Mme Isabelle Debré, vice-présidente de la commission des affaires sociales. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Face à ce constat, le groupe CRC-SPG est convaincu que les mesures que vous proposez ne sont pas suffisantes. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à le penser, puisque le président de la Cour des comptes estime qu’il faudrait réduire de 15 milliards d’euros les niches sociales ! Or, monsieur le ministre, vous vous contentez de proposer une réduction de 10 milliards d’euros, niches sociales et fiscales confondues.
Nous considérons qu’une meilleure répartition des richesses entre travail et capital, combinée au développement de l’emploi qualifié et rémunéré à sa juste valeur, permettra de répondre efficacement à l’enjeu du financement de notre modèle de protection sociale et préservera cet acquis à la fois précieux et libérateur.
En tout état de cause, j’indique d’ores et déjà que nous voterons contre ce projet de loi, mon collègue Guy Fischer vous exposera plus longuement tout à l'heure les raisons de notre opposition en défendant une motion tendant à opposer la question préalable. Quoi qu’il en soit, nous demandons qu’il soit procédé à un vote par scrutin public.
M. le président. Je vous rappelle, ma chère collègue, que le scrutin public est de droit pour le vote des projets de loi organique. Vous avez donc déjà satisfaction.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues : un texte majeur déposé au cœur de l’été, un ordre du jour du Sénat rapidement ajusté, une session extraordinaire, une procédure accélérée... tout laisse à penser qu’il y a urgence ! Et en effet, il y a urgence !
D’abord, il y a urgence sur le plan comptable. L’Agence centrale des organismes de sécurité sociale souffre d’une hypertrophie qui la rend particulièrement vulnérable à toute volatilité des taux d’intérêt sur les marchés financiers et, de ce fait, elle n’a plus guère la possibilité d’accumuler de nouveaux déficits.
Ensuite, il y a urgence sur le plan financier. La situation générale des finances publiques françaises inquiète au plus haut point les investisseurs internationaux, et, après avoir laissé flotter nos comptes pendant plus de cinq ans dans l’insouciance généralisée – M. le rapporteur pour avis en a fait état tout à l'heure –, il nous faut désormais donner des gages de maîtrise.
Ces évidences ne doivent pas masquer les raisons profondes qui vous conduisent aujourd’hui, monsieur le ministre, à proposer à la hâte une potion très amère qui combine reprise de la dette sociale, fiscalité nouvelle et pillage du Fonds de réserve pour les retraites en prévision des déficits futurs de l’assurance vieillesse.
Cette précipitation dans le calendrier et cette dureté dans les choix ne sont ni plus ni moins que le résultat de l’indécision passée et de la passivité des années écoulées. Nous saurons gré à M. le ministre d’assumer avec pragmatisme l’incurie de ses prédécesseurs, …
Mme Isabelle Debré, vice-présidente de la commission des affaires sociales. Vous êtes un peu dur !
M. Bernard Cazeau. … ce qui l’oblige à être un peu « l’homme des hausses d’impôt », pour reprendre son expression, sur laquelle il est d’ailleurs quelque peu revenu !
Nous n’oublierons pas pour autant la surdité permanente du Gouvernement aux recommandations formulées, dans cette enceinte, depuis près d’une décennie, notamment par les élus du groupe socialiste.
Désormais, que va-t-il se passer ? La dette sociale va s’alourdir, les impôts vont augmenter, ainsi que l’ont souligné nos collègues députés, le Fonds de réserve pour les retraites sera…
Mme Nicole Bricq. Siphonné !
M. Bernard Cazeau. … dénaturé !
Tout d’abord, vous créez les conditions d’un allongement de la durée de vie de la CADES. En d’autres termes, vous amorcez l’étalement dans les années à venir du remboursement des dépenses sociales d’hier et d’aujourd’hui.
L’orthodoxie financière veut que l’on s’endette pour investir, et c’est ce que je fais dans mon département. Mais, en France, en matière sociale, voilà neuf ans que nous nous endettons pour assumer des dépenses courantes. Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple de la coûteuse campagne de vaccination contre la grippe A/H1N1, qui sera encore payée par le contribuable de 2025 !
L’allongement de la durée de la vie n’a pas de prix, me direz-vous ! Certes, et c’est une raison supplémentaire pour en supporter le coût en temps réel et cesser d’hypothéquer l’avenir !
Monsieur le rapporteur général, il n’est pas bon d’avoir raison trop tôt, …
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ah !
M. Bernard Cazeau. … mais il est heureux d’avoir raison un jour !
M. Bernard Cazeau. En 2007 à l’occasion de la parution d’un rapport d’information de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, sur l’évaluation de la dette sociale, que nous avons cosigné, nos deux groupes politiques étant parvenus à un consensus, …
Mme Isabelle Debré, vice-présidente de la commission des affaires sociales. Une fois n’est pas coutume !
M. Bernard Cazeau. … nous considérions qu’il était indispensable d’enrayer la mécanique structurelle de l’accumulation des déficits.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je ne le conteste pas !
M. Bernard Cazeau. Le Gouvernement avait alors raillé notre pessimisme – vous aviez feint de ne pas vous en apercevoir – et notre incapacité à comprendre le formidable vent de croissance économique qui attendait le pays et viendrait éponger l’ardoise. La croissance devait revenir, et il ne fallait pas s’inquiéter…
Depuis, c’est l’inverse qui se produit : le niveau annuel moyen du déficit du régime général a été multiplié par deux, car le déficit de crise est venu amplifier le déficit structurel qui caractérise la sécurité sociale depuis huit ans.
Une chose est sûre : avec l’allongement de la durée de vie de la CADES, l’horizon de l’extinction de la dette sociale s’éloigne de nouveau et avec lui, ce qui est grave, la crédibilité de notre système de protection sociale. Et dire, monsieur le ministre, que l’ordonnance de création de la CADES prévoyait initialement l’extinction de celle-ci en 2009 ! Sous peu, nous serons renvoyés à 2025 ! La parole de votre majorité en ressort notoirement affaiblie.
En 2005, la main sur le cœur, vous durcissiez les règles de gestion de la CADES pour prévenir l’allongement de sa durée de vie. Cinq ans plus tard, placé au pied du mur, vous dérogez à vos propres principes !
Il est assez déconcertant de constater que ceux qui, hier encore, prétendaient apporter des limites à l’élargissement incessant des missions de la CADES s’apprêtent aujourd'hui à augmenter de 150 % le montant de la dette qu’elle doit amortir, en ajoutant 130 milliards d’euros aux 90 milliards d’euros actuels.
Distinguons rapidement les deux composantes de cette somme.
La première est une composante réalisée ou en passe de l’être : ce sont les 68 milliards d’euros de déficit cumulé du régime général entre 2009 et 2011, soit une moyenne annuelle de plus de 22 milliards d’euros, le double de la hausse enregistrée au cours de la période antérieure. Voilà la situation calamiteuse dans laquelle nous sommes ! Qu’il semble lointain le temps où les comptes sociaux étaient en équilibre… voilà maintenant près de dix ans, sous le gouvernement de Lionel Jospin !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cela n’a pas duré longtemps !
M. Bernard Cazeau. Mais ce fut au moins le cas pendant deux ans, en 2000 et en 2001 !
La seconde est une composante anticipée : ce sont les 62 milliards d’euros de déficit à venir de la branche vieillesse et du Fonds de solidarité vieillesse sur la période 2011-2018.
Cette prévision résonne d’ailleurs comme l’aveu d’un double échec : celui de la loi Fillon, en 2003, et celui de la future loi Woerth, qui ne résoudra rien à court terme.
Bref, le texte que vous nous soumettez n’est ni plus ni moins que l’acte de condamnation de votre politique de gestion de la sécurité sociale depuis huit ans, politique qui se résume en trois mots : déficit, dette, dérive. À nos yeux, les dispositions que vous vous apprêtez à nous faire voter ne sont rien d’autre qu’une dérobade.
En outre, dans les textes qui nous seront soumis ultérieurement, vous prévoyez d’augmenter les impôts afin de faire face à l’obligation légale d’amortissement des dettes transférées à la CADES. Monsieur le ministre, appelons les choses par leur nom : la réduction de certaines niches fiscales n’est ni plus ni moins qu’une hausse déguisée de certains impôts !
Mme Nicole Bricq. Mais cela ne suffit pas !
M. Bernard Cazeau. Certes, nous n’en contestons pas la nécessité quantitative tant il y a urgence, mais nous nous interrogeons sur la cohérence, les conséquences et la fiabilité d’une telle action.
Parlons d’abord de la cohérence : singulière attitude que celle qui consiste à réduire le rendement de l’assurance vie pour un gouvernement dont le cœur de la politique économique consistait jusqu’alors à promouvoir l’épargne familiale et la constitution de patrimoines individuels pour se protéger des aléas de l’existence ! N’a-t-on pas lu et entendu qu’il fallait accroître le recours aux assurances individuelles en matière de santé, de retraite ou de dépendance ? Où se trouve la logique de vos choix ?
Parlons ensuite des conséquences : les récentes déclarations des assureurs au sujet de la nouvelle taxation des contrats d’assurance complémentaire santé responsables laissent à penser que les assurés paieront l’addition au travers d’une hausse des tarifs, comme l’a souligné Mme Éliane Assassi.
Mme Raymonde Le Texier. Évidemment !
M. Bernard Cazeau. Nous en avons déjà fait l’expérience dans le passé !
Parlons enfin de la fiabilité : de l’avis de nombreux experts, et ainsi que l’ont démontré certains de nos collègues de la majorité, les recettes que vous escomptez ne sont dans leur ensemble pas pérennes. Les deux tiers des prélèvements nouveaux que vous instaurez n’ont pas de rendement garanti au-delà d’un an.
Si l’on veut rester fidèle aux règles de la loi organique, il faut pallier, par d’autres impôts, les carences éventuelles des nouvelles taxes qui sont envisagées. C’est tout le sens de la clause de garantie que M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales a proposé d’inscrire dans la loi, faisant ainsi preuve d’une grande sagesse et d’un sens aigu de l’anticipation, clause de garantie que vous avez d’ailleurs acceptée, monsieur le ministre.
Certains signes ne trompent pas. Devant tant d’incertitudes, pour évoquer ces nouvelles recettes, le directeur de la CADES a préféré parler devant nous de « points de CRDS » plutôt que de milliards d’euros, comme pour mieux marquer le caractère substituable de ces diverses catégories de prélèvements.
Bref, les impôts augmenteront bel et bien, sous une forme ou sous une autre !
Mmes Raymonde Le Texier et Nicole Bricq. Bien sûr !
M. Bernard Cazeau. On s’apprête à mobiliser les actifs et les ressources du Fonds de réserve pour les retraites non pas pour préparer le tournant démographique de 2020, comme cela devait être le cas, mais pour assurer le financement immédiat des déficits de l’assurance vieillesse à compter de 2011.
Quel paradoxe de constater que ce fonds, profitable, mais que vous avez tant décrié, que vous avez contribué à affaiblir depuis 2002, constituera le ballon d’oxygène indispensable à la réalisation de votre projet de réforme des retraites !
Cette main basse sur l’un des actifs publics les mieux gérés n’est rien d’autre qu’une fuite en avant doublée d’une opération politicienne.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Bernard Cazeau. On nous parle de réforme structurelle des retraites, on prétend vouloir solidifier le système, mais on prend prétexte de la conjoncture pour détourner de cet objectif une recette garantie et gagée. C’est à n’y rien comprendre ! La vérité, c’est plutôt qu’il est commode de profiter des économies réalisées depuis 1999 pour traverser la période difficile que nous connaissons.
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Bernard Cazeau. Pour la cigale que vous êtes, la convoitise s’est muée en prédation !
Une fois encore, les générations actives sont trahies par cette invention puisqu’il est question de profiter immédiatement du milliard et demi d’euros de recettes annuelles du Fonds plutôt que de le laisser fructifier en prévision des départs à la retraite de la décennie 2020.
Mme Nicole Bricq. C’est honteux !
M. Bernard Cazeau. Nous reviendrons sans nul doute sur ce coup de force lors du débat sur le projet de loi portant réforme des retraites.
Monsieur le ministre, vous l’aurez compris : nous admettons vos motivations, mais nous n’excusons pas la situation.
Certes, et personne ne le nie, il y a la crise, qui a entraîné un effondrement des recettes. Mais il y a surtout une décennie d’échecs, de rendez-vous manqués, de laxisme budgétaire et d’irresponsabilité que nous ne pouvons passer sous silence et que nous avons d’ailleurs dénoncés lors de l’examen du projet de loi de finances.
Où sont les bénéfices des réformes Mattéi, Douste Blazy, Bertrand et Bachelot en matière d'assurance maladie ? Quels sont les résultats de la réforme des retraites de 2003 ?
La vérité est cruelle mais incontournable : ces politiques nous ont conduits au désastre,…
M. Jean Arthuis. La retraite à 60 ans !
M. Bernard Cazeau. … car elles ont en permanence considéré le déficit comme une porte de sortie, comme une échappatoire.
M. Jean Arthuis. La retraite à 60 ans !
M. Bernard Cazeau. Pour des motifs essentiellement électoraux, elles ont menti aux Français sur le prix véritable de notre système collectif de santé et de retraite.
Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, nous verrons si vous prenez la mesure de la situation et si vous envisagez, enfin, des mesures susceptibles de garantir l'avenir de la protection sociale. Au vu du texte que vous nous soumettez, il semble bien que tel ne sera pas le cas puisque vous vous apprêtez à cacher la poussière sous le tapis ! (M. le rapporteur général s’exclame.)
Une fois encore, nous ne pourrons que regretter que le calendrier électoral l'emporte à la fois sur les grands choix de gestion et sur la responsabilité politique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le rapporteur général de la commission des affaires sociales, M. Alain Vasselle, l'a souligné : l'heure de vérité est arrivée. Il estime en effet à raison qu’ « il importe à la fois plus que jamais de préserver la crédibilité du processus de remboursement de la dette sociale tout en s'interdisant d'en reporter trop massivement le poids sur les générations suivantes ».
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. C'est le cœur du problème. La dégradation exponentielle de nos finances publiques est extrêmement inquiétante. Une crise économique et financière mondiale sans précédent a, du fait de l'augmentation du chômage, considérablement creusé des déficits qui préexistaient sur le plan structurel.
Comme l'a constaté Michel Pébereau dans son rapport sur la dette publique publié en 2005, « le choix de la facilité, depuis 25 ans, est la principale explication du niveau très préoccupant de notre dette publique. […] Le travers collectif [est] d’interpeller l'État pour apporter une réponse financière à chaque difficulté », ce qui conduit à une accumulation déraisonnable des dépenses.
La gestion de la dette sociale est un sujet très technique et complexe, mais également éminemment politique. La dette sociale est une « composante dynamique de la dette publique », comme le souligne à juste titre M. Jean-Jacques Jégou, et ce dynamisme est très inquiétant. En 1999, la dette sociale représentait 5,6% de la dette publique, soit 45,3 milliards d’euros rapportés à une dette de 804,6 milliards d’euros. Ce taux est passé à 10,5% en 2009, soit 155,8 milliards d’euros rapportés à une dette de 1 489 milliards d’euros.
La question sera traitée dans quatre textes différents : le présent projet de loi organique, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le projet de loi de finances et, pour partie, le projet de loi portant réforme des retraites.
Ce projet de loi organique, qui revêt donc une certaine solennité, est examiné en urgence, aujourd’hui procédure accélérée, mais aussi, je le crains, avec une urgence qui confine à la précipitation. Je ne pendrai qu’un exemple : la commission a procédé le matin à l’audition des personnes compétentes et, l’après-midi même, à l’examen du rapport !
M. Guy Fischer. C’est exact !
M. Aymeri de Montesquiou. C'est tout à fait anormal, surtout lorsqu’il s’agit de questions qui ont une telle incidence sur les finances publiques.
Le Gouvernement a identifié trois composantes de la dette – la dette de crise, la dette structurelle et les déficits d'assurance vieillesse – et il apporte une réponse différente pour chaque composante.
En définitive, ce projet de loi n'est organique que parce qu’il vise à lever le verrou qui interdisait d’allonger l’existence de la CADES, créée en 1996, et dont le mandat devait expirer en 2009.
L'article 1er du texte prévoit un allongement de la durée de vie de la CADES de quatre ans, de 2021 à 2025, afin de résorber la dette de crise, estimée à 34 milliards d'euros. Je souhaite que la clause de retour à bonne fortune proposée par M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales entre en vigueur.
Pour répondre à la dette structurelle, le Gouvernement prévoit des ressources nouvelles dégagées par la suppression de certaines niches fiscales et sociales et par la taxation des compagnies d'assurances. Ces ressources devraient également s’élever à 34 milliards d'euros. Toutefois, ce panier étant constitué en partie de recettes ponctuelles et de recettes « à un coup », nous ne pouvons éluder la question de la pérennité des ressources.
Enfin, pour financer les déficits de l'assurance vieillesse, on mobilise le Fonds de réserve pour les retraites avant même sa création, ce qui me paraît pour le moins aléatoire.
Toutes ces mesures sont dispersées dans plusieurs textes budgétaires, dont les plus importants n'ont pas encore été élaborés, ce qui rend très difficile une vision globale de la réforme.
L’augmentation de la CRDS constituerait quant à elle une solution pérenne et qui nous permettrait de faire face au remboursement d'une dette sociale qui est de notre fait, et dont nos enfants ne sont pas responsables. C'est la solution que préconise M. Alain Vasselle depuis maintenant plusieurs années, et j’y suis favorable, …
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Merci !
M. Aymeri de Montesquiou. …car tôt ou tard, il faudra faire face à la réalité et, malheureusement, augmenter les prélèvements obligatoires pour réduire notre dette.
En ce qui concerne la méthode, il faut supprimer le recours à l'ACOSS, qui a pour mission de financer les découverts de trésorerie et non d'amortir la dette accumulée, cette dernière mission relevant de la CADES.
En conclusion, comme je l’ai souvent indiqué du haut de cette tribune, il faut dire la vérité aux Français ! La crise mondiale a fait enfin prendre conscience à nos concitoyens, et à certains parlementaires, de la gravité de la situation de nos finances publiques et de l’urgence d’y remédier afin de ne pas faire porter la charge de nos dettes aux prochaines générations.
Je partage là encore l'analyse de Michel Pébereau qui considère que seule une large information de l'opinion publique pourrait mettre fin à la mauvaise habitude d’interpeller l'État dans l’espoir d’obtenir un secours financier, et faire enfin prévaloir l'intérêt général.
Bien que regrettant la disharmonie de la solution proposée et souhaitant une vision globale et cohérente de la résorption de notre dette publique, je ne peux, malgré tout, que soutenir un texte qui vise à réduire notre dette sociale devenue abyssale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. Je demande aux orateurs qui ne sont pas encore intervenus dans la discussion générale de bien vouloir m’excuser, mais je dois participer – je les avais informés de cette obligation – à une importante réunion d’arbitrage. Je ne pourrai donc ni entendre leur propos ni, a fortiori, leur répondre en personne. M. Henri de Raincourt se chargera d’apporter des éléments de réponse à leurs interventions.
M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales m’a demandé de lui expliquer comment le Fonds de réserve pour les retraites pourra reprendre une dette de 62 milliards d’euros par deux transferts en provenance du FRR : 2,1 milliards d’euros d’un côté et 1,5 milliard d’euros de l’autre.
Ce projet n’est pas « l’enfant trouvé » de la résorption de la dette sociale. Avant d’être validé, il a été examiné par le directeur et par le conseil d’administration de la CADES : il n’y a aucun tour de passe-passe.
D’un point de vue technique, il sera procédé à un transfert annuel de 2,1 milliards d’euros du FRR vers la CADES jusqu’en 2024, pour un montant d’une trentaine de milliards d’euros. Par ailleurs, un prélèvement de 1,5 milliard d’euros sur le patrimoine du FRR sera également affecté à la CADES chaque année, pour un peu plus de 20 milliards d’euros. Les 62 milliards d’euros dus au titre de la dette sur les retraites seront repris en sept ans, ce qui, du point de vue de la règle organique, correspond à un versement de 54 milliards d’euros fait aujourd’hui. Il ne s’agit donc pas, monsieur Cazeau, de cacher la poussière sous le tapis !
M. Guy Fischer. Oh !
M. François Baroin, ministre. En termes de méthode, je ne vois pas comment j’aurais pu travailler dans une plus grande transparence avec la représentation nationale, qu’il s’agisse de la définition de nos travaux communs au sein de la commission de la dette sociale, de la fixation du calendrier partagé ou de la rédaction de l’exposé des objectifs. Toutes les informations ont été transmises sous forme « scripturale », comme certains d’entre vous l’ont rappelé non sans malice. Néanmoins, cette responsabilité collective nous appartient.
M. Vasselle regrette le caractère « court-termiste », si je puis m’exprimer ainsi, du financement de la CADES. Je ne partage pas cette analyse. Garantir pour 2011 et 2012 les éléments qui permettent à la CADES de résorber la dette de crise ne ressemble en rien à une politique de court-terme. C’est au contraire tirer un trait sur une période douloureuse, qui a laissé des cicatrices dans nos finances publiques, en particulier dans nos comptes sociaux. Il s’agit donc d’une perspective au long cours qui nous permettra, en quelques années, d’absorber les deux exercices déficitaires exceptionnels, au sens fort du terme, qui ont provoqué l’effondrement des recettes de la CADES.
Par ailleurs, nous poursuivons la politique de réduction des niches fiscales. On reproche souvent au Gouvernement son manque de sincérité lorsqu’il prétend ne pas augmenter les impôts alors que, dans le même temps, il réduit de 10 milliards d’euros les allègements fiscaux consentis au titre des niches sociales.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer, et je continuerai à le faire dans les semaines à venir, je considère qu’il y a une grande différence entre une augmentation des impôts et une réduction des avantages fiscaux. Cette inversion des valeurs est curieuse. Certains considèrent que l’État devrait garantir pour l’éternité des exonérations qui constituent pourtant une dépense pour lui, même si elle prend une forme fiscale, différente de l’octroi d’une subvention ou d’une intervention.
Il faut reconnaître que nous avons parfois « arrosé le sable », mal maîtrisé le développement de ce qui devient des guichets et coûte des milliards d’euros. Tous les secteurs doivent être revisités à l’aune de la nouvelle trajectoire prise en matière de finances publiques, des stigmates budgétaires dus à la crise et de l’objectif intangible de réduire de deux points notre déficit dès l’année prochaine. Cela devrait nous permettre de revenir en 2013 au niveau de déficit que nous connaissions avant la crise. Il faut d’ailleurs inscrire cette trajectoire dans la durée, nous projeter au-delà de 2013 et nous fixer un objectif d’équilibre budgétaire.
La semaine dernière, j’ai rencontré mes homologues allemand et britannique et force est de constater que nous sommes désormais tous engagés dans une logique d’équilibre budgétaire. Des choix sont donc nécessaires. C’est pourquoi le Gouvernement propose aujourd’hui au Sénat d’assurer le financement de la CADES, et à l’Assemblée nationale d’en faire autant en matière de retraites. Dans quelque temps, il reviendra devant vous avec le projet de loi de programmation des finances publiques, avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale et avec le projet de loi de finances pour 2011. Ensuite, nous complèterons le dispositif. Je souhaite bien évidemment que nous continuions à travailler avec assiduité à la réduction des niches fiscales.
Avec quelque 130 milliards d’euros de dette reprise par la CADES – principalement 75 milliards d’euros d’un côté et 45 milliards d’euros de l’autre –, et compte tenu des perspectives, le Gouvernement peut ne pas opter pour une augmentation des impôts. Nous souhaitons prendre appui sur la réduction des niches fiscales, qui étaient perçues comme des acquis sociaux ou fiscaux alors qu’elles ne constituent que des exonérations temporaires visant à « booster » tel secteur économique particulier. Il n’est pas question, je le répète, d’augmenter les prélèvements.
Je suis persuadé qu’une augmentation de la CRDS aurait pu faire l’objet d’un consensus, tant Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Mais le Gouvernement ne fait pas ce choix. D’autres solutions vous seront proposées afin d’atteindre l’objectif, partagé, de résorption de la dette sociale.
M. Jean-Jacques Jégou m’a interrogé sur la question de la couverture maladie complémentaire et de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance. Les organismes de protection complémentaire sont en bonne santé financière. Les compagnies d’assurance devraient être en mesure d’assumer la contribution supplémentaire qui leur sera demandée. Les avantages fiscaux sont réduits, certes, mais ils subsistent. Malgré le contexte de sortie de crise, je suis persuadé que les assureurs pourront s’inscrire dans une logique de partage des responsabilités en accompagnant l’amélioration de la situation des finances publiques.
Le Gouvernement, je n’ai de cesse de le répéter, a choisi de ne pas augmenter les impôts. Il est possible que les prestataires d’assurance s’inscrivent dans une logique inverse. Je considère qu’il existe une grande différence entre un contribuable et un usager du service public, entre un administré et un attributaire de prestations de service public…
M. Guy Fischer. C’est évident !
M. François Baroin, ministre. … une grande différence aussi entre ce qui relève de l’accompagnement de démarches privées et de choix d’intérêt général. Nous ne parviendrons sans doute jamais à nous accorder sur ce sujet, ni sur le plan local, ni à l’échelon national.
Vous faites le choix de la facilité en proposant de recourir au levier fiscal pour réduire les déficits en matière de retraite et pour financer la CADES.
Pour notre part, nous choisissons un chemin plus exigeant, plus rigoureux et méthodique, plus précis et adapté à l’évolution de la situation. Il convient en effet de travailler d’abord et avant tout sur la dépense. Ensuite, le système économique lui-même s’organisera.
Concernant les réserves de capitalisation, monsieur Jégou, les échanges techniques sont en cours entre les services de l’État et les assureurs. Bien évidemment, une adaptation aux nouvelles contraintes de Solvabilité II interviendra, contraintes que vous avez évoquées à juste titre concernant l’évolution du système de protection faisant l’objet d’un consensus européen.
Monsieur Cazeau, je vous ai écouté avec attention. Les sourires que vous avez pu apercevoir sur le banc du Gouvernement ne résultaient pas directement de vos propos. Ils provenaient simplement de la constatation que j’avais déjà faite tout à l’heure de la facilité avec laquelle vous vous laissez entraîner – permettez-moi de vous le dire avec tout le respect que je vous dois – à une certaine démagogie. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Selon vous, le Gouvernement, qu’il s’agisse des retraites, de la CADES ou de la loi de finances ne présenterait que des projets non cohérents avec l’évolution de nos finances publiques.