Article 22
Dossier législatif : projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Articles additionnels après l'article 23

Article 23

(Non modifié)

I. – Après la section 6 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré une section 6 bis ainsi rédigée :

« Section 6 bis

« De la captation des données informatiques

« Art. 706-102-1. – Lorsque les nécessités de l’information concernant un crime ou un délit entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 l’exigent, le juge d’instruction peut, après avis du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire commis sur commission rogatoire à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, d’accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, les conserver et les transmettre, telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données ou telles qu’il les y introduit par saisie de caractères. Ces opérations sont effectuées sous l’autorité et le contrôle du juge d’instruction.

« Art. 706-102-2. – À peine de nullité, les décisions du juge d’instruction prises en application de l’article 706-102-1 précisent l’infraction qui motive le recours à ces opérations, la localisation exacte ou la description détaillée des systèmes de traitement automatisé de données ainsi que la durée des opérations.

« Art. 706-102-3. – Les décisions mentionnées à l’article 706-102-2 sont prises pour une durée maximale de quatre mois. Si les nécessités de l’instruction l’exigent, l’opération de captation des données informatiques peut, à titre exceptionnel et dans les mêmes conditions de forme, faire l’objet d’une prolongation supplémentaire de quatre mois.

« Le juge d’instruction peut, à tout moment, ordonner l’interruption de l’opération.

« Art. 706-102-4. – Les opérations prévues à la présente section ne peuvent, à peine de nullité, avoir un autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans les décisions du juge d’instruction.

« Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans ces décisions ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

« Art. 706-102-5. – En vue de mettre en place le dispositif technique mentionné à l’article 706-102-1, le juge d’instruction peut autoriser l’introduction dans un véhicule ou dans un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l’article 59, à l’insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l’occupant des lieux ou de toute personne titulaire d’un droit sur celui-ci. S’il s’agit d’un lieu d’habitation et que l’opération doit intervenir hors des heures prévues à l’article 59, cette autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le juge d’instruction. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d’autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous l’autorité et le contrôle du juge d’instruction. Les dispositions du présent alinéa sont également applicables aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique ayant été mis en place.

« En vue de mettre en place le dispositif technique mentionné à l’article 706-102-1, le juge d’instruction peut également autoriser la transmission par un réseau de communications électroniques de ce dispositif. Ces opérations sont effectuées sous l’autorité et le contrôle du juge d’instruction. Le présent alinéa est également applicable aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique ayant été mis en place.

« La mise en place du dispositif technique mentionné à l’article 706-102-1 ne peut concerner les systèmes automatisés de traitement des données se trouvant dans les lieux visés aux articles 56-1, 56-2 et 56-3 ni être réalisée dans le véhicule, le bureau ou le domicile des personnes visées à l’article 100-7.

« Art. 706-102-6. – Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui peut requérir tout agent qualifié d’un service, d’une unité ou d’un organisme placé sous l’autorité ou la tutelle du ministre de l’intérieur ou du ministre de la défense et dont la liste est fixée par décret, en vue de procéder à l’installation des dispositifs techniques mentionnés à l’article 706-102-1.

« Art. 706-102-7. – Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui dresse procès-verbal de chacune des opérations de mise en place du dispositif technique mentionné à l’article 706-102-1 et des opérations de captation des données informatiques. Ce procès-verbal mentionne la date et l’heure auxquelles l’opération a commencé et celles auxquelles elle s’est terminée.

« Les enregistrements des données informatiques sont placés sous scellés fermés.

« Art. 706-102-8. – Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis par lui décrit ou transcrit, dans un procès-verbal qui est versé au dossier, les données qui sont utiles à la manifestation de la vérité. Aucune séquence relative à la vie privée étrangère aux infractions visées dans les décisions autorisant la mesure ne peut être conservée dans le dossier de la procédure.

« Les données en langue étrangère sont transcrites en français avec l’assistance d’un interprète requis à cette fin.

« Art. 706-102-9. – Les enregistrements des données informatiques sont détruits, à la diligence du procureur de la République ou du procureur général, à l’expiration du délai de prescription de l’action publique.

« Il est dressé procès-verbal de l’opération de destruction. »

II. – L’article 226-3 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « d’appareils », sont insérés les mots : « ou de dispositifs techniques » et les mots : « l’infraction prévue par le deuxième alinéa de l’article 226-15 » sont remplacés par les mots : « les infractions prévues par le second alinéa de l’article 226-15 et par l’article 323-1 » ;

2° Au deuxième alinéa, après les mots : « d’un appareil », sont insérés les mots : « ou d’un dispositif technique » et la référence : « et le second alinéa de l’article 226-15 » est remplacée par les références : «, le second alinéa de l’article 226-15 et l’article 323-1 ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 49 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 108 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 49.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, le projet de loi autorise la captation, sans le consentement de l’intéressé, de données informatiques « telles qu’elles s’affichent sur un écran pour l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données ou telles qu’il les y introduit par saisie de caractères ».

Les parlementaires Verts, au nom desquels je m’exprime, s’opposent à cette « cyber-perquisition », eu égard à son caractère attentatoire aux libertés. Le caractère particulièrement intrusif de ce dispositif ne nous semble pas du tout conforme aux principes de proportionnalité et de respect du droit à la vie privée.

En premier lieu, aucune information n’est fournie en ce qui concerne le type de matériel qui sera utilisé pour la captation des données. Aucune mention n’est faite d’ailleurs d’une quelconque autorisation ministérielle de ces dispositifs, pourtant prévue par l’article 226-3 du code pénal qui encadre très strictement la fabrication et la commercialisation de ce type de matériel.

Dans sa délibération n° 2009-200 du 16 avril 2009 portant sur le projet de loi LOPPSI 2, la CNIL a pointé du doigt cette carence, en proposant des modifications du texte de l’article 23. Ses recommandations n’ont, sur ce point, pas fait l’objet de réponse, et n’ont d’ailleurs pas été prises en compte par le Gouvernement, ce qui est regrettable. Je souhaite que M. le ministre nous apporte des précisions sur ce sujet.

En deuxième lieu, la question se pose des modalités permettant de garantir l’intégrité des données captées lors de leur transmission vers les agents habilités à les recevoir. Là encore, on nous explique qu’une étude spécifique sera menée pour garantir l’intégrité des informations, sans aucune autre précision.

Enfin, en troisième lieu, et c’est là une question majeure, aucun dispositif de traçabilité n’est prévu.

Rien ne restreint ces outils, ce qui peut conduire à des abus ou à des détournements, comme l’utilisation à des fins personnelles ou l’installation sur plusieurs ordinateurs en même temps.

Il aurait pourtant été simple de prévoir un système qui renseigne précisément quand et par qui le dispositif a été installé sur un ordinateur. Mais tout est renvoyé à un décret, sans autre précision.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer ce dispositif, qui relève presque de la science-fiction sécuritaire et qui ne comporte pas toutes les garanties de protection de la vie privée des personnes soumises à ce contrôle.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l'amendement n° 108.

Mme Marie-Agnès Labarre. Actuellement, seules les images ou les sons peuvent faire l’objet d’une captation à l’insu des personnes concernées.

Les évolutions technologiques et la nécessité d’améliorer l’efficacité de la lutte contre la criminalité organisée vous ont conduits à trouver un fondement juridique à la possibilité de capter des données informatiques à distance.

Nous comprenons tout à fait la nécessité d’une adaptation des moyens aux nouvelles formes de délinquance. Mais nous connaissons aussi l’obsession du tout-sécuritaire qui anime votre politique en la matière et les dérives, dénoncées sur quelques bancs de la majorité, qu’elle peut parfois entraîner.

Sans céder à la paranoïa « orwellienne » de certains, nous sommes cependant très réticents quant à l’utilisation de ces « chevaux de Troie » informatiques par votre gouvernement.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés avait d’ailleurs émis l’an dernier de fortes réserves sur ce type de dispositifs. La perspective que le ministère de l’intérieur puisse, à partir des soupçons tirés de fichiers approximatifs, espionner, par exemple, des courriels ou se servir d’opinions exposées sur des forums de discussion, nous inquiète fortement.

La reconnaissance légale de ces logiciels-espions, qui ne connaissent pas de frontières, mais qui sont, par ailleurs, bien connus des pirates informatiques et de certaines officines de renseignement privées, nous paraît donc extrêmement dangereuse.

Ces intrusions policières dans les ordinateurs ne pourront, certes, s’opérer que sous le contrôle d’un juge. Mais qu’en sera-t-il de ce garde-fou lorsque la réforme de la procédure pénale aura abouti à la suppression du juge d’instruction ?

Nous ne voulons pas prendre le risque d’une régression des libertés individuelles sous couvert de lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée. C’est la raison pour laquelle nous appliquerons le principe de précaution en vous proposant la suppression pure et simple de ce dispositif technique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’article 23 tend à compléter le code de procédure pénale afin de permettre, dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, la captation à distance de données informatiques.

Actuellement, seules les images ou les sons peuvent, à l’insu des personnes concernées, faire l’objet d’une captation. Ces dispositions se révèlent insuffisantes au regard d’une double évolution : d’abord, de l’utilisation croissante de certains périphériques tels que les clés USB ou les CD-Rom afin de ne laisser aucune information dans l’ordinateur ; ensuite, du recours à ces supports physiques à partir d’ordinateurs mis à disposition dans les cybercafés ou d’autres lieux, publics ou privés.

La captation en temps réel des données informatiques pourrait contribuer à surmonter certaines de ces difficultés.

La commission des lois a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. En écoutant les auteurs de ces amendements, je crois rêver ! Franchement de quoi parle-t-on ? D’un moyen de lutter contre les réseaux de terrorisme ou de criminalité organisée. Il ne s’agit pas de flécher les enfants de chœur ! Nous débattons d’un sujet majeur, qui concerne une matière extrêmement dangereuse.

Je ne vous reproche pas vos propos : vous êtes dans la cohérence de vos positions et de vos discours.

L’objet de cet article 23, très simple, est de faire face à des délinquants très au fait de l’évolution des technologies, qui utilisent des moyens de communication très modernes pour préparer des infractions. Ils utilisent des clés USB, des CD-ROM, ils fréquentent des cyber cafés, etc.

Dans l’état actuel du droit, il n’est pas possible de capter des données informatiques tapées sur un ordinateur avant qu’elles ne soient diffusées ou cryptées, ce qui rend naturellement plus difficile, plus long et plus incertain le démantèlement de ces groupes criminels.

Mon objectif, c’est de donner aux enquêteurs la possibilité juridique dont ils sont aujourd’hui dépourvus d’utiliser les moyens techniques déjà existants de capter en temps réel des données informatiques qui sont utilisées ou saisies sur un ordinateur, mais qui ne sont pas encore diffusées.

Je rappelle que tout cela doit se faire naturellement sous le contrôle constant de l’autorité judiciaire, ce qui constitue une garantie supplémentaire. Franchement, nous sommes loin d’une perspective liberticide !

Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements identiques nos 49 et 108.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49 et 108.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 152, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

application

insérer les références :

des 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 10° et 11° 

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Je défendrai en même temps les amendements nos 152 et 153.

Les moyens d’investigation exceptionnels dans le domaine de l’informatique mis à la disposition des enquêteurs par le projet de loi sont particulièrement intrusifs et attentatoires aux libertés individuelles. Nous persistons à le dire !

Nous estimons donc que la mise à disposition de ces moyens ne peut se justifier que s’ils ont pour objet de mettre un terme à des infractions d’une exceptionnelle gravité. C’est à cette seule condition qu’est possible la conciliation nécessaire entre les exigences constitutionnelles telles que le respect de la vie privée et la prévention d’atteintes à l’ordre public et la recherche d’auteurs d’infractions. Ainsi en a conclu le Conseil constitutionnel dans une décision du 25 février 2010.

La nouvelle rédaction de l’alinéa  4 que nous proposons entend donc réserver les moyens d’investigation prévus aux informations concernant les crimes et délits les plus graves visés par l’article 706-73 du code de procédure pénale en excluant qu’on puisse y recourir, par exemple, s’agissant d’informations concernant des vols ou dégradations commis en bande organisée ou encore les délits d’aide à l’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger en France commis en bande organisée, ce qui est d’ailleurs conforme à l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH.

Nous proposons également la suppression de l’alinéa  9, qui ouvre la porte à l’occurrence de nouvelles dérives. Le fait que la captation de données informatiques révélant des infractions autres que celles qui sont visées dans la décision du juge d’instruction ayant motivé le recours à cette technique n’entraîne pas la nullité des procédures incidentes est contraire au principe de la saisine in rem du juge d’instruction. Dans une procédure accusatoire, le juge est avant tout saisi de faits matériels. Il ne peut instruire que sur ces faits et sa décision doit reposer sur l’analyse de ces mêmes faits. La règle vaut aussi bien pour les juridictions d’instruction que pour les juridictions de jugement.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons de voter ces amendements dont l’objet est de s’assurer du respect de principes généraux du droit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à limiter le champ des infractions concernées par la captation des données informatiques. Il semble toutefois cohérent, comme le prévoit le projet de loi, d’aligner ce champ sur celui qui est visé par la sonorisation et la fixation d’images de certains lieux ou véhicules, à savoir les crimes et délits relevant de la criminalité organisée mentionnée par l’article 706-73 du code de procédure pénale.

L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 336 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Remplacer les mots :

de quatre mois

par les mots :

d'un mois

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, vous avez raison de vouloir donner au juge d’instruction les moyens de se lancer dans la captation de ces données. Il vaut mieux que cela se fasse sous le contrôle du juge d’instruction plutôt que de laisser faire n’importe qui, n’importe comment ! Et l’histoire de la République en matière d’écoutes téléphoniques a été très instructive à cet égard, sous tous les régimes !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est la raison pour laquelle il y a des textes de plus en plus rigoureux !

M. Jacques Mézard. Il vaut donc mieux que cela ait lieu sous le contrôle du juge d’instruction, à supposer que l’existence de ce dernier soit pérennisée ! Mais c’est un autre débat !

Cela dit, nous considérons qu’il est préférable de raccourcir le délai de captation de quatre mois à un mois, avec possibilité de renouvellement d’un mois. Une instruction doit, en effet, être réalisée dans des délais. En la matière, puisqu’on peut intervenir tout de suite, un mois nous semble largement suffisant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Le régime juridique des captations doit être rapproché non de celui des interceptions téléphoniques mais de celui, introduit par la loi Perben 2, de sonorisation et de fixation d’images. Lui aussi retient un délai de quatre mois, aux termes de l’article 706-98 du code de procédure pénale. Cela paraît cohérent avec les textes déjà en vigueur en ce domaine.

L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 336 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 153 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 337 rectifié est présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Vall et Tropeano.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

L’amendement n° 153 a déjà été défendu.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour défendre l’amendement n° 337 rectifié.

M. Jacques Mézard. Nous proposons la suppression de l’alinéa 9. Il s’agit, pour nous, d’éviter un détournement du dispositif, qui pourrait être utilisé à l’encontre d’auteurs d’infractions n’entrant pas dans son champ d’application. Nous considérons qu’un tel détournement doit pouvoir être sanctionné par les nullités prévues à l’article 802 du code de procédure pénale.

En effet, le premier alinéa de l’article 23 limite le champ d’application de la captation des données informatiques aux seules infractions liées à la criminalité organisée telles qu’elles sont énumérées à l’article 706-73 du code de procédure pénale. Et la liste est quand même très longue !

Mais l’alinéa 9 de l’article  23 permet, en ne sanctionnant pas de nullité les procédures incidentes, d’utiliser cette mesure d’instruction à l’encontre d’infractions non visées par la décision du juge d’instruction.

Nous considérons qu’il y a lieu de supprimer cet alinéa afin d’éviter tout détournement du dispositif. Nous ne remettons en cause ni le principe de la captation ni l’utilisation de moyens techniques. Il s’agit, pour nous, d’assurer une protection conforme aux garanties normales que doit avoir le citoyen.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ces amendements visent à supprimer la précision figurant dans le projet de loi selon laquelle si la captation révèle des infractions autres que celles pour lesquelles elle a été décidée, cette circonstance ne constitue pas une cause de nullité de la procédure.

Mais il s’agit, et vous le savez bien, monsieur Mézard, d’une disposition classique de procédure pénale ! Il n’y aurait détournement de procédure donnant lieu à sanction que si ce dispositif était délibérément utilisé pour des infractions n’entrant pas dans le champ fixé par le législateur.

L’avis de la commission est défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. J’ai bien compris votre démarche, monsieur Mézard, mais elle suscite un problème de cohérence !

Je vous citerai un exemple simple. Imaginons qu’une procédure soit engagée dans le cadre de la lutte contre un réseau de criminalité et qu’on découvre ensuite, à l’occasion de l’enquête, un autre fait. À suivre votre raisonnement, on s’interdirait de poursuivre l’autre fait. Vous voyez la faille de votre raisonnement !

Je vous rappelle simultanément que l’article 40 du code de procédure pénale prévoit que tout fonctionnaire qui a connaissance, dans l’exercice de ses fonctions d’un crime ou d’un délit, doit en informer l’autorité judiciaire.

Je rappelle cela pour souligner le manque de cohérence de votre proposition et expliquer que j’émette, au nom du Gouvernement, un avis totalement défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. En la matière, la cohérence peut valoir aussi bien en sens inverse ! Ainsi, vous venez d’illustrer qu’on peut utiliser le texte pour aller chercher autre chose ! Cela s’est déjà produit très souvent, et vous le savez comme moi !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Je vous rappelle, monsieur Mézard, que ce dispositif vaut déjà, par exemple, dans le cas de perquisitions.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est classique ! Mais M. Mézard est contre ce qui existe déjà !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 153 et 337 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 154, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10, première phrase :

Supprimer les mots :

, y compris hors des heures prévues à l'article 59

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La disposition qui ouvre la possibilité de pénétrer n’importe quand chez les personnes faisant l’objet d’une information judiciaire contrevient au principe de proportionnalité et de respect de la vie privée. Conformément au principe de proportionnalité, le juge ne doit prendre que les mesures qui sont strictement nécessaires pour maintenir ou rétablir l’ordre public.

Le droit au respect de la vie privée repose sur le principe selon lequel tout individu a droit à une vie privée qu’il peut soustraire au regard d’autrui. Cette liberté a de tout temps été fragile et menacée – on connaît les abus – mais elle l’est aujourd’hui plus que jamais face à la surmédiatisation de certaines affaires et au développement de nouvelles techniques d’investigation toujours plus performantes et musclées.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de ce membre de phrase.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement vise à écarter la possibilité de procéder à une captation hors des heures prévues à l’article 59 du code de procédure pénale, à savoir entre vingt et une heures et six heures, ce qui risquerait d’encourager les criminels à ne se livrer à leurs opérations informatiques que la nuit…

Je rappelle que la dérogation prévue à l’alinéa 10 de l’article 23 existe déjà pour la sonorisation et la fixation d’images. La comparaison avec l’article 59 n’est donc pas pertinente.

En outre, l’autorisation est donnée par le juge des libertés et de la détention.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 338 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Rédiger ainsi cet alinéa :

Seuls les enregistrements des données informatiques utiles à la manifestation de la vérité sont placés sous scellés fermés.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 15 de l’article 23 prévoit que « les enregistrements des données informatiques sont placés sous scellés fermés ».

Afin de garantir le respect de la vie privée des personnes faisant l'objet de telles mesures d'instruction, il est souhaitable que toutes les données d'ordre purement privé qui n'ont aucun lien avec la manifestation de la vérité ne soient pas conservées dans le dossier de procédure, d’où la nouvelle rédaction proposée pour cet alinéa 15.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement prévoit que seuls les enregistrements des données informatiques utiles à la manifestation de la vérité sont placés sous scellés fermés.

Il apparaît cependant difficile, et même pratiquement impossible – les enregistrements ne se décryptent pas comme des papiers ! –, de faire a priori la distinction entre ce qui serait d’ordre purement privé et ce qui concernerait la procédure.

D’ailleurs, le dispositif actuel concernant la sonorisation et la fixation d’image, sur lequel nous nous sommes « calés », ne retient pas une telle distinction.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Votre proposition, monsieur Mézard, revient en réalité à instituer un tri au fur et à mesure de la procédure.

Or, s’il y a un tri, les autres parties pourront – assez légitimement, à mon avis – arguer du fait qu’ils ne disposent que d’éléments tronqués.

C'est la raison pour laquelle je ne peux être d’accord avec vous sur ce sujet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 338 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 339 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 16, seconde phrase

Supprimer les mots :

dans le dossier de la procédure

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Cet amendement va me permettre de répondre aux dernières observations de M. le ministre.

L’alinéa 16, sur lequel il porte, est en effet ainsi rédigé : « Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire commis par lui décrit ou transcrit, dans un procès-verbal qui est versé au dossier, les données qui sont utiles à la manifestation de la vérité. Aucune séquence relative à la vie privée étrangère aux infractions visées dans les décisions autorisant la mesure ne peut être conservée dans le dossier de la procédure. »

Vous avez là la démonstration, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, qu’il est possible de distinguer les données utiles à la manifestation de la vérité des autres !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Une fois que les enregistrements ont été décryptés, mais qu’en fait-on avant ?

M. Jacques Mézard. Justement, on ne les utilise pas !

Il s’agit là d’éléments importants qui, à l’évidence, seront à l’origine de nombreux incidents de procédure à l’avenir !

J’en viens à l'amendement n° 339, qui se situe dans la continuité du précédent et tend à garantir le respect de la vie privée puisqu’il prévoit qu’aucune donnée relative à la vie privée étrangère à la manifestation de la vérité ne peut être conservée ni dans le dossier de la procédure ni ailleurs. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression des mots « dans le dossier de la procédure », proposition dont plusieurs de nos débats à propos de divers fichiers confirment le bien-fondé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. M. Mézard faisant montre d’une belle persévérance, je m’en tiens aux mêmes observations que pour les amendements précédents et émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. J’ai le regret de dire à M. Mézard, qui, décidément, se déchaîne (Sourires), que j’ai le même avis que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 339 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 340 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 18

Rédiger ainsi cet alinéa :

Les enregistrements de données informatiques utiles à la manifestation de la vérité sont détruits, à la diligence du procureur de la République, du procureur général ou de la personne intéressée, à l'expiration du délai de prescription de l'action publique. Les autres sont détruits dans les plus brefs délais.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Mon « déchaînement » se poursuit puisque cet amendement tend à proposer, là encore pour garantir le respect de la vie privée des personnes concernées par les captations de données informatiques, que ces dernières, lorsqu'elles ne sont pas utiles à la manifestation de la vérité, ne doivent être conservées ni dans le dossier de procédure ni ailleurs.

Selon l’alinéa 18, les enregistrements sont détruits dans les plus brefs délais « à la diligence du procureur de la République ou du procureur général ». Je ne vois dès lors pas pourquoi ils ne pourraient pas être détruits à la demande de la personne concernée à l’expiration du délai de prescription de l’action publique, et bien évidemment sous le contrôle des autorités judiciaires.

Je ne crois pas, monsieur le ministre, qu’il s’agisse là d’un « déchaînement » terrible !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, c’est conforme au droit !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mêmes observations et même avis défavorable que sur l’amendement n° 338 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Dans la continuité, avis défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 340 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)