M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 140, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - L'article L. 441-2-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le mot : « ristournes », la fin du premier alinéa est supprimée ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un distributeur ou un prestataire de services peut par contre prévoir la rémunération de services rendus à l'occasion de la revente de ces produits, propres à favoriser leur commercialisation et ne relevant pas des obligations d'achat et de vente, ou de services ayant un objet distinct, lorsque ces services sont prévus dans un contrat écrit portant sur la vente de ces produits par le fournisseur. »
II. - Le I de l'article L. 442-6 du même code est complété par un 13° ainsi rédigé :
« 13° De bénéficier de remises, rabais et ristournes à l'occasion de l'achat des produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l'aquaculture définis à l'article L. 441-1. »
III. - Le I entre en vigueur six mois après la publication de la présente loi.
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Cet amendement, vous l’avez compris, est la stricte mise en application des propos que mes deux collègues viennent de tenir sur l’article.
En d’autres termes, l’article L. 441-2-1 du code de commerce prévoit une liste de produits agricoles dits périssables pour lesquels les remises, rabais et ristournes ne sont autorisés que si ceux-ci sont prévus dans un contrat écrit portant sur la vente de ces produits par le fournisseur.
Le Gouvernement, dans son projet de loi initial, a souhaité proposer l’interdiction de cette pratique des « 3 R » pour ces produits agricoles en période de crise conjoncturelle. Il s’agissait en fait de rétablir un article du code rural qui avait été abrogé par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux.
La commission a souhaité se concentrer sur les inconvénients de l’application des remises, rabais et ristournes dans le secteur des fruits et légumes frais parce que la crise des fruits d’été d’août 2009 a démontré la nécessité d’améliorer les pratiques commerciales entre les producteurs de fruits et légumes et leurs clients.
Les abus sont en effet nombreux. Comme nous en avons déjà discuté, il n’y a pas de contreparties réelles aux « 3 R » consentis, au point que certains parlent désormais des « 4 R » en y accolant le mot « racket ».
Ces pratiques sont aussi difficilement contrôlables en raison d’une grande dispersion des fournisseurs et d’une extrême concentration des clients. Les fournisseurs sont tenus de vendre rapidement leur production du fait du caractère extrêmement périssable des fruits et légumes et sont donc obligés de se plier aux exigences des acheteurs et à leurs prix.
Nous sommes tout à fait d’accord avec ces analyses du rapporteur qui ont conduit la commission à interdire de façon permanente cette pratique pour les fruits et légumes. Toutefois, nous ne comprenons pas pourquoi nous nous arrêtons en si bon chemin.
Selon nous, il faut interdire de façon permanente ces pratiques commerciales pour tous les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l’aquaculture.
Par nature, les relations commerciales, particulièrement concernant les produits agricoles, seront toujours déséquilibrées au détriment des producteurs et les distributeurs seront toujours tentés d’abuser de leur puissance d’achat pour obtenir une ristourne sur le prix du marché.
C’est la LME qui a permis de faciliter la négociation des marges avant dans le but de faire disparaître les marges arrière, cela a été dit. Toutefois, dans le secteur des produits agricoles, dont les prix sont déjà très volatils, ce dispositif a des effets désastreux.
Cette question des remises, rabais et ristournes est loin d’être anodine, mes chers collègues, car l’interdiction des réductions de prix pour les produits agricoles périssables irait dans le sens d’une plus grande stabilité du marché des produits agricoles et d’une sécurisation des revenus des producteurs agricoles.
M. le président. L'amendement n° 270, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 5
Après les mots :
pour l'achat
rédiger ainsi la fin de ces alinéas :
de produits agricoles et alimentaires périssables et de tous les produits agricoles générant un coût pour leur maintien en exploitation.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement va dans le sens des interventions qui viennent d’être faites sur cet article 5, ce qui me permettra de raccourcir mon propos (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.), monsieur le président, tout en restant – du moins, je l’espère – suffisamment incisif.
Il y a quelques mois, à l’Assemblée nationale, lors de la discussion générale sur la proposition de loi de notre collègue et ami André Chassaigne, vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à soustraire en période de crise les producteurs à des pratiques que vous jugiez inacceptables.
Ainsi affirmiez-vous alors : « Je ne peux pas accepter que les distributeurs maintiennent en période de crise des dispositifs de remises, rabais et ristournes, alors même que les producteurs voient leurs marges se réduire et fondre comme neige au soleil, mois après mois ».
Ce constat, nous le partageons, et nous l’avions déjà fait voilà plusieurs mois lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie.
Avec l’article 5, le Gouvernement a, pour une fois, infléchi sérieusement sa position, et nous vous en félicitons, monsieur le ministre.
En effet, il était prévu d’interdire la pratique des remises rabais et ristournes pour les produits agricoles périssables, mais seulement en période de crise. Cette limite se justifie difficilement quand on connaît les abus qui entourent les pratiques commerciales visées.
C’est pourquoi le rapporteur a modifié le projet de loi initial. À l’unanimité, la commission a soutenu son amendement visant à élargir en tous temps la pratique de l’interdiction des rabais, remises et ristournes pour le secteur des fruits et légumes.
Nous pensons qu’il serait utile d’aller encore plus loin et de tirer les enseignements des bilans négatifs de la LME que nous avons entendus sur toutes les travées de cet hémicycle sur un panel plus large de produits.
Nous souhaitons que cette interdiction concerne également tous les produits agricoles et alimentaires périssables et les productions qui génèrent un coût pour leur maintien en exploitation. En effet, ce qui est vrai pour les fruits et légumes l’est aussi pour ces produits.
M. le président. L'amendement n° 664, présenté par M. César, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
en méconnaissance des dispositions de l'article L. 441-2-2
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Il s’agit d’une simple clarification rédactionnelle.
M. le président. L'amendement n° 144, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Après l'article L. 443-3 du code de commerce, il est inséré un article L. 443-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 443-4. - Les produits acceptés par le distributeur lors de la livraison ne peuvent faire l'objet de retour au fournisseur. »
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. Les premiers bilans de la loi LME ont souligné le basculement des « conditions générales de vente » vers des « conditions générales d’achat »,…
Mme Jacqueline Panis. On est sûr que c’est la LMA ce soir ?
Mme Renée Nicoux. … le distributeur imposant ses conditions d’achat au fournisseur sans négociation, et ce alors même que la loi réaffirmait que les conditions générales de vente constituaient le socle de la négociation commerciale.
Ils notent aussi que les abus sont persistants. Il s’agit par exemple des pénalités injustifiées ou des déductions unilatérales décidées par le distributeur et imposées aux fournisseurs. On note également la multiplication des clauses de garanties en matière de prix ou de demandes de compensations financières pour aligner les prix sur ceux des concurrents.
Dans le même ordre d’idée, l’une des principales clauses litigieuses imposée aux fournisseurs par les distributeurs est la reprise des invendus. Cette pratique est assez communément imposée aux vendeurs par les enseignes alimentaires. Pourtant, elle est illégale puisqu’elle dénote un déséquilibre profond entre les droits et obligations des différentes parties.
Cela veut dire que le distributeur n’assume pas les risques de la revente, qui sont pourtant au cœur de l’activité commerciale. Il passe des commandes largement supérieures au potentiel de vente, ce qui lui permet au passage de bénéficier de réductions tarifaires, puis il impose la reprise des invendus à son fournisseur. Parfois, les palettes n’ont même pas été défilmées et déballées ! Le fournisseur doit alors prendre en charge le coût d’un double transport, aller et retour, prévoir des frais de reconditionnement, de manutention ; il subit des pertes considérables du fait du caractère périssable des denrées alimentaires.
Cette pratique abusive découlant de la position dominante des distributeurs dans la négociation commerciale est inadmissible. Notre amendement vise donc à introduire, dans le chapitre III du titre IV du livre IV du code de commerce, un article additionnel sur les pratiques prohibées stipulant que les produits acceptés par le distributeur lors de la livraison ne peuvent faire l’objet de retour au fournisseur.
M. le président. L'amendement n° 533 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Fortassin, Tropeano, de Montesquiou, Mézard et Marsin, Mme Laborde et MM. Milhau, Vall, Plancade, Baylet, Barbier, Alfonsi et Detcheverry, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L'article L. 611-4-1 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 611-4-1. - Pendant les périodes de crise conjoncturelle affectant les produits mentionnés à l'article L. 611-4, il est interdit, par dérogation aux dispositions de l'article L. 441-2-1 du code de commerce, d'accorder à tout acheteur de ces produits ou de solliciter de tout fournisseur de ces produits, des rabais, des remises ou des ristournes.
« Le fait pour un fournisseur d'accorder ou pour un acheteur de solliciter un rabais, une remise ou une ristourne en méconnaissance des dispositions du précédent alinéa engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé. Les dispositions des III et IV de l'article L. 442-6 du code de commerce sont applicables dans ce cas. » ;
2° Au second alinéa du I de l'article L. 671-1-1, les mots : « de l'article L. 611-4-2 et aux textes pris pour son application » sont remplacés par les mots : « des articles L. 611-4-1 et L. 611-4-2 et aux textes pris pour leur application ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L’article 5, tel qu’il a été adopté par la commission de l’économie, interdit complètement les rabais, remises et ristournes pour l’achat de fruits et légumes frais. Touchant une filière particulièrement fragile, cette mesure est très positive ; elle était attendue.
Cependant, nous partageons tout à fait les préoccupations exprimées par nos collègues du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. La pratique des remises, rabais et ristournes devrait être interdite de manière générale pour les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses, ainsi que pour les produits de la pêche et de l’aquaculture. Nous voterons donc en faveur des amendements nos 140 et 270.
L'amendement n° 533 rectifié est en quelque sorte un amendement de repli. Nous proposons en effet pour tous ces produits d’interdire les « 3 R », au moins en période de crise conjoncturelle.
Les crises conjoncturelles étant définies dans leur principe général à l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime, notre amendement vise à introduire un nouvel article L. 611-4-1. Pour espérer rendre son application effective, il faudrait néanmoins revoir la définition de la crise conjoncturelle, qui est aujourd’hui insatisfaisante. C’est d’ailleurs l’objet d’un autre amendement déposé par notre groupe.
Quoi qu’il en soit, le présent amendement devrait recueillir l’avis favorable du ministre puisqu’il réintroduit une disposition qui était prévue dans le projet de loi initial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Je tiens tout d’abord à remercier très sincèrement nos collègues, en particulier Didier Guillaume, qui ont souligné le sens des responsabilités de la commission. Leurs arguments vont tout à fait dans le sens de ce que nous pensons à la commission ; nous allons donc travailler sur ce sujet.
J’en viens à l’amendement n° 140, défendu par Mme Odette Herviaux.
L’interdiction de la pratique des « 3 R » vise à remédier à des difficultés spécifiques, caractéristiques du secteur des fruits et légumes : des abus en matière de pratiques commerciales, notamment l’absence de contreparties réelles ; un contrôle difficile en raison d’une grande dispersion des fournisseurs et d’une extrême concentration des clients ; enfin, un déséquilibre entre les fournisseurs et les clients dans les négociations des tarifs.
Ces difficultés justifient pleinement l’interdiction totale de ces pratiques dans ce secteur précis, ce qui n’empêche pas que ces dernières continuent à être strictement encadrées pour les produits agricoles dits périssables prévus à l’article L. 441-2-1 du code de commerce.
Testons d’abord cette suppression des « 3 R », mes chers collègues. Laissons-la vivre ! Il s’agit d’une avancée importante, qu’il convient de maintenir. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 140.
L’amendement n° 270 vise à étendre l’interdiction des remises, rabais et ristournes. De même que pour l’amendement précédent, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable.
L’amendement n° 144 est satisfait – non pas à 98 % mais à 100 % ! – par l'amendement n° 261 de M. Gérard Le Cam que nous avons adopté à l’unanimité à l’article 3. Aussi, je demande à ses auteurs de bien vouloir le retirer.
Je demande également le retrait de l’amendement n° 533 rectifié, pour les mêmes raisons. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur sur ces amendements.
Je voudrais saluer l’esprit constructif qui a présidé à la nouvelle rédaction de cet article, puisque la commission a adopté à l’unanimité, concernant la suppression des remises, rabais et ristournes sur les fruits et légumes frais, un dispositif beaucoup plus ambitieux que celui qui avait proposé initialement par le Gouvernement. Ce dispositif est d’ailleurs en adéquation avec des propos que j’avais tenus lors de la présentation de la proposition de loi de M. Chassaigne.
Je tiens juste à préciser que le circuit de commercialisation des fruits et légumes est très particulier, compte tenu de la périodicité et de la fragilité de la production, ainsi que du caractère périssable du produit. Je précise que cette disposition répond également à une demande très forte et ancienne de la filière. Cela va donc dans le bon sens.
En revanche, je n’ai pas entendu les autres filières formuler les mêmes demandes de suppression des remises, rabais et ristournes. Certaines d’entre elles ont fait part de leurs inquiétudes. Je pense en particulier à la filière de l’élevage, qui est très satisfaite de pouvoir négocier son prix en échange d’une commercialisation plus facile, grâce, par exemple, au regroupement des achats sur un seul lieu à proximité de l’abattoir.
Comme M. le rapporteur, je suis tout à fait prêt à étudier l’extension du dispositif proposé, à consulter davantage les filières, à tirer les leçons de la suppression des remises, rabais et ristournes sur les fruits et légumes, mais je ne pense pas qu’il soit raisonnable de procéder à une telle extension dans l’immédiat, sans avoir approfondi le sujet.
À l’instar de M. le rapporteur, j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 140, 270 et 533 rectifié. En revanche, je suis favorable à l’amendement n° 664 de la commission. Quant à l’amendement n° 144, je prie ses auteurs de bien vouloir le retirer, car son objet est identique à celui de M. Le Cam, qui a été adopté tout à l’heure.
M. le président. Madame Herviaux, l'amendement n° 144 est-il maintenu ?
Mme Odette Herviaux. Non, je le retire, monsieur le président, compte tenu de l’adoption de l’amendement de Gérard Le Cam.
M. le président. L'amendement n° 144 est retiré.
M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 533 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 533 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote sur l'article.
Mme Odette Herviaux. L’article 5 est un bel exemple, car il fait quasiment l’unanimité – nous aurions aimé qu’il en soit ainsi pour l’ensemble du texte –, même si on peut regretter de ne pas aller plus loin.
Je tiens à saluer le travail qui a été fait par la commission. Il est très important de montrer que, y compris dans ce qui a trait à la loi LME, il est possible de faire évoluer les pratiques du secteur des fruits et légumes, qui, vous l’avez dit, monsieur le ministre, est particulier. Plus que d’autres, ce secteur mérite d’être encouragé dans son organisation et dans sa structuration.
Mme Odette Herviaux. Nous nous réjouissons des avancées instaurées par l’article 5.
Aussi, je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 538 rectifié bis, présenté par MM. Fortassin et Collin, Mme Escoffier, MM. Plancade et Tropeano, Mme Laborde et MM. Marsin, de Montesquiou, Barbier, Baylet, Mézard, Milhau, Vall, Alfonsi, Chevènement et Detcheverry, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « groupements reconnus est », sont insérés les mots : « inférieur au coût de production, rémunération du travail compris, ou ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. L’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime définit la situation de crise conjoncturelle affectant les produits agricoles comme la période durant laquelle « le prix de cession par les producteurs ou leurs groupements reconnus est anormalement bas par rapport à la moyenne des prix observés lors des cinq dernières campagnes, à l’exclusion des deux périodes au cours desquelles les prix ont été respectivement le plus bas et le plus élevé ».
Cet article est important, car il conditionne la mise en œuvre d’un certain nombre de mesures, notamment des mesures temporaires d’encadrement des marges, comme l’application d’un coefficient multiplicateur pour les fruits et légumes.
Or, dans une période de recherche systématique de prix les plus bas possibles, le système n’indiquera bientôt plus aucune crise conjoncturelle puisque l’on comparera des prix bas à des prix bas ! Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, « la crise ne se définit pas seulement d’un point de vue statistique ou administratif. Il y a crise lorsque les prix agricoles ne couvrent plus les coûts de production ».
Cet amendement a précisément pour objet de modifier la définition proposée à l’article L. 611-4, qui, selon nous, est inopérante. La crise serait constituée dès lors que le prix de cession est inférieur au coût de production, rémunération du travail comprise. Cela paraît une évidence !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Une crise est définie par une variation de prix à la baisse par rapport au prix constaté dans le passé. Votre amendement, madame Laborde, vise à modifier la définition de la crise. Celle-ci serait constituée dès lors que le prix de cession baisse, en valeur absolue, en dessous d’un certain niveau, correspondant au coût de production, rémunération du travail comprise.
Cette position est certes intéressante – nous l’avons dit à plusieurs reprises –, mais il est très difficile de déterminer précisément le coût de production, car celui-ci peut varier d’une exploitation à l’autre. Il ne peut donc pas constituer un critère très fiable.
Les contrats doivent servir à fixer une rémunération en tendance au-dessus du coût de production et, ensuite, la crise conjoncturelle consiste en une variation des prix à la baisse ; sinon il faut parler non plus de crise conjoncturelle, mais de crise structurelle. Vous l’aurez compris, il est assez compliqué de définir une crise.
Telles sont les raisons pour lesquelles, ma chère collègue, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. J’émets le même avis que M. le rapporteur et, comme lui, je suggère à Mme Laborde de retirer son amendement.
La crise conjoncturelle est définie sur la base d’un arrêté pris par le ministre de l’agriculture, lorsqu’un prix constaté est inférieur de 10 % à 20 %, selon le produit, à la moyenne des prix sur les cinq dernières années, en retirant la meilleure et la plus basse.
Votre intention, madame la sénatrice, est tout à fait claire et constructive : vous souhaitez que cela couvre le coût de production. Or la définition que vous proposez présente deux risques. En premier lieu, comme l’a dit M. le rapporteur, on ne parviendra pas à définir un coût de production moyen pour l’ensemble d’une filière. Les écarts sont beaucoup trop importants d’une exploitation à l’autre, en fonction des choix de production. La situation est différente selon qu’il s’agit de monoculture ou de polyculture. En second lieu, une telle définition risque de constituer un frein à l’amélioration des coûts de production dans une exploitation.
M. le président. Madame Laborde, l'amendement n° 538 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 538 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 535 rectifié, présenté par MM. Collin et Fortassin, Mme Escoffier, MM. Plancade, Tropeano, Mézard, Vall, Baylet et Barbier, Mme Laborde et MM. Marsin, de Montesquiou, Milhau, Chevènement, Alfonsi et Detcheverry, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Dans le deuxième alinéa, les mots : « peuvent conclure » sont remplacés par le mot : « concluent » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Elles communiquent pendant la crise conjoncturelle aux services compétents les éléments démontrant leur engagement dans les démarches contractuelles mentionnées au précédent alinéa et l'effet de ces démarches, selon une procédure définie par arrêté conjoint des ministres de l'agriculture et de l'économie. En cas de manquement à leurs engagements ou si elles refusent de conclure un accord, elles se verront appliquer un coefficient multiplicateur d'au moins 1,5 sur le montant de la taxe sur les surfaces commerciales prévue à l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés. Un décret précise les modalités d'application du présent alinéa ainsi que le coefficient multiplicateur. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. La baisse des prix agricoles constatée depuis deux ans ne s’est pas traduite, loin s’en faut, par une réduction des prix de vente à la consommation d’une ampleur analogue. Tandis que de nombreux producteurs sont contraints de vendre à perte, les grandes enseignes de la distribution continuent de réaliser des marges confortables ! Dans ce contexte, il est difficile de ne pas réagir, et trouver une solution.
La semaine dernière, le Président de la République a en dévoilé les grandes lignes. Les distributeurs s’engagent à modérer leurs marges sur un produit lorsque celui-ci sera déclaré « en crise » par l’État.
Il est dommage que cette prise de conscience arrive si tard alors que l’article L. 611-4 du code rural et de la pêche maritime prévoit déjà des accords de modération des marges. Il est vrai néanmoins que, en l’absence de sanction, il était difficile de contraindre les entreprises concernées.
L’amendement n° 535 rectifié vise donc à envoyer un message fort à ces entreprises. Il s’agit d’appliquer à celles qui ne sont pas parties à des accords ou qui manquent à leurs engagements un coefficient multiplicateur sur le montant de la taxe sur les surfaces commerciales.
Cela étant dit, monsieur le ministre, nous prenons acte des efforts que vous avez déployés sur ce point. Vous aviez annoncé, lors du débat d’orientation en commission, votre détermination à obtenir des engagements de la part des distributeurs. Vous avez tenu parole, nous le reconnaissons.
L’amendement n° 657 rectifié du Gouvernement nous satisfait, bien qu’il ne concerne que la filière des fruits et légumes. Il va d’ailleurs plus loin que le nôtre, puisqu’il prévoit une amende civile pouvant atteindre 2 millions d’euros pour les distributeurs qui n’auraient pas respecté l’accord signé ou qui l’auraient mis en œuvre avec retard.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?