Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote.
Mme Marie-Agnès Labarre. Le groupe CRC-SPG votera, bien sûr, ces deux amendements puisqu’il a présenté à l’article 12 des amendements tout à fait similaires sur le cotisant solidaire.
Mme la présidente. L'amendement n° 123 rectifié, présenté par MM. Chatillon, Fouché, Cazalet, Guerry, Houel, Grignon, Bailly, Dulait et Houpert, Mme Sittler, MM. Alduy, Lefèvre, J. Blanc, B. Fournier, Milon et Beaumont, Mlle Joissains et Mme Malovry, est ainsi libellé :
Après l'article 11 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article L. 731-11 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 731-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 731-11-1. - I. - Les cotisations relatives aux prestations familiales, à l'assurance maladie, invalidité, maternité et à l'assurance vieillesse dues par les chefs d'exploitation ou d'entreprise mentionnés au 1° de l'article L. 722-4 sont réduites en fonction de la surface des exploitations ou entreprises qu'ils dirigent dans les conditions prévues au II.
« II. - La réduction prévue au I. est fixée à :
« - 50 euros par an et par hectare jusqu'au cinquantième hectare de l'exploitation ;
« - 30 euros par an et par hectare du cinquante et unième au centième hectare ;
« - 20 euros par an et par hectare du cent unième au cent-cinquantième hectare. »
II. - Le I s'applique à compter de la publication de la présente loi jusqu'à l'expiration de la troisième année civile qui suit cette publication.
III. - Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 612, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 11 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 731-13 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « jeune » est supprimé ;
2° À la dernière phrase du deuxième alinéa, les mots : « et de quarante ans au plus » sont supprimés.
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Il s’agit d’un amendement technique qui vise simplement à préciser que l’ouverture des exonérations partielles de cotisations concerne tous les nouveaux agriculteurs qui s’installent et pas seulement ceux qui ont moins de quarante ans.
Il n’y a pas que des jeunes qui s’installent et il est donc légitime que ces exonérations profitent à tous.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. L’intention des auteurs de cet amendement est louable. Cependant, étendre l’exonération des cotisations sociales – même partielle – à tous les agriculteurs, représente un coût très important. Nous devons aider surtout les jeunes agriculteurs car ce sont eux qui assurent le renouvellement des générations.
La notion de « jeune agriculteur » est extensible : je vous rappelle, mon cher collègue, qu’on est jeune agriculteur jusqu’à quarante ans ! Par conséquent, nous sommes tous des jeunes agriculteurs … (Sourires.)
La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, parce que malheureusement, monsieur Muller, après quarante ans – cela vient de m’arriver il y a quelques jours –, on n’est plus dans la catégorie des jeunes. (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Peut-être me suis-je mal exprimé. L’exonération des cotisations que je propose concerne non pas tous les agriculteurs, mais uniquement ceux qui s’installent. Or peuvent s’installer non seulement des jeunes, mais aussi des personnes âgées de plus de quarante ans. Toute personne qui s’installe doit pouvoir bénéficier de cette exonération, puisque cette mesure vise, en quelque sorte, à mettre le pied à l’étrier.
Au moment même où l’on cherche à enrichir l’activité agricole en emplois, il ne serait pas cohérent de fixer une limite d’âge.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 612.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11 sexies (nouveau)
I. – Lorsque le bénéfice agricole retenu pour l'assiette de l'impôt progressif payé en 2010 est déterminé selon les modalités prévues à l'article 75-0 B du code général des impôts, il peut, sur option du contribuable, être diminué du sixième du bénéfice de l'année 2007. Dans ce cas, le bénéfice agricole retenu pour l'assiette de l'impôt progressif payé en 2011 est majoré du sixième du bénéfice de l'année 2007.
II. – Les pertes de recettes éventuelles résultant pour l’État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme la présidente. L'amendement n° 698, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement lève le gage prévu à l’article 11 sexies, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 sexies, modifié.
(L'article 11 sexies est adopté.)
Article 11 septies (nouveau)
I. – L’article L. 526-6 du code de commerce est ainsi complété :
Après le deuxième alinéa du présent article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception au précédent alinéa, l’entrepreneur individuel exerçant une activité agricole au sens de l’article L. 311-1 du code rural peut demander de conserver les terres, utilisées pour les besoins de son exploitation, dans son patrimoine personnel.
« Cette faculté s’applique à la totalité des terres dont l’exploitant est propriétaire. »
II. – Les pertes de recettes éventuelles résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, sur l’article.
M. Jacques Muller. Nous allons examiner un certain nombre d’amendements visant à insérer des articles additionnels après l’article 11 septies, qui portent sur la question des semences de ferme.
Il s’agit d’un sujet de première importance, et ce à plusieurs titres.
Tout d’abord, les semences de ferme correspondent à une pratique très largement répandue dans notre pays, puisque quelque 200 000 agriculteurs y recourent. J’en rappelle très brièvement le principe : l’agriculteur ressème une partie de sa récolte, hormis les semences hybrides, qui ne sont pas opérantes. Les agriculteurs sont, en quelque sorte, auto-producteurs de leurs semences. Pour ce faire, ils s’appuient sur des stations de tri, en général les CUMA, les coopératives d’utilisation de matériel agricole, qui les aident à calibrer les semences qu’ils vont retenir. Dans notre pays, ce sont 2,5 millions à 3 millions d’hectares de céréales qui sont concernés par cette pratique. Ainsi, aujourd'hui, les semences de ferme sont utilisées pour les cultures à hauteur de 30 % pour les triticales, de 30 % pour le colza, de 51 % pour les pois, de 46 % pour le blé d’hiver et de 65 % pour les fèves. Vous pouvez constater que cette pratique est plus largement répandue encore pour les oléoprotéagineux.
C’est pourquoi les conditions de cette pratique méritent d’être précisées.
Par ailleurs, les enjeux sont considérables pour les agriculteurs, et pour notre agriculture en général.
La pratique des semences de ferme permet aux agriculteurs de réduire leurs charges. Ressemer ses propres graines après tri revient à un coût de quelque 25 euros le quintal, contre 42 euros en moyenne, d’après les chiffres officiels, pour des semences achetées à des semenciers.
Par ailleurs, elle est de nature à permettre aux exploitants agricoles de jouir d’une plus grande autonomie, ceux-ci ayant une sécurité au niveau de l’approvisionnement.
Pour l’agriculture française en général, une telle pratique présente un intérêt environnemental indiscutable.
Tout d’abord, les semences de ferme contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Contrairement aux semences industrielles, qui sont produites de manière concentrée et doivent être distribuées sur tout le territoire, les semences de ferme sont produites au sein même des exploitations agricoles, ce qui constitue un gain en termes de coût de transport, et réduit, par voie de conséquence, les émissions de gaz à effet de serre.
Ensuite, cette pratique se traduit par une économie en termes de déchets. D’après les chiffres officiels fournis par Agra Presse, les semences industrielles entraînent aujourd'hui un gaspillage de quelque 10 000 tonnes par an.
Enfin et surtout, l’usage des semences de ferme permet de réduire la consommation d’intrants. Plus précisément, les semences réutilisées sur l’exploitation contribuent à une meilleure adaptation génétique des plantes au milieu, à l’environnement, et ce d’autant plus que les producteurs procèdent généralement à un mélange de variétés, lequel offre une plus grande résistance aux parasites, ainsi que l’ont parfaitement montré les études de l’INRA, l’Institut national de la recherche agronomique. .
Au final, les plantes sont plus résistantes, mieux adaptées au milieu, et contiennent moins de pesticides – on peut dire que la consommation de pesticides est divisée par deux.
C’est pourquoi il me semble totalement inconcevable de mettre en place, dans un projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, un dispositif de nature à mettre pratiquement fin à ces pratiques vertueuses obligeant les agriculteurs à payer des royalties aux groupes semenciers. Voilà qui est, me semble-t-il, en totale contradiction avec l’esprit même de nos débats.
Mme la présidente. L'amendement n° 401, présenté par M. Hyest, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le code rural est ainsi modifié :
1° Après le chapitre IV du titre II du livre III du code rural, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
« Chapitre IV bis
« Entrepreneur individuel agricole à responsabilité limitée
« Art. L. 324-11. - Une personne physique exerçant une activité professionnelle agricole au sens de l'article L. 311-1 du présent code peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel dans les conditions prévues aux articles L. 526-6 à L. 526-21 du code de commerce, à l'article 1655 sexies du code général des impôts et à l'article L. 273 B du livre des procédures fiscales.
« Pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, l'entrepreneur individuel utilise une dénomination incorporant son nom, précédé ou suivi immédiatement des mots : " Entrepreneur individuel agricole à responsabilité limitée " ou des initiales : " EIARL ".
« Art. L. 324-12. - Par dérogation au deuxième alinéa de l'article L. 526-6, l'entrepreneur individuel agricole à responsabilité limitée peut décider de ne pas affecter à son patrimoine professionnel les terres nécessaires ou utilisées pour l'exercice de son activité professionnelle. Cette faculté s'applique à l'intégralité des terres dont l'entrepreneur individuel est propriétaire.
« Art. L. 324-13. - La constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt d'une déclaration effectué au registre de l'agriculture prévu à l'article L. 311-2 du présent code ou, à défaut, au registre prévu au 3° de l'article L. 526-7 du code de commerce. » ;
« 2° À l'article L. 725-12-1, tel qu'il résulte de la loi n° ... du ... relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, les mots : « à responsabilité limitée défini aux articles L. 526-6 à L. 526-21 du code de commerce » sont remplacés par les mots : « agricole à responsabilité limitée défini aux articles L. 324-11 à L. 324-13 du présent code » ;
« 3° À l'article L. 731-14-1, tel qu'il résulte de la loi n° ... du ... relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, les références : « L. 526-6 à L. 526-21 du code de commerce » sont remplacées par les références : « L. 324-11 à L. 324-13 du présent code ».
II. - Au 3° de l'article L. 526-7 du code de commerce, tel qu'il résulte de la loi n° ... du ... relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, les mots : « ou pour les exploitants agricoles » sont supprimés.
III. – À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, tel qu'il résulte de la loi n° ... du ... relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, après les mots : « entrepreneurs individuels à responsabilité limitée », sont insérés les mots : « et des entrepreneurs individuels agricoles à responsabilité limitée ».
IV. - L'article 8 de la loi n° ... du ... relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I, après les mots : « de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée », sont insérés les mots : « et de l'entrepreneur individuel agricole à responsabilité limitée » et après les mots : « à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée », sont insérés les mots : « et à l'entrepreneur individuel agricole à responsabilité limitée » ;
2° Au premier alinéa du II, les mots : « dispositions de la présente loi » sont remplacés par les mots : « dispositions relatives à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée et à l'entrepreneur individuel agricole à responsabilité limitée ».
V. – Les I et II entrent en vigueur à compter de la publication de l'ordonnance prévue au I de l'article 8 de la loi n° ... du ... relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
VI. - Un même entrepreneur individuel agricole à responsabilité limitée peut constituer plusieurs patrimoines affectés à compter du 1er janvier 2013.
VII. - Les pertes de recettes résultant pour l'État des I à VI sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Gérard César, rapporteur. La commission le reprend, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 699, présenté par M. César, au nom de la commission, et dont le libellé reprend strictement celui de l’amendement n° 401.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement vise à transposer dans le code rural des dispositions concernant le statut d’entrepreneur individuel, en l’adaptant aux agriculteurs sous la forme d’entrepreneur individuel agricole à responsabilité limitée, l’EIARL.
Cette précision me paraît tout à fait utile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement estime avoir déjà répondu à cette demande dans le texte et pense que cet amendement ajoute de la complexité au dispositif existant.
Au demeurant, il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée et lève le gage.
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 699 rectifié.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 11 septies est ainsi rédigé.
Articles additionnels après l'article 11 septies
Mme la présidente. L'amendement n° 201, présenté par M. Guillaume, est ainsi libellé :
Après l'article 11 septies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 113-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 8° Assurer la pérennité des exploitations et le maintien du pastoralisme en particulier en protégeant les troupeaux des attaques du loup dans les territoires exposés à ce risque.»
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Il s’agit là d’un amendement mesuré, parce que je ne suis pas homme à aimer les excès ! (Sourires.)
Par cet amendement, nous posons très clairement la question essentielle de la cohabitation du pastoralisme avec les prédateurs, parmi lesquels le loup.
L’année 2010 est l’année de la biodiversité dont, en tant que parlementaires, représentants de la nation, nous sommes tous porteurs.
Mme Nathalie Goulet. Nous avons tous un loup en nous ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume. Le 3 décembre 2009, lors de la discussion budgétaire, je posais, une nouvelle fois, dans cette enceinte, la question suivante : le pastoralisme et la présence du loup sont-ils compatibles sur un même territoire et sur un même espace ? Pour moi, la réponse est claire : non. Aujourd’hui, il faut faire les choix qui s’imposent : tel est l’objet de l’amendement que je vous propose, visant à modifier le code rural et de la pêche maritime.
Ainsi, la protection et le maintien du pastoralisme, qui est menacé par la réintroduction du loup sur certains territoires, deviendraient un axe d’action complémentaire auquel le Gouvernement doit s’attacher.
Le pastoralisme est reconnu d’intérêt général comme activité de base de la vie montagnarde dans l’article L. 113-1 du code rural et de la pêche maritime. Il convient de veiller à protéger cette pratique et, à ce titre, nous proposons de compléter la liste des actions à mener en faveur des activités agricoles en montagne.
Il est, en effet, plus facile de défendre la biodiversité d’un bureau parisien que sur le terrain. Comment ne pas entendre, écouter les bergers, dont le travail est si dur, si passionnant et si indispensable pour nos zones montagneuses, lorsqu’ils nous exposent leur détresse ?
M. Yvon Collin. Bien !
M. Didier Guillaume. On ne saurait rester sourd à l’appel au secours lancé par les éleveurs des Alpes, qui remettent en cause l’existence même de leur profession, en particulier ceux qui ont des petits et moyens troupeaux.
La situation française n’est en rien comparable au pastoralisme d’Italie, où les troupeaux sont dix fois plus grands qu’en France. Les troupeaux résidant dans les Alpes du nord, qui comptent entre 300 et 1 000 têtes, sont souvent constitués d’animaux en pension provenant de petits élevages de brebis de pays habitués à la liberté. De ce fait, ils sont difficiles à regrouper et sont donc exposés à la prédation du loup.
Croyez-vous vraiment, mes chers collègues, que l’indemnisation des attaques d’un loup soit une réponse satisfaisante à la détresse des éleveurs découvrant leurs bêtes égorgées ? Je préférerais que nous mobilisions ces crédits pour favoriser l’installation des jeunes agriculteurs.
Par cet amendement, je vous propose de soutenir le pastoralisme en montagne et d’encourager la protection des troupeaux face aux attaques du loup.
Aujourd'hui, ce débat est passionné et passionnel. Nous avons déposé un amendement de sérénité et de bon sens ; ce projet de loi doit protéger le pastoralisme, sans mettre à mal la biodiversité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Notre collègue Didier Guillaume pose un réel problème. À titre personnel, je suis assez proche de sa position, mais, je tiens à le dire d’emblée, l’avis que je vais exprimer au nom de la commission sera différent.
Par le biais de plusieurs amendements, nous avons été alertés sur la menace que représente le loup pour les troupeaux dans certains territoires.
Le présent amendement n’a qu’une portée déclaratoire et ne semble donc pas indispensable.
Surtout, il est contraire aux dispositions de la directive 92/43/CEE du Conseil concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.
En effet, aux termes de l’article L. 113-1 du code rural et de la pêche maritime, le Gouvernement, reconnaissant les rôles fondamentaux de l’agriculture, du pastoralisme et de la forêt de montagne, s’attache à répondre à différents objectifs, sous réserve de leur conformité avec les dispositions communautaires.
Rappeler l’objectif de protection des troupeaux est louable, mais cela ne peut consister en la destruction du loup, car cette action serait précisément en contradiction avec le droit communautaire.
Pour ce qui est des autres mesures de protection, je vous rappelle que le droit actuel autorise les éleveurs à effectuer des tirs de défense, donne la possibilité de procéder à des prélèvements lorsque l’importance des dégâts le justifie et permet, chaque année, de fixer, par arrêté interministériel, les conditions et les limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction du loup peuvent être accordées par les préfets.
Je rappelle enfin que l’État mobilise 5,2 millions d’euros par an pour protéger les troupeaux contre les attaques du loup.
Même si je partage, à titre personnel, je le répète, l’argumentation développée par Didier Guillaume, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement, car il s’agit d’une question récurrente. Si notre collègue Gérard Bailly avait été présent, il aurait lui aussi, nous le savons, avancé les mêmes arguments. Que faire lorsque tout un troupeau de brebis est poussé par un loup dans un précipice et succombe à cette attaque ? Faut-il exiger que chaque berger ait un pataud – un pataud, c’est un chien, comme chacun sait ?
Voilà donc, monsieur le ministre, un réel problème, qui nous inquiète depuis plusieurs années et suscite le désarroi de nombreux éleveurs de moutons.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est un avis défavorable, madame la présidente, parce que nous estimons que l’amendement est satisfait par la politique que finance le ministère de l’agriculture à hauteur de 5,5 millions d’euros pour accompagner le pastoralisme et mettre en place les mesures de protection nécessaires face aux loups.
Cela dit, je souscris largement à l’argumentation de M. Guillaume, étant moi-même basque d’adoption, voire demi-basque, comme vous le savez. Je vois ce qui peut se passer dans les montagnes basques, et j’entends ce que m’en disent les bergers de la région. Le problème est réel, je le sais.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je suis quant à moi normand, et chacun sait qu’il n’y a pas encore de loups en Normandie… (Sourires.) mais nous avons nos propres problèmes. Je pense en particulier à l’augmentation anormale du nombre de cerfs dans la forêt bretonne, qui a concouru à la reprise de la fièvre aphteuse dans le département.
Cela montre qu’une régulation est nécessaire. Comme le disait à l’instant Gérard César – et notre collègue Gérard Bailly nous a rappelé bien des fois, avec force, combien il était préoccupé par ce problème –, nous devons bien entendu protéger les espèces, mais nous devons en même temps prendre en considération la situation des familles et des élevages.
Je suis donc, monsieur le ministre, plutôt d’avis de soutenir cet amendement, et je le voterai. Ce sera un signal qui montrera que le Parlement se préoccupe tout à la fois du maintien des espèces et de la protection de l’outil de travail des éleveurs… et que les brebis, même si elles ne sont pas les seules, méritent qu’on leur prête attention !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, cet amendement n’a pas pour vocation d’éradiquer le loup des Alpes. Aujourd’hui, les loups ont proliféré. Regardez cette photo, qui illustre un article de journal récent (M. Didier Guillaume brandit une page de journal.) rapportant qu’un loup a été tué à l’entrée de Grenoble ! Il y a un an, un loup a été tué à l’entrée de ma ville, sur la voie rapide !
Aujourd’hui, l’existence du loup n’est pas menacée. Les loups ont traversé les Alpes, et ils sont nombreux. Le loup, aujourd’hui, est en meute ! Et combien de troupeaux de mouflons, combien de biches ont été touchées dans nos montagnes ?
Il est certes hors de question – à cet égard, je remercie Charles Revet de son intervention – de revenir sur la biodiversité et sur la réintroduction du loup dans nos montagnes. Je comprends votre position, monsieur le ministre. L’objectif de cet amendement, c’est de dire clairement dans la loi qu’il faut protéger le pastoralisme en modifiant le code rural.
Les éleveurs que je rencontre, qui n’en peuvent plus, qui sont en pleurs parce qu’ils ont tout perdu, ne sont pas des excités. Ce que je voudrais éviter par cet amendement, c’est que la passion qui entoure ce sujet ne vous crée, monsieur le ministre, à vous et à vos préfets bien des problèmes !
On sait très bien ce qui se passe actuellement sur le terrain. C’est pour empêcher cela que je souhaiterais qu’il y ait une possibilité de faire des prélèvements supplémentaires, sous l’autorité du Gouvernement et des préfets, afin de rassurer les éleveurs.
Dans mon département, on a dénombré, l’année dernière, soixante-douze attaques et deux cent dix-huit brebis tuées pendant la campagne estivale. Cela ne peut pas continuer, et l’argent qui est employé à indemniser serait plus utile s’il servait à installer de nouveaux agriculteurs. Il s’agit de plusieurs millions d’euros…
M. Didier Guillaume. Cinq millions : ce n’est pas rien !
Cet amendement, disais-je, n’a vraiment pas pour but d’opposer les uns et les autres. J’ai eu, pendant de nombreux mois, des débats dans mon département et dans ma région sur le sujet. Les défenseurs de la biodiversité ont leur mot à dire ; la convention de Berne est là, elle est claire, et je ne souhaite pas revenir dessus.
J’estime simplement qu’au moment où, par cette loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, on veut soutenir les agriculteurs, il serait opportun d’envoyer un signal aux éleveurs français pour leur faire savoir que nous entendons leur détresse.
Tel est le sens de cet amendement, qui est vraiment mesuré et qui, loin de faire en sorte que les uns et les autres s’affrontent, vise au contraire à apaiser la tension, à calmer la situation et à faire en sorte que les éleveurs, qui font un très beau métier, puissent continuer à le faire en toute sérénité, et surtout sans risque juridique.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Alors que les directives européennes nous parlent du bien-être animal, on peut aussi penser à ces ovins qui sont précipités chaque année dans les montagnes et y disparaissent ! (Sourires.)
J’ai de nouveau vérifié la rédaction de cet amendement : il ne remet pas en cause la convention de Berne, mais affirme tout simplement la nécessité de préserver le pastoralisme.
Dès lors, je pense que nous pouvons le voter.