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Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Nous poursuivons l’examen de l’article 1er A.
Article 1er A (suite)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 60.
M. Guy Fischer. Cet amendement pose une nouvelle fois, et dans des termes clairs, la question de la retraite des femmes.
Les élus locaux que nous sommes rencontrent chaque jour des femmes retraitées qui perçoivent des pensions très insuffisantes pour vivre dignement, très inférieures à celles dont bénéficient les hommes.
Cette différence de traitement est d’autant plus inacceptable qu’elle repose sur le genre. Elle est la conséquence des multiples discriminations directes ou indirectes dont les femmes sont victimes tout au long de leur carrière professionnelle.
M. le président Larcher lui-même le reconnaît, cette situation n’est pas acceptable et il doit y être remédié. Il n’y a plus guère que le Gouvernement pour tenter de faire croire que tout va bien et que les inégalités que subissent les femmes finiront par se résorber d’elles-mêmes.
Cette position politique aussi scandaleuse qu’inattendue est celle qu’ont défendue, dans l’édition de lundi dernier d’un grand quotidien du soir, cinq membres du Gouvernement : M. Woerth, Mmes Berra, Kosciusko-Morizet et Morano et M. Tron.
Selon eux, les écarts entre hommes et femmes en matière de pensions de retraite seraient en train de se résorber. Mais pourquoi 24,1 % des femmes partent-elles à la retraite à 65 ans, c’est-à-dire à l’âge où ne s’appliquent plus de décote, contre seulement 16,5 % des hommes, sinon pour éviter de devoir vivre dans la précarité ?
De la même manière, ils affirment, dans cet article, que la question des annuités n’est pas centrale et que « le fait que les retraites des femmes soient plus faibles n’est pas lié au nombre de trimestres validés ». C’est à croire que la durée de cotisation n’a pas d’incidence sur le montant des pensions… Mais si tel était le cas, pourquoi avez-vous choisi d’augmenter, comme en 1993 et en 2003, la durée de cotisation, pour la faire passer à 41,5 annuités ?
La réalité est tout autre : les femmes qui voudront partir à la retraite avant l’âge de 67 ans subiront de plein fouet les conséquences de l’allongement de la durée de cotisation. Les modifications des bornes d’âge, et particulièrement les variations à la hausse des durées de cotisation, affectent, parfois lourdement, les carrières non linéaires ou hachées.
Contrairement à ce que vous semblez croire, monsieur le ministre, la situation ne s’améliore pas d’elle-même. En 2007, 44 % des femmes ont pu valider une carrière complète, contre 86 % des hommes, la durée de cotisation des femmes étant en moyenne inférieure de vingt trimestres à celle des hommes. En outre, 34 % des femmes ont validé moins de vingt-cinq trimestres, contre 4 % des hommes. Ainsi, moins de la moitié des femmes ont validé une carrière complète à 65 ans, ce qui conduit le quart d’entre elles à ne partir à la retraite qu’à cet âge.
Voilà la mécanique qui se met en place et qui amènera nombre de salariés, dont une part importante de femmes, à faire un choix lourd de conséquences : soit travailler jusqu’à 67 ans pour éviter une décote trop lourde sur une pension trop faible ; soit partir à 62 ans et connaître une précarité encore plus grande, avec une pension de retraite dont le montant se sera effondré et qui ne permettra plus de vivre dignement.
En vérité, cette réforme ajoutera des inégalités aux inégalités et de la précarité à la précarité ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Malgré ce qu’a affirmé M. le ministre à plusieurs reprises, notamment en commission, l’écart entre les retraites des hommes et celles des femmes ne se résorbe pas. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder autour de soi.
Quel que soit son niveau d’emploi et de qualification, on refusera une prime de fin d’année ou une promotion à une femme qui se sera arrêtée de travailler pour prendre un congé de maternité.
M. Guy Fischer. Voilà la réalité !
Mme Raymonde Le Texier. Et si cette malheureuse jeune femme a le courage d’avoir d’autres enfants, qui plus tard contribueront au financement de nos retraites, elle se heurtera à nouveau à la même opposition.
M. le ministre nous a expliqué, en commission, qu’il n’existait pratiquement plus d’écarts de salaires à l’embauche entre hommes et femmes et que les différences se faisaient jour plus tard, au cours de la carrière.
Or des écarts de salaires à l’embauche existent encore, et nous en connaissons tous des exemples caricaturaux. On m’a ainsi récemment rapporté le cas d’un employeur ayant embauché une jeune femme très qualifiée sous condition qu’elle ne prétende à aucune augmentation de salaire ni promotion tant que ses enfants seraient en bas âge, au motif qu’il lui arriverait forcément de s’absenter ! Nous connaissons tous de tels exemples, mes chers collègues ! Je vous invite donc à adopter le présent amendement, dont le dispositif ne doit pas être coûteux puisqu’il n’a pas été déclaré irrecevable par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Ce projet de réforme des retraites, en se focalisant exclusivement sur les enjeux financiers, fait l’impasse sur les enjeux sociaux, pourtant majeurs.
Le système français cumule les écarts de traitement entre retraités. Par construction, il favorise les salariés du haut de l’échelle, qui ont pu bénéficier d’une progression de carrière et qui, en raison de leur espérance de vie plus longue, pourront jouir plus longtemps de leur retraite.
Une étude récente de l’OCDE montre qu’avec un revenu de remplacement net moyen égal à 62,8 % du salaire médian, contre 72,1 % pour la moyenne des pays de l’OCDE, la France possède l’un des systèmes les plus défavorables aux classes moyennes. Or les réformes qui se sont succédé ont renforcé la paupérisation de ces dernières. Si le montant moyen de pension de retraite est en France d’environ 1 300 euros, la majorité des femmes touchent moins de 1 000 euros par mois, et près de 600 000 personnes âgées doivent se contenter des 677 euros du minimum vieillesse. Depuis la réforme de 1993, le nombre de retraités vivant sous le seuil de pauvreté, qui est de 880 euros par mois, ne cesse d’augmenter et atteint aujourd’hui 1,2 million.
Revaloriser les petites retraites, c’est bien plus qu’une simple question budgétaire ou économique ; c’est avant tout une question politique, éthique et sociale. Ainsi, notre proposition de revaloriser les petites retraites et les pensions de réversion est à la fois juste et raisonnable.
Elle est juste, car elle concerne les plus démunis d’entre nous et répond à une exigence de solidarité entre les générations.
Elle est raisonnable, car elle sera financée non pas par des impôts supplémentaires, mais par une répartition plus juste de l’effort fiscal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 746.
Mme Annie David. Cet amendement est relatif à la solidarité intergénérationnelle, qui doit notamment être assurée par une réelle politique de l’emploi.
En effet, selon nous, le problème du financement des retraites est non pas celui des dépenses, mais avant tout celui des recettes : il faut augmenter les ressources des régimes de retraite. Je vous renvoie, mes chers collègues, au huitième rapport du Conseil d’orientation des retraites, le COR, qui met clairement en évidence l’incidence de la crise sur les comptes sociaux.
La destruction de 680 000 emplois en 2009 a eu pour conséquence un manque à gagner de 600 milliards d’euros pour les caisses de retraite.
Monsieur le ministre, il convient donc non pas d’opposer les générations, comme vous tentez, vainement d’ailleurs, de le faire, mais de substituer une réelle politique de l’emploi à une politique dont la seule boussole est la finance.
Cette priorité donnée à la finance entraîne nécessairement la massification du chômage, le manque d’investissement dans l’outil productif et la stagnation, voire la baisse, des salaires, tout cela ayant des conséquences directes sur le niveau des cotisations.
L’État donne l’exemple en refusant de remplacer de nombreux fonctionnaires qui partent à la retraite, application de la RGPP oblige. Mes chers collègues, je vous renvoie, sur ce point, à la question d’actualité au Gouvernement que j’ai posée cet après-midi.
La question de l’emploi est donc bien au cœur de la problématique de la préservation du système de protection sociale et de la justice en matière de retraites. Les promoteurs de notre système de protection sociale ne s’y étaient pas trompés, en 1945, puisque le plein emploi était leur postulat initial.
Les difficultés que rencontrent les salariés de plus de 50 ans à conserver ou à trouver un travail, celles des jeunes à accéder à un emploi, a fortiori à un emploi stable, amènent aujourd’hui un ébranlement de tout l’édifice.
Vous présumez, monsieur le rapporteur, qu’il existe un « risque grandissant de voir les jeunes actifs d’aujourd’hui et de demain refuser de cotiser plus et/ou de travailler plus longtemps ». En réalité, ils veulent travailler afin d’être en mesure de payer leur part de cotisations sociales en vue de leur retraite. Ils prennent conscience que la capitalisation constitue, pour eux, un danger.
Pour garantir la pérennité du système de retraite, il importe de mener une politique d’emploi stable et bien rémunéré. Or, monsieur le ministre, vous faites exactement l’inverse !
À cet égard, je suggère que Pôle emploi donne l’exemple, en offrant des contrats à durée indéterminée à ses salariés actuellement employés sous contrats à durée déterminée, qui représentent 12 % des effectifs. Les suicides que l’on constate aujourd’hui au sein du personnel de Pôle emploi devraient vous interpeller, monsieur le ministre. Il ne faudrait pas que la situation dégénère comme chez France Télécom !
Le développement d’emplois de qualité pour toutes et tous, et donc pour les jeunes, le remplacement des salariés partant à la retraite, la reconnaissance des qualifications initiales et acquises, une véritable prise en compte de la pénibilité et la réorientation des richesses créées par le travail vers les salaires : voilà ce que nous préconisons, parce que ce sont là des solutions réelles pour assurer un financement pérenne des retraites, bien éloignées des exigences du MEDEF, auxquelles vous cédez de bonne grâce !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. « On mesure ce que vaut une société à ce qu’elle fait pour sa jeunesse. » : c’est à peu près en ces termes qu’un ancien Premier ministre de la République avait évoqué l’action de son gouvernement en faveur de la jeunesse.
Il s’agissait alors de lancer un vaste programme de développement de l’insertion professionnelle et sociale, fondé sur un maillage serré du territoire par un réseau de points d’accueil et d’information, de missions locales pour l’emploi, et d’organiser des stages de formation faisant largement appel à la pédagogie de l’alternance, avec des phases d’expérimentation pratique in situ et des périodes de formation théorique.
Nous constatons d’ailleurs que, près de trente ans après le lancement de ce plan de formation professionnelle de la jeunesse – un grand nombre de jeunes sortaient alors précocement du système scolaire, sans maîtriser suffisamment les outils de communication courante ni disposer d’un diplôme validant leur parcours –, les mêmes problématiques demeurent pleinement d’actualité.
Le niveau général de formation initiale de la jeunesse de ce pays s’est profondément modifié et, malgré bien des obstacles, un nombre croissant de jeunes peuvent aujourd’hui s’appuyer sur un ensemble de savoirs, théoriques et techniques, qui devraient suffire à leur éviter un parcours obligé de chômage et de précarité.
Même dans les quartiers les plus déshérités, dans ce que l’on appelle les zones sensibles, la jeunesse est aujourd’hui, de manière très majoritaire, engagée dans un processus d’élévation de son niveau général de formation, que la création des baccalauréats professionnels et les enseignements tirés du plan Rigout ont notamment permis d’enclencher.
Chers collègues de l’opposition, ce n’est d’ailleurs pas pour d’autres raisons que la jeunesse de notre pays s’est largement mobilisée, en 2006, contre le contrat première embauche, dispositif que vous aviez adopté et qui lui apparaissait comme une sorte d’affront à ses désirs, à ses aspirations, à ses potentialités. Ce n’est pas pour d’autres raisons qu’elle participe de plus en plus, et avec une détermination croissante, au mouvement actuel de contestation de ce projet de réforme des retraites.
De bonnes âmes feignent de s’étonner de voir les jeunes lycéens et étudiants manifester contre cette pseudo-réforme des retraites, mais il n’est nul besoin d’être en classe de préparation au concours de l’ENA pour se rendre compte qu’un allongement de la durée de cotisation à quarante et une ou quarante-deux années obligerait ceux qui commencent à travailler entre 22 et 25 ans à prendre leur retraite à l’âge de 67 ans s’ils veulent pouvoir bénéficier du taux plein : il leur serait, en pratique, presque impossible de cesser leur activité à 62 ans, et a fortiori à 60 ans, eu égard à l’importance de la décote. Les jeunes de notre pays sont très opposés à la réforme projetée, non parce qu’ils pensent que leurs retraites ne seront pas payées dans trente ou quarante ans, mais parce qu’ils craignent que le montant de celles-ci ne leur suffisent pas, alors, pour vivre décemment. De fait, entre décote et gel du pouvoir d’achat pour cause d’indexation des pensions sur l’évolution des prix, les retraités des années 2040 et 2050 ne risquent pas, si votre projet est adopté, de rouler sur l’or !
Ces futurs retraités attendent aujourd’hui de la vie qu’elle soit autre chose qu’un long chemin de croix entre petits boulots, temps partiel, intérim et précarité, le tout ponctué de périodes de chômage plus ou moins longues.
L’enjeu de l’intégration professionnelle de la jeunesse sous-tend donc directement ce projet de loi. Il est tout à fait essentiel d’assurer son insertion dans le monde du travail, ne serait-ce que pour garantir une certaine pérennité des ressources de notre régime de retraite. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il n’échappe à personne que la jeunesse est en émoi et se sent concernée par le débat sur la réforme des retraites, ce qui est une bonne chose.
Les jeunes sont conscients que, dans la mesure où il ne leur est souvent guère possible, dans la société actuelle, d’accéder à un emploi avant l’âge de 30 ans, ils ne pourront a priori prendre leur retraite qu’à plus de 70 ans, eu égard à l’allongement de la durée de cotisation prévu ! Leur situation leur paraît donc pire encore que celle des générations qui les précèdent !
Le Gouvernement n’a pas pris la mesure de la gravité du chômage des jeunes, qui désormais se sentent tous concernés par ce « trou noir ». En effet, si le chômage touchait surtout, auparavant, les moins formés d’entre eux, avoir fait des études ne représente plus, à l’heure actuelle, une garantie contre lui. Cela peut même être pénalisant, car on ne recrute pas, pour occuper un emploi de niveau « bac+2 », un candidat titulaire d’un doctorat…
Les jeunes souffrent de ne pouvoir se projeter dans l’avenir. Notre assemblée doit bien comprendre qu’aucune réforme des retraites ne sera possible sans l’adhésion de la jeunesse du pays. Or son inquiétude devant le projet du Gouvernement ne fait que croître. Monsieur le ministre, vous avez invoqué la nécessité de procéder à une réforme structurelle des retraites pour pérenniser le système par répartition de manière à donner confiance aux jeunes dans ce dernier. En effet, si les nouvelles générations perdent confiance dans le système par répartition et optent pour d’autres moyens de financer leur retraite, il se trouvera vidé de sa substance et périclitera.
Tel est bien le danger qui se profile. Le présent amendement vise à souligner la nécessité de prêter attention à la jeunesse.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Entendant parler de la jeunesse, je me suis souvenu d’une question que j’avais adressée au ministre du travail et qui était restée sans réponse.
Notre société aime la jeunesse, mais pas les jeunes ; elle les infantilise !
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. Jean Desessard. Aujourd’hui, on considère qu’il ne faut pas accorder le RSA aux moins de 25 ans. On repousse l’âge d’entrée sur le marché du travail en multipliant les stages. On estime que les jeunes ne savent pas travailler, puisque le salaire du premier emploi est inférieur de 40 % au salaire moyen, alors que l’écart n’était que de 10 % pour les jeunes de ma génération.
Si notre société prétend aimer la jeunesse, force est donc de constater qu’elle réserve aux jeunes un sort peu enviable.
Mardi dernier, monsieur le ministre, nous vous avons indiqué qu’il serait difficile aux seniors de travailler jusqu’à 62 ans, dans la mesure où nombre d’entre eux sont déjà hors de l’emploi entre 55 et 60 ans. Vous avez alors répondu que votre projet comportait des mesures destinées à favoriser l’emploi des seniors. Si de tels dispositifs suffisent à faire accéder à l’emploi des seniors de 60 ans, pourquoi ne pas en prévoir d’analogues au bénéfice des jeunes de 22 à 26 ans ? J’attends avec impatience votre réponse à cette question que je vous ai déjà posée, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
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Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 7 octobre 2010, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public.
Acte est donné de cette communication.
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Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du jeudi 7 octobre 2010, une décision du Conseil sur la question prioritaire de constitutionnalité (n° 2010 42 QPC).
Acte est donné de cette communication.
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Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Nous poursuivons la discussion de l’article 1er A.
Article 1er A (suite)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 757.
Mme Odette Terrade. Cet amendement vise à confirmer et à conforter le principe de répartition qui fonde, et doit absolument continuer à fonder, notre système de retraite.
Le projet de loi comporte la notion de « pension en rapport aux revenus ». Mais de quoi s’agit-il exactement ? À quel taux de remplacement ce rapport correspondra-t-il ? S’agira-t-il de 100 %, de 80 %, de 50 % ou de 10 % ? Nous ne souhaitons pas que le taux de remplacement des revenus d’activité reste indéfini, potentiellement fluctuant. Nous voulons au contraire que les retraites du régime général constituent un socle et représentent un pourcentage significatif du revenu antérieurement perçu, servant de base à la liquidation de la pension. Nous ne manquerons donc pas de développer ultérieurement nos propositions sur ce point.
La rédaction actuelle de l’alinéa 5 de l’article 1er A est un pas dangereux vers un calcul individualisé du montant des pensions, d’autant qu’elle n’implique aucun engagement quant à la détermination, in fine, du revenu de remplacement, largement menacé par la réforme. Son dispositif ne contribuera pas à la réduction des inégalités, qui devrait pourtant être l’un des enjeux majeurs de toute réforme des retraites. Mais tel n’est pas votre objectif, bien sûr !
À l’instar de celles qui ont été engagées en 1993 et en 2003, la réforme que le Gouvernement nous propose aujourd’hui vise à diminuer les retraites, en accumulant les conditions requises pour y accéder. Son résultat ne fait malheureusement aucun doute, d’autant qu’elle se combine avec une politique économique et sociale désastreuse.
L’accroissement de la précarité, l’extension du travail à temps partiel imposé et des bas salaires, que le Gouvernement soutient via des exonérations de cotisations sociales pour les patrons, l’augmentation du chômage et du nombre de chômeurs non indemnisés : tout concourt à un affaiblissement des revenus, et donc des pensions de retraite. En l’absence de tout garde-fou, ce sera encore pis.
Du point de vue du Gouvernement, tout cela est parfaitement logique. Contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le ministre, l’objectif de fond est d’ailleurs non pas d’assurer la pérennité du système de financement des retraites, mais de réduire le montant des pensions, afin d’amener les futurs retraités à recourir à la capitalisation. « La liberté, toujours plus de liberté ! », clame le MEDEF. En l’occurrence, il s’agit de la liberté de collecter l’argent des cotisants, salariés et retraités, pour le jouer en bourse !
Quelles garanties de long terme offrent à ceux qui leur feront confiance les fonds de pension, les banques ou les assurances ? Nous le savons bien, ce qui intéresse les organismes financiers, c’est de réaliser des profits le plus vite possible, quitte à prendre les plus grands risques. Aujourd’hui, la crise bancaire et les exemples étrangers donnent sérieusement à réfléchir à un nombre croissant de personnes qui ont pu croire assurer au moins une partie de leur retraite grâce à la capitalisation.
La retraite n’est pas une marchandise comme les autres. C’est pourquoi nous appelons au respect dans toutes ses dimensions du principe de solidarité qui fonde le pacte social dans notre pays.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 745.
M. Guy Fischer. Nous considérons qu’aucune pension de retraite ne devrait être inférieure à 75 % du SMIC. Aussi ne pouvons-nous nous satisfaire que la rédaction actuelle de l’alinéa 5 de l’article 1er A prévoie que la pension sera en rapport, dans l’avenir, avec les revenus que le retraité aura tirés de son activité.
Si l’on suit ce seul principe, des centaines de milliers de salariés, en particulier des femmes, ne toucheront que des retraites de misère, voire seulement le minimum vieillesse, en dépit d’une vie de labeur. Seront concernés tous les salariés ayant connu, malgré eux, des parcours professionnels hachés, précaires, marqués par des périodes de travail à temps partiel subi et des rémunérations trop souvent inférieures au SMIC. C'est inacceptable !
Au travers de la présentation de cet amendement, nous entendons lever toute ambiguïté sur les réelles intentions du législateur. En effet, l’alinéa 5 est, d'une certaine façon, contradictoire avec le suivant, qui prévoit que chacun doit pouvoir bénéficier d'un traitement équitable au regard de la retraite, quelle que soit son activité professionnelle passée.
L’équité ne se confondant pas avec l'égalité, il faut que ce texte permette de donner plus à ceux qui ont moins. Or l’alinéa dont nous proposons la réécriture contraint, encadre et réduit toute possibilité de prise en compte des diverses réalités vécues tout au long de leur vie professionnelle par des millions de salariés.
Mes chers collègues, même si vous ne partagez pas nos convictions quant au montant minimal des retraites, ne vous interdisez pas la possibilité de prendre des mesures d'équité. Ne vous liez pas les mains, à l’heure où les retraités pauvres sont de plus en plus nombreux et sont parfois conduits, notamment dans les pays anglo-saxons, à travailler bien après l’âge de 70 ans. De nombreux reportages illustrent les conséquences catastrophiques que peut avoir le recours aux systèmes de retraite par capitalisation. Malgré l’effritement qu’il subit depuis des années, notre régime de retraite par répartition doit être conservé et préservé. Cela me semble fondamental.
M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 552 rectifié ter.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Le Gouvernement avait initialement émis un avis défavorable sur l’amendement n° 552 rectifié ter, mais celui-ci s’accorde bien, en fait, avec l’amendement n° 598, qui a reçu un avis positif. Par conséquent, l’avis est finalement favorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission émet également un avis favorable sur l’amendement n° 552 rectifié ter.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je regrette pour ma part que les auteurs de cet amendement n’aient pas utilisé le mot « genre », plutôt que le mot « sexe ». Si tel avait été le cas, j’aurais peut-être pu les suivre…
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote sur l'amendement n° 61.
Mme Raymonde Le Texier. Un petit moment de joie dans cette vie de brutes : il ne fait aucun doute que M. le ministre va inviter le Sénat à adopter cet amendement, puisque celui-ci va dans le même sens que l’amendement n° 552 rectifié ter, qui a finalement reçu un avis favorable du Gouvernement…
Vous nous le devez bien, monsieur le ministre, car l’amendement que vous avez présenté ce matin est tragique ! En effet, il ne concerne que les femmes nées entre 1951 et 1955 – c’est le cas d’un certain nombre de sénatrices –, ayant eu au moins trois enfants et s’étant arrêtées de travailler pour les élever – tant pis pour les autres, comme l’a très justement dit Mme Procaccia ce matin en commission. De surcroît, ces femmes devront avoir validé auparavant des trimestres de cotisation ! Or, la plupart des femmes de cette génération se sont mariées à 18 ans !