus importante que les hommes. Telle est la réalité.

De même, pour les enfants, qu’ils soient en bas âge ou plus âgés – les adolescents et préadolescents connaissent parfois des problèmes –, les femmes sont en première ligne. Elles sont parfois, et même très souvent, obligées d’arrêter leur activité professionnelle pour faire face à des situations difficiles.

Enfin, en ce qui concerne la question du cinquième risque et de la dépendance – nous aurons à en discuter dans les mois à venir –, les femmes vont également être mises fortement à contribution.

La population vieillit et, malgré des pathologies parfois extrêmement lourdes, 87 % des personnes âgées aspirent à rester plus longtemps chez elles : Un entourage familial est alors nécessaire.

Une telle solution revient d’ailleurs moins cher qu’une installation dans une maison de retraite, un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes, EHPAD, ou autre.

Mais – ne nous faisons pas d’illusions –, ce seront les femmes qui supporteront cette charge de manière massive. Et c’est là non pas une question politique, un clivage entre la droite, le centre et la gauche, mais un fait de société visible.

Vendredi soir, nous avons discuté très longuement des problèmes du handicap, monsieur le ministre. Cette question est du même ordre.

Dans les années à venir, avec la montée du vieillissement, nous devrons faire face à un besoin de présence au domicile des personnes âgées, notamment de celles qui sont atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de pathologies connexes. Cette présence devra être assurée par des personnes très proches. Multiplier les intervenants reviendrait beaucoup plus cher.

La capacité des femmes à prendre en charge cet accompagnement doit être reconnue. On ne peut pas en plus les pénaliser parce qu’elles aident indirectement les finances publiques ! C’est une question de bon sens politique ! Mais il me semble parfois, monsieur le ministre, que ce bon sens a disparu.

À l’annonce du dépôt de l’amendement n° 1182 du Gouvernement sur ces problèmes, il nous a semblé que la raison faisait son chemin et que les membres du Gouvernement avaient aussi un cœur – c’est ce que nous pensions… –, ou du moins qu’ils avaient le sens des calculs.

Or, dans ce calcul, le retour sur investissement – c’est un vocabulaire que vous comprenez bien… – sera plus fort si l’on aide indirectement la population féminine lorsqu’elle s’occupe de ses vieux parents ou de ses vieux grands-parents. D’ailleurs, cela ne l’empêchera pas, auparavant, d’avoir plus d’enfants, le taux de natalité en France étant plus élevé que la moyenne européenne.

Ces femmes s’occupent de leurs parents, font deux ou trois journées en une, et travaillent quinze ou seize heures par jour. Et au moment de la retraite, on leur impose une décote qui ne leur laisse qu’une petite pension – d’ailleurs, pour le peu de temps qu’elles ont travaillé, les pensions sont déjà extrêmement faibles. Leur imposer encore des décotes, qui les conduiront à travailler jusqu’à 67 ans, est un mauvais coup porté à nos compagnes, aux femmes de France ! Nous nous opposons à une telle disposition.

En conséquence, nous apporterons nos voix au sous-amendement n° 1200 de Mme Jacqueline Panis.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.

Mme Christiane Demontès. À l’occasion de mon explication de vote sur le sous-amendement n° 1200, je souhaite interroger le Gouvernement concernant un élément resté dans le flou. L’amendement n° 1182 prévoit la nécessité pour les mères d’au moins trois enfants – et c’est un recul par rapport à la situation actuelle – d’avoir cotisé pendant un certain nombre de trimestres non seulement avant l’interruption ou la réduction de leur activité professionnelle à la suite d’une naissance mais aussi après leur arrêt pour le troisième enfant.

Ce point n’est pas explicité. Or, nous avons besoin de précisions et d’explications à cet égard.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous voterons le sous-amendement présenté par Mme Jacqueline Panis. Nous sommes favorables à l’ensemble des dispositions qu’il tend à mettre en place.

Comme nous l’avons indiqué dès jeudi après-midi, nous ne comprenons pas pourquoi la proposition que vous présentez comme une avancée, monsieur le ministre, s’accompagne d’autant de restrictions.

Cette avancée ne concernera, en réalité, que très peu de femmes et instaurera beaucoup de discriminations entre les femmes elles-mêmes.

Mme Marie-Christine Blandin a cité l’exemple de femmes qui, ayant eu trois enfants, ne se sont pas pour autant arrêtées de travailler. Elles ne bénéficieront donc pas de cette avancée. Celles qui n’ont pas repris leur travail après la naissance du troisième enfant ne profiteront pas non plus de cette prétendue avancée. Enfin, celles qui n’auraient pas commencé à travailler avant d’avoir leur premier enfant ne bénéficieront pas non plus de cet amendement.

Vous avez lancé cette annonce dans la presse, monsieur le ministre, pour faire croire que vous aviez écouté les sénatrices et les sénateurs, que vous aviez pris en compte les demandes de la population et des salariés, qui sont aujourd’hui très mécontents de votre projet. En réalité, cette avancée n’en est pas une. En conséquence, nous voterons ce sous-amendement qui, en une seule proposition, apporte des améliorations un peu plus importantes que celle que vous nous proposez dans votre texte.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. L’annonce des amendements du Gouvernement, à grand renfort de médias, a fait se lever dans le pays un certain espoir, fallacieux certes, mais réel.

Je voudrais attirer l’attention sur la responsabilité politique du Gouvernement, mais aussi du Parlement dans son ensemble, et tout spécialement de notre assemblée, en matière de traitement des inégalités faites aux femmes.

Il existe à l’évidence une responsabilité ancienne et collective. Nous avons laissé s’installer des inégalités flagrantes, en particulier l’inégalité des rémunérations, pour celles qui ont la chance d’avoir un emploi mais qui ne sont jamais rémunérées au même niveau que leurs collègues masculins.

Face à ces inégalités cumulées, le texte proposé par le Gouvernement a ouvert une porte. Mais celle-ci est tellement étroite que non seulement cela n’apporte pas de solution aux inégalités faites aux femmes mais cela aggrave la situation de ces dernières par rapport à la législation existante.

Mes chers collègues, quelle que soit notre sensibilité politique, nous devons saisir l’occasion qui nous est offerte à travers ce sous-amendement n° 1200 et prouver que nous avons réellement l’intention d’améliorer la situation des femmes, et non pas de l’aggraver.

Pour les mères de trois enfants, en particulier les plus jeunes d’entre elles, la porte est beaucoup trop étroite. Vous le savez, monsieur le ministre, un certain nombre de nos concitoyennes deviennent mères très tôt, parce que surviennent des naissances non désirées, souvent d'ailleurs dans des milieux qui n’ont pas la possibilité de les assumer, mais aussi parce que certaines jeunes femmes choisissent de continuer leur parcours universitaire ou de formation professionnelle sans pour autant renoncer à devenir mères.

La porte est si étroite – à peine le Gouvernement l’a-t-il entrouverte – que les mères de trois enfants se voient empêchées à tout jamais de bénéficier du maintien de la retraite à taux plein à 65 ans.

Mes chers collègues, nous connaissons la position du Gouvernement. Toutefois, en tant que parlementaires, nous avons un choix à faire. Je le répète, il en va de notre responsabilité collective ! Nous savons tous que les femmes sont devenues le pilier de la solidarité à l’intérieur des familles, et même en dehors de celles-ci, tant leur participation à la vie associative est tout à fait essentielle.

Nous savons que nous avons besoin des femmes…

M. René-Pierre Signé. La femme est l’avenir de l’homme !

Mme Catherine Tasca. … et qu’elles doivent rester mobilisées sur ces enjeux jusqu’à ce que nous ayons résolu toute une série de problèmes, comme l’absence d’égalité salariale entre les sexes ou le manque de lieux d’accueil pour la petite enfance, dont vous savez bien, mes chers collègues, qu’ils ne seront pas réglés dans les semaines qui viennent. Notre intérêt, autant que notre devoir, est de permettre aux femmes de rester les piliers non pas seulement de la vie familiale, mais aussi de la solidarité dans notre société.

De grâce, ne laissons pas passer cette occasion : les dispositions du sous-amendement n° 1200 offrent à notre assemblée la possibilité de sortir de cette difficulté par le haut et avec honneur. À l’évidence, nos concitoyens attendent un tel geste et ils le comprendraient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.

M. René-Pierre Signé. J’évoquerai moi aussi le problème des femmes, puisque le Gouvernement a voulu faire en leur faveur un geste, qu’il assimile à un cadeau.

Monsieur le ministre, vous voulez reculer de 65 ans à 67 ans l’âge légal de départ permettant de bénéficier d’une retraite décente. Or de nombreuses femmes ne sont plus en activité à cet âge, non parce qu’elles ont souhaité arrêter de travailler mais parce que leurs employeurs n’ont plus voulu d’elles.

Le report à 67 ans est tout à fait inadmissible, quel que soit l’âge auquel l’on a commencé à travailler. La disposition présentée par le Gouvernement, qui tend à exonérer de deux années supplémentaires les femmes ayant élevé au moins trois enfants ou un enfant handicapé, pourrait sembler aller dans la bonne direction. En réalité, c’est de la poudre aux yeux pour faire accepter l’inacceptable, en l’occurrence le report de l’âge de départ à la retraite à 67 ans pour toutes celles et tous ceux qui n’ont pas leur compte d’annuités sans avoir forcément élevé au moins trois enfants – ce nombre me paraît d'ailleurs parfaitement arbitraire et ne vise qu’à pallier l’absence de structures d’accueil pour les jeunes enfants.

Après 60 ans, beaucoup de Français, trop épuisés, préfèrent partir à la retraite, même avec une décote. Et ce ne sont pas les deux années offertes, à un nombre très limité de femmes d'ailleurs, qui influeront sur un choix dicté par une overdose de travail exténuant. Ce prétendu cadeau ne mérite aucune gratitude !

À vrai dire, il ne s’agit nullement d’un cadeau, puisque l’on en reste à la limite actuelle de 65 ans. Ce n’est qu’un mince écran de fumée : sauf pour les femmes nées entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955, il n'y a aucun changement, aucune amélioration.

Monsieur le ministre, on peut s’étonner que cette mesure ait pu satisfaire certains sénateurs. Le pire n’est jamais sûr, mais la solution proposée est loin d’être satisfaisante. N’est-il pas particulièrement cynique de miser sur le départ à la retraite de certains de nos concitoyens avant l’âge légal, donc avec une décote et une pension encore plus faible, afin de réduire en partie les problèmes financiers de notre système de retraite ?

Ce sont les femmes qui, souvent, ont dû interrompre leur activité professionnelle pour élever des enfants. Or ces derniers travailleront, un jour, pour payer la retraite des plus favorisés qui n’ont jamais dû interrompre leur parcours professionnel !

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Quel mauvais argument !

M. René-Pierre Signé. En réalité, votre geste en faveur des femmes ayant eu au moins trois enfants et/ou un enfant handicapé, que vous croyez généreux, est très limité : c’est un peu de sucre qui est placé sur une pilule amère sans en diminuer en rien l’amertume !

Je dirai également un mot de l’insertion des jeunes sur le marché du travail, parce que ce projet de loi – on le mesure aujourd'hui – aura des conséquences sur la retraite de ces derniers. Il faut insister sur cette question, qui doit être une priorité. Nous devons renforcer les formations professionnelles et valider les droits à la retraite des jeunes qui sont en stage.

En fin de compte, monsieur le ministre, votre projet instaure une redistribution à l’envers : l’injustice en est évidente, puisque les plus modestes, qui devraient bénéficier d’une plus grande protection, payeront pour ceux qui ont eu des carrières plus faciles. Ce n’est pas de la solidarité !

Ne l’oublions pas, les Français quittent le marché du travail en moyenne à 58 ans et se retrouvent au chômage jusqu’à ce qu’ils puissent bénéficier de leur retraite à taux plein. Reculer l’âge légal revient à leur imposer un chômage de plus longue durée encore. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)