M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement est important puisqu’il définit le régime de sanctions applicable dans le cadre de l’accord sur la modération volontaire des marges en période de crise pour les fruits et légumes, signé récemment.
La situation est très simple : un accord a été proposé à l’ensemble des distributeurs – je souhaite d’ailleurs l’ouvrir également au hard discount et à d’autres distributeurs qui n’auraient pas participé à la négociation.
Soit les distributeurs refusent de signer cet accord, en vertu duquel ils réduisent automatiquement leur marge en période de crise. Dans ce cas, ils encourent une imposition supplémentaire qui prendra la forme d’une taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, et dont les règles de calcul sont fixées dans cet amendement.
Une sanction crédible et forte pèse donc sur les distributeurs.
Soit les distributeurs ont signé l’accord – ce qui est aujourd’hui le cas pour l’ensemble des grandes enseignes, qui ont fait preuve de compréhension au terme d’un certain nombre de démarches – et il faut s’assurer qu’ils le respectent. Si tel n’était pas le cas, nous prévoyons une amende de 2 millions d’euros, montant qui nous paraît particulièrement dissuasif.
Ce dispositif a le mérite d’être simple, de s’appuyer sur le volontariat et d’être crédible, dans la mesure où le régime de sanctions applicable est particulièrement dissuasif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, je vous admire quand vous dites que votre amendement est très simple ! (Sourires.) Il faut quand même entrer dans le texte et l’examiner de près. Peut-être l’heure tardive réduit-elle mes capacités de compréhension, mais, si cet amendement est certainement très important, il n’est pas vraiment simple. Je souhaiterais donc vous poser un certain nombre de questions avant d’en arriver au vote.
Votre amendement précise que seront exonérés les établissements réalisant un chiffre d’affaires sur la vente des fruits et légumes inférieur à 100 millions d’euros. Quand on connaît le mode de fonctionnement de la plupart de ces grandes centrales d’achat et les différents systèmes régissant les entreprises – le statut des magasins varie énormément d’une enseigne à une autre –, on peut s’interroger : comment prévoir que le dispositif s’applique à titre personnel dans certains cas, au groupement ou à la centrale d’achat dans d’autres ? Comment s’y retrouver et comment vérifier sur le terrain que cet accord est appliqué ?
Le montant de la taxe me paraît en outre très complexe à calculer. Si les spécialistes sont particulièrement bien armés pour le faire, nous avons du mal à nous y retrouver.
Enfin, monsieur le ministre, vous dites que cet accord est applicable en temps de crise conjoncturelle. Nous n’avons toujours pas de référence aux coûts de production, mais, comme le disait tout à l’heure mon collègue Didier Guillaume, en 2010, si l’on se fonde sur les trois dernières années pour calculer les marges, alors que ces années ont été particulièrement difficiles et caractérisées par des prix très bas, l’exercice risque d’être délicat pour les producteurs.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous n’avez pas évoqué les conséquences de cet accord sur les prix à la consommation ni sur les prix payés aux producteurs. C’est pourquoi j’aurais souhaité que vous nous apportiez un certain nombre de précisions sur ces questions, avant que nous nous déterminions.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. C’est toujours lorsque l’on approche des heures tardives qu’il faut expliquer le mode de calcul d’une taxe ! (Sourires.) Je rejoins parfaitement Mme Herviaux sur ce constat et je vais essayer de lui apporter les explications les plus claires possible.
Premièrement, s’agissant du calcul, pour respecter le principe d’égalité devant l’impôt, nous avons voulu, en accord avec la direction de la législation fiscale, faire en sorte que l’augmentation du produit de la taxe soit rapportée au volume du chiffre d’affaires réalisé par les distributeurs sur les fruits et légumes. C’est pourquoi le montant de la taxe additionnelle est égal à trois fois le montant dû au titre de la TASCOM, multiplié par le rapport entre le montant total des ventes de fruits et légumes et le chiffre d’affaires total.
En d’autres termes, l’augmentation de la taxe due est proportionnelle au volume du chiffre d’affaires sur les fruits et légumes, dans un souci d’équité fiscale.
Deuxièmement, s’agissant de la réduction des marges et du retour aux producteurs, à partir du moment où les distributeurs s’engagent à réduire volontairement leur marge, nous estimons que les producteurs vendront automatiquement à un prix plus élevé que celui qu’ils auraient obtenu si les distributeurs avaient maintenu leur marge au même niveau. L’effet est assez automatique.
Troisièmement, nous avons fixé à 100 millions d’euros de chiffres d’affaires le seuil d’application de la taxe additionnelle parce que nous souhaitons toucher uniquement les grands distributeurs, afin d’épargner les détaillants en fruits et légumes, ainsi qu’un certain nombre de grands groupes qui vendent aussi des fruits et légumes, mais en jouant un rôle positif. Par exemple, si vous allez acheter un bureau pour l’un de vos enfants chez IKEA à Paris Nord, vous y trouverez un point de vente de fruits et légumes, dont le chiffre d’affaires reste inférieur à 100 millions d’euros. Nous n’avons pas voulu que ces distributeurs soient concernés par le dispositif, car nous risquerions sinon de limiter le nombre de points de vente de fruits et légumes en France.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 657 rectifié.
M. Gérard Le Cam. Le groupe CRC-SPG s’abstient !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.
L’amendement n° 677, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 310-2 du code de commerce, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les ventes au déballage de fruits et légumes effectuées en période de crise conjoncturelle ne sont pas prises en compte pour le calcul de cette limite. ».
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Cet amendement tend à assouplir les conditions de vente au déballage pour les fruits et légumes, en faisant en sorte que ces ventes ne soient pas prises en compte pour le calcul de la limite de deux mois maximum par année civile.
Le Gouvernement a déposé cet amendement parce qu’il répond à une demande complémentaire de l’ensemble de la filière des fruits et légumes, qui estime que nous avons amélioré les conditions de commercialisation, mais qui veut garder une capacité d’écoulement rapide de stocks, en cas de crise conjoncturelle.
Je précise que le déclenchement de la période de vente au déballage reste étroitement encadré par l’État, puisqu’il fait l’objet d’une décision conjointe des ministres, après consultation des interprofessions. Il ne peut avoir lieu qu’en période de crise conjoncturelle, notion définie précisément par l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. La commission émet un avis favorable, parce qu’il faut absolument prévoir les ventes au déballage en cas de crise.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Le projet de loi de modernisation de l’économie a fourni l’occasion de simplifier la procédure administrative des ventes au déballage, en substituant notamment au régime d’autorisation préalable un régime de déclaration.
Avec cet amendement n° 677, monsieur le ministre, vous souhaitez élargir encore le champ d’application de cette procédure, en précisant que les ventes au déballage des fruits et légumes effectuées en période de crise conjoncturelle ne sont pas prises en compte pour calculer le nombre maximal de ventes pouvant avoir lieu par année civile.
Cet amendement est très intéressant, car il montre combien le Gouvernement reste hostile à la mise en œuvre du coefficient multiplicateur, comme vous venez de le confirmer tout à l’heure. Vous avez déjà autorisé de telles ventes en lieu et place du déclenchement du coefficient multiplicateur. Or, selon nous, ces ventes ne constituent pas une solution satisfaisante pour le monde rural.
Le groupe CRC-SPG votera donc contre cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 677.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.
Article 6 A (nouveau)
Après l’article L. 311-2-1 du code rural, il est inséré un article L. 311-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 311-2-2. – Il est créé un inventaire verger dont les conditions d’application sont définies par décret. » – (Adopté.)
Article 6
Le livre VI du code rural est ainsi modifié :
1° Après le 7° de l’article L. 621-3, sont insérés un 8° et un 9° ainsi rédigés :
« 8° Transmettre les données économiques nécessaires à l’Observatoire mentionné à l’article L. 692-1 pour l’exercice de ses missions. » ;
« 9° Mettre à la disposition des organisations interprofessionnelles reconnues, des instituts et centres techniques et des établissements publics relevant du domaine de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture les données relatives aux filières, aux marchés et à la mise en œuvre des politiques publiques. » ;
2° L’article L. 621-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le service statistique public transmet à l’établissement mentionné à l’article L. 621-1 selon des modalités précisées par convention, les résultats des enquêtes obligatoires au sens de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques répondant aux besoins de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. » ;
3° Le titre IX est ainsi modifié :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Observatoires » ;
b) Il est inséré un chapitre Ier intitulé « Observatoire des distorsions » comprenant l’article L. 691-1 ;
c) Après le premier alinéa de l’article L. 691-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Observatoire des distorsions évalue, à la demande des organismes visés au troisième alinéa, l’impact des mesures législatives ou réglementaires affectant les modes de production agricole. Cette expertise comporte une analyse comparative entre la France, les États membres de l’Union européenne et les pays tiers, une étude d’impact économique, social, et environnemental et le chiffrage des coûts et bénéfices attendus de cette mesure. » ;
d) Il est inséré un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires
« Art. L. 692-1. – L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, placé auprès du ministre chargé de l’alimentation et du ministre chargé de la consommation, est chargé d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges au cours des transactions au sein de la chaîne alimentaire, qu’il s’agisse de produits de l’agriculture, de la pêche ou de l’aquaculture.
« Les modalités de désignation du Président de l’Observatoire, le fonctionnement de l’Observatoire ainsi que sa composition sont fixées par arrêté.
« Il recueille les données nécessaires à l’exercice de ses missions auprès de l’établissement mentionné à l’article L. 621-1 et bénéficie du concours du service de statistique public. »
« Il étudie également les coûts de production au stade de la production agricole. Il remet chaque année un rapport au Parlement. »
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, sur l’article.
M. Didier Guillaume. Je saisis cette occasion pour préciser les raisons de notre abstention sur l’amendement n° 677 du Gouvernement.
Un accord a été signé avec la grande distribution et notre rôle ne consiste pas à entraver son application. Au contraire, nous espérons que cet accord sera appliqué et qu’il donnera satisfaction ! Nous ne nous sommes donc pas opposés à cet amendement, ni au précédent, bien que nous persistions à émettre des doutes quant à leur efficacité.
Nous pensons en effet que cet accord, adossé au mécanisme du coefficient multiplicateur – ou l’inverse ! –, aurait pu donner de meilleurs résultats, mais nous attendrons la fin de la campagne de cet été pour faire le point.
Nous serons prêts à saluer l’initiative du Gouvernement, si elle donne des résultats positifs. Dans le cas contraire, nous ne pourrons que constater qu’il fallait peut-être aller plus loin.
Telle était donc, très brièvement, l’explication de vote que nous souhaitions faire sur cet amendement du Gouvernement.
Mais j’en viens à l’article 6 et au cinquième grand sujet que nous avons identifié dans ce projet de loi.
Nous avons fondé beaucoup d’espoir sur l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Vous me direz, mes chers collègues, qu’au regard de la situation constatée à ce jour, il était facile de progresser dans ce domaine, tout le monde l’a reconnu !
Néanmoins, sans vouloir faire de surenchère, et tout en reconnaissant les avancées consenties par M. le ministre en commission – avancées que nous avons saluées –, nous estimons que nous pouvons être un peu plus audacieux.
Le projet de loi tend à conférer à cet Observatoire, créé en 2008, une réalité législative. C’est une bonne chose, nous le reconnaissons.
En outre, deux nouveautés principales sont à relever.
Première nouveauté, l’Observatoire se voit chargé de l’étude des coûts de production au stade de la production agricole. C’est bien, mais il nous semble que cette étude est pour le moins inadaptée par rapport aux problèmes que connaissent les producteurs.
Qui peut aujourd’hui penser que les dysfonctionnements de la chaîne de commercialisation apparaissent seulement au premier niveau, à l’échelon de la production agricole ? Ils sont présents sur l’ensemble de la chaîne !
Tous les acteurs du monde agricole, mais également tous les élus locaux, le savent bien : l’étude des coûts ne peut se limiter à la seule production agricole. Elle doit englober l’ensemble de la chaîne de commercialisation, notamment les coûts liés aux activités de transformation et de mise sur le marché. C’est effectivement à ce niveau que se forment les marges les plus importantes, celles qui désabusent le consommateur. Ce sont ces intermédiaires qui achètent des produits toujours moins cher pour les revendre à des prix déraisonnables.
Si le Gouvernement persiste à ne vouloir étudier les coûts de production qu’au stade de la production agricole, je peux d’ores et déjà prédire, sans même avoir besoin d’un Observatoire, que cela ne servira pas plus que par le passé. C’est pourquoi, en commission, nous avions défendu un amendement visant à inclure les coûts de transformation et de distribution dans le champ d’étude de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Malheureusement, cette proposition n’a pas été retenue.
Seconde nouveauté, l’Observatoire est tenu de transmettre un rapport annuel au Parlement.
M. le rapporteur se bat contre les rapports en tous genres, mais, s’agissant de surcroît d’une avancée proposée par le Gouvernement, reconnaissons qu’il peut être intéressant que le Parlement se penche, chaque année, sur un rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Sur le fond, cette association du Parlement aux travaux de l’Observatoire est une idée intéressante.
Cependant, à y regarder de plus près, s’il s’agit simplement de constater année après année, sur la base de ce rapport, que les marges ne se forment pas au niveau de la production agricole, ce sera insuffisant. Il faut aller plus loin ! Le travail de l’Observatoire sera plus productif s’il est suivi d’une analyse permettant de reconstituer ce qu’est la marge de chaque opérateur sur les différents produits.
Monsieur le ministre, j’ai attiré votre attention sur la situation des agriculteurs en septembre dernier, lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, parce que la demande du monde agricole était alors claire et pressante. Elle l’est toujours aujourd’hui !
En décembre 2009, lors de l’examen du budget de l’agriculture, je vous faisais part du dépôt, avec mon groupe, d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information sur l’organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et le mécanisme de formation des prix. Il nous semble indispensable, en effet, que l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, au-delà des avancées importantes que vous lui permettez de faire, puisse également travailler sur ces deux sujets.
C’est dire si l’annonce du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a suscité des espoirs sur cette question et nous espérons voir retranscrites, dans ce texte, les propositions évoquées à l’instant.
Selon nous, l’Observatoire ne peut être cantonné dans un travail d’observation. Il doit aussi pouvoir proposer quelques remèdes.
Permettez-moi, mes chers collègues, d’en citer un en guise de conclusion.
Ne serait-il pas envisageable de prévoir un dispositif d’alerte quand les prix et les marges constatés sont excessivement bas ou élevés ? Cette alerte pourrait d’ailleurs être transmise, dans le même rapport, au Parlement, ce dernier bénéficiant ainsi d’une vraie prérogative.
Nous venons de défendre, à la suite de l’examen de l’article 5 du projet de loi, des amendements relatifs à l’instauration d’un coefficient multiplicateur. Si nous avions adopté ces dispositions, le dispositif d’alerte aurait pu enclencher la mise en œuvre du coefficient multiplicateur et l’extension de son champ d’application à toutes les filières, au-delà du seul secteur des fruits et légumes.
Ainsi, mes chers collègues, il est encore possible de faire évoluer l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, en lui permettant, au-delà de sa mission d’observation, de mettre en œuvre des remèdes.
La formation des prix et des marges est un sujet qui nous préoccupe tous : nous sommes tous concernés ! Essayons donc de donner à cet Observatoire les moyens de s’attaquer aux racines du problème et nous pourrons peut-être favoriser l’émergence d’une plus grande transparence des prix, ce qui profiterait d’abord aux producteurs, mais également aux consommateurs.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l'article.
M. Yannick Botrel. Le recours à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires est une proposition que l’on ne peut critiquer sur le fond et à laquelle je me rallie volontiers.
Elle part en effet d’un constat que nous partageons tous : le manque de clarté dans ce domaine conduit à des discussions stériles. Nous en avons eu un exemple précis lors de la crise de lait. Le rapport sur ce sujet, soumis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, montre bien comment les acteurs de la filière se renvoient mutuellement la responsabilité. À chaque crise, nous voyons surgir ce type de commentaires.
Les prix doivent être vérifiables, tout comme les marges, afin que la part de chacun dans leur constitution soit connue sans équivoque.
La question fondamentale est donc, me semble-t-il, de savoir quelles ambitions le Gouvernement place réellement dans ce nouvel organisme et quelle sera l’efficacité de celui-ci. En effet, si cet Observatoire, comme son nom l’indique, se borne à observer sans que l’on connaisse l’usage qui sera fait ultérieurement de ses travaux, il s’apparentera plus au « machin » cher au général de Gaulle qu’à un outil véritablement efficace.
Les conclusions de l’Observatoire doivent donc être exploitées. En bonne logique, elles doivent aussi déboucher sur diverses actions : une publicité d’abord, puis des avertissements, voire, le cas échéant, des mesures plus coercitives, plus contraignantes.
Je souscris à l’idée que l’Observatoire produise un rapport annuel, mais également des publications à échéances plus rapprochées. Il importe par-dessus tout qu’il puisse aussi intervenir de façon ponctuelle, c’est-à-dire en cas de crise, avec la rapidité exigée par les circonstances.
Cela suppose tout d’abord de lui donner des moyens d’action significatifs. Or, en ces périodes de rigueur budgétaire et de révision générale des politiques publiques, allouer des moyens ne paraît pas être la priorité du Gouvernement. L’exemple qui illustre le mieux cette politique est sans doute celui de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – ou DGCCRF –, de plus en plus absente de ses missions.
Si l’on ajoute à cela que le précédent Observatoire des distorsions a vraisemblablement eu une fonction et une production toute symboliques, il conviendra que le Gouvernement fasse preuve de concret s’il veut convaincre sur les nouvelles dispositions.
Nous connaissons parfaitement le contexte dans lequel l’Observatoire devra agir. Il a été évoqué au sein de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, à plusieurs reprises et par tous les groupes, et encore dans cet hémicycle ce soir. Je veux parler de la formidable asymétrie du rapport des forces au sein de la filière.
Face à des producteurs qui n’ont aucun pouvoir, face à des industriels contraints de négocier avec six ou sept centrales d’achat seulement, la grande distribution a les coudées franches, et un certain savoir faire en la matière… Elle est la seule à avoir la possibilité d’agir avec réactivité et opportunisme.
C’est comme si deux armées étaient en présence, l’une condamnée à être statique quand l’autre est en mouvement… On sait d’avance à qui ira la victoire !
Des dispositifs devraient donc être mis en place pour déclencher, à la suite du travail de l’Observatoire, des mesures d’encadrement des prix et des marges. Ces mesures opérationnelles viendront bien évidemment prolonger ce travail.
Plusieurs d’entre elles ont été proposées par notre groupe et par d’autres. À cet égard, monsieur le ministre, j’ai apprécié la touche d’humour que vous avez eue pour nous expliquer que l’amendement n° 657 rectifié était plus simple que le coefficient multiplicateur. (Sourires.) Quelque chose a dû m’échapper, car je n’ai pas vu en quoi il était plus simple… L’heure tardive, que vous avez évoquée au début de votre propos, nous a sans doute empêchés de tout comprendre !
En tout cas, comme cela a été mentionné par les uns et par les autres, ce coefficient multiplicateur permettrait de garantir, aux consommateurs, un prix de vente reflétant la réalité des cours et, aux producteurs, un écoulement de leur production plus conforme à l’évolution des prix du marché. En effet, que de fois avons-nous pu entendre que les cours baissent, voire s’effondrent, pour le producteur sans que le consommateur s’en aperçoive ! Il y a là une anomalie évidente.
Par ailleurs, le déclenchement d’un dispositif d’alerte a aussi été largement évoqué. Des mesures d’encadrement des prix et des marges devraient pouvoir être engagées très rapidement.
Ce sont de telles dispositions qui donneraient un sens au travail de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. À défaut, monsieur le ministre, je crois qu’il paraît difficile de présager l’efficacité de cet organisme.
M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, sur l'article.
Mme Renée Nicoux. Le présent article entérine la création d’un Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires qui sera « chargé d’éclairer les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la formation des prix et des marges ».
Nous pouvons nous féliciter de cette mesure.
Il est absolument nécessaire, aujourd’hui, d’instaurer une réelle transparence des transactions agricoles. C’est seulement ainsi que nous pourrons lutter contre certains abus et que nous permettrons aux agriculteurs français d’avoir accès à un revenu équitable et décent, d’une part, par un prix couvrant au minimum les coûts de production, rémunération du travail comprise, et, d’autre part, par une répartition équilibrée de la valeur ajoutée dans la chaîne de commercialisation alimentaire.
Or, depuis quelques années, le prix payé aux producteurs agricoles par la grande distribution est de moins en moins rémunérateur alors que, dans le même temps, le prix à la consommation est resté constant, s’il n’a pas augmenté !
Certains parlent d’« effet cliquet » sur le marché alimentaire.
L’exemple de la filière laitière illustre particulièrement ce mécanisme. Entre 2007 et 2009, le prix du lait payé aux producteurs a baissé de 7 % alors que, dans le même temps, le prix en rayon a augmenté de 9 %. Un phénomène identique peut être observé dans la filière de la viande bovine.
C’est une situation inique à laquelle il faut remédier.
Malheureusement, le phénomène est très difficile à appréhender, la situation française étant caractérisée par une très grande opacité dans la construction des prix agricoles.
Autrement dit, nous sommes incapables, aujourd’hui, de savoir comment le prix se construit entre le producteur et le consommateur !
Cette absence d’informations repose en partie sur une véritable omerta des professionnels de l’industrie et de la grande distribution, qui se refusent à communiquer des chiffres à ce sujet. Face à cela, il semble donc indispensable d’obtenir une transparence totale dans le secteur alimentaire, afin de pouvoir identifier les dérives et les sanctionner, le cas échéant.
Nous devons rompre cette loi du silence, qui fait du tort aux agriculteurs comme aux consommateurs !
Le renforcement de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires est donc une mesure très importante, surtout dans la crise que nous traversons.
Toutefois, malgré quelques avancées en commission, cet Observatoire semble, en l’état, s’apparenter plus à un thermomètre qu’à un organe de régulation. En effet, il n’a aujourd’hui qu’un pouvoir d’observation et ne remplit aucune fonction d’analyse et d’intervention. De plus, nous pouvons émettre des doutes quant à son utilité, étant donné qu’il ne s’attaque pas au cœur du problème, le partage de la valeur ajoutée dans la chaîne de commercialisation.
Il faut donc qu’il puisse étudier les coûts de transformation et de distribution afin de connaître précisément les marges de chaque opérateur.
C’est ainsi que nous pourrons sortir de cette omerta sur la construction des prix et en finir avec les dérives qui en découlent.
Cet Observatoire doit s’inscrire dans la perspective de l’avènement d’un système équitable pour tous. Il faut donc également qu’il soit doté d’outils le permettant.
Il est, par exemple, indispensable de lier, avec un coefficient fixe et constant, le prix agricole et le prix en rayon. Nous ne pouvons plus tolérer que des agriculteurs soient contraints de vendre à perte, alors que, dans le même temps, les consommateurs paient toujours le prix fort. Il faut que le futur Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires devienne un véritable outil de régulation.