Sommaire
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès, M. Marc Massion.
2. Organisme extraparlementaire
4. Communication du Conseil constitutionnel
5. Dépôt d’un rapport en application d’une loi
6. Défenseur des droits. – Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi (Textes de la commission)
Discussion générale commune : Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois.
MM. Jean-Claude Peyronnet, Jacques Mézard, Jean Louis Masson, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Nicolas About, Jean-René Lecerf, Jean-Pierre Michel, Yvon Collin, Richard Yung, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Louis Mermaz.
Mme le ministre d’État.
Clôture de la discussion générale commune.
7. Candidatures à des commissions mixtes paritaires
8. Défenseur des droits. – Suite de la discussion d’un projet de loi organique (Texte de la commission)
Motion no 81 de M. Robert Badinter. – MM. Robert Badinter, Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ; Mmes Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; Josiane Mathon-Poinat. – Rejet par scrutin public.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Adoption de l'article.
Amendement n° 38 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le ministre d’État, MM. Nicolas About, Bernard Frimat, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. – Rectification de l’amendement.
MM. le président de la commission, Bernard Frimat.
Suspension et reprise de la séance
9. Nomination de membres de commissions mixtes paritaires
10. Défenseur des droits. – Suite de la discussion d'un projet de loi organique (Texte de la commission)
Amendements identiques nos 37 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 60 rectifié de M. Alain Anziani. – Mmes Josiane Mathon-Poinat, Michèle André.
Amendements identiques nos 24 rectifié quater de M. Hugues Portelli et 68 rectifié de M. Nicolas About. – MM. Hugues Portelli, Nicolas About.
Amendement n° 3 de M. Aymeri de Montesquiou. – M. Aymeri de Montesquiou.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois ; Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; M. Jean-Claude Peyronnet, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Aymeri de Montesquiou, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Bernard Frimat. – Rejet des amendements identiques nos 37 et 60 rectifié.
MM. Nicolas About, Robert Badinter, Hugues Portelli, Jean-René Lecerf, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur. – Adoption, par scrutin public, des amendements identiques nos 24 rectifié quater et 68 rectifié.
M. Richard Yung. – Rejet de l’amendement no 3.
Adoption de l'article modifié.
Suspension et reprise de la séance
M. le président de la commission.
Amendement n° 39 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 7 de M. Aymeri de Montesquiou. – Devenu sans objet.
M. le président de la commission.
Amendement n° 96 de la commission. – Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 80 rectifié de M. Nicolas About. – MM. Nicolas About, le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 25 rectifié ter de M. Hugues Portelli et 69 rectifié de M. Nicolas About. – MM. Hugues Portelli, Nicolas About, le rapporteur, Mme le ministre d’État, M. le président de la commission. – Adoption, par scrutin public, des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 38 rectifié bis de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Adoption.
Amendement n° 82 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État. – Retrait.
Amendement n° 90 de la commission. – MM. le rapporteur, Jean-Pierre Sueur. – Adoption.
Amendements identiques nos 26 rectifié ter de M. Hugues Portelli et 70 rectifié de M. Nicolas About. – MM. Hugues Portelli, Nicolas About, le rapporteur, Mme le ministre d’État, MM. le président de la commission, Bernard Frimat. – Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 61 rectifié de M. Alain Anziani. – MM. Richard Yung, le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Rejet.
Amendements identiques nos 40 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 62 rectifié de M. Alain Anziani. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Richard Yung, le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 83 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État.
Amendements identiques nos 27 rectifié ter de M. Hugues Portelli et 71 rectifié de M. Nicolas About. – Mme le ministre d’État, MM. Hugues Portelli, Nicolas About.
Amendement n° 8 de M. Aymeri de Montesquiou. – Devenu sans objet.
Amendement n° 41 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendements identiques nos 1 de M. Jean-René Lecerf et 42 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Jean-René Lecerf, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Retrait de l’amendement no 1.
Amendement n° 2 rectifié de M. Jean-René Lecerf. – M. Jean-René Lecerf.
M. le rapporteur, Mme le ministre d’État, M. Bernard Frimat. – Rejet des amendements nos 83, 41 et 42 ; adoption des amendements nos 27 rectifié ter, 71 rectifié et 2 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
M. Jean-Pierre Sueur.
Amendements identiques nos 43 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 63 rectifié de M. Alain Anziani. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, Mme le ministre d’État, M. Bernard Frimat. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 84 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État.
Amendement n° 16 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 45 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendement no 17 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
Amendement no 18 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 44 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
M. le rapporteur, Mme le ministre d’État, M. Jacques Mézard, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet de l’amendement no 84 ; rectification de l’amendement no 16 rectifié ; adoption des amendements identiques nos 16 rectifié bis, 45 rectifié et de l’amendement no 17 rectifié ; retrait de l’amendement no 18 rectifié ; rejet de l’amendement no 44.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 28 rectifié ter de M. Hugues Portelli, 47 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 64 rectifié de M. Alain Anziani et 72 rectifié de M. Nicolas About. – M. Hugues Portelli, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Adoption des quatre amendements supprimant l’article, les autres amendements devenant sans objet.
Amendements identiques nos 6 de M. Aymeri de Montesquiou, 49 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 65 rectifié de M. Alain Anziani. – Devenus sans objet.
Amendement n° 86 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État.
Amendement n° 50 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat.
M. le rapporteur. – Rejet des amendements nos 86 et 50.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 51 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 66 rectifié de M. Alain Anziani. – Devenus sans objet.
Amendement n° 4 de M. Aymeri de Montesquiou. – Devenu sans objet.
Amendement n° 29 rectifié ter de M. Hugues Portelli. – M. Hugues Portelli, le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Adoption.
Amendement n° 87 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État, M. le rapporteur. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 52 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 67 rectifié de M. Alain Anziani. – Devenus sans objet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 5 de M. Aymeri de Montesquiou. – Devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Articles 16 à 17 bis. – Adoption
Amendement n° 53 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le ministre d’État, MM. le président de la commission, Jean-Pierre Sueur. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 9 de M. Aymeri de Montesquiou. – Devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 79 rectifié de M. Nicolas About. – MM. Nicolas About, le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Retrait.
Amendement n° 54 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 91 de la commission. – M. le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Adoption.
Amendement n° 55 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 10 de M. Aymeri de Montesquiou. – Devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 11 de M. Aymeri de Montesquiou. – Devenu sans objet.
Amendement n° 92 de la commission. – M. le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 12 de M. Aymeri de Montesquiou. – Devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 56 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 13 de M. Aymeri de Montesquiou. – Devenu sans objet.
Amendement n° 57 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Amendement n° 58 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendements identiques nos 30 rectifié ter de M. Hugues Portelli et 73 rectifié de M. Nicolas About. – MM. Hugues Portelli, Yves Détraigne.
M. le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Rejet des amendements nos 57 et 58 ; adoption des amendements identiques nos 30 rectifié ter et 73 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 31 rectifié ter de M. Hugues Portelli et 74 rectifié de M. Nicolas About. – MM. Hugues Portelli, Yves Détraigne, le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 32 rectifié quater de M. Hugues Portelli et 75 rectifié bis de M. Nicolas About. – MM. Hugues Portelli, Yves Détraigne, le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Adoption des deux amendements.
Amendement n° 14 de M. Aymeri de Montesquiou. – Devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 33 rectifié ter de M. Hugues Portelli et 76 rectifié de M. Nicolas About. – MM. Hugues Portelli, Yves Détraigne, le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Adoption des deux amendements supprimant l’article.
Amendement n° 88 du Gouvernement. – Mme le ministre d’État, M. le rapporteur. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 34 rectifié ter de M. Hugues Portelli. – MM. Hugues Portelli, le rapporteur, Mme le ministre d’État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaires :
Mme Christiane Demontès,
M. Marc Massion.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Organisme extraparlementaire
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Conseil d’orientation de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, en remplacement de Mme Bernadette Dupont, démissionnaire.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires sociales à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
3
Commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
4
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé M. le président du Sénat, le 1er juin 2010 que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation et le Conseil d’État ont adressé au Conseil constitutionnel trois décisions de renvoi de deux questions prioritaires de constitutionnalité (2010-15 QPC, 2010-16 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
5
Dépôt d’un rapport en application d’une loi
M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de Mme la Défenseure des enfants le rapport d’activité pour l’année 2009, établi en application de l’article 5 de la loi du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des lois et à la commission des affaires sociales ; ce rapport est disponible au bureau de la distribution.
6
Défenseur des droits
Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi
(Textes de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits (projet n° 610, 2008-2009, texte de la commission n° 483, rapport n° 482) et du projet de loi relatif au Défenseur des droits (projet n° 611, 2008-2009, texte de la commission n° 484, rapport n° 482).
Ces deux projets de loi feront l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale, la parole est Mme la ministre d’État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, moderniser notre démocratie, c’est certes moderniser nos institutions, mais aussi renforcer la protection des droits fondamentaux des citoyens.
La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a prévu un double dispositif dont, j’en suis persuadée, l’importance, cruciale pour la pratique quotidienne de la démocratie et le renforcement des droits de nos concitoyens, apparaîtra d’ici à quelques années.
Le premier élément de ce dispositif est la question prioritaire de constitutionnalité, entrée en application le 1er mars dernier. Le justiciable peut désormais obtenir l’abrogation d’une loi incompatible avec les droits et libertés protégés par la Constitution. Il me semble que l’importance de ce mécanisme est d’ores-et-déjà unanimement reconnue.
Le second élément est le Défenseur des droits, objet des projets de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui. Sa mise en place constituera certainement une avancée de la même ampleur que celle de la question prioritaire de constitutionnalité.
En l’espèce, il s’agit de renforcer les possibilités de recours non juridictionnels dont disposent nos concitoyens. Cette institution nouvelle, il faut le dire, placera notre pays à la pointe de la protection des droits et libertés.
L’institution du Défenseur des droits qui est l’objet des deux textes aujourd’hui soumis à votre examen tire les leçons de près de quarante années d’évolutions juridiques de différentes institutions.
Je mentionnerai en premier lieu l’expérience du Médiateur de la République, dont la création, permettez-moi de le rappeler, avait suscité à l’époque nombre d’interrogations, voire un certain scepticisme. Elle a en fait démontré l’efficacité d’une instance indépendante, proche du citoyen, chargée de défendre, face à l’administration, les droits de ce citoyen qui se retrouvait souvent, qu’on le veuille ou non, dans la position du pot de terre contre le pot de fer.
Mais l’histoire du Médiateur de la République a également montré l’intérêt que pourrait avoir pour nos concitoyens une accessibilité plus large et plus directe à l’instance de défense de ses droits.
D’autres institutions ont été créées par la suite. La multiplicité de ces instances, si elle témoigne de la diversité du sujet, ne garantit pas forcément une protection optimale dans chaque situation.
Quelle cohérence d’action en faveur d’un meilleur respect des droits des concitoyens peut-on construire, si des instances multiples aboutissent à des analyses, voire à des décisions, divergentes ? Quelle vision d’ensemble peut-on avoir de la défense des libertés, ou des menaces qui peuvent peser sur elle, dès lors qu’elle s’élabore selon une approche éclatée, sectorielle, et compartimentée ? Quelle peut-être la facilité d’accès du citoyen s’il ne sait pas à qui s’adresser précisément pour traiter de son problème ?
La création du Défenseur des droits tend à répondre à ces trois questions, en s’appuyant sur les expériences de ces dernières années.
Les projets de loi soumis à votre examen ont fait l’objet d’un travail approfondi de votre commission et, tout particulièrement de votre rapporteur, que je tiens à saluer.
Par rapport aux institutions qu’il remplace, le Défenseur des droits disposera de moyens renforcés et renouvelés. Sa mise en œuvre, je l’ai déjà dit, tirera les leçons de l’expérience des institutions antérieures.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à le souligner, le Défenseur des droits tient son autorité de la Constitution. C’est une nouveauté et il convient, dès lors, d’en tirer les conséquences. En effet, le Défenseur des droits doit disposer de moyens à la hauteur de sa mission. Pour cette raison, il bénéficie, par rapport aux institutions antérieures, de pouvoirs accrus, et d’une saisine plus facile.
Quels sont ces pouvoirs accrus ?
Premièrement, il s’agit des pouvoirs d’investigation et de contrôle. Les textes aujourd’hui soumis à votre examen prévoient de doter le Défenseur des droits d’un droit d’accès aux locaux, publics et privés, des personnes mises en cause, et ce évidemment sous le contrôle du juge. En conséquence, les personnes s’opposant aux contrôles effectués par le Défenseur des droits encourront des sanctions pénales, prévues dans le projet de loi complétant le projet de loi organique.
Deuxièmement, le Défenseur des droits dispose de pouvoirs d’injonction. Si les recommandations qu’il adresse aux personnes mises en cause ne sont pas suivies d’effet, il pourra leur enjoindre de prendre les mesures qui s’imposent et, en cas d’inertie, rédiger un rapport spécial susceptible d’être rendu public. De même, si, malgré les éléments portés à sa connaissance, une autorité administrative refuse d’user de son pouvoir disciplinaire, le Défenseur des droits pourra établir et publier un rapport spécial afin de garantir l’effectivité des sanctions.
Troisièmement, le Défenseur des droits jouit de pouvoirs d’intervention directe dans le règlement des litiges. Il pourra ainsi proposer à la personne mise en cause de conclure une transaction pour mettre fin au litige, mais également intervenir devant toute juridiction, dès lors qu’il l’estimera utile pour la protection des droits et des libertés. En outre, il pourra saisir le Conseil d’État d’une demande d’avis pour couper court aux difficultés qui proviendrait d’une divergence d’interprétations des textes applicables. À mes yeux, il s’agit d’une mesure pragmatique et utile.
Par ailleurs, au-delà du renforcement de ses pouvoirs, le Défenseur des droits voit sa saisine facilitée. En effet, toute personne s’estimant lésée au regard de ses droits et de ses libertés pourra le saisir directement. Bien entendu, je le rappelle, les parlementaires disposeront toujours d’un pouvoir de saisine, mais leur intervention ne sera pas obligatoire, comme c’est le cas pour le Médiateur aujourd’hui. La saisine du Défenseur des droits sera ainsi accessible à tous et, bien entendu, gratuite.
Le Défenseur des droits pourra même s’autosaisir dans les domaines de sa compétence lorsqu’il aura connaissances de difficultés. Bien entendu, un certain nombre de précautions seront prises afin d’éviter qu’il n’intervienne si l’intéressé ne le souhaite pas. Celui-ci devra avoir été averti et ne pas exprimer d’opposition à l’intervention du Défenseur.
Une exception a néanmoins été prévue afin de tenir compte du fait que les difficultés peuvent résulter de la famille elle-même. Pour défendre l’intérêt supérieur d’un enfant, le Défenseur aura donc la possibilité d’intervenir sans l’accord de ses représentants légaux.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Défenseur des droits est un acteur nouveau dans notre paysage institutionnel. Pour autant, il ne s’agit pas de faire table rase du passé. Il faut au contraire utiliser celui-ci pour enrichir une institution nouvelle et forte, laquelle bouleverse la situation de nos concitoyens face aux administrations, aux institutions ou aux personnes qui voudraient mettre en cause leurs droits ou leurs libertés, ou qui seraient susceptibles de le faire. L’instauration du Défenseur des droits s’inscrit donc dans la continuité du développement des institutions antérieures.
Il est prévu que le Défenseur des droits exerce les compétences du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, celles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, ainsi que celles, comme l’a souhaité la commission des lois, de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE. Pour autant – et c’est important –, cela ne signifie pas que les compétences et les missions de ces différentes institutions seront diluées dans l’institution nouvelle. Il ne s’agit pas de réduire ou d’atténuer la défense des droits et des libertés, mais au contraire de la conforter grâce à une institution plus forte et plus cohérente.
Pour prendre en compte la spécificité des différents domaines, le Défenseur sera assisté de collèges de personnalités qualifiées qui lui apporteront leur expertise. Ils seront consultés sur le traitement des réclamations en matière de déontologie de la sécurité, de protection de l’enfance et de lutte contre les discriminations.
De la même façon, le fonctionnement de l’institution favorisera la mise en commun des expériences et des bonnes pratiques. Ce que nous voulons, c’est conforter la défense. Il n’est pas question que chacun travaille dans son domaine et se cache de l’autre, car c’est souvent le manque de cohérence qui nuit à l’efficacité.
Les personnels et les dossiers des institutions antérieures seront donc transférés au Défenseur des droits. Chacun pourra faire valoir ses compétences dans le cadre d’une approche globale et mieux coordonnée de la protection des droits.
Le Sénat a souhaité renforcer la visibilité des différentes missions.
L’individualisation des missions renforcera l’efficacité de l’action du Défenseur des droits. Au-delà des collèges prévus par la Constitution, le projet de loi organique prévoit désormais que le Défenseur des droits s’appuiera sur des adjoints. Je salue l’amélioration apportée par la commission des lois sur ce sujet.
La place accordée au Défenseur des droits par la Constitution sera confortée dès lors que chacun restera dans son rôle. Le Défenseur des droits défend les droits, les adjoints et les collèges l’assistent et l’éclairent dans sa mission, chacun dans son domaine. Je pense que nous aurons l’occasion de revenir sur ce point.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ma présentation générale sera brève, car M. le rapporteur et les différents orateurs qui interviendront dans la discussion générale ne manqueront pas d’approfondir chacun des points que j’ai évoqués. Je soulignerai simplement que le Défenseur des droits donnera une ampleur totalement inédite à la protection des droits et des libertés des Français. Moderniser le fonctionnement de la démocratie, c’est se donner des institutions fortes. Tel est l’équilibre qui a été voulu par le Constituant.
Le Défenseur des droits permettra très concrètement de faire entendre la voix de nos concitoyens face à des administrations qui apparaissent parfois trop indifférentes au sort des personnes. En tant qu’élus, nous voyons de nombreuses demandes arriver régulièrement sur nos bureaux.
Il est indispensable que le citoyen se sente bien dans l’État, qu’il sache qu’il est pris en compte et qu’il est reconnu ; il ne doit plus se heurter à des murs, à des interlocuteurs qui refusent de voir la réalité telle qu’il la perçoit.
Le Défenseur des droits sera le défenseur de tous les droits, de tous les citoyens. C’est important pour la cohésion nationale. Personne ne doit se sentir ignoré, personne ne doit penser que ses droits et sa liberté sont mis en cause par l’attitude d’une institution, d’une administration ou d’une personne.
Le Défenseur des droits a donc vocation à étendre sa mission à tous les domaines couverts par les autorités administratives chargées de défendre les droits de nos concitoyens et par celles qui ne le seraient pas encore.
Pour ma part, je suis persuadée que le Défenseur des droits confortera nos principes, nos valeurs et nos ambitions en matière de liberté et de démocratie. Il contribuera à garantir la pérennité de notre pacte social et la cohésion de la nation, ainsi qu’à préserver l’unité de tous les Français, car, ne l’oublions jamais, l’unité de la nation est certainement notre bien le plus précieux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre d'État, mes chers collègues, depuis plusieurs années, la Haute Assemblée se préoccupe du sort des autorités administratives indépendantes.
Ainsi, en 2005, le défunt Office parlementaire d’évaluation de la législation m’avait chargé de rédiger un rapport sur ces autorités, ce qui m’avait alors conduit à constater qu’il y en avait trop – depuis, d’autres encore ont vu le jour – et qu’il était nécessaire d’envisager le regroupement de certaines d’entre elles statuant dans des domaines voisins.
Ce rapport avait ensuite donné lieu à un important débat au Conseil économique et social et au sein de l’Académie des sciences morales et politiques. Cette question a depuis lors été abordée par le comité Balladur, qui a proposé, dans son rapport intitulé Une République plus démocratique, de créer un défenseur – non pas des droits, un autre intitulé avait été trouvé – disposant de larges compétences afin de lui permettre de mieux assurer la défense des droits.
À cet égard, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a considérablement modifié les rapports entre l’État et le citoyen, même si on ne s’en est pas encore rendu compte. Ainsi, les questions prioritaires de constitutionnalité se développent. M. le président vient d’ailleurs de nous communiquer la liste des questions dont vient encore d’être saisi le Conseil constitutionnel. C’est là un bouleversement, une transformation considérable. Le Conseil supérieur de la magistrature pourra lui aussi être saisi par nos concitoyens. L’avenir nous dira ce qu’il adviendra de ce droit nouveau.
Le Défenseur des droits fait partie de cette catégorie nouvelle de protections améliorées des droits des citoyens dans une République plus démocratique.
Je me suis replongé dans les débats sur la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, en particulier dans ceux portant sur l’article 71-1. L’examen en première lecture à l’Assemblée nationale de cet article n’avait pas apporté beaucoup d’éléments. C’est son examen par le Sénat qui a donné toute sa dimension à cet article instaurant le Défenseur des droits.
Permettez-moi de vous donner lecture de cet article, car il est capital pour la suite : « Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences. » Le projet de loi organique peut attribuer au Défenseur des droits des compétences allant au-delà de celles qui sont prévues par la Constitution, ce que prévoit d’ailleurs le texte de la commission.
Je poursuis : « Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public ou d’un organisme visé au premier alinéa. Il peut se saisir d’office.
« La loi organique définit les attributions et les modalités d’intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions.
« Le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.
« Le Défenseur des droits rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement. »
Je dirai un mot sur la nomination du Défenseur des droits. Comme le président de la HALDE, le président de la CNDS, le Défenseur des droits des enfants ou le Médiateur de la République, le Défenseur des droits sera nommé par le Président de la République, mais – et c’est une nouveauté – après son audition par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat et leur vote. Ces commissions peuvent donc s’opposer à une nomination.
Jusqu’à présent, personne – et pourtant de nombreux articles ont été publiés sur ce sujet ces temps derniers – ne s’est plaint du manque d’indépendance du Médiateur de la République, de la Défenseure des enfants ou du président de la CNDS. Au contraire, tout le monde vante leur indépendance ! Or je rappelle que tous ont été choisis par le Président de la République, sans intervention du Parlement.
Je suis certain que, si l’une des commissions compétentes du Sénat ou de l’Assemblée nationale s’opposait, à la majorité relative, à la nomination d’une personnalité choisie par le Chef de l’État, celui-ci ne pourrait pas la nommer, d’une part parce que l’autorité de cette personnalité s’en trouverait diminuée, d’autre part parce que les médias jetteraient le discrédit sur cette nomination.
Par conséquent, je fais confiance au mécanisme constitutionnel. J’estime qu’il a fait ses preuves puisque personne ne reproche quoi que ce soit aux différentes personnalités qui se sont succédé à la tête des institutions que j’ai évoquées. Je ferme cette parenthèse. Je ne reviendrai pas sur ce sujet.
Je souhaite maintenant attirer votre attention sur le fait que l’article 71-1 s’impose à nous, législateurs organiques : nous devons le rendre applicable et faire en sorte que le Défenseur des droits puisse exercer la plénitude de ses attributions, telles que le Constituant les a définies. Si nous le « détricotions », le Conseil constitutionnel nous censurerait, car nous nous serions alors accaparés d’une compétence négative. Nous devons remplir la mission qui est la nôtre, c'est-à-dire rendre possible l’application de l’article 71-1.
Permettez-moi d’attirer votre attention sur l’appellation « Défenseur des droits ». Le Défenseur des droits n’est pas le défenseur des droits des citoyens, des apatrides, des enfants ou des personnes ayant fait l’objet d’une discrimination. Il est le défenseur de tous les droits. En vertu de la Constitution, il a une compétence générale, qui se substitue donc à celle des autres autorités, lesquelles seront désormais en situation d’infériorité par rapport à lui.
Ainsi, une autorité constitutionnelle va être mise en place.
Pour ma part, je comprends très bien le point de vue de ceux qui n’ont pas voté la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République ; ils restent simplement fidèles à la position qu’ils avaient adoptée à l’époque. Je tiens par exemple à saluer Mme Boumediene-Thiery, qui a parfaitement exprimé son opinion à l’égard du Défenseur des droits depuis 2008. Il y a une totale continuité dans son discours et sans doute dans le message qu’elle nous adressera aujourd'hui. De même, je salue l’attitude du groupe CRC-SPG, qui traduit elle aussi une continuité et une fidélité à une décision prise antérieurement. Ceux qui n’étaient pas favorables à la création du Défenseur des droits hier maintiennent leur position aujourd'hui. Très bien !
Toutefois, je souhaite préciser un élément. Nous sommes là non pas pour nous prononcer sur la création de cette nouvelle autorité, mais pour appliquer la Constitution ! Et comme la Constitution prévoit l’existence du Défenseur des droits, nous devons adopter le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire qui en déterminent les modalités d’application !
Cela étant, comme vous le savez, j’ai demandé à la commission d’adopter certains amendements déposés par le groupe CRC-SPG, par le groupe RDSE ou par le groupe socialiste. Vous voyez donc que je ne suis pas systématiquement hostile aux initiatives des opposants aux deux projets de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.
Simplement, ceux qui ont voté la révision constitutionnelle doivent à présent faire en sorte qu’elle puisse s’appliquer, en adoptant la loi organique.
Nous sommes en présence d’une institution nouvelle. Notre première interrogation a concerné le champ de compétences du Défenseur des droits.
En recensant les différentes autorités administratives indépendantes qui ont justement pour mission d’assurer d’une manière ou d’une autre la défense des droits et des libertés du citoyen, nous nous sommes aperçus que, outre les structures initialement visées par le projet de loi – en l’occurrence, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la CNDS –, nous devions également nous intéresser à d’autres organes.
Je pense en particulier à la HALDE. Comme je l’ai déjà indiqué – j’y reviendrai tout à l’heure –, je souhaite que cette autorité soit intégrée dans la nouvelle institution, et ce pour plusieurs raisons.
En revanche, nous n’avons pas souhaité intégrer, du moins dans l’immédiat, en raison de leur complexité, d’autres institutions pourtant également chargées de défendre les droits et libertés des citoyens.
En l’occurrence, je fais d’abord référence au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont la création remonte à deux ans seulement, autorité tout à fait intéressante qui a permis un certain nombre d’avancées. Selon l’actuel titulaire du poste, il serait logique que cette institution soit intégrée à terme. Dans l’immédiat, c’était visiblement prématuré ; deux ans d’expérience, ce n’est pas assez ! Il faut laisser se poursuivre un début d’expérience qui est très positif, même si M. Delarue ne sait pas toujours comment ses décisions sont appliquées par la suite.
Tout comme des délégués du Médiateur de la République sont présents au sein des établissements de détention, le Défenseur des droits, dont le champ de compétence couvrira tous les domaines, aura des représentants dans les prisons. Il sera également à l’écoute des enfants et des personnes victimes de discriminations. En d’autres termes, il sera chargé d’une mission générale, globale, de défense des droits !
Nous n’avons pas non plus retenu la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et ce pour une raison simple. Cette instance, gigantesque machine dont les fonctions ne cessent d’ailleurs d’augmenter, est un outil plus de régulation que de médiation ou de contrôle. Il était donc difficile de l’intégrer au sein du Défenseur des droits.
En revanche, madame le garde des sceaux, je souhaiterais que la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, soit fusionnée dans les plus brefs délais avec la CNIL. Cela va de soi, car les missions de la CADA sont de plus en plus liées à l’informatisation et à la numérisation. Il serait donc logique de l’intégrer à la CNIL.
Par conséquent, le projet de loi, tel qu’il a été modifié par la commission, intègre le Médiateur de la République, le CNDS, le Défenseur des enfants et la HALDE au sein du Défenseur des droits.
À ce stade du débat, je voudrais naturellement rendre hommage à chacune des institutions que je viens de mentionner. À l’évidence, aucune d’elle n’a démérité, et leurs responsables, leur président ou celui qui en tient lieu, sont dignes de toute notre admiration. D’ailleurs, nous avons entendu le Médiateur de la République, et nous allons bientôt entendre la Défenseure des enfants ou le représentant de la CNDS. Nous savons bien qu’ils ont effectué un travail important et qu’ils mènent une action positive.
Mais, justement, certains se sont plaints de l’absence de transparence de leurs décisions et de l’absence de suites efficaces donnée par l’administration à leur action.
Dès lors, le statut constitutionnel du Défenseur des droits renforcera toutes ces institutions, qui ont mérité à la fois l’admiration et le respect, du point de vue tant de leur fonctionnement que de la qualité des personnes nommées.
Dès lors, nous nous sommes livrés à un important travail de vérification, afin de nous assurer que le projet de loi reprenait bien l’ensemble des prérogatives, compétences et missions des autorités administratives indépendantes ainsi fusionnées. Nous avons donc réintégré les éléments qui avaient été oubliés dans le projet de loi. Nous avons évidemment conservé tout ce qui nous a semblé positif, y compris la référence aux traités internationaux qui nous lient, notamment en matière de défense des droits de l’enfant.
Nous avons mis en place les collèges, qui n’existaient pas auparavant, et nous en avons même créé un nouveau. Aujourd'hui même, nous avons démocratisé la composition de ces collèges en adoptant plusieurs amendements qui visent à permettre aux personnalités nommées de coopter, en raison de leurs compétences, un certain nombre de membres pour compléter les collèges.
Nous avons étendu l’ensemble des compétences des uns et des autres à chacune des missions, s’agissant notamment des visites et du droit de saisine. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit tout à l’heure par Mme le garde des sceaux ; c’était parfait ! Il suffit de se reporter à notre rapport pour se rendre compte que nous avons intégré tous ces éléments.
À cet égard, je proteste énergiquement et violemment contre les assertions contenues dans un certain nombre d’articles, parfois rédigés par des personnalités particulièrement éminentes qui ont raconté n’importe quoi ! Les auteurs de tels articles se sont uniquement fondés sur le texte présenté par le Gouvernement, sans tenir compte de la version issue des travaux de la commission. Ce n’est pas admissible ! En effet, on a diffusé de fausses informations. Certaines interviews de personnalités étaient biaisées d’emblée et ont contribué à instaurer un climat qui n’avait pas lieu d’être !
Permettez-moi également de m’élever vigoureusement contre les comportements, que je trouve inadmissibles, consistant à publier des pages complètes dans les plus importants journaux de notre pays pour la défense de tel ou tel organisme ! Ce n’est pas acceptable ! Pour notre part, nous n’avons pas fait cela. Nous n’avons pas acheté des pages dans les journaux Le Figaro, Le Monde ou Libération pour affirmer que le texte rédigé par la commission était le meilleur. Nous n’avons pas non plus téléphoné à chacun de nos collègues, les uns après les autres, pour leur indiquer dans quel sens il fallait voter…
Aujourd’hui, je lisais sur Facebook – d’ordinaire, c’est bien Facebook ! (Sourires.) – que le Sénat était un lieu de périls et qu’il valait donc mieux s’adresser à l’Assemblée nationale ! De tels comportements sont, je le répète, inadmissibles !
Je n’admets pas que de hautes autorités, comme celles que j’ai citées tout à l’heure comme étant exemplaires, aient eu recours à des pratiques aussi inacceptables ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Dans la discussion des articles, nous serons saisis d’un certain nombre d’amendements visant à supprimer l’intégration de telle ou telle institution au sein du Défenseur des droits.
Un tel détricotage, que je comprends lorsqu’il émane de nos collègues de gauche, ne me paraît pas justifié de la part de ceux qui ont voté la révision constitutionnelle. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 n’a pas constitutionnalisé le Médiateur de la République, ce qui n’aurait d’ailleurs servi à rien ; elle a institué un Défenseur des droits et l’a investi d’une série de prérogatives et de missions !
Comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, si le rôle du Défenseur des droits se limitait à celui du Médiateur, nous ne remplirions pas notre mission, qui est d’adopter une loi organique rendant possible l’application de l’article 71-1 de la Constitution !
De surcroît, le Défenseur des droits dispose d’une compétence générale. Dès lors, si nous maintenons un certain nombre d’organismes, il pourra s’y substituer à tout moment, en assurant la défense des enfants, des personnes discriminées ou des victimes de violation de la déontologie de la part des autorités de police…
Quelle serait l’utilité de maintenir de telles structures à part, alors que nous avons intégré, avec toutes les garanties possibles et inimaginables, tout ce que ces autorités ont de positif dans les attributions du Défenseur des droits ?
Nous sommes en présence d’une institution nouvelle, dont nous n’avons pas encore examiné les compétences, et nous ignorons pour le moment ce que cela donnera.
Mais, au final, nous aurons une autorité forte, puissante, fondée sur un réseau de délégués bénévoles sur tout le territoire national. Que ces délégués soient issus de la HALDE, du Défenseur des enfants ou du Médiateur de la République, nous allons les récupérer et ils travailleront ensemble, formant ainsi un réseau tel qu’il n’en existe nulle part ailleurs dans le monde, pour assurer en permanence la défense de tous les droits !
Alors, soyons optimistes et faisons en sorte de croire en cette institution, qui constitue un progrès démocratique indiscutable ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, lorsque nous avons auditionné en commission des lois Mme Rachida Dati, alors garde des sceaux, sur le périmètre des compétences du Défenseur des droits institué par l’article 71-1 de la Constitution tel qu’il résulte de la révision constitutionnelle du mois de juillet 2008, nous avons noté – c’est le moins que l’on puisse dire – un certain flottement dans ses réponses…
Pour notre part, nous n’étions pas franchement opposés à la création du Défenseur des droits. Même si nous aurions préféré en rester à une constitutionnalisation du Médiateur de la République, ce n’est pas pour cette raison que nous n’avons pas voté la révision constitutionnelle.
Mais à tout le moins fallait-il que nous puissions savoir quelles autorités administratives indépendantes seraient absorbées par la nouvelle institution.
Dès l’origine, chacun avait bien compris que le Médiateur de la République, très demandeur de la création d’une telle institution, en formerait le corps principal. Pour le reste, seule la CNDS fut évoquée par l’ancienne garde des sceaux, sans la moindre justification.
Par la suite, on nous a expliqué que le Défenseur des droits constituerait un progrès notable en matière de protection des administrés, que sa saisine serait facilitée et ne serait pas réservée aux seuls citoyens français et que cette nouvelle institution aurait vocation à remplacer toutes les autorités chargées de recueillir les plaintes des personnes s’estimant lésées par le fonctionnement d’un service public. Toutes les autorités ? Soit, mais encore ? Desquelles s’agit-il ? La CNDS, on vous dit ! La CNDS ! On nous a toujours cité cette institution, et aucune autre.
À tel point que la suspicion s’est immiscée dans nos esprits et que nous nous sommes dès lors demandé si une telle création, suivie de la disparition de la CNDS, n’était pas un prétexte pour se débarrasser d’une institution particulièrement gênante pour tout le monde, qu’il s’agisse de la hiérarchie ou des syndicats de la police, de la gendarmerie et de l’administration pénitentiaire.
Avouons que cette suspicion ne s’est pas totalement dissipée à la lecture du projet de loi du Gouvernement. Nous nous demandons toujours si le Défenseur des enfants n’a pas été absorbé par le Défenseur des droits par simple similitude ou effet collatéral. Car quelle logique préside à tout cela ? Et pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?
Monsieur le rapporteur, vous avez poussé plus loin la logique et transféré les compétences de la HALDE au Défenseur des droits. Nous n’approuvons pas nécessairement ce choix, mais il est logique. Alors, pourquoi ne pas poursuivre cette logique et faire disparaître, par fusion, la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, ou le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ? Sur ce dernier, vous nous expliquez que la situation n’est pas encore mûre, mais qu’on pourrait aisément concevoir une telle fusion, ne serait-ce que parce qu’un conflit risque de survenir entre les délégués du Défenseur des droits, qui pourront être présents dans les prisons, et ceux du Contrôleur.
Quoi qu’il en soit, enfin munie du texte gouvernemental après deux ans d’attente, la commission des lois a auditionné les autorités administratives indépendantes qui étaient concernées par la fusion avec le Défenseur des droits ou qui pouvaient l’être : autrement dit, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, la Défenseure des enfants, le Médiateur de la République, la CADA, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Vous en avez été témoin, monsieur le rapporteur, ce fut une levée de boucliers ! Toutes ces autorités – à l’exception du Médiateur, tout acquis ! – ont manifesté une opposition forte, claire et sans nuance, faisant valoir que la création du Défenseur des droits risquait d’affaiblir la protection des droits des citoyens.
Leurs inquiétudes s’articulaient autour de cinq idées essentielles : une perte d’indépendance, une dégradation de leur visibilité et de leur notoriété, un alourdissement de la procédure, une dilution de leur savoir-faire et de leurs compétences et la disparition d’une partie des missions qui leur sont actuellement confiées par la loi. La CNDS, tout comme la Défenseure des enfants ont par ailleurs déploré ne pas avoir été entendues avant que la décision concernant leur avenir ne soit prise.
Il se trouve que, pendant six années et jusqu’au mois de février dernier, j’ai participé de façon plutôt assidue aux travaux de la CNDS, au sein de laquelle je représentais le Sénat. Je m’appuierai donc sur cette expérience très enrichissante pour exprimer l’opposition de mon groupe à la disparition de cette institution, dont l’audience et la crédibilité n’ont cessé de croître au fil des ans, en France comme à l’étranger. Cette commission était composée de quatre membres du Parlement – deux députés et deux sénateurs, désignés sur une base paritaire entre majorité et opposition –, de membres de la Cour de cassation, du Conseil d’État, de la Cour des comptes et de personnalités qualifiées : hauts fonctionnaires de police, médecins, éducateurs, etc. La polyvalence de ces membres a représenté une grande richesse et favorisé une réelle collégialité, sur la base de laquelle les recommandations de la CNDS étaient adoptées. Cette décision collégiale clôturait un travail très approfondi des instructeurs, lesquels n’hésitaient pas, dans nombre de cas, à se déplacer pour auditionner toutes les parties prenantes de l’affaire concernée : plaignants, fonctionnaires suspectés de manquement à la déontologie, ou témoins.
Si le texte du Gouvernement était resté en l’état, la disparition de cette collégialité aurait représenté à l’évidence un amoindrissement de l’impartialité des avis et recommandations émis. De plus, contrairement à ce que prétend le Gouvernement, madame la ministre d'État, les pouvoirs d’enquête du Défenseur des droits auraient été limités. Ainsi le projet de loi prévoyait-il que les autorités mises en cause par une réclamation pouvaient interdire au Défenseur des droits toute investigation sur place, en invoquant des motifs tenant à « la sécurité publique » ou « à des circonstances exceptionnelles » : ces dispositions demeurent, mais elles ont été revues et atténuées par le rapporteur.
Par ailleurs, le texte initial du projet de loi disposait que le secret de l’enquête, en cas de procédure judiciaire, pouvait être opposé au Défenseur, ce qui le privait de l’accès aux pièces du dossier.
Enfin, le projet de loi prévoyait que le Défenseur n’avait pas à motiver ses décisions de rejet : cette disposition inadmissible a été également corrigée. Si le texte originel était resté en l’état, le Contrôleur de la déontologie de la sécurité se serait donc trouvé empêché de tous côtés de contrôler les services de sécurité et le Défenseur des droits n’aurait pas été tenu de justifier en droit ses propres décisions !
Monsieur le rapporteur, vous avez parfaitement mesuré les risques, les insuffisances et les incohérences du texte gouvernemental et vous avez réalisé un travail très important et très remarquable. Il est habituel de rendre hommage au rapporteur lorsque l’on intervient à la tribune, mais je le fais avec conviction car vos modifications sont très positives. Au demeurant, si la situation est désormais moins grave, elle n’est pas pour autant satisfaisante.
Vous avez beaucoup travaillé sur les collèges, qui font l’objet du chapitre premier du titre III du projet de loi organique, en particulier les articles 11 et 12 existants et les articles 11 A et 12 bis nouveaux. Vous étoffez de façon très significative la composition des collèges, dont l’effectif initialement prévu était limité à trois personnes, pour en faire, éventuellement, une transposition des conseils d’administration des différentes autorités administratives indépendantes concernées : la CNDS, la Défenseure des enfants et la HALDE. La collégialité pourrait ainsi être préservée.
C’est la pratique plus que la norme qui dira si, avec le temps, ces « sections » du Défenseur des droits – vous n’employez pas le terme – pourront acquérir une véritable originalité de fonctionnement et une relative autonomie. Vous ne pouviez pas aller plus loin, je le reconnais. Mais, du coup, vous laissez dépendre du comportement du Défenseur des droits lui-même la manière dont sa formation interviendra en matière de déontologie de la sécurité, de défense des droits ou de lutte contre les discriminations.
C’est un pari ! Mais il est un peu risqué, car le Défenseur des droits aura tous les moyens, s’il le veut, de faire acte d’autorité : c’est lui, et lui seul, qui propose et nomme ses adjoints, l’avis des commissions permanentes du Parlement n’étant que de pure forme – du moins, telle est mon opinion !
La présidence effective des nouveaux collèges sera ou non assurée par les vice-présidents, à la discrétion du Défenseur des droits. Le texte de la commission ouvre la possibilité d’une large délégation au bénéfice des vice-présidents, mais il n’élimine pas du tout la possibilité d’un fonctionnement très centralisé : le Défenseur des droits, et lui seul, en décidera. Vous comprendrez que cette tutelle d’inspiration monarchique ne nous satisfasse pas réellement !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Une monarchie limitée à six ans !
M. Jean-Claude Peyronnet. Je conclurai par deux remarques critiques : la première renforce notre scepticisme à l’égard du projet de loi, même réécrit par la commission, et la deuxième, que vous connaissez déjà, nous oriente vers une ferme opposition.
Premièrement, à l’exception notable du Médiateur, les autorités comme la CNDS et la Défenseure des enfants sont de petites structures, la première citée pouvant même être qualifiée de toute petite structure. Cette taille n’a pas nui à leur efficacité ; au contraire, elle leur a donné une grande souplesse de fonctionnement qui a joué pour beaucoup dans la qualité de leur action.
À l’inverse, vous créez une structure lourde, qui risque d’être très administrative, au mauvais sens du terme, entraînant lenteur, manque de lisibilité et coûts excessifs. L’histoire administrative de notre pays nous offre des exemples de ce type fâcheux d’évolution. Cette dérive pourra-t-elle être évitée ? J’en doute. En tout cas, j’invite par anticipation le Parlement à être vigilant et à bien exercer son pouvoir de contrôle administratif et financier.
À ce sujet, j’ajoute que le sort réservé aux délégués du Médiateur, de la Défenseure des enfants ou aux correspondants locaux de la HALDE ne semble pas clair. Les missions sont nouvelles : défense ou médiation, ce n’est pas exactement la même chose. Les délégués seront-ils omniscients ou continueront-ils à être spécialisés ? L’intervention de Mme la ministre a semblé apporter une réponse, mais j’aimerais que ce point soit précisé. J’attire l’attention du Sénat sur le fait que, dans le premier cas, nous nous priverions de cette irremplaçable culture du bénévolat, qui faisait la richesse des anciennes autorités indépendantes, nourrie par une longue expérience professionnelle. Au demeurant, si la professionnalisation des délégués se confirmait, elle serait l’assurance d’un coût supplémentaire.
Deuxièmement, même si vous n’y pouvez rien, monsieur le rapporteur – et vous avez d’une certaine façon répondu par avance –, le texte que vous défendez reste entaché du péché originel de l’article 13, dernier alinéa, de la Constitution.
En l’état, le mode de désignation qui y est prévu ne donne aucune garantie d’objectivité et, comme le Défenseur des droits choisira ses vice-présidents, l’absence de garantie entourant sa nomination s’étendra à ceux-ci. Ce n’est pas le simulacre de la confirmation par deux cinquièmes des membres de chaque commission des assemblées – puisque l’opposition doit réunir trois cinquièmes – qui peut masquer l’absence de démocratie présidant à ces choix.
Monsieur le rapporteur, vous le savez bien, car nous l’avons remarqué ensemble, en Europe, partout ou presque, les nominations importantes sont effectuées par le Parlement à la majorité qualifiée, qui oblige au consensus. Cette obligation n’expose pas à un risque de médiocrité, comme cela a été dit ; au contraire, elle représente un gage d’objectivité et de qualité, l’expérience l’a démontré. Certes, il ne vous appartenait pas de modifier la Constitution. Il demeure que ce mode de désignation est pour nous rédhibitoire : à lui seul, il renforce et justifie notre opposition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre d’État, ministre de la justice et des libertés, mes chers collègues, la création du Défenseur des droits résulte de la dernière révision constitutionnelle : il est chargé, en vertu de l’article 71-1 de la Constitution, d’exercer une compétence générale en matière de protection des droits et libertés. Cet objectif est largement partagé, reste à construire un édifice qui en assurera la réalisation, dans une société où l’être humain est de plus en plus solitaire face aux mécanismes bureaucratiques.
Peut-être est-il aussi pertinent, voire impertinent, de rappeler à ce moment du débat que la notion de droits a pour corollaire celle de devoirs, tant de la société que des citoyens.
Assurer la protection des droits fondamentaux de toute personne présente sur le sol national constitue de fait l’application des principes de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’expérience ayant démontré que la République avait souvent pris trop de libertés avec le respect de la liberté.
Le groupe du RDSE tient tout d’abord à saluer le travail de M. Gélard et la qualité de son rapport, dont plusieurs propositions constituent à ses yeux des améliorations du texte initial. Je note d’ailleurs que le Gouvernement lui-même avait déposé une dizaine d’amendements sur son propre texte avant le débat en commission. Lenteur et excès de vitesse s’entrechoquent parfois !
Parlons d’abord de ce qui fâche, c’est-à-dire, en premier lieu, de l’application de l’article 13 de la Constitution, tel qu’il résulte de la révision constitutionnelle – on ne pourra pas y revenir ! – et donc de la nomination du Défenseur des droits par décret en conseil des ministres, avec le seul barrage de la majorité négative des trois cinquièmes et, en cascade, la désignation directe par le Défenseur des droits de nombre de personnalités qualifiées appelées à siéger dans les collèges.
Il s’agit là, monsieur le rapporteur, d’une question de principe et, si vos arguments sont très convaincants, le principe demeure malgré tout. Certes, dans les faits, des désignations réalisées arbitrairement – mais régulièrement – par l’exécutif se sont révélées remarquables, car la qualité de la personnalité désignée, homme ou femme, est primordiale. Mais, s’il est un domaine où la désignation doit être la plus incontestable et la plus signifiante du point de vue de l’éthique, c’est bien celle du Défenseur des droits. Nous risquons de perdre une belle occasion de conforter davantage l’image première, voire l’aura, du nouveau Défenseur des droits ! mais c’est ainsi…
Certes, conformément à l’article 2 du projet de loi organique, le Défenseur ne devra recevoir aucune instruction et devra exercer ses fonctions en toute indépendance, mais ce serait encore mieux s’il n’était point redevable.
Sur le fond, deux logiques peuvent s’opposer.
Le Défenseur des droits, tel qu’il résulte des travaux de notre commission, intègre deux fonctions relevant de logiques différentes, le contrôle et la médiation, comme le reconnaît d’ailleurs l’étude d’impact.
D’un côté, il existe un risque que l’une de ces deux fonctions soit privilégiée et l’autre neutralisée, lorsqu’elles sont regroupées et exercées par une autorité unique. La cohabitation de ces deux missions peut donc devenir un exercice délicat.
D’un autre côté, il peut être justement considéré que cette fusion conférera davantage de force et d’autorité au Défenseur des droits.
Venons-en à la question du regroupement de plusieurs autorités administratives indépendantes : il est vrai qu’elles sont nombreuses, trop nombreuses – trente-quatre, me semble-t-il –, et que leur multiplicité n’est pas toujours un gage d’efficacité, ni d’économie budgétaire. Cependant, des autorités comme le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et la CNDS ont démontré leur utilité pour des coûts minimaux. De plus, l’expérience démontre que le manque relatif d’efficacité de leur action résultait surtout de l’absence de prise en compte de leurs constatations et recommandations par l’État : le rapport de la CNDS pour 2009 est frappant à cet égard, pour ne pas dire inquiétant. Nous pourrons avoir rapidement une idée de la réussite ou de l’échec du Défenseur des droits dans le domaine particulièrement exemplaire de la déontologie et de la sécurité.
Faut-il regrouper certaines autorités administratives ? Majoritairement, les membres de notre groupe n’y sont pas opposés. La proposition du rapporteur d’intégrer la HALDE dans le dispositif convient également à la majorité d’entre nous – j’ai d’ailleurs pu vérifier tout à l’heure que la totalité de notre groupe avait voté en faveur de la création de la HALDE.
Nous nous plaçons ainsi dans la tradition de la gauche démocratique réfractaire et combattant toute discrimination, plaie de notre société, du délit de « sale gueule » au refus de l’embauche ou refus du logement.
Respecter les minorités, faire en sorte que nul ne soit défavorisé en raison de sa religion, de sa couleur de peau, de son sexe, de son âge : sur tous ces plans, notre République est loin d’être exemplaire. Elle doit le devenir ! À cet égard, la question économique est d’ailleurs fondamentale, car la discrimination la plus dure, aujourd’hui, est celle qui est subie par les plus démunis, souvent des personnes sans soutien familial.
Je ne suis pas convaincu que le fonctionnement de la HALDE ait été parfait – il n’y a rien de parfait dans notre société ! J’en prends pour exemple les courriers menaçant de sanction pénale les élus des collectivités locales sans instruction préalable du dossier ou le retard à mettre en place les délégués départementaux en zone rurale. Curieux hasard, j’ai eu un cas de la sorte, dans mon département, il y a quelques jours !
Soyons clairs, mes chers collègues, au risque de ne pas toujours être « politiquement corrects » : la lutte contre les comportements discriminants, qui s’avère nécessaire et doit être efficace, ne doit verser ni dans la discrimination positive ni dans la dérive consistant à permettre à quelque minorité que ce soit d’imposer ses comportements à la République et, de fait, de ne point être concernée par les lois de la République. Pour aller jusqu’au bout de ma pensée, je dirai que nous avons jugé corporatistes certaines réactions et inopportune l’utilisation de fonds publics pour des campagnes promotionnelles.
Toujours dans un souci d’être direct, j’indiquerai que, s’agissant des autorités administratives indépendantes, la CNDS et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté retiennent tout particulièrement mon attention. En effet, ces autorités sont directement en friction avec les services de l’État, ce qui est normal. Pour des raisons qui ne sont pas techniques, leur sort sera différent. L’examen de leur évolution sera donc particulièrement instructif.
L’efficacité du Défenseur des droits va aussi de pair avec les moyens qu’il obtiendra. Ces moyens doivent permettre d’assurer un véritable maillage du territoire, ce que n’avaient fait ni le Défenseur des enfants ni la HALDE.
Avant de terminer mon propos, je souhaiterais faire deux observations.
Tout d’abord, s’il est judicieux de prévoir que le secret de l’enquête n’est pas opposable au Défenseur des droits en matière de déontologie et de sécurité, je suis toujours réservé sur la fragilisation progressive du secret professionnel.
Par ailleurs, les pouvoirs donnés au Défenseur des droits pourront, certes rarement, amener à des poursuites disciplinaires ou judiciaires non fondées. Monsieur le rapporteur, qu’en sera-t-il, dans ce cas, de la responsabilité du Défenseur des droits ? Faudra-t-il en venir à enclencher une procédure de droit commun, ce qui pourrait être cocasse ?
Bref, ce texte nous pose un problème de principe du fait de l’application de l’article 13 de la Constitution, mais il amène, par les propositions de la commission, un certain nombre d’avancées que nous reconnaissons.
S’agissant d’un texte touchant aux libertés fondamentales, chaque membre de notre groupe, conformément à ce qui fait l’originalité de celui-ci, exprimera sa position dans la liberté de vote habituelle. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et de l’UMP. - M. Jean-Louis Carrère applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, les projets de loi que nous examinons actuellement viennent en conséquence de la réforme de la Constitution. De ce point de vue, une certaine logique est respectée.
Il n’en reste pas moins que je m’interroge sur l’intérêt de mener des réformes dans tous les sens et dans tous les domaines… Compte tenu des problèmes qui se posent actuellement dans notre société, certains dossiers sont certainement plus urgents que cette frénésie de réformes, qui, parfois, touchent des dispositifs fonctionnant correctement. Dans le cas présent, rien ne dit que la nouvelle organisation sera plus performante que les différents organismes qui existaient auparavant.
Comme l’a signalé précédemment un autre intervenant, le projet vise à rassembler des fonctions de contrôle et des fonctions de médiation. Cela me semble quelque peu contradictoire. Peut-être l’autorité morale de celui qui aura en charge tout le système sera telle qu’elle favorisera les opérations de médiation et donnera plus de crédit aux missions de contrôle. Mais je ne suis pas certain qu’il y ait là un argument fondamental.
Je voudrais par ailleurs formuler deux remarques.
Premièrement, je regrette que cette réforme, si elle est décidée, ne prévoie pas d’intégrer dans le système le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je ne comprends pas très bien pourquoi on le laisserait en dehors du dispositif, alors que le Médiateur de la République y est inclus.
Deuxièmement, je considère que le Médiateur de la République est une institution très utile, dont la création a représenté une grande avancée pour notre société. S’il y avait une décision urgente à prendre, une réforme à mettre en œuvre absolument, il aurait peut-être été intéressant, plutôt que d’opter pour un regroupement de différentes structures, d’œuvrer pour l’amélioration du fonctionnement de cette institution. En effet, les délais de traitement des dossiers sont absolument épouvantables. Certains dossiers – j’en ai de nombreux exemples – mettent plus d’un an à être gérés par le Médiateur de la République.
S’il faut réformer, réformons ! Mais, dans ce cas, il faut veiller à ce que les différents organismes regroupés fonctionnent mieux après cette réforme qu’avant. C’est le vœu que je formule. Il est nécessaire que nous progressions sur les points qui posent problème ; je pense en particulier à la durée d’instruction de certains dossiers par le Médiateur de la République.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi organique nous donne, s’il en était besoin, l’occasion d’affirmer ici combien il est indispensable que soient défendus, reconnus et étendus les droits et les libertés dans leur diversité. C’est un combat au quotidien, un combat de longue haleine, consubstantiel à notre humanité !
Loin d’être une simple déclaration de principe, mon insistance en la matière se justifie d’autant plus – hélas ! – que notre pays est loin d’être irréprochable, qu’il se montre réticent à mettre en œuvre ses propres engagements nationaux et internationaux dans de nombreux domaines touchant aux droits individuels et sociaux et que nous assistons, depuis quelques années, à d’incessantes régressions, dont la frénésie législative pénale est une triste illustration.
Quant à l’opposabilité et à l’effectivité concrète des droits pourtant consacrés depuis si longtemps dans nos textes fondamentaux, notamment le préambule de la Constitution, elles sont à mille lieues d’être atteintes. La majorité a d’ailleurs refusé de les inscrire dans le texte lors de la révision constitutionnelle de 2008, comme nous proposions de le faire.
C’est dans ce contexte que nous sommes appelés à débattre des modalités de mise en œuvre du Défenseur des droits, institution issue précisément de cette révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, contre laquelle nous avons voté.
Dans le rapport de la commission des lois, la création du Défenseur des droits, auquel un article de la Constitution est consacré, était présentée comme participant du renforcement des dispositifs de protection des droits et des libertés. Nous partagions bien évidemment cet objectif et nous demeurons favorables à la constitutionnalisation de mécanismes de défense des droits.
Mais, à nos yeux, cet objectif a été contredit par les choix qui ont été faits. C’est pourquoi nous n’avons pas voté le nouvel article 71-1 de la Constitution.
Le présent projet de loi organique ne peut évidemment que confirmer les deux principales observations que j’avais alors émises au nom de mon groupe.
Ma première réticence portait sur la nomination du Défenseur des droits par le Président de la République, selon les modalités du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, le sort de l’article 13 nous permettant de nous exprimer souvent sur ce sujet, ces dispositions laissent en réalité tout pouvoir au Président de la République en matière de nomination. En effet, nous savons tous qu’il est pratiquement impossible, dans le système politique actuel, d’atteindre le minimum des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions permanentes concernées permettant de s’opposer au choix du Président de la République.
Contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport de la commission des lois, ce mode de désignation ne présente aucune garantie d’indépendance. Il aurait déjà été beaucoup plus démocratique de prévoir que le Parlement désigne le Défenseur des droits, à une majorité qualifiée par exemple. Dans les conditions actuelles, comment ce dernier pourrait-il être le contre-pouvoir évoqué par M. le rapporteur ?
Vous dites avoir pris exemple sur les ombudsmen ou, quelle que soit leur dénomination, les défenseurs des droits existant dans les pays étrangers. Mais la plupart d’entre eux sont justement désignés par les assemblées parlementaires de leur pays. Sur ce point, mes chers collègues, je vous renvoie à l’étude d’impact.
La décision qui a été prise de faire nommer le Défenseur des droits par l’exécutif est tout à fait significative et nourrit mes doutes sur la volonté réelle du Gouvernement de garantir le respect des droits.
La composition pluraliste des collèges, telle qu’elle figure dans le texte de la commission des lois, pourrait certes apporter des garanties.
Néanmoins, les vice-présidents de ces collèges sont eux-mêmes principalement choisis par le Défenseur des droits et ne sont donc que des collaborateurs de celui-ci, ce que nous a d’ailleurs confirmé le rapporteur en les qualifiant ainsi. En outre, le Défenseur des droits désigne les personnalités qualifiées. Par conséquent, il existe bien une hiérarchie, et la dépendance du Défenseur des droits à l’égard de l’exécutif n’est pas moins réelle.
La deuxième inquiétude que j’avais exprimée lors du débat sur la réforme constitutionnelle était relative à un sujet qui continue de nous occuper les uns et les autres.
Je veux parler du fait que le Défenseur des droits devait se substituer à plusieurs autorités administratives indépendantes, visées par le texte initial : le Médiateur de la République, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Défenseure des enfants. Restait ouverte la question de sa substitution à d’autres autorités : la HALDE, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, voire la CADA.
S’agissant du Médiateur de la République « généraliste », qui, comme son nom l’indique, est un médiateur entre l’administration et le citoyen, son remplacement par le Défenseur des droits ne pose pas de problème, en dehors des difficultés liées à la nomination exclusive par l’exécutif de personnalités pilotant les autorités administratives indépendantes, procédure que j’ai toujours critiquée. Compte tenu de ses missions et de sa non-spécialisation, cela risque de lui donner plus de poids en lui conférant un statut constitutionnel.
Il n’en est pas de même pour les autres autorités administratives indépendantes, supprimées par le texte que nous examinons aujourd’hui ou par la commission.
Le projet de loi organique n’a fait que renforcer nos inquiétudes : l’objectif est clairement d’intégrer toutes les institutions relatives aux droits !
La commission des lois, en ajoutant aux missions du Défenseur des droits celles de la HALDE, et ce juste après que le Président de la République a nommé une nouvelle présidente à la tête de cette autorité, s’est résolument inscrite dans cette voie.
Le processus est donc amorcé pour que le Défenseur des droits chapeaute toutes les autorités administratives indépendantes traitant des droits des personnes.
Le Gouvernement a donné un mauvais signal avec le texte qu’il a présenté, en « ignorant » les institutions existantes.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme n’aurait pas été consultée et n’a d’ailleurs pas manqué de le signifier. Elle se montre très critique sur le projet de loi. La crainte de ces critiques expliquerait-elle justement cette absence de consultation ? On se le demande…
Quant à Mme Dominique Versini, Défenseure des enfants, et M. Roger Beauvois, président de la CNDS, ils se sont chacun exprimés, nous le savons, et déclarent avoir été mis devant le fait accompli, ayant progressivement eu, à la lecture des projets de loi, confirmation de la condamnation de leur institution.
Dès lors, comment ne pas avoir quelques doutes sur les véritables intentions du Gouvernement ?
Vous avez pu constater, en effet, que ces autorités administratives, comme la HALDE, ont su, par leur composition ou encore par la pratique quotidienne de leur mission, acquérir un certain poids et une indépendance par rapport aux gouvernements successifs. Elles n’hésitent pas à dénoncer des faits ou des situations, ce qui n’avait pas l’heur de plaire.
La Défenseure des enfants en 2004 et la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, en 2005 n’ont-elles pas échappé de peu à une réduction de leur budget, qui venait sanctionner leurs prises de position ? Ce n’est pas un hasard, ces dernières étaient intervenues en 2004 pour la Défenseure des enfants et en 2005 pour la CNDS !
Je ne peux que tirer une conclusion de tout cela : la dilution de ces autorités dans l’institution du Défenseur des droits constitue, en réalité, une reprise en main.
Aucune des autorités administratives indépendantes existantes n’est parfaite, comme vient de le souligner notre collègue Jacques Mézard. Je l’avoue d’autant plus volontiers que j’ai plaidé pour davantage de pluralisme dans ces autorités et que je n’ai pas été entendue ! Néanmoins, elles n’ont encore qu’une courte existence. Malgré cela, ces instances ont su faire la preuve de leur pertinence et elles ont acquis une véritable reconnaissance sur le plan national comme international. Il serait très imprudent et dangereux de mettre fin aujourd’hui à leurs missions de cette façon.
La Défenseure des enfants procède de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989. D’ailleurs, Mme Versini, aujourd'hui Défenseure des enfants en France, est présidente de l’ENOC, European Network of Ombudspersons for Children, présent dans vingt-neuf pays d’Europe. L’ENOC est reconnu par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies et collabore étroitement avec le Conseil de l’Europe, la Commission européenne et les Nations unies.
La mission de la Défenseure des enfants est très large : protéger et défendre l’intérêt supérieur des enfants, y compris au regard des législations internationales, mais aussi promouvoir leurs droits.
La spécificité de la mission du Défenseur des enfants en fait un acteur de proximité et permet une vraie reconnaissance par les enfants concernés. La mise en place d’un collège, quelle qu’en soit la composition, et d’un adjoint au sein d’une grosse institution remettra nécessairement en cause cette proximité.
Vingt ans après l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant, la CIDE, une soixantaine d’États dans le monde ont institué un Défenseur des enfants indépendant ; ce chiffre ne cesse de croître.
Les pays dotés de Défenseurs des droits antérieurs à la CIDE ont d’ailleurs créé depuis des Défenseurs des enfants spécifiques. C’est notamment le cas de la Suède et de plusieurs pays nordiques.
Il paraît donc inconcevable que la France se distingue et veuille fondre son institution de Défenseur des enfants dans celle de Défenseur des droits, plus généraliste.
C’est d’autant plus inconcevable que le Comité des doits de l’enfant à l’ONU recommande aux États parties à la convention de « se doter d’institutions nationales indépendantes pour protéger et promouvoir les droits de l’enfant consacrés par la CIDE ». En juin 2009, le Comité des droits de l’enfant s’est d’ailleurs montré sévère à l’égard de la France dans ses observations finales.
La suppression du poste de Défenseur des enfants est également inconcevable à l’heure où croît dans notre pays le nombre d’enfants en situation de vulnérabilité et subissant les conséquences des difficultés sociales croissantes de leurs parents en matière d’emploi, de logement, de soins. À ces problèmes, vient s’ajouter une législation pénale qui nie de plus en plus l’enfance et autorise le placement des enfants en centre de rétention. C’est un point qui a été mis en évidence par la Défenseure des enfants, et c’est sans doute ce qui lui est reproché !
Nous avons voté à l’unanimité la loi du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants, laquelle s’ancrait dans une demande concrète puisqu’elle émanait d’une proposition du Parlement des enfants. Ceux d’entre vous qui étaient présents à l’époque, chers collègues, doivent s’en souvenir. Revenir sur ce vote serait nous déjuger. Écoutons plutôt, avant de dissoudre ce lieu de protection des enfants, ce qu’ont, par exemple, à nous dire les organisations rassemblées pour des États génÉreux de l’enfance.
J’ajoute que supprimer la fonction de Défenseur des enfants, quand nous venons lundi de donner notre accord à la ratification de la convention du Conseil de l’Europe pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, est bien contradictoire !
Quant à la CNDS, ses saisines n’ont cessé de monter en puissance depuis sa création le 6 juin 2000 : 19 en 2001 ; 152 en 2008 ; 228 en 2009 !
Personnellement, je l’ai saisie près de quarante fois depuis sa création, non par manie, mais parce que j’avais été informée de faits précis dans mon département. Cela signifie que les occasions de saisir cette instance sont nombreuses. Il faut y voir la conséquence d’une augmentation des atteintes aux droits de la part des professionnels chargés de faire respecter la sécurité. La politique ultra-sécuritaire que vous menez, la pression du chiffre et l’insuffisance des personnels ne peuvent que conduire à des excès.
Dans son dernier rapport, publié très récemment, la CNDS pointe toujours plus d’interpellations et de placements en garde à vue : 43 % de ses dossiers de police ou de gendarmerie concernaient en 2009 la garde à vue, contre 33 % l’année précédente. Elle dénonce l’usage systématique en garde à vue de la « fouille à corps ». Selon elle, sur 43 saisines, dans 80 % des cas, la fouille à corps ne se justifiait pas. Or vous savez qu’il s’agit d’un sujet sensible.
Sur 153 dossiers traités en 2009, la CNDS constate pour 78 dossiers, soit 65 % des cas, un ou plusieurs manquements à la déontologie de la part des personnels de la police. C’est dire combien la mission de la CNDS est, hélas ! justifiée. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que le ministère de l’intérieur et les syndicats de police ne la voient pas d’un bon œil.
Par ailleurs, le Comité contre la torture des Nations unies, pointant dans son dernier rapport sur la France ses préoccupations en matière de refoulement des étrangers, de violations des droits et de dignité des personnes arrêtées, gardées à vue, détenues ou emprisonnées, se dit inquiet des régressions qui pourraient naître de la création d’un Défenseur des droits unique. J’espère que l’amendement que j’ai déposé à ce sujet sera adopté.
Le projet de loi organique, qui prévoit de restreindre les pouvoirs d’enquête sur les lieux de privation de liberté accordés au Défenseur des droits, en remplacement de la CNDS, confirme cette appréciation.
Alors que la HALDE paraissait, au moins pour l’heure, échapper à la disparition, notre collègue Patrice Gélard, soutenu par la majorité, a décidé d’en finir aussi avec elle. Depuis cette décision, de très nombreuses organisations protestent : syndicats, associations de défense des droits généralistes ou œuvrant dans des secteurs aussi divers que le handicap, l’homosexualité, l’antiracisme. Et elles ont beaucoup à faire !
Ces organisations savent la pertinence des missions de la HALDE. Comme l’a souligné devant nous sa présidente, la HALDE a « permis de mettre fin à un sentiment d’impunité dans certains domaines », ce qui est exact.
Je vous conseille, là encore, mes chers collègues, la lecture du rapport de 2009 de cette institution : en cinq ans, la HALDE a été saisie de plus de 30 000 réclamations, ce qui a donné lieu à 1 418 délibérations du collège ; ses recommandations ont été suivies dans 64 % des cas et les observations qu’elle a présentées devant les tribunaux ont été suivies pour 78 % d’entre elles. Craindriez-vous d’avoir été dépassés par votre création ?
Champ de compétence, cible d’intervention publique ou privée, saisine par les seuls particuliers ou par des organisations, composition, fonction de contrôle ou de médiation, pouvoirs d’enquête diversifiés, pouvoirs de sanction ou pas, mise en œuvre ou non de poursuites pénales : ces contradictions n’ont pas échappé à M. le rapporteur, lequel a précisément tenté de concilier la mise en place d’un Défenseur constitutionnel avec les problématiques spécifiques de la défense de droits par nature très divers.
Il a donc affirmé que toutes les prérogatives et tous les moyens des autorités actuelles seraient conservés, et que leur visibilité serait maintenue grâce à la création d’adjoints sur les différents secteurs concernés : enfance, déontologie de la sécurité, discriminations.
Néanmoins, cela ne peut faire le compte, car c’est la disparition de la spécificité qui pose problème. Le champ d’intervention et les missions des autorités actuelles sont divers : prévention, médiation, dénonciation, injonction, création de droits. Cette spécificité me paraît constituer une véritable garantie, notamment en termes de proximité. La concentration sous une même autorité me paraît difficilement réalisable.
Le groupe CRC-SPG a déposé un certain nombre d’amendements visant à maintenir ces autorités. Nous défendrons également des amendements de repli afin de renforcer certaines dispositions. Quoi qu’il en soit, nous sommes pleinement conscients que la seule façon de sortir des contradictions de ces textes est de renoncer à la dilution des différentes missions en une seule autorité.
Avant de conclure, je ferai quelques remarques.
Je souhaite, notamment, dire un mot des moyens financiers. Les débats sur les crédits des autorités administratives indépendantes, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, ont montré l’absence de volonté du Gouvernement pour donner à ces dernières les moyens de fonctionner. Vous avez refusé de tenir compte de l’augmentation de leur activité. Nous avons même assisté à une tentative de réduire les crédits de la HALDE, ce qui augure mal des moyens dont disposera de Défenseur des droits. Nous ne pouvons que nous attendre à une concentration de moyens, incompatible avec la nécessité d’investigation et le besoin de proximité.
En 2008, la commission des lois avait auditionné le Défenseur du peuple espagnol, dont la fonction de Défenseur des droits s’inspirerait le plus. Celui-ci nous avait expliqué que ses attributions correspondaient globalement à celles du Médiateur de la République français et que, l’Espagne étant un pays fédéral, chaque région avait son propre Défenseur.
Il est donc difficile de s’inspirer de cet exemple puisque le Défenseur espagnol est bien loin de connaître l’ensemble des saisines que connaîtra le Défenseur des droits français, qui concentrera de nombreuses compétences. De plus, je rappelle que le Défenseur du peuple espagnol a été instauré dans la situation historique toute particulière de l’après-franquisme.
Il aura fallu près de deux ans pour en arriver à un texte finalement sans grande ambition, comportant, certes, un certain nombre d’avancées, mais aussi et surtout un nombre important de régressions !
Comme je l’ai souligné, il peut être positif d’inscrire dans la Constitution un Défenseur des droits, qui reprendrait l’ensemble des missions exercées aujourd’hui par le Médiateur de la République, mais avec des pouvoirs accrus. Je rappelle néanmoins que je ne suis pas d’accord avec le mode de désignation qui est prévu.
Cependant, au nom de mon groupe, je vous demande, mes chers collègues, de renoncer à votre projet et de réfléchir encore à la dilution des trois autorités indépendantes que sont le Défenseur des enfants, la CNDS et la HALDE dans les attributions du Défenseur des droits.
En n’accédant pas à cette demande, vous prouveriez que votre intention réelle est non d’accroître le contrôle aujourd’hui exercé par ces autorités indépendantes, mais bien de le restreindre.
Quant à la promotion de droits nouveaux, elle ne serait qu’un simple affichage pour couvrir une réalité toute différente.
Si vous me le permettez, je citerai la phrase écrite par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Delarue dans son rapport de 2009 alors qu’il traitait de la sécurité : « Certains droits fondamentaux sont même intangibles, c’est-à-dire qu’aucune nécessité ne saurait justifier qu’il y soit porté atteinte ». Nous avons encore beaucoup à faire pour nous y conformer.
C’est précisément pourquoi il ne serait pas acceptable de consacrer dans la loi des reculs en matière de protection des droits.
M. le président. Veuillez conclure, chère collègue !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parce qu’est absolument nécessaire un contrôle extérieur indépendant qui tienne compte des spécificités des domaines en jeu, mon groupe émettra, en l’état, un vote négatif sur ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec le projet de loi organique qui nous est soumis aujourd’hui, nous franchissons une étape supplémentaire dans la mise en œuvre des nouvelles dispositions importantes issues de la dernière révision constitutionnelle.
Ce texte fait partie des quelques dispositions législatives d’application de la révision de 2008 non encore examinées par le Parlement.
Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour rappeler qu’un important texte d’application n’a toujours pas, à ce jour, été déposé sur le bureau du Parlement, près de deux ans après l’adoption de la révision constitutionnelle.
Comme le soulignent les membres du comité de réflexion présidé par M. Édouard Balladur dans leur récent rapport La réforme institutionnelle deux ans après, le projet de loi sur le référendum d’initiative partagée n’a toujours pas été déposé sur le bureau du Parlement.
J’en viens aux textes que nous examinons aujourd'hui. C’est sur l’initiative du président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, que l’appellation « Défenseur des droits » a finalement été retenue et non celle de « Défenseur des droits des citoyens », comme le prévoyait le projet initial de loi constitutionnelle.
Ainsi, l’article 71-1 de la Constitution crée un Défenseur des droits, auquel toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public pourra adresser une réclamation.
Le Défenseur prend la suite d’une institution née en 1973, le Médiateur de la République, dont le succès ne s’est jamais démenti.
Il est aujourd’hui incontestable que cette institution a contribué à l’amélioration des relations entre les administrations et les citoyens. Durant toutes ces années d’activité, elle a traité plus de 750 000 réclamations et a émis plus de 750 propositions de réformes.
Parmi celles qui ont abouti en 2010, on peut citer la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dont nous débattions dans cet hémicycle il y a à peine quelques mois.
Il était important de rappeler ce succès, et plus généralement la popularité de cette institution, pour mieux mesurer l’importance de celle qui doit la remplacer, d’autant plus que le Défenseur des droits est une institution qui a vocation à aller bien au-delà de ce qu’était le Médiateur de la République.
En 2008, le Constituant a fait le choix de regrouper des autorités administratives indépendantes dont les missions étaient voisines, afin de consolider leurs attributions en les confiant à une autorité constitutionnelle dotée de pouvoirs renforcés.
Comme l’a rappelé notre excellent rapporteur, la commission des lois de notre assemblée a continué sur cette voie, allant plus loin que ce que prévoyait le texte déposé par le Gouvernement : elle a en effet décidé que le Défenseur des droits devrait reprendre l’intégralité des pouvoirs dévolus à la HALDE.
Ainsi, le Défenseur des droits sera compétent pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié par la France.
Je me félicite de l’initiative proposée par notre rapporteur concernant la HALDE. Je suis persuadé que ce rattachement ira dans le sens d’un renforcement de la lutte contre les discriminations.
Je me permets toutefois, monsieur le rapporteur, de regretter que la CADA ne fasse pas partie des autorités intégrées. Pour quelle véritable raison s’oppose-t-on à ce que ses missions soient reprises dès maintenant par le Défenseur des droits ?
Je souhaite revenir sur l’un des points important de la réforme : la saisine directe du Défenseur des droits.
L’article 4 du projet de loi organique permet à toute personne, physique ou morale, qui s’estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’une personne publique ou par une personne investie d’une mission de service public, de saisir le Défenseur.
Ce dernier peut également connaître d’agissements de personnes privées lorsque ceux-ci sont de nature à mettre en cause la protection des droits d’un enfant ou qu’ils constituent un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité.
On constate ici une autre différence par rapport au Médiateur : le Constituant a souhaité étendre le champ de compétence du Défenseur à la sphère privée. Par conséquent, la mission qui lui est confiée par la Constitution lui permet de traiter des réclamations mettant en cause des personnes privées.
La mise en place d’une saisine directe a pour objet de supprimer le filtre parlementaire obligatoire, dont chacun reconnaît qu’il est devenu obsolète au fil des ans.
L’article 7 dresse la liste des autorités publiques qui peuvent être amenées à saisir le Défenseur des droits par des voies de saisine complémentaires. Parmi celles-ci, certaines ont une réelle légitimité, d’autres apparaissent superflues, voire en contradiction avec la saisine directe.
Il me paraît utile que les membres du Parlement puissent, de leur propre initiative, saisir le Défenseur des droits d’une question. De même, il est légitime que le président de l’Assemblée nationale ou celui du Sénat puisse transmettre au Défenseur toute pétition dont l’assemblée a été saisie.
En revanche, qu’un député ou un sénateur puisse continuer à transmettre au Défenseur une réclamation individuelle alors que le texte instaure une saisine directe m’apparaît problématique.
Comment ne pas craindre de voir apparaître, dans les faits, deux types de réclamations, de poids différents, avec, d’un côté, les réclamations simples et directes et, de l’autre, celles qui sont présentées par un parlementaire ? D’autant que la commission a souhaité préciser que le Défenseur serait tenu d’informer les parlementaires des suites données à leurs transmissions : une telle modalité ne fait, à mon sens, que renforcer un peu plus le poids des réclamations transmises par un parlementaire par rapport à celles qui seraient adressées par voie directe.
Cette voie de saisine complémentaire ne me semble pas apporter de réelle plus-value. Elle risque, au contraire, de dévaloriser la saisine directe du Défenseur.
Pour toutes ces raisons, je vous présenterai un amendement visant à supprimer la possibilité pour un parlementaire de transmettre au Défenseur une réclamation individuelle pour un tiers, ce qui ne l’empêchera pas, bien entendu, d’en déposer une en son nom propre.
Le deuxième point sur lequel ce texte me paraît critiquable concerne le Défenseur des enfants, qui a été institué par la loi du 6 mars 2000. Le projet de loi organique prévoit son absorption par le Défenseur des droits. Or sa suppression risque d’avoir des conséquences néfastes, au regard tant des engagements internationaux de la France que de l’efficacité et, cela me semble plus important, du niveau de protection des droits des enfants.
La dilution du rôle du Défenseur des enfants dans celui du Défenseur des droits affecterait l’accessibilité ainsi que la lisibilité de l’institution aux yeux de ceux qui me sont les plus chers, les enfants. Aujourd’hui, le Défenseur des enfants est une autorité parfaitement identifiée et accessible directement aux enfants, qui ont ainsi un interlocuteur visible, reconnu, spécialement chargé de la défense et de la promotion de leurs droits.
Le Défenseur des enfants serait désormais remplacé par un simple adjoint, placé sous l’autorité directe du Défenseur des droits et n’ayant aucune autonomie d’initiative et de décision.
Je constate que nombre des pays qui ont conféré un rang constitutionnel à un ombudsman général, et cela depuis longtemps, ont, malgré tout, conservé un défenseur chargé des droits des enfants. J’ai défendu cette position durant des années au Conseil de l’Europe. C’est pourquoi il m’a semblé indispensable, par souci de cohérence et par conviction, de présenter un amendement visant à sortir le Défenseur des enfants du périmètre de la nouvelle entité qu’est le Défenseur des droits.
Pour finir, je tiens à saluer le travail réalisé par notre rapporteur, Patrice Gélard, qui a su apporter de nombreuses améliorations de fond à ce texte de mise en œuvre de la dernière révision constitutionnelle.
Je terminerai mon propos en rappelant l’une d’elles : le texte adopté par la commission des lois intègre une disposition prévoyant que le Défenseur des droits devra établir un règlement intérieur et un code de déontologie. Cette innovation, dont je me félicite, aura notamment pour objet d’éviter tout conflit d’intérêt et reflète, une fois encore, la qualité du travail réalisé par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, il ne me paraît pas anodin de rappeler que ce projet de loi organique relatif au Défenseur des droits s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Le Défenseur prend place au côté d’autres innovations majeures adoptées par le Constituant pour renforcer la protection des droits et libertés dans notre pays. Sans prétendre à l’exhaustivité, on peut à tout le moins citer la faculté pour le justiciable de contester la conformité à la Constitution de la loi qui lui est appliquée à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction ou l’ouverture à ce même justiciable de la saisine disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature.
La création du Défenseur des droits répond au même souci de renforcer la protection des droits fondamentaux, ce qui explique notre étonnement, pour ne pas dire notre frayeur rétrospective, lorsque nous nous remémorons combien le vote du Congrès de l’été 2008 avait été serré.
Désormais, dans la nébuleuse des autorités administratives indépendantes – ces objets juridiques non identifiés, pour reprendre l’expression de Patrice Gélard –, l’une d’entre elles brillera d’un éclat tout particulier en sa qualité d’autorité constitutionnelle de protection des droits.
Si l’on suit la commission, le Défenseur des droits reprendra les compétences du Médiateur de la République, autorité administrative indépendante qui est incontestablement la plus appréciée du grand public par son ancienneté et par le nombre et la qualité de ses interventions. Je ne peux d’ailleurs manquer de mentionner ici le rôle éminent joué par l’actuel titulaire de cette charge, notre ancien collègue Jean-Paul Delevoye.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Jean-René Lecerf. Mais le Défenseur reprendra également les compétences de la CNDS, du Défenseur des enfants et de la HALDE.
Il n’est guère contestable que la multiplication, voire la prolifération, des autorités administratives indépendantes pose aujourd’hui problème. Certaines d’entre elles, notamment les autorités de régulation, suscitent des interrogations en termes de démocratie.
En effet, comment le Gouvernement, qui est censé disposer de l’administration, pourrait-il endosser devant le Parlement la responsabilité d’autorités administratives indépendantes sur lesquelles il n’exerce, par hypothèse, aucun pouvoir de contrôle ?
D’autres, comme celles qui veillent à la protection de certains droits et libertés, inquiètent en raison de leur dispersion, dispersion qui ne peut manquer d’induire des effets pervers en termes d’efficacité, d’enchevêtrement des compétences et de coût.
Nous savons bien qu’il en allait ainsi jusqu’à présent pour les autorités dont le texte, modifié par les amendements de notre rapporteur, envisage le regroupement, et cela en dépit de l’unanime bonne volonté des uns et des autres.
Dans ces conditions, il importe de se poser deux questions aussi simples qu’essentielles.
D’une part, ce regroupement se traduira-t-il, même de manière infinitésimale, par une diminution des pouvoirs relevant jusqu’alors du Défenseur des enfants, de la CNDS ou de la HALDE, et donc par une régression en termes de protection des droits et libertés ?
D’autre part, l’institution du Défenseur des droits se limitera-t-elle à une mesure de simplification, au demeurant déjà opportune, ou permettra-t-elle de notables avancées dans tous les domaines relevant de sa compétence ?
Dans le remarquable rapport de notre collègue Patrice Gélard, un tableau répond à la première question bien mieux que ne pourrait le faire une longue argumentation. Ce tableau comparatif des pouvoirs du Défenseur des droits et de ceux des autorités de défense des droits et libertés qu’il remplace nous montre que, sur l’ensemble des pouvoirs et attributions, la solution maximale a été retenue.
Il en va ainsi pour les recommandations, tant en droit qu’en équité, pour la publication d’un rapport spécial, après recommandation et injonction non suivies d’effets, pour la transaction, pour la présentation d’observations devant les juridictions, pour la saisine de l’autorité disciplinaire, pour la demande d’avis au Conseil d’État, pour l’interprétation de dispositions législatives et réglementaires, etc.
Bref, dans tous les cas de figure, les pouvoirs sont portés à leur niveau maximal. Pour permettre au défenseur des droits d’assumer dans les meilleures conditions ses compétences et d’assurer une identification rapide par l’opinion publique de ses différents secteurs d’intervention, la commission des lois a, sur proposition de son rapporteur, largement précisé l’organisation interne de cette nouvelle institution.
Le Défenseur nommera ses adjoints, dont trois seront respectivement chargés de le seconder en matière de déontologie de la sécurité, de défense et de promotion des droits de l’enfant et de lutte contre les discriminations. Leur nomination sera soumise à l’avis des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat.
De même, il sera le président de chacun des trois collèges chargés de l’assister dans ses compétences spécifiques, dont la composition et le mode de désignation s’inspirent des règles actuellement en vigueur.
Ne peut-on, dès lors, interpréter la multiplication des réticences largement exprimées ces dernières semaines comme l’expression de la volonté, somme toute compréhensible, de toute institution à se pérenniser en l’état ?
Comme l’écrivait un ancien candidat à la présidence de la République, plus connu pour ses talents d’écrivain et de poète, Alphonse de Lamartine, « borné dans sa nature, infini dans ses vœux, l’homme est un dieu déchu qui se souvient des cieux ».
Alors peut-être recherche-t-on parfois dans les institutions l’immortalité à laquelle on ne peut prétendre dans notre nature humaine. Cela expliquerait que, de la CNDS au défenseur des enfants, de la HALDE au juge d’instruction, du département à la région ou du pays au schéma de cohérence territoriale, il soit finalement si difficile dans notre pays de toucher à quoi que ce soit !
J’en viens à ma seconde question. Je suis convaincu que l’avènement du Défenseur des droits marquera un saut qualitatif au regard de l’état actuel de notre ordonnancement juridique. Cette évolution tiendra notamment au surcroît d’autorité morale et de prestige dont disposera cette nouvelle autorité constitutionnelle et à sa capacité à imposer ses décisions.
J’éprouve le plus grand respect et la plus grande estime, cher Jean-Claude Peyronnet, pour la qualité du travail de la CNDS. Mais quand, après avoir pris connaissance de ses avis particulièrement pertinents, par exemple sur l’attitude de tel surveillant de prison, le rapporteur pour avis du budget de l’administration pénitentiaire que je suis constate que le même surveillant exerce toujours dans le même établissement avec les mêmes responsabilités, je ne puis m’empêcher de penser que notre appareil juridique a tourné à vide.
M. Richard Yung. Et ça va changer ?
M. Jean-René Lecerf. Qui peut imaginer que, demain, l’intervention du Défenseur des droits restera ainsi lettre morte ?
Mes chers collègues, bien des points pourraient encore être abordés. Quoi qu’il en soit, je rejoins totalement notre rapporteur, tant dans son souhait de ne pas intégrer le champ de la CNIL, notamment en raison de l’aspect technologique de sa mission, à celui du Défenseur des droits – tout en suggérant pour l’avenir l’absorption de la CADA par la CNIL – que dans sa décision de ne pas y intégrer, au moins à moyen terme, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Lorsque, en partie d’ailleurs grâce à l’action de ce dernier, l’univers carcéral sera digne des valeurs de la République, il sera temps de se demander si le rôle du Contrôleur général, qui est de veiller non seulement au respect des droits des personnes détenues, mais aussi à l’amélioration des conditions de détention, peut être fondu dans celui du Défenseur des droits.
Enfin, vous ne vous étonnerez pas que j’approuve sans réserve la consécration du principe d’autonomie budgétaire du Défenseur des droits, qui me rappelle un autre combat du Sénat et de sa commission des lois, concernant le Conseil supérieur de la magistrature.
Je formulerai deux dernières remarques.
Je souhaite, premièrement, appeler votre attention, mes chers collègues, sur le rôle essentiel joué par les délégués du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants et de la HALDE. Leur implication participe pour beaucoup aux résultats incontestables de ces autorités. Veillons à conserver leur grande souplesse de fonctionnement. N’oublions pas non plus qu’ils exercent leur activité à titre bénévole et qu’ils ne perçoivent qu’une indemnité représentative de frais.
Deuxièmement, je souhaite que, à l’occasion du vote de ces deux textes, un point puisse être fait sur les implantations immobilières des autorités administratives indépendantes, dont la localisation sacrifie trop souvent au superflu plutôt qu’elle ne répond au nécessaire. Autant les crédits alloués au Défenseur des droits devront additionner ceux des précédentes autorités, autant toute économie dans la mise à disposition des locaux permettra d’abonder les moyens de travail de l’institution. Cette remarque vaut d’ailleurs aussi pour bien d’autres autorités indépendantes.
Je ne voudrais pas achever cette intervention sans féliciter une fois encore notre rapporteur pour l’excellence de son travail et la détermination qu’il a mise à opérer les meilleurs choix pour la défense des droits, ni sans remercier le président la commission des lois d’avoir su ménager, naguère, en sa qualité de rapporteur du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, une importante marge d’appréciation au législateur organique. Il en a été fait bon usage dans la mise en place de ce Défenseur des droits, en qui je me plais aussi à voir l’avènement de l’ombudsman à la française que nous étions nombreux, depuis des décennies, à appeler de nos vœux.
Le groupe de l’UMP apportera donc tout son soutien au projet de loi organique et au projet de loi ordinaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, madame le ministre d'État, mes chers collègues, instituer un Défenseur des droits procède d’un postulat selon lequel la Constitution de 1958 n’offre pas de garanties suffisantes en matière de protection des droits et des libertés. Est-ce si exact que cela ? Personnellement, je ne le crois pas : les droits sont garantis et protégés par l’autorité judiciaire !
La dénomination « Défenseur des droits » est d’ailleurs curieuse. Il aurait mieux valu, n’en déplaise à notre cher président de la commission des lois, parler de Défenseur des libertés, car, pour défendre des droits, encore faut-il pouvoir sanctionner leur violation. Or le Défenseur des droits n’aura aucun pouvoir de coercition.
Mais il y a plus grave. La réforme proposée vaut en fait condamnation implicite de nombreuses autorités indépendantes. Pourtant, rien ne donne à penser qu’elles ont démérité, au contraire ; j’en veux pour preuve qu’elles sont de plus en plus sollicitées.
Le regroupement arbitraire – pourquoi les unes et pas les autres ? – sous une même autorité de compétences par nature différentes et obéissant à des logiques divergentes n’offrira pas les mêmes garanties de visibilité et risquera d’aboutir à une dilution des compétences. Cette décision n’était donc pas indispensable, monsieur le rapporteur, même si je tiens à saluer le travail que vous avez accompli.
La Constitution ne fixant pas de périmètre pour les pouvoirs du Défenseur des droits, il vous était loisible d’y mettre ce que vous vouliez. En sus des pouvoirs prévus par le Gouvernement, vous y avez donc inclus la HALDE. Pourquoi ne pas y avoir ajouté la CADA, la CNIL ou le Contrôleur général des lieux de privation de libertés ? J’ai une petite idée sur la réponse, mais nous y reviendrons tout à l’heure.
En attendant, je limiterai mon intervention à la suppression du Défenseur des enfants, qui est absolument inacceptable. La personne de l’enfant doit en effet être prise en compte en tant que telle. Or cela ne sera plus le cas.
Contrairement à ce que l’on pense souvent, dans une société de plus en plus injuste et égoïste comme l’est la société française, les enfants ne sont épargnés ni par la maltraitance ni par l’exploitation sexuelle. Tous ceux qui, de près ou de loin, s’occupent de la protection de l’enfance le savent.
Eh bien, désormais, les enfants ne trouveront plus l’oreille attentive que la loi du 6 mars 2000 leur avait offerte. C’est un recul par rapport aux engagements internationaux de la France, qui a été l’une des premières à ratifier la convention internationale des droits de l’enfant, comme par rapport à la convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant, adoptée à Strasbourg le 25 janvier 1996 et ratifiée par notre pays le 1er août 2007.
À ce jour, le Défenseur des enfants a traité environ 20 000 réclamations. Le nombre de saisines a même été en augmentation de plus de 10 % ces dernières années, ce qui prouve que l’institution a trouvé ses marques. D’ailleurs, 8 % des saisines émanent des mineurs eux-mêmes et un quart d’entre elles concerne des enfants âgés de onze à quinze ans. Ces chiffres prouvent bien que l’institution est connue et reconnue, notamment par la population concernée. Or je doute fort qu’autant de réclamations concernant des enfants arrivent jusqu’au Défenseur des droits.
Il est en effet à craindre que cette nouvelle institution, dont l’appellation ne correspond pas au vocabulaire que connaissent les enfants, fasse perdre sa spécificité à une instance qui a su prouver son efficacité et assurer sa visibilité.
Le texte tel qu’il est rédigé est en net recul par rapport aux missions actuelles du Défenseur des enfants, qui défend non seulement les enfants, mais également les droits qui leur sont attribués par la loi et par les conventions internationales auxquelles nous avons souscrit. En outre – et c’est peut-être là que le bât blesse le plus –, cette institution est appelée à donner son avis sur les différents projets de loi et décrets relatifs à la protection de l’enfance et au statut des enfants.
La France, comme je viens de le dire, a été l’un des premiers pays à ratifier la convention internationale des droits de l’enfant et à avoir mis en place cette autorité. Alors que quatre-vingts pays l’ont suivie en créant des autorités spécialement dédiées aux droits des mineurs, le dernier en date étant la Fédération de Russie, en 2009, notre pays fait aujourd’hui marche arrière !
C’est d’autant plus affligeant que, le 22 juin 2009, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU rendait un rapport dans lequel il notait les avancées de la France, mais où il pointait aussi ses insuffisances en l’invitant « à continuer à renforcer le rôle du Défenseur des enfants […] et à lui allouer les ressources financières et humaines suffisantes […] ». Ce même comité avait d’ailleurs noté, en 2002, que l’accès des enfants aux organismes susceptibles de protéger leurs droits était en général limité. Il est vrai que, depuis 2002, des progrès ont été accomplis à cet égard.
Quoi qu'il en soit, les recommandations des deux Défenseures des enfants que nous avons connues ont permis des évolutions législatives notables sur plusieurs points : l’accès des familles à leur dossier d’assistance éducative, l’accès des individus à leurs origines, la lutte contre les mariages forcés en élevant l’âge du mariage des jeunes filles de quinze à seize ans, la prise en charge des mineurs en zone d’attente.
Les Défenseures des enfants successives ont émis des critiques contre la loi relative à la prévention de la délinquance, qui instaure des peines planchers. Elles ont également pointé les graves dysfonctionnements de la France en matière de traitement des mineurs étrangers isolés et des familles étrangères retenues dans des centres de rétention administrative.
La disparition programmée de la Défenseure des enfants, à moins que le Sénat n’ait un sursaut de dignité, mes chers collègues, comme celle de la CNDS et, grâce à M. Gélard, de la HALDE paraissent donc en cohérence avec une volonté très actuelle de limiter au maximum l’influence de certains contre-pouvoirs. Il faut croire que leur indépendance dérange le pouvoir en place...
En fait, le Gouvernement prend le prétexte d’une réforme constitutionnelle qui ne l’y obligeait nullement pour faire disparaître des institutions indépendantes qui le dérangeaient. Trois institutions, qui sont autant d’exemples, sont supprimées : la CNDS, qui pointe chaque année les manquements des autorités de police et de gendarmerie ; la HALDE, qui a pris position contre les tests ADN – ils ont d’ailleurs été abandonnés depuis – ; la Défenseure des enfants, qui a critiqué la situation des mineurs étrangers en détention.
Si toutes les autorités indépendantes qui ont des compétences en matière de libertés individuelles avaient été regroupées sous la seule entité constitutionnelle du Défenseur des droits, alors oui, peut-être, la situation aurait été différente. Mais tel n’est pas le cas. Il faut donc bien l’admettre : le texte qui nous est présenté ne peut pas être voté en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, nous sommes enfin saisis, près de deux ans après la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, de la création de ce qui était présenté par les laudateurs de la réforme comme l’une des pierres angulaires de celle-ci, à savoir la création du Défenseur des droits.
Je regrette qu’il nous ait fallu attendre aussi longtemps pour débattre de cette institution, comme d’ailleurs de nombreux autres textes d’application de la révision de 2008. Ce retard, aussi fâcheux que récurrent, nous a déjà obligés à proroger le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature et, pour ce qui a trait au Défenseur des droits, celui du Médiateur de la République.
Cette situation est d’autant plus singulière que le Défenseur des droits doit constituer la première autorité indépendante dont l’existence est constitutionnellement garantie et que son domaine d’intervention est au fondement de ce qui fait notre République. Nous proposerons d’ailleurs par l’un de nos amendements de solenniser davantage cette autorité dans la Constitution.
L’évolution et l’extension en quelques décennies des formes de l’action administrative dans notre pays ont fait surgir des problématiques nouvelles, mettant en jeu le statut du simple citoyen face à une machine bureaucratique aux rouages parfois impénétrables. La création, puis la multiplication des autorités administratives indépendantes, les fameuses AAI, ont précisément eu pour objet de répondre à ce besoin d’une nouvelle régulation des relations entre administration et administrés, à la recherche de modes non contentieux de résolution des litiges.
À cet égard, le champ des droits fondamentaux est particulièrement balisé par ces autorités administratives indépendantes. Comme le relevait M. Gélard dans son rapport de 2006 consacré à ce sujet, l’hétérogénéité des statuts, des pouvoirs et des missions a toutefois induit la nécessité de mieux harmoniser leurs règles de fonctionnement, leurs garanties d’indépendance et leur contrôle démocratique.
Telle est la philosophie générale qui a présidé à la création du Défenseur des droits, conçu initialement par le comité Balladur comme destiné à se substituer « à l’ensemble des autorités administratives indépendantes qui œuvrent dans le champ de la protection des libertés ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Absolument !
M. Yvon Collin. Mes chers collègues, je ne peux naturellement qu’approuver le principe d’un approfondissement de la protection des droits et libertés fondamentaux auquel doit contribuer cette autorité.
Toujours sur le plan des principes, il est cohérent de voir dans le regroupement de différentes AAI spécialisées un vecteur de renforcement de légitimité, de crédibilité et finalement – du moins nous l’espérons – d’efficacité. La mutualisation des moyens peut créer un effet de levier favorable à une meilleure mise en œuvre des missions de médiation et de contrôle. C’est ce qui avait, par exemple, conduit en son temps à la fusion du Conseil des marchés financiers, de la Commission des opérations de bourse et du Conseil de discipline de la gestion financière au sein de l’Autorité des marchés financiers.
Malheureusement, comme souvent, il y a loin de la coupe aux lèvres. Le projet de loi organique que nous discutons aujourd’hui est en deçà des attentes légitimes, voire empressées, de tous ceux qui œuvrent à la défense des droits et libertés.
Nous le savons, l’accouchement de ce texte fut long. Il ménagea le suspense, hormis pour le Médiateur de la République, quant aux autorités qui seraient concernées par le périmètre du Défenseur des droits. La garde des sceaux de l’époque se montra assez évasive lors des débats de 2008, à telle enseigne qu’il nous fallut attendre le dépôt du projet de loi, en septembre dernier, pour découvrir qui était visé.
Je tiens à rappeler ici combien les membres de mon groupe sont attachés à la fonction et au travail de qualité du Médiateur de la République, qui n’a cessé de monter en puissance depuis son instauration en 1973. Les Radicaux de gauche sont fiers que l’un des leurs, je veux parler de Robert Fabre, ait occupé cette fonction de 1980 à 1986, en axant particulièrement ses travaux et ses rapports annuels sur le combat pour le civisme.
Ensuite, en tant que président du groupe du RDSE, je veux également rappeler que l’un de mes prédécesseurs, Jacques Pelletier, occupa cette fonction de 1992 à 1998 et que lui aussi fit beaucoup pour faire connaître et rendre accessible l’institution aux citoyens.
Les Radicaux, qu’ils soient de gauche ou de droite, ont toujours eu les qualités nécessaires pour occuper le poste de Médiateur, poste qui suppose sens de l’écoute et du dialogue, souci de la recherche du consensus ou du compromis, a fortiori dans une Ve République où le clivage bipolaire est toujours aussi marqué. Le poste de Défenseur des droits nécessitera bien évidemment ces mêmes qualités. (Sourires.)
Pour en revenir au périmètre d’action du Défenseur des droits, je suis favorable, avec la quasi-totalité des membres de mon groupe, à l’intégration du Défenseur des enfants et de la HALDE au sein du Défenseur des droits. Par nature, les missions de ces deux institutions se rapprochent de celles du Médiateur de la République en ce qu’elles s’analysent d’abord comme une médiation, prise au sens le plus large. C’est par le souci du compromis, la persuasion et le dialogue que l’on recherche le règlement d’un litige, parfois d’ailleurs en statuant d’abord en équité.
Ainsi, les missions fondamentales que sont la promotion des droits de l’enfant et la faculté de proposer des modifications des textes, aujourd’hui attribuées au Défenseur des enfants, trouvent une retranscription acceptable dans les dispositions du projet de loi organique.
Les choses se compliquent en revanche lorsque la surveillance de la bonne application d’une règle de droit entre en jeu. Le texte inclut ainsi, outre le Médiateur, la CNDS, le Défenseur des enfants et la HALDE, sur l’initiative de notre commission. Dont acte ! Mais les justifications de ces choix me paraissent suffisamment hasardeuses pour que l’on doute encore de leur bien-fondé, particulièrement en ce qui concerne la CNDS.
Depuis sa création, en 2000, celle-ci a su parfaitement remplir son office et combler un vide regrettable. Comme le prouve son rapport annuel, la CNDS, met en évidence par ses enquêtes les dysfonctionnements des services de sécurité, mais aussi les anomalies touchant au respect des libertés. Ses recommandations constituent chaque année un rappel salutaire à destination de l’ensemble des forces de sécurité quant au respect de l’état de droit. Elles ont ainsi abordé, au fil des années, la garde à vue, la détention des mineurs, l’usage du Taser, les fouilles corporelles ou encore la détention des étrangers.
Alors, pourquoi avoir choisi de faire disparaître la CNDS au profit d’une institution dont les pouvoirs en matière de déontologie de la sécurité constituent un « recul démocratique », comme l’énonçait Roger Beauvois, actuel président de la CNDS ?
Les pouvoirs d’enquête dévolus au Défenseur des droits sont inférieurs à ceux de la CNDS, même si la commission des lois a rééquilibré le dispositif. Le collège qui assistera le Défenseur des droits ne jouit pas des garanties d’impartialité et d’indépendance actuellement dévolues à la CNDS ; ne sont même pas imposées des qualifications spécifiques en matière de déontologie de la sécurité, sujet pourtant tout à fait particulier. De même, les incompatibilités prévues sont en retrait par rapport à celles qui s’imposent aujourd’hui aux membres de la CNDS.
Je regrette tous ces reculs, auxquels nous vous proposerons d’ailleurs, mes chers collègues, de remédier par les amendements que nous défendrons.
Je me réjouis en revanche que le projet de loi organique laisse subsister, au terme de multiples débats, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il aurait été regrettable que cette autorité soit supprimée, à l’image du sort réservé à la CNDS, alors qu’elle mène avec un zèle admirable le combat pour mettre fin à la situation désastreuse dans laquelle se trouvent nos prisons.
Je tiens ici à saluer le travail de Jean-Marie Delarue et me félicite qu’il puisse le poursuivre. Son action doit être aussi visible que possible si l’on veut réellement en finir avec des prisons aujourd'hui indignes, qui font honte à notre République.
Madame le garde des sceaux, votre projet de loi organique est affecté plus globalement par des doutes quant à la réelle indépendance du futur Défenseur des droits. Je ne doute pas de votre volonté de contribuer à l’affermissement de notre état de droit, mais les pouvoirs du Défenseur me paraissent bien trop en retrait pour que je puisse me satisfaire du texte.
Je songe plus spécialement aux modalités des visites domiciliaires en matière de déontologie de la sécurité, à l’opposabilité d’exigences de sécurité publique bien trop vagues, ou encore au secret de l’enquête, qui risque de retarder le déroulement du contrôle, notamment en cas de danger pour la santé d’un prévenu.
Je m’interroge également sur les moyens budgétaires dont disposera le Défenseur des droits, question sur laquelle nous évoluons encore dans un certain flou. Aura-t-il à sa disposition les crédits agrégés des AAI qui seront regroupées en son sein, ou passera-t-il lui aussi sous les fourches caudines de la RGPP, au nom d’une mutualisation qui camouflerait une réduction budgétaire à périmètre constant ?
Vous comprendrez, madame le garde des sceaux, qu’il subsiste à mon sens trop de doutes et d’interrogations pour que je puisse approuver ces textes. À cela il convient d’ajouter les réserves exprimées par mon excellent collègue Jacques Mézard concernant le mode de nomination du Défenseur des droits et l’absence d’une réelle possibilité de veto éventuellement opposé par les commissions parlementaires.
En conséquence, en l’état actuel du projet de loi organique et du projet de loi, avec plusieurs de mes collègues du RDSE, nous ferons le choix de nous abstenir, quand d’autres parmi nous inclinent à les approuver. Nous accorderons une attention particulière au sort qui sera réservé à nos amendements. En tout cas, aucun d’entre nous ne votera contre ce qui constitue malgré tout une avancée, même si elle est modérée et se situe en deçà de nos attentes. (Mme Béatrice Descamps, MM. François Trucy, Jean-René Lecerf et Bernard Frimat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, deux ans, c’est le temps qu’il aura fallu au Gouvernement pour donner corps au Défenseur des droits.
Cela prouve que l’introduction dans notre Constitution de l’article 71-1 a été quelque peu improvisée, en particulier s’agissant du périmètre de cette nouvelle autorité. Il a été rédigé de telle sorte que le Défenseur des droits puisse absorber tout ou partie des autorités administratives indépendantes. Dès lors, cet article apparaît comme une sorte d’« objet constitutionnel non identifié ».
Depuis 2008, le Gouvernement n’a jamais clairement livré sa vision concernant le périmètre de cette nouvelle autorité. Lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle, la précédente garde des sceaux, Mme Rachida Dati, avait même refusé de répondre à nos questions sur ce sujet.
Je rappelle que le comité Balladur sur les institutions proposait seulement de substituer le Défenseur des droits au Médiateur de la République et de lui conférer une existence constitutionnelle. (M. le président de la commission des lois manifeste qu’il ne partage pas ce point de vue.) C’est d’ailleurs la position qu’avaient défendue Robert Badinter, en commission, et Bernard Frimat, à Versailles, devant le Congrès.
Je voudrais formuler quelques remarques sur la version initiale du projet de loi organique.
Je tiens d’abord à souligner les déficiences de la méthode d’élaboration des deux présents textes. Il est inacceptable que le Gouvernement n’ait pas consulté en amont les autorités qu’il propose de rattacher au Défenseur. Il aurait pu au moins prendre connaissance de leurs critiques.
Si le Médiateur de la République a exprimé sa satisfaction, il n’en va pas de même des responsables des autres autorités. Bien sûr, ce ne sont pas eux qui font la loi, mais, au moins par courtoisie, il convenait de les interroger et de prendre note de leurs observations.
La Défenseure des enfants et le président de la CNDS nous ont justement fait part, lors des auditions, de leurs inquiétudes les plus vives. Ils craignent une perte d’indépendance et redoutent une dégradation de leur visibilité ou de la visibilité de leur action, tant à l’égard des réclamants que de leurs partenaires étrangers. Ils ne partagent pas non plus l’idée selon laquelle la création du Défenseur des droits, avec des compétences larges, peut conduire à un meilleur service rendu aux usagers.
L’étude d’impact m’a semblé pour le moins lacunaire. En 2008, dans son rapport relatif au projet de loi constitutionnelle, le président Hyest, qui nous guide avec sagesse, considérait que l’opportunité du regroupement d’autorités existantes au sein d’une même autorité constitutionnellement reconnue méritait une étude approfondie.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Richard Yung. Or, cette étude approfondie, nous l’attendons encore !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Richard Yung. Pardonnez-moi, monsieur le président, mais l’étude d’impact dont nous disposons n’est pas une étude approfondie !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Une étude d’impact, cela ne veut pas dire une étude approfondie : ce n’est pas la même chose !
M. Richard Yung. Ce devrait l’être, en tout cas selon ma conception !
Le principe qui sous-tend la réforme proposée, c'est-à-dire la fusion-absorption, est également contestable. Certes, les conventions internationales signées ou ratifiées par la France n’imposent pas que chacune des missions que le Gouvernement souhaite confier au Défenseur des droits soit attribuée à une autorité spécifique, mais les autorités que le Gouvernement entend supprimer ont déjà trouvé leur place dans le paysage social français et européen, voire international.
En outre, les instances internationales des droits de l’homme ont salué l’action de la CNDS et du Défenseur des enfants, et elles recommandent le maintien de ces autorités, le renforcement de leur rôle ainsi que l’augmentation de leur budget.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme, grande autorité morale, a exprimé un avis très critique sur ce projet de loi organique. Pour elle, « la disparition d’autorités administratives indépendantes spécialisées au profit du Défenseur des droits constituerait une régression pour la protection des droits de l’homme en France ».
Fin juriste, notre excellent rapporteur a considérablement amendé la copie du Gouvernement. Certaines dispositions qui lui paraissaient critiquables, voire irrecevables, ont été modifiées ou supprimées. Il a cherché à aligner le plus possible les pouvoirs du Défenseur des droits sur ceux des trois autorités fusionnées-absorbées.
Il a voulu également combler certaines lacunes. Ainsi, à l’article 4 du projet de loi organique, il a complété le texte du Gouvernement, qui ne faisait pas référence à la défense et à la promotion des droits de l’enfant consacrés par la loi.
Notre collègue Gélard a aussi amélioré les modalités de saisine d’office et les conditions dans lesquelles le Défenseur des droits peut être saisi par d’autres personnes que la personne lésée.
Autre amélioration notable : le Défenseur pourrait être saisi ou se saisir des différends susceptibles de s’élever entre les personnes publiques ou des organismes chargés d’une mission de service public et leurs agents.
L’élargissement de la composition des collèges du Défenseur des droits va dans le sens du respect de la pluridisciplinarité, qui était un des points forts de la CNDS et du Défenseur des enfants.
Je constate enfin que le rapporteur a supprimé la notion de « circonstances exceptionnelles » de la liste des motifs autorisant les personnes publiques à s’opposer à une visite du Défenseur, renforçant par là même ses droits.
Vous le voyez, nous ne sommes pas uniquement dans une posture critique : nous reconnaissons les avancées significatives que le rapporteur a pu faire faire au texte.
Pour autant, le projet de loi organique continue, selon nous, de soulever un certain nombre de problèmes importants. Il est même devenu d’autant moins acceptable, pour les raisons de fond que vous connaissez, que le rapporteur propose de faire absorber la HALDE par le Défenseur des droits, en créant un collège compétent en ce domaine.
En fait, nous avons le sentiment que la HALDE, la CNDS et le Défenseur des enfants font les frais de l’irritation du Président de la République et d’un certain nombre d’autres personnes. Cette réforme est un prétexte pour supprimer des autorités dont il n’est nullement prouvé qu’elles aient démérité, bien au contraire, comme l’a d'ailleurs souligné le rapporteur dans son intervention.
L’augmentation du nombre de requêtes traitées par chacune de ces autorités prouve leur utilité. D’après un sondage réalisé l’an dernier, 83 % des personnes connaissent par ailleurs l’existence de la HALDE.
L’absorption de la HALDE par le Défenseur n’est pas une surprise, car la presse s’est récemment fait l’écho de rumeurs persistantes allant en ce sens. Depuis sa création en 2004, elle a fait l’objet de nombreuses attaques de la part du pouvoir exécutif et de certains parlementaires… de la majorité. Chaque année, des députés UMP présentent des amendements visant à réduire les crédits de cette autorité qui dérange. Il en va de même pour la CNDS.
D’aucuns affirment que le Président de la République s’agacerait depuis plusieurs mois de l’influence grandissante de la HALDE, qui se serait prétendument arrogée des pouvoirs comparables à ceux du législateur et du juge constitutionnel. En particulier, le chef de l’État n’aurait pas apprécié que cette autorité s’oppose à certaines dispositions concernant le RSA et critique le projet de mise en œuvre des tests ADN pour les candidats à l’immigration, lequel a suscité un débat dont chacun se souvient.
Contrairement aux rumeurs qui circulaient, pour faire disparaître la HALDE, notre rapporteur ne propose même pas d’attendre la fin – prévue le 17 avril 2015 – du mandat de sa nouvelle présidente, Mme Jeannette Bougrab. J’avais pourtant cru comprendre que chaque autorité serait absorbée à l’expiration des fonctions de son président…
Au demeurant, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas non plus pris en considération l’avis de Mme Bougrab. Bien sûr, vous êtes libre d’agir ainsi, mais avouez que c’est lui faire une curieuse manière que de la remercier deux mois à peine après qu’elle a été nommée !
Je crains également pour la survie du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, même si, pour l’instant, celui-ci est préservé, au motif que son travail, tout à fait spécifique, permettra de faire évoluer sensiblement la situation de nos prisons et autres lieux de privation de liberté. Pour ma part, je pense qu’il fera beaucoup pour la défense des libertés, mais je ne crois pas qu’il pourra faire grand-chose pour l’amélioration de l’état des prisons. Nous savons tous – ce n’est pas la peine de diligenter de nouveaux rapports pour nous en assurer : des pièces entières en sont déjà remplies ! – qu’il ne permettra pas de régler le problème.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La situation des prisons s’est tout de même beaucoup améliorée depuis que vos amis ne sont plus au pouvoir !
M. Richard Yung. Certes, monsieur le président de la commission, elle s’est améliorée dans la période récente ; mais c’est parce que vous avez mis en œuvre la politique que nous proposions depuis longtemps, à savoir le développement des mesures alternatives à l’incarcération !
C’est bien grâce aux solutions que nous préconisions que les prisons n’accueillent plus aujourd'hui que 60 000 personnes…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas seulement ! Des programmes immobiliers ont aussi été lancés.
M. Richard Yung. … et nous sommes heureux de constater que nos idées ont fini par marquer les esprits.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous en parliez, nous l’avons fait !
M. Richard Yung. Les conditions de la nomination du Défenseur des droits – les trois cinquièmes des membres des commissions parlementaires concernées peuvent s’opposer à la décision du Président de la République –, ne sont pas acceptables pour nous.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela se passait déjà ainsi auparavant !
M. Richard Yung. Certes, monsieur le président, mais ce n’est pas là un bon argument ! Nul ne peut se prévaloir de la turpitude d’autrui !
On aurait pu saisir l’occasion de la révision constitutionnelle pour améliorer ce système et faire en sorte, par exemple, que le Parlement désigne le Défenseur des droits et qu’une commission parlementaire suive le travail de défense des libertés ; c’est d'ailleurs ce qui se passe dans de nombreux pays. Une telle réforme aurait marqué un véritable progrès. Qu’elle n’ait pas été réalisée dans le passé ne justifie nullement qu’on ne la réalise pas aujourd'hui !
Il s'agit là du péché originel de la réforme, et il ne peut être effacé – pas même par la confession ! – parce qu’il est de nature constitutionnelle.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous êtes un curieux théologien ! (Sourires.)
M. Richard Yung. Je suis huguenot, monsieur le président de la commission ; je ne suis donc peut-être pas le plus qualifié sur ces questions ! (Nouveaux sourires.)
Madame la garde des sceaux, lors de votre audition devant notre commission, vous déclariez vouloir créer une autorité qui soit, en quelque sorte, un modèle en matière de défense des droits et des libertés. Or je crois que le regroupement au sein d’une même institution de ces organismes de nature différente n’offrira pas des garanties identiques, en termes de visibilité, de lisibilité et d’efficacité.
Pour toutes ces raisons, nous proposons le maintien et le renforcement des autorités administratives indépendantes, ainsi que la constitutionnalisation et la consolidation du Médiateur de la République. Nous déposerons des amendements en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, pour commencer, permettez-moi de m’adresser à notre rapporteur, M. Gélard, qui m’a interpellée tout à l'heure, afin de lui indiquer que, étant démocrate, je me conformerai à la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, votée le 21 juillet 2008, sans ma voix il est vrai.
Je me félicite d'ailleurs que cette réforme ait été utile sur un point au moins : en constitutionnalisant le Défenseur des droits. Il est vrai que la France, à l’instar de ses voisins européens, se devait de disposer d’une autorité constitutionnelle en matière de protection des droits fondamentaux.
Toutefois, nous n’avons jamais envisagé que l’autorité constitutionnelle ainsi créée puisse se transformer en une holding administrative des droits, dont les contours répondent peut-être plus à une volonté de rationalisation budgétaire qu’au souci d’assurer une protection effective des droits de nos concitoyens.
En effet, le projet de loi organique substitue le Défenseur des droits à plusieurs autorités administratives indépendantes, au premier rang desquelles se trouve le Médiateur de la République. Sur ce point précis, nous sommes parfaitement en phase avec le texte. Néanmoins, selon nous, cette démarche d’absorption aurait dû s’arrêter là.
En effet, la constitutionnalisation d’une autorité chargée de défendre les citoyens répondait parfaitement au souci du constituant d’assurer une protection renforcée des libertés et des droits fondamentaux.
Je comprendrais et j’accepterais tout à fait que nous élevions le Médiateur de la République à ce rang constitutionnel. Malheureusement, madame le garde des sceaux, vous allez beaucoup plus loin à travers ce projet de loi organique puisque vous étendez cette démarche à diverses autorités indépendantes aux compétences spécifiques, chargées de la protection des droits et des libertés dans des domaines tels que la sécurité et la déontologie, pour la CNDS, du droit des enfants, pour le Défenseur des enfants, ou encore, désormais, de la lutte contre les discriminations, pour la HALDE.
Monsieur le rapporteur, si nous pouvons vous donner acte d’avoir largement enrichi ce texte, par exemple à travers la saisine directe du Défenseur des droits, la mention explicite de l’indépendance de ce dernier, le caractère pluridisciplinaire des collèges, l’intégration d’une mission de promotion des droits de l’enfant et la motivation des refus de se saisir d’une situation, en revanche, nous regrettons que vous ayez parachevé le processus de fusion en intégrant la HALDE dans le périmètre de compétence du Défenseur des droits. Il s'agit là d’un point essentiel de désaccord entre la majorité et l’opposition : nous refusons en effet toute opération de dilution des autorités administratives indépendantes existantes.
Or le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui prévoit en réalité une véritable braderie des droits fondamentaux : quatre autorités administratives indépendantes pour le prix d’une !
Pour couronner le tout, on ne garantit pas la poursuite des contrats de droit public des agents non titulaires puisque seuls les magistrats et les fonctionnaires en détachement ou mis à disposition seront concernés par le principe de la continuité.
Il s'agit là, selon nous, d’une grossière erreur, qui ne manquera pas d’entraîner des conséquences néfastes en ce qui concerne l’effectivité de la protection des droits fondamentaux de nos citoyens. La grosse machine institutionnelle qui va naître de ce texte nous inquiète, et cela pour plusieurs raisons.
La première concerne l’indépendance de cette autorité, ainsi que celle des collèges qui lui seront adjoints. La réforme constitutionnelle de 2008 a gravé dans le marbre un principe qui, en lui-même, était contestable, celui de la nomination du Défenseur des droits par le Président de la République, selon la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’était déjà le cas pour le président de la HALDE !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Or cet article n’encadre nullement le pouvoir de nomination du chef de l’État, dans la mesure où les commissions des assemblées ne peuvent s’opposer à la décision du Président de la République qu’à la faveur d’un avis négatif réunissant les trois cinquièmes de leurs membres. Le pouvoir ainsi offert au Parlement est totalement illusoire et largement inutilisable ! Dès lors, le Président de la République sera en réalité le seul commandant à bord : il pourra choisir le candidat qui lui conviendra.
Cette procédure, appliquée aujourd'hui au Défenseur des droits et hier, déjà, à d’autres institutions, comme vous l’avez signalé, monsieur le président de la commission, n’offre pas les gages d’une indépendance effective.
Nous nous trouvons là au cœur du problème : par leur indépendance, les autorités administratives appelées à être supprimées gênent. Elles sont le poil à gratter de l’état de droit. Elles nous rappellent que nul ne peut se soustraire au respect des libertés et des droits fondamentaux, et moins encore les organes de l’État.
Je prendrai pour exemple la CNDS, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, que je sollicite assez fréquemment et qui, depuis plus de neuf ans, accomplit un travail extraordinaire. Avis après avis, cette autorité a prouvé, en dépit des moyens dérisoires qui lui sont dévolus, la pertinence de son action et de ses méthodes. Elle a su s’installer durablement dans le paysage français de la protection des libertés et du respect des droits.
De même, c’est grâce à son indépendance que la Défenseure des droits a pu pointer du doigt le traitement réservé en France aux mineurs isolés ou aux enfants placés dans les centres de rétention administrative.
Nul ne sait si, sans l’indépendance de ces autorités, tous ces problèmes auraient reçu l’attention qu’ils méritaient. Que deviendront, demain, ces institutions, une fois qu’elles auront été fusionnées au sein du Défenseur des droits ? Un simple bureau des plaintes à caractère strictement administratif, j’en ai bien peur !
Le deuxième problème que pose ce projet de loi organique porte sur la fin de la spécialisation des autorités administratives. En effet, ce principe garantit aujourd'hui la visibilité des actions que ces institutions ont su entreprendre depuis des années ; en outre, il permet à ces dernières de bien connaître leur champ d’intervention, et donc d’être véritablement efficaces.
Il s'agit là d’un point essentiel : à des autorités identifiées selon des problématiques précises se substituera une entité « froide », globalisante, dans laquelle les spécialités seront assurées par des collèges aux pouvoirs très limités. Toute initiative procédera du Défenseur lui même, qui appréciera souverainement les réclamations ou les avis qui lui seront soumis. Les collèges ainsi que les adjoints du Défenseur ne pourront agir que dans la mesure où ils y seront autorisés. Ils seront, en quelque sorte, placés sous la tutelle du Défenseur des droits.
D’ailleurs, il suffit de lire les amendements déposés par le Gouvernement pour comprendre que, en réalité, la logique suivie à l’égard des collèges spécialisés consiste à les museler, voire à les effacer. En effet, le Gouvernement ne souhaite leur donner aucune indépendance ni aucune autonomie : ils ne procèdent que de la volonté du Défenseur, qui lui-même ne relève que de celle du Président de la République.
Mes chers collègues, je vous renvoie à cet égard à l’amendement n 89 au projet de loi organique, qui vise à supprimer la mention d’une quelconque indépendance des adjoints du Défenseur ; on imagine aisément que celle-ci serait source de gêne pour un Gouvernement dont les méfaits dans le domaine des libertés publiques sont patents !
Certes, monsieur le rapporteur, nous reconnaissons que votre résistance, votre opposition catégorique à certaines tentatives du Gouvernement sont louables, mais nous verrons quelle vision l’emportera au cours du débat.
En tout cas, cette centralisation et la perte de visibilité qu’elle entraîne représentent un véritable danger pour les droits fondamentaux dans notre pays. En effet, la fin de la spécialisation et de la compétence ne manquera pas d’aboutir, à terme, à une moindre efficacité dans le contrôle.
Le troisième problème que pose le projet de loi organique concerne les missions consultatives des autorités administratives indépendantes.
C’est une mission de ce type qui a permis à la HALDE, par exemple, d’adopter une position ferme contre les tests ADN prévus pour les candidats au regroupement familial par la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.
C’est au titre de ce même pouvoir consultatif que la Défenseure des enfants a émis régulièrement, à l’adresse du Gouvernement et des parlementaires, des propositions de réforme législative entrant dans le champ de la protection de l’enfance ; je pense, par exemple, à la justice des mineurs ou à la rétention administrative de ces derniers.
Or ces missions consultatives disparaîtront purement et simplement avec ce texte.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Absolument pas !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il ne faut pas chercher loin pour comprendre la raison de cette disparition : là encore, les autorités administratives irritent en ce qu’elles constituent des freins salutaires aux emballements sécuritaires du Gouvernement.
Madame la ministre d’État, mes chers collègues, vous le savez, les autorités administratives indépendantes sont aujourd’hui parfaitement identifiées par les citoyens qui sont victimes de violations de leurs droits. Que ce soit la HALDE, la CNDS ou la Défenseure des enfants, ces institutions sont désormais connues des Français, et elles bénéficient d’une large visibilité. Qu’en sera-t-il demain ? Avec cette fusion, la dynamique de visibilité qui s’est construite au fil des années sera réduite à néant !
Si, aujourd'hui, nous refusons l’architecture institutionnelle qui nous est proposée, ce n’est pas parce que nous nous sommes opposés à la révision constitutionnelle de juillet 2008. Je le répète, celle-ci est votée et nous nous y conformerons. Mais cette réforme-là n’est pas à la hauteur.
En effet, comme l’a rappelé la Commission nationale consultative des droits de l’homme, mais aussi d’autres structures telles que Amnesty International, le Défenseur des droits devrait être avant tout le garant de l’indépendance des diverses AAI œuvrant dans le champ des droits humains et des libertés fondamentales.
Le Défenseur des droits aurait pu être un moteur ; il aurait pu assurer une synergie dans la protection des droits fondamentaux en France par les différentes autorités existantes. Or j’ai l’impression que nous allons rater le coche !
Pour notre part, nous regrettons que le Gouvernement et la commission des lois n’aient pas souhaité renforcer les moyens de ces autorités en leur accordant plus d’autonomie et en confiant au Défenseur des droits la mission de garantir leur indépendance et leur visibilité.
Au contraire, le choix a été fait d’une suppression pure et simple de ces autorités, en contrepartie d’une reprise partielle de leurs compétences…
M. Patrice Gélard, rapporteur. Reprise totale !
Mme Alima Boumediene-Thiery. … par des collèges dépourvus de pouvoirs effectifs puisque le Défenseur des droits sera souverain.
Les Verts réaffirment avec force et vigueur le nécessaire maintien de la CNDS, de la HALDE et du Défenseur des enfants dans leur forme actuelle. C’est pourquoi ils ne peuvent soutenir ce texte, qui organise leur dilution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, le Médiateur de la République, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le Défenseur des enfants, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ont jusqu’à ce jour rempli leurs fonctions de façon satisfaisante.
Je note cependant que la mission du Médiateur de la République ne lui fixe pas les mêmes objectifs de contrôle, d’alerte, de respect des droits et des libertés, de redressement des abus, de proposition de réformes. De ce point de vue, le Gouvernement aurait dû éviter de tomber dans la confusion et dans la réduction d’attributions aussi diverses et spécifiques.
Le projet de loi organique et le projet de loi relatifs au Défenseur des droits font suite à la révision constitutionnelle de 2008, par laquelle a été, notamment, introduit un titre XI bis, composé du seul article 71-1. Je fais toutefois observer que, aux termes de cet article voté par le Parlement réuni en Congrès, « le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés », mais que, dans le projet de loi organique, ce même Défenseur a perdu au passage l’attribution de veiller au respect des libertés. (M. le rapporteur fait un geste de dénégation.) C’est regrettable, me semble-t-il.
En outre, le projet de loi organique aurait pu se dispenser de supprimer trois autorités indépendantes ! Le champ d’application des dispositions prévues a été élargi par un amendement sénatorial qui permet de fusionner des autorités préexistantes. Le Gouvernement s’est donc engouffré dans la brèche : il a accepté d’inclure la suppression de la HALDE et de prévoir son absorption par la nouvelle autorité.
Devant la régression qu’entraînera à notre sens l’adoption de ce texte, ce que ne laisse pas augurer son intitulé réduit, la commission des lois, dont nous examinons le texte, a proposé quelques modifications qui ont valu au rapporteur des compliments, dans la tradition de la maison (Sourires), mais qui ne remettent pas en cause l’économie générale du projet de loi organique initial. Je relève d’ailleurs, après d’autres, que le Gouvernement n’a pas cru bon de consulter les autorités indépendantes qui sont condamnées à disparaître.
Pourtant, ces instances ont accompli, chacune dans son domaine, et dans un esprit d’indépendance, un travail remarquable, salué tant en France que hors de nos frontières.
Depuis sa création, le Défenseur des enfants a eu à traiter des milliers de cas d’enfants en souffrance.
La Commission nationale de déontologie de la sécurité est intervenue, à la suite de réclamations, dans de nombreux lieux de privation de liberté : dans des commissariats de police, où elle a constaté, en matière de garde à vue, les nombreux abus dont le Gouvernement porte la responsabilité ; dans des prisons, dont chacun ici sait qu’elles sont surpeuplées et qu’y prévalent des conditions de détention indignes ; dans des centres de rétention administrative, où les personnes retenues ne disposent pas vraiment des moyens de faire valoir leurs droits et où la situation faite aux mineurs pose de graves problèmes.
La HALDE a traité, sur le front des discriminations, où il reste tant à accomplir, des milliers de réclamations par an et s’est opposée à la pratique des tests ADN sur les migrants.
Autant dire que ces autorités indépendantes ont souvent fait tomber le masque d’un pouvoir autocratique. Le coup que le Gouvernement est en train de leur porter est à la hauteur du devoir qu’elles ont accompli.
Le Gouvernement propose donc la création d’un Défenseur des droits apoplectique, que le Président de la République nommera après consultation des commissions des lois des deux assemblées ; toutefois, il est peu probable que les trois cinquièmes des votes exprimés au sein des deux commissions soient atteints et fassent obstacle au choix du chef de l’État. Le Défenseur des droits coiffera les anciennes autorités, réduites à l’état de « collèges », qu’il présidera ou fera présider par un adjoint nommé par lui, après avoir consulté les commissions compétentes des deux assemblées, lesquelles, bien sûr, ne seront pas non plus parvenues à réunir une majorité des trois cinquièmes pour s’y opposer. Ces adjoints, du reste, il pourra les révoquer à tout moment, selon son bon vouloir, ce qui limite tout de même leurs possibilités d’action.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Un amendement est prévu !
M. Louis Mermaz. L’article 11 A du projet de loi organique, qui a été ajouté par la commission des lois, établit de la façon la plus nette, pour ceux qui en douteraient, la subordination des collèges au Défenseur des droits. Il précise en effet que les collèges « l’assistent pour l’exercice de ses attributions en matière de défense et de promotion des droits de l’enfant, de déontologie en matière de sécurité, ainsi que de lutte contre les discriminations ».
C’est encore le Défenseur des droits qui reçoit les réclamations et les ventile entre les collèges. Toutefois, l’article 20 précise qu’il apprécie souverainement si les faits qui font l’objet d’une réclamation ou qui lui sont signalés méritent une intervention de sa part. Voilà qui réduit la portée de la saisine du Défenseur des droits par nos concitoyens ! Et le Gouvernement n’avait pas eu froid aux yeux, qui avait prévu que le Défenseur des droits ne serait pas tenu d’indiquer les motifs pour lesquels il déciderait de ne pas donner suite à une saisine !
M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est déjà le cas aujourd'hui !
M. Louis Mermaz. Faisant preuve d’une audace inouïe, la commission des lois a préféré que le Défenseur des droits indiquât ses motifs. Cependant, elle a déjà réduit la portée de cette disposition en amendant les articles 11, 12 et 13 : le Défenseur des droits pourra, finalement, s’écarter des avis émis par chacun des trois collèges, à la seule condition d’avoir fait connaître ses motifs.
Enfin, pour faire bonne mesure, le Défenseur des droits nommera lui-même les personnalités qualifiées destinées à compléter les deux collèges visés aux articles 11 et 12, alors que les autorités procédaient auparavant par cooptation ou disposaient d’un comité consultatif, ce qui apportait une garantie d’indépendance et de pluridisciplinarité à ces institutions.
M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est rétabli !
M. Louis Mermaz. La commission des lois n’est intervenue qu’à la marge, même si plusieurs articles ont pris du ventre ou si quelques aspérités ont été dissimulées ou adoucies. Prenons un exemple. Le Gouvernement avait omis de qualifier le Défenseur des droits d’autorité indépendante, alors qu’il est de nature constitutionnelle, on ne cesse de nous le rappeler. La commission des lois a discrètement réparé cet oubli révélateur, mais à l’article 2 seulement.
Malgré toutes les précautions prises et quoi que l’on prétende, le Défenseur des droits ne dispose pas d’un véritable pouvoir d’injonction. Certes, il peut alerter, publier des textes au Journal officiel, mais il voit sa liberté d’action et de mouvement restreinte de manière vétilleuse, même après le passage du texte en commission. Ainsi, et nous le vérifierons notamment au cours de l’examen de l'article 18, le droit de visite et d’investigation du Défenseur des droits est très encadré.
Mes chers collègues, par quelque bout que nous le prenions, le projet de loi organique apparaît comme marqué par la volonté de réduire de façon drastique les prérogatives des anciennes autorités indépendantes. Son objectif principal est même de les supprimer !
Accumulation de contradictions et confusion : telles sont les caractéristiques de ce texte, qui vient compléter un arsenal de lois votées depuis dix-sept ans, à un rythme accéléré ces dernières années. Et toutes ces dispositions législatives conduisent, sur fond de crise sociale que le Gouvernement actuel comme les précédents ont laissé prospérer, à la réduction de nos libertés, sans nous apporter, il s’en faut de beaucoup, la sécurité et la tranquillité publiques ! Hypocrisie suprême : chaque fois qu’une loi de régression nous est soumise, on la présente comme une loi de protection du citoyen, alors qu’elle va en sens rigoureusement inverse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de cette discussion générale commune, je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés : les uns de leur soutien et de leurs suggestions, les autres de la manière courtoise dont ils ont émis leurs critiques.
Sans trop entrer dans le détail, puisque nous aurons l’occasion de le faire lors de la discussion des articles et que l’excellent rapport de M. Gélard éclaircit un certain nombre de points, je répondrai aux idées principales qui me semblent avoir émergé des différentes interventions.
Comme M. le rapporteur l’a souligné, ceux qui, après avoir voté contre la révision constitutionnelle en 2008, sont hostiles à tout ce qui en permet la mise en œuvre font preuve d’une incontestable logique. Et c’est un choix parfaitement respectable. Dès lors, je ne comprends pas pourquoi certains veulent « habiller » d’arguments divers cette prise de position théorique et préalable pour justifier leur rejet du texte. Il serait beaucoup plus simple et clair d’affirmer d’emblée cette position de principe. Il n’y aurait là, monsieur Mermaz, pour le coup, aucune hypocrisie : ce serait simplement faire preuve de courage !
S’agissant des délais de mise en œuvre de la réforme constitutionnelle, Richard Yung prétend qu’il aura fallu deux ans au Gouvernement pour préparer ces textes. Non ! Je rappelle que le projet de loi organique comme le projet de loi ordinaire ont été déposés au Sénat le 9 septembre 2008, c'est-à-dire quelques mois après la révision constitutionnelle.
M. Yung parle également d’improvisation. Un tel reproche me paraît tout aussi infondé : les dispositions que contient ce texte découlent aussi des travaux du comité Balladur. Je ne fais pas du tout la même lecture que M. Yung du rapport de ce comité, et sans doute ne suis-je pas la seule : il n’a jamais été question de créer un super-Médiateur de la République ; c’est bien d’un Défenseur des droits qu’il s’est toujours agi. C’est écrit en toutes lettres dans ce document ; il n’est que de le relire.
Des remarques sur le périmètre de l’institution ont été formulées. MM. Peyronnet, Masson, About, Michel, Colin et Yung l’ont évoqué, mais je constate leur désaccord sur le sujet. Si certains regrettent que ce périmètre ne soit pas étendu à certaines institutions, en particulier au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, d’autres, en revanche, déplorent que la HALDE ou le Défenseur des enfants y soient inclus. Il s’agit là de contradictions tout à fait légitimes, qui reflètent des divergences d’appréciation. J’apporterai néanmoins un certain nombre de précisions à cet égard.
Le périmètre qui a été déterminé n’est pas définitivement figé, notamment en ce qui concerne le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, pour lequel la question peut se poser de façon très opportune. Toutefois, et cela été fort justement souligné, dans la mesure où il s’agit d’une institution très récente, il semble plus pertinent de lui laisser le temps de s’installer et de prendre toute son ampleur avant d’envisager de l’intégrer dans une autre.
Par ailleurs, certaines des missions qui lui sont confiées ne sont pas relatives à l’exercice direct des droits et des libertés. Pour lire systématiquement toutes les remarques, suggestions ou critiques émises par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté – j’y réponds d’ailleurs point par point –, je sais que, si certains problèmes touchent aux libertés ou aux droits des individus, d’autres portent sur les aménagements de lieux ou sur des questions de fonctionnement.
Je dois reconnaître que, dans l’ambitieux travail d’amélioration des lieux de privation de liberté que nous avons engagé avec beaucoup de détermination, à travers notamment le plan de construction immobilière, mais également les aménagements que j’entreprends, en particulier pour prendre en compte certains choix qui ont été faits dans le cadre de la loi pénitentiaire, ce sont là des apports tout à fait considérables et précieux.
Dès lors que nous aurons réussi, en particulier grâce aux suggestions du Contrôleur général, à répondre aux problèmes d’ordre pratique qui se posent aujourd'hui dans les lieux de privation de liberté, nous pourrons centrer beaucoup plus que ce n’est actuellement le cas notre action sur le contrôle des droits et des libertés des personnes détenues. Si la situation évolue comme je le pressens, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté aura donc très logiquement vocation à être, lui aussi, intégré dans le périmètre du Défenseur des droits.
Dans d’autres domaines, ce sont des raisons techniques qui rendent pour le moment une telle intégration inenvisageable.
À cet égard, plusieurs d’entre vous ont évoqué la CADA. Force est de constater que les missions qui lui sont dévolues ne correspondent pas à la définition du rôle d’un Défenseur des droits. La CADA s’est notamment vu confier une mission de régulation en matière d’utilisation des informations publiques, à caractère économique en particulier. À l’évidence, cela n’a pas de rapport direct avec le sujet qui nous occupe aujourd'hui.
Peut-être faudra-t-il réfléchir par la suite sur l’opportunité d’opérer un rapprochement entre la CADA et la CNIL, comme cela a pu être suggéré, ou de transférer une partie de ses missions au Défenseur des droits.
En tout état de cause, de par la nature même de la CADA, son intégration ne serait pas conforme à la logique qui a présidé à la création du Défenseur des droits.
Je tiens maintenant à m’inscrire en faux contre les critiques formulées sur la façon dont le périmètre a été élaboré. D’aucuns ont prétendu que certaines des personnalités qui se trouvent à la tête des autorités indépendantes n’auraient pas été associées à la réflexion. Or j’ai personnellement reçu à plusieurs reprises le Défenseur des enfants, Mme Versini, et ce presque aussitôt après mon arrivée au ministère. Je lui ai proposé d’être associée, avec ses collaborateurs, à la rédaction et à l’amélioration du texte. Elle a ainsi participé à des réunions qui ont eu lieu à la Chancellerie. Il est donc pour le moins curieux d’affirmer aujourd'hui qu’il n’en a rien été !
Je signale d’ailleurs que, entre autres préoccupations, Mme Versini a fait valoir qu’elle souhaitait que l’intégration éventuelle du Défenseur des enfants ne soit pas effective avant le mois de novembre prochain, au cours duquel se tiendra une réunion internationale, voire avant la fin de son mandat. Autrement dit, il ne s’agissait aucunement d’une contestation sur le fond. Il fallait que cela fût dit !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Au demeurant, il importe de rappeler que, pour reprendre les propos du doyen Gélard, la création d’une autorité puissante, à valeur constitutionnelle, qui recoupe la défense de tous les droits, résulte de la volonté même du constituant.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Bien entendu, je conçois que certaines autorités s’efforcent de défendre, en quelque sorte, leur survie. Qui ne les comprendrait pas ?
Cependant, la seule question à se poser est de savoir qui, du constituant ou de celui qui est nommé à la tête d’une autorité indépendante, l’emporte dans la hiérarchie des normes juridiques et a le plus de légitimité pour décider. Selon moi, au regard de nos institutions, la réponse est claire !
Ensuite, plusieurs d’entre vous se sont interrogés sur l’indépendance et les pouvoirs du Défenseur des droits. MM. Mézard et Collin, notamment, craignent que cette autorité, parce qu’elle sera nommée par le Président de la République, ne lui soit redevable.
Si une telle reconnaissance et une si grande « redevabilité » – veuillez me pardonner ce néologisme –, devaient exister, je me demande comment il nous faudrait juger aujourd'hui les prises de position d’un certain nombre des personnes qui ont été nommées par le Président de la République, et sans même l’intervention du Parlement, puisque celle-ci est une nouveauté ! De mon point de vue, il me semble que les uns et les autres font preuve d’une totale indépendance à chaque fois qu’ils s’expriment.
Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Michel et Collin ont également soulevé la question des moyens attribués au Défenseur des droits, en se demandant s’ils ne seraient pas moindres que ceux dont disposent actuellement les différentes autorités.
Je leur répondrai que la réalité est exactement inverse : en élevant cette autorité au niveau constitutionnel, en lui conférant une véritable capacité d’investigation et d’injonction, on renforce ses moyens et on lui donne tous pouvoirs, y compris sur le plan financier et en termes de personnels, pour mener à bien l'ensemble de ses missions.
Ainsi, dois-je le rappeler, tous les personnels qui travaillent aujourd'hui au sein des autorités administratives indépendantes seront rattachés au Défenseur des droits. Non seulement les moyens seront les mêmes qu’actuellement, mais des économies pourront en outre être réalisées, notamment au niveau immobilier. Son action en sera d’autant plus efficace.
De plus, contrairement à ce que M. About a prétendu tout à l’heure, une autorité de ce niveau aura une vraie visibilité. Les pourcentages que j’ai entendus à propos des autorités existantes m’ont du reste quelque peu étonnée ; à moins qu’on soit nettement moins bien informé en Aquitaine que dans le reste du pays… Je peux vous dire que les habitants des communes de ma circonscription des Pyrénées-Atlantiques ne savent pas du tout à quoi correspondent bon nombre de ces autorités administratives ni ce qu’elles font, et encore moins où elles se trouvent !
Le fait de disposer d’une institution unique permettra non seulement de donner un accès unique à ceux qui auront à s’y adresser, mais également de lui conférer une capacité de rayonnement médiatique que les différentes autorités n’atteindront jamais séparément. D’autant que celui qui sera nommé Défenseur des droits aura évidemment, par la force des choses, un poids beaucoup plus important.
Messieurs Mermaz et Yung, sachez que je n’ai absolument aucune crainte quant à un éventuel affaiblissement de cette autorité par rapport aux autorités actuelles. D’ailleurs, permettez-moi de vous dire que je n’ai pas du tout compris votre raisonnement. D’un côté, vous évoquez un tel risque d’affaiblissement et, de l’autre, vous semblez au contraire redouter que n’émerge une autorité forte, qui soit en mesure d’agir véritablement et de s’imposer. Tout cela est bien confus… Il faudrait choisir !
Finalement, mesdames, messieurs les sénateurs, en vous demandant de bien vouloir m’excuser si je n’ai pas répondu systématiquement à toutes les questions, je terminerai simplement en reprenant l’analyse de M. Lecerf, que je partage totalement : oui, l’institution du Défenseur des droits représente un véritable saut qualitatif au regard de tout notre agencement juridique, et ce au bénéfice des droits des citoyens et des libertés ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
7
Candidatures à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution, ainsi qu’à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
8
Défenseur des droits
Suite de la discussion d’un projet de loi organique
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits (projet n° 610, 2008-2009, texte de la commission n° 483, rapport n° 482).
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Badinter et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°81.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits (n° 483, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Robert Badinter, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Robert Badinter. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, bien entendu, nous le savons, le Défenseur des droits a désormais une existence constitutionnelle.
Pour autant, la définition que l’on trouve à l'article 71-1 de la Constitution est loin de régler tous les problèmes. C’est même l’extraordinaire flou de sa rédaction qui n’a cessé de susciter chez nous des interrogations. C’est en effet la première fois que je vois une grande institution compétente en matière de libertés naître constitutionnellement sans que ses compétences aient été définies au préalable. Nous n’avons jamais obtenu d’éclaircissements à ce sujet au cours des débats, et ce n’est pas faute, madame, d’avoir questionné votre prédécesseur !
Si nous opposons la question préalable au projet de loi organique qui nous est soumis aujourd’hui, c’est tout simplement parce qu’il nous paraît méconnaître la finalité recherchée : améliorer la défense des droits des citoyens et des personnes étrangères résidant en France.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Et même des enfants !
M. Robert Badinter. Vous avez raison, monsieur le président : améliorer la défense des droits des citoyens, de ceux qui sont appelés à le devenir et des personnes étrangères résidant en France. On aurait pu parler des « droits des personnes ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On aurait écrit « droits de l’homme » si l’on avait été en 1789 !
M. Robert Badinter. J’ai d’ailleurs toujours été étonné par les termes retenus, dans la mesure où tous les droits ont des titulaires. Comme cela a été dit, il aurait fallu à tout le moins compléter l’intitulé pour adjoindre à la défense des droits celle des libertés.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela figure dans le texte !
M. Robert Badinter. Mais là n’est pas, et de loin, le sujet, car notre principale préoccupation est la suivante : ce qui nous est proposé sert-il la cause des libertés ? Je réponds d’emblée : non ! Et c’est là précisément le fondement de la question préalable.
Comment se présente la situation actuelle, celle qui est donc vouée à disparaître bientôt ?
Il existe un certain nombre d’autorités administratives compétentes dans des domaines particuliers et pour des missions spécifiques. Dans cette constellation, l’une d’entre elles se détache très largement : c’est la médiature, créée en 1973, variante limitée de l’Ombudsman.
Les titulaires successifs du poste, à qui je tiens à rendre un hommage particulier, notamment à M. Delevoye, ont su, grâce à leurs efforts, acquérir une vraie reconnaissance. De ce fait, si l’on avait proposé, comme je m’y attendais, la constitutionnalisation de la médiature, en élargissant sa saisine, en développant ses pouvoirs, en renforçant ses prérogatives, tout le monde aurait été d’accord !
Au lieu de cela, on a voulu tout rassembler en une main. Je me suis longuement interrogé sur l’origine d’une telle idée, dont, je l’avoue, je n’avais trouvé trace nulle part avant que cette innovation nous soit présentée.
Vous-même, monsieur Gélard, dans votre excellent rapport de 2006 sur les autorités administratives indépendantes, n’aviez pas émis l’idée de créer un Défenseur des libertés appelé à rassembler l'ensemble de ces autorités administratives agissant dans ce domaine.
C’est au sein du comité présidé par M. Balladur qu’une personnalité éminente, étincelante même (Sourires.), a proposé que l’on s’inspire de l’exemple espagnol du Défenseur du Peuple.
Je me dois de rappeler que, dans la Constitution espagnole de 1978, l’instauration du Défenseur du Peuple avait été rendue nécessaire pour une raison simple : le franquisme avait régné sans partage depuis les tristes événements des années 1930, et cela faisait trente ans que l’administration espagnole était entièrement devenue franquiste. En 1978, comme on ne voulait pas purger l’administration, il fallait bien placer face à celle-ci un organe doté de pouvoirs considérables. C’est la raison pour laquelle – raison historique tout à fait particulière – on a créé le Défenseur du Peuple.
On sait également que la structure administrative de cette institution est totalement différente. Comme nous l’a indiqué le Défenseur du Peuple lui-même, des organes similaires sont présents dans chacune des Communautés autonomes, qui sont en fait des provinces dotées d’une complète autonomie.
Tout autre est la situation en France.
Encore une fois, ce qui doit nous guider, c’est l’efficacité dans la défense des droits des administrés. À cet égard, la voie que vous avez choisie nous mènera, si ce n’est à l’impasse – je n’irai pas jusque là – du moins à la confusion et à la bureaucratisation. Pour quelles raisons ?
Je remarque d’abord que chacune des autorités existantes que vous êtes en train de fusionner a acquis, à des titres divers, une reconnaissance nationale et internationale. On les supprime quand même !
Par ailleurs, une autorité indépendante chargée de défendre les droits des citoyens face à des administrations – je ne reprendrai pas ici la nomenclature que nous connaissons – et ses titulaires doivent se voir reconnaître les qualités suivantes : premièrement, l’indépendance, et cette indépendance doit exister à l’égard de tous, ce qui exclut tout rapport hiérarchique ; deuxièmement, le sens des responsabilités pour agir dans le domaine concerné ; troisièmement, une compétence au regard de l’objet spécifique de la mission attribuée.
C’est pourquoi parler de holding, comme l’a fait M. Portelli si j’en crois le compte rendu des débats en commission qui figure dans l’excellent rapport de M. Gélard me semble inapproprié, car: il s’agit bien d’une fusion-absorption !
À cet égard, j’invite chacun d’entre vous, mes chers collègues, à se reporter au schéma de la page 38 de ce rapport : la création proposée correspond plus à celle d’une très grande entité. On n’y est pas encore, mais on est sur cette voie : le Défenseur se trouve au sommet d’une structure pyramidale, puisqu’il nomme des adjoints et préside des collèges consultatifs. Une telle organisation aura, à l’évidence, les conséquences que chacun peut imaginer.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est ainsi aujourd’hui !
M. Robert Badinter. On peut d’ailleurs se demander pourquoi ces trois formations collégiales ne comptent pas le même nombre de personnalités qualifiées : douze dans le cas du respect de la déontologie de la sécurité, neuf dans les deux autres.
Au sein de cette structure pyramidale sont réunies des missions tout à fait différentes, voire hétérogènes. On ne peut comparer la fonction de médiation et celle de contrôle ; nous avions abordé la question lors du débat sur le Contrôleur des lieux de privation de libertés.
En outre, une telle organisation a fatalement pour conséquence une dilution des responsabilités. Surgiront des conflits de compétences, des conflits de personnes, des conflits d’autorités, inévitables dans les grandes structures bureaucratiques. Loin de l’efficacité, vous aurez donné naissance, sinon à un monstre bureaucratique – ce serait sans doute trop dire –, à un géant bureaucratique lesté de toutes les pesanteurs inhérentes à ce type d’administration.
Au sommet de la pyramide, se trouve le Défenseur des droits. Il lui faudra satisfaire à de nombreuses obligations : gestion, représentation, présidence des collèges, même si certaines attributions peuvent être déléguées aux adjoints ; il devra aussi se plier à l’inévitable obligation de remettre à l’exécutif un rapport qui sera ensuite présenté devant le Parlement ; il devra évidemment entretenir avec ces deux pouvoirs, législatif et exécutif, les relations institutionnelles que lui impose sa fonction ; enfin, il devra subir la pesanteur médiatique – même si les médias peuvent aussi exercer sur lui ou elle un certain attrait –, car il faudra bien que le Défenseur s’explique.
Bref, compte tenu de l’étendue de ces attributions, l’homme ou la femme que l’on nommera Défenseur des droits, contrairement au Médiateur, ne sera plus « au contact », c'est-à-dire qu’il ou elle n’aura plus avec les administrés la relation aussi directe que possible que ceux-ci attendent. Or nous aurions pu conserver cette proximité si, comme je l’avais vivement souhaité, nous avions élargi les pouvoirs et ouvert la saisine directe du Médiateur.
On nous dit que, aujourd'hui, les administrés ne savent pas très bien à qui ils s’adressent. Eh bien, moi, je vous garantis que, quand ils s’adresseront à cette instance nouvelle, à l’éventail de compétences si élargi, ils se retrouveront simplement face à une bureaucratie de plus, devant laquelle ils seront encore plus perdus !
La raison de la question préalable est là : je pense que l’institution d’un Défenseur des droits est une erreur. Je le répète, il fallait constitutionnaliser le Médiateur, élargir ses pouvoirs, conserver les instances, quitte éventuellement à mieux délimiter leurs missions, préserver en tout état de cause à chacune ses attributions spécifiques.
Tout bien considéré, je ne vois qu’une raison à cette innovation, à la naissance de cette entité complexe, et finalement condamnée à une relative impuissance. Lorsque les autorités administratives indépendantes sont séparées et diverses, l’adjectif « indépendant » prend tout son sens. Or vous les rassemblez sous l’autorité d’un seul, créant ainsi une structure pyramidale. Le pouvoir de choix du Président de la République qui s’exerçait auparavant pour plusieurs présidences s’appliquera désormais au seul Défenseur des droits, lequel absorbera, à terme, toutes les autres autorités. Même si les collèges disposent d’un pouvoir et l’exercent, un seul interlocuteur aura la confiance présidentielle, car sa nomination, quel que soit le rôle des commissions parlementaires à cet égard, procédera bien du Président de la République.
Je perçois très clairement les dérives auxquelles nous expose un tel projet, et nous ne nous engageons certainement pas sur le droit chemin des libertés.
Nous verrons dans quelques années si la création de cette entité était une bonne idée ou si, comme je le crains, cette nouvelle institution n’a apporté que confusion, lourdeur bureaucratique et déresponsabilisation des acteurs.
Pour l’heure, elle marque une fois de plus le progrès de cette monocratie qu’est devenue la Ve République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. J’adresserai d’abord une remarque à M. Badinter.
L’article 71-1 de la Constitution nous oblige à adopter une loi organique.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Exactement !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous devons adopter une loi organique pour combler le vide juridique sur le sujet.
Les auteurs de la motion considèrent que la création du Défenseur des droits est inutile ou qu’il aurait fallu se limiter à une constitutionnalisation du Médiateur et à l’ouverture de la saisine directe de cette autorité. Ce n’est pas le choix qu’a fait constituant. Au reste, ce n’était pas non plus le choix du comité Balladur.
Les travaux préparatoires à la révision constitutionnelle de 2008 montrent bien que, dès le départ, la création du Défenseur des droits avait un double objectif : renforcer notre système de protection des droits et des libertés en créant une autorité de rang constitutionnel que les personnes, les citoyens et les enfants, pourraient saisir directement…
M. Jean-Claude Peyronnet. Comment ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. … et regrouper des autorités indépendantes aux missions voisines, afin de donner plus de force et de cohérence à l’organisation de la protection des droits et libertés dans notre pays.
Les auteurs de la motion prétendent en outre que les pouvoirs et les moyens du Défenseur ne seront pas renforcés et que la nouvelle autorité sera en proie à des pesanteurs bureaucratiques.
Je tiens à corriger une affirmation qui a trop souvent été répétée : les pouvoirs des autorités destinées à intégrer le Défenseur des droits ne seront en aucun cas réduits, et encore moins supprimés. Au contraire ! Il y aura continuité et extension des droits correspondant à chacune des missions.
M. Badinter défend un choix politique et c’est son droit le plus absolu ; il prône la constitutionnalisation du Médiateur. Mais ce n’est pas le choix qu’a fait le constituant et, par suite, ce n’est pas notre choix dans la loi organique. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons que vous demander, mes chers collègues, de rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à Mme la ministre d’État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Parce que les droits et les libertés de nos concitoyens ne se divisent pas, le Gouvernement considère qu’il faut instituer une autorité forte, clairement identifiée, reconnue, efficace pour défendre ces droits et ces libertés. Il convient donc que cette autorité soit unique. C’est ce qu’a voulu le constituant. Or notre rôle, en cet instant, est de mettre en œuvre la volonté du constituant.
Monsieur Badinter, le constituant n’a pas voulu un Médiateur constitutionnel parce qu’une telle option aurait permis de ne prendre en compte que les droits et libertés face au fonctionnement des services publics. Ici, il s’agit bien de défendre les droits et libertés de nos concitoyens de manière globale, contre tous les organismes investis d’une mission de service public ou personnes privées qui pourraient y porter atteinte, en dehors du domaine du contentieux, comme j’ai déjà eu l’occasion de le préciser.
Par conséquent, si votre vision pouvait se défendre avant le débat constitutionnel, elle n’est plus soutenable après la décision du constituant. Notre devoir est de répondre à ce que veut le constituant, sous peine de voir sanctionner nos travaux par Conseil constitutionnel.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut que demander le rejet de la présente motion.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, nous partageons les interrogations et les critiques de nos collègues socialistes.
Nous pensons, nous aussi, que la constitutionnalisation de la fonction de Médiateur, assortie de l’ouverture de la saisine de ce dernier et du renforcement de ses pouvoirs, aurait rendu tout à fait inutile la création du Défenseur des droits. La dilution d’autorités indépendantes en charge de la défense des droits fondamentaux telles que le Défenseur des enfants, la CNDS et, désormais, la HALDE nous paraît dès lors totalement injustifiée.
Rien ne démontre sérieusement, ni dans l’argumentaire du Gouvernement, que Mme la ministre d’État a de nouveau développé à l’instant, ni dans l’étude d’impact, que la fusion de ces institutions au sein d’une grosse structure généraliste et centralisée leur conférera plus d’efficacité. Je crains que ce ne soit le contraire.
Les associations de défense des droits fondamentaux ne s’y sont d’ailleurs pas trompées et dénoncent avec vigueur le texte qui nous est soumis. Il est fort probable que cette réforme est d’ailleurs due au trop grand succès de ces institutions, qui n’ont eu de cesse de démontrer, chacune dans son domaine respectif, que la situation devenait de plus en plus critique.
Il est vrai que, dans son dernier rapport annuel, la CNDS pointe une augmentation préoccupante du nombre de saisines liées à des manquements à la déontologie.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il ne faut pas exagérer : 200 !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il en est de même pour la HALDE et la Défenseure des enfants, qui voit le nombre de saisines croire de manière quasi exponentielle.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Seulement 1 700 recours ! Ce n’est rien !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Ces institutions sont donc, hélas, victimes de leur succès et le Gouvernement, ne pouvant décemment pas les supprimer définitivement, a décidé de les noyer dans une machinerie tout à fait bureaucratique qui restreindra leur autonomie, leur activité, mais aussi leur visibilité.
Les autorités administratives ne sont pas un aboutissement et ne constituent pas pour autant un horizon indépassable. Elles n’existent que parce que notre système judiciaire et administratif est défectueux. C’est parce que les services de la justice sont débordés et doivent œuvrer avec un budget dérisoire, parce que la loi du chiffre a été portée au pinacle dans toutes les administrations, et particulièrement dans la police, parce que les politiques sociales et éducatives manquent cruellement de moyens, parce que le droit du travail est de plus en plus dérégulé, parce qu’il existe un climat à la fois raciste et xénophobe dans notre pays, que nous avons besoin de ces autorités administratives réellement indépendantes, chargées de faire respecter les droits fondamentaux et de nous alerter.
Nous voterons donc la motion présentée par nos collègues socialistes.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 81, tendant à opposer la question préalable et dont l’adoption aurait pour effet d’entraîner le rejet du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement demandent le rejet de cette motion.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 215 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 193 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Titre Ier
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 1er
(Non modifié)
Le Défenseur des droits est nommé par décret en conseil des ministres, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Il ne peut être mis fin aux fonctions du Défenseur des droits que sur sa demande ou en cas d’empêchement dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la garde des sceaux, je voudrais répondre à l’un des arguments que vous nous avez opposés à la fin de la discussion générale.
Ce n’est pas parce que nous avons voté contre la révision constitutionnelle de juillet 2008 qu’il était absolument évident et certain que nous voterions contre chaque dispositif découlant de cette dernière.
En effet, la raison de notre opposition à la révision constitutionnelle tenait à la « monarchisation » de nos institutions, une logique certes fort ancienne, puisqu’elle remonte à 1958, mais qui, en l’espèce, s’est trouvée encore accentuée.
Nous étions néanmoins favorables à la constitutionnalisation de mécanismes de défense des droits, tout comme nous étions favorables à l’inscription dans la Constitution modifiée de l’effectivité des droits qui relèvent du préambule de la Constitution, inscription qui aurait pu marquer un progrès sur la voie de la reconnaissance des droits fondamentaux, mais que le Gouvernement a malheureusement refusée, à notre grand regret.
J’ai immédiatement exprimé mes inquiétudes quant à la nomination, dans un système hypermonarchique, du Défenseur des droits par le Président de la République et quant aux conséquences, dans un tel système, de l’hypercentralisation de la défense des droits !
Je vous l’affirme, notre position aurait été différente si le Gouvernement avait choisi, à l’instar de la plupart des pays européens, de faire désigner le Défenseur des droits par le Parlement : après tout, quitte à s’aligner, autant s’aligner sur le plus démocratique !
Quoi qu'il en soit, cet article 1er ne va pas à l’encontre des aspects très critiquables de la révision constitutionnelle. Je regrette de ne pas y trouver le moindre progrès démocratique et je déplore cette obstination à vouloir supprimer dès aujourd’hui des autorités qui, en France, constituaient plutôt une nouveauté, tant l’histoire de notre pays montre qu’il est difficile d’y critiquer l’exécutif et les administrations qui sont à sa disposition !
Ces autorités nouvelles ont lentement pris leur essor. Peu à peu, elles ont commencé à être connues de nos concitoyens, même si elles le sont peut-être moins dans votre département, madame la garde des sceaux. En tout cas, c’est leur spécificité qui a fait leur force.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Le Défenseur des droits, autorité indépendante, ne reçoit, dans l’exercice de ses attributions, aucune instruction.
Il ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions qu’il émet ou des actes qu’il accomplit dans l’exercice de ses fonctions.
M. le président. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Vall et Plancade, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
indépendante
par le mot :
constitutionnelle
et compléter cet alinéa par les mots :
et exerce celles-ci en toute indépendance
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
Les fonctions de Défenseur des droits sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement, de membre du Conseil constitutionnel, de membre du Conseil supérieur de la magistrature et de membre du Conseil économique, social et environnemental, ainsi qu’avec tout mandat électif.
Le membre du Gouvernement, du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature, du Conseil économique, social et environnemental ou le titulaire d’un mandat électif qui est nommé Défenseur des droits est réputé avoir opté pour ces dernières fonctions s’il n’a pas exprimé de volonté contraire dans les huit jours suivant la publication de sa nomination.
Les fonctions de Défenseur des droits sont, en outre, incompatibles avec tout autre fonction ou emploi public et toute activité professionnelle, ainsi qu’avec toute fonction de président et de membre de conseil d'administration, de président et de membre de directoire, de président et de membre de conseil de surveillance, et d'administrateur délégué dans toute société, entreprise ou établissement.
Dans un délai d’un mois suivant la publication de sa nomination comme Défenseur des droits, la personne nommée doit cesser toute activité incompatible avec ses nouvelles fonctions. Si elle est fonctionnaire ou magistrat, elle est placée en position de détachement de plein droit pendant la durée de ses fonctions et ne peut recevoir, au cours de cette période, aucune promotion au choix. – (Adopté.)
Titre II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMPÉTENCES ET À LA SAISINE DU DÉFENSEUR DES DROITS
Article 4
Toute personne physique ou morale s’estimant lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public ou d’un organisme investi d’une mission de service public peut saisir le Défenseur des droits par voie de réclamation.
Le Défenseur des droits peut être saisi des agissements de personnes privées lorsque l’auteur de la réclamation invoque la protection des droits de l’enfant, un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité, ou une discrimination.
Le Défenseur des droits est chargé de défendre et promouvoir les droits de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France. À ce titre, il peut être saisi par un enfant mineur qui estime que ses droits n’ont pas été respectés. Il peut également être saisi par ses représentants légaux, les membres de sa famille, toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de défendre les droits de l’enfant, ainsi que par les services médicaux ou sociaux.
Le Défenseur des droits peut être saisi, au titre de sa compétence en matière de déontologie dans le domaine de la sécurité, par toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu’ils constituent un manquement aux règles de déontologie dans ce domaine, commis par une personne publique ou privée.
Il peut être saisi de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d’assister les victimes de discriminations, conjointement avec toute personne qui s’estime victime de discrimination et avec son accord.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Quand le Défenseur des droits est saisi d'une réclamation entrant dans le champ de compétence d'une autre Autorité administrative indépendante, il est tenu de lui transmettre cette réclamation.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre amendement vise à inscrire dans la loi que le Défenseur des droits saisi d’une réclamation relevant d’une autre autorité administrative indépendante est tenu de la lui adresser.
L’article 9, dans le texte de la commission, prévoit que le Défenseur des droits pourra signer des conventions avec d’autres autorités administratives. Ces conventions pourront contenir les modalités des échanges d’informations et de traitement des réclamations dans le cadre de leurs compétences respectives. Nous ne sommes pas du tout opposés à ce cadre juridique. D’ailleurs, de telles conventions existent déjà pour les autorités qui sont, hélas, menacées de disparition.
Il serait donc légitime et utile de favoriser la meilleure interaction et une forme de complémentarité entre les différentes institutions. Mais nous considérons aussi que le Défenseur des droits, s’il peut remplacer le Médiateur de la République, ne saurait se substituer aux autres autorités, qu’il s’agisse de celles qui sont mentionnées dans le projet de loi organique ou de celles qui en sont pour l’instant exclues. Il serait illogique qu’il puisse lui-même donner suite à des saisines qui les concernent.
Nous voulons, quant à nous, affirmer clairement dans la loi l’indépendance de toute autre autorité administrative par rapport au Défenseur des droits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement est, en très grande partie, satisfait par l’article 9 du projet de loi organique, qui mentionne les transmissions du Défenseur aux autres autorités et qui prévoit la conclusion de conventions.
En outre, l’amendement tend à assimiler le Défenseur des droits à une autorité administrative indépendante. Or il s’agit désormais d’une autorité constitutionnelle.
Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. Pour les mêmes raisons que M. le rapporteur, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. Cette disposition est en effet satisfaite, sauf à considérer que le Défenseur des droits n’est pas une autorité constitutionnelle et est traité sur un strict pied d’égalité avec les autres autorités administratives.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Cette proposition, peut-être imparfaitement rédigée, me paraît utile, car elle permettrait de gagner du temps. Il faudrait seulement la rectifier pour retirer l’adjectif « autre ».
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cela relève du premier alinéa de l’article 9.
M. Nicolas About. Mais l’article 9 traite des conventions !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas seulement ! Le premier alinéa de l’article 9 commence ainsi : « Lorsque le Défenseur des droits transmet une réclamation à une autre autorité indépendante… »
M. Nicolas About. Alors, en effet, c’est satisfait !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. La remarque de Nicolas About est très intéressante. En effet, dès lors que, à l’article 9, on lit : « Lorsque le Défenseur des droits transmet une réclamation à une autre autorité indépendante… », l’objection selon laquelle l’amendement n° 38, par l’emploi de l’adjectif « autre », assimile le Défenseur des droits à une autorité indépendante, alors qu’il est une « autorité constitutionnelle », n’a plus aucun fondement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pensez au Contrôleur général des lieux de privation de liberté !
M. Bernard Frimat. L’article 9 place clairement le Défenseur des droits sur le même plan que les « autres » autorités.
Par ailleurs, le premier alinéa de l’article 9 est centré sur la transmission, alors que l’amendement de notre collègue Josiane Mathon-Poinat est centré sur le champ de saisine. Il me semble que l’on devrait pouvoir trouver un accord. Il est clair que, à partir du moment où le Défenseur des droits décide de ne pas transmettre, le problème du champ de saisine ne se pose plus.
Monsieur le rapporteur, je crois que, pour les cas où la réclamation relève du champ de compétence d’une autorité administrative indépendante, quelle qu’elle soit, un cheminement intellectuel devrait permettre de trouver rapidement une solution satisfaisante. Ainsi, lorsque nous parviendrons à l’article 9, vous pourriez faire en sorte que disparaisse cette scorie que Nicolas About vient de signaler.
M. Nicolas About. Absolument !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mes chers collègues, il convient tout de même de rappeler que, en matière de droits et de libertés, la compétence du Défenseur des droits est une compétence générale.
Lorsqu’on nous dit qu’il fallait « constitutionnaliser » le Médiateur,…
M. Nicolas About. Mais ce n’est pas ce que nous disons !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … je réponds que ce n’est certainement pas ce qu’a voulu le constituant !
Il y a des autorités spécialisées, comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés…
M. Nicolas About. Ou la Commission d’accès aux documents administratifs !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. …ou la CADA, en effet. Eh bien, si le Défenseur des droits est saisi d’une réclamation relevant de l’une ou l’autre de ces autorités, il la leur transmettra !
Aujourd'hui, on le voit bien, le grand nombre de réclamations que certaines autorités administratives – et non pas constitutionnelles – indépendantes disent devoir traiter « s’effrite », soit parce que les réclamations ne sont pas fondées, soit parce qu’elles sont renvoyées à d’autres autorités. Certains rapports sont éloquents à cet égard ! Telle ou telle autorité se flatte de traiter des dizaines de milliers de réclamations, mais, en fin de compte, le nombre des réclamations réellement examinées est bien plus restreint.
À la lecture de l’article 9, il me semble évident que, si le Défenseur des droits estime qu’une question relève de la compétence de la CNIL, de la CADA ou encore du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, il leur transmettra la réclamation.
M. Bernard Frimat. Ce sera sa décision, alors que nous, nous faisons la loi !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s’agira bien sûr de sa décision, mais je rappelle qu’il a une compétence générale !
En tout état de cause, il aurait mieux valu, au regard de l’architecture du texte, que l’amendement de Mme Mathon-Poinat fût déposé à l’article 9.
M. Bernard Frimat. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Dès lors, madame Mathon-Poinat, pourquoi ne pas rectifier votre amendement afin qu’il s’applique à l’article 9, et non plus à l’article 4 ?
M. Nicolas About. Voilà !
M. le président. Madame Mathon-Poinat, acceptez-vous de rectifier votre amendement pour le déplacer à l’article 9 ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Volontiers, monsieur le président.
M. le président. Nous examinerons donc cet amendement n° 38 rectifié lorsque nous en serons parvenus à l’article 9.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L’article 4 porte sur les compétences confiées au Défenseur des droits. Puisque les amendements se déclineront en fonction de ces compétences et que l’on constate qu’il y a encore, à l’égard de celles-ci, des hésitations de part et d’autre, il me paraît important que la réflexion se poursuive afin que certains points de vue puissent éventuellement se rapprocher.
C’est ce qui me conduit, monsieur le président, à demander une suspension de séance d’une quinzaine de minutes.
M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à votre demande, monsieur le président de la commission.
M. Bernard Frimat. Je demande la parole.
M. le président. La parole à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le président, il n’est évidemment pas question de contester cette suspension de séance – d’où jaillira ou la lumière ou la confusion ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste) –, mais je saisis cette occasion pour vous interroger sur l’organisation de nos travaux.
Nous savons tous que, selon les réponses qui seront apportées aux différentes questions qui se posent à nous – par exemple : ferons-nous ou non entrer le Défenseur des enfants ou encore la HALDE dans le périmètre ? –, par cohérence, des séries d’amendements risquent de « tomber ».
Je me permets donc de suggérer que, dans la suite du débat, une fois que nous serons informés des choix arrêtés, le Sénat suspende de nouveau ses travaux, de manière à nous permettre le cas échéant d’opérer un « toilettage ».
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Frimat, comme je l’ai déjà dit en commission, il est évident que l’avenir de plusieurs amendements sera différent selon le sort qui sera réservé aux amendements déposés à l’article 4 : certains tomberont, d’autres non.
Il conviendra donc, en effet, de suspendre nos travaux après le vote de l’article 4 pour envisager la manière dont devra s’articuler la suite de la discussion. Je pense que, en tout état de cause, nous suspendrons la séance à dix-neuf heures trente.
M. le président. Pour l’heure, mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Nomination de membres de commissions mixtes paritaires
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’application de l’article 65 de la Constitution.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-René Lecerf, Patrice Gélard, Jean-Pierre Michel, Mme Virginie Klès, M. Yves Détraigne et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ;
Suppléants : MM. Jacques Mézard, Jean-Claude Peyronnet, Hugues Portelli, Mme Catherine Troendle, MM. Jean-Pierre Vial, Richard Yung et François Zocchetto.
Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
La liste des candidats établie par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-Pierre Vial, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Jacques Mahéas, Jean-Pierre Sueur, Mmes Jacqueline Gourault et Josiane Mathon-Poinat ;
Suppléants : MM. Laurent Béteille, Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. René Garrec, Dominique de Legge, Jean-Claude Peyronnet et Richard Yung.
10
Défenseur des droits
Suite de la discussion d'un projet de loi organique
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits (projet n° 610, 2008-2009, texte de la commission n° 483, rapport n° 482).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 4.
Article 4 (suite)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 37 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 60 rectifié est présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Yung, Badinter et Sueur, Mme Boumediene-Thiery, MM. Assouline, Mermaz et Guérini, Mmes Blondin et M. André, M. Michel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2, 3, 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 37.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Outre les motifs de saisine du Défenseur, l’article 4 définit son champ de compétence.
Il est rappelé dans le rapport que « l’article 71-1 de la Constitution laisse au législateur organique une importante liberté d’appréciation » en la matière. L’absence totale de précision, et donc de garanties, sur ce que pourraient être les fonctions exactes du Défenseur des droits est précisément l’un des principaux problèmes soulevés par cet article 71-1.
Les alinéas 2 à 5 de l’article 4 visent tout simplement à faire disparaître le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, et la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, et à confier leurs missions au Défenseur des droits.
Chacune de ces autorités possède un domaine de compétence qui lui est propre. Elles agissent selon des modalités et des logiques différentes, voire antinomiques. Comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, le regroupement des fonctions de contrôle et de médiation nuira à l’effectivité des droits. J’ajoute qu’il ne pourra que créer nombre d’ambiguïtés.
Nous refusons la « méthode forte » adoptée pour supprimer des autorités qui, précisément parce qu’elles font un travail sérieux, sont autant d’entraves à la multiplication des atteintes aux droits dont le Gouvernement et le législateur sont les premiers auteurs. Nous vous demandons donc de supprimer les alinéas 2 à 5 de cet article, ce qui donnerait, en outre, plus de cohérence à l’alinéa 1.
Si notre amendement était adopté, il est évident qu’il vous faudrait en tirer toutes les conséquences pour l’ensemble des dispositions concernées du projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié.
Mme Michèle André. L’essentiel a été dit au cours de la discussion générale et sera à nouveau décliné lorsque seront examinés les amendements tendant à disjoindre telle ou telle compétence des attributions du Défenseur des droits.
Pourquoi tenons-nous tant à préserver les autorités existantes ?
La présente réforme est bâtie sur des fondements qui ne sont pas sérieux. On veut nous faire croire que la protection des droits des citoyens n’est pas suffisamment assurée au motif que ces derniers sont confrontés à une multitude d’autorités administratives indépendantes aux attributions voisines ; d’où l’idée de réunir, au sein d’une même autorité, les missions et les attributions dévolues jusqu’à présent à différentes autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits des personnes.
Or les dysfonctionnements imputés à l’administration tiennent peut-être moins à la démultiplication des autorités de régulation qu’à l’administration elle-même. Cette analyse erronée explique peut-être l’incohérence de la réforme.
Lors de la révision constitutionnelle de 2008, la garde des sceaux avait peine à indiquer avec précision quel serait le périmètre des compétences du futur Défenseur des droits. Ce n’est pas faute de l’avoir interrogée !
Aujourd’hui, on inclut dans cette autorité la CNDS, le Défenseur des enfants et la HALDE. Mais pourquoi s’arrêter à ces seules instances ? En matière de libertés publiques, le spectre est beaucoup plus large : on pourrait y inclure aussi la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, la CNCDH, le Comité consultatif national d’éthique, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, et la Commission consultative du secret de la défense nationale, la CCSDN !
Rien ne l’interdit, et cela grâce au Sénat, qui, en 2008, a laissé au législateur organique le soin de définir la liste des instances pouvant relever du Défenseur des droits. Ce faisant, il a ajouté à la confusion, à moins qu’il n’ait fait preuve d’anticipation, ayant déjà en tête la possibilité de fusionner toutes les instances intervenant en matière de libertés publiques et de protection des droits fondamentaux.
En supprimant ces alinéas, nous voulons dénoncer également la méthode employée : le Gouvernement n’a même pas pris la peine d’informer la Défenseure des enfants et le président de la CNDS de la disparition de leur poste. Quant à la présidente de la HALDE, sa désignation vient à peine d’être avalisée par les commissions compétentes des deux assemblées...
L’incohérence de ce texte apparaît également dans la volonté de mêler, au sein d’une même instance, des fonctions qui relèvent de logiques différentes : d’un côté, la médiation, qui relève des fonctions traditionnelles du Médiateur de la République ; de l’autre, les fonctions de contrôle, dévolues à la CNDS, au Défenseur des enfants et à la HALDE. Cette contradiction est même soulevée par les auteurs de l’étude d’impact des projets de loi, qui jugent contre-productive une telle configuration.
Cette réforme vaut condamnation implicite de trois autorités administratives indépendantes, dont il n’est pas prouvé qu’elles aient démérité. Nous pouvons même souligner la qualité de leurs travaux. Du reste, elles sont de plus en plus sollicitées. Il serait donc plus utile de les préserver et de les renforcer, en leur accordant des moyens humains et financiers supplémentaires.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 24 rectifié quater est présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto.
L’amendement n° 68 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 2
Supprimer les mots :
la protection des droits de l'enfant,
II. - Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié quater.
M. Hugues Portelli. Cet amendement vise à supprimer toute référence au Défenseur des enfants dans le texte.
Comme l’ont dit plusieurs intervenants, le Défenseur des enfants a été créé, non pas sur des bases juridiques internes, mais en application de traités signés par la France : la convention de New York relative aux droits de l’enfant et la convention européenne sur l’exercice des droits des enfants.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est aussi le cas pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté !
M. Hugues Portelli. Le Défenseur des enfants possède donc une spécificité institutionnelle.
Par ailleurs, contrairement à ce que l’on a pu entendre, l’article 71-1 de la Constitution, qui a créé le Défenseur des droits, n’a nullement défini le périmètre de son action. Il est seulement indiqué que le rôle de cette autorité est de défendre les droits et libertés des citoyens face aux administrations et aux services publics. (M. le rapporteur fait un geste de dénégation.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La loi organique peut étendre ce périmètre !
M. Hugues Portelli. Le contenu de ce périmètre est donc à géométrie variable. La preuve en est que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et la CNIL en sont exclus !
Nous souhaitons que le Défenseur des enfants en soit également exclu et qu’il puisse ainsi conserver sa spécificité, qui correspond à celle des droits de l’enfant. Le débat que nous aurons bientôt sur les dispositions pénales applicables aux enfants est un exemple de cette spécificité.
Il est important que nous conservions le Défenseur des enfants, qui existe dans tous les pays ayant signé ces traités internationaux, même ceux où il y a l’équivalent du Défenseur des droits.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour présenter l’amendement n° 68 rectifié.
M. Nicolas About. Comme l’a dit très justement Hugues Portelli, rien ne saurait justifier une décision qui constituerait, selon nous, une régression au regard des prescriptions des organismes internationaux, et qui va surtout à contre-courant de ce qui se pratique dans le monde entier : je rappelle que près de quatre-vingts institutions de ce type ont été créées ces dernières années. De nombreux pays européens se sont ainsi dotés d’un ombudsman, sur le modèle suédois, tout en conservant, comme nous, un Défenseur des enfants indépendant.
La dilution du rôle du Défenseur des enfants dans celui du Défenseur des droits affecterait grièvement l’accessibilité ainsi que la lisibilité de l’institution, aux yeux mêmes des enfants. Ces derniers ont aujourd’hui un interlocuteur direct, visible et reconnu, spécialement chargé de la défense et de la promotion de leurs droits, seul apte à agir efficacement face à l’urgence du traitement de nombreuses réclamations qui, même si elles ne concernent pas directement les droits de l’enfant, exigent de mettre en place rapidement des médiations.
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Le présent amendement tend, à l’instar des onze autres que j’ai déposés, à maintenir l’existence propre de la HALDE et va donc à l’encontre de la position, certes argumentée, prise par notre commission des lois.
La création du Défenseur des droits constitue une avancée importante pour la défense des libertés et droits fondamentaux des citoyens. Elle représente l’une des grandes novations de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, à laquelle j’ai personnellement apporté tout mon soutien. Je considère néanmoins que ce vote n’interdit en rien de redéfinir par amendement le périmètre du défenseur des droits, et d’améliorer ainsi le texte de la loi organique. Telle est d’ailleurs l’essence du droit d’amendement, qui appartient en propre à tout parlementaire.
C’est d’autant plus vrai que les dispositions de l’article 71-1 de la Constitution, qui crée le Défenseur des droits, n’imposent nullement l’intégration de la HALDE dans cette nouvelle autorité. Le choix qui a été fait par la commission des lois relève donc de la marge d’appréciation résultant de la latitude d’interprétation laissée par l’article 71-1.
Au demeurant, le Gouvernement a lui-même longuement hésité avant d’arrêter la liste des autorités qui seraient intégrées au Défenseur des droits.
Certains constitutionnalistes, comme Guy Carcassonne, ont d’ailleurs émis quelques réserves quant à la disparition de la HALDE en tant qu’autorité spécifique chargée de la lutte contre les discriminations, arguant notamment de l’effet cliquet tiré de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui empêche que les changements législatifs n’en viennent à priver de garanties légales les exigences constitutionnelles. Or la lutte contre les discriminations est bien un objectif tiré de l’article 1er de la Constitution.
Le projet de loi organique, en l’état, n’apporte pas les mêmes garanties que la HALDE. Le collège spécialisé dans la lutte contre les discriminations ne deviendra qu’une instance parmi d’autres au sein d’un ensemble plus grand ; il n’aura qu’une voix consultative et sera soumis aux orientations et décisions d’une autorité supérieure pour ce qui concerne ses recommandations ; son délégué sera révocable à tout moment ; enfin, il n’est pas assuré que ses délégués régionaux subsistent.
La création de la HALDE, en 2004, a permis de faire considérablement progresser la lutte contre les discriminations de toute nature et la promotion de l’égalité, principe fondateur de notre République. Elle est aujourd’hui une institution connue de nos concitoyens, comme en témoigne le décuplement de ses saisines en quatre ans ; elle a donc su asseoir, par l’efficacité de son action, sa légitimité et sa crédibilité.
N’oublions pas que la crise économique qui sévit risque d’engendrer une certaine tension dans les relations sociales, tension qui pourra elle-même créer des antagonismes à caractère trop souvent discriminatoire. Le Défenseur des droits ne jouissant pas de la même surface de notoriété que la HALDE,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah bon ?
M. Aymeri de Montesquiou. ... nombre de discriminations risquent de demeurer impunies, accroissant ainsi le délitement du tissu social.
On peut comprendre les arguments de rationalisation et d’économies budgétaires.
Malgré certains excès qui peuvent survenir, et qu’il est nécessaire de corriger, la HALDE dispose de tous les outils lui permettant de lutter efficacement pour l’égalité et contre les discriminations de toutes natures. Son indépendance en fait un aiguillon utile des pouvoirs publics, mais aussi de toutes les personnes privées. Je crains que le respect qu’elle a su acquérir ne se dissolve, car le Défenseur des droits fera figure de grande machine bureaucratique immobile. La lutte contre les discriminations que nous menons risque ainsi de perdre de nombreuses années.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, de maintenir la HALDE comme autorité indépendante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Les amendements identiques nos 37 et 60 rectifié tendent à limiter la création du Défenseur des droits à une constitutionnalisation du Médiateur de la République, ce qui est contraire à l’article 71-1 de la Constitution. Si nous les adoptions, il y aurait sanction du Conseil constitutionnel pour incompétence négative. Par conséquent, je ne peux qu’émettre un avis totalement défavorable sur ces deux amendements.
Il en va un peu différemment des amendements identiques nos 24 rectifié quater et 68 rectifié, qui visent à maintenir le Défenseur des enfants en dehors du périmètre du Défenseur des droits.
Le projet de loi organique qui est aujourd'hui soumis au Sénat tend à intégrer le Défenseur des enfants au Défenseur des droits. La commission des lois a souscrit à cet objectif, sous réserve de plusieurs améliorations qui ont été très largement inspirées par Mme Dominique Versini, Défenseur des enfants.
Tenant compte des éléments fournis par cette dernière, la commission a adopté plusieurs amendements.
Un premier amendement visait à mentionner, dans les compétences du Défenseur des droits, le respect des engagements internationaux relatifs aux droits de l’enfant.
Un deuxième amendement tendait à prévoir que le Défenseur des droits conduit des actions de communication pour défendre et promouvoir les droits de l’enfant.
Un troisième amendement avait pour objet de compléter et renforcer la composition du collège chargé d’assister le Défenseur en matière de droits de l’enfant, afin de garantir un examen pluridisciplinaire de chaque dossier.
Enfin, un dernier amendement visait à prévoir la nomination par le Défenseur des droits d’un adjoint vice-président du collège, chargé de la défense des droits des enfants, afin de permettre une bonne identification de la compétence et une représentation au plan international.
Ces modifications donnent au Défenseur des droits les moyens d’assurer efficacement la défense et la promotion des droits des enfants. Le système proposé assure donc, comme celui qui existe actuellement, accessibilité, lisibilité et transparence.
J’ajoute que le Défenseur des droits ayant une compétence générale, rien ne lui interdit de défendre également les droits des enfants, même si le Défenseur des enfants est maintenu. Par conséquent, à terme, le risque est d’aboutir à une situation bizarre de conflits de jurisprudence entre les deux autorités. Or, bien évidemment, ce sera l’autorité constitutionnelle qui l’emportera sur l’autorité administrative.
M. Nicolas About. Supprimez le juge des enfants !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cette situation me paraît aléatoire et dangereuse. C’est la raison pour laquelle je demanderai aux auteurs de ces deux amendements identiques de bien vouloir les retirer, faute de quoi la commission sera contrainte d’émettre un avis défavorable.
L’amendement n° 3, quant à lui, est contraire à la position de la commission, qui a choisi de donner explicitement au Défenseur des droits la compétence en matière de lutte contre les discriminations.
La lecture du premier alinéa de l’article 4 du projet de loi organique montre d’ailleurs que cette lutte fait partie de la compétence générale du Défenseur des droits.
La commission des lois s’est donc limitée à préciser que, dans ce domaine, le Défenseur des droits pourrait être saisi de réclamations mettant en cause des personnes privées, par des associations agissant conjointement avec des victimes de discrimination.
Je rappelle que cette extension de compétence est prévue par l’article 71-1 de la Constitution,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Explicitement !
M. Patrice Gélard, rapporteur. …par renvoi à la loi organique.
Par ailleurs, la lutte contre les discriminations s’inscrit au cœur de la protection des droits et libertés, car les discriminations sont des atteintes intolérables au principe d’égalité. Il semble donc indispensable que cette mission soit confiée à la nouvelle autorité constitutionnelle, qui bénéficiera d’une visibilité et d’un poids institutionnel que n’a pas la HALDE.
L’attribution au Défenseur des droits de compétences en matière de lutte contre les discriminations est non pas un recul, mais une avancée. Je rappelle que le collège défini par la commission sera aussi indépendant que celui de la HALDE, dont il reprend largement la composition. Il sera saisi de tous les dossiers de discrimination.
En outre, je tiens à faire une mise au point au sujet des récents propos tenus par Mme la présidente de la HALDE, aux termes desquels le Défenseur des droits décidera seul de l’opportunité ou non d’instruire des dossiers et sans avoir à se justifier, alors que la HALDE instruirait tous les dossiers. Ces propos sont doublement erronés.
Tout d’abord, la HALDE, comme toutes les autorités administratives indépendantes, ne traite que les dossiers recevables. Ainsi, en 2009, sur 10 545 réclamations, elle en a instruit 1 552, soit 16,6 % ; elle en a rejeté 7 231 et réorienté 1 043.
Ensuite, la HALDE n’est pas tenue d’indiquer les motifs du rejet des réclamations.
En revanche, s’agissant du Défenseur des droits, la commission des lois a tenu à préciser, à l’article 20 du projet de loi organique, et contrairement à ce que prévoyait le texte initial, que le Défenseur devrait indiquer les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une saisine. La commission a ainsi voulu que le Défenseur des droits soit une autorité transparente, puissante et efficace.
La lutte contre les discriminations mérite mieux que les polémiques et les approximations que l’on entend depuis deux semaines : elle requiert une mobilisation énergique et forte. C’est ce que souhaite la commission des lois en confiant cette mission au Défenseur des droits.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 3.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Je ne reviendrai pas sur l’analyse amendement par amendement à laquelle M. le rapporteur vient de procéder, avec beaucoup de précision et de compétence.
Comme nous avons tous pu le constater au cours de notre vie politique, qu’elle soit nationale ou locale, il est toujours très difficile de faire évoluer les choses et, surtout, de modifier des habitudes. Pour autant, reconnaissons avec modestie que notre rôle est d’appliquer la volonté du constituant, que vous êtes, mesdames, messieurs les sénateurs ; je n’en serai pour ma part que plus modeste.
Qu’a souhaité le constituant ? Il a voulu moderniser, renforcer une institution de défense des droits et des libertés et lui faire faire un « saut qualitatif », comme je l’indiquais tout à l’heure.
C’est la raison pour laquelle il a souhaité créer, à la différence des actuelles autorités administratives, une autorité constitutionnelle. Je souligne en ma qualité de garde des sceaux que sa vocation est très large. Elle pourra probablement intégrer également d’autres autorités, et ce de façon progressive et pragmatique. En effet, comme je vous l’ai indiqué, cela implique, pour certaines autorités, soit une évolution de leur domaine d’action, soit une distinction de leurs différentes compétences.
En tout état de cause, nous avons voulu instaurer une autorité dotée d’un pouvoir bien plus important.
Bien entendu, je suis également attentive aux remarques relatives à l’existence de publics particuliers, qui ont besoin d’un interlocuteur proche d’eux, auquel ils puissent s’identifier, confier plus facilement leurs problèmes et s’en remettre pour leur défense.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement – et la commission a encore amélioré le projet de loi organique sur ce point – a voulu confier la défense d’un certain nombre de droits et libertés à l’autorité constitutionnelle.
J’en viens à la défense des droits des enfants. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, je rappelle que le Défenseur des droits a une compétence générale concernant tous les droits et libertés. Par conséquent, même si une autorité telle le Défenseur des enfants existe à ses côtés, le Défenseur des droits pourra intervenir dans le champ de compétences du Défenseur des enfants.
M. Nicolas About. C’est pareil pour la CADA et pour la CNIL !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. On aboutirait alors à une situation où l’on aurait un Défenseur des enfants, autorité administrative aux compétences limitées de par la loi, face à un Défenseur des droits, qui pourra intervenir dans le même domaine avec tous les pouvoirs que lui confère son statut constitutionnel. Il se poserait, on le voit, un vrai problème d’autorité des uns et des autres.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable aux amendements identiques nos 37 et 60 rectifié, aux amendements identiques nos 24 rectifié quater et 68 rectifié, ainsi qu’à l’amendement n° 3.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 37 et 60 rectifié.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le rapporteur, madame le garde des sceaux, selon vous, l’adoption de ces amendements nous ferait sortir du cadre constitutionnel. C’est à voir !
L’article 71-1 de la Constitution dispose : « Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences. » Il n’indique à aucun moment que tous les champs possibles des manquements des administrations doivent être transférés dans les compétences du Défenseur des droits. Aucune compétence minimale ou maximale n’est visée.
Monsieur le rapporteur, nous avons en effet la volonté de constitutionnaliser le Médiateur de la République, et c’est une constante de notre part. Mais je ne vois pas en quoi ce serait inconstitutionnel !
La loi organique peut attribuer des compétences au Défenseur des droits, mais ce n’est pas une obligation. Si ce dernier devait se voir transférer toutes compétences en matière de défense des administrés face à l’administration, vous auriez dû étendre son champ d’intervention en y incluant les attributions détenues par la CADA, la CNIL ou d’autres autorités indépendantes. Vous ne l’avez pas fait, et je ne sais d’ailleurs pas comment vous pourriez couvrir tous les domaines.
Pour toutes ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage les propos tenus par M. Peyronnet. Conserver un champ de compétences propre à certaines autorités n’a rien d’inconstitutionnel. Selon notre logique, une telle démarche va de pair avec l’obligation imposée au Défenseur des droits, lorsqu’il est saisi, de transmettre à l’autorité compétente les réclamations contre telle ou telle atteinte aux droits. Une harmonisation en la matière est donc parfaitement possible.
D’ailleurs, comme l’a dit notre collègue, si l’on suit le Gouvernement et la commission, le Défenseur des droits entrerait d’ores et déjà en concurrence, si l’on peut dire, avec la CNIL, la CADA, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Par conséquent, l’argumentation qui nous est opposée n’est pas justifiée, et nous maintenons l’amendement n° 37.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Madame le garde des sceaux, s’agissant de la HALDE, il n’y a pas encore d’habitude, mais on peut parler de maturité et de bonne notoriété.
Monsieur le rapporteur, j’oublierai dans mes propos les arguments présentés par le constitutionnaliste Guy Carcassonne.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Tant mieux !
M. Aymeri de Montesquiou. Nous sommes une assemblée politique. Je crains que la dissolution de la HALDE ne soit perçue comme un recul, alors même que les tensions discriminatoires risquent de s’accroître.
C’est la raison pour laquelle il me paraît important que la HALDE conserve son autonomie.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Dans une révision constitutionnelle, il y a le texte définitif, mais aussi les travaux préparatoires. Vous en conviendrez, monsieur Badinter, il est important de savoir dans quel esprit est faite la révision.
Dès le départ, il était question de regrouper des autorités. L’objectif n’était pas du tout de constitutionnaliser le Médiateur. D’ailleurs, tous les ombudsmans ou Défenseurs du peuple, dans la mesure où ils sont constitutionnels, ont des pouvoirs bien plus importants que des autorités administratives indépendantes comme le Médiateur, aussi admirable que soit son action, qui s’est d’ailleurs renforcée depuis quarante ans.
Au-delà de la médiation, le Défenseur des droits aura, notamment, le pouvoir d’injonction. Ce n’est pas le cas du Médiateur, même si, en réalité, il a largement étendu son pouvoir d’influence. Nous avons d’ailleurs adopté des dispositions législatives à la suite de ses constatations, que nous étions d’ailleurs très heureux de prendre en compte.
Comme l’ont dit Mme le garde des sceaux et M. le rapporteur, il ne s’agit pas seulement d’une constitutionnalisation du Médiateur. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a conclu une convention avec le Médiateur. Demain, les personnes privées de liberté pourront saisir le Contrôleur, mais aussi le Défenseur des droits, par exemple pour des problèmes de dysfonctionnements administratifs ou de discrimination.
En revanche, la situation générale dans les prisons relève des fonctions importantes du Contrôleur général des lieux privatifs de liberté. D’ailleurs, il s’agit bien du Contrôleur général des lieux, sur le modèle britannique, et non d’un contrôleur tout court. Sa fonction est non pas d’examiner systématiquement des réclamations, mais d’étudier la situation dans les lieux de privation de liberté.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si, monsieur Peyronnet. Pour avoir été également rapporteur de ce texte, je sais exactement ce qu’il en est !
La Commission nationale de l’informatique et des libertés, ou CNIL, dont il a été question, émet des autorisations ou des avis en matière de traitement de fichiers. Dans ce cas, il ne s’agit pas seulement de défense des droits, mais aussi de régulation.
M. Nicolas About. Elle devrait être totalement intégrée !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certains veulent extraire des compétences que la Constitution donne au Défenseur des droits pour les ramener à des lois particulières. À l’inverse, la constitutionnalisation risque de renforcer le pouvoir de toutes ces institutions.
Il faut s’efforcer, comme l’a fait M. le rapporteur, de conserver toutes les spécificités possibles au sein du Défenseur des droits.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. J’écoute toujours M. Hyest avec beaucoup d’intérêt. Parfois nous sommes d’accord, parfois non.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous n’avez pas voté la Constitution !
M. Bernard Frimat. Monsieur le président de la commission, si vous souhaitez m’interrompre, je vous laisse volontiers continuer, mais la façon dont vous créez le trouble ne vous ressemble pas ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pardonnez-moi, mon cher collègue !
M. Bernard Frimat. Vous avez fait allusion à la révision constitutionnelle. Sa défaillance initiale est de ne pas avoir défini le périmètre du Défenseur des droits.
M. Peyronnet vous a lu l’article 71-1 de la Constitution, que vous reprenez d’ailleurs dans le premier alinéa de l’article 4 de votre texte.
Si le Conseil constitutionnel, selon le raisonnement de M. le rapporteur, devait invoquer l’incompétence négative en considérant que nous nous limitons à la constitutionnalisation du Médiateur de la République, pourquoi ne l’invoquerait-il pas également pour les autres autorités indépendantes que vous n’avez pas incluses dans le périmètre du Défenseur des droits ? Ce dernier en comprend quatre selon votre projet, mais peut-être faudrait-il considérer qu’il devrait idéalement en inclure six ou sept ?
On le voit, votre argument n’est pas pertinent. Il est non pas juridique, mais de circonstances !
Concernant le Défenseur des enfants, vous invoquez la compétence générale du Défenseur des droits. La Constitution dispose que le Défenseur des droits intervient dans toute la sphère publique, et elle renvoie à la loi organique pour définir les conditions d’exercice de son pouvoir. Mais la Constitution ne donne au Défenseur des droits aucun pouvoir dans la sphère privée. Par conséquent, la compétence générale pourra s’appliquer à la sphère publique, mais non à la sphère privée.
Si nous nous en tenons à cet élément, nous pouvons très bien suivre la proposition visée par les amendements identiques nos 24 rectifié quater et 68 rectifié sur lesquels nous allons nous prononcer tout à l'heure, qui est moins ambitieuse que la nôtre.
Pour conclure, je suis tout à fait prêt à entendre des raisonnements juridiques, mais si l’on évoque une incompétence négative qui n’existe pas à mes yeux, je me permets d’émettre un avis légèrement différent. Mais le Sénat tranchera dans le sens que nous savons !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 37 et 60 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 24 rectifié quater et 68 rectifié.
M. Nicolas About. Je ferai deux remarques.
Tout d’abord, on a cru nécessaire de mettre en place le juge des enfants. Cela ne date pas d’hier, l’ordonnance de 1945 l’a fait en matière pénale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et en matière civile !
M. Nicolas About. Les compétences ont été étendues en matière civile le 23 décembre 1958, monsieur le président de la commission.
Il s’agissait de protéger les mineurs en danger. La complexification du droit rendait nécessaire une spécialisation des magistrats dans ce domaine.
Mais les choses changent : le Défenseur des droits devient un être tellement compétent et surhumain qu’il pourra tout prendre en charge ! Pourtant, comme l’écrit Guy Raymond, « le juge des enfants n’est ni un psychiatre ni un assistant de service social. Il est et demeure un juge. »
Or le Défenseur des droits ne sera pas un juge ; il sera plus que cela : il sera un avocat aux multiples facettes. Il devra défendre le droit, préparer l’avenir, s’occuper de cas particuliers et assurer un suivi avec ses équipes départementales.
Par ailleurs, l’argument de la compétence générale, que l’on oppose au maintien du Défenseur des enfants en dehors du périmètre du Défenseur des droits, se retourne contre la logique de vouloir laisser les autres grandes autorités indépendantes.
D’ailleurs, le Défenseur des droits concerne non pas uniquement les personnes physiques, mais aussi les personnes morales.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. J’interviendrai plus particulièrement sur la question du Défenseur des enfants et je soutiendrai le point de vue de M. Portelli.
Je ferai d’abord un rappel. Tout ce qui concerne le droit des enfants a une spécificité particulière, à l’échelon aussi bien national qu’international. C’est une exigence qui dépasse les considérations juridiques. Je consacre d’ailleurs, à la demande de l’UNICEF, un temps considérable à lutter pour la sauvegarde et « l’amélioration » de la condition des mineurs incarcérés dans d’autres pays que le nôtre.
Cela étant rappelé, l’idée selon laquelle la révision constitutionnelle impose la disparition de toutes les autorités indépendantes est fausse : il ne s’agit pas d’une compétence obligatoire. Certes, il est possible de le faire, mais le doit-on ?
La réponse avancée par M. Portelli rappelle que le Défenseur des enfants est né d’une obligation internationale indiquant que cette mission doit être exercée par un organe spécial.
Ce ne sera pas le cas du Défenseur des droits, qui a sous son autorité différents services spécialisés, mais qui n’a pas lui-même ce caractère de spécialité.
La conséquence est aisée à tirer : il faut mettre de part le Défenseur des enfants, qui a une vocation particulière et trouve son assise dans un texte international prévoyant un organe spécial. L’obligation de l’absorber dans le cadre de la fonction de Défenseur des droits ne résulte pas du texte de la Constitution. D’ailleurs, au départ, le projet de loi et le rapport de M. Gélard laissaient de côté d’autres autorités indépendantes.
Par conséquent, la conclusion s’impose d’elle-même. Pour des raisons évidentes, s’agissant de la spécificité de la protection des enfants et de son importance essentielle au regard de notre droit et des obligations humaines, il faut laisser vivre et survivre le Défenseur des enfants !
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Je ferai une remarque technique. L’amendement dont nous discutons vise à supprimer l’alinéa de la loi organique qui prévoit les attributions du Défenseur des droits en matière de droit des enfants.
Dans ce cas, l’argument selon lequel le Défenseur des droits conserverait une compétence générale tombe, puisque nous supprimons ses compétences en matière d’enfance, qui reviendront au Défenseur des enfants. Le Défenseur des droits conservera le reste de ses compétences hormis celles-ci.
J’ajoute aux propos tenus par M. Badinter que, si cet amendement n’était pas adopté, il y aurait non pas simplement un contrôle de constitutionnalité sur la loi organique, mais également un contrôle de conventionalité.
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.
M. Jean-René Lecerf. Ma remarque aura un caractère réconfortant.
Dans cette assemblée, nous avons tous le même but : assurer de la façon la plus efficace la protection et la promotion des droits de l’enfant. En revanche, nos avis divergent sur le choix de la méthode la plus appropriée.
En relisant le rapport de M. Gélard, en particulier le tableau de la page 44, auquel j’ai fait allusion lors de la discussion générale, j’ai comparé les pouvoirs du Défenseur des droits à ceux du Défenseur des enfants. Sur nombre de points, concernant notamment la transaction, la présentation d’observations devant les juridictions ou la saisine de l’autorité disciplinaire, j’ai constaté une disproportion entre les pouvoirs du Défenseur des enfants et ceux du Défenseur des droits qui sont très supérieurs.
Je redoute simplement que notre volonté de mieux faire ne nous conduise finalement à adopter des dispositions allant à l’encontre de l’objectif que, globalement, nous partageons tous.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je regrette évidemment que le Sénat n’ait pas voté notre amendement précédent, identique à celui du groupe socialiste, car il aurait donné un autre caractère à l’organisation de la défense des droits.
Force est de constater que, tout en ayant chacune leur spécificité, les différentes autorités sont plus ou moins directement liées au pouvoir régalien de l’État.
Si certaines instances, notamment dans le domaine du droit des étrangers, telles que la CNDS ou la HALDE, sont saisies abondamment aujourd’hui et si elles ont été amenées à émettre de nombreuses observations, c’est parce qu’au contact du terrain, elles ont pris une certaine indépendance à l’égard du pouvoir exécutif. C’est là un point qui me tient particulièrement à cœur.
À l’évidence, je plaide également en faveur du maintien de la spécificité du Défenseur des enfants. La situation particulière des mineurs, dans le domaine de la justice entre autres, ne cesse d’être remise en cause en France et sur le plan international. Refuser de rayer d’un trait de plume la spécificité du Défenseur des enfants serait un bon signe de notre part.
Je voterai donc ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Je répondrai à toutes ces interventions, en commençant par le cas de la CNIL et de la CADA, maintes fois citées.
Ces deux instances, je tiens à le préciser, disposent d’un pouvoir de sanction. Ce n’est pas le cas du Défenseur des droits, qui est donc un organisme différent.
Par ailleurs, ces deux institutions exercent un rôle spécifique de régulation, en matière de réutilisation des données publiques, pour la CADA, en matière de fichiers, pour la CNIL.
Leurs pouvoirs sont très étendus et diffèrent de ceux, de médiation ou de défense, du Défenseur des droits.
J’ai également entendu que la spécificité de la défense des enfants disparaîtrait. Ce n’est pas le cas ! Au contraire, avec le Défenseur des droits, elle est maintenue dans son intégralité.
Par ailleurs, aucune convention internationale n’impose l’instauration d’un organisme spécifique pour assurer la défense des enfants. En matière de justice, le président About l’évoquait, la spécificité n’existe plus ni en appel ni en cassation ; elle subsiste simplement au niveau de la première instance.
Monsieur Portelli, la lecture de l’article 3 de la loi du 6 mars 2000 est éclairante : « Lorsqu'une réclamation mettant en cause une administration, une collectivité publique territoriale ou tout autre organisme investi d'une mission de service public présente un caractère sérieux, le Défenseur des enfants la transmet au Médiateur de la République ». Il est étonnant de constater que la procédure est la même, sauf que la réclamation est transmise au Défenseur des droits.
En réalité, tous les arguments qui ont été énoncés successivement n’ont pas de véritable fondement, si ce n’est le choix de certains de maintenir, en dehors du Défenseur des droits, le Défenseur des enfants.
Cette position est parfaitement défendable, mais les arguments prétendument techniques ne sont pas recevables, car il s’agit d’un choix politique ! Le dispositif du Défenseur des droits satisfait en revanche tous les critères techniques. Ce n’est pas la peine d’aller chercher plus loin.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 rectifié quater et 68 rectifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe de l'Union centriste et, l'autre, du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 216 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 160 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l'amendement n° 3.
M. Richard Yung. Cet amendement est relatif à la HALDE. Sans reprendre la partie proprement juridique de l’argumentation, j’indique que la HALDE exerce une action très spécifique, qui n’allait pas de soi au moment de la création de cette institution. Grâce à ses efforts, à son intervention dans le domaine des discriminations au travail, à l’engagement de son président, la HALDE a acquis une image très forte dans l’opinion publique.
Dès lors, supprimer la HALDE, ou l’intégrer dans la grande machinerie que nous avons évoquée tout à l’heure, revient à envoyer un message politique négatif quant à notre volonté de combattre les discriminations.
En outre, la transformation du collège décisionnel de la HALDE en une instance seulement consultative, dont les avis ne seront pas obligatoirement pris en compte par le Défenseur des droits, renforce la négativité du message.
Pour toutes ces raisons, nous voterons l’amendement n° 3.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, l’amendement visant à retirer au Défenseur des droits la compétence en matière de lutte contre les discriminations n’ayant pas été adopté, les amendements de coordination relatifs à cette suppression sont désormais sans objet : il s’agit des amendements nos 7, 8, 6, 4, 5, 9, 10, 11, 12, 13 et 14.
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 5.
Article 5
Le Défenseur des droits peut en outre se saisir d’office ou être saisi par les ayants droit de la personne dont les droits et libertés sont en cause.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et ayant pour objet la défense des droits et libertés entrant dans le champ de compétence du Défenseur des droits peut conjointement et avec l'accord de l'auteur de la saisine visé à l'article 4, saisir le Défenseur des droits.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à permettre aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits relevant de leur secteur d’activité de saisir le Défenseur des droits.
En effet, de nombreuses associations sont des acteurs actifs en matière de défense des droits et constituent des soutiens souvent utiles, essentiels et compétents pour les personnes s’estimant lésées au sens du projet de loi organique. Elles doivent donc pouvoir saisir le Défenseur des droits dans le cadre de l’ensemble de sa mission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que, de façon générale, les associations ayant pour objet la défense des droits et des libertés peuvent saisir le Défenseur des droits, conjointement et avec l’accord de l’auteur de la saisine.
Le texte adopté par la commission comporte deux possibilités de saisine du Défenseur des droits par les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans : d’une part, les saisines relatives aux droits de l’enfant – en l’occurrence, cela risque de changer – et, d’autre part, les saisines relatives aux discriminations. En effet, dans ces domaines, la personne qui s’estime lésée peut avoir besoin d’être soutenue pour accomplir la démarche de saisir le Défenseur des droits.
Cet amendement, qui vise à étendre la possibilité de saisine, est en fait redondant. En effet, rien n’interdira à une personne qui s’estime lésée de saisir le Défenseur des droits avec l’appui d’une association.
Sur cet amendement, je me rallierai donc à l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le Gouvernement partage l’avis de M. le rapporteur.
Il est prévu que les associations puissent saisir ou informer le Défenseur des droits dans un certain nombre de cas. D’ailleurs, même dans le domaine relevant du Défenseur des enfants, rien n’empêchera une association de saisir le Défenseur des droits, puisque, aux termes du texte, il aura la possibilité d’intervenir dans tous les domaines, y compris celui-là, comme nous l’avons souligné lors de la première partie de notre discussion.
Cet amendement me paraît donc redondant et satisfait par le texte. Aussi, je demande à ses auteurs de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Madame Mathon-Poinat, l'amendement n° 39 est-il maintenu ?
Mme Josiane Mathon-Poinat. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
La saisine du Défenseur des droits est gratuite.
Elle est précédée de démarches préalables auprès des personnes publiques ou des organismes mis en cause, sauf lorsqu’elle est présentée au titre des compétences mentionnées aux troisième, quatrième et cinquième alinéas de l’article 4.
La saisine du Défenseur des droits n’interrompt ni ne suspend par elle-même les délais de prescription des actions en matière civile, administrative ou pénale, non plus que ceux relatifs à l’exercice de recours administratifs ou contentieux.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
quatrième et cinquième
par les mots :
et quatrième
Cet amendement n’a plus d’objet.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, au cours de la discussion des articles, nous serons amenés, et j’en suis confus, à déposer plusieurs amendements de coordination afin d’assurer la cohérence du texte.
Le premier d’entre eux vise, à l’alinéa 2 du présent article, à remplacer les mots «, quatrième et cinquième » par les mots « et dernier ».
M. le président. Je suis donc saisi de l’amendement n° 96, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
, quatrième et cinquième
par les mots :
et dernier
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Une réclamation peut être adressée à un député ou à un sénateur, qui la transmet au Défenseur des droits s’il estime qu’elle mérite son intervention. Le Défenseur des droits informe le député ou le sénateur des suites données à cette transmission.
Les membres du Parlement peuvent, de leur propre initiative, saisir le Défenseur des droits d’une question qui leur paraît mériter son intervention.
Le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat peut transmettre au Défenseur des droits, dans les domaines de sa compétence, toute pétition dont l’assemblée a été saisie.
Le Défenseur des droits instruit également les réclamations qui lui sont transmises par le Médiateur européen ou un homologue étranger et qui lui paraissent relever de sa compétence et mériter son intervention.
M. le président. L'amendement n° 80 rectifié, présenté par MM. About, Détraigne, Amoudry, Biwer, Borotra et Deneux, Mme Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Je me suis longuement expliqué à la tribune sur cet amendement. Je rappellerai simplement que le texte prévoit, conformément à la Constitution, de permettre la saisine directe du Défenseur des droits. Dès lors, il paraît anormal de maintenir la possibilité pour une personne de passer par un parlementaire afin d’essayer de mettre son propre dossier plus en valeur que s’il avait été adressé directement au Défenseur des droits.
Je souhaite donc que cette faculté soit supprimée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour une personne de transmettre une demande à un député ou à un sénateur, qui lui même l’adresserait au Défenseur des droits.
Il ne faut pas se méprendre sur cette disposition : il ne s’agit pas de maintenir un filtre parlementaire ou de créer un mode privilégié de saisine du Défenseur.
En effet, si le projet de loi organique maintient une possibilité de saisine du Défenseur des droits par les parlementaires, c’est dans le même esprit que la loi instituant un Défenseur des enfants ou que la loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, qui ménagent également cette possibilité
Les parlementaires peuvent avoir connaissance de difficultés affectant des personnes qui ne sont pas elles-mêmes en mesure de saisir le Défenseur des droits.
M. Nicolas About. Ce n’est pas pareil !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si !
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il paraît cohérent que les députés et les sénateurs, en tant que représentants de la nation, puissent saisir le Défenseur des droits, lequel devra s’assurer que l’intéressé ne s’oppose pas à une telle saisine.
En outre, certaines personnes, victimes de discriminations, d’atteintes aux règles de déontologie de la sécurité ou confrontées aux pressions de certains grands organismes administratifs, peuvent hésiter à saisir le Défenseur des droits, parce qu’elles redoutent des conséquences négatives. Le soutien d’un parlementaire peut donc les aider à faire valoir leurs droits.
Pour toutes ces raisons, il me semble que la possibilité de saisine par l’intermédiaire de parlementaires doit être maintenue.
Je demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Nous sommes probablement nombreux dans cette enceinte à avoir été sollicités par des électeurs nous demandant d’effectuer une démarche pour eux ou, par exemple, de nous adresser à la police à leur place parce qu’eux n’osent pas ou ne savent pas le faire. Il serait donc paradoxal que nous nous empêchions de faire ce que nos propres électeurs nous demandent d’effectuer ! Je ne vois pas en quoi le dispositif proposé nuirait à la faculté d’auto-saisine du Défenseur des droits ni à son accès direct. Je pense que la saisine du Défenseur fait partie des droits et des devoirs des Parlementaires.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur About, l'amendement n° 80 rectifié est-il maintenu ?
M. Nicolas About. Mon but n’est pas de priver les parlementaires d’un droit, lequel est d’ailleurs inscrit dans le deuxième alinéa de l’article 7 : « les membres du Parlement peuvent, de leur propre initiative, saisir le Défenseur des droits d’une question qui leur paraît mériter son intervention ». Cette disposition s’applique donc également dans le cas d’un dossier qui serait éventuellement envoyé au parlementaire par un concitoyen.
L’objet du texte étant de créer un lien direct entre une personne privée, publique ou morale, et le Défenseur des droits, n’est-il pas redondant de prévoir qu’il sera possible, de surcroît, de le saisir par l’intermédiaire d’un parlementaire, sachant que, aux termes du deuxième alinéa, ce dernier peut faire ce qu’il veut ?
Je maintiens mon amendement, car une loi propre vaut mieux, selon moi, qu’une loi redondante.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas redondant. Il s’agit de deux choses différentes.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
Lorsqu’il se saisit d’office ou lorsqu’il est saisi autrement qu’à l’initiative de la personne s’estimant lésée ou, s’agissant d’un enfant, de ses représentants légaux, le Défenseur des droits ne peut intervenir qu’à la condition que cette personne, ou, le cas échéant, ses ayants droit, ait été avertie et ne se soit pas opposé à son intervention. Toutefois, il peut toujours se saisir des cas lui paraissant mettre en cause l’intérêt supérieur d’un enfant et des cas relatifs à des personnes qui ne sont pas identifiées ou dont il ne peut recueillir l’accord.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 25 rectifié ter est présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 69 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Première phrase
Supprimer les mots :
ou, s'agissant d'un enfant, de ses représentants légaux
II. - Seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l’amendement n° 25 rectifié ter.
M. Hugues Portelli. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement qui a été voté tout à l’heure. Il vise à tirer les conséquences du maintien de l’institution spécialisée du Défenseur des enfants.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour présenter l'amendement n° 69 rectifié.
M. Nicolas About. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Il ne s’agit pas tout à fait d’amendements de coordination, contrairement à ce qui vient d’être dit.
En effet, les amendements adoptés à l’article 4 ont pour effet de supprimer la possibilité de saisir le Défenseur des droits de réclamations mettant en cause des personnes privées, au titre de ses compétences en matière de droits de l’enfant.
Néanmoins, le Défenseur des droits gardera une compétence générale incluant la protection des droits de l’enfant à l’égard des actes des organismes publics ou chargés d’une mission de service public, conformément à l’article 3 de la loi de 2000.
Telles sont les raisons pour lesquelles je prie les auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Comme je le soulignais voilà quelques instants, l’amendement qui a été adopté tout à l’heure n’a pas pour conséquence de priver le Défenseur des droits de sa possibilité d’intervenir dans tous les domaines dès lors que des droits sont concernés, qu’il s’agisse d’enfants ou d’adultes.
Il serait tout de même paradoxal de limiter la capacité du Défenseur des droits à défendre tout le monde, y compris les enfants ! Cela réduirait ses possibilités d’intervention.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Portelli, l’amendement n° 25 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Hugues Portelli. Monsieur le président, je n’ai pas l’intention de retirer cet amendement, car cela reviendrait à vider de son contenu la décision que nous avons prise tout à l’heure.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Hugues Portelli. Il s’agit de préserver intégralement les prérogatives du Défenseur des enfants et d’éviter que deux autorités ne soient compétentes dans la même matière.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Non !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parmi les amendements qui ont été déposés, certains sont effectivement des amendements de coordination. Dans ce cas, nous constaterons simplement la conformité de ces amendements avec la décision qui a été prise.
Toutefois, je rappelle que le Médiateur de la République peut déjà aujourd'hui être saisi de réclamations.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Exact !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. L’article 8 permet simplement à un enfant de saisir le Défenseur des droits par l’intermédiaire de ses représentants légaux. On ne peut pas retirer un tel droit, qui existe déjà et qui est parfaitement constitutionnel.
Les mesures spécifiques au Défenseur des enfants ont été retirées du projet de loi. Le dispositif visé à l’article 8 n’est pas du tout spécifique au Défenseur des droits.
Il importe de bien préciser – d’ailleurs, cela figure déjà dans tous les textes – que l’enfant peut saisir l’autorité par l’intermédiaire « de ses représentants légaux ». Il ne faut tout de même pas pousser le souci de coordination trop loin ! En l’occurrence, cette précision figure dans la loi du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants.
M. Patrice Gélard, rapporteur. À l’article 3 !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet, monsieur le rapporteur. Cet article permet d’ailleurs également de saisir des institutions autres que le Défenseur des enfants.
Mes chers collègues, si les autres amendements sont effectivement des amendements de cohérence, ce n’est pas le cas des amendements identiques nos 25 rectifié ter et 69 rectifié ! C'est la raison pour laquelle nous y sommes défavorables.
Je souligne qu’il ne s’agit pas du tout à nos yeux de remettre en cause la décision qui a été prise majoritairement par le Sénat. Vous verrez d’ailleurs, mon cher ami Hugues Portelli, si vous relisez bien tous les textes, que ces deux amendements identiques ne sont pas des amendements de coordination.
Au contraire, leur adoption priverait les citoyens de droits dont ils disposent déjà aujourd'hui et qui seront encore renforcés demain avec l’institution du Défenseur des droits.
Nous avons examiné les amendements, y compris pendant la suspension de séance à l’heure du dîner. Nous n’aurons rien à dire sur les amendements de coordination, dont certains ont d’ailleurs peut-être été oubliés. Mais pour ce qui concerne ces deux amendements identiques, je crois qu’il faut maintenir la possibilité donnée à un enfant de saisir le Défenseur des droits par l’intermédiaire de ses représentants légaux.
M. le président. Monsieur About, l’amendement n° 69 rectifié est-il maintenu ?
M. Nicolas About. Tout comme M. Hugues Portelli, je maintiens cet amendement, monsieur le président.
À mon sens, les préoccupations de M. le rapporteur sont satisfaites, puisque Mme le garde des sceaux a rappelé qu’il s’agissait d’une compétence générale.
Dès lors, si la compétence est générale, il n’y a pas lieu de commencer à préciser et à décliner tous les pouvoirs.
Le Défenseur des droits pourra exiger la communication d’un document administratif, lorsqu’un demandeur sera lésé parce qu’on lui en aura refusé l’accès. Le Défenseur des droits pourra tout faire, puisqu’il disposera d’une compétence générale, y compris dans les domaines qui ne relèvent pas a priori de sa compétence directe.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Nicolas About. On ne peut pas tout dire et son contraire ! Si le Défenseur des droits dispose d’une compétence générale, il n’est pas utile de préciser de tels détails.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si !
M. Nicolas About. Si nous le faisions, nous viderions un certain nombre de dispositions de leur contenu.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Nicolas About. C’est le principe même d’une compétence générale : quand une compétence est générale, il n’est pas nécessaire de préciser en quoi !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si ! Il faut indiquer que l’enfant peut saisir le Défenseur des droits par l’intermédiaire de ses représentants légaux !
M. Nicolas About. Cela, c’est le droit !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Alors, inscrivons-le dans la loi !
M. Nicolas About. Mais non !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 rectifié ter de M. Hugues Portelli et 69 rectifié de M. Nicolas About, tendant à modifier l’article 8.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Union centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 217 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 334 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 168 |
Pour l’adoption | 173 |
Contre | 161 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
Lorsque le Défenseur des droits transmet une réclamation à une autre autorité indépendante investie d’une mission de protection des droits et libertés, il peut accompagner cette transmission de ses observations et demander à être informé des suites données à celles-ci.
Le Défenseur des droits et les autres autorités visées à l’alinéa précédent concluent des conventions afin d’organiser des échanges réciproques d’information et d’assurer le traitement des réclamations qui leurs sont adressées dans le respect de leurs compétences respectives.
Le Défenseur des droits est associé, à sa demande, aux travaux de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Quand le Défenseur des droits est saisi d'une réclamation entrant dans le champ de compétence d'une autorité administrative indépendante, il est tenu de lui transmettre cette réclamation.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’avais déposé initialement cet amendement à l’article 4.
La précision qu’il tend à apporter semble aller de soi, mais il est préférable de l’introduire dans le texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement, sous réserve d’une rectification. Il faudrait remplacer les mots « autorité administrative indépendante » par les mots « autorité investie d’une mission de protection des droits et libertés ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je serais prête à accepter cette rectification.
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. S’il s’agit de transmettre une réclamation, je suis d’accord, mais il n’est pas question que le Défenseur des droits se dessaisisse du dossier.
Il est tout à fait normal que le Défenseur des droits informe et transmette le dossier. Pour autant, compte tenu de la compétence générale qui lui est accordée par la Constitution, il ne doit pas être dessaisi de sa capacité à examiner le dossier.
Si vous êtes bien d’accord sur ce point, l’amendement ne me pose pas de problème. Mais la précision doit figurer soit dans l’amendement, soit dans le compte rendu intégral de nos débats, de façon à ce que ce soit souligné de façon très claire.
La position du Gouvernement sera fonction de la réponse que m’apportera l’auteur de l’amendement ou M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous pourrions remplacer les mots : « il est tenu » par les mots : « il peut » ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, monsieur le rapporteur, ce n’est pas possible ! Si nous prenons l’exemple du Défenseur des enfants, autorité pour l’instant maintenue, il est tout à fait logique que le Défenseur des droits lui transmette la réclamation !
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Que le Défenseur des droits transmette la réclamation, par exemple, au Défenseur des enfants, cela ne me gêne pas. Mais le Défenseur des droits ne doit pas être empêché d’examiner le dossier alors qu’il a compétence en ce qui concerne toute atteinte aux droits.
Si vous voulez enlever au Défenseur des droits la compétence qui lui est accordée par la Constitution de s’occuper de la protection de tous les droits, je ne peux être d’accord avec vous.
En revanche, si vous me dites que le Défenseur des droits examine le dossier et que, en même temps, il le transmet au Défenseur des enfants parce que cela relève aussi de la compétence de ce dernier, la disposition ne me pose pas de problème.
M. Nicolas About. Le Défenseur des droits fait ce qu’il veut !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme vient de le dire M. About, le Défenseur des droits fait absolument ce qu’il veut, puisqu’il a une compétence générale.
Cela étant, nous ne pouvons pas imaginer que le Défenseur des enfants, par exemple, ne soit pas saisi d’un problème qui relève de sa compétence !
Une autre question est ensuite de savoir si les deux défenseurs peuvent avoir des avis différents.
En tout état de cause, c’est bien, par exemple, au Contrôleur des lieux de privation de liberté qu’il appartient d’instruire la demande si son domaine de compétence est concerné.
Ce point me paraît évident, mais il ne l’est apparemment pas pour vous. Il faut donc le préciser.
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Monsieur le président, je propose à Mme Borvo Cohen-Seat, en accord avec M. le rapporteur, d’ajouter à la fin du texte de son amendement les mots : « sans être pour autant dessaisi ».
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, que pensez-vous de cette suggestion ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous créons des complications, mais je préfère que les choses soient écrites. Il ne serait pas normal, en effet, que le dossier ne soit pas transmis à l’autorité compétente.
J’accepte donc cet ajout, monsieur le président, même s’il introduit un brouillage.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 38 rectifié bis, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Quand le Défenseur des droits est saisi d'une réclamation entrant dans le champ de compétence d'une autorité investie d'une mission de protection des droits et libertés, il est tenu de lui transmettre cette réclamation sans être pour autant dessaisi.
Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 82, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Cet amendement vise à supprimer l’obligation faite au Défenseur des droits de passer des conventions avec les autres autorités chargées de la protection des droits.
Ce dispositif me paraît inutilement contraignant. Néanmoins, une amélioration a été apportée à ce sujet, sur l’initiative de M. le rapporteur.
Je retire donc cet amendement, tout en pensant honnêtement que ces mécanismes se mettront en place naturellement et qu’il n’était pas besoin de les prévoir dans le texte.
M. le président. L'amendement n° 82 est retiré.
L'amendement n° 90, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger comme suit cet alinéa :
Le Défenseur des droits et les autres autorités visées à l'alinéa précédent concluent des conventions afin d'assurer la transmission au Défenseur des droits des réclamations relevant de sa compétence générale en matière de protection des droits et libertés.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 82.
M. Patrice Gélard, rapporteur. L’amendement n° 90 tend à réécrire le dispositif prévoyant que le Défenseur des droits et les autres autorités investies d'une mission de protection des droits et libertés concluent des conventions.
En effet, le rang constitutionnel du Défenseur des droits et sa compétence générale en matière de protection des droits et libertés imposent que les autorités administratives indépendantes chargées d'une mission de protection des droits et libertés lui transmettent les réclamations dont elles sont saisies qui entrent également dans le champ d'attribution du Défenseur des droits.
Ces conventions devront, par conséquent, organiser des mécanismes de transmission des réclamations qui relèveraient de la compétence générale du Défenseur des droits, afin de garantir que tous les aspects de la saisine ont été pris en compte pour une protection optimale des droits et libertés de son auteur.
J’ai tenu compte d’une observation du ministère, qui soulignait que l’on ne pouvait pas mettre sur le même pied le Défenseur des droits et les autorités administratives indépendantes, d’où la rédaction de cet amendement, qui devrait donner satisfaction au Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Cet amendement me donne, en effet, satisfaction et j’émets un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avions quelque peu sursauté en prenant connaissance de l’amendement n° 82 du Gouvernement, que Mme la ministre d’État vient de retirer.
Il existe plus qu’une nuance entre l’amendement n° 90 présenté à l’instant par M. Gélard et la position qui avait été précédemment retenue par la Commission.
En effet, dans la rédaction précédemment adoptée par la Commission, il était prévu que « Le Défenseur des droits et les autres autorités administratives visées à l’alinéa précédent concluent des conventions afin d’organiser des échanges réciproques d’information et d’assurer le traitement des réclamations qui leur sont adressées dans le respect de leurs compétences respectives. »
La mention « dans le respect de leurs compétences respectives » était pour nous fondamentale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est toujours le même problème !
M. Jean-Pierre Sueur. Or, par cet amendement, monsieur le rapporteur, vous changez la rédaction qui avait été adoptée initialement par la commission : les compétences respectives disparaissent et il n’est plus question que de la compétence générale du Défenseur des droits.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est normal !
M. Jean-Pierre Sueur. Il était extrêmement important à nos yeux que des conventions soient conclues, dans le respect des compétences respectives clairement reconnues, entre, d’une part, le Défenseur des droits et, d’autre part, les autorités indépendantes qui subsisteront après la création de cette institution.
D’ailleurs, mes chers collègues, lorsque la commission des lois a reçu M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ce dernier a précisé qu’il avait signé une convention avec le Médiateur de la République, le 13 mai 2009, tout comme il l’avait fait précédemment avec le président de la CNDS et le Défenseur des enfants, et qu’il projetait – cela figure au compte rendu des travaux de la commission – de faire de même avec le futur Défenseur des droits.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Bien sûr, parce qu’ils étaient sur le même plan !
M. Jean-Pierre Sueur. Je le cite : « Ce sera pareil avec le Défenseur : si nous pouvons régler la question par convention, ce sera très bien. Et encore mieux si les textes le prévoient ; je n’y vois que des avantages. »
On voit bien le déplacement intervenu dans la rédaction de la disposition : dans un premier temps, a prévalu l’idée du Défenseur des droits et d’autorités qui restent indépendantes, qui ont leurs compétences propres, et qui passent des conventions.
Puis, dans un second temps, l’amendement de M. le rapporteur est venu gommer tout cela, alors que la disposition initiale était excellente et recueillait notre total soutien.
Pour notre part, je le redis, nous étions en désaccord avec l’amendement du Gouvernement que Mme la ministre d’État vient de retirer.
D’ailleurs, madame la ministre d’État, vous aviez introduit un argument quelque peu étrange dans l’objet de cet amendement, en indiquant : « La rédaction de l’alinéa dont la suppression est proposée a pour effet d’obliger le Défenseur des droits, autorité de rang constitutionnel, à passer des conventions avec les autorités administratives indépendantes subsistant après sa création », laissant supposer qu’une autorité constitutionnelle, de haut degré, n’avait pas à s’abaisser à passer des conventions avec d’autres autorités !
Ainsi, dans l’aristocratie, on considérait jadis qu’il était contraire aux bons principes de conclure des unions en dessous de certains niveaux.
Nous pensons, nous, qu’une autorité, même de rang constitutionnel, peut passer des conventions utiles avec une autorité qui n’est pas du même rang !
Voilà pourquoi nous voterons contre l’amendement n° 90 de M. Gélard, tout en soulignant que nous approuvions totalement la rédaction précédemment proposée par la commission.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Mon cher collègue, je m’étais trompé dans la première rédaction. (Sourires.) Il faut bien que je respecte l’article 71-1 de la Constitution ! Or ce dernier ne me permettait pas de maintenir l’amendement que j’avais initialement proposé à la commission.
C'est la raison pour laquelle, ce matin, la commission a changé de point de vue et a adopté tout naturellement le texte conforme à la Constitution. Je n’y peux rien !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez eu tort : le premier mouvement d’un juriste aussi éminent que vous est forcément le bon ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 26 rectifié ter est présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 70 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mme Morin-Desailly, MM. Vanlerenberghe et Zocchetto et Mme Férat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et du Défenseur des enfants
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l'amendement n° 26 rectifié ter.
M. Hugues Portelli. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour présenter l'amendement n° 70 rectifié.
M. Nicolas About. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission n’a plus d’avis, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce matin, la commission des lois avait rejeté tous les amendements portant sur l’article 4. Dans la mesure où le Sénat a adopté les amendements nos 24 rectifié quater et 68 rectifié contre l’avis de la commission, il est maintenant normal d’adopter les amendements de coordination.
M. Nicolas About. Nous pouvons retirer notre amendement, si vous le souhaitez !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, sinon il y aurait une incohérence !
M. Nicolas About. Pas du tout ! Simplement, le Défenseur des droits n’aurait pas accès aux travaux du Défenseur des enfants.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur About, vous pourriez changer d’attitude…
M. Nicolas About. Je n’ai pas d’ordres à recevoir,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais je ne vous donne pas d’ordre !
M. Nicolas About. …surtout quand il s’agit de la protection des droits !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mon cher collègue, vous avez été président de commission, vous pouvez donc comprendre que, la commission des lois ayant émis un avis défavorable sur les amendements qui ont été adoptés, elle ne souhaite pas émettre d’avis sur les amendements qui en tirent les conséquences.
En revanche, il est logique que le Sénat adopte ces amendements, afin que l’ensemble du texte conserve une cohérence.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. À ce stade de la discussion, il serait préférable que nous adoptions un comportement de correction réciproque et que nous jouions le jeu de la coordination (M. le président de la commission des lois approuve.), afin d’éviter les mauvaises manières et la multiplication des scrutins publics. Autant le dire clairement.
Par cohérence, notre groupe votera donc ces amendements identiques.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 rectifié ter et 70 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
Le Défenseur des droits ne peut être saisi ni ne peut se saisir des différends qui peuvent s’élever entre les personnes publiques et organismes mentionnés au premier alinéa de l’article 4.
Il ne peut être saisi ni ne peut se saisir, sauf au titre de ses compétences mentionnées au cinquième alinéa de l’article 4, des différends qui peuvent s’élever entre, d’une part, ces personnes publiques et organismes et, d’autre part, leurs agents, à raison de l’exercice de leurs fonctions. – (Adopté.)
Titre III
DISPOSITIONS RELATIVES À L’INTERVENTION DU DÉFENSEUR DES DROITS
Chapitre Ier
Dispositions relatives aux collèges
M. le président. L’amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Yung, Badinter et Sueur, Mme Boumediene-Thiery, MM. Assouline, Mermaz et Guérini, Mmes Blondin et M. André, M. Michel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cette division et son intitulé.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement de suppression de l’ensemble de ce chapitre s’inscrit dans la logique des positions que nous avons défendues précédemment. Une partie de nos objections tombe, puisque l’adoption des amendements nos 24 rectifié quater et 68 rectifié a modifié la donne.
Je tiens simplement à rappeler notre hostilité à la création des collèges, dont nous ne pensons pas qu’ils soient de nature à remplacer les institutions supprimées. Nous pensons également que le statut des membres des collèges n’est pas de nature à leur permettre d’exprimer des positions qui seraient différentes de celles du Défenseur des droits.
J’ajoute que l’argument essentiel pour justifier la création des collèges a été de nature non pas juridique, mais pratique, puisque M. le rapporteur invoque la charge de travail excessive qui incombera au Défenseur des droits. Cet argument de forme, et non de fond, ne nous rassure pas.
Nous avons déjà exprimé notre position sur la situation des adjoints, je n’y reviendrai donc pas, sinon pour signaler que le contrôle parlementaire sur la nomination des adjoints n’a plus vraiment de sens, puisque ceux-ci sont révocables ad nutum.
Pour toutes ces raisons, nous maintenons cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement est le premier d’une série visant à supprimer les collèges. Il s’oppose en fait à la fusion de la CNDS, du Défenseur des enfants – le problème est réglé ! – et de la HALDE au sein du Défenseur des droits. Cette fusion assure pourtant, cela a été dit, une simplification et un renforcement de notre système de protection des droits et libertés. La force et la cohérence ne résident pas, en la matière, dans la multiplication et la dispersion des autorités.
Le système de collège et d’adjoints, tel que modifié par la commission, apporte en outre les garanties de la collégialité, de la pluridisciplinarité, de la transparence et de la visibilité.
Le Défenseur gardera néanmoins son pouvoir de décision, car il convient de lui donner les moyens de coordonner et d’harmoniser l’action de ses différents secteurs d’intervention, mais les situations dans lesquelles il ne suivra pas le collège devraient être rares, car en tant que membre du collège, il participera aux discussions et, le plus souvent, les positions de consensus, résultats d’une expertise et d’un équilibre, prévaudront.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable, car cet amendement tend à vider l’institution du Défenseur des droits de ses capacités de travail.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 11 A (nouveau)
Le Défenseur des droits préside les collèges qui l’assistent pour l’exercice de ses attributions en matière de défense et de promotion des droits de l’enfant, de déontologie dans le domaine de la sécurité, ainsi que de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité.
Il nomme, après avis de la commission compétente de chaque assemblée, des adjoints placés sous son autorité, dont :
- un adjoint, vice-président du collège chargé de la défense et de la promotion des droits de l’enfant ;
- un adjoint, vice-président du collège chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité ;
- un adjoint, vice-président du collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité.
Le Défenseur des droits peut déléguer ses attributions à ses adjoints, dans leur domaine de compétence, à l’exception de celles mentionnées aux articles 16, 23, 24, 25 et 27, aux deux derniers alinéas de l’article 21 et au deuxième alinéa de l’article 26. Il peut les révoquer.
Chacun de ses adjoints peut le suppléer à la présidence des réunions du collège dont il est le vice-président et le représenter, dans son domaine de compétence, auprès des organisations rassemblant les autorités indépendantes de pays tiers chargées de la protection des droits et libertés.
L’article 3 est applicable aux adjoints du Défenseur des droits.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 40 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 62 rectifié est présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Yung, Badinter et Sueur, Mme Boumediene-Thiery, MM. Assouline, Mermaz et Guérini, Mmes Blondin et M. André, M. Michel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 40.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement s’inscrit dans la logique de nos précédents amendements. Le système instauré par ce chapitre tente de résoudre les contradictions résultant de la définition du champ de compétences du Défenseur des droits et qui me semblent difficiles à régler.
L’article 11 A crée des adjoints qui sont vice-présidents et reproduit, en quelque sorte, les compétences exercées par les autorités administratives indépendantes existant actuellement, à la différence près qu’ils sont soumis à l’autorité du Défenseur des droits, qui conservera toute son autonomie, sinon par rapport à l’exécutif, au moins à l’égard des collèges, pour décider comme bon lui semblera.
Par principe, je maintiens cet amendement. D’ailleurs, le fait que les vice-présidents, malgré leur titre, ne soient que des collaborateurs du Défenseur des droits, comme l’a dit M. le rapporteur, m’incite à critiquer fortement ce mode d’organisation. En réalité, ces vice-présidents sont des leurres : le texte s’efforce de leur accorder une importance, alors qu’ils ne disposeront en réalité d’aucune autonomie.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 62 rectifié.
M. Richard Yung. Cet amendement effectue une coordination, dans la continuité de l’amendement que j’ai défendu précédemment. Je ne reprendrai donc pas mon argumentation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Ces deux amendements tendent à supprimer l’organisation interne du Défenseur des droits adoptée par la commission, et prévoyant que le Défenseur nomme des adjoints. Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 et 62 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 83, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Défenseur des droits est assisté par des collèges pour l’exercice de ses attributions en matière de défense et de promotion des droits de l’enfant, de déontologie dans le domaine de la sécurité, ainsi que de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité.
Il peut désigner un adjoint, placé sous son autorité, au titre de chacune des missions mentionnées à l’alinéa précédent.
Il peut déléguer ses attributions à ses adjoints, dans leur domaine de compétence, à l’exception de celles mentionnées aux articles 16, 23, 24, 25 et 27, au deuxième alinéa de l’article 26 et aux deux derniers alinéas de l’article 21.
La parole est à Mme la ministre d’État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d’État. La commission des lois a profondément modifié le projet de loi organique et elle a prévu un mode de désignation des adjoints du Défenseur des droits relativement rigide.
Lorsque nous avons évoqué les différents cas de figure envisageables, nous avons vu qu’il pouvait y avoir un intérêt, dans un certain nombre de cas, à renforcer un des adjoints par rapport aux autres, compte tenu de son domaine de compétence. Le texte issu des travaux de la commission me paraît donc trop rigide et ne donne pas au Défenseur des droits la souplesse qui lui permettrait de répondre, par exemple, à l’exigence d’identifier davantage un responsable de secteur par rapport aux autres.
Cet amendement tend donc à réintroduire une souplesse suffisante dans le mode de désignation des adjoints par le Défenseur des droits. Je pense d’ailleurs que nous pourrons poursuivre notre réflexion sur ce thème dans le courant de la discussion.
M. le président. Les amendements nos 27 rectifié ter et 71 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 27 rectifié ter est présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto.
L’amendement n° 71 rectifié, présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ils sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
de défense et de promotion des droits de l’enfant,
II. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié ter.
M. Hugues Portelli. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour présenter l’amendement n° 71 rectifié.
M. Nicolas About. Cet amendement est défendu.
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
, ainsi que de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité
II. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement n’a plus d’objet.
L’amendement n° 41, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
avis
insérer le mot :
conforme
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans la même logique, nous prenons acte des dispositions adoptées, mais nous souhaitons, compte tenu de cette réalité, que les adjoints du Défenseur des droits aient une existence légale, si j’ose dire. C’est pourquoi cet amendement tend à soumettre la désignation de ces adjoints à un avis conforme des commissions parlementaires.
M. le président. Les amendements nos 1 et 42 sont identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par M. Lecerf.
L’amendement n° 42 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour présenter l’amendement n° 1.
M. Jean-René Lecerf. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 42.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a le même objet que l’amendement n° 41, mais il porte, cette fois-ci, sur la révocation des adjoints du Défenseur des droits.
M. le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il ne peut les révoquer moins de trois mois après avoir averti la commission compétente de chaque assemblée.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Je souhaite rectifier mon amendement pour ramener à un mois, à compter de l’information de la commission compétente de chaque assemblée, le délai au terme duquel les adjoints du Défenseur des droits peuvent être révoqués.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Lecerf, et ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il ne peut les révoquer moins d’un mois après avoir avisé la commission compétente de chaque assemblée.
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. L’amendement n° 83 du Gouvernement pose un vrai problème. Pour l’instant, s’agissant des adjoints et de la collégialité, l’architecture que nous avons retenue tient la route. Or, cet amendement tend à modifier un peu les règles du jeu, ce qui risque de créer un système asymétrique, au lieu d’un système symétrique.
C’est pourquoi, au stade actuel, nous exprimons un avis défavorable sur cet amendement, quitte à évoluer au cours des discussions à venir. Cet avis défavorable ne signifie effectivement pas que nous ne pourrons pas revenir sur cette proposition au fur et à mesure des débats.
Par ailleurs, la commission prend acte des amendements nos 27 rectifié ter et 71 rectifié, qui sont des amendements de cohérence, et n’émet pas d’avis sur ceux-ci.
L’amendement n° 41 tend à prévoir un avis conforme de la commission compétente de chaque assemblée sur la nomination des adjoints du Défenseur des droits. Cette exigence d’avis conforme ne paraît pas nécessaire. En effet, si la commission n’émettait pas un avis favorable à la majorité simple, il serait peu probable que le Défenseur des droits nomme l’adjoint qu’il pensait désigner. La commission émet donc un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 42, l’avis est également défavorable.
En revanche, sur l’amendement n° 2 rectifié, l’avis est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 27 rectifié ter et 71 rectifié, ainsi que sur les amendements nos 41, 42 et 2 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 27 rectifié ter et 71 rectifié.
M. Bernard Frimat. Nous voterons ces amendements, qui continuent à exprimer la même cohérence. Je suppose que le Sénat adoptera une attitude identique.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 rectifié ter et 71 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11 A, modifié.
(L'article 11 A est adopté.)
Article 11
Lorsqu’il intervient en matière de déontologie de la sécurité, le Défenseur des droits consulte un collège qu’il préside et qui comprend, outre son adjoint, vice-président :
- deux sénateurs désignés par le président du Sénat ;
- deux députés désignés par le président de l’Assemblée nationale ;
- un conseiller d’État désigné par le vice-président du Conseil d’État ;
- un magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation, désigné conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près ladite cour ;
- un conseiller maître désigné par le premier président de la Cour des comptes ;
- cinq personnalités qualifiées, désignées par le Défenseur des droits.
Les membres du collège sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de la sécurité.
Les désignations du président du Sénat, du président de l’Assemblée nationale et du Défenseur des droits concourent, dans chaque cas, à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.
Le Défenseur des droits peut demander au collège une seconde délibération. Il ne peut s’écarter des avis émis par le collège qu’après lui en avoir exposé les motifs.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet article 11 est très important, puisque, dans la logique proposée par la commission et par son rapporteur, il tend à fixer la composition du collège qui traitera des questions de déontologie de la sécurité.
Vous le savez, mes chers collègues, nous étions et nous restons très attachés au maintien de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
D’ailleurs, les propos de M. Roger Beauvois, président de cette institution, sont très éloquents : « La réforme projetée constitue un vrai recul démocratique. […] Les pouvoirs du Défenseur des droits sont en recul par rapport à ceux de la CNDS. Il n’aura plus la possibilité de conduire des investigations sans préavis et sans qu’on puisse s’y opposer, comme c’est notre cas aujourd’hui. Les autorités mises en cause pourront s’opposer à sa visite en raison d’“exigences de la sécurité publique”, ce qui peut recouvrir beaucoup de choses. […] On pourra opposer au Défenseur le secret de l’instruction et de l’enquête, ce qui n’était pas le cas de la CNDS. »
Cette déclaration de la très haute autorité, très estimée, très respectée, qui préside aujourd’hui la CNDS devrait, tant qu’il est encore temps, c’est-à-dire avant le vote de cet article 11, nous inciter à la réflexion.
M. Jean-René Lecerf. Ses avis étaient systématiquement ignorés !
M. Jean-Pierre Sueur. J’ajoute que la composition qui nous est présentée ne garantit pas l’indépendance du collège.
En effet, les conditions dans lesquelles le Défenseur des droits est nommé – par décret en conseil des ministres – ne garantissent pas son indépendance.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre d’État, vous connaissez notre position : elle est constante et a été rappelée cet après-midi. S’il n’avait pu être procédé à la nomination que lorsque l’addition des votes positifs dans les commissions compétentes de chaque assemblée représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés, la situation eût été différente, car il aurait fallu un véritable accord entre les parlementaires de la majorité et de l’opposition. C’est de là que tout découle, évidemment !
Par conséquent, le Défenseur des droits ne sera pas nommé dans des conditions d’indépendance et d’impartialité, comme cela aurait pu être le cas si un autre choix avait été fait lors de la révision constitutionnelle. Or c’est lui qui nommera l’adjoint.
Quant au collège, il comprend certes deux sénateurs et deux députés, pour lesquels on peut espérer une nomination dans des conditions respectant les équilibres politiques. Mais les cinq personnalités qualifiées, elles, seront également désignées par le Défenseur des droits.
On voit bien que, malheureusement, les conditions d’impartialité et d’objectivité qui caractérisent aujourd’hui la nomination des membres de la CNDS et qui lui ont permis de réaliser un excellent travail ne subsisteront pas en l’état.
D’ailleurs, je terminerai mon intervention en citant de nouveau M. Roger Beauvois : « On peut aussi penser que la CNDS gênait certains ». Vous le savez bien, mes chers collègues, c’est le fond de l’affaire !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 43 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 63 rectifié est présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Yung, Badinter et Sueur, Mme Boumediene-Thiery, MM. Assouline, Mermaz et Guérini, Mmes Blondin et M. André, M. Michel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 43.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est effectivement difficile de vous convaincre, mais la suppression de la Commission nationale de déontologie de la sécurité pose beaucoup de problèmes.
Puisque cet article 11 concerne notamment la composition du collège qui devrait traiter ces questions, et même si vous ne voulez pas l’entendre, cela vaut la peine de souligner, encore une fois, que votre projet tendant à supprimer cette institution et à la fondre dans celle du Défenseur des droits n’est pas satisfaisant.
Certes, la composition que vous préconisez pour ce collège reprend, en apparence, le même mode de désignation des membres que la loi du 6 juin 2000 portant création d’une Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Mais il existe une différence et elle est de taille, ce qui explique notre opposition. Elle tient au fait que le pouvoir de décision reviendra non pas à un président compétent par autorité, mais à un unique « hyperprésident » – cela nous rappelle quelque chose… – chargé de trancher des questions concernant aussi bien la discrimination que la sécurité ou d’autres thèmes encore, étant rappelé que nous avons réussi à sauver la Défenseure des enfants.
De ce fait, la nomination du Défenseur des droits constituera un enjeu considérable pour l’exécutif. Au vu de la multitude des tâches qui lui incomberont, le candidat devra être omniscient. Il devra être irréprochable pour être accepté et, dans le même temps, devra disposer d’une expérience dans divers domaines.
Malheureusement, un tel homme providentiel n’existe pas dans le monde réel. Il faudra donc bien admettre que le futur Défenseur des droits n’aura pour seul rôle que celui de contrôler l’activité des différents collèges, pour les contenir, calmer leurs velléités d’indépendance et maîtriser la situation.
Cette hiérarchisation et l’existence de différentes catégories de responsables nuisent à l’indépendance de l’institution.
D’ailleurs, depuis sa création, la CNDS a eu des présidents très qualifiés.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Son président actuel occupe ou a occupé les fonctions de président de chambre honoraire à la Cour de cassation, membre du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et expert auprès de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Quoi qu’on en pense, le parcours professionnel de cette personne, à l’instar de son prédécesseur, lui donne toute légitimité pour remplir cette mission et sa qualité de spécialiste ne peut être remise en cause.
Si la Commission nationale de déontologie de la sécurité a acquis une indépendance et fait autorité, elle le doit, non seulement à sa composition, mais également à la qualité de ceux qui l’ont présidé et qui n’étaient pas subordonnés à un « hyper-Défenseur ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 63 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Sur ces deux amendements qui tendent à supprimer le collège chargé de la déontologie de la sécurité, nous émettons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Nous partageons l’avis défavorable de la commission. Une divergence fondamentale est exprimée dès le départ : l’opposition ne veut pas de l’institution du Défenseur des droits, pourtant inscrite dans la Constitution, d’où un certain nombre de tentatives pour neutraliser ou attaquer ce projet, mais cela n’a pas de sens !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Madame la ministre, nous sommes simplement cohérents avec la position que nous avons adoptée.
M. Bernard Frimat. Nous ne contestons pas l’institution du Défenseur des droits, mais nous ne voulons pas de la géographie que le projet de loi organique définit, ce qui n’est pas le cas dans la Constitution. En effet, la Constitution, telle que l’avons votée, ne prévoit pas de périmètre défini.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Évidemment !
M. Bernard Frimat. Elle comporte simplement les dispositions qui sont reprises à l’alinéa 1 de l’article 4 et renvoie à la loi organique la détermination des attributions du Défenseur des droits.
Or les dispositions proposées dans le projet de loi organique ne nous conviennent pas. Nos amendements sont cohérents avec le vote que nous avons émis. Vous avez d’ailleurs pu le constater au vu de la « longueur » avec laquelle nous les avons défendus…
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 et 63 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 84, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Lorsqu'il intervient en matière de déontologie de la sécurité, le Défenseur des droits peut consulter un collège qui comprend cinq membres, désignés respectivement par le président du Sénat, le président de l'Assemblée nationale, le Premier ministre, le vice-président du Conseil d'État et le premier président de la Cour de cassation.
Les membres du collège sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de la sécurité.
La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Cet amendement a deux aspects différents.
En premier lieu, nous proposons, dans un souci de visibilité, de simplicité et de cohérence, d’harmoniser la composition et le fonctionnement des collèges. Le fait que la composition des collèges, même s’ils correspondent à des domaines différents de protection des droits, d’une institution varie peut, à la longue, poser problème.
Notre amendement tend à instituer des collèges de cinq membres, chiffre qui n’est pas définitivement fixé. Nous souhaitons simplement que les collèges aient tous le même nombre de membres.
En second lieu, et c’est un point plus fondamental, il faut s’interroger sur les places respectives du Défenseur des droits et des collèges. Qu’attendons-nous des collèges ? Vont-ils être appelés à se prononcer sur toutes les questions ou seulement sur certaines ? Vont-ils intervenir spontanément ou à la demande du Défenseur des droits ?
Le rôle des collèges est, me semble-t-il, d’éclairer l’action du Défenseur des droits, comme cela se passe d’ailleurs dans les institutions où ils existent. Il ne s’agit pas de mettre en place une procédure de codécision, voire un contre-pouvoirs, car, dans ce cas, nous sortirions de la logique de l’institution forte.
J’entends certains contester le mode de nomination du Défenseur des droits. C’est un autre problème, d’autant que, je me permets de le faire remarquer, on semble se satisfaire du mode de nomination actuel qui offre pourtant beaucoup moins de possibilités de contestation au sein des commissions. Les attentes me paraissent donc assez paradoxales.
Au travers de l’amendement n° 84, nous visons un double objectif : d’une part, avoir une présentation plus claire grâce à une harmonisation, dans la composition des collèges, du nombre de leurs membres, ce nombre pouvant être discuté ; d’autre part, veiller à ce que les collèges ne s’érigent pas en contre-pouvoirs en se saisissant eux-mêmes de toute question. Seul le Défenseur des droits pourra les saisir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est important que nous ayons d’un côté le Défenseur des droits, une institution que nous avons voulu très puissante, et, de l’autre, des collèges qui doivent certes travailler avec lui, mais sans s’ériger en contre-pouvoirs.
M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
le Défenseur des droits
par les mots :
les autres membres du collège
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Notre amendement s’inscrit dans une démarche tout à fait différente de celle du Gouvernement. Selon nous, c’est dans le domaine de l’ex-CNDS qu’il risque d’y avoir des frictions et des difficultés et c’est donc là qu’il importe de prévoir le plus de garanties. S’il est une autorité qui, eu égard aux dispositions que nous avons votées, nécessite un traitement particulier, c’est plus la CNDS que le Défenseur des enfants ou la HALDE.
L’alinéa 7 de l’article 11 prévoit, parmi les membres du collège spécialisé dans la déontologie de la sécurité, cinq personnalités, désignées par le Défenseur des droits. Pour répondre à Mme le ministre, je ne vois pas bien comment les cinq personnalités qualifiées désignées par le Défenseur des droits pourraient s’ériger en contre-pouvoir : ce serait tout de même assez original !
Pour notre part, nous estimons qu’il faudrait plutôt prévoir que ces cinq personnalités qualifiées sont désignées par les autres membres du collège. Notre but est d’aligner leur mode de désignation sur celui qui est actuellement en vigueur au sein de l’actuelle CNDS. Je le répète, c’est bien dans ce domaine qu’il risque d’y avoir le plus de difficultés.
Pour nous, il s’agit fondamentalement de renforcer les garanties d’indépendance de ces personnalités qualifiées.
M. le président. L'amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 7
Remplacer les mots :
le Défenseur des droits
par les mots :
les autres membres du collège
II. - Alinéa 9
Remplacer les mots :
du Défenseur des droits
par les mots :
et la désignation des cinq personnalités qualifiées
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous visons le même objectif que M. Mézard. Nous ne considérons pas du tout que la nomination des cinq personnalités qualifiées par le Défenseur des droits soit une garantie d’indépendance. Nous proposons donc qu’elles soient désignées par les autres membres du collège. Si je ne me trompe, le Défenseur des droits ne nomme d’ailleurs aucune personnalité qualifiée du collège compétent dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Aussi, je ne vois pas pourquoi il en irait autrement en matière de déontologie de la sécurité.
La problématique est particulière : si les personnalités ont effectivement besoin d’être qualifiées, elles doivent également être le plus indépendantes possibles. Or, l’adjoint est déjà nommé par le Défenseur des droits et il est, de surcroît, révocable. Il faut renforcer les facteurs d’indépendance de ce collège.
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après le mot :
domaine
insérer les mots :
de la déontologie
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. En son état actuel, l’alinéa 8 de l’article 11 dispose que les membres du collège sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience « dans le domaine de la sécurité ». Au travers de cet amendement, nous souhaitons, après le mot « domaine, insérer les mots « de la déontologie ». Peut-être s’agit-il d’une omission ? Il me paraît souhaitable que les membres de ce collège soient aussi désignés en fonction de leur expérience dans le domaine de la déontologie, surtout pour ce type d’activités.
M. Jean-Pierre Sueur. Excellente remarque !
M. Jacques Mézard. Il serait bon d’ajouter cette notion.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est le bon sens !
M. Jacques Mézard. La déontologie de la sécurité est une problématique spécifique, qui ne peut être confondue avec les seules connaissances ou l’expérience en matière de sécurité. Notre amendement tend à apporter une garantie supplémentaire que le collège exercera au mieux cette mission aussi spécifique qu'essentielle.
M. le président. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La qualité de membre du collège est incompatible avec l'exercice, à titre principal, d'activités dans le domaine de la sécurité.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement va dans le même sens que le précédent. Il reprend l'une des incompatibilités qui frappent aujourd'hui les membres de la CNDS. L'article 14 du projet de loi organique, qui définit les obligations des membres des collèges, n'est pas aussi précis s'agissant des membres du collège de déontologie de la sécurité que l'article 2 de la loi du 6 juin 2000. Au regard des explications que j’ai précédemment fournies, il me semble qu’il faut insérer cette précision, la déontologie de la sécurité étant un domaine particulièrement sensible.
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le Défenseur des droits est tenu de suivre les avis du collège auquel il peut, le cas échéant, demander une seconde délibération.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a pour objet d’imposer au Défenseur des droits de suivre les avis du collège qu’il présidera en matière de déontologie de la sécurité. Il s’agit très clairement d’éviter de donner au Défenseur des droits le pouvoir de trancher seul les questions de déontologie de la sécurité.
Actuellement, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, à laquelle le nouveau dispositif entend se substituer, est une instance qui rend collégialement ses avis et dont les quatorze membres viennent d’horizons très variés. Pour cette raison, l’impartialité des décisions de ses experts n’est pas contestée.
Nous le savons, le nombre des saisines de cette autorité a augmenté considérablement en 2009. Bien évidemment, cela risque de ne plus être le cas si les recommandations du pouvoir qui nomme le Défenseur des droits visaient en quelque sorte à mettre un frein à la prise en compte des réclamations. Pour qu’il n’en soit pas ainsi, il faut que la décision soit prise par l’organisme collégial et que lorsque le collège s’est prononcé le Défenseur des droits soit tenu de suivre l’avis que celui-ci a émis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 84, je réitère les remarques que j’avais faites sur l'amendement n° 83. Nous reverrons cette question ultérieurement, mais j’émets dans l’immédiat un avis défavorable, car cet amendement ne correspond pas à l’esprit dans lequel nous avons conçu jusqu’à présent les adjoints et les collèges.
Je suis, en revanche, favorable à l'amendement n° 16 rectifié, sous réserve de l’ajout d’un II concernant l’alinéa 9. Cet amendement tend à prévoir que les cinq personnalités qualifiées siégeant au sein du collège compétent en matière de déontologie de la sécurité sont désignées par les autres membres du collège. Une telle disposition constitue un progrès en termes de démocratie et de collégialité.
En ce qui concerne l'amendement n° 45 rectifié, qui a été modifié pour tenir compte de la demande de la commission des lois, l’avis est également favorable.
L'amendement n° 17 rectifié vise à préciser que les membres du collège compétent en matière de déontologie de la sécurité doivent être désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience en matière de déontologie de la sécurité. L’avis est favorable.
L'amendement n° 18 rectifié a pour objet de préciser que les membres du collège compétent en matière de déontologie de la sécurité ne peuvent exercer, à titre principal, des activités dans le domaine de la sécurité. Cette incompatibilité figure déjà à l’article 13 du projet de loi organique. L’amendement étant satisfait, je demande à ses auteurs de bien vouloir le retirer.
Enfin, j’émets un avis défavorable sur l'amendement n° 44, car il tend à prévoir que le Défenseur est tenu de suivre les avis du collège chargé de la déontologie de la sécurité. Nous avons mis en place un autre mécanisme qui permet d’assurer la prédominance du Défenseur des droits. Il ne faut pas que, au sein de l’institution, il y ait des contre-pouvoirs qui l’empêcheraient d’exercer en réalité sa compétence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Par coordination avec la proposition différente que nous avons faite, même si elle n’a pas été retenue par le rapporteur, le Gouvernement, pour ne pas être désagréable, s’en remet à la sagesse de l’assemblée en ce qui concerne les amendements nos 16 rectifié et 45 rectifié.
En ce qui concerne l'amendement n° 17 rectifié, le Gouvernement s’en remet à la sagesse positive du Sénat.
L'amendement n° 18 rectifié, comme M. le rapporteur l’a indiqué, est satisfait. Aussi, je propose à ses auteurs de le retirer.
S’agissant de l’amendement n° 44, je le répète, madame Borvo Cohen-Seat : on ne peut pas vouloir une chose et son contraire. D’un côté, vous réclamez davantage d’indépendance pour la nomination et, de l’autre, vous créez plus de contraintes.
Le dispositif que nous mettons en place est un tout. Nous souhaitons que le Défenseur des droits bénéficie d’un véritable statut et soit une autorité forte. Il faut donc éviter de limiter son pouvoir au profit de contre-pouvoirs.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Mézard, acceptez-vous de rectifier votre amendement n° 16 rectifié dans le sens suggéré par la commission ?
M. Jacques Mézard. Tout à fait, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 16 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade et Vall, et ainsi libellé :
I-Alinéa 7
Remplacer les mots :
le Défenseur des droits
par les mots :
les autres membres du collège
II. - Alinéa 9
Remplacer les mots :
du Défenseur des droits
par les mots :
et la désignation des cinq personnalités qualifiées
Cet amendement est identique à l’amendement n° 45 rectifié.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur ces deux amendements identiques.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous le savez, nous sommes opposés à la création de collèges. Nous sommes en effet favorables au maintien de la CNDS en tant qu’autorité administrative indépendante.
Cela étant dit, nous considérons que, dans l’hypothèse retenue, qui n’est pas la nôtre, les amendements identiques nos 16 rectifié bis et 45 rectifié sont positifs, même s’ils ne mettent pas en place un dispositif qui a notre faveur. Ainsi, le fait que les personnalités qualifiées soient désignées par les autres membres du collège accroît l’indépendance de ce dernier. C’est une évidence en faveur de laquelle j’avais plaidé tout à l’heure. Maintenir le dispositif selon lequel toutes les personnalités sont désignées par le Défenseur des droits aurait été contraire au principe d’indépendance. Dans cette perspective, je me réjouis donc de l’avis favorable émis par la commission sur ces deux amendements.
Je tiens tout de même à faire remarquer que Mme la ministre d’État, qui donne parfois, voire même souvent, un avis de sagesse positif ou chaleureux, a émis cette fois-ci un avis de sagesse « pour ne pas être désagréable ». C’est une nouvelle catégorie. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n’en manquez pas, mais cette formule a une signification : cette avancée dans le sens d’une plus grande indépendance, qui a été proposée par M. Mézard et par Mme Borvo Cohen-Seat, ne suscite pas l’enthousiasme du Gouvernement. Pour ma part, il me suffit qu’elle recueille l’adhésion du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié bis et 45 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'amendement n° 17 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Mézard, l’amendement n° 18 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 18 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 44.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je comprends votre réponse négative, madame le garde des sceaux. Je veux simplement vous faire remarquer la contradiction de vos choix.
La CNDS deviendra un collège pluraliste au sein duquel les décisions seront prises à la majorité. Or vous autorisez le Défenseur des droits, nommé par le Président de la République, à faire le contraire de ce qu’aura décidé ce collège composé de personnalités qualifiées, compétentes et représentant une pluralité d’opinions.
Cette contradiction sera préjudiciable à l’indépendance de cette branche du système que vous mettez en place.
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
Lorsqu’il intervient en matière de défense et de promotion des droits de l’enfant, le Défenseur des droits consulte un collège qu’il préside et qui comprend, outre son adjoint, vice-président :
- deux membres désignés par le président du Sénat ;
- deux membres désignés par le président de l’Assemblée nationale ;
- deux membres, dont au moins un magistrat, désignés par le Garde des sceaux, ministre de la justice ;
- trois personnalités qualifiées désignées par le Défenseur des droits.
Les membres du collège sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience en matière de défense et de promotion des droits de l’enfant.
Les désignations du président du Sénat, du président de l’Assemblée nationale, du Garde des sceaux, ministre de la justice et du Défenseur des droits concourent, dans chaque cas, à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.
Le Défenseur des droits peut demander au collège une seconde délibération. Il ne peut s’écarter des avis émis par le collège qu’après lui en avoir exposé les motifs.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 28 rectifié ter est présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 47 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 64 rectifié est présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Yung, Badinter et Sueur, Mme Boumediene-Thiery, MM. Assouline, Mermaz et Guérini, Mmes Blondin et M. André, M. Michel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 72 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié ter.
M. Hugues Portelli. Cet amendement de coordination vise à tirer les conséquences du maintien du Défenseur des enfants.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 47.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s’agit d’un amendement de cohérence. Cela étant, il me semble que celui-ci aurait dû devenir sans objet.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, car il s’agit d’un amendement de suppression de l’article 12.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Quoi qu’il en soit, cet article, qui aurait pu disparaître par coordination, doit être supprimé, puisque le Défenseur des enfants a été maintenu.
M. le président. Les amendements nos 64 rectifié et n° 72 rectifié étant également des amendements de coordination, peut-être pouvons-nous considérer qu’ils sont défendus ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas d’avis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 rectifié ter, 47, 64 rectifié et 72 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 12 est supprimé.
Sur cet article 12, j’étais en outre saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 85, présenté par le Gouvernement, était ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Lorsqu'il intervient en matière de défense et de promotion des droits de l'enfant, le Défenseur des droits peut consulter un collège qui comprend cinq membres, désignés respectivement par le président du Sénat, le président de l'Assemblée nationale, le Premier ministre, le vice-président du Conseil d'État et le premier président de la Cour de cassation.
Les membres du collège sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de la défense et de promotion des droits de l'enfant.
L'amendement n° 46 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, était ainsi libellé :
I. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
le Défenseur des droits
par les mots :
les autres membres du collège
II. - Alinéa 5
Remplacer les mots :
du Défenseur des droits
par les mots :
et la désignation des trois personnalités qualifiées
L'amendement n° 48, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, était ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le Défenseur des droits est tenu de suivre les avis du collège auquel il peut, le cas échéant, demander une seconde délibération.
En raison de la suppression de l’article 12, ces trois amendements n’ont plus d’objet.
Article 12 bis (nouveau)
Lorsqu’il intervient en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité, le Défenseur des droits consulte un collège qu’il préside et qui comprend, outre son adjoint, vice-président :
- deux membres désignés par le président du Sénat ;
- deux membres désignés par le président de l’Assemblée nationale ;
- deux membres désignés par le Premier ministre ;
- un membre désigné par le vice-président du Conseil d’État ;
- un membre désigné par le premier président de la Cour de cassation ;
- un membre désigné par le président du Conseil économique, social et environnemental.
Les membres du collège sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité.
Les désignations du président du Sénat, du président de l’Assemblée nationale et du Premier ministre concourent, dans chaque cas, à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.
Le Défenseur des droits peut demander au collège une seconde délibération. Il ne peut s’écarter des avis émis par le collège qu’après lui en avoir exposé les motifs.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. de Montesquiou.
L'amendement n° 49 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 65 rectifié est présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Yung, Badinter et Sueur, Mme Boumediene-Thiery, MM. Assouline, Mermaz et Guérini, Mmes Blondin et M. André, M. Michel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Ces amendements n’ont plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 86, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Lorsqu'il intervient en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité, le Défenseur des droits peut consulter un collège qui comprend cinq membres, désignés respectivement par le président du Sénat, le président de l'Assemblée nationale, le Premier ministre, le vice-président du Conseil d'État et le premier président de la Cour de cassation.
Les membres du collège sont désignés en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de la lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité.
La parole est à Mme la ministre d'État.
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Rédiger ainsi cet alinéa :
Le Défenseur des droits est tenu de suivre les avis du collège auquel il peut, le cas échéant, demander une seconde délibération.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 50 ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 12 bis.
(L'article 12 bis est adopté.)
Article 13
Le mandat des membres des collèges mentionnés aux articles 11, 12 et 12 bis cesse avec le mandat du Défenseur des droits. Il n’est pas renouvelable.
Les membres des collèges, à l'exception du Défenseur des droits et de ses adjoints, sont renouvelables par moitié tous les trois ans.
Le membre d’un collège qui cesse d’exercer ses fonctions est remplacé pour la durée de mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à deux ans, le mandat est alors renouvelable.
La qualité de membre du collège mentionné à l’article 11 est incompatible avec l’exercice, à titre principal, d’activités dans le domaine de la sécurité.
Les parlementaires membres des collèges mentionnés aux articles 11, 12 et 12 bis cessent d'y exercer leurs fonctions lorsqu'ils cessent d'appartenir à l'assemblée au titre de laquelle ils ont été désignés. Le mandat des députés prend fin avec la législature au titre de laquelle ils ont été élus.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 66 rectifié est présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Yung, Badinter et Sueur, Mme Boumediene-Thiery, MM. Assouline, Mermaz et Guérini, Mmes Blondin et M. André, M. Michel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Ces deux amendements n’ont plus d’objet.
Je suis saisi de trois amendements.
L'amendement n° 4, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 5
Remplacer les mots :
, 12 et 12 bis
par les mots :
et 12
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 29 rectifié ter, présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 1, première phrase
Supprimer la référence :
, 12
II. - Alinéa 5, première phrase
Procéder à la même suppression.
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas d’avis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. - Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Cet amendement se situe dans la logique de ceux que j’ai précédemment présentés. Je pense qu’il subira le même sort.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14
Aucun membre des collèges ne peut :
- participer à une délibération relative à un organisme au sein duquel il détient un intérêt direct ou indirect, exerce des fonctions ou détient un mandat ;
- participer à une délibération relative à un organisme au sein duquel il a, au cours des trois années précédant la délibération, détenu un intérêt direct ou indirect, exercé des fonctions ou détenu un mandat.
Les membres des collèges informent le Défenseur des droits des intérêts directs ou indirects qu’ils détiennent ou viennent à détenir, des fonctions qu’ils exercent ou viennent à exercer et de tout mandat qu’ils détiennent ou viennent à détenir au sein d’une personne morale.
Le Défenseur des droits veille au respect de ces obligations.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 52 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 67 rectifié est présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Yung, Badinter et Sueur, Mme Boumediene-Thiery, MM. Assouline, Mermaz et Guérini, Mmes Blondin et M. André, M. Michel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Ces deux amendements n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives aux moyens d’information du Défenseur des droits
Article 15
Le Défenseur des droits peut demander des explications à toute personne physique ou morale mise en cause devant lui. À cet effet, il peut entendre toute personne dont le concours lui paraît utile.
Les personnes publiques et privées mises en cause doivent faciliter l’accomplissement de la mission du Défenseur des droits.
Elles sont tenues d’autoriser leurs agents et préposés à répondre aux demandes du Défenseur des droits. Ceux-ci sont tenus de répondre aux questions que leur adresse le Défenseur des droits et de déférer à ses convocations.
Lorsque le Défenseur des droits est saisi au titre de sa compétence en matière de déontologie dans le domaine de la sécurité ou en matière de lutte contre les discriminations, les personnes auxquelles il demande des explications peuvent se faire assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de l'audition est dressé et remis à la personne entendue.
Si le Défenseur des droits en formule la demande, les ministres autorisent les corps de contrôle à accomplir, dans le cadre de leur compétence, toutes vérifications ou enquêtes.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Supprimer les mots :
ou en matière de lutte contre les discriminations
Cet amendement n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
(Non modifié)
Le Défenseur des droits peut demander au vice-président du Conseil d’État ou au premier président de la Cour des comptes de faire procéder à toutes études. – (Adopté.)
Article 17
Les personnes publiques et privées mises en cause communiquent au Défenseur des droits, sur sa demande motivée, toutes informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission.
Le Défenseur des droits peut recueillir sur les faits portés à sa connaissance toute information qui lui apparaît nécessaire sans que leur caractère secret ou confidentiel ne puisse lui être opposé, sauf en matière de secret de l’enquête et de l’instruction et de secret concernant la défense nationale, la sûreté de l’État ou la politique extérieure. Toutefois, le secret de l’enquête et de l’instruction ne peut lui être opposé lorsqu’il intervient en matière de déontologie de la sécurité.
Les informations couvertes par le secret médical ou par le secret professionnel applicable aux relations entre un avocat et son client ne peuvent lui être communiquées qu’à la demande expresse de la personne concernée, à l’origine de la réclamation. Toutefois, les informations couvertes par le secret médical peuvent lui être communiquées sans le consentement de la personne concernée lorsqu’elles sont relatives à des privations, sévices et violences physiques, sexuelles ou psychiques commis sur un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.
Les personnes astreintes au secret professionnel ne peuvent être poursuivies en application des dispositions de l'article 226-13 du code pénal pour les informations à caractère secret qu'elles auront pu révéler au Défenseur des droits, dès lors que ces informations entrent dans le champ de compétence de ce dernier tel que prévu à l'article 4. – (Adopté.)
Article 17 bis (nouveau)
Lorsque ses demandes formulées en vertu des articles 15 et 17 ne sont pas suivies d'effet, le Défenseur des droits peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu'il fixe.
Lorsque la mise en demeure n'est pas suivie d'effet, le Défenseur des droits peut saisir le juge des référés d'une demande motivée aux fins d'ordonner toute mesure d'instruction que ce dernier juge utile. – (Adopté.)
Article 18
I. – Le Défenseur des droits peut procéder à des vérifications sur place dans les locaux administratifs ou privés relevant des personnes publiques ou privées mises en cause, dans les lieux, locaux, moyens de transport accessibles au public et dans les locaux professionnels exclusivement consacrés à cet usage, après avoir prévenu les responsables de ces locaux, sauf nécessité impérieuse d’une visite inopinée.
Lors de ses vérifications sur place, le Défenseur des droits peut entendre toute personne susceptible de fournir des informations.
II. – Les autorités compétentes des personnes publiques mises en cause ne peuvent s'opposer à la vérification sur place dans les locaux administratifs dont elles sont responsables que pour des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale ou à la sécurité publique, sous réserve de fournir au Défenseur des droits les justifications de leur opposition.
En cas d'opposition du responsable des locaux, le Défenseur des droits peut saisir le juge des référés d'une demande motivée afin qu'il autorise les vérifications sur place. Les vérifications s'effectuent alors sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Celui-ci peut se rendre dans les locaux durant l'intervention. À tout moment, il peut décider l'arrêt ou la suspension des vérifications.
III. – Lorsque l'accès à des locaux privés est refusé au Défenseur des droits, ce dernier peut saisir le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter, qui statue dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Toutefois, lorsque l'urgence, la gravité des faits justifiant le contrôle ou le risque de destruction ou de dissimulation de documents l'exigent, la visite est préalablement autorisée par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter.
La visite s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l'a autorisée, en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d'un conseil de son choix ou, à défaut, en présence de deux témoins qui ne sont pas placés sous l'autorité des personnes chargées de procéder au contrôle.
L'ordonnance ayant autorisé la visite est exécutoire au seul vu de la minute. Elle mentionne que le juge ayant autorisé la visite peut être saisi à tout moment d'une demande de suspension ou d'arrêt de cette visite. Elle indique le délai et la voie de recours. Elle peut faire l'objet, suivant les règles prévues par le code de procédure civile, d'un appel devant le premier président de la cour d'appel. Celui-ci connaît également des recours contre le déroulement des opérations de visite.
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
, après avoir prévenu les responsables de ces locaux, sauf nécessité impérieuse d'une visite inopinée
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le changement de terminologie qui nous est proposé n’est pas positif. Si ce dispositif était adopté, le Défenseur des droits, dans le cadre de la mission confiée auparavant à la CNDS, ne pourrait pas procéder à des vérifications sur place sans préavis. Celles-ci ne pourraient avoir lieu qu’en cas de nécessité « impérieuse ».
Il s’agit donc de restreindre de façon drastique le droit de faire des visites inopinées. Or c’est précisément ce droit qui a permis à la CNDS de mener un travail d’enquête et d’investigation.
Nous proposons donc que soit supprimée l’obligation pour le futur Défenseur des droits de devoir prévenir les responsables des locaux qu’il souhaite visiter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est un amendement intelligent qui nous est ici proposé. Il permet d’uniformiser les moyens d’actions du Défenseur des droits et de faire en sorte que les différentes missions qui sont les siennes s’harmonisent clairement.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Je voudrais simplement relever que la CNDS, comme la HALDE, d’ailleurs, n’a pas aujourd’hui de droit de visite inopiné. Elle a un droit de visite, mais pas inopiné.
Dans le texte résultant des travaux de la commission des lois, il est prévu que, en cas d’urgence ou de risque de disparition de preuves, le Défenseur des droits puisse ne pas prévenir de sa visite, dès lors qu’il a obtenu préalablement l’autorisation du juge.
La formulation retenue par la commission est bonne et il ne me semble pas judicieux d’aller au-delà.
M. Patrice Gélard, rapporteur. L’amendement ne va pas au-delà, madame le ministre d’État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Si cette modification ne va pas au-delà de ce que propose la commission, je m’y range. Dans le cas contraire, en revanche, je ne pourrais y souscrire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. Patrice Gélard, rapporteur. Il s’agit d’une visite inopinée avec l’accord du juge.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En fait, il peut y avoir une visite sans prévenir, mais si le responsable des locaux s’y oppose, il faut avoir obtenu préalablement l’accord du juge. Cela se passe toujours ainsi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La CNIL s’était trouvée confrontée à des refus de visite, madame le garde des sceaux. Pour remédier à ce problème, l’accord préalable du juge a été requis.
Nous avons donc repris le dispositif envisagé pour la CNIL dans le texte de la commission. Il n’est pas utile de prévoir des visites inopinées en cas de nécessité impérieuse si on peut vous refuser l’accès aux locaux privés. Il faudra avoir l’accord du juge des libertés et de la détention.
C’est pourquoi, après avoir beaucoup débattu ce matin, nous avons accepté l’amendement de Mme Borvo Cohen-Seat.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous soutenons, bien sûr, l’amendement de Mme Borvo Cohen-Seat qui a été approuvé par la commission. À nos yeux, il serait vraiment paradoxal, pour ne pas dire impensable, que le Défenseur des droits ne puisse pas décider de se rendre à l’heure qu’il souhaite dans un commissariat de police ou dans une gendarmerie pour voir comment s’effectue une garde à vue.
Aujourd’hui, la CNDS et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peuvent le faire. Je rappelle que les parlementaires peuvent visiter des établissements pénitenciaires à tout moment. Il serait tout de même paradoxal, madame le garde des sceaux, que le futur Défenseur des droits, autorité constitutionnelle, ne puisse point se rendre en ces lieux pour exercer la mission qui lui sera dévolue.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
Lorsque le Défenseur des droits est saisi, ou se saisit d’office, de faits donnant lieu à une enquête judiciaire ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours, il doit recueillir l’accord préalable des juridictions saisies ou du procureur de la République, selon le cas, pour la mise en œuvre des dispositions du deuxième alinéa de l’article 15, des articles 17 et 18 et, s’il intervient au titre de sa compétence en matière de lutte contre les discriminations, pour la mise en œuvre des dispositions des articles 21 bis et 22.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
et, s'il intervient au titre de sa compétence en matière de lutte contre les discriminations, pour la mise en œuvre des articles 21 bis et 22
Cet amendement n'a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions relatives aux pouvoirs du Défenseur des droits
Article 20
Le Défenseur des droits apprécie souverainement si, eu égard à leur nature ou à leur ancienneté, les faits qui font l’objet d’une réclamation ou qui lui sont signalés méritent une intervention de sa part.
Il indique les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une saisine.
M. le président. L'amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. About, Détraigne, Amoudry, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer le mot :
souverainement
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. L’alinéa 1 de l’article 20 prévoit que le Défenseur des droits recevra un pouvoir d’appréciation qu’il exercera « souverainement ».
Cette formulation me surprend quelque peu. En effet, le Défenseur des droits n’est pas de ceux auxquels l’article 3 de la Constitution confie l’exercice de la souveraineté, ni même la participation à celui-ci. Je rappelle les termes de l’article 3, alinéa 2 de la Constitution : « Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. »
Au demeurant, aucune autorité constitutionnelle ou juridictionnelle ne se voit reconnaître un pouvoir ainsi qualifié, lequel ne pourrait être attribué, le cas échéant, que par la seule Constitution. En l’occurrence, l’adverbe « souverainement » me semble donc mal employé. Aussi, le présent amendement tend à le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. L’adverbe mis en cause par le M. About vise non pas à donner au Défenseur des droits une quelconque part de l’exercice de la souveraineté, mais à marquer que son appréciation en la matière n’est susceptible d’aucun recours. (M. Nicolas About sourit.)
En effet, selon une jurisprudence constante du Conseil d’État, les réponses des autorités indépendantes, comme le Médiateur de la République ou la HALDE, aux réclamations qui leur sont adressées n’ont pas le caractère de décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
Dès lors, l’adverbe paraît apporter une précision utile. Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le Gouvernement partage pleinement l’avis exprimé par le rapporteur. Je rappelle d’ailleurs que l’appréciation du Défenseur des droits sur la recevabilité des réclamations qui lui sont adressées ne fait pas grief.
Aussi, je demande à mon tour le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur About, l'amendement n° 79 rectifié est-il maintenu ?
M. Nicolas About. M. le rapporteur et Mme le ministre d’État ayant souverainement décidé de me demander le retrait de mon amendement, je le retire, monsieur le président. (Sourires.) Mais on peut en discuter.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On peut changer d’adverbe.
M. le président. L'amendement n° 79 rectifié est retiré.
L'amendement n° 54, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Il notifie au requérant son refus de donner suite à la saisine et les motifs de ce refus.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le projet de loi organique confère au Défenseur des droits des pouvoirs importants puisque celui-ci peut décider souverainement, en opportunité, des suites à donner à une saisine.
Le Gouvernement avait prévu qu’il ne soit pas tenu de motiver cette décision. C’est d’autant moins acceptable qu’il doit tout de même formuler une réponse. L’absence de filtre renforce la nécessité de motiver le refus de donner suite à une saisine. Tel est l’objet de cet amendement.
Les requérants doivent connaître en toute transparence la raison pour laquelle leur demande n’est pas prise en considération, ne serait-ce que pour savoir ce qu’ils peuvent faire par la suite.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement vise à écrire différemment ce que la commission a proposé. Il ne paraît pas apporter d’amélioration. Par conséquent, nous estimons qu’il est satisfait et nous en demandons le retrait ; à défaut, nous y serions défavorables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. Il me semble effectivement que la commission a bien pris en compte cette nécessité.
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° 54 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 20.
(L'article 20 est adopté.)
Article 21
Le Défenseur des droits peut faire toute recommandation qui lui apparaît de nature à garantir le respect des droits et libertés de la personne lésée et à régler les difficultés soulevées devant lui ou à en prévenir le renouvellement.
Il peut recommander de régler en équité la situation de la personne dont il est saisi.
Les autorités ou personnes intéressées informent le Défenseur des droits, dans le délai qu’il fixe, des suites données à ses recommandations.
À défaut d’information dans ce délai, ou s’il estime, au vu des informations reçues, qu’une recommandation n’a pas été suivie d’effet, le Défenseur des droits peut enjoindre à la personne mise en cause de prendre, dans un délai déterminé, les mesures nécessaires.
Lorsqu’il n’a pas été donné suite à son injonction, le Défenseur des droits peut établir un rapport spécial, qui est communiqué à la personne mise en cause. Le Défenseur des droits peut rendre public ce rapport et, le cas échéant, la réponse de la personne mise en cause, selon des modalités qu’il détermine.
M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. Gélard, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Il peut formuler des recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu'il estime discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement tend à reprendre une disposition de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE afin de donner explicitement au Défenseur des droits la possibilité de formuler des recommandations visant à mettre fin à des pratiques discriminatoires, sans que ces recommandations constituent nécessairement une réponse à une réclamation particulière.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. -Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
peut établir
par le mot :
établit
II. - Alinéa 5, seconde phrase
Remplacer les mots :
peut rendre
par le mot :
rend
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement ayant pour objectif de renforcer les pouvoirs du Défenseur des droits, je ne pense pas qu’il puisse être repoussé.
La situation des autorités administratives indépendantes est variable. À l’heure actuelle, par exemple, la CNDS et la HALDE peuvent, si elles estiment au vu des comptes rendus qui leur sont communiqués que leurs avis ou recommandations n’ont pas été suivis d’effet, établir un rapport spécial qui est publié au Journal officiel.
Pour le Défenseur des enfants, le dispositif va encore plus loin puisque l’inexécution de la décision de justice qu’il émet fait automatiquement l’objet d’un rapport spécial publié au Journal officiel.
Entre un dispositif précis qui prévoit la publication d’un rapport au Journal officiel en cas de non-exécution de recommandations ou d’injonctions et un dispositif assez flou prévoyant simplement que le futur Défenseur des droits aura la possibilité de rendre public un rapport sans que l’on sache exactement où ni comment, on ne peut que constater une régression par rapport aux dispositifs existants.
Aussi, nous demandons que soit supprimé le choix arbitraire de publier ou non de tels rapports et que la publicité soit une règle de droit.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que le Défenseur des droits, lorsque l’une de ses injonctions n’a pas été suivie d’effet, établit obligatoirement un rapport spécial et que celui-ci est obligatoirement rendu public.
Le texte adopté par la commission laisse au Défenseur des droits la faculté d’adopter un rapport spécial et de le publier ou non. Il semble préférable de laisser le Défenseur des droits apprécier la nécessité de recourir à ces mécanismes. Il ne serait pas judicieux de lui donner en la matière des compétences liées.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Même avis sur cet amendement qui me semble empreint d’une méfiance systématique à l’égard du Défenseur des droits. Ce malheureux Défenseur, avant même de naître, est soupçonné des pires turpitudes. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Il faut avoir une autre vision de la vie publique !
M. le président. Je mets aux voix l'article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Article 21 bis (nouveau)
Le Défenseur des droits peut procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation.
Les constatations et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être ni produites ni invoquées ultérieurement dans les instances civiles ou administratives, sans le consentement des personnes intéressées, sauf si la divulgation de l’accord est nécessaire à sa mise en œuvre ou à son exécution, ou si des raisons d’ordre public l’imposent. – (Adopté.)
Article 21 ter (nouveau)
Lorsque le Défenseur des droits estime, dans les conditions définies à l’article 20, que la réclamation d’une personne s’estimant victime d’une discrimination mérite une intervention de sa part, il l’assiste dans la constitution de son dossier et l’aide à identifier les procédures adaptées à son cas.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement n'a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 21 ter.
(L'article 21 ter est adopté.)
Article 22
I (Non modifié). – Le Défenseur des droits peut proposer à l’auteur de la réclamation et à la personne mise en cause de conclure une transaction dont il peut recommander les termes.
II. – Lorsqu'il constate des faits constitutifs d'une discrimination sanctionnée par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal et L. 122-45 et L. 123-1 du code du travail, le Défenseur des droits peut, si ces faits n'ont pas déjà donné lieu à la mise en mouvement de l'action publique, proposer à l'auteur des faits une transaction consistant dans le versement d'une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 3 000 € s'il s'agit d'une personne physique et 15 000 € s'il s'agit d'une personne morale et, s'il y a lieu, dans l'indemnisation de la victime. Le montant de l'amende est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de la personne.
La transaction proposée par le Défenseur des droits et acceptée par l'auteur des faits ainsi que, s'il y a lieu, par la victime doit être homologuée par le procureur de la République.
La personne à qui est proposée une transaction est informée qu'elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition du Défenseur des droits.
III. – Dans les cas visés au II, le Défenseur des droits peut également proposer que la transaction consiste dans :
1° L'affichage d'un communiqué, dans des lieux qu'elle précise et pour une durée qui ne peut excéder deux mois ;
2° La transmission, pour information, d'un communiqué au comité d'entreprise ou au délégué du personnel ;
3° La diffusion d'un communiqué, par son insertion au Journal officiel ou dans une ou plusieurs autres publications de presse, ou par la voie de services de communication électronique, sans que ces services de publication ou de communication puissent s'y opposer ;
4° L'obligation de publier la décision au sein de l'entreprise.
Les frais d'affichage ou de diffusion sont à la charge de l'intéressé, sans pouvoir toutefois excéder le maximum de l'amende transactionnelle prévue au II.
IV. – Les actes tendant à la mise en œuvre ou à l'exécution de la transaction définie au I sont interruptifs de la prescription de l'action publique.
L'exécution de la transaction constitue une cause d'extinction de l'action publique. Elle ne fait cependant pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel. Le tribunal, composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, ne statue alors que sur les seuls intérêts civils.
En cas de refus de la proposition de transaction ou d'inexécution d'une transaction acceptée et homologuée par le procureur de la République, le Défenseur des droits, conformément aux dispositions de l'article 1er du code de procédure pénale, peut mettre en mouvement l'action publique par voie de citation directe.
V. – Un décret précise les modalités d'application des II, III, et IV.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 11, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 10
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement n'a plus d’objet.
L'amendement n° 92, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase, remplacer les références :
L. 122-45 et L. 123-1 du code du travail
par les références :
L. 1132-1 à L. 1132-3, L. 1142-1 et L. 1142-2 du code du travail
La parole est à M. le rapporteur.
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement opère une correction rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 22, modifié.
(L'article 22 est adopté.)
Article 23
Le Défenseur des droits peut saisir l’autorité investie du pouvoir d’engager les poursuites disciplinaires des faits dont il a connaissance et qui lui paraissent de nature à justifier une sanction.
Cette autorité informe le Défenseur des droits des suites réservées à sa saisine et, si elle n’a pas engagé de procédure disciplinaire, des motifs de sa décision.
À défaut d’information dans le délai qu’il a fixé ou s’il estime, au vu des informations reçues, que sa saisine n’a pas été suivie des mesures nécessaires, le Défenseur des droits peut établir un rapport spécial qui est communiqué à l’autorité mentionnée au premier alinéa. Il peut rendre public ce rapport et, le cas échéant, la réponse de cette autorité selon des modalités qu’il détermine.
L’alinéa précédent ne s’applique pas à la personne susceptible de faire l’objet de la saisine mentionnée à l’avant-dernier alinéa de l’article 65 de la Constitution. – (Adopté.)
Article 23 bis (nouveau)
Le Défenseur des droits, lorsqu'il a constaté la commission d'actes discriminatoires mentionnés au cinquième alinéa de l'article 4 dans l'activité professionnelle d'une personne physique ou morale soumise à agrément ou autorisation par une autorité publique, ou à l'encontre de laquelle une telle autorité dispose du pouvoir de prendre des mesures conservatoires ou des sanctions pour non-respect de la législation relative aux discriminations ou au titre de l'ordre et des libertés publics, peut recommander à cette autorité publique de faire usage des pouvoirs de suspension ou de sanction dont elle dispose.
Le Défenseur des droits est tenu informé des suites données à sa recommandation.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 23 bis.
(L'article 23 bis est adopté.)
Article 24
Lorsque le Défenseur des droits est saisi d’une ou plusieurs réclamations, non soumises à une autorité juridictionnelle, qui soulèvent une question touchant à l’interprétation ou à la portée d’une disposition législative ou réglementaire, il peut consulter le Conseil d’État. Le Défenseur des droits peut rendre public cet avis. Ce dernier est rendu dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Deuxième phrase
Remplacer les mots :
peut rendre
par le mot :
rend
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a pour objet de rendre publics les avis rendus par le Conseil d’État à la demande du Défenseur des droits.
L’article 24 prévoit la possibilité pour le Défenseur des droits de saisir le Conseil d’État lorsqu’une ou plusieurs réclamations dont il est saisi soulèvent une question relative à l’interprétation ou à la portée d’une disposition législative ou réglementaire.
Le texte entend donc doter le Défenseur des droits – vous le constatez, il ne s’agit pas d’amoindrir ses pouvoirs mais au contraire de les rendre plus clairs – d’une possibilité de saisine du Conseil d’État, qui est le pendant de celle qui est accordée aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d’appel.
L’objectif visé ici est de faire jouer au Conseil d'État son rôle d’instance suprême et de lui confier l’harmonisation et l’interprétation des dispositions législatives et réglementaires.
Il nous semble donc logique de rendre public cet avis, comme tous les autres émis par le Conseil d'État, d'ailleurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement est de même nature que l’amendement n° 55, sur lequel j’ai émis un avis défavorable. Ici encore, il s'agit, au fond, d’enfermer le Défenseur des droits dans certaines obligations.
Il convient de laisser au Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante, le choix de rendre public, ou non, l’avis du Conseil d’État, en fonction de la nature de l’avis rendu. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Je précise qu’un avis n’est nullement semblable à un jugement ou à un arrêt, qui, eux, doivent être publiés.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par définition, les jugements doivent être publics !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 24.
(L'article 24 est adopté.)
Article 25
Le Défenseur des droits peut recommander de procéder aux modifications législatives ou réglementaires qui lui apparaissent utiles.
Il est consulté par le Premier ministre sur tout projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité. L’avis du Défenseur des droits est public.
Il peut également être consulté par le Premier ministre, le Président du Sénat ou le Président de l'Assemblée nationale sur toute question relevant de son champ de compétence.
Il contribue, à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans les domaines des relations des citoyens avec l’administration, de la défense et de la promotion des droits de l’enfant, de la déontologie de la sécurité ou de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité. Il peut participer, à la demande du Premier ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes dans ces domaines.
Dans les cas prévus aux deuxième et troisième alinéas, le Défenseur des droits rend son avis dans un délai d’un mois.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 4, première phrase
Supprimer les mots :
ou de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 57, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité
par les mots :
relatif à son champ de compétence
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Chers collègues de la majorité, vous avez voulu que la HALDE soit absorbée par le Défenseur des droits.
Or, puisque la HALDE, aujourd'hui, doit être consultée sur tous les projets de loi relatifs à la lutte contre les discriminations et à l’égalité, nous ne voyons pas pourquoi le Défenseur des droits ne serait pas sollicité, de même, sur tout projet de loi entrant dans le champ de ses compétences.
Du reste, même si la HALDE était dissociée du Défenseur des droits, nous pourrions réclamer une telle prérogative pour les autres compétences exercées par cette dernière autorité.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4, première phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Alinéa 4, seconde phrase
Supprimer les mots :
, à la demande du Premier ministre,
III. – Alinéa 4, seconde phrase
Remplacer les mots :
ces domaines
par les mots :
son champ de compétences
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au travers de cet amendement, nous proposons que le Défenseur des droits puisse se porter lui-même candidat ou répondre à des sollicitations en matière de participation à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes dans son champ de compétence.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 30 rectifié ter est présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 73 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4, première phrase
Supprimer les mots :
de la défense et de la promotion des droits de l'enfant,
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié ter.
M. Hugues Portelli. Il s'agit d’un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 73 rectifié.
M. Yves Détraigne. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Aux termes de l’amendement n° 57, tout projet de loi concernant le Défenseur des droits serait soumis à ce dernier pour avis.
La commission des lois avait, quant à elle, décidé de ne prévoir une telle consultation que pour les projets de loi relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l’égalité.
La raison en était simple : si la HALDE était dotée de telles attributions consultatives, en application de l’article 15 de la loi de 2004, tel n’était pas le cas du Défenseur des enfants, ni de la CNDS et du Médiateur de la République. La commission avait donc, en quelque sorte, confirmé les choix antérieurs opérés par le législateur.
Certes, il est possible de craindre que la fonction consultative du Défenseur des droits ne détourne ce dernier de sa mission première de défense des droits et libertés. Toutefois, il pourrait sembler plus cohérent de prévoir une consultation pour tous les projets de loi qui relèvent de son champ de compétence.
Enfin, je signale que l’extension des attributions consultatives du Défenseur des droits ne mettra pas à mal le secret des délibérations du Gouvernement, dès lors que l’avis portera sur des projets de loi, c’est-à-dire sur des textes déposés sur le bureau d’une assemblée, qui sont donc publics, et non sur des avant-projets de loi. L’avis rendu enrichira les débats parlementaires et pourrait, le cas échéant, permettre à la représentation nationale d’amender ledit projet de loi.
Je suis donc quelque peu hésitant quant à cet amendement. C’est pourquoi je me rallierai à l’avis du Gouvernement.
J’en viens à l’amendement n° 58. Le Défenseur des droits n’est pas un membre du Gouvernement et n’a pas vocation à définir la politique étrangère de la France. Notre pays doit parler d’une seule voix. Il ne saurait y avoir de diplomatie parallèle ! Il est donc légitime que les compétences que le Défenseur des droits exerce en matière de diplomatie – négociations internationales et représentation de la France – soient précédées d’une demande du Premier ministre.
Au surplus, ces compétences sont bien moins fondamentales que celles qui sont liées à la défense des droits et libertés.
Enfin, sur les amendements nos 30 rectifié ter et 73 rectifié, la commission n’a plus d’avis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. La consultation du Défenseur des droits sur des questions relatives à son champ de compétence est déjà prévue, de manière facultative, à l’alinéa suivant du présent article. Si elle était rendue systématique et obligatoire, elle entraînerait pour le Défenseur des droits une surcharge de travail probablement inutile dans bon nombre de domaines.
Je crois qu’il vaut mieux conserver le caractère facultatif de cette consultation. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 57.
En ce qui concerne l’amendement n° 58, je ne répéterai pas les arguments que M. le rapporteur a très bien exposés.
J’en viens aux amendements identiques nos 30 rectifié ter et 73 rectifié. Ici, je ne suis pas favorable à ce que la coordination soit poursuivie : nous ne pouvons empêcher que le Défenseur des droits, dans un certain nombre de cas, soit associé à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales, bien entendu de façon facultative. En fait, le Défenseur des droits peut s’exprimer, à la demande du Gouvernement, sur tous les sujets relatifs à la protection des droits.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 rectifié ter et 73 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 25, modifié.
(L'article 25 est adopté.)
Article 26
Le Défenseur des droits ne peut remettre en cause une décision juridictionnelle.
Les juridictions civiles, administratives et pénales peuvent, d’office ou à la demande des parties, inviter le Défenseur des droits à présenter des observations écrites ou orales. Le Défenseur peut lui-même demander à présenter des observations écrites ou être entendu par ces juridictions ; dans ce cas, son audition est de droit.
Sans préjudice de l’application des dispositions du II de l’article 22, lorsqu’il apparaît au Défenseur des droits que les faits portés à sa connaissance sont constitutifs d’un crime ou d’un délit, il en informe le procureur de la République. Il lui fait savoir, le cas échéant, qu’une mission de médiation a été initiée en application des dispositions de l’article 21 bis.
Le Défenseur des droits porte à la connaissance de l’autorité judiciaire les affaires concernant un mineur susceptibles de donner lieu à une mesure d’assistance éducative telle que prévue par l’article 375 du code civil ou toutes informations qu’il aurait recueillies à l’occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans une procédure en cours.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 31 rectifié ter est présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 74 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l’amendement n° 31 rectifié ter.
M. Hugues Portelli. Il s'agit d’un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 74 rectifié.
M. Yves Détraigne. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas d’avis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31 rectifié ter et 74 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 26, modifié.
(L'article 26 est adopté.)
Article 26 bis (nouveau)
Le Défenseur des droits mène des actions de communication et d’information propres à assurer la promotion des droits de l’enfant et de l’égalité.
Il favorise, au titre de sa mission de lutte contre les discriminations, la mise en œuvre de programmes de formation. Il conduit et coordonne des travaux d’études et de recherches relevant de cette mission. Il suscite et soutient les initiatives de tous organismes publics ou privés en ce qui concerne l’élaboration et l’adoption d’engagements visant à la promotion de l’égalité. Il identifie et promeut toute bonne pratique en matière d’égalité des chances et de traitement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 32 rectifié ter est présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 75 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
des droits de l'enfant et
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l'amendement n° 32 rectifié ter.
M. Hugues Portelli. Il s'agit, là encore, d’un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 75 rectifié.
M. Yves Détraigne. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas d’avis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Je souhaiterais que ces amendements identiques soient rectifiés par leurs auteurs, afin que seuls les mots « de l’enfant » soient supprimés à l’alinéa 1 de cet article. En effet, si tel n’était pas le cas, la phrase visée n’aurait aucun sens.
M. le président. Monsieur Portelli, acceptez-vous de rectifier en ce sens l’amendement n° 32 rectifié ter ?
M. Hugues Portelli. Oui, monsieur le président.
M. le président. Monsieur, Détraigne, qu’en est-il de l’amendement n° 75 rectifié ?
M. Yves Détraigne. J’accepte de le rectifier ainsi, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi de deux nouveaux amendements identiques.
L'amendement n° 32 rectifié quater est présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 75 rectifié bis est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Supprimer les mots :
de l'enfant
Je les mets aux voix.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. de Montesquiou, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Supprimer les mots :
et de l'égalité
II. – Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement n'a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 26 bis, modifié.
(L'article 26 bis est adopté.)
Article 26 ter (nouveau)
Le Défenseur des droits peut saisir les autorités locales compétentes de tout élément susceptible de justifier une intervention du service en charge de l’aide sociale à l’enfance.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 33 rectifié ter est présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto.
L'amendement n° 76 rectifié est présenté par MM. About, Détraigne, Biwer, Borotra et Deneux, Mmes Férat et Morin-Desailly et MM. Vanlerenberghe et Zocchetto.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l'amendement n° 33 rectifié ter.
M. Hugues Portelli. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l'amendement n° 76 rectifié.
M. Yves Détraigne. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas d’avis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 rectifié ter et 76 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 26 ter est supprimé.
Article 27
I. – Le Défenseur des droits peut, après en avoir informé la personne mise en cause, décider de rendre publics ses avis, recommandations ou décisions avec, le cas échéant, la réponse faite par la personne mise en cause, selon des modalités qu’il détermine.
II – Il présente chaque année au Président de la République, au président du Sénat et au président de l'Assemblée nationale un rapport qui rend compte de son activité. Ce rapport est publié et fait l'objet d'une communication du Défenseur des droits devant chacune des deux assemblées.
III– Le Défenseur des droits peut également présenter tout autre rapport au Président de la République, au président du Sénat et au président de l'Assemblée nationale. Ce rapport est publié.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme la ministre d'État.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État. Il s’agit de supprimer l’alinéa relatif aux rapports thématiques.
Le Défenseur des droits est libre des moyens de sa communication ; cette disposition vient d’être adoptée. Par conséquent, il pourra rendre publics les différents rapports qu’il aura rédigés, quels qu’ils soient. Il n’y a donc pas lieu de l’inciter à présenter des rapports thématiques. Dans le cas contraire, il faudrait entrer dans le détail et préciser les thèmes en question.
Certaines années, le Défenseur des droits peut être amené à présenter des rapports globaux, voire transversaux, qui seront beaucoup plus intéressants que des rapports thématiques. Par conséquent, il convient de conserver une certaine souplesse.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. La commission a inscrit à l'article 27 du projet de loi organique la possibilité pour le Défenseur des droits de publier, indépendamment du rapport d’activité, des rapports thématiques dans différents domaines de sa compétence. Ces rapports pourraient être rendus publics au moment qu’il jugera le plus opportun, notamment une journée commémorative. Il s’agit d’une simple faculté, laissée à la discrétion du Défenseur des droits : il pourra parfaitement ne pas en faire usage, par exemple s’il estime que cela nuit à l’unité de l’institution.
Par conséquent, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 27.
(L'article 27 est adopté.)
Titre IV
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ORGANISATION ET AU FONCTIONNEMENT DU DÉFENSEUR DES DROITS
Article 28
Le Défenseur des droits dispose de services placés sous son autorité qui ne peuvent comprendre que des fonctionnaires civils et militaires, des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats et des agents contractuels de droit public.
Il peut désigner des délégués, placés sous son autorité, qui peuvent, dans leur ressort géographique, instruire des réclamations et participer au règlement des difficultés signalées.
Il peut déléguer à ses délégués et à ses agents les pouvoirs mentionnés au deuxième alinéa de l’article 15 et aux articles 17 et 18. Pour l’exercice des pouvoirs mentionnés à l’article 18, ces derniers sont spécialement habilités par le procureur général près la cour d’appel de leur domicile dans les conditions et selon les modalités fixées par décret en Conseil d’État.
Les agents du Défenseur des droits assermentés et spécialement habilités par le procureur de la République peuvent constater par procès-verbal les délits de discrimination, en particulier dans le cas où il est fait application des dispositions de l'article 225-3-1 du code pénal. – (Adopté.)
Article 29
Le Défenseur des droits, ses adjoints, les autres membres des collèges, les délégués et l’ensemble des agents placés sous son autorité sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l’établissement des avis, recommandations, injonctions et rapports prévus par la présente loi organique.
Le Défenseur des droits peut toutefois, lorsqu’il a été saisi par un enfant mineur, informer son représentant légal ainsi que les autorités susceptibles d’intervenir dans l’intérêt de l’enfant.
Sauf accord des intéressés, aucune mention permettant l'identification de personnes physiques ne peut être faite dans les documents publiés sous l’autorité du Défenseur des droits.
M. le président. L'amendement n° 34 rectifié ter, présenté par MM. Portelli, Badré et Béteille, Mme Férat, M. Garrec, Mme G. Gautier, M. Jarlier, Mlle Joissains, MM. Laménie, Lardeux, du Luart et Milon, Mme Papon et MM. Saugey et Zocchetto, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas d’avis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 29, modifié.
(L'article 29 est adopté.)
Article 29 bis (nouveau)
Le Défenseur des droits établit et rend public un règlement intérieur et un code de déontologie qui lui sont applicables, ainsi qu’à ses adjoints, aux autres membres des collèges, à ses délégués et à l'ensemble des agents placés sous son autorité. – (Adopté.)
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 3 juin 2010 :
À neuf heures trente :
1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2010 (n° 511, 2009-2010).
Rapport de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances (n° 513, 2009-2010).
À quinze heures et le soir :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
3. Suite éventuelle du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2010 (n° 511, 2009-2010).
4. Suite du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits (n° 610, 2008-2009).
Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 482, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 483, 2009-2010).
5. Suite du projet de loi relatif au Défenseur des droits (n° 611, 2008-2009).
Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 482, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 484, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART