Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 8
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Les sixième, avant-dernier et dernier alinéas sont supprimés ;
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Il s’agit d’un amendement de coordination avec les dispositions que tendait à introduire l'amendement n° 3 rectifié.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié n’ayant pas été adopté, cet amendement n’a plus d’objet.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 4 ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Cet amendement tendant à supprimer les alinéas six à treize de l’article 1er, la commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, car il vise à supprimer des dispositions importantes de la proposition de loi, dont nous pensons qu’elle a un caractère progressif mais aussi dissuasif pour les familles.
Encore une fois, le Gouvernement considère que le dispositif qui est présenté aujourd’hui fait partie des réponses globales et diverses au problème de l’absentéisme scolaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote sur l’amendement n° 4.
M. Yannick Bodin. Nous voterons cet amendement.
Monsieur le ministre, au mieux, combien de mois faudra-t-il, selon vous, pour que la procédure ici proposée aille à son terme ?
Permettez-moi de rappeler les étapes prévues : « Le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement saisit l’inspecteur d’académie afin qu’il adresse, par courrier ou à l’occasion d’un entretien avec lui ou son représentant, un avertissement aux personnes responsables de l’enfant ». Il faudra donc rencontrer les familles. Combien de temps faudra-t-il pour qu’elles se déplacent ? Et toutes se déplaceront-elles ?
Ensuite, l’inspecteur d’académie saisit sans délai – bien sûr ! – le président du conseil général, puis, lorsqu’une nouvelle absence de l’enfant mineur est constatée, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales.
Renseignements pris, environ deux mois seront nécessaires pour traiter un dossier sur le plan administratif et à peu près autant sur le plan financier. La seule intervention de la caisse d’allocation familiale prendra trois ou quatre mois !
M. Roland Courteau. C’est une usine à gaz !
M. Yannick Bodin. En effet !
L’inspecteur d’académie pourra donc être amené à faire supprimer les allocations familiales pour des élèves qui auront quitté le système scolaire ou fini leur année scolaire et qui seront partis ailleurs, peut-être dans un autre établissement !
Je vous le dis : un tel dispositif est complètement irréaliste, d’autant plus que le chef d’établissement aura au préalable, avant de saisir l’inspecteur d’académie, mis en œuvre des procédures internes, rencontres avec la famille, réunion du conseil de discipline, etc.
Si tout le monde travaille très sérieusement, monsieur le ministre, il faudra au minimum une bonne année pour faire appliquer votre texte !
M. Roland Courteau. Quelle efficacité !
M. Yannick Bodin. Le dispositif que vous nous proposez est absolument inapplicable. C’est un excellent exemple de ce que l’on appelle une usine à gaz, un cas d’école que l’on pourra soumettre aux étudiants, y compris aux étudiants en droit.
Nous, nous sommes pour la suppression des usines à gaz !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote sur l'article.
M. Claude Bérit-Débat. Depuis le début de la discussion, de nombreux arguments contradictoires ont été avancés. On se rend compte une fois de plus que le thème de l’éducation soulève bien des passions et suscite le débat. La question de la lutte contre l’absentéisme scolaire ne fera pas exception à la règle.
Nous sentons tous en effet que notre discussion est particulièrement importante. Elle est même décisive, car ce texte est un véritable révélateur des conceptions que nous avons de l’éducation nationale et des ambitions que nous nourrissons pour elle.
Face à l’importance du sujet, il est donc nécessaire d’appréhender de manière juste et précise les termes du débat.
Pour avoir bien écouté tout ce qui s’est dit à l’instant sur cet article 1er, je suis bien obligé de constater que les présupposés, les ambiguïtés, les amalgames et les raccourcis qui servent de justification à cette proposition loi prévalent, encore et toujours.
Dans ces conditions, je veux revenir à mon tour sur cet article dont je dirai, pour commencer, qu’il montre combien cette loi est une fausse solution à un vrai problème.
Oui, l’absentéisme est un problème que nous devons résoudre. Non, la pénalisation financière des familles n’est pas la bonne solution.
Cette proposition de loi n’est en réalité rien d’autre qu’une étape de plus dans la fuite en avant sécuritaire du Gouvernement. Beaucoup de mes collègues l’ont mis en évidence.
Est-elle pour autant un moyen efficace d’améliorer l’assiduité des élèves ? Absolument pas ! Ce texte ne fait qu’amalgamer violence scolaire et absentéisme. Il ne fait que condamner des parents qui seraient obligatoirement démissionnaires.
En réalité, la proposition de loi fragilise davantage encore des familles qui sont déjà dans une situation économique et sociale difficile, mais elle ne résout rien.
Les comparaisons avec l’étranger son très prisées en cette période de réforme des retraites. Cela a été dit par l’un de mes collègues, mais il est bon de le rappeler : en Angleterre, où l’on est dans une logique similaire depuis 1997, l’absentéisme n’a pas diminué ; il a au contraire progressé, passant de 0,7 % à 1 %.
Cette donnée devrait nous conduire à réfléchir sur le bien-fondé de cette proposition de loi. La loi stigmatise, et cela est insupportable. Je sais bien que le supportable est une notion toute relative et que les capacités d’endurance de chacun varient. Pour autant, exclure la compensation de la perte des allocations familiales du calcul du RSA, c’est infliger une double peine, je n’hésite pas à la dire, à des familles en situation de précarité ! Est-ce tolérable ?
Cet article formalise juridiquement la politique du pilori de votre majorité, monsieur le ministre. Au lieu de criminaliser les élèves, ne pourrait-on pas plutôt essayer de comprendre d’un point de vue pédagogique les causes de l’absentéisme pour mieux y remédier ?
Durcir les rapports entre l’institution scolaire, les élèves et les familles n’a jamais été une solution. Victor Hugo disait qu’ouvrir une école, c’est fermer une prison. Aujourd’hui, on dirait bien que l’école, celle que vous nous proposez à travers ce texte, est plus un tribunal, où l’on sanctionne, où l’on condamne, qu’un lieu où l’on transmet et où l’on instruit.
L’article 1er montre bien la logique de ce texte. En effet, il n’y a rien dans cet article qui s’attaque aux véritables causes du problème. Pourtant, les racines du mal de l’absentéisme, quant à elles, sont bien réelles et se trouvent dans les raisons qui poussent les élèves à ne pas se rendre en classe.
Manquer délibérément un cours, c’est manifester un mal-être vis-à-vis de l’école. Cela a été dit par un certain nombre de mes collègues. Daniel Pennac évoquait ce « chagrin d’école » qu’éprouvent ceux que l’on appelle les cancres. L’élève qui refuse d’aller en cours, lui aussi, a sûrement un chagrin d’école. Cela peut être dû à de multiples raisons, sociales ou pédagogiques, et elles ont été développées avec justesse et talent par Françoise Cartron. Mais, dans tous les cas, ces absences sont un effet et non une cause.
Pourtant, au lieu d’encourager les initiatives qui aident les élèves, cette loi préfère stigmatiser, sanctionner, punir les familles.
On aurait pu s’inspirer de ce qui fonctionne, comme les groupes d’aide à l’insertion scolaire, sociale et professionnelle, au lieu de pénaliser les familles, mais c’est l’inverse qui nous est proposé.
Pour ma part, j’attends de l’école qu’elle sache transmettre le bonheur d’apprendre aux élèves.
Je constate surtout que ce texte s’emploie à punir et que, dans cet article 1er, on se donne beaucoup de mal pour détailler les modalités de la punition. C’est pour cette raison que je voterai contre cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 1er bis
(Non modifié)
Après l’article L. 401-2 du même code, il est inséré un article L. 401-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 401-3. – Dans chaque école et établissement d’enseignement scolaire public, lors de la première inscription d’un élève, le projet d’école ou d’établissement et le règlement intérieur sont présentés aux personnes responsables de l’enfant par le directeur de l’école ou le chef d’établissement au cours d’une réunion ou d’un entretien. » – (Adopté.)
Article additionnel avant l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous demandons, par cet amendement, la suppression de l’article L. 552-3 du code de la sécurité sociale.
En effet, cet article transpose dans le code de la sécurité sociale la mesure de suspension et de suppression des allocations familiales en application de l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles, qui met en place le contrat de responsabilité parentale auquel nous sommes formellement opposés.
De plus, si quelques contrats de responsabilité parentale ont effectivement été signés dans un département, la suppression des allocations familiales, quant à elle, n’a, fort heureusement, jamais trouvé à s’appliquer.
Il semble de bon sens de supprimer cet article, parce qu’il n’est pas appliqué et que, s’il trouvait à être mis en œuvre, il aurait des conséquences désastreuses.
Cet article, introduit par la loi de 2006, ne constitue pas une nouveauté, c’est un véritable retour en arrière, puisque nous sommes ramenés tout simplement en 1966 !
Il fait fi des avancées du débat sur le sujet qui avaient mené, en 2004, à l’abrogation du système de suppression des allocations familiales pour absentéisme scolaire.
Nous disposons, depuis sa première mise en place en 1966, d’analyses et de données concrètes et argumentées qui nous prouvent l’inefficacité d’un tel dispositif.
À cet égard, j’évoquerais à nouveau le rapport Machard, et je déplore que le Gouvernement n’ait pas pris la peine depuis 2003 de consacrer le temps nécessaire aux études préalables à toute rédaction d’une proposition législative.
Je pense notamment à l’article 48 de la loi sur l’égalité des chances, aux termes duquel ce dispositif et ses effets concrets devaient faire l’objet d’une évaluation remise au plus tard le 30 décembre 2007. Pourtant, à ce jour, il n’y a toujours pas de rapport sur ce sujet.
Le caractère inefficace et inéquitable du dispositif, soulevé dès 2003, et la possibilité d’y substituer des mesures réactives et graduées pour responsabiliser et soutenir les familles rendent nécessaire d’abroger de nouveau cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Depuis la loi du 31 mars 2006, les contrats de responsabilité parentale peuvent être signés entre le président du conseil général et les parents, en cas d’absentéisme scolaire, de troubles portés au fonctionnement d’un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l’autorité parentale.
La possibilité de demander la suspension de tout ou partie des allocations est une contrepartie de l’engagement des parents à résoudre sérieusement leurs problèmes éducatifs.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, ministre. Nous avons un vrai désaccord avec Mme Gonthier-Maurin. Nous pensons, nous, qu’il faut responsabiliser les parents, et cela ne vous surprendra pas. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Et l’on ne peut pas tout à la fois nous accuser de prendre, avec cette proposition de loi, des mesures exclusivement répressives, et, parallèlement, proposer de supprimer le contrat de responsabilité parentale, qui est justement un acte préventif consistant à conclure avec les parents un accord comportant des engagements mutuels et à responsabiliser également la collectivité territoriale concernée par l’action sociale, via le conseil général.
Vous comprendrez donc que le Gouvernement émette un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Après l’article L. 552-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 552-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 552-3-1. – En cas de manquement à l’obligation d’assiduité scolaire, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales suspend, sur demande de l’inspecteur d’académie, le versement de la part des allocations familiales due au titre de l’enfant en cause, selon les modalités prévues à l’article L. 131-8 du code de l’éducation. Le rétablissement des allocations familiales s’effectue selon les modalités prévues à ce même article. Les modalités de calcul de la part due au titre de l’enfant en cause sont définies par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Renar, Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 11 rectifié est présenté par Mme Cartron, M. Bodin, Mme Blondin, M. Lagauche, Mmes Lepage et Blandin, MM. Domeizel et Bérit-Débat, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour défendre l’amendement n° 6.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous demandons ici la suppression de l’article 2, qui transpose dans le code de la sécurité sociale la nouvelle compétence de l’inspecteur d’académie en matière de suspension et de suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire.
L’inspecteur d’académie serait en effet amené à saisir le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales, qui aurait pour sa part l’obligation de suspendre la part des allocations dues au titre de l’enfant absent.
Quoi qu’en dise le Gouvernement, cette disposition n’est pas adaptée, nous semble-t-il, à l’objectif.
Les allocations familiales ont été instaurées pour permettre aux familles de vivre tout en faisant face aux charges supplémentaires induites par la naissance d’un nouvel enfant. Elles n’ont aucun autre objectif que celui-là. Il ne s’agit que d’une aide financière, qui assure à chaque famille des moyens supplémentaires pour faire face à certains des coûts que représente l’arrivée du nouvel enfant.
Il n’existe pas de « devoir d’être vigilant et attentif à l’éducation des enfants » auquel serait subordonné le versement de l’allocation, comme on tente de nous le faire croire. Bien au contraire, les allocations familiales sont destinées à couvrir la charge de l’enfant.
Il n’y a pas de lien, et pour cause. Si l’on prend la peine de réfléchir aux conséquences, on comprend aisément qu’elles seront plus sociales que scolaires.
Il est difficile d’imaginer en quoi il serait juste et sensé pour des familles qui sont souvent en difficulté matérielle de se voir sanctionner financièrement par la suppression d’une aide sociale pour une question relevant de l’ordre scolaire.
En revanche, il est aisé de voir en quoi cette suppression d’allocations familiales contribuera à augmenter la misère sociale des familles les plus démunies, entretenant et aggravant les difficultés quotidiennes. Cela a été fort bien mis en évidence par différents collègues.
Engager une véritable lutte contre l’absentéisme signifie se pencher sur le phénomène, mais aussi sur ses causes, pour prendre les mesures adaptées.
Évidemment, cela signifierait prendre le temps nécessaire pour étudier et analyser le problème. Or l’absence d’études ou de rapports publics est éloquente.
Il semble évident, notamment à l’appui du rapport Machard, que la lumière aurait été faite sur l’inefficacité, l’injustice et l’iniquité d’une telle mesure.
Il y aurait aussi sans doute été question du développement de moyens d’accompagnements existants, ce qui s’oppose directement à l’application de la RGPP, avec la réduction des moyens alloués et la diminution drastique du nombre de personnels.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage, pour défendre l’amendement n° 11 rectifié.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, les professionnels de l’éducation s’accordent à dire que l’élément déterminant dans la lutte contre l’absentéisme scolaire réside dans la relation avec le professeur.
Logique empathique, tutorat, travail en réseau, suivi individuel, voilà ce qui fonctionne pour faire renouer un élève avec l’assiduité scolaire, et non la stigmatisation et la culpabilisation par l’argent.
Jamais vous ne restaurerez l’autorité de parents dépassés ou désemparés par le biais de la suspension ou de la suppression des allocations familiales.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Claudine Lepage. L’autorité parentale ne se monnaie pas. Ni le goût de l’école, d’ailleurs ! Vous avez déjà dû faire marche arrière avec la fameuse cagnotte. Après la carotte, vous utilisez maintenant le bâton, qui est tout aussi inefficace !
Nous sommes totalement opposés à cette instrumentalisation de l’argent comme moteur d’une pseudo-responsabilisation.
Votre dispositif répressif, qui ne vise que la seule présence en classe, ignore totalement ce que l’on appelle les « absents cognitifs ». La présence physique ne fait pas la présence aux apprentissages.
Il ignore tout autant les stratégies d’évitement mises en œuvre par les élèves en souffrance à l’école : être présent physiquement dans l’établissement, mais aller le plus souvent possible à l’infirmerie, quand on a évidemment la chance de bénéficier de la présence d’une infirmière dans l’établissement.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Claudine Lepage. Or ces comportements appellent des interrogations essentielles pour qui veut vraiment lutter contre l’échec scolaire.
Comment redonner envie d’apprendre à des élèves qui ne comprennent pas le sens des apprentissages, le sens de ce qui leur est demandé en classe, des élèves pour lesquels la relation à la culture scolaire, voire à la communauté scolaire elle-même, est problématique ?
Avec ces questions, nous touchons au cœur de la problématique de l’absentéisme scolaire. Nous ne réduirons pas le phénomène si nous n’apportons pas un panel de réponses pragmatiques et diversifiées, centrées sur l’acte pédagogique et sur le suivi, par la communauté éducative au sens large, des élèves qui ont le désamour de l’école.
L’ennui à l’école, l’impression de ne pas pouvoir y trouver sa place, tel est le point de départ de l’absentéisme scolaire, auquel peuvent s’ajouter des difficultés familiales de tous ordres.
Vous allez sans doute nous répondre, monsieur le ministre, par votre nouveauté de la rentrée et une énième annonce : le programme Clair. Il s’inscrit dans la continuité des états généraux de la sécurité à l’école et a été présenté comme un outil de lutte contre la violence scolaire. Faut-il donc rappeler qu’il s’adresse aux élèves perturbateurs, et non pas aux décrocheurs ? Là encore, vous êtes dans la stigmatisation.
Tout comme les internats de la réussite ou la nouvelle organisation des rythmes scolaires, ce programme ne s’adressera qu’à une infime minorité d’élèves. Une politique d’expérimentations sur des publics ciblés et très limités ne fait pas une politique éducative d’égalité des chances. Elle accentue même les inégalités, car c’est sur les moyens destinés à la masse des établissements extérieurs à toute expérimentation que sont pris ceux qui sont destinés aux happy few. Sans parler de l’assouplissement de la carte scolaire, qui aboutit à la ghettoïsation des établissements les plus fragiles...
Et, pour prévenir l’échec scolaire, vous nous parlerez sans doute d’un « plan de prévention de l’illettrisme ». Monsieur le ministre, le meilleur plan de prévention de l’illettrisme, et surtout le plus efficace, c’est la préscolarisation à l’école maternelle, tout particulièrement pour les enfants les plus éloignés de la culture scolaire !
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Claudine Lepage. Un vocabulaire étendu et divers est, pour l’enfant, la condition sine qua non d’une bonne entrée dans la lecture. L’école maternelle joue un rôle fondamental dans l’acquisition et la maîtrise de ce vocabulaire.
Monsieur le ministre, vous faites fausse route. L’objectif de notre école républicaine doit être la réussite de tous. Cet objectif de justice sociale, d’émancipation et de promotion collective ne peut être atteint que par une ambitieuse politique éducative de réduction des inégalités.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons la suppression de l’article 2 de cette proposition de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Claude Carle, rapporteur. Ces deux amendements identiques ont pour objet la suppression de l’article 2.
Or, comme vous le savez, l’article 2 est indispensable à la mise en place du dispositif de lutte contre l’absentéisme scolaire soutenu par notre commission.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, ministre. Je rejoins Mme Lepage seulement sur un point, lorsqu’elle fait référence à un panel de solutions pragmatiques et pédagogiques diversifié pour lutter contre l’absentéisme scolaire. Car toute notre politique – je dis bien « toute notre politique » ! – est fondée sur une telle diversification.
Madame la sénatrice, vous réclamez une dimension pédagogique dans l’accompagnement des parents ? C’est précisément pour cela que nous proposons de faire de l’inspecteur d’académie l’interlocuteur des parents d’élèves ! Vous prônez une relation renforcée, entre le professeur et les élèves ? C’est ce que nous faisons avec l’accompagnement personnalisé. Les professeurs vont enseigner à leurs élèves différemment. Ils vont notamment leur inculquer des méthodes de travail afin de les encourager à aller le plus loin possible dans leurs études et, par conséquent, de favoriser l’assiduité scolaire.
Vous comprendrez donc que le Gouvernement demande au Sénat de rejeter ces deux amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 11 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)