M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Très bien !
Mme Colette Mélot. Compte tenu de l’incertitude substantielle entourant le maintien ou non de la publicité avant 20 heures, je regrette, tout en l’approuvant, la décision du conseil d’administration de France Télévisions de suspendre les négociations engagées pour céder sa régie publicitaire, France Télévisions Publicité.
À ce jour, je suis pour ma part favorable à la suppression totale de la publicité sur la télévision publique. Il me semble nécessaire de pouvoir la distinguer des chaînes commerciales et lui donner ce que j’appellerais une « couleur », montrer sa valeur particulière et son apport pédagogique et culturel.
La question me semble surtout prématurée. Une seule année s’est écoulée, la crise économique s’est invitée au moment où la réforme était votée, et nous ne disposons pas d’un bilan très précis. Certes, la loi a prévu qu’un comité de suivi ferait un point d’étape régulier de l’application de la loi et qu’un groupe de travail sur la redevance audiovisuelle serait constitué. Mais la mise en place de ce dispositif a pris du retard, et les études nous manquent.
J’ajouterai que le groupe France Télévisions a été à l’équilibre en 2009 et que la dotation pour 2010 respecte le contrat d’objectifs et de moyens. Dans leur rapport établi il y a quelques mois, mes collègues Michel Thiollière et Catherine Morin-Desailly estimaient qu’à court terme, avec l’arrivée du média global ayant vocation à réunir tous les publics, il faudrait faire face à des coûts… qui ne faisaient l’objet d’aucune évaluation sérieuse. Ils avaient donc proposé, dans un amendement qui fut voté par le Sénat, la réalisation par le CSA d’un audit annuel sur le financement de l’audiovisuel public. La disposition a disparu en commission mixte paritaire ; c’est regrettable, car un tel document aurait été précieux.
La Haute Assemblée a, pour sa part, créé une mission d’information, commune à la commission des finances et à la commission de la culture, sur le financement de France Télévisions. Elle a, pour le moment, procédé à une trentaine d’auditions et devrait publier ses conclusions au début de l’été. Comme Catherine Morin-Desailly l’a précisé, il me semble opportun d’attendre les conclusions de cette mission avant d’ouvrir un débat sur les suites de la réforme.
M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Colette Mélot. Par conséquent, le groupe UMP est favorable à l’adoption d’une motion de renvoi en commission, afin que nous puissions examiner ce sujet d’importance en disposant d’éléments supplémentaires, dans une démarche rigoureuse et dans un esprit de coopération entre les groupes politiques.
Pour conclure, je souhaite réaffirmer ma confiance dans notre service public pour mettre à la portée du plus grand nombre l’information, la culture et la création. Avec la réforme, nous avons donné à France Télévisions la possibilité d’une programmation plus audacieuse, et je pense que nous lui avons permis d’affirmer son identité, dans un secteur audiovisuel en pleine mutation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que, en application de la décision prise hier soir par la conférence des présidents, je suspendrai la séance au plus tard à 13 heures précises, les questions d’actualité au Gouvernement devant commencer à 15 heures.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à ce qui s’est dit ici même voilà dix jours, et encore ce matin, il y a véritablement urgence à adopter de véritables dispositions relatives à la télévision publique.
Comme a pu l’expliquer mon ami Jack Ralite, la télévision est, dans son financement, et donc dans son indépendance, gravement menacée. C’est pourquoi notre proposition de loi ne se contente pas de dresser un bilan de l’application de la loi du 9 mars 2009, qui a bouleversé l’équilibre économique de France Télévisions : elle en tire les conséquences et présente des solutions avant qu’il ne soit trop tard.
Oui, il est indispensable que le groupe France Télévisions possède dès aujourd’hui – et non pas, comme cela est prévu dans la clause de revoyure, en 2011 – les éléments constitutifs et déterminants de l’élaboration de sa stratégie de développement, à savoir le maintien de ses ressources publicitaires.
La télévision publique de demain se construit aujourd’hui, en fonction du projet et de la visibilité que nous lui donnons en déterminant, par les textes que nous votons, les financements nécessaires et adéquats. Il est véritablement de notre devoir et de notre responsabilité de décider sans tarder, pour qu’un véritable service public télévisuel digne de ce nom puisse encore et pour longtemps trouver sa place dans la société française.
Pour cela, afin de sortir France Télévisions des ornières dans lesquelles la loi de mars 2009 l’a embourbé, nous proposons aujourd’hui un plan de sauvetage en six mesures, détaillées dans les six articles de notre proposition de loi, que Jack Ralite a rappelées tout à l’heure.
Une de nos propositions consiste à maintenir la publicité en journée sur France Télévisions, même après 2011 – une publicité, naturellement, sévèrement encadrée. Et vous aurez remarqué comme moi, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, loin d’être partisane, cette proposition transcende actuellement les appartenances politiques, et pour cause : cette solution, combinée au financement par la redevance télévisuelle et par les dotations de l’État, est la seule qui puisse assurer les moyens nécessaires à la sauvegarde de France Télévisions, et elle permet au débat de sortir de sa béatitude conflictuelle.
J’en profite ici pour affirmer, même si cela va de soi, que nous ne défendons évidemment pas la publicité en tant que telle, les intérêts privés des « marchands du Temple ». Nous défendons une télévision publique indépendante, qui dispose des financements nécessaires à son développement, à l’accomplissement de ses missions propres et au maintien de programmes de qualité. Or cette télévision-là ne saurait actuellement exister sans les revenus liés aux ressources publicitaires, à défaut, on ne le répétera jamais assez, d’une redevance à la hauteur.
Ces revenus sont d’autant plus indispensables que, en période de crise et de déficits étatiques colossaux, le Gouvernement vient d’annoncer un plan d’austérité sans précédent, qui vient s’ajouter à la désormais fameuse et sinistre révision générale des politiques publiques, dont la culture comme d’autres secteurs de la vie sociale font les frais, particulièrement par la suppression de nombreux emplois. Se trouvent ainsi aggravées les inégalités qui marquent une société où le tout des uns est fait du rien des autres.
Dès lors, comment croire que l’État aura les moyens – sans même parler de volonté ! – de compenser cette diminution de ressources qui ne ferait que s’accentuer avec la suppression totale de la publicité en 2011 ?
Il ne s’agit pas ici d’asservir la télévision publique à des intérêts économiques – auxquels, du reste, grâce au panachage des financements, elle n’a jamais été soumise. Il ne s’agit pas non plus de faire dépendre la télévision publique exclusivement des finances de l’État, surtout quand on sait que les taxes destinées à compenser les pertes provoquées par la diminution des recettes publicitaires sont tour à tour remises en cause par le lobbying des chaînes privées ou encore par la Commission européenne, ce qui affecte de manière évidente l’indépendance des chaînes publiques à l’égard du pouvoir politique. Paradoxalement, le cumul de ces mesures et la remise en cause systématique des systèmes de compensation nous font revenir aux débuts de la télévision, à l’ère de l’ORTF et de son financement quasi exclusivement étatique !
En revanche, la nomination du président de France Télévisions par décret présidentiel – question que vous avez abordée, monsieur le ministre – suscite davantage d’interrogations en termes d’indépendance… La nomination doit en effet être validée par un avis conforme des sénateurs et des députés ainsi que du CSA. Malheureusement, les rapports de force politiques dans les assemblées ainsi que les conditions de mise en œuvre de ce mécanisme ne permettent pas l’émergence d’un véritable dialogue ni d’une véritable voie alternative. Dès lors, comment décemment parier qu’il en ira autrement dans le futur ?
À l’heure où est organisée la circulation de rumeurs concernant les noms des futurs prétendants, je crois important et opportun de réaffirmer la nécessité que le président soit choisi pour ses compétences et son expérience du service public, qu’il soit déterminé à affirmer les valeurs d’un véritable service public proposant une télévision de qualité, et non exclusivement préoccupé de la gestion économique et financière, à l’instar d’un dirigeant d’un grand groupe privé.
À titre personnel, je me prononce même pour la reconduction de l’équipe de direction actuelle, qui a jusqu’aujourd’hui, dans un contexte plus que difficile, effectué un travail remarquable et dont l’implication n’a jamais fait défaut.
Avant de conclure, je soulignerai que la publicité, qu’on le veuille ou non, reste un élément déterminant du financement de la télévision publique aussi bien que privée. Il n’est que d’observer la stratégie de TF1 et de M6, qui rachètent les nouvelles chaînes numériques dont les audiences en hausse attirent la publicité ! On assiste d’ailleurs à un inquiétant phénomène de concentration sur la TNT, où le pluralisme est sérieusement menacé.
Qui plus est, comment penser que la suppression de la publicité puisse être un bien, ou un « plus », quand France Télévisions souffre d’un sous-financement chronique, comme l’a souligné la Cour des comptes et comme l’a rappelé Jack Ralite, du fait du refus obstiné d’augmenter la redevance pour la porter au niveau de celle de nos voisins européens ?
Or la bonne santé de la télévision publique conditionne celle de la télévision tout court, car la qualité des programmes de France Télévisions a toujours eu un effet d’émulation sur les chaînes commerciales.
Enfin, parce qu’il n’y a pas de démocratie sans une séparation claire et nette des pouvoirs, nous ne pouvons que nous insurger contre une situation inédite qui place de fait l’exécutif de notre pays en position tout à la fois de directeur du budget, de directeur des programmes et de l’information et de directeur des ressources humaines de France Télévisions. Tout est dans tout, et le reste est dans Télémaque…
C’est pourquoi nous pensons qu’il faut maintenir et développer toutes les ressources, y compris la ressource publicitaire, pour que vive l’indépendance de l’audiovisuel public, qui a permis jusqu’à présent à nos concitoyens de bénéficier d’une télévision de qualité. En un mot, le service public de la télévision se portera bien à condition qu’on le sauve. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en matière d’audiovisuel public, il y a la peste – la dépendance à l’égard du pouvoir – et le choléra – la dépendance à l’égard de la publicité, au risque de l’audimat facile et de la baisse de la qualité.
Voilà plus d’un an, pour nous éviter le choléra, nous étions mis devant le fait accompli : la suppression de la publicité entre 20 heures et 6 heures sur les chaînes de télévision publique était mise en œuvre, alors même que le Sénat ne s’était pas encore prononcé…
Aujourd’hui, la majorité ne prodigue plus les soins nécessaires. La suppression de cette recette appelait des compensations intégrales ou des mesures courageuses sur la redevance. Ni les unes ni les autres ne furent au rendez-vous, et la fragilisation de l’équilibre financier de la télévision publique s’est précipitée.
Monsieur le ministre, vous connaissez l’hostilité des Verts envers la publicité. Qu’elle soit télévisée ou statique dans nos paysages, elle est particulièrement pernicieuse et invasive. Quand ce n’est pas l’antirides qui rajeunit, c’est la voiture plus économe qu’une luge en émissions de C02 que l’on veut promouvoir. Quel abêtissement ! Elle est tout aussi néfaste quand elle rend les enfants prescripteurs et quand, dans le domaine alimentaire, elle fabrique les diabétiques et les obèses de demain.
La position du Gouvernement, d’apparence vertueuse quand elle évacue la publicité de nos écrans, n’est, hélas ! pas crédible sur le sujet : il y a moins de deux semaines, les maigres avancées du Grenelle en matière de publicité dont notre collègue Ambroise Dupont avait pris l’initiative ont été réduites à néant. (M. Ambroise Dupont en convient.) Alors que le Sénat s’était prononcé pour mettre fin aux préenseignes installées de manière anarchique sur tout le territoire, aujourd’hui, elles sont de nouveau autorisées pour des activités « de réparation automobile, de distribution de carburant ou la vente de produits du terroir ». Nul doute que les supermarchés s’empresseront désormais de promouvoir le long des routes leurs produits du terroir !
La promesse du Gouvernement d’assurer un financement durable pour l’audiovisuel public n’a, elle non plus, pas résisté au temps. Ainsi, la dotation promise a été réduite au motif que le groupe public était à l’équilibre cette année : quel mauvais prétexte et quel bel encouragement à une gestion saine et transparente !
J’en viens à l’allégement de la taxe sur les chaînes privées : vous avez dit, monsieur le ministre, l’absence de lien entre les taxes sur la publicité des chaînes privées et le financement de France Télévisions. Sans doute avez-vous raison au regard des textes, mais l’existence d’un tel lien est pourtant bien ce que la majorité nous a vendu ! Notre ancien collègue Michel Thiollière, rapporteur du texte, indiquait lors de la séance publique du 15 janvier 2009 : « Ce financement est donc assuré : par la redevance ; par ce qui reste du financement lié à la publicité et aux services payants de France Télévisions ; par les deux taxes prévues… » Nous ne l’avons pas inventé !
On a donc voulu faire croire que l’indépendance financière de France Télévisions serait assurée ; or il n’en est rien !
Peut-être nous annoncera-t-on bientôt que la seule solution est la privatisation. Les repreneurs éventuels sont-ils déjà pressentis ? Vous allez dire que nous faisons des cauchemars, que nous avons des fantasmes, mais le projet de cession à prix bradé de la régie publicitaire a donné le ton sur les intentions et les méthodes : un conseiller du Président détenant des parts dans la holding pressentie, elle-même maison mère d’une société de production, qui vend des émissions à France 2, mais qui pourrait aussi y caser des publicités !
Après GDF, les pépites du service public font briller les yeux des amis du pouvoir ! La récente libéralisation des jeux en ligne a aussi donné le ton et les Français lisent davantage leur avenir dans les plans de table du Fouquet’s que dans les déclarations d’intention du Gouvernement !
Heureusement, nous sommes encore en République, avec une Constitution, des règles, des garde-fous, un Conseil constitutionnel, un Conseil d’État, qui se sont prononcés : sans liberté de la presse, il n’y a plus de démocratie.
Les sénatrices et sénateurs Verts considèrent que la proposition de loi de Jack Ralite est nécessaire. Elle ne réécrit pas l’histoire, elle n’opère pas de choix stratégiques – si c’était le cas, nous ne serions pas à ses côtés pour remettre le poison publicitaire dans les cerveaux des spectateurs ! –, mais elle pose des principes et elle fait en sorte de stopper l’hémorragie. C’est un acte de bon sens et de sauvegarde du service public. Nous la soutiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vois, dans ce débat important, l’occasion de faire un certain nombre de mises au point.
Je tiens d’abord à réaffirmer, après plusieurs autres orateurs, que la réforme était nécessaire. Les effets produits sont déjà substantiels, et je veux, au passage, rendre hommage au ministre, qui nous a présenté la situation d’une manière extrêmement claire, en s’appuyant sur des exemples précis.
Si les résultats culturels ne sont jamais suffisants, du moins le progrès est évident. Quant aux résultats économiques, ils sont, eux aussi, satisfaisants : vous l’avez souligné, monsieur le ministre, en 2009, la télévision publique a été à l’équilibre. Nous ne pouvons que nous en réjouir ! Bien entendu, il ne s’agit pas de relâcher les efforts : il faut au contraire persévérer !
Notre excellent collègue Jack Ralite a défendu sa proposition de loi avec la passion et la conviction que nous lui connaissons et auxquelles je souhaite également rendre hommage, mais elle me paraît reposer sur des éléments largement faux.
Je me dois de rappeler, car nous sommes ici peu nombreux à pouvoir nous en souvenir, que l’un des sujets principaux du débat qui a eu lieu dans cet hémicycle en 1986 sur la réorganisation de l’audiovisuel a été la présence de la publicité sur les chaînes publiques. Or, sur les travées du groupe communiste, à l’époque, on la dénonçait, et avec quelle vigueur !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vrai ! Mais où est le problème ?
M. Adrien Gouteyron. Je ne vous reproche pas d’avoir changé d’avis, je me contente de faire un constat ! Je suis dans mon rôle en le rappelant.
M. David Assouline. C’était il y a un quart de siècle !
M. Adrien Gouteyron. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas fonder une proposition de loi sur un diagnostic qui est largement faux. La description faite par notre collègue Ralite était, certes, talentueuse. Il a, comme à son habitude, su brosser un tableau apparemment convaincant. Mais à y regarder de plus près, on voit bien qu’il ne repose sur aucune réalité avérée.
M. David Assouline. C’est vous qui le dites !
M. Adrien Gouteyron. Il était nécessaire de clarifier le financement du service public de l’audiovisuel, de réformer France Télévisions, de faire en sorte que cette dernière tende vers le média global, pour tous les publics et sur tous les supports, dont a très bien parlé Mme Colette Mélot tout à l’heure.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est facile de dire cela !
M. Adrien Gouteyron. Tels étaient les objectifs de la réforme.
Je ne reviens pas sur ses résultats culturels, mais je veux insister sur le contexte économique, car nous devons avoir présents à l’esprit un certain nombre d’éléments.
Je crois – et c’est chez moi une conviction bien ancrée – à un système dans lequel la télévision publique et la télévision privée jouent chacune leur rôle. Nous ne devons, selon moi, stigmatiser ni l’une ni l’autre. Or j’ai trop souvent l’impression, à entendre certains de nos collègues, qu’il s’agit de jeter l’opprobre sur tel ou tel groupe, sur tel ou tel nom.
M. David Assouline. On ne l’a pas fait ! Mais on le fera la prochaine fois !
M. Adrien Gouteyron. Eh bien, je ne vous suivrai pas sur ce terrain-là !
Nous avons besoin à la fois de groupes privés forts et d’une télévision publique forte, et de qualité.
On ne peut ignorer que, du fait du développement de la TNT – et peut-être aussi pour d’autres raisons –, on assiste actuellement à une fragmentation très importante des audiences, de sorte que les grands médias généralistes voient leur audience diminuer très sensiblement.
Je peux citer des chiffres à l’appui de mon propos : pour TF1, la perte d’audience est proche de 6 points ; pour France Télévisions, elle est supérieure à 6 points ; pour M6, elle frôle 2 points. Dans le même temps, la TNT, elle, voit son audience augmenter de 14 points !
Autre élément déterminant du contexte : le marché publicitaire français est très loin d’être à la hauteur des marchés publicitaires des autres grands pays ; je pense, notamment, au Royaume-Uni.
Dans ces conditions, si l’on veut tenir compte de la desserte et de la nécessité d’assurer, sur la télévision publique, un service de qualité, il faut la libérer de la contrainte de l’audience, et donc de la contrainte de la publicité.
Parallèlement, si l’on veut des groupes privés suffisamment forts pour résister tant à la crise qu’aux évolutions technologiques, il faut également qu’ils puissent s’alimenter sur le marché publicitaire.
Je souhaite donc que notre pays dispose d’un groupe public puissant, garantissant la qualité, assurant l’information culturelle et politique, l’information en général de nos concitoyens, et, en même temps, que s’y épanouissent des télévisions privées qui jouent leur rôle et aient les moyens de le jouer. Cet ensemble me paraît nécessaire à la création et à la démocratie. Pour sauver les uns, ne tuons pas les autres ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Pour ma part, mon cher collègue, je n’ai pas oublié que vous aviez été ici le rapporteur de la loi de 1986 !
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler les impératifs sur lesquels nous ne transigeons pas concernant France Télévisions : indépendance, garantie d’un financement affecté, conséquent et pérenne, promotion de la diversité et de la création.
La suppression de la publicité entre 20 heures et 6 heures sur les chaînes publiques a fondamentalement remis en question toute l’architecture du financement de France Télévisions. Il est d’ailleurs fort regrettable, à ce titre, que le Parlement ait été mis devant le fait accompli de la suppression de la publicité et, par conséquent, de celle des ressources correspondantes, qui équilibraient le budget des chaînes publiques.
De fait, aujourd’hui, une partie non négligeable du financement de notre audiovisuel public est assurée – si l’on peut dire ! – par une taxe sur les opérateurs de télécommunications qui fait actuellement l’objet, de la part de la Commission européenne, d’une procédure d’infraction contre la France, et par une autre taxe portant sur les recettes publicitaires des opérateurs privés et publics de télévision qui, pour 2009, a été considérablement rabotée : de 3 % à 0,5 %.
Ces taxes sont supposées alimenter une dotation budgétaire annuelle. Mais si les chaînes publiques devaient initialement bénéficier d’une dotation budgétaire de 450 millions d’euros pour compenser la perte de recettes publicitaires en soirée, seuls 415 millions d’euros ont été budgétés au moment du vote de la loi de finances pour 2009. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’avenir de cette dotation, après l’annonce, par le Gouvernement, du gel des dépenses publiques pour les trois années à venir.
La vente en accéléré de la régie publicitaire France Télévisions Publicité nous paraît aussi pour le moins inopportune, et nous partageons sur ce point la position de notre collègue Ralite. Tant que le choix de la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques n’est pas opéré, il ne faut pas préjuger de l’avenir de la régie publicitaire. Il s’agit d’un outil extrêmement concurrentiel par rapport aux opérateurs privés. En outre, ses bénéfices apportent une contribution significative au budget de France Télévisions : près de 30 % de son chiffre d’affaires.
Cette année, les recettes de France Télévisions Publicité ont dépassé des prévisions pessimistes : les résultats de 2009 montrent que le groupe France Télévisions a généré un bénéfice net de 19,6 millions d’euros, alors qu’un déficit de 135,3 millions d’euros était inscrit au budget. France Télévisions a ainsi engrangé 405 millions d’euros de recettes publicitaires sur la tranche 6 heures-20 heures, au lieu des quelque 260 millions d’euros inscrits au budget.
Nous sommes attachés à un service public dégagé des contraintes de la rentabilité commerciale, de façon que la programmation soit libérée de la pression des annonceurs et que la grille des programmes puisse être renouvelée. Mais cet objectif ne pourra être réalisé sans nouvelles ressources, sûres, prévisibles et dynamiques, propres à garantir un financement pluriannuel pérenne et à la hauteur des missions qui lui sont imparties. Or rien n’est prévu pour compenser la suppression totale de la publicité après 2012.
Nous regrettons ici que la visibilité du Parlement soit extrêmement faible sur cette question. L’absence de mise en place du comité de suivi prévu par la loi du 5 mars 2009 et du groupe de travail sur la contribution à l’audiovisuel public, correspondant pourtant à un engagement du Gouvernement, y est pour beaucoup. C’est pourquoi nous plaidons, avec mes collègues sénateurs socialistes, pour que la dotation de l’État soit pérenne, évolutive et affectée. Nous plaidons pour une révision des mécanismes de la contribution à l’audiovisuel public.
Le dispositif proposé ici, qui prévoit que la contribution est due au titre local, qu’il s’agisse de l’habitation principale ou secondaire, est souhaitable. Le non-assujettissement des téléviseurs des résidences secondaires entraîne un manque à gagner de l’ordre de 60 millions d’euros pour l’audiovisuel public.
Enfin, comme le note le rapporteur, la seule indexation de la contribution à l’audiovisuel public ne suffira pas à répondre aux besoins de financement. C’est pourquoi nous sommes favorables à une réévaluation régulière de la contribution, et pas seulement, comme cela est prévu par la loi de finances pour 2009, suivant l’indice des prix. D’autres grands pays européens, comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ont su faire ce choix courageux, et leurs programmations audiovisuelles publiques sont régulièrement citées en exemple pour leur qualité.
Quant aux exonérations, elles doivent être intégralement compensées par l’État, comme l’avait fait le gouvernement de Lionel Jospin, il y a quelques années.
Pour toutes ces raisons, il nous apparaît que la proposition de loi déposée par notre collègue Jack Ralite est de circonstance. Elle constitue surtout un appel pressant, qui devrait encourager le Gouvernement à donner une réponse immédiate sur ce qu’il compte faire, face à l’ampleur de la fragilisation économique et sociale de notre audiovisuel public, pour la pérennisation des ressources de France Télévisions, pour son indépendance financière et éditoriale. Nous soutenons donc ce texte et nous nous opposerons, bien entendu, au renvoi en commission de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, avant que, conformément à la décision de la conférence des présidents, vous ne suspendiez la séance, je veux dire mon étonnement que la commission de la culture ait été soupçonnée de discourtoisie. On l’a même accusée de refuser d’aller au fond des choses !
Il faut tout de même rappeler que deux textes ont été présentés ce matin par le même groupe politique. Bien sûr, celui-ci était là tout à fait dans son droit, mais il est impossible de débattre en quatre heures sur deux sujets aussi importants que le bouclier fiscal et le service public de la télévision ! Même si nous n’avions pas proposé le renvoi en commission, il aurait fallu, inéluctablement, suspendre la séance à treize heures, et nous n’aurions pas pu mener ce débat jusqu’à son terme.
La commission de la culture n’est ni discourtoise ni manœuvrière, et nous avons tous beaucoup d’estime pour Jack Ralite. C’est bien pour cela que je lui ai proposé de rapporter son texte ; étant à la fois auteur de la proposition de loi et rapporteur, il a donc bénéficié d’un temps de parole prolongé.
Nous reprendrons, le moment venu, ce débat important ; sans doute disposerons-nous alors des éléments d’information rassemblés par les commissions de la culture et des finances dans le cadre de la mission commune sur le service public de la télévision. Nous pourrons alors débattre et voter en pleine connaissance de cause.