M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement sont défavorables à cet amendement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 234 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 33, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 27 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les centres de gestion des collectivités territoriales et les autres employeurs des fonctions publiques d'État, hospitalière et territoriale, peuvent mettre en place des dispositifs compatibles avec le principe d'égalité, visant à faciliter l'aboutissement des demandes de mutation, de détachement ou de mise à disposition des fonctionnaires ou assimilés bénéficiant d'une ordonnance de protection telle que prévue aux article 515-9 et suivants du code civil. »
La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. Que la commission et le Gouvernement me disent à quels amendements ils sont favorables ; je ne donnerai plus d’explications que lorsqu’ils recevront un avis favorable. Cela nous permettra d’aller plus vite !
Je considère donc que celui-ci est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Comme pour l’amendement précédent, la commission émet un avis défavorable.
Mes chers collègues, nous sommes en train de procéder par scrutin public sur des dispositions qui relèvent en fait du domaine réglementaire. Nous perdons notre temps alors que des sujets qui méritent des débats plus approfondis, je pense en particulier à la médiation, nous attendent.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Etienne Antoinette. Je retire cet amendement !
M. le président. L'amendement n° 33 est retiré.
Article 1er bis
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 53-1 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° De demander une ordonnance de protection, dans les conditions définies par les articles 515-9 à 515-13 du code civil. » ;
2° (nouveau) L’article 75 est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° De demander une ordonnance de protection, dans les conditions définies par les articles 515-9 à 515-13 du code civil. »
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par Mmes Terrade, Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat, Schurch et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 5
I. - Compléter ces alinéas par une phrase ainsi rédigée :
Les victimes sont également informées des peines encourues par le ou les auteurs des violences et des conditions d'exécution des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement a pour objet de renforcer l’obligation d’information due aux victimes.
Le texte prévoit déjà que les officiers et agents de police judiciaire devront informer les victimes de leur droit à demander une ordonnance de protection.
Cependant, si les victimes ne connaissent pas les moyens mis à leur disposition pour échapper à l’auteur des violences qu’elles subissent, elles ne connaissent pas non plus les peines encourues par ce dernier.
Or l’audition des associations a révélé que cette absence d’information dissuade souvent les femmes de faire appel à la justice : ne pouvant pas évaluer les effets de leur démarche, les victimes craignent les éventuelles représailles dont elles pourraient faire l’objet.
Il paraît donc nécessaire d’offrir aux victimes une parfaite lisibilité des moyens juridiques mis à leur disposition et des conséquences que leur démarche aura sur les auteurs des violences qu’elles subissent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Je comprends, là encore, les raisons qui sous-tendent cet amendement. Néanmoins, force est de constater que l’officier de police judiciaire délivre déjà à la victime un grand nombre d’informations. Il ne paraît pas opportun d’ajouter à la liste cette nouvelle information, car, deux fois sur trois, une victime qui est déjà à la limite de ne pas maintenir sa plainte la retire effectivement lorsqu’on l’informe des peines encourues par l’auteur des violences qu’elle subit.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. François Pillet, rapporteur. La mesure que vous proposez, madame Terrade, n’est donc pas une bonne solution.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.
Mme Virginie Klès. Je ne suis pas d’accord avec M. le rapporteur.
L’information des victimes est extrêmement importante, notamment dans les phénomènes d’emprise, qui s’accompagnent, ne l’oublions pas, d’une inversion de la culpabilité. Il est donc essentiel de rétablir la victime dans son statut de victime pour l’aider à sortir de cette situation.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.
(L'article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter
1° L’article 375-7 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il fait application des articles 375-2, 375-3 ou 375-5, le juge peut également ordonner l’interdiction de sortie du territoire de l’enfant. La décision fixe la durée de cette interdiction qui ne saurait excéder deux ans. Cette interdiction de sortie du territoire est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République. » ;
2° (nouveau) Le dernier alinéa de l’article 373-2-6 du même code est ainsi rédigé :
« Il peut notamment ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents. Cette interdiction de sortie du territoire sans l’autorisation des deux parents est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République. » – (Adopté.)
Article 1er quater (nouveau)
Le I de l’article 23 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 14° L’interdiction de sortie du territoire prévue aux articles 373-2-6, 375-7 et 515-13 du code civil. » – (Adopté.)
Article 2
I. – Après la section 2 du chapitre VII du titre II du livre II du code pénal, il est inséré une section 2 bis ainsi rédigée :
« Section 2 bis
« De la violation des ordonnances prises par le juge aux affaires familiales en cas de violences
« Art. 227-4-2. – Le fait, pour une personne faisant l’objet d’une ou plusieurs obligations ou interdictions imposées dans une ordonnance de protection rendue en application des articles 515-9 ou 515-13 du code civil, de ne pas se conformer à cette ou ces obligations ou interdictions est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« Art. 227-4-3. – Le fait, pour une personne tenue de verser une contribution ou des subsides au titre de l’ordonnance de protection rendue en application de l’article 515-9 du code civil, de ne pas notifier son changement de domicile au créancier dans un délai d’un mois à compter de ce changement est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. »
II. – Après l’article 141-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 141-4 ainsi rédigé :
« Art. 141-4. – Les services de police et les unités de gendarmerie peuvent, d’office ou sur instruction du juge d’instruction, appréhender toute personne placée sous contrôle judiciaire à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a manqué aux obligations qui lui incombent au titre du 9° et du 17° de l’article 138. La personne peut alors, sur décision d’un officier de police judiciaire, être retenue vingt-quatre heures au plus dans un local de police ou de gendarmerie afin que soit vérifiée sa situation et qu’elle soit entendue sur la violation de ses obligations.
« Dès le début de la mesure, l’officier de police judiciaire informe le juge d’instruction.
« La personne retenue est immédiatement informée par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, de la nature de l’obligation qu’elle est soupçonnée avoir violée et du fait qu’elle peut exercer les droits prévus par les troisième et quatrième alinéas de l’article 63-1, par les articles 63-2 et 63-3 et par les quatre premiers alinéas de l’article 63-4.
« Les pouvoirs conférés au procureur de la République par les articles 63-2 et 63-3 sont exercés par le juge d’instruction.
« Les articles 64 et 65 sont applicables à la présente mesure. La personne retenue ne peut faire l’objet d’investigations corporelles internes au cours de sa rétention par le service de police ou par l’unité de gendarmerie.
« À l’issue de la mesure, le juge d’instruction peut ordonner que la personne soit conduite devant lui, le cas échéant pour qu’il saisisse le juge des libertés et de la détention aux fins de révocation du contrôle judiciaire.
« Le juge d’instruction peut également demander à un officier ou un agent de police judiciaire d’aviser la personne qu’elle est convoquée devant lui à une date ultérieure. »
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
III. - Le dernier alinéa de l'article 141-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les dispositions de l'article 141-4 sont applicables; les attributions confiées au juge d'instruction par cet article sont alors exercées par le procureur de la République. » ;
IV. - La dernière phrase du dernier alinéa de l'article 394 du même code est complétée par les mots : «, ainsi que celles de l'article 141-4; les attributions confiées au juge d'instruction par cet article sont alors exercées par le procureur de la République. ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 2 bis
I. – Après l’article 142-12 du code de procédure pénale, il est inséré un article 142-12-1 ainsi rédigé :
« Art. 142-12-1. – Par dérogation aux dispositions de l’article 142-5, l’assignation à résidence exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile peut être ordonnée lorsque la personne est mise en examen pour des violences ou des menaces, punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement, commises :
« 1° Soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;
« 2° Soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire.
« Le présent article est également applicable lorsque l’infraction est commise par l’ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. »
II. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après l’article 131-36-12, il est inséré un article 131-36-12-1 ainsi rédigé :
« Art. 131-36-12-1. – Par dérogation aux dispositions de l’article 131-36-10, le placement sous surveillance électronique mobile peut être ordonné à l’encontre d’une personne majeure, dont une expertise médicale a constaté la dangerosité, condamnée à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à cinq ans pour des violences ou des menaces commises :
« 1° Soit contre son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ;
« 2° Soit contre ses enfants ou ceux de son conjoint, concubin ou partenaire.
« Le présent article est également applicable lorsque les violences ont été commises par l’ancien conjoint ou concubin de la victime, ou par la personne ayant été liée à elle par un pacte civil de solidarité, le domicile concerné étant alors celui de la victime. » ;
2° Après l’article 222-18-2, il est inséré un article 222-18-3 ainsi rédigé :
« Art. 222-18-3. – Lorsqu’elles sont commises par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, les menaces prévues au premier alinéa de l’article 222-17 sont punies de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, celles prévues au second alinéa du même article et au premier alinéa de l’article 222-18 sont punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende et celles prévues au second alinéa de l’article 222-18 sont punies de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende. » ;
3° (nouveau) Au deuxième alinéa de l’article 222-48-1, la référence : « et 222-14 » est remplacée par les références : «, 222-14 et 222-18-3 ».
III. – Lorsqu’une personne mise en examen pour un crime ou un délit commis à l’encontre de son conjoint, de son concubin ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité est placée sous assignation à résidence avec surveillance électronique mobile et qu’une interdiction de rencontrer la victime a été prononcée, cette dernière peut, si elle y consent expressément, se voir proposer l’attribution d’un dispositif de téléprotection lui permettant d’alerter les autorités publiques en cas de violation des obligations imposées au mis en examen ou le port d’un dispositif électronique permettant de signaler à distance que la personne mise en examen se trouve à proximité.
De tels dispositifs peuvent également être proposés à la victime lorsqu’une personne condamnée pour un crime ou un délit commis à l’encontre de son conjoint, de son concubin ou de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité est placée sous surveillance électronique mobile dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire ou d’une libération conditionnelle et qu’une interdiction de rencontrer la victime a été prononcée.
Ces dispositions sont également applicables lorsque les faits ont été commis par un ancien conjoint ou par un ancien concubin de la victime, ou par une personne ayant été liée à cette dernière par un pacte civil de solidarité.
Ces dispositions sont applicables à titre expérimental, pendant une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, dans des ressorts déterminés par le ministère de la justice, selon des modalités précisées par arrêté.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à cinq ans pour des violences ou des menaces commises
par les mots :
condamnée pour des violences ou des menaces, punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement, commises
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Cet amendement est extrêmement important, car c’est bien en pensant à toutes les femmes qui sont mortes que nous nous devons de trouver des dispositifs assurant aux victimes de violences au sein du couple une réelle protection.
Je vous le dis d’emblée pour éviter toute confusion, le dispositif que nous souhaitons introduire dans la loi est très différent du bracelet électronique d’assignation à domicile que vous connaissez. Il a été expérimenté en Espagne et a pour objet de protéger la femme d’une potentielle approche de l’homme qui lui veut du mal.
À l’alinéa 8 de l’article 2 bis, la commission des lois du Sénat a modifié le texte adopté par l’Assemblée nationale et le Gouvernement souhaite, pour une part, revenir à celui-ci en substituant la prise en compte de la peine encourue à celle de la peine prononcée, s’agissant de la possibilité de placer sous surveillance électronique mobile une personne ayant commis des violences ou des menaces à l’encontre soit de son conjoint, partenaire ou concubin, soit des enfants de celui-ci.
Le Gouvernement comprend la volonté de la commission des lois de mettre en cohérence avec les dispositions du droit actuel les nouvelles dispositions relatives au placement sous bracelet électronique des auteurs de violences commises au sein du couple. La commission des lois a ainsi fixé comme condition une peine de cinq ans d’emprisonnement prononcée, par dérogation à la règle générale qui exige une peine de sept ans d’emprisonnement prononcée, et n’a pas voulu retenir comme condition une peine de cinq ans d’emprisonnement encourue.
Toutefois, cette solution, si elle est cohérente avec la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, ne l’est pas avec la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.
En effet, au stade de l’instruction, il est possible de placer sous surveillance électronique mobile une personne poursuivie et présumée innocente dès lors que la peine encourue est de cinq ans d’emprisonnement. Une condamnation à une peine de cinq ans n’a donc pas à être exigée pour placer un conjoint ou compagnon dangereux sous surveillance électronique.
La disposition proposée par votre commission créerait une situation paradoxale : une personne pourrait être placée sous bracelet électronique jusqu’au jour de sa comparution à l’audience et, en cas de condamnation à une peine d’emprisonnement inférieure à cinq ans, le bracelet électronique lui serait obligatoirement retiré, étant entendu que, si elle est condamnée à une peine d’au moins d’emprisonnement, le dispositif sera rétabli à la sortie de prison.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est faux !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Par conséquent, il paraît au Gouvernement nécessaire de mettre le dispositif proposé en cohérence avec la loi pénitentiaire en prévoyant d’appliquer le même critère pour les prévenus et pour les condamnés. C’est la peine encourue, et non la peine prononcée, qui doit servir de base pour permettre un placement sous surveillance électronique.
De plus, en pratique, le texte de la commission limite considérablement le recours au placement sous surveillance électronique mobile des auteurs de violences au sein du couple.
Quelques éléments statistiques me semblent de nature à éclairer votre assemblée.
Les chiffres que livre le rapport du député Guy Geoffroy témoignent de la faiblesse de la durée moyenne d’emprisonnement ferme dans les cas de violences faites aux femmes. En ce qui concerne les violences exercées par le conjoint ou par le concubin suivies d’une interruption temporaire de travail inférieure à huit jours, la durée moyenne d’emprisonnement ferme était de quatre mois et demi en 2006. En ce qui concerne les violences sans incapacité de travail, la durée moyenne de l’emprisonnement ferme était d’un peu plus de quatre mois.
Par sa trop grande rigueur, la rédaction proposée par la commission limiterait l’apport du dispositif de surveillance électronique.
Par ailleurs, le rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales montre que les violences volontaires sur conjoint entraînent, dans une très large majorité de cas, des incapacités temporaires de travail inférieures à huit jours. Selon les modalités prévues par la commission des lois, dans 91,5 % des 32 587 cas de violences sur conjoint constatés par les directions départementales de la sécurité publique et dans 84,1 % des plaintes enregistrées par les services de la préfecture de police de Paris, les condamnations à des peines de prison sont trop faibles pour pouvoir appliquer le dispositif de surveillance électronique.
Or une des spécificités des actes de violences envers les femmes au sein des couples est l’escalade dans le temps. Une très forte majorité des crimes ont été précédés par des humiliations, puis par des menaces, puis par des coups de plus en plus violents. C’est ce que Mmes Dini et Kammermann ont très bien fait ressortir au travers de témoignages particulièrement émouvants.
Selon le rapport de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, seulement 9 % des femmes victimes de violences osent porter plainte. Pourquoi ? Parce qu’elles savent que la mesure d’éloignement sans contrôle effectif de celle-ci ne sera pas forcément respectée. Elles ont peur, elles vivent dans la terreur, d’autant que c’est justement au cours des périodes d’éloignement décidées par le juge que le risque de passage à l’acte est extrêmement élevé.
D’après une étude réalisée en 2006, 41 % des crimes ayant entraîné le décès du conjoint ont lieu au moment de la séparation.
Le Gouvernement souhaite prendre ses responsabilités pour que le dispositif anti-rapprochement apporte, dans le cadre de cette expérimentation, la meilleure des protections.
C’est au juge qu’il appartient de décider : nous devons faire confiance au juge !
Pourquoi instituer une différence entre le pré-sentenciel, c'est-à-dire le moment où la personne fait l’objet d’un contrôle judiciaire et peut être placée sous surveillance électronique, et le post-sentenciel, pour lequel un tel placement nécessiterait une condamnation effective de cinq ans au moins ?
Et que faisons-nous de ceux qui sont condamnés avec sursis ?
Si je m’exprime avec tant de force devant votre assemblée, c’est parce que le Gouvernement est totalement mobilisé sur ce sujet, compte tenu des chiffres concernant ces femmes qui ont perdu la vie alors qu’un tel dispositif aurait permis de les protéger.
Qu’allons-nous dire au petit Ibrahima, le fils de Tania, poignardée le 16 février dernier par son ex-compagnon, alors en sursis avec mise à l’épreuve pour des menaces de mort proférées à son encontre ? Sa mère aurait pu être sauvée si le dispositif de surveillance électronique avait été mis en place. Demain, si une rédaction trop restrictive est adoptée sur ce point, c’est une autre Tania qui ne sera pas protégée…
Des millions de femmes nous regardent : elles attendent que la peur change de camp. C’est à nous de faire en sorte qu’il en soit ainsi. C’est une page de notre histoire que nous écrivons avec l’expérimentation de ce dispositif, qui permettra d’offrir la sécurité à de nombreuses femmes dans notre pays.
Il est donc plus qu’essentiel, aux yeux du Gouvernement, de revenir à l’équilibre initial du texte et de prévoir que les auteurs de violences au sein du couple pourront être placés sous surveillance électronique lorsqu’ils seront condamnés pour des violences ou des menaces passibles d’au moins cinq ans d’emprisonnement, et non condamnées effectivement à cinq ans.
Je souligne que le principe de proportionnalité est respecté, car ces délits incluent les menaces de mort répétées à l’encontre du conjoint, mais aussi les violences ayant entraîné des interruptions temporaires de travail, c'est-à-dire des délits graves, pour lesquels il y a tout lieu de craindre une surenchère.
C’est la mémoire de toutes ces femmes mortes de manière absurde qui l’exige de nous, qui l’exige de vous !
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous présente cet amendement : le Gouvernement prendra ses responsabilités pour qu’une nouvelle Tania ne vive pas dans la terreur. Il ne faut pas que, demain, une femme puisse se dire qu’elle aurait pu bénéficier de la surveillance du conjoint violent si celui-ci avait simplement encouru une peine d’emprisonnement de cinq ans ! Or la rédaction retenue par la commission va réduire la portée du dispositif du bracelet électronique, car, je vous l’ai dit, les peines effectivement prononcées sont, en moyenne, largement inférieures à cinq ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire, avec le plus grand respect, que ni la qualité de votre discours ni son caractère enflammé ne suffisent à emporter notre conviction.
Nul ne peut douter de l’engagement sincère de notre commission, ainsi que de tous nos collègues présents ce soir, dans ce combat contre les violences faites aux femmes. Mais nous devons procéder avec justesse, sauf à risquer, je le répète une nouvelle fois, de priver cette loi de la portée que nous voulons lui donner.
Vous avez été très complète dans vos explications, madame la secrétaire d’État ; je vais donc devoir vous répondre sur l’ensemble des points que vous avez soulevés.
Depuis 2005, la loi autorise le placement sous surveillance électronique mobile d’une personne dans plusieurs hypothèses : avant la condamnation, dans le cadre d’une assignation à résidence ; pendant l’exécution de la peine, dans le cadre d’une libération conditionnelle ou d’un aménagement de la peine ; après l’exécution de la peine d’emprisonnement, dans le cadre d’une surveillance judiciaire, d’un suivi socio-judiciaire ou d’une mesure de surveillance de sûreté. Le placement sous surveillance électronique s’apparente alors moins à une peine complémentaire – c’est là que réside, me semble-t-il, la confusion – qu’à une mesure de sûreté visant à prévenir la récidive d’individus qui, ayant purgé leur peine, sont toujours considérés comme dangereux.
L’article 2 bis de la proposition de loi vise à faciliter, par rapport au droit en vigueur, le placement sous bracelet électronique de l’auteur des violences conjugales dans deux hypothèses : premièrement, dans le cadre de l’assignation à résidence, en permettant un tel placement lorsque le mis en examen pour violences conjugales encourt une peine de cinq ans de prison, et non sept ans comme pour les autres infractions ; deuxièmement, dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire, à titre de mesure de sûreté, après l’exécution de la peine.
Aujourd’hui, le droit positif permet un placement sous bracelet électronique dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire lorsque la personne a été effectivement condamnée à sept ans de prison et que sa dangerosité a été constatée, ce qui signifie qu’une expertise est nécessaire.
S’agissant d’une mesure de sûreté destinée à prévenir la récidive, votre commission a considéré que le placement sous bracelet électronique après l’exécution de la peine devait être réservé, comme le prévoit le droit actuel, aux individus les plus dangereux. Dans le texte qu’elle a élaboré, elle a même admis que le seuil de la peine soit abaissé à cinq ans, conformément aux souhaits des députés, mais à la condition qu’il s’agisse de la peine prononcée et non pas de la peine encourue.
L’amendement du Gouvernement soulève donc une difficulté très importante au regard de lois que nous avons votées et de principes que nous avons réaffirmés encore très récemment !
Je me doute bien que la loi que nous allons voter et dont les termes seront, je l’espère, approuvés par les députés, ne fera pas l’objet d’une saisine du Conseil constitutionnel en vertu de l’article 61 de la Constitution. Mais, dorénavant, le nouvel article 61-1 de la Constitution ouvre ce recours à n’importe quel justiciable. Eh bien, je peux d’ores et déjà vous annoncer que, si nous adoptons cet amendement, le premier avocat venu, qui n’aura pas besoin d’être un major de promotion, déposera une question prioritaire de constitutionnalité. En effet, nous savons déjà que, dans sa décision du 8 décembre 2005, le Conseil constitutionnel a précisé que le placement sous surveillance électronique mobile devait s’appliquer à des personnes condamnées « pour certaines infractions strictement définies et caractérisées par leur gravité particulière ».
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous imaginer de placer sous surveillance électronique une personne condamnée à six mois d’emprisonnement avec sursis ?