Sommaire
Présidence de M. Roland du Luart
Secrétaires :
M. Philippe Nachbar, Mme Anne-Marie Payet.
2. loi de finances rectificative pour 2010. – Adoption définitive d'un projet de loi
Discussion générale : Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.
MM. Jean-Pierre Chevènement, Thierry Foucaud, Denis Badré, Mme Nicole Bricq, MM. Albéric de Montgolfier, Jean-Pierre Fourcade.
Mme la ministre, MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; le rapporteur général.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 8 de M. Bernard Vera. – MM. Bernard Vera, le rapporteur général, Mmes la ministre, Nicole Bricq. – Rejet par scrutin public.
Articles additionnels avant l’article 1er
Amendement no 1 de M. Bernard Vera. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement no 2 de M. Bernard Vera. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement no 3 de M. Bernard Vera. – MM. Bernard Vera, le rapporteur général, Mmes la ministre, Nicole Bricq. – Rejet.
Amendement no 4 de M. Bernard Vera. – MM. Bernard Vera, le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.
Adoption de l’ensemble de la première partie du projet de loi.
Articles additionnels avant l'article 3
Amendements nos 5 à 7 de M. Bernard Vera. – MM. Thierry Foucaud, le rapporteur général, Mmes la ministre, Nicole Bricq. – Rejet des trois amendements.
MM. Joël Bourdin, Yvon Collin, Thierry Foucaud, Mme Nicole Bricq.
Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
3. Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat jordanien
4. Questions d'actualité au Gouvernement
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
rapport sur les retraites d'outre-mer
MM. Denis Detcheverry, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
MM. Éric Doligé, François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
clause de revoyure taxe professionnelle
MM. Yves Détraigne, François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
MM. Michel Teston, Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.
conditions d’un débat public serein
MM. Alain Gournac, Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
l'assaut israélien au large de gaza
Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
MM. André Dulait, Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
Mme Françoise Cartron, M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
MM. Christian Cambon, Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
5. Désignation d'un sénateur en mission
6. Communication du Conseil constitutionnel
7. Défenseur des droits. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi organique (Texte de la commission)
Amendement n° 93 de la commission. – M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ; Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 94 rectifié de la commission. – M. le rapporteur.
Amendements identiques nos 35 rectifié ter de M. Hugues Portelli et 77 rectifié de M. Nicolas About. – MM. Hugues Portelli, Nicolas About.
M. le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Adoption de l’amendement no 94 rectifié, les amendements nos 35 rectifié et 77 rectifié devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 89 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État.
Amendement n° 19 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 22 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 95 rectifié de la commission. – M. le rapporteur.
Amendements identiques nos 36 rectifié ter de M. Hugues Portelli et 78 rectifié de M. Nicolas About. – M. Nicolas About.
Amendement n° 20 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 21 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 23 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
M. le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Rejet des amendements nos 89, 19 rectifié et 22 rectifié ; adoption de l’amendement no 95 rectifié, les amendements nos 36 rectifié ter et 78 rectifié devenant sans objet ; rejet des amendements nos 20 rectifié et 21 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Demande de seconde délibération. – Mme le ministre d’État, MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Hugues Portelli, le président. – Adoption par scrutin public.
La seconde délibération est ordonnée.
Suspension et reprise de la séance
M. le président de la commission, Mme le ministre d’État.
M. Jean-Pierre Sueur, Mme le ministre d’État, M. le président, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Nicolas About, Hugues Portelli, Jean-Claude Peyronnet.
MM. le président, le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance
M. le rapporteur.
Amendement no A-1 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Richard Yung, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Anne-Marie Escoffier, MM. Alain Anziani, Robert Badinter, Mme Éliane Assassi, MM. Hugues Portelli, Jacques Gautier, Nicolas About. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no A-2 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no A-3 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no A-4 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no A-5 rectifié du Gouvernement. – Mme le ministre d’État, MM. Nicolas About, le rapporteur. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no A-6 rectifié du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no A-7 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no A-8 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no A-9 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no A-10 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Amendement no A-11 rectifié du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no A-12 rectifié du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no A-13 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement no A-14 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Adoption, par scrutin public, de l’ensemble du projet de loi organique.
8. Défenseur des droits. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi (Texte de la commission)
Amendement n° 11 du Gouvernement. – Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles 4 à 8, 8 bis et 9. – Adoption
Amendements identiques nos 1 rectifié de M. Hugues Portelli et 6 rectifié de M. Nicolas About. – Devenus sans objet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 2 rectifié bis de M. Hugues Portelli. – Devenu sans objet.
Amendement n° 7 rectifié de M. Nicolas About. – Devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 3 rectifié de M. Hugues Portelli et 8 rectifié de M. Nicolas About. – Devenus sans objet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 15 de la commission. – Retrait.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 4 rectifié de M. Hugues Portelli et 9 rectifié de M. Nicolas About. – Devenus sans objet.
Amendement n° 13 de la commission. – M. le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 14 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 12 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Adoption de l’amendement no 14 rédigeant l'article.
Adoption de l’ensemble du projet de loi.
Mme le ministre d’État.
compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
Secrétaires :
M. Philippe Nachbar,
Mme Anne-Marie Payet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
loi de finances rectificative pour 2010
Adoption définitive d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2010 (projet n° 511, rapport n° 513).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, seules des circonstances exceptionnelles pouvaient conduire le Gouvernement à vous proposer une troisième fois de modifier le budget de l’année en cours.
Vous vous en souvenez, notre précédent rendez-vous était guidé par notre détermination à respecter nos engagements européens. C’est avec le même objectif que nous nous présentons de nouveau devant vous.
Le 7 mai dernier, soit dès le lendemain du vote par le Parlement d’un dispositif de soutien à la Grèce, les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro se sont de nouveau réunis le soir et la nuit pour un Conseil européen un peu exceptionnel – habituellement, les chefs d’État et de gouvernement se réunissent à vingt-sept et non pas à seize – pour demander à la Commission européenne et aux ministres des finances et de l’économie des 27 États membres de l’Union européenne de trouver, dans les plus brefs délais, un mécanisme de nature à assurer la stabilité, l’unité et l’intégrité de la zone euro.
Une telle mobilisation, moins d’un mois après le soutien européen exceptionnel consenti à la Grèce, s’explique évidemment, lui aussi, par des circonstances exceptionnelles.
Les rendements exigés par les marchés à l’égard des États dits « périphériques », et non envers ceux qui appartiennent au cœur de la zone euro, étaient tels que toute demande de financement ou de refinancement de l’un d’entre eux était quasiment impossible.
Ces tensions s’étaient propagées aux marchés interbancaires, qui, de nouveau, présentaient des signes de tension typiques de ceux que nous avions connus lors de la crise financière du mois d’octobre 2008.
Enfin, les marchés boursiers se ressentaient également de cette situation, et l’euro commençait à se déprécier.
C’est pourquoi les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro ont demandé aux ministres des finances et de l’économie de l’Union européenne de mettre en place un mécanisme européen de stabilisation destiné à préserver la stabilité financière en Europe. Deux jours plus tard, au terme d’un week-end durant lequel nous avons travaillé à l’élaboration de solutions éventuelles, nous avons décidé, dans la nuit du 9 mai – jour célébrant le centième anniversaire de l’appel de Robert Schuman pour l’Europe ! –, de mettre en place un mécanisme dit à trois « étages ».
Le premier étage, qui comprend une première tranche de 60 milliards d’euros, permet à la Commission européenne de mobiliser, sur le fondement de l’article 122-2 du traité de Lisbonne, des moyens pour venir en aide à un État membre.
Le deuxième étage est constitué, à hauteur de 440 milliards d’euros, de prêts garantis qui peuvent être obtenus sur le marché, puis accordés à des États dans le besoin par le biais du Fonds européen de stabilité financière, le FESF. Ce dernier est un véhicule juridique à détermination très spécifique : le soutien des États membres de la zone euro en difficulté, qui bénéficient de la garantie des États de la zone euro à concurrence de 440 milliards d’euros. C’est cet étage particulier du mécanisme de soutien qui justifie le texte qui vous est soumis aujourd’hui par François Baroin et moi-même.
Le troisième étage, qui complète les deux premiers, correspond à la contribution du Fonds monétaire international, le FMI, accordée à concurrence de 50 % pour tout concours qui serait consenti par le Fonds européen de stabilité financière.
Au total, avec les 60 milliards d’euros prévus au premier étage, les 440 milliards d’euros programmés, au deuxième étage, sous forme de prêts garantis au titre du FESF et un potentiel supplémentaire de 50 % de tous les montants mobilisés, inscrit au troisième étage, ce sont, optimalement, 750 milliards d’euros qui pourraient être rassemblés pour soutenir les États membres en difficulté de la zone euro.
Quid du Fonds européen de stabilité financière ?
Tout d’abord, nous sommes convenus qu’il était préférable de le soumettre au droit luxembourgeois, dans la mesure où il recourra aux services et au soutien administratif de la Banque européenne d’investissement, qui, de tout temps, a été régie selon le droit du Luxembourg.
Le conseil d’administration de cet établissement comprendra un représentant de chacun des États membres de la zone euro, et les principales décisions afférentes au fonctionnement du fonds, notamment aux décaissements, seront prises à l’unanimité des membres.
La constitution de ce fonds, ses règles de gouvernance et les principes généraux qui le guident ont été débattus et sont bien évidemment le résultat d’un compromis.
Les modalités juridiques de création et de fonctionnement de ce fonds sont en cours de finalisation, en lien avec la Commission européenne, et je vous tiendrai bien sûr informés, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’achèvement des travaux.
Sachez-le, pour s’assurer que l’assistance et les prêts du Fonds européen de stabilité financière permettront à l’État bénéficiaire de faire face aux défis économiques et budgétaires auxquels il est confronté, nous avons exigé – et cela figurera dans le véritable pacte d’actionnaires que passeront ensemble les États membres du FESF – que l’octroi de ces financements s’accompagne de conditionnalités très strictes, négociées entre l’État qui souhaite bénéficier du soutien de ce fonds, la Commission, le FMI et, bien sûr, la Banque centrale européenne.
C’est dans ces conditions que nous avons mis en place les mécanismes de conditionnalité et de suivi avec l’État grec, et c’est selon ces mêmes modalités que nous souhaitons faire fonctionner ce fonds. D’ailleurs, pour ceux qui s’en souviennent, le fonds que nous avions institué pour soutenir les établissements financiers à l’occasion de la crise d’octobre 2008 fonctionnait un peu selon les mêmes conditions.
Par ailleurs, le FESF bénéficiera de garanties apportées par l’ensemble des États membres de la zone euro, à l’entité elle-même et à chacune des émissions que celui-ci réalisera sur les marchés. Je précise – c’est un point important – que les garanties des États membres ne sont pas conjointes et solidaires : chacun apportera une garantie individuelle et proportionnelle à sa quote-part dans le capital libéré de la BCE, augmentée, à titre conventionnel, de 20 %.
Cette majoration volontaire vise à prendre en compte le fait qu’un ou plusieurs États pourraient ne pas participer au mécanisme. Il convient donc de majorer la part de chacun des États membres pour prendre en compte cette éventualité. Cette majoration devrait également faciliter une bonne notation de chacune des émissions.
Il va sans dire que la garantie ouvre droit à rémunération des États membres octroyant celle-ci, à l’instar du mécanisme mis en place dans le cadre du plan français de soutien aux banques ou du mécanisme du prêt que nous avons consenti à la Grèce.
Quel est le montant de la quote-part de la France ?
Selon le mode de calcul que nous avons retenu – c’est ce que l’on appelle « la clé BCE » –, la part détenue par la Banque de France dans le capital libéré de la BCE s’élève à 92 milliards d’euros. Cette garantie sera majorée de 20 %, pour prendre en compte les éventualités que j’ai évoquées tout à l'heure. C’est donc une somme de 111 milliards d’euros que nous sollicitons au titre de la mise en place du Fonds européen de stabilité financière. À cet égard, je laisserai à mon collègue François Baroin le soin de vous expliquer l’impact de cette mesure sur le solde budgétaire et la trésorerie de l’État.
L’autre disposition essentielle de ce projet de loi de finances rectificative concerne le FMI, auquel, tirant les enseignements de la crise, nous souhaitons octroyer des moyens supplémentaires.
À l’occasion du G20 de Londres, les chefs d’État et de gouvernement avaient décidé d’augmenter considérablement les ressources du Fonds monétaire international – à hauteur de 500 milliards de dollars –, sous la forme d’une contribution additionnelle aux nouveaux accords d’emprunt qui lient le FMI et certains de ses membres, telle que révisée à la suite de l’assemblée d’avril 2010.
Or, comme elle l’a fait valoir depuis le début de la crise, la France doit avoir un comportement exemplaire dans la traduction, au niveau national, de cet engagement du G20.
À l’instar de nos partenaires, nous nous sommes engagés à prendre, dans cette contribution additionnelle, une part conforme à notre participation au FMI, soit 18,7 milliards de droits de tirage spéciaux ou l’équivalent de 21 milliards d’euros environ.
Le projet de loi de finances rectificative que nous soumettons à votre approbation, mesdames, messieurs les sénateurs, vise à traduire cet engagement de la France. La mise en œuvre de celui-ci doit être d’autant plus rapide que le FMI, concerné par le troisième étage du mécanisme européen de stabilisation, pourrait avoir besoin de mobiliser les sommes prévues dans le cadre de la mise en jeu du Fonds européen de stabilité financière.
Tels sont, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments que je souhaitais vous apporter.
En outre, je tiens à remercier tout particulièrement M. le rapporteur général pour la qualité de son rapport.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je vous remercie, madame la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. J’ai notamment été très sensible à l’ensemble des considérations relatives aux CDS, les credit default swaps, et aux CDS souverains, qui, on s’en souvient, ont alimenté un certain nombre des difficultés rencontrées sur les marchés, notamment au regard de la crise grecque. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quelques semaines, vous avez adopté un projet de loi de finances rectificative visant à permettre un prêt de la France à la Grèce. Aujourd’hui, Christine Lagarde et moi-même vous présentons un nouveau projet de loi de finances rectificative, approuvé très récemment par l’Assemblée nationale, projet qui tend notamment à autoriser la France à participer au mécanisme européen de stabilité financière que les pays de la zone euro viennent d’adopter. Nous sommes très heureux de représenter le Gouvernement devant vous pour évoquer cet important sujet.
C’est à nous, membres de la zone euro, de donner à cette période complexe, faite de tensions, la marque que nous souhaitons lui imprimer. C’est donc à nous d’agir et de prouver la solidarité de la zone euro, en dépit du scepticisme de certains. En effet, les plus pessimistes considèrent peut-être cette période comme un obstacle majeur, voire un constat d’échec de la construction européenne. Mais ceux dont Christine Lagarde et moi-même, avec l’ensemble du Gouvernement, faisons partie pensent au contraire que cette épreuve est l’occasion d’un resserrement durable des liens entre les pays européens.
Certes, on constate des incertitudes et des faiblesses dans l’Europe que nous avons construite, mais nous ne devons pas pour autant nous décourager. Au contraire, nous devons saisir cette occasion, car c’est le fait de prendre conscience des difficultés qui permet d’avancer. L’histoire est jalonnée de telles crises, qui ont permis de renforcer la construction européenne.
Les tensions sur les marchés financiers menacent la stabilité, l’unité et l’intégrité de la zone euro. Le mécanisme que nous vous présentons aujourd’hui vise à les contrer. La France agit de façon solidaire, car attaquer un pays de la zone euro, c’est s’en prendre aux États membres dans leur ensemble et s’exposer à une réponse ferme et déterminée, ce que propose le plan.
Les difficultés rencontrées par la Grèce ont indiscutablement joué un rôle de révélateur, en mettant en évidence l’absence de dispositif permettant de venir en aide à un État membre de la zone euro en difficulté financière. Les marchés auraient pu spéculer sur une possible contagion de la crise grecque au sein de la zone euro. C’est la raison pour laquelle les États de la zone euro ont voulu avec force se prémunir d’une telle éventualité. Ne pouvant se contenter du sauvetage au cas par cas, ils ont donc adopté une approche globale et coordonnée.
C’est dans un esprit de responsabilité et d’exemplarité que les chefs d’État et de gouvernement européens ont agi. Début mai, ils ont choisi de doter l’Europe de moyens financiers importants, mobilisables en cas de besoin par l’ensemble des pays membres de la zone euro. La réponse européenne fait d’ailleurs partie d’un ensemble plus vaste de résolutions visant à tirer les leçons de la crise grecque. Les États membres sont ainsi convenus d’assurer rapidement la consolidation des finances publiques et la mise en œuvre de réformes structurelles. C’est donc tout un dispositif qui permettra à l’Union européenne d’améliorer la gouvernance économique européenne.
Comme Mme Christine Lagarde l’a évoqué tout à l’heure avec le talent qu’on lui connaît, nous avons souhaité que le mécanisme européen repose sur deux piliers, l’un communautaire et l’autre intergouvernemental. Par ailleurs, ce projet de loi de finances rectificative vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, de tirer les conséquences de l’accord du G20 visant à octroyer de nouvelles capacités d’emprunt au FMI.
Des épisodes successifs de tensions sur les marchés financiers expliquent la mise en place de ce mécanisme européen de stabilisation financière. Le volet communautaire permettra à l’Union européenne de mobiliser jusqu’à 60 milliards d’euros, tandis que le volet intergouvernemental prendra la forme d’un fonds européen de stabilité financière.
Vous le savez, ce projet de loi vise aussi à octroyer de nouvelles capacités d’emprunt au FMI, pour lui permettre, en cas de besoin, de participer au mécanisme de stabilisation. À cet égard, je souhaite apporter une précision : il nous est apparu plus cohérent, politiquement plus sincère à l’égard de la représentation nationale et plus marquant de présenter conjointement le plan de soutien à la zone euro et le renforcement des ressources du Fonds monétaire international.
Par ailleurs, ce nouveau projet de loi de finances rectificative ne modifiera aucun des équilibres budgétaires fixés lors du dernier collectif. Les ressources et les charges de l’État demeurent inchangées ; le solde budgétaire reste par conséquent à son niveau actuel, soit moins 152 milliards d’euros. Toutefois, la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, que nous appliquons nous impose de passer par une loi de finances. Ainsi, une transparence totale sera assurée en ce qui concerne les engagements de l’État.
Par ailleurs, il n’y a pas de modification du tableau de financement, et donc pas de modification du programme d’émission français.
Plusieurs raisons expliquent cette absence d’impact budgétaire du projet de loi. Tout d’abord, le volet communautaire relève de l’Union européenne. Quant au fonds européen de stabilité financière, il s’agit d’une garantie, donc avant tout d’un dispositif de précaution à vocation dissuasive, dont la mise en œuvre devrait être exceptionnelle. Il ne pourrait y avoir d’impact budgétaire qu’en cas d’appel effectif de la garantie, c’est-à-dire en cas de défaut de remboursement d’un État bénéficiaire. Enfin, le relèvement de la contribution de la France au FMI, conformément aux Nouveaux accords d’emprunt, n’aura pas d’incidence sur le solde budgétaire. Des mécanismes de compensation entre l’État et la Banque de France permettent en effet d’assurer la neutralité de cette opération.
Je rappelle, en guise de conclusion, que l’Europe a déjà traversé nombre d’épreuves ; il a fallu beaucoup de recul, mais aussi de détermination pour y faire face. Il est évidemment de la responsabilité de la France, comme de celle des autres États membres, de continuer à tracer le chemin que nous avons encore à parcourir ensemble.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouirais de voir que ces convictions sont aussi les vôtres. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d’abord permettez-moi de dire que notre commission retrouve toujours avec grand plaisir le ministre du budget pour l’examen d’une loi de finances rectificative.
Mme Nathalie Goulet. Elle en a quelques occasions !
Mme Nicole Bricq. On n’arrête pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut s’en réjouir, mes chers collègues, car plutôt que de voter, à la fin de l’année précédente, un document théorique et de le laisser vivre, il est préférable que le Parlement soit associé aux événements et aux choix. Et mieux vaut, dans les périodes difficiles, avoir des rendez-vous réguliers dans l’hémicycle avec le ministre du budget.
Mme Nicole Bricq. Il vaudrait mieux qu’il n’y ait pas de crise financière !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame le ministre de l’économie, je voudrais, au début de ce bref exposé, vous dire toute l’admiration que beaucoup d’entre nous éprouvent pour la manière dont vous exercez vos fonctions, en particulier le volet international de ces dernières, compte tenu des événements exceptionnels que nous vivons et de la nécessité où vous êtes de représenter la France, de négocier sans cesse, de trouver le juste équilibre dans ce monde si périlleux. Je crois, mes chers collègues, que nous pouvons, s’agissant d’une tâche aussi délicate, aussi lourde de responsabilités, remercier et féliciter Mme la ministre pour la manière dont elle nous représente toutes et tous. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Le projet de loi que nous examinons vise à autoriser l’État à garantir un dispositif opérationnel au plus vite. À cet égard, soulignons notre réactivité, puisque nous serons le deuxième État dont le Parlement approuvera ce plan de stabilité financière de l’Europe et de l’euro. L’Allemagne s’étant déjà livrée à cet exercice législatif, il nous appartient maintenant de le faire, pour que l’accord intergouvernemental du 9 mai dernier puisse se traduire dans les faits.
Vous avez bien voulu, madame, monsieur le ministre, nous présenter les grandes lignes de ce dispositif. Je rappelle que l’entité ad hoc pourrait émettre jusqu’au 30 juin 2013 et à concurrence de 440 milliards d’euros. Notre garantie, accordée à hauteur de 111 milliards d’euros, viendrait s’ajouter aux autres garanties déjà allouées, notamment celles qui ont été créées dans le cadre de la crise financière.
Permettez-moi de rappeler, mes chers collègues, qu’au 31 décembre 2009, la dette garantie de la France s’élevait à 150 milliards d’euros, dont 108 milliards d’euros au titre des mesures de soutien à l’économie et au secteur financier adoptées en octobre 2008.
Le dispositif que vous nous proposez, madame, monsieur le ministre, est adapté aux circonstances. Il est surtout porteur d’un changement profond et indispensable de la gouvernance de la zone euro.
Les marchés, ces dernières semaines, se sont efforcés d’introduire des différenciations, d’enfoncer un coin entre les différents États membres de la zone euro. Normalement, celle-ci devrait être considérée comme un tout : l’euro est une seule et même monnaie, et les émissions de titres souverains des États membres de la zone devraient bénéficier d’une crédibilité unique.
Or le comportement des opérateurs et la réalité des marchés ont abouti ces dernières semaines à des différenciations croissantes, qui constituent une grave menace à laquelle il a fallu répondre sous la forme de l’accord intergouvernemental du 9 mai dernier, qui engendrera un changement profond. En effet, même si les États qui participent à l’accord intergouvernemental n’apportent pas de garanties conjointes et solidaires, il n’en reste pas moins que le principe de solidarité financière entre les États membres de la zone euro est réaffirmé. En d’autres termes, le « centre » se porte garant pour la « périphérie », celle-ci ayant vocation à converger avec le centre pour que la zone euro retrouve une seule et même crédibilité.
Nous le savons, madame le ministre, ce dispositif n’est pas encore parfait. Les éléments de mise en œuvre sont toujours en cours de négociations, mais il n’est pas indispensable de connaître la conclusion effective et juridique de ces dernières pour souscrire à la garantie qu’il nous est demandé d’autoriser.
J’en viens aux aspects un peu plus structurels de toute cette affaire. Je voudrais vous convier, mes chers collègues, à quelques instants de réflexion sur une double crise, celle de l’Europe, mais aussi celle de la confiance en l’Europe. Agissant comme un révélateur, elle est l’enfant de la crise financière et économique qui a commencé en 2007, avant de prendre le tour dramatique que nous connaissons en 2008. Elle projette une lumière crue qui renvoie les États membres à leurs responsabilités. Après avoir créé et assumé la zone euro et l’euro, ils ont pour mission de les faire vivre dans la durée.
Nous le savons bien, nous n’avons pas le choix : il nous faut redevenir totalement maîtres de notre monnaie et des conditions de sa crédibilité.
Il n’est pas acceptable que des intervenants de marché, des agences de notation soient en situation de sanctionner des États soit parce que ceux-ci sont trop laxistes, soit parce qu’ils sont trop rigoureux. Pour autant, je ne veux pas incriminer ces opérateurs, ces intermédiaires ou ces agences de notation, dont il sera question dans le projet de loi de régulation bancaire et financière que le Sénat examinera prochainement, car, aussi imparfait soit-il, le thermomètre n’est pas responsable de la température ! Les données qu’il affiche, si cruelles soient-elles, sont bien le signe d’un mal qu’il faut combattre.
C’est pourquoi nous devons veiller à rétablir ensemble les conditions d’une confiance qui nous permette d’aller de l’avant pour sortir de la crise. À cette fin, nous devons prendre rapidement des mesures concrètes et crédibles.
Incontestablement, les esprits évoluent. J’en veux pour preuve les propositions de la Commission européenne et du groupe Van Rompuy en faveur d’un « semestre européen ». Même si, sur le plan technique, on ne sait ce que recouvre très précisément cette notion, on devine néanmoins l’orientation qu’elle sous-tend.
Ces propositions font écho à nos débats internes sur la trajectoire des finances publiques et la crédibilité des engagements de la France.
Madame, monsieur le ministre, l’ensemble de ces éléments conduisent la commission des finances à réaffirmer quatre principes.
Premièrement, l’Eurogroupe doit être renforcé. S’il doit se doter d’un secrétariat susceptible de travailler en lien étroit avec la commission, encore convient-il de préciser que la zone euro est d’abord l’affaire des pays ayant adopté l’euro comme monnaie unique, et, très secondairement à mon sens, celle des autres États membres, c'est-à-dire de ceux qui n’ont pas voulu s’astreindre à cette discipline et à cette association.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L’Eurogroupe n’est pas une maison de tolérance ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le renforcement de l’Eurogroupe représente un enjeu absolument fondamental, car lui seul peut exercer une fonction de surveillance mutuelle et multilatérale.
Mes chers collègues, selon qu’on estime qu’un gouvernement devrait soumettre son projet de budget à la Commission ou bien que l’on considère qu’un État membre de la zone euro a le devoir de jouer le jeu vis-à-vis des autres États membres de ladite zone, et donc accepter de se livrer à un processus itératif, à des allers et retours, à des consultations, les enjeux diffèrent considérablement. Le premier terme de cette alternative n’est pas acceptable du point de vue de la souveraineté des États, tandis que le second est, au contraire, la conjugaison logique des engagements déjà pris.
Deuxièmement, nous devons lever les doutes qui existent – et ils perdureront si nous n’agissons pas – dans l’esprit des acteurs de marché sur les données comptables des États. De ce point de vue, les États sont comme des entreprises : de même qu’un opérateur ne peut intervenir sur un marché sans respecter les normes comptables internationales, un État ne peut s’affranchir des règles en la matière. La situation dramatique de la Grèce nous rappelle cette règle de base, s’il en était besoin.
Mme Nicole Bricq. Il n’y a pas que le Grèce !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les petits compromis, les appréciations complaisantes,…
M. Jean-Pierre Fourcade. Les astuces !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … les astuces, la créativité permettent sans doute de vivre au jour le jour, mais ils minent la confiance. La création d’une sorte d’autorité européenne des normes comptables, ainsi que le préconise la commission, permettrait d’objectiver cette surveillance multilatérale que j’évoquais plus haut et garantirait à l’ensemble de nos interlocuteurs extérieurs que le budget – et, peut-être, à terme, les éléments patrimoniaux – de chacun des États membres de la zone euro fait l’objet d’un examen et d’un contrôle rigoureux, garantie de la stabilité.
Troisièmement, les prévisions macroéconomiques qui servent de base à l’élaboration des documents financiers, des lois de programmation budgétaire, des lois de finances, des lois de financement de la sécurité sociale doivent être à la fois homogènes et, à terme, incontestables.
Madame, monsieur le ministre, le taux de croissance ne doit plus être un outil de communication politique, ce qu’il n’aurait d’ailleurs jamais dû être.
Mme Nicole Bricq. Nous l’avons souvent dit !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous l’avez fait, comme les autres !
M. François Trucy. Voilà !
M. Albéric de Montgolfier. En pire !
Mme Nicole Bricq. Vous avanciez encore cet argument lorsque nous examinions le projet de suppression de la taxe professionnelle !
M. François Marc. Cela fait huit ans que vous dites cela !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Chacun doit faire son autocritique. Ces sujets doivent échapper aux débats partisans. Ils sont beaucoup trop fondamentaux pour que nous nous échangions des quolibets à leur égard !
Mme Nicole Bricq. C’est vous qui êtes aux responsabilités !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Chaque gouvernement a procédé de la même façon !
M. François Marc. Mais il n’y avait pas de crise !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues de l’opposition, vous seriez plus crédibles si vous reconnaissiez avoir fait de même par le passé. Cette polémique est inutile.
Mme Nicole Bricq. Il s’agit non pas d’une polémique, mais d’un débat public !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous devons afficher notre volonté d’affronter la situation telle qu’elle est et d’accepter les changements de position et de raisonnement qu’entraînent les circonstances nouvelles. C’est d’ailleurs ce que vous dites souvent, chère Nicole Bricq.
Les hypothèses macroéconomiques, quant à elles, doivent faire, à terme, l’objet d’un consensus européen et de consultations itératives multilatérales. Le temps où le taux de croissance sortait d’un chapeau doit être révolu. C’est l’un des éléments forts dont il faudra se souvenir et qui représentera l’un des acquis de la crise, en particulier de la crise de la gouvernance de la zone euro.
Quatrièmement, les États doivent s’engager en faveur de la convergence. Quant à la France, ses engagements vis-à-vis de l’Union européenne – un déficit ramené à 6 % du PIB en 2011, et à 3 % du PIB en 2013 – doivent être…
M. Jean-Pierre Fourcade. Crédibles et tenus !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … crédibles et tenus, mais aussi assumés et mis en œuvre en interne. C’est cet accord entre les paroles et les actes, c’est ce refus du double langage, si souvent pratiqué par les États au cours de la période passée, c’est cette renonciation aux attitudes légères d’autrefois vis-à-vis de nos partenaires qui rendront réellement crédible la démarche de convergence.
Mes chers collègues, je conclurai mon propos en évoquant nos prochains travaux.
Au sujet du projet de loi de régulation bancaire et financière, Mme la ministre a bien voulu évoquer les commentaires du rapport écrit sur les marchés de produits dérivés, en particulier les credit default swaps, ou CDS. Nous reviendrons sur ce sujet en faisant preuve d’exigence et de constance dans nos méthodes.
Très prochainement, le débat d’orientation budgétaire sera l’occasion d’examiner l’évolution du cadre budgétaire pour les années qui viennent. Cette année, monsieur le ministre, ce débat revêtira une forme exceptionnelle, car il ne sera plus seulement une déclaration du Gouvernement suivie des déclarations de principe juxtaposées des commissions et des différents orateurs. En effet, ce sera un débat conclu par une expression politique du Parlement, débat qui conduira ce dernier à faire siens les chiffres du programme de stabilité et de croissance adressé en son nom à la Commission européenne, en février dernier, pour la dernière fois par le seul exécutif.
Ce débat d’orientation budgétaire sera donc annonciateur d’une nouvelle conception pluriannuelle des fonctions publiques.
M. François Marc. Tous à la niche ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon cher collègue, désirez-vous m’interrompre ?
M. François Marc. Les niches fiscales coûtent 50 milliards d’euros !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je disais donc que ce débat d’orientation budgétaire d’un type nouveau débouchera sur l’expression politique du Parlement, sur l’adhésion au programme de stabilité et de croissance. Il sera le prélude à une nouvelle forme de programmation budgétaire et à une révision de la Constitution visant à établir clairement, d’une part, la prééminence de cette programmation sur les lois de finances annuelles, d’autre part, la compétence exclusive des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale pour toute décision susceptible d’influer de manière significative sur le solde des finances publiques, c'est-à-dire sur la dette. Mes chers collègues, nous n’avons donc pas fini de débattre de ces sujets.
Mes chers collègues, je souhaite que ces épisodes si périlleux et si difficiles soient pour notre pays l’occasion de rebondir efficacement, de gagner en visibilité, de dépasser la crise et d’être plus crédible vis-à-vis de l’ensemble de nos partenaires européens et internationaux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Marcel Deneux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Permettez-moi, en préambule, de m’associer pleinement aux compliments que M. le rapporteur général vous a adressés, madame la ministre, et de vous saluer tout particulièrement, monsieur le ministre.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà moins d’un mois, nous examinions ici même un projet de loi de finances rectificative pour résoudre une crise précise, la crise grecque.
Aujourd’hui, nous sommes saisis d’un nouveau projet de loi de finances rectificative qui vise à traiter le même problème, mais d’une manière générale puisqu’il s’agit d’assurer la stabilité de la zone euro dans son ensemble.
On peut porter des appréciations diverses sur la manière dont ce problème a été traité et sur certaines hésitations, mais le résultat est là : il y a tout lieu de croire que ce mécanisme permettra de dissuader les spéculateurs et de rétablir la confiance.
Il nous faut à présent traiter le problème de fond. La crise résulte non seulement de l’action néfaste de spéculateurs, mais aussi, et surtout, de l’absence d’une réelle gouvernance à l’intérieur de la zone euro.
C’est pourquoi les événements que nous venons de vivre revêtent, paradoxalement, un aspect prometteur, l’Europe étant en train d’en tirer les leçons.
En effet, la tourmente que nous traversons oblige l’Union européenne à réfléchir à son fonctionnement et à prendre position. Chacun le sait, les fondements du projet européen ont d’abord été économiques. La solidarité de fait évoquée par Robert Schuman a progressivement abouti à la mise en place d’une monnaie unique, aujourd’hui partagée par seize États membres. Mais ces solidarités ne peuvent jouer que si chacun des partenaires présente sa situation économique de manière transparente, en se fondant sur des statistiques fiables et des évaluations crédibles.
Personnellement, je conçois le mécanisme européen de stabilisation comme une opportunité de contraindre les États de la zone euro à mettre leurs actes en concordance avec leurs engagements. D’une part, il soustrait à la pression des marchés financiers les États les plus fragiles, alors à même de redresser la situation de leur économie. D’autre part, et surtout, le mécanisme européen arrêté s’accompagne d’engagements de la part de l’ensemble des États de la zone euro à assainir leurs finances publiques.
Selon quelles modalités l’Europe peut-elle se doter d’un gouvernement économique ? Cette question, on le sait, est controversée. Vieille revendication française, la mise en place d’un gouvernement économique européen est longtemps apparue, en particulier aux yeux des Allemands, comme une tentative de constituer un contre-pouvoir face à la Banque centrale européenne, et donc de limiter l’indépendance de cette dernière. La chancelière allemande, Angela Merkel, a toutefois récemment modifié sa position, en évoquant la possibilité de créer un fonds monétaire européen. Celui-ci constituerait, en quelque sorte, le bras armé d’un gouvernement économique européen. Le Conseil européen de mars dernier a confié à son président, Herman Van Rompuy, la tâche d’en préciser les contours possibles. La Commission a récemment formulé des propositions en ce sens, dont la plus commentée vise à instituer un semestre européen. Il s’agirait d’un système de surveillance des grands équilibres budgétaires des États, avant le dépôt des projets de lois de finances devant les parlements nationaux. Cette question mérite débat. Nous devons tous ensemble mener une réflexion sur la manière de concilier le nécessaire respect de nos engagements européens, gage de notre crédibilité économique et financière, et la préservation de la souveraineté nationale, qui s’exprime d’abord par le vote du budget par le Parlement. Il nous faudra préciser la place, indispensable, que doivent occuper les parlements nationaux dans l’élaboration de cette architecture économique européenne globale. Il ne doit y avoir, sur ce point précis, ni ambigüités ni atermoiements. Selon moi, quelles que soient les modalités pratiques retenues, nous devons impérativement parvenir à une meilleure coordination des politiques économiques et budgétaires des États membres de la zone euro, afin que l’union monétaire devienne également une union économique.
Le dispositif conçu au début du mois de mai constitue l’un des premiers éléments mis en place par l’Europe pour améliorer sa gouvernance et rééquilibrer, en son sein, le pouvoir économique. Jusqu’à présent, une trop grande place était accordée aux seules questions monétaires. Nous sommes probablement au commencement d’une période nouvelle, voire d’une Europe nouvelle. L’élaboration du dispositif sera progressive et pragmatique, selon des modalités qui restent encore à définir.
Le mécanisme européen de stabilisation repose, pour l’essentiel, sur les États membres. Il est fortement marqué jusqu’à présent par un caractère intergouvernemental. À cet égard, nous devons nous interroger sur le rôle de la Commission, très en retrait depuis le début de la crise. Force est aussi de le constater, les situations de crise, qui réclament des mesures d’urgence, sont pour l’essentiel traitées entre États membres. En conséquence, les procédures de prise de décisions communautaires se trouvent de facto marginalisées.
Ne nous leurrons pas ! Les obstacles à l’émergence d’un véritable gouvernement économique européen seront nombreux, ne serait-ce que pour des raisons politiques. Je rappelle que, en 2005, la France et l’Allemagne avaient été à l’origine de l’assouplissement de la procédure pour déficit excessif, alors qu’elles y étaient précisément soumises.
Un échec aurait toutefois de graves conséquences. Faute de réformes ambitieuses, nous risquerions en effet un retour en arrière, un repli sur des positions nationales, dont on perçoit mal les perspectives dans un monde globalisé. Je me demande où en serait l’économie grecque, où en serait la Grèce elle-même, si la zone euro n’avait pas fait preuve de solidarité. Les difficultés auxquelles nous sommes confrontées, mes chers collègues, ne relèvent plus de solutions nationales. Pour autant, la réponse européenne ne sera efficace que si elle est pleinement légitime. C’est pourquoi le dispositif de surveillance multilatérale à venir devra faire une large place à la démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Jean-Pierre Fourcade applaudit également.)
M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise de la monnaie unique était prévisible, dès sa création par le traité de Maastricht en 1991. J’ai moi-même, en son temps, dénoncé le transfert de la souveraineté monétaire à une Banque centrale européenne indépendante, entièrement déconnectée du suffrage universel, et sans aucun pilotage politique. La monnaie unique était un canard sans tête. Cela sautait aux yeux en lisant le texte du traité. Aujourd’hui, cela nous saute à la figure ! (Sourires.)
Comme l’a très bien souligné M. Marini, la zone euro est une zone monétaire hétérogène, dépourvue d’un gouvernement économique capable de permettre aux États de coordonner leurs politiques. Ce constat ne s’applique non pas seulement en matière budgétaire, mais aussi s’agissant de la dette des ménages, des entreprises, de l’évolution de l’investissement, de la compétitivité, et donc de l’emploi, et enfin de tout ce qui touche à la balance des paiements des pays concernés.
On ne peut que regretter rétrospectivement, madame la ministre, le projet de monnaie commune, dit encore « hard écu », soutenu à l’époque par la Grande-Bretagne. Ce dispositif prévoyait un cours commun vers l’extérieur mais laissait subsister, à l’intérieur, des monnaies nationales inconvertibles autrement qu’à travers un accord politique fixant leur parité par rapport à la monnaie commune. Ce système simple permettait, sous un toit européen commun, les ajustements monétaires rendus nécessaires par les évolutions divergentes des économies, que le pacte de stabilité de 1997, arbitraire et rudimentaire, n’a pas permis d’empêcher.
Les marchés financiers se déchaînent aujourd’hui contre les États les plus endettés. Ils leur font payer cher le refinancement de leur dette, même si celle-ci a été contractée, par eux ou d’autres États, pour renflouer les banques et relancer l’économie. Les bons Samaritains, disons-le, ne sont pas remerciés par les marchés financiers, c’est-à-dire par la spéculation. Cette dernière s’est d’ailleurs mise en place non par hasard, mais sous l’effet de déréglementations successives, dont la première fut la libération des mouvements de capitaux – y compris vis-à-vis des pays tiers –, sans le préalable initialement posé, en vertu de l’Acte unique de 1987, par une directive de la Commission européenne de 1988.
Après les 110 milliards d’euros accordés hier à la Grèce, on nous demande aujourd’hui de garantir 440 milliards d’euros pour une entité ad hoc, le fonds européen de stabilité financière, dont 111 milliards d’euros, soit un peu plus de 25%, seraient à la charge de la France.
La responsabilité de tous ceux qui ont soutenu le traité de Maastricht doit être engagée. Ils sont nombreux sur ces travées.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Jean-Pierre Chevènement. Néanmoins, nous devons tous, comme l’a dit M. Marini, faire notre autocritique. Je n’insisterai pas, par délicatesse, mais, d’après moi, il ne faut pas faire la politique du pire en prenant par avance son parti du défaut possible de tel ou tel pays, et de l’éclatement de la zone euro. La monnaie unique est devenue réalité. Elle a demandé beaucoup de sacrifices et représente un symbole fort. Mais elle a aussi beaucoup d’inconvénients. Ainsi, un euro trop fort pénalise nos exportations et favorise les délocalisations industrielles. En revanche, il faut le reconnaître, si la Banque centrale européenne avait échoué à obtenir une parité un peu plus réaliste, le traitement de la crise actuelle a provisoirement réussi. La méthode n’est tout de même pas satisfaisante.
Si je suis partisan, pour ma part, de défendre la zone euro dans son intégrité, et dans son intégralité, afin d’éviter les effets domino, je considère en revanche qu’il convient de changer les règles du jeu.
Madame, monsieur le ministre, que nous proposez-vous par les articles 3 et 4 de ce projet de loi rectificative ?
D’abord, un mécanisme européen de stabilité financière que nous pourrions approuver sous certaines réserves. Ensuite, le relèvement du plafond des prêts de la France au FMI à hauteur de 21 milliards d’euros, à la suite des accords signés lors du sommet du G20 à Londres, 2 avril 2009. Nous approuvons évidemment cette décision. Mais vous nous proposez aussi, implicitement madame la ministre, un concours de plans de rigueur qui, mis bout à bout, ne peuvent conduire qu’à une récession généralisée. J’ai bien entendu les propos de M. Marini, et lu avec attention son rapport. Mais nous ne pouvons pas cautionner cette orientation, déjà mise en œuvre d’ailleurs.
Vous nous proposez un mécanisme de stabilité financière. Il s’agit du fonds européen de stabilité financière, le FESF, alimenté par les États à hauteur de 440 milliards d’euros, auquel viendrait s’ajouter une contribution du budget de l’Union européenne de 60 milliards d’euros et 250 milliards émis par le FMI. Ainsi, la zone euro contribuera à raison des deux tiers de l’aide financière et le FMI à raison d’un tiers. Après la Grèce, c’est le tour du Portugal et de l’Espagne de subir les assauts de la spéculation. L’Espagne est un gros morceau. Elle représente 10 % du PIB de la zone euro et trois fois l’endettement de la Grèce. Il faut, bien évidemment, défendre l’appartenance de l’Espagne à la zone euro. La question ne se pose pas, car notre solidarité ne doit pas faire défaut.
Nous sommes cependant fondés à poser quelques questions.
Première question, quel sera, madame la ministre, la durée des prêts garantis ? Cinq ans, avec trois ans en franchise de remboursement, ai-je entendu. Êtes-vous sûr que des pays très endettés pourront rembourser sous ce bref délai ?
Deuxième question, est-il exact que l’Allemagne ne veut accorder sa garantie que tranche par tranche, et sur la base des fonds qu’elle lèvera elle-même, autrement dit sur la base de sa propre crédibilité ? Un tel dispositif ne risque-t-il pas de faire le jeu de la spéculation, en accroissant les écarts de taux d’intérêt, ou spreads, auxquels les différents pays prêteurs pourront emprunter sur le marché ? Ne s’agirait-il pas d’un mécanisme accélérateur plutôt que stabilisateur ?
Troisième question, relative aux garanties demandées par un pays en difficulté : si ces garanties devaient être honorées, cela ne resterait pas sans incidence sur l’équilibre budgétaire et sur l’endettement public. À mes yeux, l’article 2 du projet de loi de finances rectificative ne trompera que ceux qui veulent bien l’être. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)
Quatrième question, pourquoi le Gouvernement français a-t-il critiqué l’Allemagne quand celle-ci, à juste titre à mon sens, a interdit le principe des ventes à découvert ?
Nous n’avons pas d’objection quant au déblocage éventuel, sur décision du Conseil européen, des 60 milliards d’euros actuellement disponibles sur le budget européen, en vertu de l’article 122-2 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Je constate simplement que l’article 125 du même traité passe à la trappe ! Il en est de même de l’interdiction faite à la Banque centrale européenne d’acheter des titres de dette émis par les États, comme le font déjà depuis un an le Federal Reserve Board américain et la Banque d’Angleterre. Ces coups de canif dans l’orthodoxie me paraissent aller dans le bon sens, et je vous invite au pragmatisme.
Cinquième question enfin, je m’interroge sur la mise en vigueur des concours du FMI. La zone euro n’aurait-elle pas accepté la tutelle du FMI ? Chaque fois qu’elle devra faire appel à la solidarité de ses membres, le FMI interviendra pour moitié. C’est lui qui pilotera le programme d’ajustement.
Une quarantaine de parlementaires américains se sont émus d’un tel déploiement de moyens en faveur de la zone euro : 250 milliards, contre 180 milliards accordés aux pays les plus fragiles depuis le début de la crise. Ils ont demandé que le conseil d’administration du FMI soit saisi à chaque intervention du FMI pour le sauvetage d’un pays de la zone euro. Permettez-moi de rappeler que les États-Unis disposent, avec 17% des voix, d’une minorité de blocage. Dès lors, les États-Unis ne disposent-ils pas d’un droit de regard, alors qu’ils n’ont pas forcément intérêt à laisser s’apprécier le dollar par rapport à l’euro ?
Il ne faudrait pas que le remodelage de la zone euro soit l’objectif des États-Unis pour pousser l’euro vers le haut. Sous réserve des explications que vous nous fournirez, madame la ministre, j’approuve, au nom de la majorité des membres du RDSE, le dispositif de soutien financier que vous nous proposez.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean-Pierre Chevènement. Je le fais par réalisme, sans illusion excessive !
Ce que nous ne pouvons en revanche approuver, c’est l’envers de la médaille, c’est-à-dire le concours des plans de rigueur qui s’organisent dans toute la zone euro sous l’impulsion de Mme Merkel.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut pourtant s’y préparer !
M. Jean-Pierre Chevènement. Il est sans doute nécessaire de responsabiliser les États : solidarité de l’Europe et responsabilité des États, tels sont les deux principes qui doivent guider notre action, votre action, madame la ministre. Mais l’on ne peut raisonnablement pas demander à la Grèce de ramener son déficit de 13,6 % de son PIB en 2009 à 3 % d’ici à 2013. Ce n’est pas réaliste. D’autres pays affichent un déficit important : 13,4 % pour l’Irlande, 9,4 % pour le Portugal et 11,2 % pour l’Espagne.
La purge imposée à ces pays, avec un blocage, voire une diminution des salaires et des retraites, à la clé, n’a aucune chance de réussir en si peu de temps. Elle sera contre-productive.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Chevènement. Je vais conclure, monsieur le président.
Le pronostic de Joseph Stiglitz pour la monnaie unique est pessimiste : « Pour Athènes, Madrid ou Lisbonne se posera sérieusement la question de savoir s’ils ont intérêt à poursuivre le plan d’austérité imposé par le FMI et par Bruxelles ou, au contraire, à redevenir maîtres de leur politique monétaire. » Le président de la BCE a déclaré que l’on n’avait pas prévu de plan B. Est-ce prudent ? Je ne le crois pas. Il faut préparer un plan B. Il n’est pas nécessaire de le dire, mais il faut le faire.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. On sait ce que cela donne !
M. Jean-Pierre Chevènement. S’agissant de la France, pouvez-vous sérieusement envisager de réaliser 90 milliards d’euros d’économies d’ici à 2013 ? Au passage, j’élève une vive protestation contre le gel des dotations de l’État aux collectivités locales.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà qui est agréable à entendre !
M. Jean-Pierre Chevènement. Est-il raisonnable, comme le propose le Président Sarkozy, d’inscrire la réduction du déficit budgétaire dans la Constitution ? Non ! Même M. Giscard d’Estaing ne le pense pas. Nous nous lions les mains à l’avance, imprudemment, sous la double pression de l’Allemagne, qui a adopté cette disposition sans nous demander notre avis, et des marchés financiers.
En fait, il faut revoir le diagnostic sur la crise de l’euro. Le déficit budgétaire des pays méditerranéens est très largement de nature conjoncturelle, et seulement pour une faible part d’ordre structurel.
Ne cassons pas une reprise économique à peine esquissée.
C’est très largement la déflation salariale excessive pratiquée par l’Allemagne depuis dix ans qui explique son excédent commercial : entre 120 et 200 milliards d’euros, dont 60 % sur la zone euro.
M. le président. Il vous faut maintenant conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Chevènement. Je termine, monsieur le président.
M. le Président Sarkozy a proposé à juste titre un forum des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro. Un tel forum est en effet souhaitable, à condition qu’il ne s’agisse pas d’entériner la zone euro comme communauté de sanctions. Nous devons aller vers un « gouvernement économique de la zone euro », mais tout est dans la définition qu’on lui donne. C’est là que se joue une certaine idée de l’Europe. Il ne serait pas réaliste de vouloir redécouper la zone euro pour en exclure ceux que l’on désignait naguère du nom de « pays du Club Med ».
La France ne pourrait pas accepter un tête-à-tête avec l’Allemagne dans un « noyau dur » comparable à celui qui était proposé autrefois dans le plan Schaüble et Lammers.
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Chevènement, car vous avez largement dépassé votre temps de parole !
M. Jean-Pierre Chevènement. Je conclus, monsieur le président.
Nous ne saurions accepter davantage le visa préalable de la Commission européenne sur les budgets nationaux. C’est le Parlement qui vote le budget.
Lorsque M. Trichet évoque l’idée d’un « fédéralisme budgétaire », il sort de son rôle.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument ! Ces termes doivent être bannis.
M. Jean-Pierre Chevènement. Cela n’a pas de sens, surtout lorsque l’on sait que la part du financement du budget européen représente 1 % du PIB des États et que, parallèlement, le taux des prélèvements obligatoires est en moyenne pratiquement de 40 % du PIB.
Alors, fixons des normes d’augmentation salariale plus généreuses, lançons un grand emprunt européen pour financer les infrastructures, la recherche et l’innovation, laissons filer l’euro pour qu’il retrouve une parité réaliste, sa parité initiale par rapport au dollar.
M. le président. Je vais devoir couper le micro, monsieur Chevènement, car vous avez déjà dépassé de moitié le temps de parole qui vous était imparti.
M. Jean-Pierre Chevènement. J’ai terminé, monsieur le président.
M. le président. Il ne suffit pas de le dire !
M. Jean-Pierre Chevènement. Madame la ministre, la situation est grave. Il faudra beaucoup de résolution et d’habileté pour y remédier. Mais nous ne sommes pas seuls. Les États-Unis ont besoin que l’Allemagne et l’Europe, sans oublier la Chine, viennent à leur secours. Nous devons donc travailler à une Europe de la croissance et du progrès social.
Pour toutes ces raisons, la majorité des sénateurs du groupe du RDSE ne votera pas contre le présent projet de loi de finances rectificative, mais ne l’approuvera pas non plus. Nous suivrons l’exemple du SPD, en Allemagne : nous vous laissons une chance, pour le courage et l’imagination ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – MM. Denis Badré et Jean-Pierre Fourcade applaudissent également.)
M. le président. Vous m’avez placé dans l’embarras, monsieur Chevènement.
M. Jean-Pierre Chevènement. Je défendais des idées originales, monsieur le président.
M. le président. Certes, mais si l’originalité autorise tous les dépassements, nous risquons l’inflation ! (Sourires.)
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la troisième fois depuis le début de l’année nous sommes réunis en séance publique pour examiner un collectif budgétaire.
Cette profusion de textes fiscaux et financiers intervient – faut-il y voir un paradoxe ? – alors même que les comptes de l’État et de la sécurité sociale n’ont jamais atteint de tels déficits et que, hormis les périodes de guerre et de grande calamité, la dette publique n’a jamais été aussi importante.
Cela nous conduit à jeter un regard rétrospectif sur l’évolution des comptes publics depuis le début de la législature et à procéder à un examen critique de ce qu’il faut bien appeler le « bilan du sarkozysme », c’est-à-dire l’état des lieux au bout de trois ans de mandat de l’actuel locataire de l’Élysée.
En nous fondant sur les données fournies par les services statistiques officiels, nous pouvons résumer les trois années qui viennent de s’écouler de la manière suivante.
Tout d’abord, le chômage s’est accru. Notre pays comptait 2,243 millions de chômeurs de catégorie 1 au second trimestre de 2007, mais 2,727 millions à la fin de l’année 2009, et Pôle emploi indemnise aujourd’hui plus de 2,835 millions de personnes.
Vous l’aurez compris, la situation de l’emploi salarié s’est profondément dégradée, au point que le nombre des emplois disponibles dans le secteur privé est aujourd’hui proche de celui de 2007.
Ensuite, sur le plan de la croissance économique, malgré la loi de modernisation de l’économie – ou à cause d’elle – et bien d’autres « pseudo-réformes » mises en œuvre depuis le printemps 2007, comme la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, nous avons connu une récession de 2,2 points en 2009, même si nous enregistrons une très faible progression de la production intérieure, d’un dixième de point en ce premier trimestre 2010.
Cette faible croissance situe la production nationale à un niveau inférieur à celui quelle avait atteint à la fin de l’année 2007.
L’économie française fait donc du surplace depuis 2007. Et cela s’accompagne de la progression continue du chômage ainsi d’ailleurs que des déficits publics.
Nous étions, en 2007, à peu de chose près dans les critères européens et nous nous retrouvons, en ce printemps 2010, avec une dette publique de plus de 1 500 milliards d’euros et un déficit supérieur à 7 % du PIB !
Vous me rétorquerez sans doute que cette situation est due à la crise. Mais la crise a bon dos, en la matière, puisque ce déficit a été alimenté autant par une conjoncture économique plus que délicate, mettant en accusation directe les règles de fonctionnement de la mondialisation libérale, que par des choix, en matière de fiscalité, particulièrement meurtriers.
S’il fallait le résumer, le bilan du sarkozysme pourrait être ainsi énoncé : plus de chômage, peu de croissance, plus de déficits et de dette publics !
Cette situation devrait en toute logique conduire certains responsables à s’interroger sur la pertinence de choix antérieurs. Or, que nous propose-t-on dans ce projet de loi de finances rectificative ? Rien, ou presque rien de nouveau.
La rigueur budgétaire, dont nous connaissons les postulats – non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, gel en valeur des dépenses publiques de l’État, mise en cause de la compensation des charges transférées aux collectivités locales – continue de battre son plein, ce qui contribue, je le souligne, à l’asphyxie lente mais sûre de nombre d’activités économiques.
On ne trouve dans les politiques publiques aucune trace d’une démarche nouvelle, visant notamment à prendre en compte les besoins sociaux, à corriger les effets d’une précarisation galopante de la population. Il faut savoir que le nombre de personnes qui bénéficient du RSA est aujourd’hui plus élevé que ne l’a jamais été le nombre d’allocataires du RMI.
Mieux encore – si l’on peut dire –, le Gouvernement va récupérer cette année les 450 millions d’euros qu’il avait renoncé à prélever, l’an dernier, sur les trois millions de redevables de l’impôt sur le revenu acquittant les plus faibles contributions !
La seule raison d’être de ce collectif est donc de constater la création d’un instrument juridique, un véhicule ad hoc qui va cantonner, pour le compte de l’État, sans que l’on sache exactement de quoi il s’agira, les 111 milliards d’euros que les instances européennes nous demandent de consacrer à la prise en garantie des éventuelles défaillances financières dont souffriraient, après la Grèce, certains pays de la zone euro.
Ainsi, après être venus au secours des banques et des compagnies d’assurance créancières de l’État grec, qui redoutaient de détenir des produits irrécouvrables, nous sommes aujourd’hui enjoints de secourir ces mêmes banques et compagnies d’assurance, parce qu’elles ont quelques craintes sur les titres des dettes publiques espagnole, portugaise, italienne, irlandaise, belge – que sais-je encore –, figurant dans leur portefeuille, le tout, bien entendu, accompagné d’une véritable épidémie de politiques d’austérité.
La mise en cause de la retraite à soixante ans, comme le gel des dotations aux collectivités locales, annoncé pour le projet de loi de finances pour 2011, en passant par le non-remplacement prévu de 100 000 fonctionnaires appelés à faire valoir leur droit à la retraite d’ici à 2013, tout participe de votre volonté profonde de vous placer parmi les meilleurs élèves de l’Europe libérale dans ce qu’elle a de plus détestable pour le respect de la volonté populaire et, bien sûr, des besoins collectifs.
Ce projet de loi de finances rectificative, en poursuivant une politique forcenée de réduction des déficits, enclenche de fait le processus qui, selon vous, devrait ramener la France dans les critères du traité de Lisbonne et de l’Union économique et monétaire, c'est-à-dire un processus qui alourdira de 100 milliards d’euros les prélèvements fiscaux subis par nos compatriotes pour avoir, dans trois ans, la même qualité de service public qu’aujourd’hui !
Et, comme aucune modification sensible des profondes inégalités devant l’impôt ne semble devoir être mise en œuvre, ce sera en réalité toujours plus d’impôts pour les plus modestes pour toujours moins de services publics !
Nous avons d’ores et déjà quelques doutes sur votre volonté de réduire le coût sans cesse accru des niches fiscales – une bonne douzaine ont été ouvertes depuis 2007 –, si ce n’est en réduisant le nombre de celles qui bénéficient aux plus modestes, comme nous l’avons vu voilà peu avec la suppression de la demi-part accordée aux contribuables parents isolés, ou encore avec la fiscalisation des indemnités versées en cas d’accidents du travail !
Nous vous attendons donc de pied ferme sur la lutte contre les niches dont bénéficient les revenus du capital, les patrimoines importants, les grandes entreprises, les marchés financiers !
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, nous ne voterons pas le présent projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vais m’efforcer de conférer à notre discussion une tonalité différente de celle que lui ont donnée les deux orateurs qui m’ont précédé.
« Sur la route qui nous conduira au succès, il y a de multiples obstacles, mais nous parviendrons à les franchir à force de courage, de patience, de volonté. Faire l’Europe, ce n’est pas faire un miracle, ce sera la récompense magnifique d’un long effort. ». Ainsi s’exprimait Paul-Henri Spaak, en 1949. Il se heurtait, déjà, à des difficultés. Il pressentait qu’il faudrait en surmonter d’autres et savait que la construction européenne serait d’abord affaire de volonté politique.
Vincent Auriol répondait en ces termes : « Aucun pays n’est plus attaché que la France à l’Europe qui, lentement, s’édifie, et dont la réalisation est indispensable à la paix, à la stabilité et à la prospérité du monde. » Tout était dit !
Crises il y eut, dans les années cinquante. Crises il y eut depuis. Crise il y a, indéniablement, aujourd’hui, sur un sujet emblématique et très sensible : l’euro ! Crise, donc, éminemment dangereuse, ne laissant aucun droit à l’erreur !
Nous sommes en effet dans un des domaines où l’Europe est allée le plus loin, alors que c’était, sans doute, le plus difficile puisque, avec la monnaie, on touche directement à la souveraineté.
On prend conscience, avec cette crise, que, même en étant allé aussi loin, on n’a parcouru que la moitié du chemin ! Une monnaie « orpheline d’État » devait poser problème un jour : nous y sommes !
Il faut maintenant éteindre l’incendie ; vous vous y employez, madame la ministre.
Le plan dont la mise en œuvre exige le présent projet de loi de finances rectificative doit être opérationnel très rapidement. Il est indispensable que nul n’ignore la volonté commune inébranlable des seize pays de l’Eurogroupe de sortir de la crise par le haut.
Le monde doit également savoir que, une fois le feu éteint, nous ferons le choix d’offrir un État à l’euro, c’est-à-dire un gouvernement économique à l’Europe.
Je sais que c’est exactement votre préoccupation, madame la ministre. Nous vous en remercions d’autant plus que certains eurosceptiques tentent de saisir une si belle occasion pour entraver, voire casser une construction européenne qui les dérange. Certains relancent même l’idée d’un retour au franc… Gribouille n’est pas mort !
Oui, madame la ministre, nous vous remercions d’autant plus que, si les enjeux sont lourds pour le présent, ils le sont également pour l’avenir. Toutes les décisions prises, tous les choix faits orientent la suite. Il faut donc qu’ils soient à la fois opérationnels pour le présent et porteurs de sens pour l’avenir. Que cela plaise ou dérange, c’est sous nos yeux, à chaud, que se poursuit la construction de l’Europe politique.
La crise, et c’est tant mieux, nous oblige à sortir de notre réserve et de nos doutes, à prendre conscience du fait que nous sommes engagés avec des partenaires qu’il nous faut écouter, comprendre, respecter.
Parmi eux figure la Grèce. Je ne reviens pas ici sur les responsabilités des gouvernements successifs qui ont mis ce pays en situation d’apparaître comme un « maillon faible », mais nous ne devons pas oublier non plus que nous portons tous une part de responsabilité, pour défaut de surveillance ou même, reconnaissons-le, pour ne pas avoir découragé la Grèce de poursuivre un effort militaire qui n’est plus vraiment de saison, mais qui nous intéressait.
Parmi ces partenaires figure également l’Espagne, qui connaît des difficultés assez différentes. Sa dette publique restait jusqu’à présent mesurée, mais elle voit sa notation secouée du fait de l’immobilier, du poids de la dette des particuliers, du niveau de son chômage – même s’il semble qu’il cesse de se dégrader –, ainsi que, disons-le, des premiers effets de mesures de rigueur nécessaires mais mal reçues par les Espagnols. La confiance des investisseurs dans la reprise étant atteinte, la notation de l’Espagne baisse, le crédit se renchérit et la dette publique dérape très vite.
On pourrait ainsi analyser les situations de chacun de nos partenaires, la nôtre également. Je dirai simplement qu’il faut porter, jour après jour, la plus grande attention à la confiance mutuelle qui doit, plus que jamais, souder le couple franco-allemand.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Très juste !
M. Denis Badré. J’arrête sur ce point, en soulignant simplement que les marchés sont aux aguets, prompts à monter en épingle le cas d’un nouveau « maillon faible ».
Nous l’avons déjà dit : la crise est d’abord une crise de confiance. Or la confiance ne se décrète pas, elle se construit. La solidarité entre nos États doit être perçue comme sans faille, faute de quoi, le doute s’installera sur la robustesse de ceux qui n’ont pas encore été « ciblés » et, plus généralement, sur notre capacité collective à la solidarité.
La dernière Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes des parlements de l’Union européenne, la COSAC, réunie en début de semaine à Madrid, fut passionnante, car nous y avons vu l’Europe en mouvement. Elle a été l’occasion de mettre en évidence une grande convergence des analyses des parlementaires nationaux et européens à cet égard. Il est apparu clairement que nous partageons très largement une même volonté politique : nous devons réagir solidairement, fermement et immédiatement face à la crise si nous voulons pouvoir reprendre ensemble le chemin de la croissance, sachant qu’aucun des membres de l’Union n’est capable de le retrouver seul.
Dès lors que nous nous serons remis en ordre de marche, nous pourrons miser sur nos atouts, qui restent très porteurs dans le contexte de la mondialisation : des finances publiques et un appareil financier qui demeurent relativement sains, quoi qu’on en dise, un potentiel de recherche et de développement qui ne demande qu’à s’exprimer, un rayonnement commercial structuré, des amortisseurs sociaux qui jouent leurs rôles social et macroéconomique.
Notre handicap majeur est d’un autre ordre. Face à des marchés mondiaux qui réagissent dans l’instant, la sphère publique dans le monde reste éclatée entre deux cents États souverains. Nous n’avons donc plus le choix ! La gouvernance mondiale doit progresser, et nous attendons donc beaucoup du G20, madame la ministre. De son côté, l’Union européenne doit devenir l’acteur politique majeur dont on parlait toujours jusqu'à présent sans forcément vouloir qu’il advienne.
Lorsque l’on évoque l’idée que certains pourraient être poussés vers la sortie, c’est pour souligner immédiatement le caractère irréaliste ou absurde de cette hypothèse. L’Estonie continue à se préparer à devenir le dix-septième membre de la famille ; la Slovaquie, dernière arrivée, répète qu’elle se félicite de lui appartenir, et l’Islande aimerait presque pouvoir choisir l’euro sans l’Europe… La seule ombre à ce tableau, c’est la Suède, dont nous n’oublions pas qu’elle ne bénéficie pas d’une clause d’opting out, mais qui, elle, fait semblant de l’oublier.
Nous savons bien que la baisse de sa parité avec le dollar ne signifie pas la fin de l’euro. Relativisons : il est revenu pratiquement à son niveau de départ, après être descendu aux trois quarts de cette valeur, puis remonté bien au-dessus, les deux situations engendrant d’ailleurs symétriquement et successivement des alarmes tout aussi extrêmes.
Il est vrai qu’atteindre un niveau donné par le haut ou par le bas n’a pas la même signification, et qu’on s’est longtemps demandé si l’euro était surévalué ou le dollar sous-évalué… Alors, prenons les choses comme elles sont, en retenant le caractère premier des paramètres psychologiques et de la confiance.
L’euro, qui a pu prendre toute sa place et vivre plus de dix ans dans son statut de monnaie orpheline, n’ira pas plus loin sans État, non plus que l’Union économique et monétaire sans gouvernement économique.
Dans ce contexte, les décisions que nous allons ratifier paraissent aujourd’hui les bonnes. Sans doute eût-il été possible de frapper moins fort en intervenant plus tôt. Mais ce n’est plus la question. Consolons-nous en nous disant que, le mal s’étant creusé, les réformes de fond de la gouvernance européenne apparaissent maintenant incontournables et ne peuvent plus être refusées que par ceux qui refusent l’Europe elle-même.
L’analyse du détail de ce plan montre que la Commission va emprunter 60 milliards d’euros, consommant ainsi la totalité des possibilités de financement prévues à l’article 122, alinéa 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il est opportun qu’elle soit ainsi appelée à « monter en ligne », ce qu’elle n’a pas suffisamment fait jusqu’à présent.
Nous retrouvons cependant ici un vrai sujet : le budget européen ne peut emprunter, sans doute parce que l’Union n’est pas un État. Cette vraie question se reposera lorsqu’on réfléchira à ce que devrait être un vrai budget pour l’Europe, un budget capable d’investir. La question a été évoquée par la COSAC, tout comme un autre vrai sujet : à l’heure où l’on cherche à consolider les institutions de l’Union, les 450 milliards d’euros de garantie européenne des dettes souveraines des États relèvent d’une décision intergouvernementale et non communautaire, justement parce que l’Union ne peut pas emprunter. Cette garantie européenne est en réalité une garantie inter-États, qui doit être mise en œuvre, par parties, par des votes de chacun de nos parlements nationaux.
Car l’Europe, ce sont bien nos parlements. L’Europe, c’est bien nous, les Européens !
Au passage, nous notons de nouveau la nécessité et la force d’une implication solidaire du Parlement européen et de nos parlements nationaux. Aujourd’hui, celle-ci ne semble plus poser les mêmes problèmes qu’hier. Nécessité fait loi, et c’est tant mieux !
J’indique à M. le président de la commission des finances que la COSAC a notamment accueilli avec faveur l’idée d’une structuration de groupes de travail réunissant des représentants de la commission des budgets du Parlement européen et de nos commissions des finances. On devrait pouvoir progresser assez vite sur ce point, ce qui me semble intéressant alors que s’ouvre le débat sur les perspectives financières.
Puisse l’Europe sortir de l’épreuve institutionnellement plus unie et politiquement plus forte ! Cela dépendra de la capacité à travailler ensemble que sauront montrer, dans les semaines qui viennent, la Commission, le Conseil, le Parlement européen, les gouvernements et les parlements nationaux. Nous nous posions, mes chers collègues, la question de savoir comment le Sénat français allait mettre en œuvre le contrôle de subsidiarité que nous confie le traité de Lisbonne. Nous sommes très vite allés beaucoup plus loin…
C’est, je pense, ce qu’attendent de nous les Européens lorsqu’ils voient dans les parlements de l’Union les forums rapprochés du débat européen.
C’est en pensant à eux, à tous les Européens, que je vous confirme, madame la ministre, le vote positif et sans états d’âme du groupe de l’Union Centriste. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette troisième loi de finances rectificative pour 2010 concrétise l’engagement de la France, qui fait suite à l’accord intergouvernemental intervenu au sein de l’Eurogroupe le 9 mai, après une semaine de tourmente où, comme aux pires moments de la crise financière de 2008, le marché interbancaire s’est grippé et les marchés d’actions ont chuté.
Lors de la discussion de la précédente loi de finances rectificative, où il était question d’être solidaires avec la Grèce, nous avions reproché l’attentisme des États de la zone euro qui avait, par sa durée, du 11 février au 23 avril, alimenté la spéculation. Cette fois, ces États ont réagi vite et conclu un accord à l’arraché qu’il nous faut transcrire dans la loi nationale.
Le groupe socialiste votera donc l’engagement de la France, qui porte sur une garantie de 111 milliards d’euros. Nous le voterons pour les mêmes raisons que nous avions voté le plan de solidarité avec la Grèce, au motif du respect de nos engagements européens et de la solidarité que nous devons exprimer aux pays de la zone euro qui seraient en difficulté pour refinancer leur dette.
Lors de ce débat, nous avions appelé à la constitution d’un fonds monétaire européen, une revendication partagée de longue date par tous les partis socio-démocrates européens. Nous n’y sommes pas encore, mais, si l’on est optimiste, le Fonds européen de stabilité financière, bien qu’il soit limité à trois ans, pourrait en être l’amorce, puisque sa vocation est avant tout préventive. Qui vivra, verra !
Par ailleurs, mais dans le même mouvement, la Banque centrale européenne reprend les titres des États, ce qu’elle avait déjà fait pour la Grèce – j’avais dit alors qu’elle avait franchi le Rubicon –, apportant ainsi de la liquidité aux banques.
Madame la ministre, je l’ai bien noté, alors qu’elles sont souvent vilipendées – pour de bonnes raisons, du reste -, les banques allemandes ont pris l’engagement de conserver les titres qu’elles détiennent sur la Grèce, et les banques françaises sont appelées à faire de même. Espérons qu’elles le feront aussi pour les autres pays où leur exposition est autrement plus importante ; je pense à l’Espagne et au Portugal.
Au passage, je relève tout de même qu’il s’agit d’une monétisation de la dette qui, en fonction de son ampleur, pourrait constituer une nouvelle « bulle » tout aussi dangereuse que celle que nous avons connue.
Cette garantie devrait être rémunérée mais, au moment où nous parlons, nous n’en connaissons pas le taux final. Sera-t-il aussi lourd que celui qui a été arrêté pour le prêt consenti à la Grèce ? Ce ne serait pas souhaitable, car à quoi bon fixer des taux élevés si les États en difficulté ne peuvent pas rembourser ? Si la situation ne s’arrangeait pas, il faudrait bien se poser la question du rééchelonnement et de la restructuration de la dette de certains États.
Au moment où nous débattons, les conditions d’application du mécanisme qui a été adopté le 9 mai sont en effet inconnues, mais nous savons qu’elles font l’objet d’âpres discussions, notamment avec nos partenaires allemands, à qui le Gouvernement français entend manifestement donner des gages de sérieux.
Au demeurant, les craintes des investisseurs ne se sont pas calmées après le 9 mai. S’il s’agissait de les rassurer, ce n’est pas totalement un succès. S’il s’agissait pour les États de conserver les notes qui leur ont été décernées par les agences de notation, cela n’a pas mieux fonctionné, au moins pour un des pays de la zone euro, l’Espagne, et je relève que notre ministre du budget lui-même a également parlé des tensions qui pesaient sur la note de la France.
Il est vrai qu’une dégradation de notre note pourrait nous coûter très cher. Ainsi, selon le rapport Champsaur-Cotis, une progression du taux d’emprunt à sept ans de 2,5 % à 3 % coûterait 2 milliards d’euros de charges d’intérêt supplémentaires en 2010, 3 milliards d’euros en 2012 et 4 milliards en 2013. M. Fourcade, qui connaît tout cela par cœur, pourra nous confirmer ces chiffres.
Qui veut-on rassurer, finalement ? L’Allemagne, les marchés, les agences de notation ? Pour l’instant, les résultats se font attendre. Une chose est sûre, si j’en crois la lecture des indicateurs du moral des ménages, c’est que l’on ne rassure pas les Français…
En revanche, nous commençons à apercevoir les linéaments des contreparties attendues des États de la zone euro, qui apparaissaient moins clairement dans ce plan, et qui nous renvoient au débat national, et donc au Parlement.
Par petites touches, en effet, le Gouvernement nous propose, ni plus ni moins, une cure d’austérité. C’est bien le terme qu’il faut employer quand le Gouvernement confirme à la Commission européenne son engagement de ramener le déficit public à 3 % du PIB d’ici à 2013.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est une bonne chose !
Mme Nicole Bricq. Sans doute, monsieur le président de la commission des finances, mais encore faut-il que cet objectif soit réaliste et compatible avec nos difficultés de croissance.
La confirmation de cet engagement pris par le Gouvernement en début d’année doit être complétée par les annonces faites par Président de la République, notamment lors de la conférence sur les déficits publics du 20 mai. Je les rappelle : réduction de 10 % des dépenses d’intervention de l’État et gel en valeur des dotations aux collectivités locales.
Il s’agit donc bien d’une cure d’austérité, qui prend le risque de tuer toute éventuelle croissance, alors que celle que nous enregistrons est d’à peine 0,1 % au premier trimestre. Le Gouvernement ne modifie d’ailleurs pas sa prévision de croissance à l’occasion de cette loi de finances rectificative, préférant attendre le résultat du deuxième trimestre. Mais, en tout état de cause, la croissance est très faible et la conjoncture inspire beaucoup de prudence, voire de l’inquiétude au consensus national des économistes.
En tout cas, les bourgeons de la reprise n’ont pas encore éclos.
Si tous les pays de la zone euro adoptaient des plans d’austérité, ce serait dramatique, car nous savons bien que les échanges intra-européens sont essentiels, pour l’Allemagne, qui réalise plus de 60 % des siens à l’intérieur de la zone euro, et pour la France, dont le chiffre est également très important. Si les flux commerciaux s’arrêtent, nous aurons à coup sûr une récession.
Par conséquent, nous devons à la fois continuer à soutenir l’économie par une politique ajustée et réduire nos déficits ; mais encore faut-il le faire progressivement. C’est pourquoi cette période de trois ans n’est pas réaliste : madame la ministre, cela tuera le malade !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais il mourra guéri !
Mme Nicole Bricq. Que le malade meure guéri est sans doute assez bon pour les médecins de Molière, monsieur le rapporteur général, mais vous savez très bien que la saignée n’est pas le meilleur des remèdes !
Le Président de la République a annoncé une nouvelle réforme constitutionnelle et nous aurons bientôt le débat d'orientation budgétaire où nous serons amenés à reparler des conditions dans lesquelles on peut raisonnablement restaurer nos finances publiques. Nous y sommes particulièrement attachés, nous l’avons déjà dit à cette tribune, et depuis longtemps.
Je rappelle, à cet égard, qu’il y a deux ans la Constitution a été révisée pour prévoir désormais que « la programmation des finances publiques s’inscrit dans l’objectif d’équilibre des comptes. »
Or, monsieur le rapporteur général, sans remonter très loin dans le temps – vous ne remontez pas avant 2002 -, je vous signale que, à peine adoptée, la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, que vous avez adoptée en février 2009, n’a pas été respectée. Nous avons été amenés à le dire, elle est devenue caduque. (M. le rapporteur général s’exclame.) Nous avons été ici même témoins à plusieurs reprises de cette caducité.
La règle constitutionnelle n’a pas empêché cette dérive, vous avez continué. Je ne veux pas revenir sur le débat fiscal, mais tout de même… Voyez toutes les exonérations que vous avez consenties. Et vous envisagez même de constitutionnaliser les dépenses fiscales, auxquelles vous êtes maintenant très attachés. Je pense à la TVA sur la restauration. Je passe, tout le monde aura compris…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n’ai jamais été partisan de la TVA à 5,5 % dans la restauration, vous le savez !
Mme Nicole Bricq. Mais vous l’avez votée, pas nous !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne l’ai pas votée !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous savez ce que c’est, la discipline, l’amitié… (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Au demeurant, renforcer la normativité constitutionnelle n’est pas une mince affaire. Madame la ministre, j’ai lu le rapport d’étape du groupe Camdessus et nous attendons pour la fin juin le rapport final. On souligne dans ce document que toute norme doit comporter une marge de flexibilité pour affronter les crises. Les Allemands avaient dans leur Constitution une norme très forte, mais la digue s’est rompue quand la crise financière est arrivée.
Nous reviendrons ultérieurement à ce débat, il sera forcément très intéressant. Si je l’évoque aujourd'hui, c’est parce que cette promesse faite par le Président de la République à l’horizon 2012 et, sans doute, la réforme des retraites – on en reparlera – doivent, dans l’idée du Gouvernement, avoir non seulement auprès de la Commission européenne – la France fait tout de même l’objet d’une procédure –, mais aussi auprès des agences de notation, peut-être même aussi de l’Allemagne et des marchés, une fonction de réassurance.
Quand on regarde les périodes où les déficits se sont creusés et l’endettement s’est accru – et là on pourrait remonter avant 2002 – toute réassurance qui serait donnée par un gouvernement et une majorité parlementaire qui n’ont jamais, absolument jamais pourvu au désendettement dans les périodes de croissance ferait réfléchir, à défaut de pouvoir faire sourire.
Dans cette période tourmentée, il ne faut pas se tromper de remède. Le temps gagné sur la spéculation ne doit pas être du temps perdu pour la construction européenne,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Nicole Bricq. … celle qui doit reprendre sur des bases nouvelles, car si l’on regarde les dernières années, cela n’a pas été très brillant.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est une maison de tolérance !
Mme Nicole Bricq. Ce travail doit reprendre au-delà de l’épreuve.
La gouvernance économique, si souvent réclamée par le groupe socialiste, ne se confond pas dans notre esprit avec une politique de réduction drastique de l’action publique au détriment des plus faibles.
Selon les chiffres communiqués par l’Organisation internationale du travail, si des cures d’austérité sont imposées partout dans le monde, ce sera dramatique, car plus de 100 millions de personnes seront abandonnées dans la crise, et nous pouvons nous faire du souci.
Par ailleurs, cette gouvernance économique ne doit pas se faire non plus au détriment des investissements nécessaires pour retrouver les chemins de la croissance.
Nous le ressentons tous, il ne s’agit pas aujourd’hui d’une énième crise venant succéder aux crises nombreuses qui ont jalonné la constitution de l’Europe depuis sa création : la présente crise peut être fondatrice comme elle peut signer notre déclin.
Voter ce plan de stabilisation financière nous fera gagner du temps ; il est nécessaire, mais il ne nous masque pas les choix de fond auxquels nous devons être attentifs.
Le choix de fond qui est posé concerne la méthode : on ne pourra pas continuer longtemps dans l’intergouvernemental, nous en sommes convaincus, et cela renvoie effectivement à un débat politique profond…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
Mme Nicole Bricq. … sur ce que nous voulons pour cette construction européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier.
M. Albéric de Montgolfier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, moins d’un mois après la promulgation de la dernière loi de finances rectificative, qui visait à mettre en œuvre le plan français d’aide à la Grèce, le Sénat s’apprête à examiner le troisième collectif budgétaire de l’année 2010, qui est également, je le rappelle, le cinquième collectif lié à la crise financière.
Le précédent collectif répondait à une urgence liée à l’effondrement de l’économie grecque ; il visait par conséquent à réparer, à poser en quelque sorte une rustine sur la roue guidant le véhicule de l’Union sur le chemin parfois chaotique de la construction européenne.
Aujourd’hui, il s’agit non plus de réparer dans l’urgence mais de prévenir. Il s’agit non plus de poser des rustines mais de changer la roue devenue instable et d’éviter ainsi qu’elle n’entraîne dans sa chute tout le véhicule de la zone euro.
Tel est l’objet du plan européen de stabilisation financière, dont le présent collectif constitue le volet français.
Le plan européen a été décidé lors de la réunion du Conseil de l’Union européenne du 9 mai 2010, en réaction à la crise grecque et aux risques de contagion à d’autres États membres, susceptibles d’être à leur tour victimes de la spéculation financière, et plus largement, de déstabilisation de la zone euro dans son ensemble.
La réaction franco-allemande, en liaison avec la Commission européenne et le FMI, face à des marchés continuant de spéculer malgré le plan de sauvetage de la Grèce, a donc consisté à privilégier une approche globale, coordonnée et rapide, plutôt que d’en rester à des solutions au cas par cas qui ne décourageraient pas la spéculation.
Comme pour le plan de sauvetage de la Grèce, la France apparaît donc aux avant-postes parmi ceux qui ont réagi le plus rapidement, et je souhaiterais à cet égard, madame la ministre, saluer votre engagement personnel aux côtés du Président de la République, notamment pour réagir dans l’extrême urgence.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. C’est bien !
M. Albéric de Montgolfier. Comme cela a été rappelé, le plan européen se décline en trois volets.
Premièrement, un volet communautaire : un État membre en difficulté pourra bénéficier de prêts garantis par le budget de l’Union européenne, à hauteur de 60 milliards d’euros. Ce volet résulte de l’application de l’article 122, alinéa 2, du Traité prévoyant une aide financière quand les difficultés de l’État sont dues à des circonstances exceptionnelles. Cette aide est donc indépendante du contrôle des États membres.
Deuxièmement, un volet intergouvernemental complète le volet communautaire, trop faible pour rassurer les marchés. Ainsi, 440 milliards d’euros seront garantis pendant trois ans sur une base non solidaire par les seize États membres de l’Eurogroupe, au Fonds européen de stabilité financière, un organisme ad hoc qui sera géré par la Banque européenne d’investissement et qui sera chargé de refinancer des États membres de la zone euro en difficulté.
À ce sujet, madame la ministre, pourquoi avoir limité les bonnes volontés aux seuls membres de la zone euro, alors que d’autres États, semble-t-il, comme la Suède et la Pologne, désiraient également apporter leur garantie au Fonds de stabilisation ?
Entre les volets communautaire et intergouvernemental, ce sont donc 500 milliards d’euros de garantie, fonctionnant comme une caution, qui vont permettre de lever des fonds sur les marchés financiers pour ensuite acheter de la dette publique de pays fragilisés.
À cela s’ajoute un troisième volet, correspondant à l’effort substantiel du FMI, à hauteur de 50 % de l’effort consenti par l’Union européenne et les États membres de la zone euro, soit 250 milliards d’euros.
Contrairement à certains qui véhiculent des rancœurs de voir ainsi l’Europe faire appel au FMI, nous devrions au contraire saluer cet effort coordonné sans précédent.
Et n’oublions pas que les États membres vont eux-mêmes renforcer les moyens d’intervention du Fonds monétaire international à hauteur de 500 milliards de dollars, suite à la décision du G20 de Londres et de Pittsburgh en 2009.
Le présent projet de loi de finances rectificative prévoit ainsi un relèvement de la contribution française aux nouveaux accords d’emprunt qui lient le FMI et ses membres les plus solvables, à 18,7 milliards d’euros.
Le collectif précise également la quote-part de la France au montant de garantie apporté au Fonds européen de stabilité financière, qui est proportionnelle au montant de sa participation dans le capital de la Banque centrale européenne, soit un plafond maximal de 111 milliards d’euros de prêts ou de lignes de crédit, en intégrant la majoration de 20 % décidée pour tenir compte de l’hypothèse d’une mobilisation du fonds en faveur d’un État membre défaillant, qui, par conséquent, ne pourrait plus lui-même apporter sa garantie.
Bien sûr, ces montants sont à cette heure hypothétiques et n’ont pas d’impact sur le solde, comme le rappelait M. le ministre du budget, tant qu’aucun appel effectif de la garantie n’est effectué par un État en difficulté.
Bref, nous le savons, la construction de l’Union passe par des crises, qui permettent souvent de l’accélérer.
Les difficultés rencontrées par la zone euro ont mis en lumière la nécessité d’une accélération de la construction européenne, qui passe, en premier lieu, par une meilleure coordination des politiques économiques et financières et par une meilleure gouvernance économique.
Présenter nos perspectives budgétaires à l’Eurogroupe ne suffira pas ; il faut un rapprochement des politiques économiques et des législations fiscales. Les pays de la zone euro doivent s’engager sur de nouvelles règles de gouvernance, avec un conseil de l’euro traitant de toutes les dimensions économique, financière et sociale, avec pourquoi pas, à terme, un pouvoir d’initiative et de régulation qui serait confié à la Commission européenne.
À cet égard, la politique de l’autruche n’est plus acceptable et les problèmes économiques doivent être posés sur la table.
Chacun doit faire un effort, notamment sur les déficits : la France est déficitaire depuis trente-cinq ans !
Saluons l’initiative du chef de l’État, qui a organisé cette conférence nationale sur les déficits, même si certains ont cru bon de ne pas y participer,…
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. C’est exact !
M. Jean-Louis Carrère. « Certains » ont eu raison de ne pas y participer !
M. Albéric de Montgolfier. Non, parce que tout le monde doit participer à l’effort de réduction des déficits !
Saluons également la mobilisation du Gouvernement sur ce sujet.
Le rôle du Parlement sera également primordial. La prochaine loi de finances sera décisive, d’autant plus si la réforme constitutionnelle annoncée permet de mettre en œuvre la volonté affichée que toutes les dispositions fiscales relèvent de la seule loi de finances. Nous y gagnerons en lisibilité et en maîtrise de nos dépenses.
Mme Nicole Bricq. On en reparlera !
M. Albéric de Montgolfier. Combien de niches n’ont-elles pas été créées dans des textes hors budget ?
À cet égard, la mobilisation européenne est salutaire. Misons aussi sur une mobilisation et une solidarité nationales en cette période de crise. Au-delà de nos clivages partisans, l’intérêt général doit primer, notamment pour l’équilibre budgétaire.
Mes chers collègues, l’Europe est née d’une crise majeure, celle de la guerre et de la confrontation de pays. Elle doit maintenant survivre à la confrontation des économies de ses États membres, à la mondialisation et au pouvoir des marchés.
La vocation du politique est de réagir : le Gouvernement l’a fait ; le Parlement l’a fait en votant le plan d’aide à la Grèce voilà quelques semaines. Désormais cependant, notre vocation n’est plus simplement de réagir, elle est d’agir. C’est ce que nous faisons aujourd’hui.
Le chantier est immense, entre la réduction des niches fiscales et sociales, la réforme des retraites, la réforme de la dépendance, la responsabilisation de chacun des acteurs publics en matière de dépenses, l’approfondissement de la construction européenne et la régulation bancaire et financière.
Dans tous ces domaines, le groupe UMP du Sénat soutiendra bien sûr le Gouvernement en apportant sa part à ce vaste chantier. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, mon collègue et ami Albéric de Montgolfier vient de vous apporter le témoignage de notre soutien et vous a indiqué que nous allions très largement voter le projet de loi de finances rectificative que vous nous proposez.
En effet, tout le monde admire l’effort que vous avez accompli pour parvenir à surmonter les difficultés qui nous assaillent et à nous présenter un texte qui, en ce qui concerne tant le fonds de soutien européen que les garanties qui l’accompagnent, ne bouleverse pas le budget que nous avons voté pour 2010 et se contente de confirmer ce qui a été prévu.
Or, c’est justement ce qui a été prévu qui nous inquiète. C’est pourquoi, tout en vous manifestant mon soutien personnel continu, je tiens à vous faire part – car c’est le rôle de la majorité que d’apporter un regard lucide – de trois observations sur notre situation budgétaire actuelle.
La dette de l’État, en 2010, dépassera 80 % du PIB, car elle croîtra encore de plus de 105 milliards d’euros.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui, elle se porte bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. C’est en tout cas ce qui est prévu dans le texte, pour le moyen et long terme.
Néanmoins, comme le Parlement ne vote pas l’évolution du volume des bons du Trésor ni des engagements financiers à moins d’un an, toute modification des taux d’intérêt se traduira, comme l’a souligné tout à l’heure Mme Bricq, par une aggravation de la charge budgétaire de plusieurs milliards d’euros, ce qui va rendre difficile le retour à de meilleures conditions financières.
Donc, premier point, je souhaite, comme le rapporteur général, que l’on présente au Parlement non pas seulement l’augmentation de nos emprunts à court et moyen terme, mais aussi la variation en volume des bons du Trésor. Nous avons un stock de plus de 200 milliards d’euros de bons du Trésor, dont les taux sont très faibles : une augmentation de un point se traduirait immanquablement par une dépense budgétaire supplémentaire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faudra préciser cela dans la programmation budgétaire, qui aura un caractère organique !
M. Jean-Pierre Fourcade. Absolument ! C’est vraiment un point essentiel.
Par ailleurs, le rapporteur général a fait observer dans son très intéressant rapport que la composition de notre dette à court, à moyen et à long terme est de plus en plus orientée et supportée par des non-résidents et que la part des résidents s’affaiblit.
Mme Nicole Bricq. Il faut faire comme au Japon !
M. Jean-Pierre Fourcade. Cela me paraît très grave dans la conjoncture actuelle et compte tenu de l’évolution des marchés financiers.
Si le Japon peut avoir une dette très forte – près de 200 % de son PIB ! –, c’est parce qu’elle est portée par les Japonais.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. Voilà deux ans, madame la ministre, je vous ai proposé de créer un nouvel instrument de collecte de l’épargne française, de l’épargne des résidents, pour éviter ce genre de difficulté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je crois, et c’est mon deuxième point, que le moment est venu. Il faut, autant que possible, créer des bons du Trésor à cinq et dix ans réservés aux résidents ; il faut que vous envoyiez des fonctionnaires de votre ministère au Japon afin de comprendre comment fait ce pays pour conserver une dette interne, de façon que nous puissions essayer de drainer, au bénéfice de notre budget, les excédents d’épargne qui existent.
C’est un problème de plus en plus crucial et, si nous sommes un jour obligés de recourir pour notre propre dette et notre propre budget aux garanties qui figurent dans le présent projet de loi de finances rectificative, on nous demandera pourquoi nous avons laissé à ce point nos emprunts « filer » à l’étranger.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faudrait que le Trésor accepte de nous écouter !
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Exactement !
M. Jean-Pierre Fourcade. C’est bien pourquoi je le répète de manière très forte : pour que le Trésor et sa ministre de tutelle nous écoutent ! (Sourires.)
À l’heure actuelle, nos créanciers sont de plus en plus des créanciers internationaux. C’est extrêmement dangereux et, comme à la fin de 2010 notre dette dépassera 80 % de notre production intérieure – pour ne pas dire 81 % ou 82 % ! –, il est clair que nous devons rapidement prendre des mesures et mettre en place des instruments de mobilisation de l’épargne des ménages. C’est de cette manière que nous pourrons nous protéger face non pas à la spéculation, mais au jeu des marchés – puisque tout le monde aujourd’hui joue sur les marchés financiers.
Troisième point, nous avions prévu dans une loi de programmation des finances publiques un retour à un déficit public de 3 % en 2013.
Pour moi, le retour à 3 % n’est pas un objectif suffisamment crédible.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Fourcade. L’objectif crédible auquel nous devons arriver, c’est le rétablissement de la situation dans laquelle nous étions en 2006 et en 2007 – il n’y a donc pas si longtemps ! –, quand le déficit budgétaire n’était dû qu’à la charge de la dette : le solde primaire, c’est-à-dire la différence entre les recettes et les dépenses de l’État hors charge de la dette était, lui, équilibré. C’est cela l’objectif ! Car, dès qu’il sera atteint, nous pourrons envisager la stabilisation de notre dette, élément important pour notre crédibilité et pour la position de la France sur les marchés. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
Mme Nicole Bricq. Dites-le au Gouvernement !
M. Jean-Pierre Fourcade. C’est donc, à mon avis, le retour au solde primaire que nous devons d’abord envisager, car c’est cela, la véritable mesure financière qui nous est nécessaire.
Madame la ministre, nous allons transmettre et nous continuerons de transmettre à la Commission et à l’Eurogroupe des prévisions de dépenses et de recettes et des prévisions de retour à l’équilibre.
Je n’entrerai pas dans le débat que certains ont voulu développer sur le point de savoir si le fait que beaucoup de pays européens prennent des mesures de réduction de leur déficit est attentatoire à la croissance ou non. Je me contenterai de souligner que, étant donné la mondialisation de l’économie, étant donné l’équilibre fragile, à l’heure actuelle, entre les États-Unis et la Chine sur la question du financement par la Chine des bons du Trésor américains, qui a des conséquences et sur l’euro, et sur la livre sterling, et sur le yen, il est clair que notre objectif de réduction du déficit n’est pas crédible, madame la ministre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si ! En augmentant les impôts !
M. Jean-Pierre Fourcade. Aussi, je me permets de le dire ici de manière claire : nous ne pouvons pas ne pas envisager à la fois une réduction des dépenses et une augmentation de la fiscalité pesant sur les revenus. Nous ne pouvons pas continuer à faire la politique de l’autruche et arguer du niveau élevé des prélèvements pour refuser une réforme de la fiscalité.
Certes, il ne serait pas bon de toucher à la TVA. (M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général, s’exclament.)
Mme Nicole Bricq. C’est déjà prévu, mais ils ne veulent pas le dire !
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais aujourd’hui, en France, la fiscalité sur les revenus ressemble plus à celle d’un pays en développement qu’à celle d’un pays de l’OCDE !
Si nous voulons que les marchés croient à un retour à un équilibre budgétaire satisfaisant et à un bon pilotage économique, il est certain qu’il faut réduire la dépense, notamment la dépense fiscale, mais il est non moins certain que nous serons obligés de revoir la fiscalité des revenus de l’ensemble des citoyens français
Mme Nicole Bricq. Non, pas de l’ensemble ! De certains plus que d’autres !
M. Jean-Pierre Fourcade. Il faut le dire de manière claire, parce que, si nous ne le disons pas, et malgré ce que racontent les chefs économistes des différentes banques, personne ne croira que nous pouvons ramener en quelques années notre déficit budgétaire de 8 % à 3 %.
Il faut dire la vérité, et il appartient à des gens qui ont l’expérience, madame la ministre, de vous la dire et de vous faire part de leurs inquiétudes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, sans répondre à chacune des interventions de manière spécifique, je reviendrai sur quelques points particuliers.
Monsieur le rapporteur général, vous avez avancé certaines propositions, et vous avez d’abord évoqué les agences de notation, non sans faire référence au thermomètre et au malade.
Je rappellerai que, durant la présidence française de l’Union européenne, nous avions pris l’initiative, dès le mois de septembre 2008, de solliciter de nos partenaires européens une réglementation spécifique sur les agences. Celle-ci fait désormais l’objet d’un règlement européen qui entrera pleinement en vigueur à partir du 7 décembre 2010. Est donc en train de se mettre en place un mécanisme d’agrément et de contrôle des agences, d’indication très précise du mode d’élaboration des notations et d’identification des conflits d’intérêt pour permettre de séparer très strictement les opérations de notation des opérations de conseil.
M. Jean-Louis Carrère. On va noter les agences de notation !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je rappelle également que j’ai confié à l’Autorité des marchés financiers la tâche d’être l’organe auprès duquel les agences de notation déposeront leur demande d’agrément et qui surveillera par la suite leur fonctionnement.
Je suis tout à fait d’accord sur la nécessaire concurrence en la matière, point qui est d’ailleurs relevé dans votre rapport, car aujourd’hui, même s’il existe environ 150 agences de notation de par le monde, ce sont en réalité trois grands opérateurs qui font la note, quelles que soient les circonstances et les personnes, privées ou publiques.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Plus il y en a, plus c’est cacophonique, donc la notation perd de son effet !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous soumettrons au commissaire Barnier un certain nombre d’idées pour qu’il puisse les prendre en compte dans ses perspectives d’approfondissement du régime applicable aux agences de notation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, il faut noter les agences qui notent les agences !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et ainsi de suite…
Mme Christine Lagarde, ministre. Plusieurs d’entre vous ont évoqué plus particulièrement le renforcement d’un gouvernement économique au sein de la zone euro. Je ne saurais que vous conforter dans cette appréciation ! Ce renforcement est nécessaire, j’en veux pour preuve notre récente expérience de gestion de crise.
Il est clair que ce sont les pays unis au sein d’une même zone monétaire qui, étant directement concernés, sont les plus à même de prendre des mesures en matière de coordination des politiques économiques, de mutuelle surveillance – et non pas de tolérance ! – concernant les règles budgétaires internes et l’approbation par l’organe souverain national des budgets respectifs sur une base annuelle, pluriannuelle, ou quinquennale, selon les cas.
En tous les cas, c’est au sein de la zone euro, et non au niveau de l’Union européenne à vingt-sept,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. … où la solidarité est évidemment moins profonde et moins tangible, puisque la monnaie n’est pas partagée, que doit s’exercer le mécanisme du gouvernement économique. Je veux souligner que nos partenaires allemands y sont sensibles, dans la mesure où, par ailleurs, nous sommes prêts à renforcer le pacte de stabilité et de croissance, à lui donner une existence effective, étayée par des sanctions applicables et appliquées, et à y adjoindre, de mon point de vue, un examen attentif du critère de compétitivité entre les États membres. Car il me semble que l’Eurogroupe, dont les membres partagent la même monnaie, ne peut prospérer que dans la mesure où, au fil du temps, les écarts de compétitivité en son sein sont progressivement réduits.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Parfait !
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué un organe européen de la comptabilité publique.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Une autorité !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il s’agirait d’une autorité à caractère probablement indépendant, et néanmoins parfaitement compétente pour définir des normes comptables publiques que l’ensemble des membres de l’Eurogroupe seraient évidemment prêts à respecter et dont le contrôle devrait être assuré par l’autorité elle-même, probablement, bien sûr, avec le concours d’un organe statistique du type Eurostat qui, lui aussi, serait en mesure de contrôler l’application de ces principes.
C’est un sujet très intéressant qu’il faut que nous élevions au niveau de la réflexion du groupe Van Rompuy, et je serais tout à fait désireuse de le faire. C’est effectivement une bonne proposition, en particulier dans le contexte de l’examen de statistiques, de normes comptables, de méthodes de chiffrage que nous avons pu tester dans le cas de la Grèce et qui auraient bien mérité d’être validées à l’étalon de normes comptables publiques européennes.
C’est donc une proposition, monsieur le rapporteur général, dont je vous remercie et à laquelle je donnerai suite.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Puis-je vous interrompre, madame la ministre ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l’autorisation de Mme la ministre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il convient, là aussi, d’évaluer la gouvernance du pays concerné. En l’occurrence, dans le cas de la Grèce, personne n’ignorait que l’institut de la statistique grec, dont la déontologie exigeait qu’il soit indépendant du Trésor public grec, était précisément entre ses mains !
Ces situations doivent être correctement évaluées par les autorités européennes, en particulier par le Conseil de l’Union européenne, afin de mettre un terme à ce qui relève en définitive d’une véritable tricherie !
L’Europe ne peut pas être une maison de tolérance !
M. le président. Veuillez poursuivre, madame la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Pour éviter la tolérance à laquelle vous faisiez allusion, rien de tel que la surveillance, consentie, respectée, fondée sur la transparence et l’authenticité des chiffres.
D’ailleurs, comme vous l’avez noté, le gouvernement grec a soumis au Parlement un texte de loi tendant à donner son indépendance à la direction de la statistique, auparavant intégrée à la direction du Trésor.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Il ne suffit pas de prévoir cette disposition dans la Constitution pour que l’indépendance soit acquise !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est exact !
Mme Christine Lagarde, ministre. Par ailleurs, vous êtes nombreux à souligner le risque d’un double langage et d’une possible discordance entre le langage budgétaire tenu devant les assemblées et celui des programmes de stabilité adressés à la Commission européenne et aux partenaires européens.
Comme vous le savez, le commissaire Olli Rehn a proposé, le 12 mai dernier, la mise en place d’un mécanisme itératif permettant aux parlements nationaux de s’approprier les programmes de stabilité et donnant à la Commission européenne, comme aux États membres de la zone euro, un droit de regard sur les documents budgétaires.
Il conviendra de déterminer avec soin la profondeur de cet examen ainsi que la nature des documents budgétaires qui y seront soumis afin que cet échange entre la Commission européenne et les États membres de la zone euro, d’une part, et les parlements nationaux, d’autre part, ne porte pas atteinte à la souveraineté des assemblées chargées de voter chaque année les budgets annuels dans leur globalité, en dépenses comme en recettes.
Il importe également de préciser le rôle que doivent jouer la Commission européenne et les États de la zone euro dans ce dispositif ainsi que la nature de l’examen en question, et de définir un calendrier permettant que cette mission de surveillance s’exerce non seulement ex post mais également, dans la mesure du possible, ex ante.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Chevènement, vous m’avez interrogée sur la durée des prêts garantis qui pourraient être accordés au bénéfice de certains États nécessitant un soutien financier.
On a pu entendre, de la part d’analystes financiers un peu rapides, que le dispositif mis en place au service de la Grèce ne pouvait qu’être temporaire et nous amènerait selon toutes probabilités à une restructuration de la dette grecque, ou à tout le moins à un allongement des procédures.
En premier lieu, il n’est pas question d’envisager une quelconque restructuration, compte tenu de l’importance de ce plan financier et de la détermination du gouvernement grec comme du Parlement grec à mettre en place toutes les mesures nécessaires.
En second lieu, le dispositif prévu pour la Grèce est un prêt de cinq ans assorti d’une période de grâce de trois ans, pendant lesquelles le remboursement n’est pas exigé. Ces chiffres, qu’il faut garder à l’esprit, seront probablement ceux dont l’on s’inspirait si d’aventure un autre État membre avait besoin du soutien financier du Fonds européen de stabilité financière.
Certes, il faudra également tenir compte du programme mis en place par l’État concerné au titre de la conditionnalité, ainsi que de son plan de financement et de la qualité de sa dette. Mais, pour l’essentiel, nous reprendrions certainement le dispositif prévu pour la Grèce aujourd’hui, soit un prêt de cinq ans assorti d’une période de grâce, en l’occurrence de trois ans.
Je tiens également à rappeler qu’il n’y a pas, à proprement parler, de désaccord entre la France et l’Allemagne au sujet du Fonds européen de stabilité financière. Ce que souhaite vivement l’Allemagne, comme l’a indiqué mon collègue Wolfgang Schäuble devant son Parlement - il a en effet été le premier à faire voter par le Bundestag et le Bundesrat la partie allemande des garanties -, c’est un fonds à durée déterminée, soit une institution différente de ce à quoi nous consentons aujourd’hui.
L’Allemagne ne concevait pas ce fonds comme une institution permanente dotée de secrétariats et d’autres structures bureaucratiques qui l’aurait ancrée dans le cadre des institutions européennes traditionnelles. C’est ce compromis qui a présidé à la mise en place du Fonds européen de stabilité financière.
Il en va de même en ce qui concerne la vente à découvert, sujet sur lequel certains ont vu un désaccord entre la France et l’Allemagne, ou du moins une absence de coordination. Or la France a déjà mis en place un dispositif équivalent à celui de l’Allemagne. En effet, depuis le mois de septembre 2008, est interdite la vente à découvert à nu d’une quinzaine de valeurs financières. Cette interdiction n’a d’ailleurs jamais été levée.
Nous proposons par ailleurs de permettre à l’Autorité des marchés financiers d’interdire les ventes à découvert, dans certaines circonstances particulières, comme vous le verrez lors de l’examen du projet de loi de régulation bancaire et financière.
Mme Nicole Bricq. C’est très partiel ! Il faut aller plus loin !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je partage cette opinion !
Mme Christine Lagarde, ministre. Or le projet de loi soumis hier au conseil des ministres allemand tend précisément à la mise en place d’une mesure de ce type.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Donc, la France et l’Allemagne sont en parfait accord !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous sommes donc sur la même ligne. Le projet allemand va cependant plus loin, puisqu’il interdit également les ventes à découvert à nu de certains CDS sur dette souveraine.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ils ont raison !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous devons avoir ce débat. J’espère toutefois que nous serons guidés par un souci de coordination européenne, afin de ne pas créer un univers européen fragmenté, à géométrie variable, bénéficiant au final à un certain nombre d’arbitragistes prompts à partir faire leur petite cuisine dans ceux des États membres qui n’auraient pas mis en place une telle réglementation.
J’appelle donc de mes vœux une réglementation à l’échelon européen, applicable dans les plus brefs délais. J’en ai fait part à Michel Barnier, qui, dans un entretien accordé à un quotidien du matin, semble d’accord sur le principe d’une accélération afin de parvenir à des règles harmonisées, coordonnées et ne privilégiant pas l’arbitrage, ce qui ne serait ni opérationnel, ni conforme à ce que nous souhaitons en termes de solidarité.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà qui serait beaucoup mieux.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Puis-je vous interrompre, madame la ministre ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l’autorisation de Mme la ministre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je partage l’analyse que vous venez de présenter, madame la ministre. Je souhaiterais toutefois souligner une difficulté.
Nous sommes aujourd’hui vingt-sept États membres au sein de l’Union européenne et les règles du jeu définies dans le domaine financier doivent l’être selon les procédures normales.
Ainsi, selon que l’on représente la City ou la place financière de Paris ou de Francfort, l’attitude diffère. Il semble parfaitement naturel que des États comme l’Allemagne ou la France soient en avance par rapport à d’autres pour la conception de règles, de mécanismes et de dispositifs assurant leur transparence.
Je regrette ainsi qu’une distance soit prise par rapport à la déclaration de la Chancelière, qui, certes, a pu apparaître peu coopérative mais qui, sur le fond, ne peut qu’être entièrement approuvée !
M. le président. Veuillez poursuivre, madame la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur, dans votre excellent rapport, vous préconisez la transparence, voire l’interdiction. Je crois en effet qu’il faut faire preuve de fermeté quant à la transparence. Cependant, les conséquences de l’interdiction, ainsi que les modalités dans lesquelles elle serait prononcée, doivent être examinées avec attention.
Ces principes me paraissent tout à fait opportuns. On ne peut qu’être d’accord avec le principe de transparence, de même qu’avec le principe d’interdiction, dans certaines circonstances.
Il convient toutefois d’être très attentif à la liquidité que requièrent ces marchés. Une combinaison de réglementations non coordonnées, dont l’impact n’aurait pas été correctement évalué, serait susceptible de créer un risque de tension supplémentaire.
Par ailleurs, je retiens votre remarque concernant les délais de la production législative européenne. Cela avait déjà été évoqué à propos des agences de notation. Il me semble néanmoins possible de s’inspirer de principes partagés par les États membres, sans attendre nécessairement la publication d’une directive ou d’un règlement.
Monsieur Bizet, je souhaitais vous remercier de votre soutien.
Sur la question des statistiques, il est nécessaire de disposer de chiffres fiables et d’évaluations crédibles. Nous vous rejoignons totalement sur la nécessité du renforcement d’Eurostat en termes tant de moyens que d’indépendance et d’efficacité des contrôles.
Je suis également d’accord sur la nécessité de renforcer la surveillance, comme je l’évoquais précédemment. Nous serons attentifs aux conclusions du groupe Van Rompuy, qui a décidé d’accélérer ses travaux pour remettre ses conclusions définitives au mois d’octobre.
J’ai suggéré au groupe d’adopter une démarche en deux temps, d’abord, à court terme et à traité constant, pour être certains de fournir des éléments le plus rapidement possible ; ensuite, à plus long terme, et éventuellement à droit non constant. Nous devons dès aujourd’hui renforcer la surveillance et la responsabilité des États les uns envers les autres et assurer une meilleure coordination des politiques économiques menées par les différents pays européens.
À cet égard, la mise en place d’un semestre économique européen, tel que proposé par le commissaire Rehn, ainsi que la création d’outils communs facilitant la mise en œuvre des politiques européennes, comme le tableau de bord, me paraissent des mesures tout à fait appropriées.
Quant à la question de savoir s’il serait opportun de renforcer le volet correctif, le réalisme s’impose. Nous devrions examiner les possibilités qui s’offrent à traité constant et en appliquant le pacte de stabilité et de croissance tel qu’il a été conçu, si j’ose dire, dans sa pureté originelle, afin de déterminer les sanctions applicables dès aujourd’hui.
Le dispositif actuel me paraît suffisant. Certes, des modifications peuvent être envisagées, par exemple des règlements relatifs aux fonds structurels ou aux fonds de cohésion. Ce sont en effet autant d’armes financières qui permettent d’appliquer des sanctions sans modifier le traité.
Monsieur Badré, je vous remercie de votre soutien et de la préoccupation qu’exprime votre groupe en faveur du renforcement de l’Union européenne et de la zone euro en son sein ainsi que de la consolidation budgétaire dans un certain nombre d’États.
Il me semble possible, en faisant preuve d’une extrême vigilance, de mener tout à la fois une politique de redressement des finances publiques, impératif absolu, et une politique de consolidation et de maintien de la croissance. Cette croissance est certes fragile, mais la France a l’avantage, comme deux autres pays au sein de l’Union européenne, d’en percevoir les aspects les plus tangibles et les plus solides.
En effet, les chiffres français des derniers trimestres nous permettent d’ores et déjà d’aborder l’année 2010 avec un acquis de croissance de 0,7 %, ce qui nous place en assez bonne position, y compris par rapport à nos partenaires européens.
Le redressement de nos finances publiques, nécessaire pour éviter la formation de déficits et l’aggravation de la dette publique et cher à M. Fourcade, doit être mené parallèlement à une politique de soutien à la croissance, et à une croissance durable. C’est toute la difficulté de l’exercice !
Cette politique délicate doit être menée tant en 2010 qu’en 2011. Mais vous avez entendu la détermination du Président de la République, dont il a fait part lors de la conférence sur les déficits publics, et vous savez l’engagement du Gouvernement à réduire les déficits, et ce de la façon la plus efficace possible.
Cela signifie en premier lieu couper dans la dépense publique. C’est en ces termes que nous nous sommes exprimés auprès de nos partenaires européens et de la Commission européenne dans le programme de stabilité, en envisageant notamment la suppression de près de 6 milliards d’euros de niches fiscales. François Baroin et moi-même nous y attaquerons dès 2011, comme le Premier ministre nous l’a demandé dans le cadre de la préparation des documents budgétaires.
Madame Bricq, vous m’avez interrogée sur les banques françaises, en particulier sur l’engagement qu’elles ont pris de maintenir leur exposition, à l’instar des banques allemandes. Celles-ci se sont en effet engagées sur l’ensemble de leur exposition à la dette grecque, ce qui est très important compte tenu de la part qu’elles détiennent dans cette dette souveraine. Si d’aventure nous devions mettre en œuvre le mécanisme européen de stabilité financière pour venir en aide à d’autres pays, nous demanderions bien sûr aux banques nationales de faire le même exercice et de garantir leur exposition.
Différents aspects de la consolidation budgétaire ont été évoqués, je n’y reviendrai pas, car je me suis déjà exprimée sur ce sujet. Personne ne peut douter de notre détermination en matière de réduction des dépenses, qu’il s’agisse des dépenses opérationnelles ou des dépenses d’intervention. Le Premier ministre a pris des engagements à cet égard.
Un effort tout particulier sera fait en 2011 et jusqu'à la fin du cycle, soit jusqu’en 2013, afin de nous permettre d’atteindre nos objectifs, lesquels, monsieur Fourcade, vous avez raison, sont extrêmement ambitieux et reposent sur des hypothèses de croissance dont on nous dit parfois qu’elles sont un peu audacieuses.
J’ai considéré avec intérêt la réévaluation par l’OCDE de la perspective de croissance française pour l’année 2011 : le taux de croissance auquel elle aboutit se rapproche du nôtre. Alors que nous tablons sur un taux de 2,5 %, l’OCDE envisage plutôt 2,1 %. Je suis également attentive au consensus de place et à ce que nous disent les chief economists des différentes banques. Tous ne s’accordent pas sur le taux de 2,5 %, mais tous les chiffres envisagés sont avoisinants. Nous devons évidemment nous efforcer par tous les moyens d’orienter notre croissance à la fois vers l’investissement, l’innovation et l’international, en mettant tous les talents dont dispose notre pays au service de la compétitivité française.
Je reviendrai maintenant très rapidement sur le panachage entre bons du Trésor, lesquels, par hypothèse, sont une dette à court terme, dette à moyen terme et dette à long terme. Je rappelle tout d’abord que les assemblées parlementaires approuvent chaque année les émissions du Trésor…
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est une fiction !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je refuse, monsieur le rapporteur général, de laisser penser qu’il s’agit d’un mécanisme accessoire que l’on actionnerait telle une soupape et que l’on mettrait en œuvre en fraude des droits du Parlement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Parlement s’est laissé faire !
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Parlement, je le répète, est appelé à examiner ces émissions.
Par ailleurs, notre objectif principal, à François Baroin et à moi-même, est évidemment de réduire la dette, très clairement dès l’année 2011, avant d’en rééquilibrer les composantes. (M. Jean-Pierre Fourcade approuve.) Notre second objectif – vos réflexions et vos observations à cet égard sont tout à fait pertinentes et je les ai entendues – est de réfléchir à la composition de notre dette.
Il nous faut à la fois faire preuve d’efficacité financière et budgétaire, ce à quoi est extrêmement et légitimement attachée la direction du Trésor, et préserver notre souveraineté et une certaine forme d’indépendance financière, ce qui nous conduit à faire détenir une partie de notre dette par des intérêts et des résidents nationaux.
Cet arbitrage est évidemment nécessaire, car la dette détenue par des résidents nationaux est bien souvent assortie d’un certain nombre d’engagements et d’incitations qui viennent en renchérir le coût.
Il faut donc véritablement arbitrer entre souveraineté et indépendance nationale, d’un côté,…
M. Philippe Marini, rapporteur général. C’est un arbitrage politique, pas seulement technique !
Mme Christine Lagarde, ministre. C’est en effet un arbitrage de nature politique, vous avez raison, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le Trésor doit l’admettre !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il faut donc procéder à la recherche d’un point d’équilibre entre souveraineté et indépendance nationale, d’un côté, et considérations techniques, de l’autre. Cet arbitrage est, en dernier ressort, de nature politique. Il doit permettre l’optimisation des facteurs d’endettement de notre pays, endettement que, par hypothèse et à titre prioritaire, nous souhaitons réduire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°8.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2010 (n° 511, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le ministre grec des finances, M. Georges Papaconstantinou, a annoncé hier un vaste programme de privatisations sur trois ans dans les secteurs des transports, de la poste et de l’énergie, lequel devrait rapporter environ un milliard d’euros par an.
S’il fallait chercher ne serait-ce qu’une bonne raison de soutenir la motion tendant à opposer la question préalable que nous avons déposée sur le troisième projet de loi de finances rectificative de l’année 2010, cette annonce, dont nous avons pris connaissance par une dépêche de l’Agence France-Presse, en serait une. Cette dépêche, par son caractère laconique, montre finalement bien à quoi correspond le plan de soutien à la Grèce qui a motivé l’adoption, il y a environ un mois, du précédent collectif budgétaire.
L’urgence était alors invoquée pour faire adopter la participation de la France au plan de soutien aux créanciers de la Grèce, mais, en réalité, il s’agissait non pas de protéger l’euro, mais bel et bien de préparer le terrain pour une modification des choix politiques attendus des Grecs eux-mêmes, si l’on en juge au vote de l’automne dernier.
En lieu et place d’une hausse des pensions et des traitements des fonctionnaires, c’est désormais la suppression des primes, le recul de l’âge de départ à la retraite et le gel de la progression indiciaire.
En lieu et place du renforcement du secteur public, indispensable à l’aménagement du territoire et à la cohésion sociale, ce sera, demain, la vente au secteur privé de quelques-unes des entreprises publiques, par cessions d’actifs successives pendant toute la durée du « plan de redressement » dicté par la Commission européenne.
Tout cela montre que l’on ne peut en aucun cas dissocier les choix de politique budgétaire opérés dans les pays de la zone euro de la manière dont on entend répondre, notamment par le dispositif de garantie, à la menace plus ou moins latente de crise obligataire qui plane sur les économies européennes.
Il n’est pas inutile de revenir sur les faits générateurs de cette crise obligataire.
Tous les États de la zone euro conduisent, depuis de nombreuses années, des politiques de concurrence fiscale et sociale allégeant de manière généralisée la fiscalité pesant sur les revenus et les patrimoines les plus importants, ainsi que sur les entreprises et les opérations financières.
Souvenons-nous de l’époque où l’on nous expliquait qu’il fallait supprimer l’impôt de bourse pour permettre à la place de Paris de devenir le cœur des activités financières en Europe et de créer, grâce au développement des activités de marché, des milliers d’emplois !
Madame la ministre, vous nous l’avez encore dit à la fin de l’année 2007, alors même que s’amoncelaient déjà les nuages de la crise systémique de 2008.
Souvenons-nous du jour où l’on a supprimé l’avoir fiscal pour le remplacer par un crédit d’impôt encore plus rentable.
Et que dire de la réforme des plus-values des entreprises, qui confine à la quasi-suppression de toute imposition sur ces opérations ?
Plus récemment encore, faut-il poser la question du crédit d’impôt recherche, dont le coût grandissant pour les finances publiques est inversement proportionnel au développement de l’activité des laboratoires universitaires ?
Oserai-je évoquer aussi la défiscalisation des heures supplémentaires, qui a conduit à enregistrer, ces derniers mois, un nombre d’heures travaillées inférieur à celui qui était constaté avant la mise en place du dispositif ?
Enfin, que dire de la suppression de la taxe professionnelle, laquelle ne semble pas avoir ralenti la réduction des effectifs salariés dans le secteur privé, cette réduction s’étant poursuivie au cours du premier trimestre 2010, comme durant toute la seconde partie de l’année 2008 et la totalité de l’année 2009 ?
Toutes ces politiques sont aujourd’hui battues en brèche par les faits. Seuls trois des pays de la zone euro présentent aujourd’hui les conditions du respect des critères de convergence. En clair, la parité de l’euro est trompeuse eu égard à la réalité de la situation économique des participants.
À des degrés divers, les treize autres pays de l’Euroland sont hors des clous.
Ils sont hors des clous parce qu’il leur a fallu intervenir pour sauver chacun leurs établissements de crédit, confrontés à la crise financière systémique de 2008.
Ils sont hors des clous parce que le rationnement des dépenses publiques recommandé par la Commission européenne fait que la zone euro n’a pas pris le train de la relance économique et qu’elle a subi, bien plus que toute autre partie de la planète, les effets de la récession en 2009.
Sur ce point, l’ensemble des pays de l’Euroland ont présenté une récession globale dépassant 4 %, quand les États-Unis perdaient 2,4 % et que le ralentissement de l’économie chinoise se traduisait par un taux de croissance limité à 8,7 % !
Dans ce contexte, le Gouvernement ne cesse de répéter que nous nous en sommes mieux sortis, puisque la France n’aurait connu en 2009 qu’une récession de 2,2 points, inférieure donc à celle de ses principaux partenaires et concurrents. Mais cette récession est aussi nettement supérieure à la récession moyenne de l’économie mondiale, limitée à six dixièmes de point.
Malheureusement, la zone euro ne risque pas de connaître de nouveau une croissance soutenue, d’après les premiers éléments de comparaison disponibles au niveau international.
Le risque est d’autant plus grand que les pays de l’Euroland sont tous frappés aujourd’hui par une vague de politiques d’austérité.
Nous avons dit ce qu’il en était pour la Grèce, première victime de la crise obligataire, excroissance de la crise systémique de l’été 2008, mais la situation est identique en Espagne, dont le gouvernement va réduire la rémunération des agents du secteur public, au Portugal, où le gouvernement allie suppressions d’emplois publics, gel des salaires et privatisations pour tenter de réduire dettes et déficit, et en Italie, autre pays placé près du cyclone de la crise obligataire. M. Berlusconi a, lui aussi, annoncé une réduction drastique – de 20 % – du traitement des fonctionnaires, ainsi qu’un nouveau recul de l’âge de départ à la retraite.
Enfin, outre le cas de la Grande-Bretagne, qui n’est pas membre de la zone euro et dont le gouvernement est nouveau, il y a bien entendu celui de notre pays. Nous ne pouvons que nous interroger, car, entre l’article 3 et l’article 4 du présent projet de loi de finances rectificative, ce sont près de 130 milliards d’euros qui sont soit appelés en garantie, soit apportés au capital du Fonds monétaire international. Ils sont donc susceptibles d’être mobilisés pour « sauvegarder » la zone euro et, de manière plus générale, sauver l’actuelle construction européenne.
Que l’on ne s’y trompe pas : si les 111 milliards d’euros de garantie prévus par l’article 3 sont appelés – soit plus de 5 points de PIB –, ils constitueront un nouvel élément de la dette publique française. Or ils sont en réalité destinés à éviter aux banques et aux compagnies d’assurance, détentrices de créances sur l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou l’Irlande, de se retrouver avec du papier devenu sans valeur pour cause de défaut de paiement. Aucune de ces banques, aucune de ces compagnies d’assurance, dont on peut d’ailleurs aisément supposer qu’elles sont en grande partie françaises, n’est mise en demeure de prendre à son compte le risque obligataire des pays défaillants. En cas de défaut de l’un ou de l’autre, la France, l’Allemagne ou d’autres pays paieront !
Pour les banquiers, c’est donc une chance au grattage, une chance au tirage et c’est gagnant à tous les coups !
L’article prévoyant une recapitalisation du FMI ne vise nullement à permettre à des pays encore sous-développés de bénéficier de prêts peu onéreux pour créer de nouvelles infrastructures et répondre aux besoins impérieux en matière de santé, d’éducation, de développement rural ou d’aménagement des espaces urbains.
La vérité commande de dire que la Commission européenne et le Fonds monétaire international se sont réparti les rôles.
Avec le fonds de garantie, la Commission a pour mission de faire face aux éventuels défauts de paiement des pays de la zone euro. Quel que soit le prix à payer, il s’agira, selon la formule consacrée, de « rassurer les marchés financiers ».
Le Fonds monétaire international, quant à lui, a pour mission de soumettre les pays européens non membres de la zone euro et confrontés à la crise obligataire à l’un de ces plans d’ajustement structurel dont il a le secret et dont on sait qu’ils ont le plus souvent conduit nombre de pays en voie de développement dans l’impasse.
Les cibles désignées du FMI sont connues : ce sont les pays nouvellement associés à la construction européenne, c’est-à-dire, singulièrement, les pays de l’Est européen, qui avaient cru que l’accrochage de leur économie à l’Union allait leur permettre de progresser.
La philosophie générale qui sous-tend les politiques du FMI n’est guère différente de celle qui est à l’origine de la vague d’austérité se répandant dans la zone euro. Elle participe des mêmes errements monétaristes, des mêmes schémas libéraux et conduira immanquablement aux mêmes résultats, c’est-à-dire l’étouffement de la croissance, la montée des inégalités sociales, la progression et la persistance du chômage et de la précarité, la mise en cause du lien favorisé par des services publics performants.
La France a connu un dixième de point de croissance au premier trimestre de l’année 2010. Cela signifie que la production nationale a progressé d’environ 500 millions d’euros sur les trois premiers mois de l’année. Et l’on nous annonce une réduction des déficits de 30 milliards d’euros, la suppression de 30 000 à 40 000 emplois publics et le gel des dotations budgétaires aux collectivités locales.
Le vote de la participation de la France au fonds de soutien européen accompagne cette orientation des politiques publiques, révélatrice des priorités du pouvoir actuel.
Prenons la question des retraites. Au motif que la Caisse nationale d’assurance vieillesse est tenue d’équilibrer les comptes de quelques régimes de non-salariés gravement déficitaires et qu’elle fait face à une réduction de ses recettes due à la hausse du chômage et à la précarité de l’emploi, il est envisagé d’allonger la durée de cotisation de tous les régimes et de reporter l’âge de départ à la retraite.
Ce calcul oublie que les cotisations d’aujourd’hui sont les retraites d’aujourd’hui et que les sommes prélevées sur la valeur ajoutée créée par les uns constituent le revenu des autres.
En outre, si une telle opération vise à résoudre ponctuellement le déficit comptable de l’assurance vieillesse, elle risque, à coup sûr, de faire renaître, puis croître celui de l’assurance chômage.
Le recul de l’âge de départ en retraite, mesure qui participe des politiques d’accompagnement du plan de soutien, revient à « boucher un trou » en en creusant un autre !
D’ailleurs, mes chers collègues, nos concitoyens ont de plus en plus de mal à comprendre que l’on soit incapable de trouver 10 milliards ou même 20 milliards d’euros pour équilibrer les comptes de l’assurance vieillesse, alors même que l’on arrive à trouver 130 milliards d’euros dans le présent collectif budgétaire pour nourrir les marchés financiers !
À compresser l’emploi public, à geler les concours aux collectivités locales, à mettre en cause le droit à la retraite, on crée les conditions d’un ralentissement de l’activité économique qui ne nous permettra pas de trouver les moyens de faire face, grâce aux recettes fiscales en découlant, à l’effort de réduction des déficits comme de la dette publique.
L’austérité est déjà là, dans notre pays. Elle imprègne ce collectif budgétaire et annonce les termes des prochaines lois de finances. Qu’il soit envisagé, sous la pression de Bruxelles et de Berlin, de la rendre « constitutionnelle », en faisant de la réduction des déficits l’orientation des futurs textes budgétaires n’est que l’aboutissement d’une telle soumission des politiques publiques aux injonctions des marchés !
Pour notre part, nous sommes d’avis de rendre au peuple français, comme à l’ensemble des peuples d’Europe, le droit et le pouvoir aujourd’hui confisqués. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, je voudrais rappeler à nos collègues que, aux termes de l’article 44 de notre règlement, la question préalable a pour objet « de faire décider soit que le Sénat s’oppose à l’ensemble du texte, soit qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération. »
Or, ayant entendu les interventions des différents orateurs pendant la discussion générale, je pense que le Sénat n’a pas l’intention de s’opposer au présent projet de loi de finances rectificative. En effet, les représentants du groupe UMP, du groupe socialiste, du groupe RDSE – je fais référence à Jean-Pierre Chevènement –,…
M. Thierry Foucaud. M. Chevènement n’a pas dit qu’il voterait le projet de loi de finances rectificative !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … et du groupe de l’Union centriste ont indiqué leur volonté de voter ce texte.
Vous voyez donc, mes chers collègues, que les conditions préalables à l’adoption d’une telle motion ne sont pas remplies et qu’il faut, par conséquent, la rejeter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Pour notre part, nous ne voterons pas la présente motion tendant à opposer la question préalable.
En effet, nous souhaitons répondre à la question qui nous est posée. Le projet de loi de finances rectificative a pour objet non pas le soutien à la politique d’austérité du Gouvernement – nous discuterons de ce point à l’occasion du prochain débat d’orientation budgétaire et de l’examen des futurs projets de loi de finances –, mais la mise en place d’un mécanisme de solidarité au sein de la zone euro, conformément aux engagements pris par la France.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 8, tendant à opposer la question préalable, dont l'adoption entraînerait le rejet du projet de loi de finances rectificative.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 218 :
Nombre de votants | 334 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l’adoption | 24 |
Contre | 297 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Articles additionnels avant l’article 1 er
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
1°. - Le III est ainsi rédigé :
« III. - Le taux de la taxe est fixé à 0,1% à compter du 1er mars 2010 ».
2°. - Le IV est abrogé.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à rendre effective la taxation des transactions sur devises, transactions qui constituent, pour l’essentiel, la matrice de la spéculation financière sur la planète.
De notre point de vue, une telle proposition prend toute sa pertinence, notamment au regard de la situation présente, telle que nous l’avons décrite.
En effet, notre amendement prend en compte la réalité d’une spéculation monétaire que l’existence de l’euro ne semble aucunement avoir ralentie et paraît même avoir dynamisée.
En tout état de cause, les attaques dont la monnaie européenne est aujourd’hui l’objet montrent que l’instrument monétaire créé par le traité de Maastricht et confirmé par le traité de Lisbonne ne nous a aucunement permis d’échapper a la spéculation et à ses effets, bien au contraire.
C’est donc parce que cette spéculation doit être stigmatisée que nous avons déposé cet amendement.
L’autre motif est un peu plus prosaïque. Il s’agit pour nous de procéder à la perception de nouvelles recettes fiscales, indispensables à l’équilibre des comptes publics - autant mettre à contribution ceux qui se nourrissent souvent des déficits publics !- comme au financement de nombre de politiques d’intervention.
C’est donc un amendement de rendement que nous vous proposons d’adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement a déjà été soumis avec persévérance à notre Haute Assemblée et la commission émet habituellement un avis défavorable.
Dès lors, notre avis sera encore plus défavorable, à cette heure-ci et sur un tel texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec votre permission, je donnerai la position du Gouvernement sur cet amendement et j’anticiperai quelque peu sur les amendements suivants, qui visent également des principes de taxation.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, non pas par hostilité au principe de la taxation internationale, mais tout simplement parce qu’une telle taxation doit, selon nous, intervenir à l’échelon global, et non national.
D’ailleurs, c'est la raison pour laquelle la France est à l’origine de la création d’un groupe pilote sur les financements innovants qui a été constitué en 2009 et auquel participent à la fois le ministère des affaires étrangères et mon ministère.
C’est également pour cette raison que la France copréside un groupe de travail chargé d’examiner le sujet dans le cadre de l’examen de nouvelles ressources pour financer la lutte contre le changement climatique. En effet, comme vous le savez, si une telle taxation internationale était aujourd'hui instituée, ce que nous souhaitons, elle aurait pour objet de financer, d’une part, la lutte contre le changement climatique et, d’autre part, le développement. Par conséquent, le jour où ce dispositif sera mis en place, il y aura également un débat sur l’utilisation des fonds ainsi collectés.
Par ailleurs, puisque l’on a évoqué la taxation sur les établissements bancaires et financiers au sens large, je précise que l’arsenal français contient d’ores et déjà un certain nombre de mesures, qui ont été adoptées par le Parlement. Je pense notamment à la taxation sur la supervision, dont vous proposez d’augmenter le taux, monsieur le sénateur.
Or le niveau actuel de taxation correspond aux besoins de financement de la supervision du secteur bancaire et aux prévisions budgétaires. Nous ne souhaitons donc pas le majorer.
En revanche, la France est favorable à une taxation permettant d’éviter le risque systémique, encore une fois à l’échelon global, car c’est à cet échelon-là que nous devons raisonner. Comme vous le savez, des propositions européennes ont commencé à être discutées. La France entend évidemment jouer pleinement son rôle dans ce débat, avec le souci de mettre en place les mécanismes, y compris financiers, pour lutter contre le risque systémique.
Je tenais à apporter ces précisions, ce qui me permettra de répondre plus brièvement par la suite.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, inséré un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au IV de l'article 6 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, les mots : « 0,40 et 0,80 pour mille » sont remplacés par les mots : « 0,80 et 1,20 pour mille ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. L’un des faits générateurs de l’accroissement de la dette obligataire a été le soutien apporté par les États aux établissements de crédit en difficulté après la crise systémique de l’été 2008.
En France, comme au Royaume-Uni ou aux États-Unis, des sommes considérables – dans notre pays, il s’est agi, je le rappelle, de 360 milliards d’euros – ont été déclarées mobilisables pour faire face à la crise de confiance des opérateurs bancaires et aux effets désastreux de la restriction du crédit sur l’économie.
Cette dette obligataire nouvelle est aujourd’hui l’un des vecteurs de l’attaque des marchés financiers contre les États, par un retournement de l’histoire pour le moins surprenant.
Mais le fait est que nous avions déjà marqué à l’automne 2008 notre très grande circonspection quant à la manière dont avait été conçue l’action publique en la matière ; nous avions ainsi dénoncé un risque de crise obligataire latent.
La loi du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 a décidé de mettre quelque peu à contribution les établissements de crédit, en prélevant une forme de cotisation mutuelle versée à la Banque de France dont nous pouvons penser qu’elle est destinée à couvrir les risques systémiques futurs dans le secteur financier.
D’ailleurs, une telle démarche, qui doit selon nous être confortée, participe d’une nécessaire prévention des risques par les acteurs des marchés eux-mêmes, en évitant autant que faire se peut le recours à l’intervention publique, une intervention publique que l’on s’empresse en général de faire payer au prix fort au contribuable ; nous l’avons rappelé voilà un instant.
À l’évidence, cet article de la loi de finances n’aurait pas trouvé de raison d’être sans la profonde interrogation, pour ne pas dire plus, de l’opinion publique devant la valse aux milliards qui a accompagné un temps l’annonce des plans de sauvetage des banques.
Le rapport public thématique de la Cour des comptes sur les concours publics aux établissements de crédit ne dit d’ailleurs pas autre chose.
Ainsi, parmi les propositions formulées dans ce rapport, figure, entre autres, la nécessité d’« augmenter la contribution des banques à la garantie des dépôts des épargnants » et celle d’« étudier les conditions de mise en œuvre d’un prélèvement exceptionnel sur les banques visant à réduire les comportements risqués ».
Je ne peux donc que vous inviter à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La contribution dont il est ici question a été créée en loi de finances pour 2010 et les taux ont été fixés à cette occasion.
Cette contribution pour frais de contrôle est affectée à la nouvelle autorité de contrôle prudentiel des banques. Son produit doit correspondre aux dépenses à engager par cette autorité.
Il est beaucoup trop tôt pour revenir sur la détermination de ce taux. Il faudra apprécier le moment venu, et au vu des demandes qui pourraient être formulées par l’Autorité de contrôle prudentiel, si le taux voté à titre prévisionnel dans la loi de finances initiale pour 2010 a été fixé au bon niveau. Nous ne disposons pas aujourd'hui des éléments d’information qui nous permettraient de modifier les taux fixés en loi de finances.
Il convient donc, à ce stade, de rejeter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les bénéfices obtenus grâce à la détention ou à la commercialisation de produits financiers dérivés, semblables aux couvertures de défaillance, sont imposés au taux de 95 %.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Les opérations sur produits dérivés ont été l’une des causes essentielles de la crise financière systémique de l’été 2008.
Elles ont d’ailleurs continué à faire ressentir leurs effets dans la crise obligataire grecque, puisque la notation de la Grèce a été si fortement dégradée que certains ont tenté de trouver leur compte en spéculant sur le risque de défaut de la république hellénique.
Il y aurait, ici, beaucoup à dire sur les agences de notation, sur leurs liens avec nombre d’opérateurs de marché, sur leur rigueur pour le moins sélective.
Au demeurant, malgré certaines affirmations « bravaches » de 2008 où l’on annonçait le retour de la vraie économie, la fin de la financiarisation, la levée du secret bancaire, la lutte déterminée contre les paradis fiscaux et, surtout, la moralisation du capitalisme, force est de constater que pas grand-chose ne s’est passé pour le moment !
La crise obligataire que nous vivons le montre.
Pour autant, voilà que le gouvernement allemand s’apprête à interdire purement et simplement les opérations sur les CDS, ces Credit Default Swaps qui ont entre autres particularités celle de ne pas se dérouler sur un marché financier « transparent » et réglementé, mais de se produire dans le cadre d’opérations de gré à gré, c’est-à-dire d’acheteur à vendeur.
Pour ce qui est du gouvernement américain, il a, dans le cadre de la réforme des marchés financiers promue par le président Obama et par le secrétaire américain au Trésor, M. Geithner, décidé de rendre ces opérations transparentes, c’est-à-dire de les réglementer.
Pouvons-nous, en France, faire moins que ce que va faire, dans le cadre d’un texte de loi précis, le gouvernement Allemand ? Pourquoi ne pas nous inspirer de l’exemple américain ?
Sans interdire, nous pouvons au moins décourager !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons évoqué, au cours de la discussion générale, la question des produits dérivés, plus spécialement celle des contrats d’échange sur défaut – si je me hasarde à une traduction en français du CDS. (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faudrait que nous revenions sur tous ces sujets à l’occasion de la discussion du texte sur la régulation financière, qui sera examiné très prochainement.
Je ne crois pas que l’approche fiscale qui est proposée ici soit la plus pertinente. La question est de savoir quelle place doit être accordée à ces contrats. Dans quelle mesure peuvent-ils et doivent-ils être admis par nos législations financières et par le droit communautaire ?
Il me semble, cher collègue, que la taxation que vous proposez est défaitiste puisque vous prenez le marché tel qu’il est. Or il serait souhaitable que le marché évolue et que les instruments qui s’y échangent puissent obéir à une discipline, discipline qui n’existe pas complètement aujourd’hui.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Nos collègues, en présentant cet amendement, soulèvent une vraie question qui a déjà été abordée dans la discussion générale : la position de la France sur les CDS.
Un de nos collègues, Pierre-Yves Collombat, vous avait posé une question d’actualité sur ce sujet, madame la ministre, il y a environ quinze jours, à la suite de la décision prise par l’Allemagne de passer en force.
Vous lui aviez répondu que la France, finalement, n’était pas en désaccord avec l’Allemagne, puisque notre pays avait également adopté des dispositions similaires. Vous nous l’avez confirmé tout à l’heure. Néanmoins, si des dispositions ont bien été prises, elles sont partielles et ne concernent que quelques titres de société.
Le dossier est donc sur la table. J’ai suivi les débats à l’Assemblée nationale, notamment sur les ventes à découvert. Il me semble que le projet de loi de régulation bancaire et financière ne résoudra pas le problème. Je ne comprends pas pourquoi nous n’avançons pas dans la direction d’une suspension de ce type d’activité.
Je ne fais pas partie des gens qui veulent jeter le bébé avec l’eau du bain ; certains produits dérivés peuvent être utiles, à condition qu’ils soient contrôlés.
Cependant, une spéculation de ce type n’est pas acceptable et doit être à tout le moins très fortement réglementée…
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. … – je ne pense pas que nous en prenions le chemin –, voire carrément suspendue.
Je voterai donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 200-0 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 200-0 A. - Le total des réductions et crédits d'impôt sur le revenu ne peut pas procurer une réduction du montant de l'impôt dû supérieure à 20 000 euros.
« Un décret fixe les modalités d'application du présent article. »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. « La hausse des impôts, inévitable en France » a titré en première page un quotidien du soir dans son numéro daté de ce jour.
La situation des comptes publics, profondément dégradée par l’aggravation de la conjoncture économique et par les choix d’allégements jusqu’ici mis en œuvre, est si préoccupante qu’il convient de se poser la question et de trouver une réponse au plus près possible du principe d’égalité devant l’impôt.
Or si quelque chose met en cause le principe d’égalité devant l’impôt, c’est bien l’existence dans notre législation d’un nombre sans cesse grandissant de niches fiscales et sociales, dont le coût budgétaire total, difficile à chiffrer, doit sans doute être assez proche de la réalité du déficit courant…
Le débat sur le plafonnement des niches fiscales a été mené à plusieurs reprises dans cette assemblée, surtout depuis qu’il a été fait part de la volonté de les « plafonner ». Il s’agit, d’ailleurs, d’un plafonnement dont l’efficacité est pour le moins sujette à caution puisqu’il se limiterait à 200 millions d’euros au titre de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire à 0,5 % du coût mesurable et mesuré de toutes les mesures corrigeant l’application du barème de cet impôt.
Avec cet amendement, nous proposons d’aller plus loin en procédant à l’instauration d’un plafonnement unique de 20 000 euros de réductions et crédits d’impôt par foyer fiscal, sans référence aucune au niveau du revenu.
Une telle limite, dégageant plusieurs centaines de millions d’euros de rendement, pourrait représenter six à huit fois la cotisation moyenne de chaque redevable de l’impôt sur le revenu et un montant proche du revenu moyen des foyers fiscaux de notre pays.
Sans modifier, par conséquent, le barème de l’impôt sur le revenu, nous pourrions répondre aux exigences d’égalité devant l’impôt de manière plus pertinente qu’aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel beau débat en perspective ! (Sourires.) Nous l’aurons en préparant le projet de loi de finances pour 2011, voire plus tôt, à l’occasion du débat d’orientation budgétaire, dans quelques semaines.
Vous avez parfaitement raison, cher collègue : la réduction de la dépense fiscale est un levier essentiel sur la voie vers l’équilibre. La commission des finances du Sénat milite en ce sens depuis déjà longtemps.
Néanmoins, il n’est pas possible, à ce stade, surtout sur la base de la formule que vous proposez, de traiter cette question.
Nous pourrions, d’ailleurs, nous interroger sur la faveur que vous faites à certaines niches. Nous savons qu’échappent au plafonnement actuel certains avantages, comme les cotisations aux organisations syndicales, l’acquisition de certains équipements pour l’habitation principale, les emprunts souscrits pour la reprise d’une entreprise, l’adhésion à un organisme de gestion agréé, et évidemment la liste n’est pas exhaustive.
Abaisser le plafond est une bonne idée, mais celui-ci pourrait être encore plus « englobant ». On peut aller encore plus loin…
Nous débattrons de ces sujets en temps utile. Je vous remercie de cette initiative, qui contribue à nous sensibiliser sur cette question, mais je préconise le rejet de l’amendement n° 4.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
Est autorisée, au-delà de l’entrée en vigueur de la présente loi, la perception de la rémunération de services instituée par le décret n° 2010-471 du 11 mai 2010 portant modification du décret n° 2006-1810 du 23 décembre 2006 instituant des redevances pour services rendus par la direction générale de l’aviation civile.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES
Article 2
I. – Pour 2010, l’évaluation des ressources et les plafonds des charges de l’État demeurent inchangés depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-463 du 7 mai 2010 de finances rectificative pour 2010. Il en est de même de l’équilibre budgétaire en résultant.
II. – Pour 2010 :
1° L’évaluation des ressources et des charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier demeure inchangée ;
2° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an demeure inchangé.
III. – Pour 2010, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État demeure inchangé. – (Adopté.)
M. le président. Je vais mettre aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2010.
Je rappelle que, en application de l’article 47 bis du règlement, lorsque le Sénat n’adopte pas la première partie d’un projet de loi de finances, l’ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2010.
(La première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2010 est adoptée.)
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Articles additionnels avant l'article 3
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1465 A du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai dans le même temps les amendements nos 6 et 7.
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue.
L'amendement n° 6, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 78 de la loi n° 20091673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 est ainsi modifié :
1° Le II du 2.2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne sont pas applicables aux départements éligibles en 2009 à la dotation définie à l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales. » ;
2° Le II du 2.3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions ne sont pas applicables aux régions visées à l'article L. 4332-8 du code général des collectivités territoriales. »
L'amendement n° 7, présenté par MM. Vera et Foucaud, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Au III de l'article 1599 quater B du code général des impôts, le montant : « 12 € » est remplacé par le montant : « 11 € ».
II. - Au III de l'article 1519 H du code général des impôts, le montant : « 1530 € » est remplacé par le montant : « 2050 € ».
III. - Pour l'année 2010, la perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. – À compter de l'année 2011, la perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une augmentation des taxes locales.
Veuillez poursuivre, cher collègue.
M. Thierry Foucaud. Ces trois amendements soulèvent le problème du devenir des finances locales.
Ils visent à poser une question qui ne figure pas dans le présent projet de loi de finances rectificative, celle de la taxe professionnelle, notamment de l’activation de la fameuse « clause de revoyure », qui a été utilisée par le Gouvernement pour faire accepter la suppression du principal outil fiscal à la disposition des élus locaux.
Depuis le début de l’année, nous en sommes à trois collectifs budgétaires, mais aucune des dispositions prévues n’a porté sur les finances locales !
Le premier de ces amendements vise à supprimer une disposition dont l’obsolescence semble avérée avec la disparition de la taxe professionnelle, à savoir le droit pour une entreprise implantée en zone de revitalisation rurale de bénéficier, sauf opposition des élus, d’une exonération de taxe professionnelle.
L’objet fiscal ayant disparu, le droit à exonération s’applique maintenant à la cotisation foncière. Le rendement moindre de cette taxe ne nous paraît aucunement justifier le maintien d’un tel dispositif.
Le deuxième de ces amendements porte sur le problème du fonctionnement des fonds nationaux de garantie des ressources des départements et des régions.
La lecture des simulations fournies par le ministère lui-même est sans équivoque : si, sans surprise, certains départements d’Île-de-France, ou la région elle-même, sont placés en situation de contributeurs nets des fonds de garantie, ce qui peut se comprendre, par exemple, pour Paris ou pour les Hauts-de-Seine, on découvre aussi que certains départements ou certaines régions sont mis à contribution alors même que leur situation financière est loin d’être très positive.
C’est notamment le cas de la Martinique et de la Réunion, en qualité de départements, et de la Réunion, en qualité de région. C’est également le cas de départements métropolitains ; je pense à la Lozère, dont les finances sont écrêtées à hauteur de 2,2 millions d’euros, comme d’ailleurs celles de la quasi-totalité de ses EPCI.
On aboutit à une situation paradoxale où la faiblesse des ressources de taxe professionnelle, que les élus locaux ont pu parfois compenser par des prélèvements plus significatifs sur les impôts dits « ménages », se trouve doublement pénalisante puisqu’elle engendre un écrêtement des ressources cumulées.
Nous proposons donc que les départements d’outre-mer et les autres départements et régions éligibles aux dotations de péréquation soient exemptés de tout concours aux fonds de garantie.
Enfin, le troisième amendement de notre groupe pose la question de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER. Le rapport de la mission Durieux, commandité dans la perspective de la mise en jeu de la clause de revoyure, est d’ailleurs très précis sur ce point. Il révèle en effet que l’essentiel de l’imposition forfaitaire exigible du secteur des télécommunications est supporté par le seul réseau fixe, qui s’avère pourtant le segment le moins dynamique au regard du chiffre d’affaires des opérateurs.
En effet, sur un produit fiscal attendu de 546 millions d’euros au titre de l’IFER due par le secteur des télécommunications, 402 millions d’euros, soit près de 75 % du total, sont prélevés sur la « boucle locale cuivre » et, en pratique, supportés essentiellement par l’opérateur historique. Cet amendement a donc pour objet de rééquilibrer la fiscalité, notamment au regard du chiffre d’affaires de chaque segment d’activité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces amendements relèvent d’une heureuse initiative, même si je n’en préconise pas l’adoption, parce qu’ils mettent l’accent sur la clause de rendez-vous. Beaucoup d’entre nous, mes chers collègues, n’auraient pas voté la réforme de la taxe professionnelle en l’absence d’une telle clause.
Mme Nicole Bricq. Mais où est-elle ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Attendez ma chute, ma chère collègue ! (Sourires.)
Un article de la loi de finances initiale pour 2010 prévoyait l’intervention d’un véhicule législatif en cours d’année. Nous l’avions voté tout en sachant que la nouvelle cotisation foncière et la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, perçues provisoirement cette année par l’État pour le compte des collectivités territoriales, se mettraient en place progressivement et que les chiffres réels sur la base desquels des ajustements devront être effectués ne sont pas encore connus, du moins selon une série suffisante.
Mme Nicole Bricq. La péréquation, ce n’est pas un ajustement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour raisonner en termes de péréquation, il faut disposer des chiffres bruts.
Grâce à la présentation des amendements du groupe CRC-SPG, le Gouvernement va pouvoir répondre aux préoccupations exprimées par un grand nombre d’entre nous. En effet, madame la ministre, nous avons besoin d’y voir clair, tant sur la méthode que sur la date du rendez-vous. La commission des finances du Sénat est particulièrement attentive à cette question. Elle l’a montré en organisant plusieurs tables rondes sur certains sujets relatifs à la mise en place de la réforme de la taxe professionnelle et elle n’exclut d’ailleurs nullement de proposer des modifications significatives de cette réforme lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011.
En conclusion, la commission émet un avis défavorable sur les trois amendements, mais elle est très favorable à ce que Mme la ministre nous apporte des éclaircissements !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur ces trois amendements.
Le rapport Durieux m’a été remis le 27 mai dernier. Il a été soumis avant-hier au Comité consultatif des finances locales, qui a émis un avis favorable. La semaine prochaine, je remettrai aux deux assemblées le rapport du Gouvernement établi sur la base des analyses et des simulations élaborées sous l’autorité de M. Durieux. À la lumière de ce rapport, nous aurons donc l’occasion d’examiner, lors du débat d’orientation budgétaire, les conclusions et appréciations de la commission des finances. Peu après ce débat, les six parlementaires en mission qui avaient été désignés par le Premier ministre déposeront leur rapport. Leurs conclusions permettront d’éclairer la représentation nationale, sachant qu’ils ont effectué un véritable tour de France pour consulter les élus de terrain et travaillé sur la base des données statistiques et factuelles qui figurent en annexe au rapport Durieux.
Tel est donc le calendrier que nous avons prévu.
Les conclusions du rapport Durieux sont assez positives dans l’ensemble quant à la réalisation des objectifs de la réforme. S’il souligne un certain nombre d’insuffisances, notamment en matière de péréquation, il suggère également des méthodes pour progresser dans cette voie.
J’ajoute que les chiffres communiqués par un journal économique du matin ne reflètent nullement une erreur d’appréciation de mes services.
Mme Nicole Bricq. De 1 milliard d’euros !
Mme Christine Lagarde, ministre. Ils ne me surprennent d’ailleurs pas outre mesure et n’attestent pas d’une quelconque légèreté dans le chiffrage effectué. En effet, après le vote du Parlement sur la réforme de la taxe professionnelle, le Conseil constitutionnel a invalidé certaines dispositions de la loi de finances relatives aux bénéfices non commerciaux, ce qui a eu pour conséquence d’alourdir de 800 millions d’euros le coût de la réforme pour l’État.
Par ailleurs, l’Inspection générale des finances a réalisé ses travaux sur la base des déclarations au titre de 2009, alors que l’ensemble de nos calculs se fondaient sur les chiffres de 2008.
Mme Nicole Bricq. Vous pouviez les rectifier !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous avons rectifié nos évaluations au fur et à mesure, mais nous ne disposions pas des déclarations pour 2009. Je vous annonce d’ores et déjà que ces chiffrages ne sont pas définitifs et seront probablement réexaminés sur la base des déclarations au titre de 2010.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur général, fidèle à son habitude, a ouvert une porte, dans laquelle nous ne saurions manquer de nous engouffrer ! Nous avions mis en garde nos collègues de la majorité, en soulignant que la clause de revoyure dont l’instauration conditionnait leur vote n’était qu’un leurre. Madame la ministre, vous venez de confirmer que l’engagement scellé dans la loi de finances initiale pour 2010 ne sera pas tenu par le Gouvernement.
Mme Nicole Bricq. Mais si ! Vous nous annoncez des rapports, des communications, mais le calendrier ne permettra pas que nous ayons un rendez-vous avant le 31 juillet, pour la bonne raison que les entreprises ont obtenu le report au 15 juin du dépôt de leur déclaration pour l’une des contributions qui se substituent à la taxe professionnelle. On ne voit donc pas comment vous pourriez tenir l’engagement pris dans la loi de finances, que vous n’avez du reste pas confirmé.
Il serait pourtant urgent de revoir les choses, notamment au regard de la péréquation. En effet, le nouveau dispositif, comme l’a montré le Conseil des prélèvements obligatoires, est très défavorable aux communes et aux départements pauvres, ainsi qu’à une partie des régions. Compte tenu des orientations budgétaires données par le Gouvernement – vous avez confirmé, madame la ministre, que le projet de loi de finances pour 2011 mettra principalement l’accent sur la réduction drastique de la dépense publique –, on ne voit pas comment la question des impôts de remplacement de la taxe professionnelle pourrait être réglée. La visibilité ne sera donc pas meilleure pour les collectivités locales en 2011, malgré tous les travaux effectués par la commission des finances et les différentes missions auxquelles vous avez fait référence.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3
I. – Dans les conditions mentionnées au présent article, le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder la garantie de l’État, au titre de la quote-part de la France dans le dispositif de stabilisation dont la création a été décidée à l’occasion de la réunion du Conseil de l’Union européenne du 9 mai 2010 et dans la limite d’un plafond de 111 milliards d’euros, à une entité ad hoc ayant pour objet d’apporter un financement ou de consentir des prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro, ainsi qu’aux financements obtenus par cette entité.
II. – La garantie de l’État mentionnée au I peut faire l’objet d’une rémunération.
III. – La garantie de l’État mentionnée au I ne peut pas être octroyée après le 30 juin 2013.
IV. – Lorsqu’il octroie la garantie de l’État en application du présent article et lorsque l’entité ad hoc mentionnée au I apporte un financement ou consent des prêts, le ministre chargé de l’économie informe les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances. – (Adopté.)
Article 4
Le 5° de l’article 2 de la loi n° 45-138 du 26 décembre 1945 relative à la création d’un Fonds monétaire international et d’une Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement est ainsi rédigé :
« 5° Dans la limite d’un montant équivalent en euros à 18 658 millions de droits de tirage spéciaux, une somme correspondant à des prêts remboursables, dans les conditions prévues au i de la section 1 de l’article VII des statuts du fonds et par les décisions des administrateurs du fonds des 5 janvier 1962, 24 février 1983, 27 janvier 1997 et 12 avril 2010 concernant l’application de cet article. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2010, je donne la parole à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.
M. Joël Bourdin. Nous sommes en train de changer de système. Jusqu’à présent, les Européens croyaient dans la possibilité de séparer les domaines économique, financier et monétaire. Or nous sommes amenés à nous prononcer aujourd’hui sur une question relevant très clairement de la politique monétaire. En ce qui me concerne, cette évolution ne m’étonne pas trop, car dès l’instant où l’on a inventé le crédit, on a inventé la monnaie, et la contrepartie de l’évolution monétaire, ce sont toujours des crédits et des financements.
Madame le ministre, le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui, auquel j’apporte mon total soutien, est donc un texte monétaire, même si le mot n’est pas utilisé.
Cela ne va pas sans poser de problèmes, car le même type de dispositif doit être adopté dans l’ensemble des pays constituant la zone euro, puisqu’ils ont la même monnaie. À cet égard, vous nous avez rassurés, madame le ministre, sur le comportement de l’Allemagne et sur certaines divergences d’appréciation sur les dispositifs concernant les opérations à terme.
Puisque nous sommes en train de changer de système, un déséquilibre ne risque-t-il pas d’apparaître à un moment donné ? Nos institutions nous permettent-elles de bien supporter cette évolution ? Ne devons-nous pas aller plus loin dans l’adaptation de nos dispositifs, parce qu’une monnaie unique suppose une politique monétaire unique et, si possible, des politiques budgétaires très cohérentes ? À l’image de la femme de César, l’euro doit être insoupçonnable : pour cela, il faut que les pays dont il est la monnaie mettent en œuvre des dispositifs communs.
En tout état de cause, nous voterons bien évidemment ce projet de loi de finances rectificative.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, pour explication de vote.
M. Yvon Collin. Je partage la plupart des réserves émises par mon collègue Jean-Pierre Chevènement. Entre la nécessaire sagesse budgétaire et l’austérité, comment trouver le point d’équilibre ? Alors que la reprise économique s’esquissait à peine, les plans de rigueur pourraient s’avérer contre-productifs. De plus, de quelles garanties disposons-nous contre les risques futurs de défaut de paiement des pays aidés ?
Certes, l’urgence commande de mettre en place une succession de plans de sauvetage, mais nous ne sortirons pas de ce cycle infernal si l’Europe n’instaure pas une véritable gouvernance économique. Je me réjouis de constater que cette idée fait son chemin depuis quelque temps.
La mondialisation commande à l’Union européenne de se comporter en véritable puissance, mais si la coordination des politiques économiques se dessine aujourd’hui de façon plus concrète, elle consiste pour le moment en une réponse au coup par coup aux crises successives. Il nous faudrait donc aujourd’hui l’ériger en véritable projet politique afin de mieux armer l’Union européenne dans ce monde globalisé.
Rappelons que la coordination des politiques économiques en Europe est inscrite dans le traité fondateur de l’Union. Il aura malheureusement fallu attendre une crise d’une gravité exceptionnelle pour que cette voie soit concrètement explorée. Comme j’ai eu l’occasion de le souligner dans un rapport d’information quelque peu prémonitoire rédigé au nom de la délégation du Sénat pour la planification avec mon collègue Joël Bourdin, trop souvent les politiques budgétaires des États membres ne sont pas coordonnées, allant même jusqu’à être antagonistes, ainsi que le révèlent des réponses différentes à des chocs pourtant communs. La concurrence fiscale est la manifestation la plus spectaculaire de cet état de choses.
L’antagonisme se retrouve aussi dans le partage de la valeur ajoutée. Les experts économiques l’ont démontré, le choix de la désinflation compétitive de l’Allemagne, en particulier, a coûté 0,4 point de produit intérieur brut à la France entre 2001 et 2005. Une coordination des politiques économiques et budgétaires éviterait de prolonger dangereusement ces approches divergentes, qui jouent à terme contre l’Europe et qui, de surcroît, n’ont aucun sens dans le cadre d’une monnaie commune.
Je crois, mes chers collègues, que ces crises à répétition – douloureuses, ne l’oublions pas, pour beaucoup de nos concitoyens frappés par le chômage – doivent servir de leçon. Je n’évoquerai pas, à cet instant, les réticences allemandes, qui se sont encore exprimées par la voix d’Axel Weber, le président de la Deutsche Bundesbank, contestant les décisions de la BCE. Je le répète, la coordination est la seule issue pour donner à l’Europe les moyens de participer au mouvement de reprise économique qui se fait jour hors de la zone euro.
En attendant des jours meilleurs, la majorité des membres du RDSE votera ce projet de loi de finances rectificative pour 2010, tandis que les autres manifesteront leurs réserves par une abstention positive.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une nouvelle catégorie !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je confirme que nous voterons contre ce texte. Le présent collectif budgétaire et celui qui l’a précédé, auquel nous nous étions également opposés, sont les deux faces d’une même médaille. L’austérité qui est aujourd’hui imposée aux Grecs le sera demain aux autres peuples européens, à commencer par le peuple français. Les marchés financiers sont rassurés par un tel texte. Quant aux Français, ils vont pouvoir travailler jusqu’à 63 ans !
Nous ne pouvons évidemment disjoindre les deux aspects de la question et séparer ce que l’on continue d’appeler abusivement « plan de soutien à l’euro » de l’épidémie d’austérité qui gagne désormais les États de l’Union européenne. D’ailleurs, nous venons d’apprendre que le tout nouveau gouvernement de centre droit de la République tchèque a décidé de se conformer aux logiques à l’œuvre sur le continent !
Pour notre part, nous persistons à attendre des collectifs budgétaires qu’ils manifestent enfin les inflexions politiques nécessaires en matière de dépenses publiques et de politiques publiques.
Madame la ministre, un moment viendra où il faudra dire la vérité aux Français, notamment lorsque vous devrez, de toutes les manières possibles, accroître les impôts sans renforcer l’action publique, à moins que vous ne décidiez de rompre avec la logique interne d’une construction européenne au bord de l’implosion, destructrice des acquis sociaux et collectifs.
Nous rejetons sans ambiguïté ce collectif budgétaire.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. J’ai déjà exposé les raisons pour lesquelles mon groupe votera ce projet de loi de finances rectificative pour 2010.
Comme le dispositif sera mis en place par tranches, le IV de l’article 3 prévoit que le Gouvernement informera les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances lorsqu’il octroiera la garantie de l’État.
Prévoir une simple information me semble quelque peu léger… J’aurais préféré, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, que nous fussions consultés. Il me paraîtrait en effet important que les commissions chargées des finances puissent émettre un avis ; cela va d’ailleurs dans le sens de la revalorisation du rôle du Parlement.
Par ailleurs, lors d’une récente séance de questions d’actualité, vous avez indiqué à un de mes collègues, madame la ministre, que le programme de stabilité avait été transmis aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Pour ce qui me concerne, bien que membre de la commission des finances du Sénat, je n’ai pas eu communication de ce document.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2010.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 219 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 309 |
Contre | 24 |
Le Sénat a adopté définitivement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Souhaits de bienvenue à une délégation du Sénat jordanien
M. le président. Mes chers collègues, j’ai l’honneur de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation du Sénat jordanien, conduite par son président, M. Taher Al Masri, accompagné par Mme Leïla Sharaf, sénateur, présidente du groupe d’amitié Jordanie-France, et des sénateurs membres du groupe d’amitié France-Jordanie. (MM. les ministres, Mme et MM. les secrétaires d’État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Je suis heureux de saluer des personnalités éminentes, qui connaissent bien notre pays. Le président Masri a été ambassadeur à Paris, avant d’être ministre des affaires étrangères, puis Premier ministre du Royaume. Mme Sharaf a été la première femme ministre de Jordanie, au poste de ministre de l’information, et je sais ce qu’elle a fait pour promouvoir la liberté de la presse et la place des femmes en politique.
La délégation jordanienne est en France à l’invitation de notre groupe interparlementaire d’amitié, présidé par notre collègue Christiane Kammermann, et je me réjouis de leur visite. Je les ai rencontrés dimanche dernier.
La Jordanie est un pays avec lequel la France entretient, de longue date, des liens d’amitié et de partenariat. La Jordanie est un exemple de modernité et de tolérance au Proche-Orient, où la recherche d’une paix durable reste si difficile.
Cette région vient d’être à nouveau endeuillée par un drame qui a coûté la vie à plusieurs personnes dans les eaux internationales, au large de Gaza. La France, par la voix du Président de la République et du Premier ministre, a condamné l’usage disproportionné de la force et la violation du droit international par Israël, exigé la libération de l’ensemble des personnes présentes sur les bateaux, l’ouverture d’une enquête internationale et le respect des résolutions de l’ONU qui condamnent ce blocus. Je m’associe sans réserve à cette démarche.
Tous ceux qui croient en une paix dans la région savent qu’elle passe par le dialogue et par un respect mutuel. Je forme le vœu que, après six décennies de violences, cette région puisse enfin connaître la stabilité, trente années après la déclaration de Venise.
Je sais, pour m’en être longuement entretenu avec lui, que tel est aussi le vœu du président Masri, à qui je suis heureux de dire l’amitié du Sénat de la République française. (Applaudissements prolongés.)
4
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse. Je veux croire que chacun s’appliquera à respecter scrupuleusement ce temps de parole.
avenir de l'école
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Depuis 2007, la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques constitue une grave entreprise de démantèlement du service public de l’éducation.
Issue du dogme de la réduction des dépenses publiques, cette réforme inadmissible, qui se traduit par le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, franchit cette semaine une étape nouvelle.
Outre qu’il prévoit la suppression de 16 000 postes à la rentrée de 2010 en s’attaquant à la formation des enseignants, le schéma d’emplois 2011-2013 nous apprend qu’il est aussi question de faire disparaître 17 000 postes de personnels travaillant devant les élèves !
Dans cette perspective, sont annoncés l’augmentation des effectifs par classe dans le primaire et au collège, au détriment des conditions éducatives,…
M. Guy Fischer. Scandaleux !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … la renonciation à la scolarisation des enfants de 2 ans en maternelle, au mépris du travail pédagogique réalisé…
M. Guy Fischer. C’est n’importe quoi !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … et pour le plus grand profit des modes de garde payants et privés, la suppression des RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté,…
M. Guy Fischer. Il ne faut pas l’accepter !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … la fermeture de pas moins de 13 000 établissements de moins de deux classes, sans que soit pris en considération leur rôle en termes de maillage du territoire, le recours à des non-titulaires pour les remplacements, sans qu’il soit tenu compte de l’exigence d’une formation adaptée pour exercer le métier d’enseignant, dont le statut public est remis en cause.
L’imagination du Gouvernement est sans bornes quand il s’agit de supprimer massivement des emplois !
MM. Robert Hue et Guy Fischer. Eh oui !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Proposées au nom d’un souci d’économies budgétaires, ces mesures vont dégrader les conditions d’études, en affectant en premier lieu les élèves les plus fragiles, ceux qui sont issus des catégories sociales défavorisées.
Mettre en œuvre une politique éducative ambitieuse de haut niveau pour tous a certes un coût, mais la sempiternelle réduction des moyens de l’éducation aussi ! Si ses conséquences ne sont pas chiffrables aujourd’hui, elles ne manqueront pas d’hypothéquer gravement l’avenir de la France !
Monsieur le ministre, quand cesserez-vous de traiter l’accès au savoir et la transmission de la connaissance en termes comptables ? Quand renoncerez-vous à l’application de la RGPP, qui constitue une véritable entreprise de désagrégation du service public de l’enseignement, à l’éducation nationale ?
Je vous demande de mettre fin à cette politique dévastatrice en ne proposant pas l’adoption, le 15 juin prochain, de ce plan inadmissible pour le schéma d’emplois 2011-2013. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. Guy Fischer. Voilà le travail !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Madame le sénateur, je vous rappelle que le budget de l’éducation nationale est le premier de l’État. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Celui qui a été adopté à l’automne dernier est de surcroît le plus important qui ait jamais été alloué par un gouvernement à l’éducation nationale. Avec 59 milliards d’euros, il est en augmentation de 1,6 %, dans le contexte budgétaire difficile que chacun connaît. Surtout, la France investit en moyenne 1 point de PIB de plus dans l’éducation que la moyenne des grands pays développés.
Contrairement à ce que vous indiquez, madame le sénateur, les moyens existent donc, les moyens sont là ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Luc Chatel, ministre. La vraie question est celle de leur répartition : nous devons moderniser le service public de l’éducation nationale en affectant les moyens là où ils sont nécessaires, en fonction de la réalité du terrain et des besoins des élèves et des établissements scolaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les moyens existent en haut, mais pas en bas !
M. Luc Chatel, ministre. J’observe d’ailleurs, madame le sénateur, que c’est ce que nous encourage à faire la Cour des comptes. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Les magistrats de la Cour des comptes ne vivent pas aux Minguettes !
M. Luc Chatel, ministre. Son Premier président, M. Migaud, qui, à ma connaissance, n’est pas issu de la majorité présidentielle, a indiqué très clairement que la bonne question…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la formation des enseignants !
M. Luc Chatel, ministre. … est non pas celle des moyens, mais celle de la révision de l’organisation du système éducatif. Il convient de procéder avec discernement et de façon différenciée, en faisant en sorte de consacrer davantage de moyens aux établissements scolaires dont les élèves rencontrent le plus de difficultés. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Vous vous moquez de nous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous faites tout l’inverse !
M. Luc Chatel, ministre. …une politique moderne qui s’oppose à la logique véritablement archaïque du « toujours plus ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Denis Detcheverry.
M. Denis Detcheverry. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
À l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, l’indemnité temporaire de retraite outre-mer, l’ITR, a été supprimée. J’avais alors demandé, et obtenu par l’adoption d’un amendement, qu’une étude soit menée par le Gouvernement sur le remplacement de cette indemnité ou la compensation de sa disparition. Ce rapport est enfin sorti tout récemment, dans le plus grand secret.
La réforme de l’ITR était indispensable, et ma question n’a pas pour objet de la remettre en cause. À l’époque, je ne m’y étais d’ailleurs pas opposé. Cela étant, je n’ai pas du tout apprécié la manière dont cette réforme a été imposée, sans la moindre concertation…
M. Guy Fischer. Comme d’habitude ! Il en est ainsi sur tous les sujets.
M. Denis Detcheverry. … avec les représentants des territoires d’outre-mer, collectivités pour lesquelles l’ITR représentait une ressource financière non négligeable.
Nous avions été trente-trois parlementaires de l’outre-mer sur quarante et un à attirer l’attention sur la nécessité de prévoir un dispositif juste et équitable de compensation de la suppression de l’ITR pour les territoires et les populations d’outre-mer. Ce devait être l’objet du rapport que j’avais demandé par mon amendement. C’est à cette condition que nous avions accepté la disparition à terme de l’ITR.
Nous espérions alors que ce rapport serait élaboré avec pragmatisme et dans la concertation. Mais il n’en a rien été ! Nous n’avons à aucun moment été consultés pendant sa rédaction, ni même informés de sa sortie. J’ajoute que ce rapport n’est ni daté ni signé. Qui plus est, il se contente d’affirmer que la réforme étant progressive, point n’est besoin d’un quelconque dispositif de remplacement.
Je tiens à dire à M. le Premier ministre que l’outre-mer est excédée par ce genre d’attitude. Sur le fond comme sur la forme, nous nous sentons, sur ce dossier comme sur bien d’autres, méprisés et floués !
M. Guy Fischer. Comme tous les Français !
M. Denis Detcheverry. Quand le Gouvernement va-t-il enfin lancer une véritable concertation permettant de déboucher sur des mesures équitables, adaptées et durables, plutôt que de pratiquer une concertation « gadget », servant d’écran de fumée ? Les états généraux de l’outre-mer n’auront servi à rien si, par ailleurs, nous sommes méprisés de la sorte.
Quand allez-vous enfin donner les moyens nécessaires aux observatoires des prix et des revenus, qui, créés en 2000, ne peuvent toujours pas faire la vérité sur le coût de la vie en outre-mer ? Quand ce gouvernement va-t-il tenir les promesses faites aux populations d’outre-mer ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, à vous entendre, ce rapport serait sorti dans le plus grand secret, n’aurait pas été signé et constituerait une sorte d’objet non identifié, dont on ne connaîtrait ni la provenance ni la destination !
Or il a été publié au Journal officiel de la République française et a été communiqué dans les formes par le Premier ministre aux présidents des deux assemblées, MM. Larcher et Accoyer. Il contient les éléments que vous aviez demandés. Tout s’est passé dans la plus grande transparence possible, et je ne vois vraiment pas sur quoi se fondent vos reproches sur ce point.
Sur le fond, j’observerai que le débat sur la réforme de l’ITR s’est tenu, à la Haute Assemblée comme à l’Assemblée nationale, sur l’initiative des parlementaires eux-mêmes. Cela répondait notamment à une demande constante de la commission des affaires sociales et de la commission des finances de la Haute Assemblée. Le sujet est soulevé depuis des années au Sénat.
Nous avons donc travaillé ensemble pour aboutir à une réforme de l’ITR qui est, me semble-t-il, assez équitable, juste et progressive. Le rapport n’indique d’ailleurs pas qu’il faudrait encore une fois y revenir. Si des mesures de compensation étaient prises, cela reviendrait à créer un nouvel avantage.
Cela étant, si le dispositif de l’ITR est modifié, il continuera néanmoins à s’appliquer, et ce durant toute leur vie, à ceux qui en bénéficient. De plus, l’entrée dans le dispositif sera possible jusqu’en 2028. Si l’on tient compte de la réversion, cela nous amène jusqu’en 2070 !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. La réforme a donc à mon sens été parfaitement calibrée, comme le prouve le rapport du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
dépenses des départements
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Éric Doligé. Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Comme chacun le sait, nombre de sénateurs sont également des élus locaux : cela nous permet de mieux représenter et défendre les territoires, ce qui n’est pas inutile.
Je tiens à remercier M. le Premier ministre d’avoir reçu mardi dernier, en présence de quatre ministres, dont M. Baroin, une délégation de l’Assemblée des départements de France comprenant huit présidents de conseil général, dont quatre de droite et quatre de gauche. À cette occasion, les échanges furent francs, directs et constructifs.
Nous nous sommes tous rejoints sans réserves sur les conclusions des récents rapports, qui confirment nos analyses. Il en ressort que les départements sont les collectivités les plus en difficulté financièrement. La raison de cette situation tient avant tout à la structure des recettes et à celle des dépenses, qui expliquent nos difficultés présentes et à venir.
Les recettes sont très largement encadrées et peu dynamiques. Les dépenses, quant à elles, sont dues à hauteur de 50 % à des prestations sociales universelles obligatoires, décidées à l’échelon national au titre de la solidarité et financées par des ressources locales. Chacun peut le comprendre, si la progression des recettes est inférieure à 2 % alors que les dépenses augmentent de 5 % à 10 %, l’asphyxie est assurée à court terme.
Les dépenses de solidarité nationale assumées par les départements recouvrent l’aide aux personnes âgées, qui progresse en raison du vieillissement de la population, l’aide aux personnes handicapées, qui ne peut qu’augmenter de façon structurelle, et enfin l’aide aux personnes en difficulté – le RSA, le revenu de solidarité active –, dont la croissance est en partie conjoncturelle.
Mme Nicole Bricq. Et le gel des dotations ?
M. Éric Doligé. Avant d’en venir aux propositions du Gouvernement, je souhaite faire quelques remarques.
Nous ne pouvons pas nous contenter de « béquilles » telles que la progression des droits de mutation, qui est conjoncturelle, la péréquation, consistant à prendre à ceux qui vont mal pour donner à ceux qui vont très mal, ou les nouvelles pratiques de gestion. Nous avons besoin d’éclaircissements sur l’utilisation des crédits qui étaient destinés aux départements pour financer la solidarité.
M. Jean-Louis Carrère. Bravo !
M. Éric Doligé. Des crédits sont-ils disponibles au titre des 400 millions d’euros du RSA « chapeau » non utilisés, des ressources attribuées à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, du produit de la journée de solidarité ou de la CSG ? Il semblerait que des marges existent.
Monsieur le ministre, au-delà de cette question très terre-à-terre, qui ne porte après tout que sur 1,3 milliard d’euros (Sourires), pouvez-vous nous détailler les dispositions qui seront mises en œuvre dans les prochains mois ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste, du RDSE et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le sénateur, tout comme vous, je me félicite de la qualité des échanges qui ont eu lieu entre le Premier ministre, les membres du Gouvernement et les représentants, toutes sensibilités confondues, de l’Assemblée des départements de France. Je puis témoigner que ces quelque trois heures de travail ont été constructives et ont débouché sur un diagnostic partagé, en particulier sur l’effet de ciseau que vous avez souligné, entre la croissance des dépenses et la baisse des recettes, pour des raisons à la fois conjoncturelles et structurelles. Ce constat est une étape importante.
La deuxième étape consiste à définir ensemble des modalités pratiques pour sortir à court terme de cette situation tendue. C’est dans cet esprit que l’ADF et le Gouvernement ont décidé la mise en place de groupes de travail chargés notamment de déterminer, en s’appuyant sur les propositions du rapport Jamet sur la situation financière des départements, document remarquable à bien des égard, quels départements doivent être aidés en urgence, ainsi que de réfléchir à la réforme de la prise en charge de la dépendance.
Le Premier ministre s’y est engagé, et je le confirme devant la Haute Assemblée : une remise à plat complète du fonctionnement de l’allocation personnalisée d’autonomie interviendra d’ici à la fin de l’année.
M. Guy Fischer. Les familles paieront !
M. François Baroin, ministre. C’est donc moins l’horizon du forestier que celui du myope, mais il s’agit d’un problème fondamental.
Par ailleurs, la question des normes et de l’incidence de leur application sur les coûts supportés par les collectivités territoriales nous préoccupe également, monsieur Doligé, le Gouvernement comptant d’ailleurs lui aussi de nombreux élus locaux…
M. Jean-Louis Carrère. Ça cumule dur, au Gouvernement !
M. François Baroin, ministre. Ce sujet a de nouveau été abordé mardi dernier. Le Président de la République a proposé un moratoire d’application immédiate sur les normes s’imposant aux collectivités territoriales.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. François Baroin, ministre. Les groupes de travail qui vont se mettre en place se pencheront sur l’efficacité de ces normes et sur les coûts qu’elles induisent. Il y aura plus de moyens pour les collectivités et plus de rigueur pour l’État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Le Gouvernement devait remettre au Parlement, avant le 1er juin, un rapport d’évaluation sur la réforme de la taxe professionnelle (« Ah ! » sur les travées du groupe du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG),…
M. Guy Fischer. Il ne l’a pas fait !
M. Yves Détraigne. … afin de lui permettre, le cas échéant, de préciser et d’adapter, avant le 31 juillet 2010, le dispositif fiscal adopté l’hiver dernier.
Il semblerait que ce rapport ne soit toujours pas disponible (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), alors que nombre d’élus locaux nous demandent dans quelles conditions ils pourront préparer leur budget l’année prochaine, sachant que la compensation n’a été prévue que pour 2010.
Par ailleurs, à l’issue de la deuxième conférence sur le déficit, le Président de la République a annoncé que « les transferts de l’État aux collectivités locales resteront désormais stables en valeur » et que « ce gel des dotations […] doit s’accompagner d’un vrai renforcement de la péréquation à l’intérieur de l’enveloppe des concours de l’État, en particulier au niveau des communes et des intercommunalités ».
Outre que les collectivités ne détiennent que 11 % de la dette publique, tout en assurant 73 % de l’investissement public – ce qui suffit à démontrer qu’elles ne sont pas, loin de là, les premières responsables de la situation catastrophique des finances publiques de notre pays (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) –,…
M. Jean-Pierre Michel. Bravo !
M. Claude Domeizel. Très juste !
M. Yves Détraigne. … il y a fort à craindre que le gel des dotations, ajouté aux incertitudes qui pèsent sur l’évolution de la fiscalité locale, ne pousse les élus à adopter une position d’attente, ce qui, loin de contribuer à l’amélioration de la situation économique, risque au contraire de l’aggraver.
J’ajoute que les conclusions du rapport Jamet sur la situation financière des départements et la réforme des collectivités territoriales en cours d’examen, avec notamment la perspective d’une généralisation de l’intercommunalité et d’une refonte des périmètres à marche plus ou moins forcée, inquiètent beaucoup d’élus. Je crains fort que nous n’entrions, dès l’an prochain, dans une période de réduction de la dépense publique locale, ce qui ne permettra pas de répondre aux besoins de nos concitoyens et n’aidera pas notre pays à sortir de sa situation économique actuelle.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous repréciser le calendrier des rendez-vous législatifs concernant la réforme de la fiscalité locale ? De quelle manière le Gouvernement entend-il pallier l’insuffisance des dispositifs de péréquation, soulignée notamment par le rapport Durieux ? Enfin, comment le Gouvernement compte-t-il permettre aux collectivités locales de continuer, par leurs investissements, à jouer leur rôle de soutien à l’économie française ? (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le sénateur, nous sommes tous sur le même bateau. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je parle de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités locales, pas de la rue de Solférino, de la place du Colonel-Fabien et de la rue La Boétie !
La crise est passée par là : nous devons maîtriser les dépenses publiques afin de revenir, à l’horizon de 2013, au niveau de déficit que nous connaissions avant sa survenue. Cet effort doit s’inscrire dans la durée et déboucher sur l’adoption de nouvelles habitudes, de nouvelles règles, car l’ampleur des déficits publics a une incidence sur la croissance, sur la confiance, sur la libération de l’épargne pour irriguer la consommation. La matrice du Gouvernement est équilibrée, juste et équitable pour les trois sources de dépenses publiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Bricq. Mensonge !
M. François Baroin, ministre. L’État donnera l’exemple en gelant en valeur, pour la première fois de son histoire, ses dépenses.
Pour la sécurité sociale, l’objectif national des dépenses de l’assurance maladie a été fixé à 3 % cette année, à 2,9 % l’année prochaine et à 2,8 % l’année suivante.
Les collectivités locales, quant à elles, verront leurs dotations gelées.
En d’autres termes, on dépensera la même chose que l’an dernier, sans faire d’inflation. Cet effort sera partagé entre l’État et les collectivités locales. Celles-ci assurent en effet 75 % de l’investissement public, mais permettez-moi de souligner – et je suis moi aussi un élu local – que l’État apporte 100 milliards d’euros de dotations. L’État a donc sa part dans l’effort d’investissement consenti par les collectivités locales.
S’agissant de la réforme de la taxe professionnelle et de la mise en place de la contribution économique territoriale, la Haute Assemblée a effectué un travail remarquable, qui a permis de redonner de la souplesse et du dynamisme à un volet important de notre fiscalité. Le rapport Durieux le met en lumière.
Les rendez-vous que vous évoquez, monsieur Détraigne, se tiendront sous l’autorité de M. Carrez et du comité des finances locales.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre !
M. François Baroin, ministre. Ce sujet, essentiel pour les collectivités territoriales, fera naturellement l’objet de débats lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. La Commission européenne a adressé, le 11 février 2010, un courrier au Gouvernement demandant qu’il soit mis fin à la garantie publique illimitée de l’État à la SNCF, au motif qu’elle conférerait à celle-ci un avantage concurrentiel. Cela revient à demander un changement de statut.
Depuis ces annonces, le Gouvernement, qui n’avait pas communiqué sur ce sujet jusqu’alors, a fait savoir qu’il conteste le point de vue exprimé par la Commission européenne, qu’il n’entend pas modifier le statut d’établissement public à caractère industriel et commercial de la SNCF et qu’il saisira la Cour de justice de l’Union européenne.
Les membres du groupe socialiste tiennent à exprimer leur opposition à la lecture idéologique libérale que fait l’actuelle Commission européenne du droit communautaire et à souligner les conséquences que cela pourrait entraîner pour le service public des transports.
Nous doutons aussi de la sincérité du Gouvernement lorsqu’il déclare ne pas vouloir changer le statut de la SNCF.
En effet, depuis 2002, les gouvernements successifs ont mis en œuvre une stratégie globale, dont Nicolas Sarkozy est le grand inspirateur, consistant à mettre en concurrence les services publics, y compris les services sociaux, à transférer des missions au secteur privé, à réduire les effectifs ou encore à changer les statuts afin d’ouvrir la voie à une privatisation ultérieure – je pense à EDF et à La Poste – ou immédiate – je pense à GDF.
Notre scepticisme quant à la détermination du Gouvernement s’explique aussi par son attitude dans deux enquêtes ouvertes par la Commission européenne, l’une relative au livret A et l’autre concernant La Poste, au sujet, là encore, de la garantie publique illimitée. Dans les deux cas, après avoir présenté ses observations, le Gouvernement s’est incliné sans mener la bataille jusqu’au bout, c’est-à-dire sans attendre les conclusions de la Cour de justice de l’Union européenne.
Ma question est donc la suivante : le Gouvernement va-t-il céder une nouvelle fois aux exigences de la Commission européenne,…
M. Guy Fischer. Bien sûr !
M. Michel Teston. … qui n’a pourtant aucune compétence pour se prononcer sur le statut des entreprises, et faire subir à la SNCF le même sort qu’à La Poste,…
Mme Nathalie Goulet. Et à EDF !
M. Michel Teston. … en la transformant elle aussi en société anonyme, première étape vers la privatisation ?
Sachez que si tel devait être le cas, notre opposition serait aussi déterminée que pour La Poste ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des transports.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, dans la première partie de votre propos, vous avez rappelé tout à fait objectivement la position du Gouvernement, qui conteste, tout comme le groupe socialiste, le point de vue de la Commission européenne. La seconde partie de votre intervention était consacrée à d’autres considérations, sur lesquelles je ne reviendrai pas…
La Commission européenne conteste le fait que la SNCF soit un établissement public à caractère industriel ou commercial et que cela lui ouvre le bénéfice d’une garantie illimitée de la part de l’État. Nous lui avons répondu très clairement que nous ne changerions pas le statut de la SNCF. Nous avons de surcroît saisi la Cour de justice de l’Union européenne pour faire valoir notre point de vue.
Mon collègue chargé des affaires européennes, M. Pierre Lellouche, a rencontré avant-hier le président de la SNCF pour lui rappeler, au nom du Gouvernement, quelle position nous défendrions à Bruxelles.
Pour le reste, nous acceptons la démarche de l’Union européenne. En 1997, les infrastructures ont ainsi été séparées du réseau. J’observe d'ailleurs que M. Gayssot, ministre chargé des transports de 1997 à 2002, n’a pas remis en cause la création de Réseau ferré de France.
Nous avons accepté la libéralisation du secteur du fret ferroviaire. Aujourd’hui, les entreprises concurrentes de la SNCF assurent à peu près 15 % du trafic.
M. Philippe Dominati. Ce n’est pas assez !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Il s’agit d’entreprises privées, mais aussi de filiales d’entreprises publiques comme Deutsche Bahn.
Nous acceptons naturellement l’ouverture du trafic international de voyageurs à la concurrence. C’est déjà une réalité avec Thalys, Eurostar et Lyria, qui sont des sociétés transnationales de transport de personnes à l’échelon européen.
Le sénateur Francis Grignon a mené une réflexion sur les TER ; ce travail n’ayant pas fait l’objet, dans un premier temps, d’une concertation avec les régions, nous lui avons demandé de le poursuivre.
En tout état de cause, monsieur Teston, les choses sont claires : nous nous opposons à la position de la Commission européenne. Étant sûrs de notre bon droit, nous défendrons notre point de vue jusqu’au bout. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
conditions d’un débat public serein
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, mais je tiens à remercier M. Chatel, ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, de me répondre.
À l’heure d’une crise internationale d’ordre économique, financier et social sans précédent, la France doit être une force de proposition de premier plan.
Les Français attendent des formations politiques qu’elles contribuent au débat d’idées et apportent des solutions constructives. Convaincus de la nécessité des réformes, ils attendent de leurs leaders politiques, hommes ou femmes, qu’ils cessent leurs inutiles querelles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À qui vous adressez-vous, monsieur Gournac ?
M. Alain Gournac. L’heure n’est pas à la campagne présidentielle, elle est à la sauvegarde de notre modèle de retraite par répartition, à la défense de notre agriculture, au soutien à l’action de la France pour réguler la finance mondiale, condition nécessaire du maintien de notre modèle social.
En se laissant aller à injurier le Président de la République (Exclamations amusées sur les mêmes travées) comme elle l’a fait lors de la récente convention nationale de son parti, la première secrétaire du parti socialiste manifeste un manque de confiance dans les vertus du débat démocratique. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Sur toutes les réformes menées par le Gouvernement depuis 2007, le parti socialiste a observé un complet mutisme. On ne comble pas un retard par l’injure, on ne récupère pas sa place dans l’univers médiatique en versant dans l’irrespect. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Paul Raoult. Voilà où vous voulez en venir…
M. Alain Gournac. L’injure proférée par Mme Aubry est inacceptable ! Il est grave de porter atteinte à la fonction présidentielle et à nos institutions.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes bien placé pour dire ça !
M. Paul Raoult. Il faudrait que le Président de la République donne l’exemple !
M. Alain Gournac. Monsieur le ministre, comment retrouver les conditions d’une discussion sereine et apaisée avec l’opposition, conditions nécessaires au bon fonctionnement de notre démocratie ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Louis Carrère. Pas de question, pas de réponse !
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Alain Gournac, comme vous, j’ai été choqué par les propos injurieux et gratuits tenus par la première secrétaire du parti socialiste le week-end dernier. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Une telle attitude est très éloignée du débat politique apaisé que nous appelons tous de nos vœux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand le Président de la République injurie le peuple, par contre, ce n’est pas grave !
M. Luc Chatel, ministre. Je crois moi aussi à la noblesse du combat politique (Exclamations sur les mêmes travées), lequel doit se placer sur le terrain exigeant des idées et ne doit pas succomber à la facilité des attaques ad hominem. J’ai d’ailleurs entendu un certain nombre de responsables politiques de l’opposition prendre clairement leurs distances avec les propos tenus par Mme Aubry le week-end dernier.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Sûrement pas !
M. Luc Chatel, ministre. Au-delà de ces propos, monsieur le sénateur, j’ai le sentiment qu’il s’agit d’un nouveau rendez-vous manqué par le parti socialiste. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Un rendez-vous manqué avec la crédibilité : quelle est en effet celle d’un responsable de parti dit d’alternance lorsqu’il se prend à injurier le Président de la République ?
Un rendez-vous manqué avec le débat d’idées : chaque fois que le parti socialiste organise une convention ou formule des propositions, cela se termine par de petites phrases mesquines et des polémiques politiciennes ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Raymonde Le Texier. Pas vous !
M. Luc Chatel, ministre. Un rendez-vous manqué, enfin, avec les engagements mêmes du parti socialiste : Mme Aubry nous promettait la société du care, de la protection, du respect ; en recourant à l’insulte, à la provocation, aux recettes du passé, elle s’inscrit plutôt dans la société de l’anti-care ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
Les neuf victimes de l’arraisonnement de la « flotille de la paix » n’auront pas sacrifié leur vie pour rien : le secrétaire général de l’ONU a enfin déclaré qu’il devait être mis fin au blocus de la bande de Gaza. Voilà leur éloge funèbre.
Mais pendant ces trois années d’enfer à Gaza, qu’a fait le Gouvernement français ? D’une main, il envoyait une aide humanitaire, aléatoirement distribuée en fonction de l’arbitraire kafkaïen du blocus ; de l’autre, il offrait un appui diplomatique sans faille à ceux-là mêmes qui entravaient son aide, en soutenant le rehaussement du partenariat d’Israël avec l’Union européenne, en émettant un vote favorable à l’entrée d’Israël dans l’OCDE : autant de feux verts diplomatiques au blocus. Quelle logique ! Quelle cohérence !
M. Robert Hue. Absolument !
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il aura fallu que des militants accomplissent le geste politique d’enfreindre le blocus pour que le monde se réveille et que M. Kouchner déclare, après trois ans de silence : « Le blocus de Gaza n’est pas soutenable. »
Il aura fallu le révélateur de cet arraisonnement pour qu’on prenne conscience que cette violence s’exerce quotidiennement à l’encontre des Palestiniens : rafles, expulsions, destructions de maisons, construction du mur.
Les Palestiniens de Gaza ont surtout besoin d’être libres de produire des richesses sur des terres restaurées et dans leurs usines reconstruites, de rebâtir maisons, écoles et dispensaires bombardés.
M. Guy Fischer. Tout a été rasé !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ils ont besoin de la liberté.
Ce blocus renforce l’extrémisme. Il renforce la dépendance du Hamas envers l’Iran. C’est un crime ; c’est aussi une erreur.
La France va-t-elle s’engager pour qu’il soit mis fin au blocus dans des délais impératifs ? La France est-elle prête à établir, avec d’autres États européens, un pont maritime avec Gaza pour rompre ce blocus qui renvoie ses habitants non à l’âge de pierre, mais à l’âge de la boue ? (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la sénatrice, nous partageons tous votre très vive émotion après cette opération militaire, que le Président de la République a immédiatement condamnée, de même que M. Kouchner.
Mme Catherine Tasca. Au bout de trois ans de blocus !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l’unanimité une motion…
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais pas une résolution !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. … la condamnant également et demandant une enquête transparente et impartiale, qui réponde aux règles et aux normes de la communauté internationale. Ce n’est pas à la France de décider qui doit conduire cette enquête, mais nous voulons en tout cas absolument connaître la vérité.
Je rappelle que la France a aussi indiqué qu’elle souhaitait qu’il soit mis fin le plus rapidement possible au blocus de Gaza, dans le respect de la sécurité du peuple israélien, conformément à l’esprit de la résolution 1860 des Nations unies. En cela, la France est totalement fidèle à la position de la communauté internationale.
Malgré ces faits dramatiques, le processus de paix devra se poursuivre, le dialogue devra être maintenu. À cet égard, la France salue l’attitude de M. Mahmoud Abbas, qui a déclaré que les discussions allaient continuer, parce que la solution est forcément politique.
En conclusion, madame la sénatrice, je rappellerai les propos tenus par le Président de la République en marge du sommet de Nice. Si les Palestiniens pouvaient s’administrer eux-mêmes, si les Israéliens pouvaient avoir l’assurance qu’ils vivent en sécurité dans un pays reconnu par l’ensemble de ses voisins, il ne se produirait plus d’événements aussi dramatiques. C’est à cela que la diplomatie française s’attache inlassablement, parce qu’il n’y aura de règlement que par le dialogue politique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Sommet Afrique-France
M. le président. La parole est à M. André Dulait. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. André Dulait. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.
Le vingt-cinquième sommet Afrique-France, qui s’est tenu à Nice, a été clôturé voilà deux jours par le Président de la République. Ce n’était pas un sommet comme les autres. En effet, pour la première fois, étaient présents, outre les chefs d’État et de Gouvernement, les représentants d’entreprises africaines, d’associations et d’organisations non gouvernementales. C’était la marche en avant de l’Afrique, à tel point que le patronat français a décidé d’établir une charte de développement avec ces entreprises. C’est un point qui méritait d’être souligné.
Le Président de la République a confirmé, à cette occasion, que l’Union africaine serait invitée à la prochaine réunion du G20 et qu’un plan de financement de l’ordre de 100 milliards de dollars serait préparé en vue de cette rencontre.
Dans le domaine de l’environnement, monsieur le secrétaire d’État, nous serons présents. Mais, pour la France, l’Afrique est au cœur de l’équilibre du monde. Nous devons également rester vigilants face à l’immigration clandestine, aux pandémies et à toutes les calamités qui accablent ce pauvre continent.
Monsieur le secrétaire d’État, quels détails pouvez-vous nous apporter sur les décisions prises en matière de coopération ? Comment allons-nous aborder ces chantiers ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie. Monsieur le sénateur, le sommet de Nice a, en effet, été historique.
Au fond, ce fut l’aboutissement de trois années de travail pour l’équipe diplomatique française réunie autour du Président de la République et de Bernard Kouchner, qui s’est beaucoup investie dans la préparation de ce sommet. Les observateurs objectifs l’ont souligné, toute l’Afrique était représentée, l’Afrique francophone bien sûr, mais aussi les pays anglophones, lusophones ou arabophones. Ainsi, plus de quarante chefs d’État ou de gouvernement étaient présents. Ce sommet a permis de conférer une autre dimension aux relations entre l’Afrique et la France.
Ce fut aussi l’occasion de commencer à écrire une nouvelle page, un dialogue très franc s’étant instauré entre la France et l’Afrique, qui a permis d’aboutir à un accord sur plusieurs points.
Tout d’abord, concernant la question de la sécurité, très importante non seulement pour l’Afrique, mais aussi pour l’Europe, la France va former 12 500 soldats africains pour que l’Afrique s’approprie, peu à peu, sa défense.
S’agissant précisément des accords de défense, le Président de la République a réaffirmé la fin du secret. C’est ainsi que les accords de défense conclus entre la France et huit pays africains seront tous rendus publics.
Par ailleurs, l’Afrique a accepté la reprise, dans les conclusions finales, de tous les engagements de Copenhague, ce qui permettra de débloquer les financements obtenus dans ce cadre, dont l’Afrique est la première bénéficiaire.
Enfin, concernant le point particulièrement important de la représentation de l’Afrique au sein des nouvelles institutions multilatérales, le Président de la République veut revoir les institutions de Bretton Woods pour que l’Afrique soit mieux représentée tant au G20 qu’au G8. Simultanément, nous allons aider l’Afrique à obtenir le plus tôt possible de siéger au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. En effet, il n’est pas acceptable que l’Afrique n’y soit pas représentée, tant est important le rôle du continent africain dans l’avenir du monde.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Vous avez également abordé, monsieur le sénateur, la question économique, absolument capitale.
Ce sont 300 entreprises françaises et africaines qui vont œuvrer ensemble au développement économique. Au fond, pour lutter contre la pauvreté, qu’y a-t-il de mieux que le développement économique, la création de valeur ajoutée et d’emplois sur le continent africain ?
M. René-Pierre Signé. Paroles, paroles !
M. Alain Joyandet, secrétaire d'État. Dans cette perspective, la France engagera des moyens financiers très importants. L’Agence française de développement a d’ores et déjà accru très fortement ses contributions, qui sont passées de 3,5 milliards d'euros à près de 6 milliards d'euros cette année.
Vous le voyez, ce sommet a vraiment été historique, à la fois pour l’Afrique et pour la France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
avenir de l'école
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Trouver des « gisements d’efficience » : tel est l’objectif que vous vous êtes fixé, monsieur le ministre, si l’on en croit les documents internes à votre ministère qui ont été publiés lundi dernier.
Ce jargon managérial masque mal la violence du projet. En dépit de promesses répétées, il s’agit, en fait, d’appliquer brutalement la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux dans l’éducation nationale. C’est ainsi que 16 000 postes seraient supprimés en 2011 !
Quels sont donc ces fameux « gisements » ? Il s’agit d’augmenter le nombre d’élèves par classe, de supprimer la scolarisation des enfants âgés de 2 à 3 ans, de réduire les besoins en termes de remplacement, de fermer les petites écoles rurales, de supprimer les RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, de procéder à la « mise en extinction » – je reprends vos propres termes, monsieur le ministre ! – des psychologues scolaires, de systématiser le recours aux vacataires pour assurer les remplacements, de supprimer les assistants de langue… Je m’arrête là, car la liste est déjà trop longue !
En treize fiches, qui n’ont rien de pédagogique, vos services dressent le portrait d’une école démantelée, qui sera évidemment incapable d’assurer correctement ses missions, surtout envers les élèves les plus fragiles.
Pour accomplir cette besogne, vous n’hésitez pas à revenir sur des promesses formulées ici même : celles de votre prédécesseur, qui avait garanti, à la tribune de la Haute Assemblée, la préservation des postes RASED restants.
M. Guy Fischer. Il avait menti !
Mme Françoise Cartron. Vous reniez aussi vos ambitions éducatives : quel enseignement des langues allez-vous dispenser sans assistants étrangers ?
Concernant les enfants âgés de 2 à 3 ans, vous avez trouvé une méthode infaillible pour faire des économies : supprimer les élèves pour supprimer les professeurs ! Voilà une solution imparable ! Et ne nous dites pas qu’il ne s’agit là que de projets : la plupart d’entre eux sont déjà à l’œuvre dans nos départements !
M. Jacques Mahéas. C’est vrai !
Mme Françoise Cartron. Il s’agit non plus de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, mais du DGSE, le démantèlement général du service public d’éducation ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. C’est la nouvelle formule !
Mme Françoise Cartron. Pourtant, le rapport de la Cour des comptes de mai dernier pointe un déficit de financement de l’école primaire par rapport à la moyenne des pays de l’OCDE, à hauteur de 15 %.
Quant aux territoires ruraux, ils seront abandonnés. Les petites écoles seront supprimées ou regroupées de force.
Mme Nathalie Goulet. C’est déjà fait !
Mme Françoise Cartron. Dans quelques jours, les futurs bacheliers vont plancher. Pour votre part, monsieur le ministre, pouvez-vous nous commenter la citation suivante : « La question centrale est donc celle de la qualité de la dépense publique. La logique de la rigueur l’occulte parce qu’elle conduit à ne plus s’interroger que sur les conséquences budgétaires à court terme des décisions que l’on prend. » ? Voilà ce que déclarait Nicolas Sarkozy en juin 2009, devant le Congrès de Versailles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Madame le sénateur, j’ai déjà eu l’occasion tout à l’heure de rappeler l’importance des moyens votés par le Parlement en faveur de l’éducation nationale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je compléterai mon propos en précisant que l’école de la République accueille aujourd'hui 700 000 élèves de moins qu’au début des années quatre-vingt-dix,…
M. Jacques Mahéas. Vous n’en voulez plus en maternelle !
M. Luc Chatel, ministre. … mais qu’elle compte pourtant 50 000 enseignants de plus ! Encore une fois, les moyens, nous les avons !
Toutefois, l’éducation nationale, premier budget de l’État, employeur de la moitié des fonctionnaires de notre pays,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et alors ?
M. Jacques Mahéas. Au détriment des élèves !
M. Luc Chatel, ministre. … que vous appelez tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de vos vœux. Cet effort, s’agissant en particulier du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, nous le menons avec discernement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous en manquez, c’est bien là le problème !
M. Luc Chatel, ministre. Faire preuve de discernement, c’est ne pas hésiter à créer des postes ou à ouvrir une structure lorsque se manifestent des besoins nouveaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. Luc Chatel, ministre. Cette année, parce que la démographie l’exigeait, nous avons ainsi ouvert 500 classes supplémentaires !
La lutte contre l’insécurité à l’école devenant une priorité, nous avons créé les équipes mobiles de sécurité, et rattaché 500 personnels aux recteurs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est comme ça que vous remplacez les enseignants ?
M. David Assouline. Et les psychologues ?
M. Luc Chatel, ministre. Parce que la politique d’accueil des enfants handicapés est, à nos yeux, une priorité,…
M. Guy Fischer. Parlons-en !
M. Luc Chatel, ministre. … nous avons ouvert 200 unités pédagogiques d’intégration supplémentaires.
C’est donc avec discernement que nous menons la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Il y a deux manières de faire : soit l’on décide de façon autoritaire de supprimer un nombre donné de postes dans telle ou telle académie ou dans telle ou telle catégorie de personnel,…
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes très autoritaire !
M. Luc Chatel, ministre. … soit l’on part des besoins constatés sur le terrain, de la réalité des établissements (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG),…
M. Jean-Louis Carrère. C’est comme avec les gendarmeries !
M. Luc Chatel, ministre. … des difficultés des élèves, pour répartir de façon différenciée les moyens que nous affectons à l’éducation nationale. C’est cette seconde méthode que j’ai choisie !
M. Jean-Louis Carrère. Non !
M. Luc Chatel, ministre. Nous nous donnons aujourd’hui les moyens de mener un projet éducatif de qualité. (Non ! sur les travées du groupe socialiste.) Simplement, nous devons mieux répartir ces moyens sur l’ensemble du territoire, comme le préconisent d’ailleurs tous les observateurs du système éducatif français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
police municipale
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Jean-Louis Carrère. Il n’est pas là !
M. Christian Cambon. Deux faits divers d’une extrême gravité viennent, en quelques jours, de rappeler combien nos villes étaient fragiles face à la violence aveugle d’un grand banditisme qui ne recule plus devant rien.
À Marseille, en pleine circulation, des truands mitraillent des convoyeurs à l’arme lourde. « On marchera sur les douilles », a déclaré le procureur de la République. C’est un miracle s’il n’y a eu aucune victime.
M. René-Pierre Signé. La sécurité Hortefeux !
M. David Assouline. Cela empire !
M. Christian Cambon. À Villiers-sur-Marne, une policière municipale qui croyait intervenir sur un banal accident de la circulation est tombée sous les balles d’une bande de tueurs fous, qui l’ont froidement abattue pour protéger leur fuite. Elle avait 27 ans et était mère d’un bébé de quatorze mois. Réunis autour du Président de la République pour lui rendre un hommage national, tous les parlementaires et de très nombreux maires du Val-de-Marne, ainsi que d’autres départements, mais aussi près de 3 000 policiers municipaux venus de toute la France, ont partagé émotion et colère devant cet assassinat.
Aujourd’hui, notre devoir est de tirer les leçons de ce drame pour qu’il ne se reproduise plus jamais.
M. René-Pierre Signé. Il y en a tous les jours !
M. Christian Cambon. En vingt-cinq ans, les missions des 18 000 agents de police municipale ont considérablement évolué en raison même de leur proximité avec nos populations.
Dans certaines communes de banlieue, c’est plus de 80 % des appels d’urgence que les polices municipales reçoivent et traitent, sans recourir à la police nationale, qu’elles suppléent bien souvent. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jacques Mahéas. Hélas ! C’est dommage !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On en voit le résultat !
M. Christian Cambon. Le Président de la République lui-même a rappelé à Villiers-sur-Marne que la police nationale, la gendarmerie et la police municipale étaient dorénavant les trois piliers de la protection de la sécurité des Français, fondement de notre République.
M. René-Pierre Signé. Des piliers vermoulus !
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, pour que les polices municipales assument cette mission avec efficacité, ne faut-il pas leur donner les moyens d’assurer d’abord leur propre protection,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les salaires ?
M. Christian Cambon. … ainsi que le statut, tant attendu, qu’elles méritent ?
Certes, vous venez d’autoriser le port du Taser, arme défensive (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées), en l’assortissant de strictes conditions d’utilisation. Mais, vous le savez bien, l’armement des polices municipales ne règle pas tous les problèmes.
M. Guy Fischer. C’est de la provocation !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est scandaleux !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Christian Cambon. Les polices municipales n’ont pas pour mission de participer aux opérations conduites par la police nationale contre le grand banditisme.
M. Jean-Louis Carrère. Le temps de parole est écoulé !
M. Christian Cambon. Au moins pourrait-on faire en sorte qu’elles n’y soient pas mêlées, en leur donnant instantanément une alerte radio qui leur permettrait d’évacuer la zone concernée.
Au-delà de ces mesures, ne pensez-vous pas qu’il est temps d’améliorer le statut des policiers municipaux (« Non ! » sur les travées du groupe socialiste), en termes de formation, de carrière d’avancement et de retraite,…
M. René-Pierre Signé. Arrêtez !
M. Christian Cambon. … pour les rapprocher quelque peu de leurs collègues de la gendarmerie ou de la police nationale ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Brice Hortefeux, retenu à Luxembourg pour la signature d’un pacte européen contre la drogue.
Vous avez évoqué la terrible tragédie qui s’est déroulée, le 20 mai dernier, à Villiers-sur-Marne, au cours de laquelle Aurélie Fouquet, une jeune policière municipale mère d’un enfant de quatorze mois, a trouvé la mort.
Le Président de la République a présidé l’hommage solennel qui lui a été rendu le 26 mai dernier ; l’ensemble du Gouvernement a exprimé à cette occasion sa profonde solidarité et son soutien non seulement aux policiers municipaux, mais également à toute la communauté des forces de sécurité.
Le ministre de l’intérieur a ordonné de tout mettre en œuvre pour retrouver les assassins. Un individu a d’ores et déjà été interpellé, déféré devant la justice et écroué. Les meurtriers seront tôt ou tard retrouvés, jugés et punis pour les actes criminels qu’ils ont commis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement ! C’est la moindre des choses !
M. Luc Chatel, ministre. Il est certain que la lutte contre le grand banditisme n’entre pas dans les attributions des policiers municipaux ; celle-ci est avant tout affaire de spécialistes.
Face à un tel drame, des policiers municipaux ont exprimé leurs préoccupations quant à leurs missions et à leur formation. Pour y répondre, M. Hortefeux a reçu jeudi dernier leurs organisations syndicales représentatives et pris d’ores et déjà deux décisions.
Tout d’abord, les complémentarités opérationnelles et les synergies entre les différentes forces de sécurité intervenant sur un même territoire seront renforcées, et la convention qui encadre les relations entre polices municipales, gendarmerie et police nationale sera consolidée.
Pour aller plus loin, une réflexion sera lancée sur la place et le rôle des polices municipales dans la société. Un travail de concertation impliquera l’ensemble des acteurs.
Enfin, concernant la formation des policiers municipaux, je rappelle que les gendarmes et les policiers nationaux y participent déjà, mais il existe des marges de progression.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Toute perspective d’évolution en la matière doit recevoir l’assentiment de l’Association des maires de France.
Vous le voyez, le Gouvernement prend pleinement en considération les attentes des policiers municipaux, qui contribuent chaque jour à la protection de la sécurité de nos concitoyens, partout sur le territoire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants ; nous les reprendrons à seize heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Désignation d'un sénateur en mission
M. le président. Par courrier en date du 2 juin 2010, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, Mme Gisèle Gautier, sénatrice de la Loire-Atlantique, en mission temporaire auprès de Mme Valérie Létard, secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Cette mission portera sur les métiers et les compétences dans le secteur des énergies marines renouvelables.
Acte est donné de cette communication.
6
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 3 juin 2010, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
7
Défenseur des droits
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi organique
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits (projet n° 610, texte de la commission n° 483, rapport n° 482).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 30.
Titre V
DISPOSITIONS FINALES
Article 30
L’article 4 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : «, du Gouvernement ou » sont remplacés par les mots : « du Gouvernement, de Défenseur des droits ou de membre » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : «, du Gouvernement ou » sont remplacés par les mots : « du Gouvernement, de Défenseur des droits ou de membre » ;
3° Au troisième alinéa, les mots : « ou aux fonctions de Défenseur des droits » sont ajoutés après les mots : « à des fonctions gouvernementales ».
M. le président. L'amendement n° 93, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : «, ainsi qu'avec celles de Défenseur des droits »
II.- Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Au deuxième alinéa, après les mots : « Conseil économique et social », sont insérés les mots : «, le Défenseur des droits »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 30, modifié.
(L'article 30 est adopté.)
Article 31
(Non modifié)
Le code électoral est modifié ainsi qu’il suit :
1° L’article L.O. 130-1 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L.O. 130-1. – Le Défenseur des droits est inéligible dans toutes les circonscriptions. » ;
2° Il est inséré un article L.O. 194-2 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 194-2. – Pendant la durée de ses fonctions, le Défenseur des droits ne peut être candidat à un mandat de conseiller général » ;
3° Il est inséré un article L.O. 230-3 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 230-3. – Pendant la durée de ses fonctions, le Défenseur des droits ne peut être candidat à un mandat de conseiller municipal. » ;
4° Il est inséré un article L.O. 340-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 340-1. – Pendant la durée de ses fonctions, le Défenseur des droits ne peut être candidat à un mandat de conseiller régional. » ;
5° Aux articles L.O. 176, L.O. 319 et L.O. 469, après les mots : « membre du Conseil constitutionnel », sont ajoutés les mots : « ou de Défenseur des droits » ;
6° Aux articles LO. 461, LO. 489, LO. 516 et LO. 544, le 6° est remplacé par les dispositions suivantes :
« 6° Le Défenseur des droits. » – (Adopté.)
Article 32
I. – Les mentions de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et du Médiateur de la République figurant en annexe de la loi organique n° ……….. du …….. relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution sont supprimées.
II. – La loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française est modifiée ainsi qu’il suit :
1° À l’article 7, les mots : « du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants » sont supprimés ;
2° À l’article 14, les mots : « du Médiateur de la République et du Défenseur des enfants » sont supprimés ;
3° Le 5° de l’article 109 est abrogé.
III. – À l’article 6-2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les mots : « du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants » sont supprimés.
IV (Non modifié). – Pour l’application de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, les mots : « collectivités territoriales » s’entendent de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 94 rectifié, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Supprimer les mots :
, du Défenseur des enfants
II.- Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° À l'article 7, les mots « du Médiateur de la République, » et les mots « de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, » sont supprimés.
III. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
et du Défenseur des enfants
IV.- Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
3° Le 5° de l'article 109 est ainsi rédigé :
« 5° Le Défenseur des enfants, sauf s'il exerçait le même mandat antérieurement à sa nomination. »
V.- Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
III.- La loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est modifiée ainsi qu'il suit :
1° À l'article 6-2, les mots : « du Médiateur de la République » sont supprimés ;
2° À l'article 195, le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Le Défenseur des droits. »
VI.- Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
V.- Après l'article 13-1 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer, il est rétabli un article 13-2 ainsi rédigé :
« Art. 13-2.- Le Défenseur des droits est inéligible à l'assemblée territoriale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 35 rectifié ter est présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 77 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéas 1 et 6
Supprimer les mots :
, du Défenseur des enfants
II. - Alinéa 3
Supprimer les mots :
du Défenseur des enfants
III. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
et du Défenseur des enfants
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié ter.
M. Hugues Portelli. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour présenter l’amendement n° 77 rectifié.
M. Nicolas About. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission n’a pas d’avis, monsieur le président !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 94 rectifié.
Pour ce qui concerne les amendements identiques nos 35 rectifié ter et 77 rectifié, il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’avis de la commission… (Sourires.)
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 35 rectifié ter et 77 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 32, modifié.
(L'article 32 est adopté.)
Article 33
I. – La présente loi organique entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant sa publication.
Toutefois, jusqu’au premier jour du cinquième mois suivant la publication de la présente loi organique, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le Défenseur des enfants et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité demeurent régis par les dispositions qui les concernent dans leur rédaction antérieure à celle résultant de la présente loi organique.
II. – À compter du premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi organique, le Défenseur des droits succède au Médiateur de la République dans ses droits et obligations au titre de ses activités. Les détachements et les mises à disposition en cours auprès de cette autorité se poursuivent auprès du Défenseur des droits. Les procédures ouvertes par le Médiateur de la République et non clôturées à la date d'entrée en vigueur de la présente loi organique se poursuivent devant le Défenseur des droits. À cette fin, les actes valablement accomplis par le Médiateur de la République sont réputés avoir été valablement accomplis par le Défenseur des droits.
À compter du premier jour du cinquième mois suivant la publication de la présente loi, le Défenseur des droits succède, dans les mêmes conditions, à la Commission nationale de déontologie de la sécurité, au Défenseur des enfants et à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La présente loi organique entre en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant sa publication.
À cette date, le Défenseur des droits succède au Médiateur de la République, au Défenseur des enfants, à la Commission nationale de déontologie de la sécurité et à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité dans leurs droits et obligations au titre de leurs activités respectives.
Les détachements et les mises à disposition en cours auprès de ces autorités se poursuivent auprès du Défenseur des droits.
Les procédures ouvertes par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et non clôturées à la date d'entrée en vigueur de la présente loi organique se poursuivent devant le Défenseur des droits. À cette fin, les actes valablement accomplis par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité sont réputés avoir été valablement accomplis par le Défenseur des droits.
La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Il convient que le Défenseur des droits dispose d’un délai raisonnable pour organiser et coordonner ses services. Le Gouvernement propose donc que la présente loi organique entre en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant sa publication.
En effet, l’introduction, sur proposition de la commission, des missions dévolues à la HALDE dans le champ de compétence de la nouvelle autorité nous conduit à suggérer de repousser d’un mois la date initialement prévue pour l’entrée en vigueur du texte.
Par ailleurs, la mise en place en deux temps de la nouvelle institution, proposée par la commission, me paraît poser problème, en termes à la fois d’organisation et d’image.
Par conséquent, tout en comprenant l’état d’esprit qui anime la commission, le Gouvernement souhaite que le délai pour l’entrée en vigueur du dispositif soit allongé, afin qu’elle puisse intervenir en une seule fois.
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier et MM. Fortassin, Milhau, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
le premier jour du troisième mois suivant
par le mot :
dès
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Notre amendement est bien différent de celui que vient de présenter le Gouvernement !
Différer l’entrée en vigueur de la loi déroge à un principe fondamental de notre droit, énoncé à l’article 1er du code civil, aux termes duquel les lois sont exécutoires dès après leur promulgation et leur publication au Journal officiel. De surcroît, il s’agit en l’occurrence d’une loi organique.
Par ailleurs, le projet de loi organique prévu au nouvel article 71-1 de la Constitution n’a été adopté par le conseil des ministres que le 9 septembre 2009. Beaucoup de retard a déjà été pris, et il convient de ne pas aggraver encore la situation à cet égard. Prévoir, comme le fait l’article 33, une entrée en vigueur de la loi organique le premier jour du troisième mois suivant sa publication revient de fait à repousser l’échéance au mois d’avril ou de mai 2011, soit près de trois ans après la révision constitutionnelle. De plus, dans le domaine des libertés et de la défense des droits, instaurer une situation transitoire n’est aucunement souhaitable.
Si l’on peut admettre que l’entrée en vigueur des dispositions relatives à l’intégration, au sein de la nouvelle institution, de deux ou trois autorités existantes – leur nombre risque de changer dans les heures qui viennent ! – puisse intervenir quelques mois après la publication de la loi organique, en revanche, rien ne justifie que les autres dispositions du texte n’entrent pas en vigueur dès la publication et que le Défenseur des droits ne soit pas nommé aussitôt pour exercer les fonctions qui sont actuellement celles du Médiateur de la République.
M. le président. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier et MM. Fortassin, Milhau, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
troisième
par le mot :
second
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. le président. L'amendement n° 95 rectifié, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I) Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par 19 alinéas ainsi rédigés :
Toutefois, entrent en vigueur le premier jour du cinquième mois suivant la publication de la présente loi organique :
- les trois derniers alinéas de l'article 4 ;
- au deuxième alinéa de l'article 6, les mots : « sauf lorsqu'elle est présentée au titre des compétences mentionnées aux troisième et dernier alinéas de l'article 4 » ;
- au second alinéa de l'article 10, les mots : « sauf au titre de ses compétences mentionnées au dernier alinéa de l'article 4 » ;
- le chapitre Ier du titre III ;
- à l'article 15, les mots : « et privées » au deuxième alinéa ainsi que le quatrième alinéa ;
- à l'article 17, les mots : « et privées » au premier alinéa ainsi que la seconde phrase du deuxième alinéa ;
- à l'article 18, les mots : « ou privées » au premier alinéa du I ;
- les mots : « et, s'il intervient au titre de sa compétence en matière de lutte contre les discriminations, pour la mise en œuvre des dispositions des articles 21 bis et 22 » à l'article 19 ;
- le troisième alinéa de l'article 21 ;
- l'article 21 ter ;
- les II à V de l'article 22 ;
- l'article 23 bis ;
- à l'article 25, les deuxième et quatrième alinéas ainsi que le dernier alinéa en tant qu'il concerne le deuxième alinéa ;
- à l'article 26, les mots : « sans préjudice de l'application des dispositions du II de l'article 22 » au troisième alinéa ainsi que le dernier alinéa ;
- le dernier alinéa de l'article 28 ;
- à l'article 29, le premier alinéa en tant qu'il concerne les adjoints et les autres membres des collèges ;
- l'article 29 bis en tant qu'il concerne les adjoints et les autres membres des collèges ;
- à l'article 32, le I en tant qu'il concerne la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, le deuxième alinéa du II en tant qu'il concerne la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et le deuxième alinéa du III en tant qu'il supprime la référence à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
II) Alinéa 4
Supprimer les mots :
, au Défenseur des enfants
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 36 rectifié ter est présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 78 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 2
Supprimer les mots :
, le Défenseur des enfants
II. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
, au Défenseur des enfants
L’amendement n° 36 rectifié ter n'est pas soutenu.
La parole est à M. Nicolas About, pour présenter l’amendement n° 78 rectifié.
M. Nicolas About. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier et MM. Fortassin, Milhau, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
du premier jour du troisième mois suivant
par le mot :
de
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement, complémentaire de ceux que je viens de défendre, vise à éviter tout retard supplémentaire dans la mise en place de la nouvelle institution du Défenseur des droits et dans l’entrée en vigueur des dispositions de la loi organique.
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier et MM. Fortassin, Milhau, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer le mot :
troisième
par le mot :
second
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de repli. Il nous paraît suffisant de prévoir un délai d’un mois pour le choix par le Défenseur des droits de ses adjoints et pour la désignation par les autorités de nomination, dont le Défenseur, des membres des collèges chargés de l'assister.
M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier et MM. Fortassin, Milhau, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III. - Le caractère non renouvelable de leur mandat qui vise à garantir leur indépendance, figurant parmi les obligations du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, des membres de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité en vertu des lois ayant créé ces autorités, les titulaires actuels de ces fonctions ne peuvent être nommés Défenseur des droits, cette fonction succédant à celles qu'ils exercent actuellement.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. J’apporterai une réponse globale aux amendements nos 89, 19 rectifié, 22 rectifié, 20 rectifié et 21 rectifié portant sur l’entrée en vigueur de la réforme.
Je rappelle que j’avais proposé deux options à la commission. La première consistait à ce que le Défenseur des droits se substitue à toutes les autorités, c’est-à-dire au Médiateur de la République, à la CNDS, au Défenseur des enfants et à la HALDE, à compter du premier jour du quatrième mois suivant la promulgation de la loi organique. Dans la seconde option, le Défenseur des droits se serait mis en place en deux temps : il aurait succédé au Médiateur de la République dès le premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la loi organique, et se serait substitué ensuite, le premier jour du cinquième mois suivant la promulgation de la loi organique, aux trois autres autorités.
Dans les deux cas, il était proposé de ne pas réduire le différé, de deux à trois mois, proposé par le Gouvernement. Il faudra en effet – c’est l’élément le plus important et je ne dispose pas encore de toutes les informations me permettant de porter un jugement définitif – que le Gouvernement publie tous les décrets nécessaires à l’application des lois organique et ordinaire. À moins qu’ils ne soient déjà prêts, ces décrets, à mon avis, ne peuvent pas être pris en moins de deux mois.
Il faudra également que le Défenseur des droits soit nommé. Cette procédure implique l’audition de l’intéressé par chacune des commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Un délai de huit jours doit de plus être respecté entre le moment où il est désigné par le chef de l’État et auditionné. La nomination ne peut donc pas se faire en cinq minutes !
Par ailleurs, le Défenseur des droits aura besoin de temps pour choisir ses adjoints, tels qu’ils sont prévus par le texte. Leur nomination, elle aussi, sera précédée de consultations. Même sans opposition de la commission des lois du Sénat ou de l’Assemblée nationale, cela ne se fera pas non plus en cinq minutes !
Enfin, il faudra que le Gouvernement – et ce n’est pas la moindre des choses – trouve, en fonction du périmètre de compétences du Défenseur des droits, défini par le Parlement, les locaux destinés à accueillir la nouvelle institution.
Cette situation appelle une réflexion et nous invite à ne pas nous précipiter.
Puisque nous n’en sommes qu’au stade de la première lecture et qu’il n’y a pas de procédure accélérée, je vous propose donc de nous en tenir pour l’instant au texte de la commission et de prendre le temps de la navette pour réfléchir et définir avec le Gouvernement le délai optimum pour la mise en place du Défenseur des droits.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Nicolas About. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Rien n’interdit au législateur, monsieur Mézard, de décider à quel moment les lois doivent entrer en vigueur.
L’article 1er du code civil, que vous avez cité tout à l’heure, qui dispose que « les lois et, lorsqu’ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication » l’autorise expressément.
L’amendement du Gouvernement est une proposition pragmatique. Nous avons tenté d’évaluer la durée que l’on peut raisonnablement estimer nécessaire à la mise en place du Défenseur des droits. La durée uniforme de quatre mois pour toutes les institutions se justifie par le fait que tous les services entreront en activité en même temps et que les décrets seront conjointement publiés.
Cependant, nous pourrons effectivement tâcher d’évaluer le délai le plus pertinent au cours de la navette. Le Gouvernement s’en tient pour l’instant au délai prévu dans son amendement n° 89, que la commission ne semble pas rejeter en tant que tel.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 36 rectifié ter et 78 rectifié n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 20 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 33, modifié.
(L'article 33 est adopté.)
Seconde délibération
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue de cette riche discussion, au cours de laquelle chacun a pu exprimer son point de vue, je crois que nous reconnaissons tous l’avancée que constitue le Défenseur des droits.
Certes, les débats ont mis en évidence certaines divergences, parfois de fond et peut-être même de principe. Cependant, dans un certain nombre de cas, nos divergences portent plutôt sur une différence d’appréciation du rôle que telle ou telle autorité administrative doit ou ne doit pas jouer au sein de l’institution du Défenseur des droits.
Pour ma part, comme je vous l’ai déjà dit, je pense que cette institution, de par la volonté du constituant, doit être forte et défendre l’ensemble des droits. À cet égard, je le répète, je pense que ce n’est pas une bonne chose que d’ôter du périmètre du Défenseur des droits, amené à s’agrandir, une institution aussi importante que le Défenseur des enfants.
Un certain nombre de divergences résultent de difficultés d’appréciation sur la façon d’identifier la défense des enfants dans le Défenseur des droits. Il s’agit, tout en préservant le pouvoir du Défenseur des droits, de définir clairement le périmètre de la mission de défendre les enfants et de rendre également possible une identification, qui, pour les intéressés, est certainement nécessaire.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, conformément à l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat et en accord avec le président et le rapporteur de la commission des lois, le Gouvernement demande au Sénat de procéder à une seconde délibération des articles nos 4, 6, 8, 9, 11A, 13, 25, 26, 26 bis, 26 ter, 29, 29 bis, 32 et 33.
Tous ces articles ont trait au Défenseur des enfants.
M. le président. En application de l’article 43, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération des articles nos 4, 6, 8, 9, 11A, 13, 25, 26, 26 bis, 26 ter, 29, 29 bis, 32 et 33 du projet de loi organique relatif au défenseur des droits.
Je rappelle que, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement, avant le vote sur l’ensemble d’un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement.
Dans le débat ouvert sur cette demande, ont seuls droit à la parole l’auteur de la demande ou son représentant, un orateur d’opinion contraire, chacun pour une durée n’excédant pas cinq minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
Quel est l’avis de la commission sur la demande de seconde délibération ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L’objet de la seconde délibération, si j’ai bien interprété les propos de Mme le garde des sceaux, est de donner explicitement au Défenseur des droits la compétence de défense et de protection des droits des enfants, y compris à l’égard des personnes privées, tout en identifiant clairement cette mission au sein du défenseur des droits, en la personne d’un Défenseur des enfants.
La seconde délibération devrait aussi viser à rétablir les dispositions qui permettent en toute hypothèse au Défenseur des droits de se saisir des cas relatifs à des personnes non identifiées et dont il ne peut recueillir l’accord parce qu’elles ne sont pas joignables. Ces dispositions ont été malencontreusement supprimées.
Comme vous l’avez indiqué, madame le garde des sceaux, la seconde délibération porterait donc sur les articles nos 4, 6, 8, 9, 11A, 13, 25, 26, 26 bis, 26 ter, 29, 29 bis, 32 et 33, compte tenu des coordinations qui doivent être effectuées.
Cette seconde délibération tend à rétablir certaines dispositions auxquelles la commission était attachée et sur lesquelles elle avait émis un avis favorable. Elle vise à identifier plus clairement le Défenseur des enfants.
En conséquence, la commission émet un avis très favorable sur la demande de seconde délibération formulée par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, contre la demande de seconde délibération.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, je tiens à élever, au nom du groupe socialiste, une forte protestation contre le procédé ici employé,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est réglementaire !
M. Jean-Pierre Sueur. … qui est une manière de bafouer notre assemblée…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Jean-Pierre Sueur. … qui a délibéré longuement sur le sujet dont il est de nouveau question, hier après-midi et hier soir.
Très attachés à la défense des droits, nous avons insisté sur le fait que nous refusions l’orientation qui, sous couvert de l’établissement du Défenseur des droits, aboutissait de facto à amoindrir les droits de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, de la HALDE et du Défenseur des enfants.
Nous avons défendu notre position au cours d’un débat riche et approfondi. Le Sénat s’est prononcé par des scrutins publics, en connaissance de cause, sur la base d’amendements présentés par MM. About et Portelli. Chacun en conviendra, il ne s’agissait pas d’un débat partisan, puisque le même vote a réuni des sénateurs issus de tous les groupes de notre assemblée, ou presque.
Le débat a été clair, transversal, et des positions ont été adoptées.
Voilà maintenant qu’on nous annonce, benoîtement, alors que nous avons délibéré, qu’il faut revenir sur le vote de quatorze articles examinés hier !
Pourquoi ? Ne pouvez-vous pas accepter que le Parlement ait une position différente du Gouvernement au sujet de la défense des enfants ?
Madame le ministre d’État, les explications que vous avez avancées pour justifier cette demande de seconde délibération sont très insuffisantes. Pourquoi avoir adopté cette position, alors que la navette aurait pu être mise à profit pour poursuivre le débat ? C’était non seulement possible, mais encore nécessaire, pour ne pas dire inéluctable.
Au nom du groupe socialiste, j’émets une protestation solennelle. M. le président de la commission des lois prétend que celle-ci a émis un avis favorable sur cette demande de seconde délibération ; or la commission ne s’est nullement prononcée en ce sens, et il aurait été plus juste de dire que cette position lui était personnelle.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’y a pas à délibérer là-dessus !
M. Jean-Pierre Sueur. Jean-Jacques Hyest a parfaitement le droit d’exprimer sa position, à condition de bien préciser qu’elle n’engage que lui !
M. le président de la commission des lois aurait pu tout aussi bien défendre la position de la majorité du Sénat. Dès lors qu’il ne s’est pas exprimé en ce sens, nous avons fait le choix, quant à nous, de défendre cette position, et c’est pourquoi nous protestons très vivement contre cette façon de procéder, qui est contraire aux droits du Parlement.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, elle n’est pas contraire aux droits du Parlement, en effet, puisqu’elle est prévue par le règlement.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Voilà !
M. Jean-Pierre Sueur. Formellement, il n’y a rien à redire. En revanche, sur le fond, cette demande de seconde délibération revient à rayer d’un trait de plume une décision qu’a prise le Sénat au terme d’un débat qui s’est prolongé hier jusqu’en fin de soirée, et au cours duquel chacun a pu exprimer ses convictions. Cela, nous ne l’acceptons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement.
Je m’associe évidemment aux propos de M. Sueur. Pour ma part, je formulerai deux remarques.
Premièrement, il est exact que la commission des lois ne s’est pas réunie pour définir sa position. Par conséquent, il convient de considérer que les seuls avis qui ont été émis sont ceux, d’une part, de M. le président de la commission et, d’autre part, de M. le rapporteur.
Deuxièmement, le Sénat s’est prononcé hier assez largement, par scrutin public, en faveur de la disposition sur laquelle le Gouvernement demande aujourd’hui une seconde délibération. Les parlementaires sont souvent invités à faire preuve de discernement avant de prendre position sur telle ou telle pratique parlementaire. En l’occurrence, reconnaître que notre assemblée s’est prononcée avec une majorité d’une vingtaine de voix d’avance en faveur de cette disposition serait une preuve de discernement.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Quatorze !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Laissons le débat se poursuivre et voyons si les esprits évoluent, notamment à l’Assemblée nationale, vers la position qui s’est majoritairement dégagée ici même.
Nous imposer une seconde délibération alors que chacun a pu s’exprimer en toute conscience, par un scrutin public, c’est faire une interprétation abusive et sans discernement des possibilités offertes par le règlement.
Aussi, je proteste contre cette façon fantaisiste de procéder, qui bafoue la volonté des parlementaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Hugues Portelli. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour un rappel au règlement.
M. Hugues Portelli. Je m’interroge quelque peu sur notre procédure.
Avant de me prononcer sur cette demande de seconde délibération, je voudrais d’abord pouvoir me prononcer sur les raisons qui la motivent. C’est pourquoi j’estime que la commission doit préalablement se réunir pour examiner l’objet de cette demande, avant que nous ne nous prononcions.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Hugues Portelli. Monsieur le président de la commission, permettez-vous au simple sénateur que je suis d’exprimer son point de vue ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De toute façon, le règlement est violé puisque votre rappel au règlement est en réalité une prise de parole contre la demande de renvoi à la commission !
M. Hugues Portelli. Le fait nouveau est qu’un texte circule, que j’ai entre les mains. Avant de nous prononcer en toute connaissance de cause sur la demande de seconde délibération formulée par le Gouvernement, nos collègues de la commission et moi-même aimerions bien pouvoir examiner ce texte sereinement.
En effet, il ne me paraît pas correct que nous ayons à nous prononcer sur cette demande avant même d’avoir pu analyser le texte qui nous est soumis.
M. le président. Ce n’est pas la première fois qu’une demande de seconde délibération est formulée. Le règlement du Sénat dispose que tout ou partie d’un texte peut être renvoyé à la commission pour une seconde délibération à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement. Le renvoi à la commission ne préjuge aucunement, d’une part, l’avis qu’émettra celle-ci sur les dispositions qui lui sont soumises, d’autre part, le vote final du Sénat.
Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 220 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 157 |
La seconde délibération est ordonnée.
Mes chers collègues, à la demande de la commission, nous allons interrompre nos travaux pour trente minutes environ, afin de lui permettre de se réunir.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous demandons une heure, monsieur le président !
M. le président. Je suspends la séance pour quarante minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, dans la mesure où le rapporteur a renoncé à présenter les amendements qu’il avait initialement prévus sur les articles soumis à seconde délibération, la commission n’en présentera pas. En revanche, si le Gouvernement, qui a demandé une seconde délibération, souhaite déposer des amendements, la commission est prête à les examiner.
M. le président. À l’instant où nous parlons, aucun amendement n’a été déposé.
La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur le président, j’ai pris connaissance du travail effectué par le président de la commission des lois et par le rapporteur. Je remercie ce dernier de son souci d’aboutir à un texte qui soit le plus efficace possible et qui tienne également compte, très largement, des préoccupations exprimées sur différentes travées de cette assemblée lors de la discussion sur le Défenseur des droits. À mes yeux, les amendements préparés par le rapporteur sont de grande qualité. Le Gouvernement les reprend donc, sans les modifier. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. Les amendements sont donc repris. Ils sont maintenant déposés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, nous avons assisté à une démonstration de ce que nous pouvons qualifier de mépris du Parlement. En effet, après en avoir longuement débattu, hier après-midi et hier soir, nous avons décidé de préserver le Défenseur des enfants. Cette position résultait, je tiens à le rappeler, du vote d’amendements identiques présentés par MM. Nicolas About et Hugues Portelli, qui a suscité deux demandes de scrutin public et de très nombreuses explications.
Il s’agissait non pas d’un débat partisan, mais d’un débat positif et constructif, auquel le Sénat a prêté toute son attention. À mon sens, il s’est déroulé dans des conditions tout à fait satisfaisantes pour tous.
Tout à l’heure, madame la ministre d’État, vous avez formulé une demande de seconde délibération. D’habitude, une telle demande intervient lorsque la majorité se trouve, pour des raisons tout à fait conjoncturelles, en minorité ou parce qu’il y a eu erreur de vote.
En l’occurrence, ce n’est pas le cas. Vous avez demandé ex abrupto une nouvelle délibération sur une question de fond qui avait été tranchée par le Sénat ainsi que sur quatorze articles – pas moins ! –, puisqu’il faut tenir compte des amendements de conséquence.
Nous considérons, nous l’avons dit, qu’une telle démarche n’est pas respectueuse des droits du Parlement.
Toutefois, elle est conforme à la lettre du règlement. Le président de séance nous a donc demandé de nous prononcer sur la demande de seconde délibération. Celle-ci ayant été acceptée, nous nous sommes rendus en commission. Quel ne fut pas notre étonnement, en arrivant dans la salle de réunion, de constater qu’une bonne douzaine d’amendements signés du rapporteur étaient déjà sur les tables.
Nous avons alors pensé que M. Gélard, fidèle à son habitude, avait fait preuve de célérité.
M. Jean-Patrick Courtois. C’est un grand travailleur !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Non, j’ai anticipé !
M. Jean-Pierre Sueur. Entre le moment ou Mme la ministre d’État a présenté la demande de seconde délibération du Gouvernement et celui où nous avons atteint le sommet de l’escalier, que nous avons gravi d’un bon pas, les douze amendements ont été rédigés par M. le rapporteur, imprimés et distribués ! Cela a donné lieu à quelques débats de procédure, vous l’imaginez sans peine.
Puis, nous avons appris que M. Nicolas About avait déclaré sur Public Sénat, chaîne précieuse s’il en est – peut-être pourra-t-il confirmer ses propos –, qu’une réunion avait eu lieu ce matin – je ne sais dans quel palais de la République – au cours de laquelle, au motif que la République était en danger, on avait décidé qu’il convenait derechef de revenir sur le vote du Sénat concernant le Défenseur des enfants.
Mes chers collègues, nous sommes en première lecture. Pourquoi ne pas avoir laissé se poursuivre la navette ? La discussion aurait ainsi pu continuer à l’Assemblée nationale, puis de nouveau au Sénat.
J’en reviens à la réunion de commission. La conversation s’est poursuivie. Nous avons entamé l’examen des amendements : confusion, difficultés, on regarde qui est présent, on ausculte les procurations potentielles et, soudain, M. le rapporteur retire tous ses amendements.
M. Patrice Gélard, rapporteur. C’était mon droit !
M. Jean-Pierre Sueur. J’espère ne pas travestir la vérité en disant que, dans un premier temps, M. le président de la commission avait considéré qu’il était souhaitable de retirer les amendements ; mais M. le rapporteur avait préféré les maintenir avant, finalement, de les retirer, ce qui, j’en conviens, est son droit.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Ah !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais enfin, mes chers collègues, quelle image donnons-nous du Parlement ! Hier, le Sénat a procédé à un débat de fond et est parvenu à une conclusion, que chacun est libre d’approuver ou non. Aujourd’hui, le Gouvernement demande une seconde délibération sur le texte. Et lorsque nous arrivons en commission, une douzaine d’amendements du rapporteur nous attendent.
Après avoir jeté un regard furtif sur ces amendements, nous avons constaté que l’un d’eux méritait toute notre attention. Quelle serait en effet la conséquence de son adoption ? La CNDS aurait eu un collège…
M. Patrice Gélard. Et alors ?
M. Jean-Pierre Sueur. J’explique mon point de vue. La HALDE aurait eu un collège, mais le Défenseur des enfants n’en aurait plus eu ! La structure perdait ainsi non seulement son indépendance, mais également son collège, ce qui est parfaitement asymétrique et pose quelques problèmes au regard de la défense des enfants et de nos engagements internationaux.
Mes chers collègues, c’est une palinodie !
M. Gérard Longuet. Expression chère à Gaston Defferre !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas digne du Parlement. Madame la ministre d’État, il serait hautement préférable d’accepter que le Parlement, en l’occurrence le Sénat, puisse avoir une position différente de celle du Gouvernement. Dans une démocratie, cela n’a rien d’extraordinaire. C’est même tout à fait normal et cela doit pouvoir arriver.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sueur, le temps de parole pour un rappel au règlement ne peut pas excéder cinq minutes.
M. Jean-Pierre Sueur. Je conclus, monsieur le président.
Madame la ministre d’État, lorsque vous avez demandé une seconde délibération, vous ignoriez sans doute que M. le rapporteur avait déposé des amendements puisqu’il s’est employé à les rédiger lorsqu’il a appris que vous formuliez une demande de seconde délibération ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Vous avez néanmoins eu le temps de percevoir leur bien-fondé et, …
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. … constatant que M. Gélard n’aurait pas la possibilité de les faire adopter, vous les avez repris.
Monsieur le président, j’ai donc l’honneur de vous demander une réunion de la commission des lois pour examiner les amendements que le Gouvernement vient de déposer. (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La demande est de droit.
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur Sueur, je ne considère pas que ce soit une marque de mépris à l’égard du Sénat que d’appliquer strictement son règlement intérieur.
J’ai moi-même été parlementaire pendant plusieurs années. Je ne possède sans doute pas votre expérience, mais il m’est arrivé d’être dans l’opposition. J’ai assisté à des secondes délibérations, demandées par les gouvernements de l’époque, dans des situations très largement comparables à celle que nous connaissons en cet instant. Certes, les règles du jeu politique font que l’on peut parfois faire preuve d’un peu de mauvaise foi, mais point trop n’en faut !
Sur le fond, permettez-moi de revenir sur les arguments que j’ai avancés à l’appui de ma demande de seconde délibération.
Hier, nous avons eu un débat extrêmement riche, qui a permis des rapprochements. Il a même été dit que, sur certains points, on allait pouvoir progresser.
La discussion n’a pas été close hier soir. Dès lors, nous avons continué de réfléchir afin de déterminer si, sur certains points, de nouveaux rapprochements étaient possibles. Et nous y sommes parvenus. M. Gélard, avec le talent que nous lui reconnaissons tous, a alors donné une forme écrite à ces rapprochements.
Je comprends que, pour des raisons tactiques, vous auriez préféré que l’on revînt sur ces points dans plusieurs mois. Mais franchement, je ne vois pas la nécessité de reporter à demain des dispositions qui peuvent être adoptées dès aujourd’hui.
M. Gérard Longuet. Absolument !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Il y a un amendement central, qui concerne le positionnement des compétences dévolues au Défenseur des enfants…
M. Jean-Pierre Sueur. Sans collège !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. … au sein des missions conférées au Défenseur des droits. Les autres amendements sont des amendements de conséquence. Ces amendements découlent du vote intervenu hier d’un texte sur lequel nous n’étions pas d’accord.
Dès lors que nous parvenons à nous accorder sur un texte qui rétablit le rattachement, il faut en tirer les conséquences. Elles ne sont pas très difficiles à concevoir ni à rédiger puisque, sur le fond, nous étions, me semble-t-il, d’accord et que, sur la forme, je fais très largement confiance à M. Gélard. J’ai donc repris ses amendements, car j’ai considéré que leur adoption nous permettrait de parvenir à un meilleur texte.
Le dialogue républicain ne se résume pas à un affrontement systématique, pour des raisons de forme. Nos concitoyens attendent de nous que nous rédigions les meilleurs textes possible, que nous ne perdions pas notre temps en disputes stériles alors que l’ordre du jour du Parlement est très chargé.
Le présent projet de loi organique est essentiel pour faire progresser, un peu plus, selon la volonté du constituant, la protection des droits et des libertés dans notre pays. Alors laissons de côté les querelles de forme et efforçons-nous de travailler de manière utile ! C’est ainsi, me semble-t-il, que chacun d’entre nous montrera qu’il assume ses responsabilités et qu’il remplit ses missions à l’égard des Français. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, aux termes de l’article 43, alinéa 5, du règlement du Sénat, « lorsqu’il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui doit présenter un nouveau rapport ».
Je vais donc suspendre la séance pour permettre à la commission de se réunir. Toutefois, par courtoisie, je vais auparavant donner la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent s’exprimer.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous remercie de votre courtoisie, monsieur le président.
Si j’apprécie la courtoisie, dont il est d’ailleurs beaucoup question depuis quelque temps, en revanche, je n’apprécie pas l’abaissement du Parlement, car elle est un mauvais signe pour la démocratie.
Je ne vais ni répéter ce qui a été dit ni revenir sur ce qui s’est passé depuis hier.
Je constate que Mme le garde des sceaux souhaite aboutir rapidement à l’adoption de ce texte. J’observe que la création d’un Défenseur des droits a été prévue par la révision constitutionnelle de 2008, mais qu’il aura fallu deux ans au Gouvernement pour savoir ce qu’il allait faire de cet objet non identifié. Nous ne sommes donc plus à six mois près, sauf si, la nomination du Défenseur des droits étant imminente, il est devenu nécessaire d’agir dans la précipitation.
Hier, le Sénat a procédé à la discussion générale des deux projets de loi relatifs au Défenseur des droits, dans la rédaction de la commission, élaborée voilà maintenant quinze jours à la suite du rapport de M. Patrice Gélard, et il a entamé l’examen des amendements du projet de loi organique, qui s’est achevé aujourd’hui.
Chacun a réfléchi, au sein de son groupe, et à titre individuel. Des tractations ont eu lieu, des négociations se sont instaurées entre les groupes de la majorité. La séance a été suspendue pour permettre à la commission de se réunir, mais l’on peut supposer que les groupes de la majorité s’étaient au préalable concertés pour éviter les « couacs » lors du débat en séance publique.
Hier, il y a sans doute eu une négociation de dernière minute avant le vote des deux amendements identiques, nos 24 rectifié ter et 68 rectifié, certains membres de l’UMP et M. About – à titre personnel ou au nom de son groupe, peu importe – n’étant pas d’accord avec le texte de la commission.
Chaque sénateur a son libre arbitre, et les amendements ont été adoptés par scrutin public, par 175 voix contre 160.
En qualité de membre d’un groupe minoritaire au sein de l’opposition, je ne peux que constater que le débat s’est tranché ailleurs. Et ailleurs, sauf à faire preuve d’une grande naïveté, cela veut dire à un autre niveau, c’est-à-dire par l’exécutif, probablement même par l’exécutif de l’exécutif, c’est-à-dire par le Président de la République.
J’y vois un très mauvais signe pour le prétendu renforcement des droits du Parlement, un très mauvais signe aussi pour la création du Défenseur des droits, qui est appelé à devenir une institution respectée – et qui doit donc être respectable –, apte à remplir la mission qui lui est impartie, c’est-à-dire la défense des droits en toute indépendance.
J’espère maintenant que la commission va se réunir rapidement, car siéger comme nous le faisons, c’est vraiment incompréhensible pour les citoyens, particulièrement pour ceux qui s’intéressent à la défense des droits.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce n’est absolument pas démocratique !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. En dix-huit ans de vie parlementaire, c’est la première fois que j’approuve une seconde délibération.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On s’en doute !
M. Nicolas About. Je vous serais reconnaissant de ne pas m’interrompre, madame Borvo Cohen-Seat !
Généralement, je m’élève contre les secondes délibérations, dont le but est de revenir au texte initial en faisant battre les présents par les absents.
Rien de tel en l’espèce. Cette seconde délibération marque, de part et d’autre, la volonté de bien se comprendre. Ainsi, le vote ne sera pas mal interprété et le texte pourra poursuivre tranquillement son chemin. Nous avons tenté de discuter de tout cela hier, pendant la suspension de séance. En vain.
Nous souhaitions que le Défenseur des enfants soit parfaitement identifiable pour le monde des enfants et pour les professionnels de la famille, qui ont besoin d’avoir des repères, et donc une personne qui incarne leur combat. Cela nous semble également fondamental au regard des positions internationales prises depuis de nombreuses années par la France dans le domaine de la défense des enfants.
J’ai fait valoir, ce matin encore, combien je regrettais d’avoir pu laisser penser que j’étais purement et simplement contre l’intégration, ce qui n’aurait aucun sens. Je suis favorable à ce que le Défenseur des droits, élevé au niveau constitutionnel, joue pleinement son rôle, mais je ne veux pas qu’il le fasse au détriment de nos convictions, de ce pourquoi nous nous battons depuis longtemps.
Comme hier, j’ai plaidé ce matin pour la reconnaissance de la spécificité du Défenseur des enfants, afin qu’il ne devienne pas, de par ses modalités de nomination, une sorte d’adjoint kleenex que l’on prendrait et que l’on jetterait à la première occasion. J’ai souhaité, au contraire, qu’il soit nommé par le Premier ministre, après avis des commissions parlementaires, qu’il soit reconnu pour ses compétences mais néanmoins placé sous l’autorité du Défenseur des droits, car la défense des droits ne se partage pas.
Parce qu’il dispose d’une expertise spécifique, il n’a pas besoin d’être entouré d’un collège, tel un adjoint à qui l’on confierait successivement différentes fonctions…
De même, je souhaitais qu’il ne puisse pas être révoqué.
Toutes ces garanties m’ont été apportées dans la journée. Nous allons donc assister à une seconde délibération tout à fait exceptionnelle, les amendements du Gouvernement traduisant un travail conjoint de l’exécutif et du législatif. Je remercie d’ailleurs le Gouvernement d’avoir entendu la demande du groupe de l’Union centriste. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. Patrice Gélard, rapporteur, applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Je n’ai pas tout à fait la même lecture des événements que mon ami Nicolas About, peut-être parce que nous ne faisons pas partie des mêmes instances. Je me contente pour ma part d’être un sénateur de base.
Hier soir, la séance a été levée alors que nous étions à quelques encablures du vote du projet de loi organique.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne refait pas l’histoire !
M. Hugues Portelli. Si nous avions poursuivi nos travaux, le projet de loi organique aurait été adopté et la navette aurait pu suivre son cours normal. L’Assemblée nationale aurait pu alors remanier de fond en comble le texte que nous avions voté si elle l’avait souhaité, et le projet de loi serait revenu ultérieurement devant le Sénat. C’est le processus démocratique normal dans un régime parlementaire bicaméral.
Au lieu de cela, on nous demande aujourd’hui, par une seconde délibération, de réécrire une partie importante de ce que nous avons voté hier.
Certes, le titre de « Défenseur des enfants » sera inscrit sur la porte de l’ex-adjoint à l’enfance, ce qui procurera à l’intéressé, n’en doutons pas, une belle satisfaction morale. Il est vrai également que l’on a obtenu quelques petits aménagements. Mais, très honnêtement, les amendements du Gouvernement, que j’ai lus intégralement, constituent pour moi une régression très importante par rapport à ce que nous avons voté hier soir.
Le problème n’est pas la visibilité de l’institution, mais l’autonomie de ses attributions et de ses pouvoirs. C’est ce que je me suis efforcé de défendre, et c’est ce qui fait défaut aujourd’hui. Évidemment, je m’incline, mais non sans regrets, même si je me réjouis que les amendements soient présentés par le Gouvernement, car cela a le mérite de la clarté.
Je regrette également les conditions dans lesquelles nous débattons. Je me suis battu pour faire valoir mon point de vue sur le Défenseur des enfants, après avoir demandé au président de mon groupe l’autorisation de le faire ; j’ai réuni quelques collègues qui partageaient mes convictions. Sauf qu’aujourd’hui ils ne sont pas là !
Mais grâce au système génial qui nous permet de faire voter, non pas les morts, mais les absents, on dira que le Sénat a adopté, par 180 voix contre je ne sais combien, alors que nous ne sommes même pas trente en séance…
M. Patrice Gélard, rapporteur. Comme hier !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Taisez-vous, monsieur Portelli !
M. Hugues Portelli. Soit, je m’incline, et je me tairai désormais. Mais je n’ai pas été élu sénateur pour travailler comme cela ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Que certains le reconnaissent ou non, il me semble effectivement que le Parlement est abaissé dans cette affaire !
Certes, la seconde délibération est de droit. Mais, habituellement, sa fonction est de corriger une erreur ou un vote subreptice. En l’occurrence, le vote a eu lieu en toute clarté, par scrutin public, après de longues discussions.
Il est abaissé aussi, car, dans une République où existe la séparation des pouvoirs, il est étonnant que la chaîne de télévision Public Sénat ait indiqué que les amendements avaient été rédigés par M. Guéant à l’Élysée.
M. Nicolas About. Certainement pas !
M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est faux, je les ai rédigés moi-même !
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous savons très bien que tout s’est passé ce matin au petit-déjeuner, et que vous avez négocié directement à l’Élysée, monsieur About.
M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est du roman ! C’est moi qui les ai rédigés à midi et demi ! Cessez de dire n’importe quoi !
M. Jean-Claude Peyronnet. Vous êtes sans doute un très bon soldat, monsieur Gélard. Je veux bien que vous ayez rédigé les amendements, mais leur inspiration vient d’ailleurs.
M. Nicolas About. Reprenez mes déclarations d’hier !
M. Jean-Claude Peyronnet. En réalité, la majorité a constaté tout à l’heure qu’elle n’était plus majoritaire dans la commission.
Je ne lis pas dans le marc de café mais, au regard du nombre de sénateurs de la majorité membres de la commission des lois présents en séance, il y a fort à parier que la commission émettra un vote défavorable sur les amendements du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh bien, ils seront rejetés !
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce n’est pas conforme à la pratique.
M. Jean-Claude Peyronnet. Au final, le vote en séance sera contraire au vote de la commission, ce qui, encore une fois, n’est pas habituel.
M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est ce qui s’est passé hier !
M. Jean-Claude Peyronnet. Sur le fond, je suis étonné que M. About se réjouisse de cette situation.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est incompréhensible !
M. Jean-Claude Peyronnet. Il avance l’argument de la lisibilité, mais encore faudrait-il que le système fonctionne.
La construction du rapporteur, même si nous ne l’approuvions pas en raison des conditions de nomination du Défenseur des droits, avait le mérite de la cohérence. Il y avait des institutions, dotées chacune d’un collège, qui fonctionnaient parallèlement.
À la place, nous aurons deux systèmes qui cohabiteront : d’un côté, deux institutions avec des collèges, de l’autre, un Défenseur des enfants nommé par le Premier ministre et faussement autonome, puisqu’il restera sous l’autorité du Défenseur des droits. Ce système complètement illisible ne fonctionnera jamais !
Il aurait été préférable de laisser la navette parlementaire se poursuivre normalement. Mais, pour ressouder les différentes composantes de la majorité, on a préféré construire un monstre juridique. Ce n’est pas digne de l’institution parlementaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Hyest, de combien de temps la commission a-t-elle besoin pour examiner les amendements ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout dépendra de l’attitude des membres de la commission…
Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est le jeu démocratique !
M. le président. Je vous remercie pour la précision de ces renseignements, monsieur le président ! (Sourires.)
Je vais suspendre la séance pour quinze minutes environ.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous allons procéder à la seconde délibération.
Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission, qui vient de se réunir, a émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements proposés par le Gouvernement, mais à titre personnel je ne suivrai pas cet avis et je voterai ces amendements.
Article 4
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 4 dans cette rédaction :
Toute personne physique ou morale s'estimant lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d'une administration de l'État, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'un organisme investi d'une mission de service public peut saisir le Défenseur des droits par voie de réclamation.
Le Défenseur des droits peut être saisi des agissements de personnes privées lorsque l'auteur de la réclamation invoque un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité ou une discrimination.
Le Défenseur des droits peut être saisi, au titre de sa compétence en matière de déontologie dans le domaine de la sécurité, par toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu'ils constituent un manquement aux règles de déontologie dans ce domaine, commis par une personne publique ou privée.
Il peut être saisi de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d'assister les victimes de discriminations, conjointement avec toute personne qui s'estime victime de discrimination et avec son accord.
L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 2
Après les mots :
l'auteur de la réclamation invoque
insérer les mots :
la protection des droits de l'enfant,
II. - Après l'alinéa 2, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le Défenseur des droits est chargé de défendre et promouvoir les droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France. À ce titre, il peut être saisi par un enfant mineur qui estime que ses droits n'ont pas été respectés. Il peut également être saisi par ses représentants légaux, les membres de sa famille, toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de défendre les droits de l'enfant, ainsi que par les services médicaux ou sociaux.
La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Il s’agit de rétablir la compétence du Défenseur des droits en matière de défense et de promotion des droits de l’enfant, ce qui lui permettra de connaître des saisines mettant en cause des personnes privées et de définir ensuite les suites à donner à cette saisine.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous assistons en ce moment à une opération qui traduit, à notre sens, un véritable mépris du Parlement.
Hier, nous avons longuement débattu et une position a été adoptée. La majorité s’est exprimée par un scrutin public après une longue argumentation et un débat approfondi.
Et aujourd’hui, au cours d’une réunion rassemblant les hautes instances de l’État, il a été décidé que tout cela devait être nul et non avenu, qu’il fallait non seulement revenir au texte de la commission, mais en deçà, puisque les amendements que l’on nous propose maintenant suppriment le collège du Défenseur des enfants.
Des amendements apparaissent. La commission se réunit : ils disparaissent.
Le Gouvernement présente des amendements – les mêmes –, la réunion de la commission a lieu et le résultat du vote est le suivant : dix-sept voix contre les amendements, dix pour.
Le Gouvernement prend position contre l’avis exprimé hier par le Parlement et, dans sa majorité, la commission des lois ne le suit pas.
Quand une commission s’exprime une nouvelle fois, la moindre des choses serait que l’on prenne en compte son avis.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous ne l’avez pas fait la semaine dernière !
M. Jean-Pierre Sueur. Le Parlement est souverain en cette matière, mais le pouvoir exécutif le méprise et je constate avec consternation qu’un certain nombre de nos collègues semblent accepter ce dispositif.
Eh bien, nous ne jouerons pas ce jeu.
Nous sommes un certain nombre à nous êtres inscrits pour explication de vote sur ce premier amendement pour dire que cette manière de faire est contraire à l’idée que nous nous faisons du rôle du Parlement dans ce pays et que c’est une conception de la République qui est en cause.
C’est pourquoi, fait rarissime, une fois que chacun se sera exprimé, les sénateurs appartenant à plusieurs groupes quitteront cet hémicycle et ne participeront pas à la suite de la discussion. Et ceux qui acceptent ces procédures attentatoires – non pas dans la lettre, mais dans l’esprit – aux droits du Parlement seront les seuls à voter.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce qui se passe est éminemment regrettable tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, c’est la claire manifestation de l’abaissement du Parlement et du fonctionnement de nos institutions.
Certes, une seconde délibération est de droit. Néanmoins, il est en l’occurrence de bien mauvaise interprétation des textes de demander une seconde délibération quand une majorité s’est exprimée hier soir clairement, me semble-t-il,…
M. Patrice Gélard, rapporteur. Non, elle ne s’est pas exprimée clairement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … au terme d’un débat où chacun a exprimé ses préoccupations quant à la visibilité qui doit prévaloir, c’est-à-dire à l’existence d’une défense des droits indépendante des pouvoirs.
Contester le vote de la majorité de notre assemblée, c’est vraiment mépriser le Parlement, c’est considérer que le Gouvernement, et sans doute avec lui l’Élysée, n’a même pas le temps d’attendre une lecture à l’Assemblée nationale, laquelle aurait pu modifier le vote des sénateurs, puisque chaque assemblée est libre de son vote.
C’est détestable sur la forme et, sur le fond, c’est finalement la démonstration du peu de cas que l’on fait des équilibres que le rapporteur lui-même avait essayé de trouver puisqu’il a accepté d’être, en somme, contredit : il a tenté de donner un semblant de satisfaction à un groupe qui a finalement décidé de bien vouloir renoncer à ce qu’il défendait, pour des raisons qui au demeurant ne nous regardent pas. Et voilà que cet équilibre est mis à mal ! La démonstration est donc faite que la volonté à l’œuvre est non pas de préserver le pouvoir, l’autonomie des autorités indépendantes telles que nous les connaissions, mais au contraire de faire en sorte qu’elles soient « chapeautées » par le défenseur des droits nommé par le Gouvernement.
Je crois que tout a été dit. Ce n’est donc plus la peine de continuer à discuter : quand on méprise le Parlement, on méprise les parlementaires, on méprise les groupes. Je ne vois pas pourquoi je participerais à ce qui, quoi qu’on en dise, ressemble tout de même à une mascarade.
Je demande qu’il soit bien entendu et inscrit au procès-verbal que mon groupe vote contre les amendements et contre les deux projets de loi, organique et ordinaire.
MM. Jacques Gautier et Christophe-André Frassa. Si vous n’êtes pas là, vous ne pouvez pas voter contre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous quitterons l’hémicycle et vous laisserons vous débrouiller tout seuls. Vous voterez tout seuls ce que vous avez bricolé en catimini.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Ce premier amendement, qui porte sur l’article 4, vise au simple rétablissement de la rédaction antérieure : il s’agit donc bien de revenir au texte établi par la commission. Voilà qui en dit long sur le travail du Parlement en séance publique : à quoi sert-il de se réunir, de passer toute une journée et une petite partie de la nuit à discuter si le lendemain, à peu près à la même heure, on revient au texte précédent ?
Mais il y a plus grave, et ce dans l’ensemble des amendements qui nous sont soumis : non seulement ils visent à revenir au texte précédent, donc à annuler les discussions du Parlement, mais, en plus, ce qui est proposé marque une très nette régression.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non !
M. Richard Yung. En effet, le collège qui, aux termes de l’article 12, devait assister le Défenseur des droits lorsqu’il intervient en matière de défense et de promotion des droits de l’enfant disparaît et – sans doute est-ce là le grand progrès démocratique – le Défenseur des enfants, adjoint au Défenseur des droits, qui, en tant que tel, devait être nommé par celui-ci, sera nommé par le Premier ministre.
Voilà le grand progrès démocratique auquel tend l’ensemble des amendements qui nous sont proposés : avouez tout de même que c’est maigre !
Notre collègue M. Sueur a parlé de palinodie. « Palinodie », c’est un mot du XIXe siècle !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il est plus ancien, il remonte au moins au XVIIe siècle !
M. Richard Yung. C’est un mot charmant, un mot qui évoque le jeu. Malheureusement, là, nous ne sommes pas dans le jeu, et c’est un terme plus fort qu’il nous faut employer : il s’agit d’une mascarade, il s’agit d’un abaissement du Parlement.
M. Jean-Pierre Sueur. Je souscris.
M. Richard Yung. Nous ne participerons pas à cet abaissement du Parlement, à qui on fait jouer un bien mauvais rôle !
La question que je me pose est de savoir pourquoi. Pourquoi tout cela ? En quoi ce débat pour savoir si le Défenseur des enfants doit être en quelque sorte une émanation du Défenseur des droits ou doit rester autonome, en quoi ce débat met-il la République en danger ? Je pourrais comprendre que le Gouvernement demande une deuxième délibération s’il pensait qu’une menace pèse sur les institutions,…
M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est le cas !
M. Richard Yung. … ou que sur les frontières se passent des choses graves, ou encore que la politique économique va conduire à l’accroissement du chômage et des déficits publics… En l’espèce, il s’agit d’un problème de construction administrative dans lequel, au fond, l’une ou l’autre opinion peut se défendre, même si chacun peut avoir ses préférences. Et c’est là toute la perversité de la lecture qui est faite de nos institutions : sur le moindre point, même secondaire, tout remonte immédiatement à l’Élysée, on convoque une réunion de crise interministérielle – tout juste si on n’a pas appelé l’armée ! –, on demande une deuxième délibération, et se déroule tout ce à quoi nous assistons. Avouez que quelque chose ne va pas dans le royaume de France ! À moins qu’il n’y ait un autre agenda, un agenda secret, comme on dit, qui nous échappe et que, pour ma part, je ne connais pas…
Pour toutes ces raisons, nous votons contre, et nous souhaitons qu’il en soit fait état ; nous ne participerons pas à la… palinodie.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Sur le fond, les Verts ne veulent absolument pas contribuer à cette dilution de plus en plus importante et à cette illisibilité pour nos concitoyens, qui ont déjà beaucoup de difficulté à se repérer ; si nous en rajoutons encore, ce sera véritablement insupportable.
Surtout, le texte que l’on veut nous faire adopter conduit à une véritable perte d’autonomie, d’indépendance. Cela, nous ne pouvons pas l’accepter.
Sur la forme aussi, sur la méthode, je suis indignée – peut-être suis-je naïve ! –, en tout cas je suis déçue, parce que je croyais encore à la démocratie parlementaire.
M. Nicolas About. Mais c’est exactement une illustration de la démocratie parlementaire !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Or vous avez aujourd’hui donné la preuve que ce n’était qu’une mascarade. En tout cas, je vis ce qui s’est passé comme une humiliation du Parlement, et je pense que cela ne va pas dans le sens de la revalorisation du Sénat qu’évoque si souvent le président Gérard Larcher.
Enfin, j’ai vraiment l’impression que l’on sombre dans le ridicule. Il existe des procédures, telles la commission mixte paritaire ou la navette, qui auraient pu être utilisées, dans le respect des règles qui font et qui honorent notre démocratie. Aussi, je ne comprends pas, je l’avoue, pourquoi on tient absolument à bafouer ainsi le Parlement, comme si on voulait le mettre à genoux, de même qu’à une autre époque on voulait que le Parlement soit à genoux devant le monarque.
M. Nicolas About. Non ! C’est le Parlement qui l’emporte !
Mme Alima Boumediene-Thiery. La situation me paraît tout à fait comparable : la décision que nous avions prise ne plaît pas au pouvoir suprême ; alors, par le fait du Prince, on arrête tout et l’on fait comme si le Parlement n’existait pas.
M. Nicolas About. C’est l’inverse !
Mme Alima Boumediene-Thiery. On ne peut pas l’accepter ; en tout cas nous ne l’acceptons pas, et c’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas et quitterons l’hémicycle.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Escoffier. Je m’associerai aux observations formulées par mes collègues, et sur le fond et sur la forme.
Sur le fond, je dois rappeler qu’hier Jacques Mézard a très clairement explicité les votes du groupe du RDSE, les conditions dans lesquelles nous entendions le message qui devait passer et dans quelles autres conditions nous ne l’acceptions pas, en particulier au regard de l’article 13. Notre décision avait été prise : comme tous, nous nous étions rendus au devoir de nous incliner, quels que fussent par ailleurs nos droits.
Le projet de loi organique avait bien des mérites et, grâce au travail du rapporteur, M. Gélard, était devenu d’une grande cohérence. Avec les amendements qui nous sont présentés ce soir, cette cohérence s’estompera très fortement…
Sur la forme, je ne peux que m’étonner du brouhaha qui a entouré les conditions de l’examen de ce texte, de ces sorties, de ces allers, de ces retours, de cette façon de faire qui bafoue véritablement, je le crois, les droits du Parlement. (Mme le ministre d’État et M. le ministre chargé des relations avec le Parlement marquent leur désaccord.)
Telle est en tout cas notre position, et, sans utiliser le mot de « mascarade » que l’on a entendu, je parlerai de parodie : nous sommes dans une parodie de démocratie !
Nous ne voulons pas entrer dans ce jeu, et c’est la raison pour laquelle, en votant contre les amendements, nous choisissons également de nous retirer dès maintenant.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce soir, il y aura trois vaincus.
Le premier, assurément, sera le Sénat.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. C’est exactement le contraire !
M. Alain Anziani. Notre assemblée vit une humiliation. Regardez bien ce qui se passe ! En une nuit et, paraît-il, un petit-déjeuner, le Sénat transforme une majorité en une minorité.
Vous pouvez être certains d’une chose : l’opinion ne vous comprendra pas. Personne ne comprendra qu’hier vous vous trouviez dans l’obscurité et que tout d’un coup, aujourd’hui, vous ayez trouvé la voie de la lumière.
M. Gérard Longuet. De la confrontation jaillit la lumière !
M. Nicolas About. C’est la négociation !
M. Alain Anziani. Nous vivons un moment difficile pour nous tous, pour notre activité parlementaire.
Le deuxième vaincu – sans doute devrais-je ne pas m’en préoccuper ! –, ce sera le Gouvernement. Car il faudra, madame la ministre d’État, monsieur le ministre, nous expliquer pourquoi, alors que s’ouvrait devant vous une voie raisonnable, alors que vous pouviez laisser aller la procédure parlementaire à son terme, avec ses deux lectures et si nécessaire une commission mixte paritaire, pourquoi vous avez voulu aller si vite. Pour quelle raison ? Ne me dites pas que c’est pour les enfants : ce n’est pas le temps d’une procédure parlementaire qui fera changer leur situation ! La vraie raison, je crois, et c’est pour cela que vous serez perdants, c’est que vous avez voulu imposer une loi d’airain à votre propre majorité.
Le troisième vaincu, enfin, ce seront bien sûr les libertés publiques. Elles sortiront affaiblies de cette soirée. Aujourd’hui encore, nous avions quatre autorités administratives indépendantes qui – permettez-moi de le dire avec force –fonctionnaient, fonctionnaient bien, et peut-être même, aux yeux de certains, fonctionnaient trop bien, au point d’irriter. La CNDS, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, a irrité parce qu’elle a mis sur la place publique la délicate question de la garde à vue ou des fouilles à nu. La HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, a irrité lorsqu’elle a mis en garde contre le recours aux tests ADN dans le cadre des regroupements familiaux. Le Défenseur des enfants a irrité lorsqu’il a pointé la situation dans les centres de rétention des étrangers et la vie qui y est réservée aux mineurs.
Alors, ce soir, nous ne pouvons qu’être tristes. Ni vous, ni nous, ni l’institution, ni les libertés publiques n’ont gagné quoi que ce soit. Il a beaucoup été question de fusion-absorption, et avec raison ; pour ma part, j’ai l’impression d’assister ce soir à une grande première : une fusion-irritation. Or, la fusion-irritation, c’est ce dont, si nous étions des gens raisonnables, nous devrions volontairement nous écarter.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, je ne reprendrai pas tout ce qui a été dit avec force et conviction concernant cette… oui, cette palinodie, le mot est exact, qui aboutit à humilier le Parlement. Car, à cet égard, ce qui advient ici est au premier chef, disons-le, une forme d’humiliation pour le Sénat.
Hier, le Sénat a voté clairement. Après un débat où tout avait été dit, des échanges d’arguments complets, il avait choisi sa voie.
Il ne s’agit pas ici d’un délai de réflexion qui nous serait laissé. C’est le rappel, malheureusement, de l’axiome par lequel concluait toujours le chancelier de France à la fin des lits de justice, quand on avait témoigné, je dirais, d’un esprit de remontrance. Rappelez-vous messieurs, « au royaume de France, si veut le Roi, si fait la loi ». Je n’insisterai pas.
À cet instant, ce qui est véritablement tenu en échec et ce qui me chagrine tant, c’est la défense des intérêts des enfants. Je le redis, c’est là une exigence première ! Cela devrait passer bien avant la nécessité de montrer l’unité de la majorité dans certaines circonstances !
Ce qui compte, c’est l’intérêt majeur des enfants.
Il est exact qu’il n’y a pas d’obligation à disposer d’une instance spécialisée dans la défense des intérêts et des droits des enfants. Le rapport de M. Gélard mentionne à ce titre une recommandation du Conseil de l’Europe. Mais il y a, émanant du Comité des enfants des Nations unies, la recommandation pressante à confier à une instance spécialisée la défense des droits des enfants.
Et l’on connaît les raisons de cette recommandation : les enfants ne sont pas, je le répète, des adultes en proie à des problèmes avec l’administration. Il s’agit d’êtres en devenir, mineurs ou abandonnés !
S’il y est une cause, parmi toutes, qui devrait nous rassembler, c’est bien celle-là. Hier, j’ai pris ce fait pour acquis. Mais hélas, la politique a prévalu à nouveau, dès ce matin !
En observant le texte que vous vous apprêtez à voter, vous vous réjouissez de la nomination du Défenseur des enfants par le Premier ministre, sans le collège, en estimant qu’il s’agit là d’un progrès.
Seulement, quelle est la position du Défenseur des enfants ? Vous avez dit « lisibilité », je m’en réjouis. Pendant la suspension, je lisais les nouveaux amendements. Quelle y est la position du défenseur des enfants ? Est-il autonome ? Indépendant ? Pas du tout !
À l’article 11 A, l’amendement proposé prévoit que, « sur proposition du Défenseur des droits, […] le Premier ministre nomme le Défenseur des enfants ». Et l’on ajoute, ce qui dit tout, « et les autres adjoints ». Rien que cela, la mention des « autres » adjoints, fait du Défenseur des enfants un simple adjoint !
Le Défenseur des enfants est un adjoint !
Et c’est le Défenseur des droits, au terme de tous ces amendements, non pas le Défenseur des enfants, qui va saisir la justice, aller dans les conventions internationales, assurer la promotion des droits des enfants, sauf si le premier délègue au second ces prérogatives.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Non, pas nécessairement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un faux défenseur des enfants !
M. Robert Badinter. En d’autres termes, c’est le même, toujours le même, qui accapare toutes les fonctions essentielles !
Considérez-vous, mes chers collègues, dans la nuit, à partir du texte du Sénat, avoir fait prospérer la protection des droits des enfants, l’avoir améliorée et renforcée? Je vous dis que non, et c’est une mauvaise action !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Partageant l’opinion déjà exprimée par certains de mes collègues, j’interviendrai rapidement.
Je souhaiterais revenir sur un aspect du débat.
M. About a finalement eu raison de prendre la parole. Il a à mon sens été très explicite sur les motivations qui l’amènent, ainsi que les collègues de son groupe, à modifier son vote d’hier au soir. Cela nous conduit toutefois à vivre des instants qui sont autant d’humiliations pour la démocratie.
Cela étant dit, en se déclarant très favorable aux amendements déposés alors par le rapporteur, il a tout simplement apporté de l’eau à notre moulin sur certains aspects !
Il a paré de toutes les vertus possibles les missions du Défenseur des enfants, ce sur quoi nous pourrions être d’accord. Mais il l’a fait pour finalement expliquer pourquoi les missions du Défenseur des enfants devaient être différenciées des missions des adjoints chargés de la déontologie dans le domaine de la sécurité, de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité. Ce faisant, il a confirmé que ces adjoints ne seraient que de simples collaborateurs du Défenseur des droits.
Au-delà de notre désaccord quant à la forme employée, ces propos nous confirment dans notre position sur le fond. Cela nous amène ainsi à réaffirmer notre opposition et notre décision de ne pas participer à la suite des débats, puisque les choses se décident ailleurs !
Je souhaiterais, pour finir, lancer un message.
Supprimer le Défenseur des enfants dans ses prérogatives actuelles serait, me semble-t-il, un très mauvais signe. Ce serait en tout cas montrer le peu de cas que la France fait de la Convention internationale des droits de l’enfant ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Je voudrais simplement replacer ce débat dans son contexte parlementaire et institutionnel. Comme nombre de ceux qui se sont exprimés, je suis étonné de la disproportion qu’il y a entre l’arsenal déployé et l’objet du débat.
Nous ne sommes pas en train de discuter de la loi de finances ou d’une intervention de troupes militaires à l’étranger ! Nous discutons d’un texte dont l’objet est d’organiser des autorités administratives indépendantes, même si cette appellation ne sera pas retenue ici.
Ces questions ne posent pas de problèmes politiques de fond ! Ce sont même des questions sur lesquelles on est en droit d’avoir légitimement des points de vue différents et d’en débattre sereinement entre parlementaires.
Cette loi organique doit permettre l’application d’une révision constitutionnelle que nous avons votée, pour un certain nombre d’entre nous, en 2008. Or l’objet principal de cette révision était de renforcer les pouvoirs du Parlement. On s’est d’ailleurs félicité du renforcement des pouvoirs du Parlement dans le travail en commission et dans les débats en séance publique. Cela devait assurer une véritable vie démocratique, en tout cas une vie démocratique plus intense que dans les décennies précédentes.
L’une des principales leçons que nous pouvons tirer aujourd’hui, c’est que nos espoirs sont en grande partie déçus. En effet, ce n’est pas à la suite d’un débat parlementaire que nous avons cette nouvelle délibération. Celle-ci est la conséquence directe de discussions, qui ont certes le droit d’exister, mais auxquelles la plupart d’entre nous ont été totalement étrangers.
Cette nouvelle délibération n’est en rien la conséquence de débats propres au Parlement ! Elle n’a aucune justification émanant de lui. En revanche, le débat d’hier soir était clair et la suite devait se dérouler normalement, puisqu’il ne s’agit pas d’un de ces textes dramatiques qui réclament un vote immédiat et une procédure accélérée !
Ce débat devait déboucher sur une décision de notre assemblée et ensuite se serait déroulée la procédure propre au système bicaméral. Ce n’est pas ce qui s’est passé et c’est regrettable.
J’en viens au fond.
J’estime, à la lecture des amendements proposés - c’est là une opinion personnelle, qui est peut-être erronée - que le texte qui nous est désormais proposé opère une régression majeure par rapport à ce à quoi nous étions parvenus.
Certes, le texte prévoit encore, du moins formellement, l’existence de personnalités et d’administrations diverses. Mais, concrètement, nous en revenons à la case « départ », à l’étape précédente.
Personnellement, ce retour en arrière ne me dérange pas outre mesure. En effet, j’ai lu la Constitution, comme vous, et je sais que le garant des libertés individuelles est avant tout le juge. Nous nous appuierons donc sur le juge pour défendre le droit des enfants. Et nous verrons bien ce qui sortira de ces montages politico-administratifs. Peut-être en sortira-t-il tout de même quelque chose… En tout cas, du point de vue de l’image que nous donnons du Parlement, tout cela n’est pas très glorieux !
Pour ma part, je ne quitterai pas la séance. Je fais partie de la majorité, même si je suis aujourd’hui minoritaire et fier de l’être. Je resterai donc dans l’hémicycle, ne serait-ce que pour témoigner de mon désaccord, du début à la fin, vis-à-vis de ces procédures et sur ces textes !
(Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC-SPG, du groupe socialiste et du groupe du RDSE se lèvent et quittent l’hémicycle.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.
M. Jacques Gautier. Je regrette la position de nos collègues qui refusent tout simplement l’application du règlement de notre assemblée, dont les dispositions permettent cette nouvelle délibération, et je déplore leur départ intempestif.
Je me réjouis en revanche du travail accompli en commun, par les groupes de la majorité et le Gouvernement, qui nous permet de trouver un accord et de voter ici, au Sénat, ce texte essentiel pour les libertés publiques et la défense des droits, en particulier celui des enfants. S’y est exprimée une volonté de consensus et de juste équilibre qui fait la force de la Haute Assemblée.
Je préfère que nous adoptions ici un texte achevé et cohérent, plutôt que de laisser à l’Assemblée nationale l’occasion de donner une fois de plus des leçons au Sénat en modifiant profondément un texte imparfait que nous n’aurions pas eu le courage d’amender sans cette nouvelle délibération !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Très bien !
M. Jacques Gautier. Voilà pourquoi, monsieur le président, madame le ministre d’État, je voterai ces amendements, comme la quasi-totalité du groupe UMP, et je le ferai conscient de l’importance de ce vote et de ma responsabilité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Je voudrais revenir sur les critiques et les grands mots, comme « palinodie », qui ont été lancés ici. La racine grecque de ce mot renvoie à la fois à un chant à l’envers, mais également à l’idée de chant nouveau.
Cette nouvelle délibération n’est pas un chant à l’envers, mais bien un chant nouveau. C’est dans ce sens que je prendrai l’évocation de la palinodie. C’est la première fois au Parlement qu’une nouvelle délibération nous offre l’opportunité d’un chant nouveau.
Ce chant, nous l’avons écrit ensemble ; c’est une bonne chose. Il n’y a pas de pouvoir qui, je ne sais d’où, déciderait de tout. C’est le Sénat, lui-même, qui a insisté pour que nous parvenions à un chant nouveau.
Nous allons tenter de le chanter juste !
Pour le chanter parfaitement juste et conserver l’esprit de ce travail en commun, je souhaite que, dans quatre amendements, le terme « autres » soit supprimé, afin de ne pas donner le sentiment que l’on assimile le Défenseur des enfants à un adjoint ordinaire.
Loin de moi l’idée qu’être collaborateur est une position méprisable ! J’ai d’ailleurs été très surpris d’entendre notre collègue communiste y voir quelque chose de vil. Ma modification ne doit pas être prise dans ce sens-là. Je souhaite simplement voir précisée et sacralisée la spécificité du Défenseur des enfants en ne le mettant pas au même rang que n’importe quel « autre » adjoint. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 6 dans cette rédaction :
La saisine du Défenseur des droits est gratuite.
Elle est précédée de démarches préalables auprès des personnes publiques ou des organismes mis en cause, sauf lorsqu'elle est présentée au titre des compétences mentionnées aux troisième [ ] et dernier alinéas de l'article 4.
La saisine du Défenseur des droits n'interrompt ni ne suspend par elle-même les délais de prescription des actions en matière civile, administrative ou pénale, non plus que ceux relatifs à l'exercice de recours administratifs ou contentieux.
L'amendement n° A-2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
troisième
insérer le mot :
, quatrième
La parole est à Mme la ministre d'État.
M. le président. Je rappelle que la commission a émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements.
Je mets aux voix l'amendement n° A-2.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 6 dans cette rédaction :
Lorsqu'il se saisit d'office ou lorsqu'il est saisi autrement qu'à l'initiative de la personne s'estimant lésée [ ], le Défenseur des droits ne peut intervenir qu'à la condition que cette personne ou, le cas échéant, ses ayants droit ait été avertie et ne se soit pas opposée à son intervention. [ ]
L'amendement n° A-3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I.- Dans la première phrase de cet article, après les mots :
s'estimant lésée
insérer les mots :
ou, s'agissant d'un enfant, de ses représentants légaux,
II.- Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, il peut toujours se saisir des cas lui paraissant mettre en cause l'intérêt supérieur d'un enfant et des cas relatifs à des personnes qui ne sont pas identifiées ou dont il ne peut recueillir l'accord.
La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Il s’agit de tirer les conséquences d’amendements adoptés préalablement, notamment à l’article 8. En effet, le vote d’un amendement sur cet article a abouti à la suppression d’une phrase importante pour les conditions de saisine du Défenseur des droits.
La phrase supprimée prévoyait que le Défenseur pourrait toujours se saisir des cas relatifs à des personnes non identifiées ou dont il ne peut recueillir l’accord. Cette disposition doit être rétablie afin de permettre au Défenseur d’examiner des cas qui peuvent par exemple lui être soumis par des témoins d’actes attentatoires aux droits et libertés ou encore des cas concernant des personnes reconduites à la frontière et qui ne sont plus joignables.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 9 dans cette rédaction :
Quand le Défenseur des droits est saisi d'une réclamation entrant dans le champ de compétence d'une autorité investie d'une mission de protection des droits et libertés, il est tenu de lui transmettre cette réclamation sans être pour autant dessaisi.
Lorsque le Défenseur des droits transmet une réclamation à une autre autorité indépendante investie d'une mission de protection des droits et libertés, il peut accompagner cette transmission de ses observations et demander à être informé des suites données à celles-ci.
Le Défenseur des droits et les autres autorités visées au deuxième alinéa concluent des conventions afin d'assurer la transmission au Défenseur des droits des réclamations relevant de sa compétence générale en matière de protection des droits et libertés.
Le Défenseur des droits est associé, à sa demande, aux travaux de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et du Défenseur des enfants.
L'amendement n° A-4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Au dernier alinéa, supprimer les mots :
et du Défenseur des enfants
La parole est à Mme la ministre d'État.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article 11 A (nouveau)
M. le président. Je rappelle que le Sénat a précédemment adopté l’article 11 A dans cette rédaction :
Le Défenseur des droits préside les collèges qui l'assistent pour l'exercice de ses attributions en matière de déontologie dans le domaine de la sécurité, ainsi que de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité.
Il nomme, après avis de la commission compétente de chaque assemblée, des adjoints placés sous son autorité, dont :
– un adjoint, vice-président du collège chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité ;
– un adjoint, vice-président du collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité.
Le Défenseur des droits peut déléguer ses attributions à ses adjoints, dans leur domaine de compétence, à l'exception de celles mentionnées aux articles 16, 23, 24, 25 et 27, aux deux derniers alinéas de l'article 21 et au deuxième alinéa de l'article 26. Il ne peut les révoquer moins d'un mois après avoir avisé la commission compétente de chaque assemblée.
Chacun de ses adjoints peut le suppléer à la présidence des réunions du collège dont il est le vice-président et le représenter, dans son domaine de compétence, auprès des organisations rassemblant les autorités indépendantes de pays tiers chargées de la protection des droits et libertés.
L'article 3 est applicable aux adjoints du Défenseur des droits.
L'amendement n° A-5, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Remplacer les alinéas 2 à 5 par six alinéas ainsi rédigés :
Sur proposition du Défenseur des droits et après avis de la commission compétente de chaque assemblée, le Premier ministre nomme le Défenseur des enfants et les autres adjoints du Défenseur des droits, dont :
- un adjoint, vice-président du collège chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité ;
- un adjoint, vice-président du collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité.
Le Défenseur des enfants et les autres adjoints sont placés auprès du Défenseur des droits et sous son autorité.
Le Défenseur des enfants est nommé en raison de ses connaissances ou de son expérience en matière de défense et de promotion des droits de l'enfant.
Le Défenseur des droits peut déléguer ses attributions à ses adjoints, dans leur domaine de compétence, à l'exception de celles mentionnées aux articles 16, 23, 24, 25 et 27, aux deux derniers alinéas de l'article 21 et au deuxième alinéa de l'article 26.
La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Cet amendement vise à renforcer l'identification de la mission de défense et de promotion des droits de l'enfant exercée par le Défenseur des droits en prévoyant la nomination d'un Défenseur des enfants placé auprès de lui et sous son autorité.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, comme je l’ai dit tout à l'heure, je souhaiterais que soit supprimé, au deuxième et au cinquième alinéas de l’amendement n° A-5, le mot : « autres ».
Par ailleurs, au dernier alinéa, après les mots : ses attributions », il convient d’ajouter les mots : « au Défenseur des enfants ».
M. le président. Madame la ministre d’État, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. About ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Oui, monsieur le président, et je rectifie dans le même sens tous les amendements du Gouvernement dans lesquels cette rectification est nécessaire par coordination.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° A-5 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Remplacer les alinéas 2 à 5 par six alinéas ainsi rédigés :
Sur proposition du Défenseur des droits et après avis de la commission compétente de chaque assemblée, le Premier ministre nomme le Défenseur des enfants et les adjoints du Défenseur des droits, dont :
- un adjoint, vice-président du collège chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité ;
- un adjoint, vice-président du collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité.
Le Défenseur des enfants et les adjoints sont placés auprès du Défenseur des droits et sous son autorité.
Le Défenseur des enfants est nommé en raison de ses connaissances ou de son expérience en matière de défense et de promotion des droits de l'enfant.
Le Défenseur des droits peut déléguer ses attributions au Défenseur des enfants et à ses adjoints et, dans leur domaine de compétence, à l'exception de celles mentionnées aux articles 16, 23, 24, 25 et 27, aux deux derniers alinéas de l'article 21 et au deuxième alinéa de l'article 26.
Je mets aux voix l'amendement n° A-5 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 13 dans cette rédaction :
Le mandat des membres des collèges mentionnés aux articles 11 et 12 bis cesse avec le mandat du Défenseur des droits. Il n'est pas renouvelable.
Les membres des collèges, à l'exception du Défenseur des droits et de ses adjoints, sont renouvelables par moitié tous les trois ans.
Le membre d'un collège qui cesse d'exercer ses fonctions est remplacé pour la durée de mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à deux ans, le mandat est alors renouvelable.
La qualité de membre du collège mentionné à l'article 11 est incompatible avec l'exercice, à titre principal, d'activités dans le domaine de la sécurité.
Les parlementaires membres des collèges mentionnés aux articles 11 et 12 bis cessent d'y exercer leurs fonctions lorsqu'ils cessent d'appartenir à l'assemblée au titre de laquelle ils ont été désignés. Le mandat des députés prend fin avec la législature au titre de laquelle ils ont été élus.
L'amendement n° A-6 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I) Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le mandat du Défenseur des enfants et des adjoints du Défenseur des droits, ainsi que celui des membres des collèges mentionnés aux articles 11 et 12 bis, cesse avec le mandat du Défenseur des droits. Il n'est pas renouvelable.
II) Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
Les membres des collèges, à l'exception du Défenseur des droits, du Défenseur des enfants et des adjoints du Défenseur des droits, sont renouvelables par moitié tous les trois ans.
III) Alinéa 3, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le Défenseur des enfants, les adjoints du Défenseur des droits et le membre d'un collège qui cessent d'exercer leurs fonctions sont remplacés pour la durée de mandat restant à courir.
La parole est à Mme la ministre d'État.
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 25 dans cette rédaction :
Le Défenseur des droits peut recommander de procéder aux modifications législatives ou réglementaires qui lui apparaissent utiles.
Il est consulté par le Premier ministre sur tout projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité. L'avis du Défenseur des droits est public.
Il peut également être consulté par le Premier ministre, le Président du Sénat ou le Président de l'Assemblée nationale sur toute question relevant de son champ de compétence.
Il contribue, à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans les domaines des relations des citoyens avec l'administration, de la déontologie de la sécurité ou de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité. Il peut participer, à la demande du Premier ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes dans ces domaines.
Dans les cas prévus aux deuxième et troisième alinéas, le Défenseur des droits rend son avis dans un délai d'un mois.
L'amendement n° A-7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il contribue, à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans les domaines des relations des citoyens avec l'administration, de la défense et de la promotion des droits de l'enfant, de la déontologie de la sécurité ou de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité.
La parole est à Mme la ministre d'État.
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 26 dans cette rédaction :
Le Défenseur des droits ne peut remettre en cause une décision juridictionnelle.
Les juridictions civiles, administratives et pénales peuvent, d'office ou à la demande des parties, inviter le Défenseur des droits à présenter des observations écrites ou orales. Le Défenseur peut lui-même demander à présenter des observations écrites ou être entendu par ces juridictions ; dans ce cas, son audition est de droit.
Sans préjudice de l'application des dispositions du II de l'article 22, lorsqu'il apparaît au Défenseur des droits que les faits portés à sa connaissance sont constitutifs d'un crime ou d'un délit, il en informe le procureur de la République. Il lui fait savoir, le cas échéant, qu'une mission de médiation a été initiée en application des dispositions de l'article 21 bis.
L'amendement n° A-8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le Défenseur des droits porte à la connaissance de l'autorité judiciaire les affaires concernant un mineur susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative telle que prévue par l'article 375 du code civil ou toutes informations qu'il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans une procédure en cours.
La parole est à Mme la ministre d'État.
M. le président. Je mets aux voix l'article 26, modifié.
(L'article 26 est adopté.)
Article 26 bis (nouveau)
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 26 bis dans cette rédaction :
Le Défenseur des droits mène des actions de communication et d'information propres à assurer la promotion des droits et de l'égalité.
Il favorise, au titre de sa mission de lutte contre les discriminations, la mise en œuvre de programmes de formation. Il conduit et coordonne des travaux d'études et de recherches relevant de cette mission. Il suscite et soutient les initiatives de tous organismes publics ou privés en ce qui concerne l'élaboration et l'adoption d'engagements visant à la promotion de l'égalité. Il identifie et promeut toute bonne pratique en matière d'égalité des chances et de traitement.
L'amendement n° A-9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le Défenseur des droits mène des actions de communication et d'information propres à assurer la promotion des droits de l'enfant et de l'égalité.
La parole est à Mme la ministre d'État.
M. le président. Je mets aux voix l'article 26 bis, modifié.
(L'article 26 bis est adopté.)
Article 26 ter (nouveau)
M. le président. Le Sénat a supprimé l’article 26 ter.
L'amendement n° A-10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir l'article 26 ter dans la rédaction suivante :
Le Défenseur des droits peut saisir les autorités locales compétentes de tout élément susceptible de justifier une intervention du service en charge de l'aide sociale à l'enfance.
La parole est à Mme la ministre d'État.
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 29 dans cette rédaction :
Le Défenseur des droits, ses adjoints, les autres membres des collèges, les délégués et l'ensemble des agents placés sous son autorité sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l'établissement des avis, recommandations, injonctions et rapports prévus par la présente loi organique.
Sauf accord des intéressés, aucune mention permettant l'identification de personnes physiques ne peut être faite dans les documents publiés sous l'autorité du Défenseur des droits.
L'amendement n° A-11 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
Le Défenseur des droits, le Défenseur des enfants et les adjoints du Défenseur des droits, les autres membres des collèges...
II. - Après l'alinéa 1, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le Défenseur des droits peut toutefois, lorsqu'il a été saisi par un enfant, informer ses représentants légaux ainsi que les autorités susceptibles d'intervenir dans l'intérêt de l'enfant.
La parole est à Mme la ministre d'État.
M. le président. Je mets aux voix l'article 29, modifié.
(L'article 29 est adopté.)
Article 29 bis (nouveau)
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 29 bis dans cette rédaction :
Le Défenseur des droits établit et rend publics un règlement intérieur et un code de déontologie qui lui sont applicables, ainsi qu'à ses adjoints, aux autres membres des collèges, à ses délégués et à l'ensemble des agents placés sous son autorité.
L'amendement n° A-12 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
ainsi qu'à ses adjoints
par les mots :
ainsi qu'au Défenseur des enfants, aux adjoints du Défenseur des droits
La parole est à Mme la ministre d'État.
M. le président. Je mets aux voix l'article 29 bis, modifié.
(L'article 29 bis est adopté.)
Article 32
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 32 dans cette rédaction :
I. – Les mentions de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et du Médiateur de la République figurant en annexe de la loi organique n° du relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution sont supprimées.
II. – La loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi modifiée :
1° Au 1° de l'article 7, les mots : « du Médiateur de la République, » et les mots : « de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, » sont supprimés ;
2° Au 2° de l'article 14, les mots : « du Médiateur de la République » sont supprimés ;
3° Le 5° de l'article 109 est ainsi rédigé :
« 5° Le Défenseur des enfants, sauf s'il exerçait le même mandat antérieurement à sa nomination. »
III. – La loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifiée :
1° Au 1° de l'article 6-2, les mots : « du Médiateur de la République, » sont supprimés ;
2° Le I de l'article 195 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Le Défenseur des droits. »
IV. – Pour l'application de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, les mots : « collectivités territoriales » s'entendent de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes.
V (nouveau). – Après l'article 13-1 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer, il est rétabli un article 13-2 ainsi rédigé :
« Art. 13-2. – Le Défenseur des droits est inéligible à l'assemblée territoriale. »
L'amendement n° A-13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Les mentions de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et du Médiateur de la République figurant en annexe de la loi organique n° ........... du ........ relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution sont supprimées.
II. - La loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française est modifiée ainsi qu'il suit :
1° À l'article 7, les mots : « du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, » sont supprimés ;
2° À l'article 14, les mots : « attributions du Médiateur de la République et du Défenseur des enfants dans les relations entre les citoyens, les collectivités publiques et les services publics » sont supprimés ;
3° Le 5° de l'article 109 est ainsi rédigé :
« 5° Le Défenseur des droits. »
III.- La loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est modifiée ainsi qu'il suit :
1° A l'article 6-2, les mots : « du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, » sont supprimés ;
2° A l'article 195, le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Le Défenseur des droits. »
IV. - Pour l'application de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, les mots : « collectivités territoriales » s'entendent de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes.
V.- Après l'article 13-1 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer, il est rétabli un article 13-2 ainsi rédigé :
« Art. 13-2.- Le Défenseur des droits est inéligible à l'assemblée territoriale. »
La parole est à Mme la ministre d'État.
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l’article 33 dans cette rédaction :
I. – La présente loi organique entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant sa publication.
Toutefois, entrent en vigueur le premier jour du cinquième mois suivant la publication de la présente loi organique :
- les trois derniers alinéas de l'article 4 ;
- au deuxième alinéa de l'article 6, les mots : « sauf lorsqu'elle est présentée au titre des compétences mentionnées aux troisième et dernier alinéas de l'article 4 » ;
- au second alinéa de l'article 10, les mots : « sauf au titre de ses compétences mentionnées au dernier alinéa de l'article 4 » ;
- le chapitre Ier du titre III ;
- à l'article 15, au deuxième alinéa, les mots : « et privées » ainsi que le quatrième alinéa ;
- à l'article 17, au premier alinéa, les mots : « et privées » ainsi que la seconde phrase du deuxième alinéa ;
- au premier alinéa du I de l’article 18, les mots : « ou privées »;
- à l'article 19, les mots : « et, s'il intervient au titre de sa compétence en matière de lutte contre les discriminations, pour la mise en œuvre des dispositions des articles 21 bis et 22 » ;
- le troisième alinéa de l'article 21 ;
- l'article 21 ter ;
- les II à V de l'article 22 ;
- l'article 23 bis ;
- les deuxième et quatrième alinéas de l’article 25, ainsi que le dernier alinéa en tant qu'il concerne le deuxième alinéa ;
- à l'article 26, au troisième alinéa, les mots : « sans préjudice de l'application des dispositions du II de l'article 22 » ainsi que le dernier alinéa ;
- le dernier alinéa de l'article 28 ;
- à l'article 29, le premier alinéa en tant qu'il concerne les adjoints et les autres membres des collèges ;
- l'article 29 bis en tant qu'il concerne les adjoints et les autres membres des collèges ;
- à l'article 32, le I en tant qu'il concerne la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, le deuxième alinéa du II en tant qu'il concerne la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et le deuxième alinéa du III en tant qu'il supprime la référence à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
II. – À compter du premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi organique, le Défenseur des droits succède au Médiateur de la République dans ses droits et obligations au titre de ses activités. Les détachements et les mises à disposition en cours auprès de cette autorité se poursuivent auprès du Défenseur des droits. Les procédures ouvertes par le Médiateur de la République et non clôturées à la date d'entrée en vigueur de la présente loi organique se poursuivent devant le Défenseur des droits. À cette fin, les actes valablement accomplis par le Médiateur de la République sont réputés avoir été valablement accomplis par le Défenseur des droits.
À compter du premier jour du cinquième mois suivant la publication de la présente loi organique, le Défenseur des droits succède, dans les mêmes conditions, à la Commission nationale de déontologie de la sécurité et à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
L'amendement n° A-14, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
A) Rédiger ainsi le I de cet article :
I. - La présente loi organique entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant sa publication.
Toutefois, entrent en vigueur le premier jour du cinquième mois suivant la publication de la présente loi organique :
- les quatre derniers alinéas de l'article 4 ;
- au deuxième alinéa de l'article 6, les mots : « sauf lorsqu'elle est présentée au titre des compétences mentionnées aux troisième, quatrième et dernier alinéas de l'article 4 » ;
- au second alinéa de l'article 10, les mots : « sauf au titre de ses compétences mentionnées au cinquième alinéa de l'article 4 » ;
- le chapitre Ier du titre III ;
- à l'article 15, les mots : « et privées » au deuxième alinéa ainsi que le quatrième alinéa ;
- à l'article 17, les mots : « et privées » au premier alinéa ainsi que la seconde phrase du deuxième alinéa ;
- à l'article 18, les mots : « ou privées » au premier alinéa du I ;
- les mots : « et, s'il intervient au titre de sa compétence en matière de lutte contre les discriminations, pour la mise en œuvre des dispositions des articles 21 bis et 22 » à l'article 19 ;
- le troisième alinéa de l'article 21 ;
- l'article 21 ter ;
- les II à V de l'article 22 ;
- l'article 23 bis ;
- à l'article 25, les deuxième et quatrième alinéas ainsi que le dernier alinéa en tant qu'il concerne le deuxième alinéa ;
- à l'article 26, les mots : « sans préjudice de l'application des dispositions du II de l'article 22 » au troisième alinéa ainsi que le dernier alinéa ;
- l'article 26 bis ;
- l'article 26 ter ;
- le dernier alinéa de l'article 28 ;
- à l'article 29, le premier alinéa en tant qu'il concerne les adjoints et les autres membres des collèges ainsi que le second alinéa ;
- l'article 29 bis en tant qu'il concerne les adjoints et les autres membres des collèges ;
- à l'article 32, le I en tant qu'il concerne la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le Défenseur des enfants et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, le deuxième alinéa du II en tant qu'il concerne le Défenseur des enfants et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, le troisième alinéa du II en tant qu'il concerne le Défenseur des enfants, les deux derniers alinéas du II en tant qu'ils suppriment la référence au Défenseur des enfants dans le 5° de l'article 109 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française et le deuxième alinéa du III en tant qu'il supprime la référence au Défenseur des enfants et à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
B) Au dernier alinéa de cet article, après les mots :
de la sécurité,
Insérer les mots :
au Défenseur des enfants
La parole est à Mme la ministre d'État.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 221 :
Nombre de votants | 176 |
Nombre de suffrages exprimés | 174 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 88 |
Pour l’adoption | 174 |
Contre | 0 |
Le Sénat a adopté.
8
Défenseur des droits
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi relatif au Défenseur des droits (projet n° 611, texte de la commission n° 484, rapport n° 482).
Article 1er
(Non modifié)
Il est inséré au I de l’article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, après le 7° (huitième alinéa), un alinéa ainsi rédigé :
« Elle comprend, en outre, avec voix consultative, le Défenseur des droits ou son représentant. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Supprimé)
Article 3
L’autonomie budgétaire du Défenseur des droits est assurée dans les conditions déterminées par une loi de finances.
Le Défenseur des droits est ordonnateur des crédits qui lui sont affectés.
Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l’organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables.
Il présente ses comptes au contrôle de la Cour des comptes.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. C’est un classique dans les relations entre le Gouvernement et M. le rapporteur ! (Sourires.) Il s’agit de l’autonomie budgétaire, en l'occurrence de celle du Défenseur des droits.
Le Gouvernement s'applique, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances, à garantir l'autonomie budgétaire des autorités indépendantes par l'instauration de bonnes pratiques de gestion telle que l'élaboration d’une convention de gestion entre le responsable de programme et l'autorité, ou encore la mise en place de budgets opérationnels de programme spécifiques.
La nomenclature budgétaire qui sera retenue pour porter les moyens du Défenseur des droits garantira son autonomie budgétaire, comme est garantie celle du Médiateur de la République. L'alinéa introduit par la commission des lois est en contradiction avec les bonnes pratiques que nous instaurons, lesquelles garantissent aux autorités indépendantes qu’elles auront un budget, qu’il sera bien défendu et qu’elles pourront en disposer librement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame le ministre d’État, c’est en effet un vieux classique. Une fois de plus, nous ne serons pas d’accord…
Je rappelle que la commission des lois avait attribué l’autonomie budgétaire à une autre autorité constitutionnelle, à savoir le Conseil supérieur de la magistrature. On ne peut faire moins pour le Défenseur des droits ! Le Défenseur des droits est une autorité constitutionnelle ; on ne peut pas le traiter comme une autorité administrative !
C’est pourquoi je suis au regret d’émettre un avis défavorable sur cet amendement, madame le garde des sceaux. (Mme le garde des sceaux sourit.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Est puni de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende le fait d’avoir fait ou laissé figurer le nom du Défenseur des droits, suivi ou non de l’indication de sa qualité, dans tout document de propagande ou de publicité, quelle qu’en soit la nature. – (Adopté.)
Article 5
Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait de ne pas déférer aux convocations du Défenseur des droits, de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission ou de l’empêcher d’accéder à des locaux administratifs ou privés, dans des conditions contraires aux dispositions de la loi organique n° ………… du ……….. relative au Défenseur des droits. – (Adopté.)
Article 6
(Non modifié)
Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles 4 et 5 encourent également les peines complémentaires suivantes :
1° L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l’article 131-26 du code pénal ;
2° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ;
3° La confiscation prévue par l’article 131-21 du code pénal ;
4° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal. – (Adopté.)
Article 7
Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l’article 121-2 du code pénal, des infractions définies aux articles 4 et 5 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues par l’article 131-38 du code pénal :
1° Pour une durée de cinq ans au plus, les peines mentionnées aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6° et 7° de l’article 131-39 du code pénal ;
2° La confiscation dans les conditions et suivant les modalités prévues à l’article 131-21 du code pénal ;
3° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal.
L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131-39 du code pénal porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. – (Adopté.)
Article 8
I. – L’avant-dernier alinéa de l’article L. 5312-12-1 du code du travail est ainsi rédigé :
« En dehors de celles qui mettent en cause l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1, les réclamations qui relèvent de la compétence du Défenseur des droits en application de la loi organique n°……. du …… relative au Défenseur des droits sont transmises à ce dernier. »
II. – Les deux derniers alinéas de l’article L. 146-13 du code de l’action sociale et des familles sont ainsi rédigés :
« La personne référente transmet au Défenseur des droits les réclamations qui relèvent de sa compétence en application de la loi organique n°……. du …… relative au Défenseur des droits.
« Lorsque les réclamations ne relèvent pas de la compétence du Défenseur des droits, la personne référente les transmet soit à l'autorité compétente, soit au corps d'inspection et de contrôle compétent. » – (Adopté.)
Article 8 bis (nouveau)
À l’article 6 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, les mots : « loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République » et les mots : « Médiateur de la République » sont remplacés respectivement par les mots : « loi organique n° ............ du ........... relative au Défenseur des droits » et les mots : « Défenseur des droits ». – (Adopté.)
Article 9
Les mots : « Médiateur de la République » sont remplacés par les mots : « Défenseur des droits » :
1° À l’article L. 115 du livre des procédures fiscales ;
2° À l’article L. 5312-12-1 du code du travail ;
3° (Supprimé)
4° À l’article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ;
5° À l’article 1er de la loi n° 2007-292 du 5 mars 2007 relative à la Commission nationale consultative des droits de l’homme. – (Adopté.)
Article 10
(Non modifié)
À l’article 1-1 de la loi n° 55-1052 du 6 août 1955 portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton, les mots : « du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants » sont remplacés par les mots : « du Défenseur des droits ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 rectifié est présenté par MM. Portelli, Badré, Beaumont, Bécot, Béteille, del Picchia et Dulait, Mmes B. Dupont et Férat, M. B. Fournier, Mme Hummel, M. Garrec, Mmes G. Gautier et Hermange, M. Jarlier, Mlle Joissains, Mme Kammermann, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mmes Panis, Papon et Rozier et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 6 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer et Borotra, Mmes Morin-Desailly et Férat et MM. Vanlerenberghe, Zocchetto et Deneux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer les mots :
, du Défenseur des enfants
Compte tenu de l’adoption du projet de loi organique, ces deux amendements identiques n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
(Non modifié)
À l’article 6 de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, les mots : « le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité » sont remplacés par les mots : « le Défenseur des droits ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune
L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Portelli, Badré, Beaumont, Bécot, Béteille, del Picchia et Dulait, Mmes B. Dupont et Férat, M. B. Fournier, Mme Hummel, M. Garrec, Mmes G. Gautier et Hermange, M. Jarlier, Mlle Joissains, Mme Kammermann, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mmes Panis, Papon et Rozier et MM. Saugey et Zocchetto, est ainsi libellé :
1° Après les mots :
Commission nationale de déontologie de la sécurité
insérer les mots :
et le président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
2° Compléter cet article par les mots :
et le Défenseur des enfants
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
, le Défenseur des enfants
Compte tenu de l’adoption du projet de loi organique, ces deux amendements n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
Les mentions de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, du Défenseur des enfants, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et du Médiateur de la République figurant en annexe de la loi n° ………… du ……………. relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution sont supprimées.
Pour l’application à la désignation du Défenseur des droits de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, la commission permanente compétente dans chaque assemblée parlementaire est celle chargée des libertés publiques.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 rectifié est présenté par MM. Portelli, Badré, Beaumont, Bécot, Béteille, del Picchia et Dulait, Mmes B. Dupont et Férat, M. B. Fournier, Mme Hummel, M. Garrec, Mmes G. Gautier et Hermange, M. Jarlier, Mlle Joissains, Mme Kammermann, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mmes Panis, Papon et Rozier et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 8 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
, du Défenseur des enfants
Compte tenu de l’adoption du projet de loi organique, ces deux amendements identiques n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
(Non modifié)
Le code électoral est modifié ainsi qu’il suit :
1° L’article L. 194-1 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 194-1. – Pendant la durée de ses fonctions, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ne peut être candidat à un mandat de conseiller général s’il n’exerçait le même mandat antérieurement à sa nomination. » ;
2° À l’article L. 221, après les mots : « membre du Conseil constitutionnel » sont ajoutés les mots : « ou de Défenseur des droits » ;
3° L’article L. 230-1 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 230-1. – Pendant la durée de ses fonctions, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ne peut être candidat à un mandat de conseiller municipal s’il n’exerçait le même mandat antérieurement à sa nomination. » ;
4° Le cinquième alinéa de l’article L. 340 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Pendant la durée de ses fonctions, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ne peut être candidat à un mandat de conseiller régional s’il n’exerçait le même mandat antérieurement à sa nomination. »
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Aux articles L. 194-1, L. 230-1 et au cinquième alinéa de l'article L. 340, les mots : « le Médiateur de la République, » sont supprimés ;
2° Au premier alinéa de l'article L. 221, après les mots : « membre du Conseil constitutionnel », sont insérés les mots : « ou de Défenseur des droits ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 15 est retiré.
Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14
Sont abrogés :
1° La loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur ;
2° La loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants ;
3° La loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d’une Commission nationale de déontologie de la sécurité ;
3° bis (nouveau) La loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, à l’exception de ses articles 20, 21, 22 et 24 ;
4° L’article L. 221-5 du code de l’action sociale et des familles.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Yung, Badinter et Sueur, Mme Boumediene-Thiery, MM. Assouline, Mermaz et Guérini, Mmes Blondin et M. André, M. Michel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant le Médiateur de la République est abrogée.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 4 rectifié est présenté par MM. Portelli, Badré, Beaumont, Bécot, Béteille, del Picchia et Dulait, Mmes B. Dupont et Férat, M. B. Fournier, Mme Hummel, M. Garrec, Mmes G. Gautier et Hermange, M. Jarlier, Mlle Joissains, Mme Kammermann, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mmes Panis, Papon et Rozier et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 9 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
Compte tenu de l’adoption du projet de loi organique, ces deux amendements identiques n’ont plus d’objet.
L'amendement n° 13, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
À la fin de cet alinéa, supprimer les mots :
, à l'exception de ses articles 20, 21, 22 et 24
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il n’y a pas lieu de maintenir dans un texte abrogé des dispositions modificatives d’autres textes.
Les articles visés à cet amendement insèrent des dispositions relatives à la répression des propos à caractère sexiste ou homophobe dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. À l’évidence, l’abrogation de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE est sans effet sur ces articles, qui demeurent dans la loi du 29 juillet 1881.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Article 15
La présente loi entre en vigueur aux mêmes dates et dans les mêmes conditions que la loi organique n° …… du …….. relative au Défenseur des droits.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 14, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La présente loi entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant sa publication. Toutefois, entrent en vigueur le premier jour du cinquième mois suivant la publication de la présente loi :
- l'article 11 en tant qu'il concerne le Défenseur des enfants et le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité ;
- l'article 12 en tant qu'il concerne la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le Défenseur des enfants et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ;
- les troisième, sixième et dernier alinéas de l'article 13 en tant qu'ils suppriment la référence au Défenseur des enfants respectivement aux articles L. 194-1, L. 230-1 et L. 340 du code électoral ;
- les troisième à dernier alinéa de l'article 14.
L'amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
aux mêmes dates et dans les mêmes conditions
par les mots :
à la même date
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 14.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 15 est ainsi rédigé, et l'amendement n° 12 n'a plus d'objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite remercier très chaleureusement tous les membres de la Haute Assemblée qui sont présents. Je salue tout particulièrement M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur, Patrice Gélard.
De mon point de vue, le travail qui a été effectué est à la fois important pour la démocratie et plein d’enseignements, car il a permis de montrer comment le Parlement et le Gouvernement pouvaient travailler ensemble de manière très constructive.
J’ai entendu parler de dramatisation. Mais ni le Gouvernement ni les sénateurs présents n’en sont responsables. La dramatisation a été le fait de ceux qui ont voulu prendre prétexte de la seconde délibération pour répéter exactement ce qu’ils avaient déjà dit précédemment et ont tenté de faire un clash sur un débat qui a permis en réalité au Parlement et au Gouvernement de travailler ensemble pour améliorer le texte en discussion.
Certains ont invoqué la « morale » ; cela, je ne l’accepte pas !
À mon sens, les travaux que nous avons effectués ensemble sont strictement conformes non seulement au règlement du Sénat – je suis la première à me sentir tenue par ce texte –, mais également à l’esprit des relations nouvelles entre le Parlement et le Gouvernement.
Lorsque j’étais député, j’ai trop souvent vu recourir à la procédure de la seconde délibération dans le seul but d’obliger la majorité d’une assemblée à se contredire elle-même. Mais ce n’est pas du tout le cas aujourd'hui.
En effet, si le Gouvernement a décidé de demander une seconde délibération, c’était pour tirer les conséquences des arguments échangés au cours des débats, ainsi que des rapprochements de points de vue opérés à la fois dans l’hémicycle et à l’extérieur de l’hémicycle, notamment pendant les suspensions de séance, car il apparaissait clairement qu’il était possible de trouver des solutions pour améliorer le texte.
À cet égard, je tiens à remercier M. About d’avoir contribué, par son action, à faire en sorte que le texte corresponde mieux aux objectifs visés.
En l’occurrence, c’est, me semble-t-il, l’exemplarité du Sénat qui était en cause ! (M. le président de la commission des lois acquiesce.) Certains auraient voulu que les députés contredisent les sénateurs alors que les membres des deux assemblées sont d’accord sur une partie du texte ! Certains ont voulu jouer sur un malentendu pour créer une opposition entre l’Assemblée nationale et le Sénat et amener, en quelque sorte, la première à donner une leçon au second !
M. Jean-Patrick Courtois. Exactement !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Je ne crois pas qu’il convienne de travailler de la sorte.
Tous les sénateurs présents ont fait preuve de pragmatisme et ont manifesté une véritable volonté d’avancer.
Finalement, c’est la vraie démocratie qui s’est exprimée aujourd’hui, à l’opposé de la vision sectaire, fermée, de certains groupes politiques !
Je comprends tout à fait que d’aucuns, parce qu’ils avaient voté contre la révision constitutionnelle de 2008, se soient d’emblée opposés au projet de loi organique qui la mettait en œuvre. Ils en avaient parfaitement le droit. Mais ils n’ont pas le droit de jouer sur un malentendu pour essayer de conforter leur position alors qu’une majorité s’est prononcée en faveur de la nouvelle autorité !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux très sincèrement vous remercier de l’état d’esprit dans lequel vous avez abordé la discussion de ce projet de loi organique et de ce projet de loi. Vous pouvez être fiers à la fois de ces textes, qui organisent une institution importante pour le développement démocratique de notre pays – nous serons ainsi à la pointe de ce qui peut se faire en matière de défense des droits et des libertés –, et de la manière dont vous les avez améliorés, en coopération avec le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 8 juin 2010 :
À quinze heures :
1. Projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 (n° 446, 2009-2010).
Rapport de M. Alain Gournac, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 504, 2009 2010).
Texte de la commission (n° 505, 2009-2010).
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
2. Questions cribles thématiques : « La justice, le point sur les réformes ».
À dix-huit heures et le soir :
3. Suite du projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART