Sommaire
Secrétaires :
MM. Philippe Nachbar, Jean-Paul Virapoullé.
2. Bouclier fiscal – Rejet d'une proposition de loi
Discussion générale : MM. Thierry Foucaud, auteur de la proposition de loi ; Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances.
M. Bernard Vera, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. François Marc, Jean-Pierre Plancade, Jean Louis Masson, Adrien Gouteyron.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.
Clôture de la discussion générale.
Mme Marie-France Beaufils, M. Yannick Bodin, Mme Nathalie Goulet, M. François Marc, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-France Beaufils.
Rejet de l’article par scrutin public.
Mme Marie-Christine Blandin, M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État.
Rejet de l’article par scrutin public.
Aucun des articles ayant été adoptés la proposition de loi est rejetée.
Suspension et reprise de la séance
3. Service public de la télévision. – Discussion d'une proposition de loi
Discussion générale : MM. Jack Ralite, auteur de la proposition de loi ; Jack Ralite, rapporteur de la commission de la culture ; Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Mme Catherine Morin-Desailly, MM. David Assouline, Jean-Pierre Plancade, Jean Louis Masson, Mme Colette Mélot, MM. le président, Ivan Renar, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Adrien Gouteyron, Serge Lagauche.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
4. Questions d'actualité au Gouvernement
conférence des déficits et gel des dotations aux collectivités locales
M. François Patriat, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
MM. Guy Fischer, Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
crise financière et gouvernance de l’euro
M. Joël Bourdin, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Mmes Françoise Laborde, Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
indexation des traitements des enseignants du premier degré à mayotte
MM. Adrien Giraud, Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
MM. Pierre-Yves Collombat, Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
MM. Jean Bizet, Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
réduction des marges dans la grande distribution
Mme Odette Herviaux, M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
MM. Jean-Claude Carle, Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
MM. Jean Louis Masson, Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
M. le président.
Suspension et reprise de la séance
5. Communication relative à une commission mixte paritaire
6. Modernisation de l'agriculture et de la pêche. – Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Amendement n° 522 rectifié de M. François Fortassin. – Mme Françoise Laborde.
Amendement no 328 de Mme Annie David. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 227 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.
MM. Gérard César, rapporteur de la commission de l’économie ; Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; Mme Nathalie Goulet, M. Claude Bérit-Débat. – Rejet des amendements nos 522 rectifié, 328 et 227.
Amendement n° 205 rectifié de M. Jacques Blanc. – M. Pierre Bernard-Reymond.
Amendements identiques nos 329 de Mme Annie David et 574 rectifié de M. François Fortassin. – M. Gérard Le Cam, Mme Françoise Laborde.
MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Pierre Bernard-Reymond, Bernadette Bourzai. – Retrait de l’amendement no 205 rectifié ; rejet des amendements nos 329 et 574 rectifié.
Amendement n° 94 de M. Serge Larcher. – MM. Jacques Gillot, Gérard César, rapporteur ; Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement ; Didier Guillaume, Mme Catherine Dumas. – Rejet.
Amendement n° 30 rectifié bis de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Alain Vasselle, Mmes Odette Herviaux, Nathalie Goulet, MM. Paul Raoult, Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. – Retrait.
Reprise de l’amendement no 30 rectifié ter par Mme Odette Herviaux. – Mme Odette Herviaux, MM. le président, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Didier Guillaume, Jacques Muller, le président de la commission. – Rejet.
Amendement n° 93 de Mme Odette Herviaux. – MM. Claude Bérit-Débat, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Mme Catherine Dumas. – Rejet.
Amendement n° 326 rectifié de M. Alain Vasselle. – MM. Alain Vasselle, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Adoption.
Amendement n° 512 rectifié de M. Pierre Jarlier. – M. Pierre Jarlier.
Amendement n° 513 rectifié de M. Pierre Jarlier. – M. Pierre Jarlier.
Amendement n° 238 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 226 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 239 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 95 de Mme Odette Herviaux. – M. Yannick Botrel.
Amendement n° 96 de Mme Nicole Bonnefoy. – Mme Renée Nicoux.
Amendement n° 97 de M. Michel Teston. – M. Roland Courteau.
Amendement n° 98 de Mme Odette Herviaux. – M. Didier Guillaume.
Amendement n° 523 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Daniel Marsin.
Amendement n° 99 de Mme Odette Herviaux. – M. Paul Raoult.
Amendement no 237 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam. – Retrait.
Amendement n° 100 de M. Didier Guillaume. – Mme Patricia Schillinger.
MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Pierre Jarlier, Mme Nathalie Goulet, MM. Charles Revet, Paul Raoult, le président de la commission, Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; Gérard Le Cam, Yannick Botrel. – Retrait de l’amendement no 512 rectifié ; rectification de l’amendement no 513 rectifié ; retrait des amendements nos 513 rectifié bis, 239 et 523 rectifié ; rejet des amendements nos 226, 95 à 97, 99 et 100 ; adoption des amendements nos 238 et 98.
Amendement n° 32 rectifié bis de M. Charles Revet et sous-amendement no 673 rectifié de M. Daniel Dubois. – M. Charles Revet, Mme Nathalie Goulet, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Jacques Muller, Mme Bernadette Bourzai. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement n° 28 rectifié bis de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.
Amendement n° 29 rectifié bis de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Alain Vasselle. – Retrait.
M. le ministre.
Amendement no 651 du Gouvernement. – MM. le ministre, Gérard César, rapporteur ; Didier Guillaume, Gérard Le Cam, Paul Blanc. – Adoption.
Mme Odette Herviaux, MM. Jacques Muller, Gérard Le Cam.
Adoption de l'article modifié.
Suspension et reprise de la séance
7. Communication du conseil constitutionnel
8. Décision du Conseil constitutionnel
9. Modernisation de l'agriculture et de la pêche. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Articles additionnels après l’article 1er
Amendement n° 101 de Mme Odette Herviaux. – Mme Odette Herviaux, MM. Gérard César, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. – Rejet.
Amendement n° 102 de Mme Odette Herviaux. – Mme Bernadette Bourzai, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 103 de Mme Odette Herviaux. – MM. Paul Raoult, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Mme Nathalie Goulet, M. Didier Guillaume. – Rejet.
Amendement n° 104 de Mme Nicole Bonnefoy. – Mme Renée Nicoux, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 105 de M. Didier Guillaume. – Mmes Renée Nicoux, Nathalie Goulet. – Rejet.
Amendement n° 106 de M. Didier Guillaume. – M. Didier Guillaume. – Rejet.
Amendement n° 108 de M. Didier Guillaume. – M. Didier Guillaume. – Rejet.
Amendement n° 109 de M. Didier Guillaume. – MM. Didier Guillaume, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 110 de M. Didier Guillaume. – Rejet.
Amendement n° 240 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 432 de M. Martial Bourquin. – MM. Roland Courteau, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Mme Nathalie Goulet. – Retrait.
Amendement n° 526 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Daniel Marsin.
Amendement n° 525 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Daniel Marsin.
MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet des amendements nos 526 rectifié et 525 rectifié.
Amendement n° 594 de M. Jacques Muller. – MM. Jacques Muller, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Mme Nathalie Goulet, M. Thierry Repentin. – Rejet.
Amendement n° 527 rectifié de M. François Fortassin. – M. Daniel Marsin.
Amendement n° 242 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 241 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.
MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait de l’amendement n° 527 rectifié ; rejet des amendements nos 242 et 241.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 1er bis
Amendement n° 114 rectifié de M. Thierry Repentin. – M. Thierry Repentin.
Amendements identiques nos 330 rectifié de Mme Annie David et 529 rectifié de M. François Fortassin. – Mme Mireille Schurch, M. Daniel Marsin.
MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet de l’amendement n° 114 rectifié et des amendements identiques nos 330 rectifié et 529 rectifié.
Amendement n° 111 de M. Alain Fauconnier. – Mme Odette Herviaux, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Adoption de l’article.
Mmes Françoise Férat, Brigitte Gonthier-Maurin, Bernadette Bourzai, Odette Herviaux.
Amendement n° 243 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 595 de M. Jacques Muller. – MM. Jacques Muller, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
Amendement n° 244 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 245 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Amendement n° 246 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Amendement n° 249 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet des amendements n0S 245, 246 et 249.
Amendement n° 247 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Amendement n° 248 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet des amendements n0S 247 et 248.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 1er quater
Amendement n° 482 de M. Serge Larcher. – Mme Odette Herviaux, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
MM. Yannick Botrel.
Amendements identiques nos 112 de Mme Odette Herviaux et 250 de M. Gérard Le Cam. – MM. Yannick Botrel, Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre, Yannick Botrel. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 251 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 528 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Daniel Marsin.
MM Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet des amendements nos 251 et 528 rectifié.
Amendement n° 252 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 254 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 253 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 113 de M. Yannick Botrel. – M. Yannick Botrel.
MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Yannick Botrel. – Rejet des amendements nos 253 et 113.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 2
Amendement n° 49 rectifié quater de M. Rémy Pointereau. – M. Rémy Pointereau.
Amendements nos 442 de M. François Patriat et 452 de Mme Françoise Férat. – M. Roland Courteau, Mme Françoise Férat.
MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Rémy Pointereau. – Retrait des amendements nos 49 rectifié quater, 442 et 452.
Amendement n° 596 de M. Jacques Muller. – M. Jacques Muller.
Amendement n° 600 de M. Jacques Muller. – M. Jacques Muller.
Amendement n° 599 de M. Jacques Muller. – M. Jacques Muller.
MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Paul Raoult, Mmes Odette Herviaux, Nathalie Goulet. – Rejet des amendements nos 596, 600 et 599.
Amendement n° 601 de M. Jacques Muller. – MM. Jacques Muller, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.
Amendement n° 597 de M. Jacques Muller. – M. Jacques Muller.
Amendement n° 598 de M. Jacques Muller. – M. Jacques Muller.
MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait des amendements nos 597 et 598.
Amendement n° 132 de Mme Renée Nicoux. – Mme Renée Nicoux, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre, Paul Raoult. – Rejet.
Articles additionnels avant l’article 3
Amendement n° 133 de Mme Odette Herviaux. – MM. Roland Courteau, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Amendement n° 31 rectifié bis de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, MM. Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Retrait.
Amendement n° 255 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Gérard César, rapporteur ; le ministre. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Romani
vice-président
Secrétaires :
M. Philippe Nachbar,
M. Jean-Paul Virapoullé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Bouclier fiscal
Rejet d'une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal, présentée par M. Thierry Foucaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et des sénateurs du parti de gauche (proposition n° 381, rapport n° 439).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la proposition de loi.
M. Thierry Foucaud, auteur de la proposition de loi. « Le bouclier fiscal est mort. Les retraites vont lui mettre le coup de grâce, car elles obligent à la solidarité. La mesure est insupportable, car ce sont les gros riches qui en profitent. Aux régionales, nos électeurs nous ont reproché de faire une politique pour les riches. » Ces mots, monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, sont signés Lionnel Luca, député UMP de Cagnes-sur-Mer et Villeneuve-Loubet.
Que ne nous avait-on pas dit, pourtant !
Rappelons-nous les propos tenus, en décembre 2005, par Jean-François Copé, alors ministre du budget : « Le plafonnement des impôts est une grande innovation. C’est en effet la première fois en France, en tout cas depuis fort longtemps, que la totalité des impôts à la personne sont plafonnés par rapport aux revenus. [...]
« Cette mesure est un bon concentré de la philosophie qui sous-tend notre réforme fiscale. Celle-ci est juste et préserve l’attractivité de notre territoire.
« En effet, sur les 93 000 personnes qui bénéficieront de ce plafonnement, près de 90 % sont dans le premier décile de revenu. Cela s’explique par le fait que les impôts locaux ont été intégrés au bouclier fiscal. C’est un point très important, auquel je tiens beaucoup. Cela signifie qu’il s’agit d’une mesure de justice. [...]
« Notre rôle est de veiller à ce que chacun soit reconnu : les personnes modestes doivent pouvoir bénéficier de la solidarité et les gens aisés doivent être encouragés. Nombre d’entre eux, en effet, sont des gens qui s’engagent, qui prennent des risques, qui entreprennent et sont de très bons contribuables. Or, à force d’être fustigés, certains ont quitté notre territoire et ne paient plus d’impôts en France, à la plus grande satisfaction, sans doute, des idéologues. Je rappellerai tout de même que le fait que ces personnes aient été obligées de s’expatrier au motif que l’impôt est confiscatoire en France est un échec pour notre nation ».
Dans ce discours de Jean-François Copé visant à défendre la création du bouclier fiscal, nous trouvons, encore aujourd’hui, une bonne partie des arguments que certains opposent à cette nécessité impérieuse, à cette mesure de justice fiscale et sociale élémentaire dont nous débattons aujourd’hui : la suppression de ce dispositif coûteux et inutile dont notre droit fiscal est encore affublé.
Aujourd’hui, près de 70 % des Français, qu’ils soient de droite ou de gauche, jugent nécessaire la suppression ou, à tout le moins, la suspension du bouclier fiscal. Comme ils ont raison !
Du chèque de 7 millions d’euros remboursés, lors de la première année d’application de ce dispositif, à Mme Meyer, héritière des Galeries Lafayette, au chèque moyen de 360 000 euros versés à un petit millier de bénéficiaires en 2009, en passant par l’auto-liquidation encouragée par notre rapporteur général – une mesure qui coûte 142 millions d’euros de trésorerie à l’État ! –, tout a conduit, et singulièrement depuis l’abaissement du plafond à 50 %, à rendre intolérable l’existence du bouclier fiscal.
Nos compatriotes se font une idée élevée de l’égalité, qui leur rend parfaitement insupportable un dispositif comme le bouclier fiscal.
On ne peut pas écrire dans la Constitution que chacun contribue à la charge publique à concurrence de ses facultés, et laisser perdurer un système dans lequel, à un moment donné, certains sont considérés comme étant trop riches pour continuer à payer impôts et cotisations sociales.
Au-delà de la gauche parlementaire et politique, d’autres voix se sont fait entendre, ces derniers temps, sur le bouclier fiscal : celle du président Arthuis,…
M. Guy Fischer. C’est vrai, M. Arthuis en a beaucoup parlé !
M. Thierry Foucaud. ... celle de Dominique de Villepin, qui était pourtant Premier ministre en 2006, celle de Jean-Pierre Fourcade et du secrétaire d’État chargé des affaires européennes, Pierre Lellouche ; tous ont demandé, en invoquant le contexte de crise que nous connaissons, la suppression du bouclier fiscal.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous n’avez pas cité l’ensemble de mon propos, monsieur Foucaud ; j’ai parlé de « trilogie » !
M. Thierry Foucaud. Nous savons que certains s’emploient aujourd’hui à « gager » la suppression du bouclier fiscal sur d’autres mesures, par exemple la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune. Cela ne doit pas nous faire oublier l’essentiel : même au sein de la majorité présidentielle, même dans les rangs de la majorité sénatoriale, on sait que le bouclier fiscal fait tache et s’apparente de plus en plus, non à une égide protectrice, mais à une sorte de tunique de Nessus, qui empoisonnera la vie de tous les candidats et élus UMP jusqu’à sa disparition…
Madame la secrétaire d’État, alors que le pari économique du sarkozysme s’est fracassé sur la crise financière de 2008 et ses répliques économiques et sociales, alors que les déficits publics ont explosé sans que la nation s’enrichisse vraiment, et alors que paraît venu le temps de la rigueur, qui cache mal la grande austérité, comment allez-vous faire admettre aux Françaises et aux Français l’allongement de la durée de cotisation pour la retraite, la baisse des prestations sociales, le gel de la rémunération des agents publics et les suppressions massives d’emplois, si vous laissez perdurer le bouclier fiscal ? Et en feignant de mettre à contribution les plus hauts revenus, et notamment les revenus financiers, pour équilibrer un peu mieux les comptes sociaux, tout en maintenant le bouclier fiscal, vous ferez simplement diversion, puisque ce dispositif ne concerne qu’une petite partie des détenteurs de tels revenus !
D’aucuns nous diront que le bouclier fiscal est symbolique et que sa suppression ne suffira sans doute pas à redresser les comptes publics. La belle affaire ! Et la belle critique que voilà…
Bien entendu, cela ne suffira pas à redresser les comptes publics ! Que pèsent 600 millions d’euros face aux 150 milliards d’euros de déficit constatés en 2009 ou en 2010 ? Mais la suppression du bouclier fiscal est l’une des étapes, et peut-être la première, de la réforme fiscale de grande ampleur que nous entendons promouvoir.
On nous dit aussi que ce n’est pas le moment de parler de tout cela et qu’il sera plus opportun d’en débattre lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Au cas où nous n’aurions pas compris ce que ces propos signifient, on nous annonce d’ailleurs que l’on va « raboter » les niches fiscales de 5 à 6 milliards d’euros.
Mes chers collègues, faisons tout de suite 10 % du chemin en supprimant le bouclier fiscal ! Ce sera déjà cela de fait !
Disant cela, j’oubliais que le bouclier fiscal n’était pas une niche fiscale à proprement parler, mais en quelque sorte la dernière cartouche qui reste après utilisation de toute l’artillerie de la défiscalisation ! C’est sans doute ce qui fait aujourd’hui son insuccès et ce qui nous prive de la vision concrète de son efficacité.
En effet, le problème est là : le bouclier fiscal ne fait pas recette ; ou plutôt, il n’est qu’une dépense fiscale de plus, la plus impopulaire de toutes et sans doute la plus inefficace.
Pourtant, en 2005, que d’espérances ! Que de belles et nobles déclarations !
Que constate-t-on à la lecture du rapport succinct, incomplet, mais néanmoins instructif sur certains points, de notre collègue eurélien Albéric de Montgolfier, qui n’était pas encore sénateur en 2005 ?
Mme Lagarde déclarait, voilà quelques semaines : « Le bouclier fiscal ça n’est pas que pour les plus riches. [...] 60 % des bénéficiaires sont des petits revenus ». Or les chiffres figurant dans le tableau intégré au rapport ne souffrent aucune équivoque.
Premièrement, il est désormais acquis que les attentes portant sur le nombre de bénéficiaires sont loin d’être satisfaites.
Malgré les consignes adressées aux agents du fisc de relancer les contribuables, au lieu des 93 000 boucliers attendus, on en compte seulement 16 350, parmi lesquels figurent en majorité des titulaires de faibles revenus. Encore heureux que les redevables de l’ISF ne soient pas majoritaires parmi les bénéficiaires du bouclier fiscal !
Je rappelle à ceux qui seraient quelque peu fâchés avec les ordres de grandeur, que les 550 000 ou 600 000 redevables de l’ISF représentent seulement 1,5 % des 36 millions de contribuables de notre pays !
Deuxièmement, 8 675 bénéficiaires du bouclier fiscal, non redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune, se voient rembourser, au total, environ 5,5 millions d’euros ; cela signifie que 53 % des bénéficiaires du bouclier fiscal se partagent 1 % de son enveloppe. Le cadeau est, en moyenne, de 632 euros par an… S’il fallait encore prouver que le bouclier fiscal vise à s’attaquer à l’ISF, ces éléments chiffrés communiqués par Bercy en fourniraient une démonstration éclatante.
Nous trouvons même parmi les « petits revenus » une petite trentaine de contribuables dont le patrimoine est supérieur à 16 millions d’euros et les revenus imposables inférieurs à 16 000 euros annuels ! En théorie, sans doute...
En clair, le bouclier fiscal est l’un des outils de démolition de l’ISF les plus efficaces, détruisant de 15 % à 20 % du rendement potentiel de ce juste impôt sur le patrimoine. Bien abrités derrière le bouclier, 7 675 redevables de l’ISF se partagent 99 % du bénéfice de la mesure, soit 580 millions d’euros et une restitution moyenne de 75 580 euros ! Cette somme est équivalente à 120 fois la moyenne de ce qui est rendu aux non-redevables de l’ISF !
En raison de cette situation, le bénéficiaire du bouclier fiscal est soit un contribuable très modeste, se faisant rembourser sa taxe foncière, soit un contribuable de l’ISF disposant d’au moins 12 000 euros de revenus mensuels ! Le reste ne procède que de l’exception ou du cumul des étrangetés de la fiscalité...
Une telle situation anéantit d’ailleurs la fiction idéologique selon laquelle le bouclier fiscal limite la somme des impôts prise en compte à 50 % du produit du travail de chacun. Ce ne sont pas les taxes locales, la contribution sociale généralisée, la CSG, ou la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, qui sont remboursées à ce niveau ! C’est bel et bien d’abord et avant tout la taxation du patrimoine qui est visée !
La moindre des dix remises les plus importantes s’avère supérieure au total du remboursement effectué en faveur des 8 675 bénéficiaires non assujettis à l’ISF ! Le bouclier fiscal n’est une très bonne opération que pour le millier de contribuables qui, en moyenne, ont reçu un chèque de 360 000 euros du Trésor public, soit le versement de l’équivalent d’un SMIC net tous les jours que Dieu fait !
Devons-nous laisser perdurer une telle situation ? Devons-nous laisser exister dans notre droit fiscal une mesure qui n’intéresse réellement que moins du tiers du dix millième des contribuables de ce pays, c’est-à-dire une disposition étrangère à 99,997 % d’entre eux ?
Le peu de succès du bouclier fiscal soulève néanmoins des interrogations. Il faut y voir plusieurs raisons, à la fois techniques et politiques. Atteindre un taux d’imposition de 50 % dans un système de prélèvements comme le nôtre nécessite, à proprement parler, une certaine méconnaissance des outils d’optimisation fiscale existants. En effet, d’une part, la tranche supérieure du barème de l’impôt sur le revenu est plafonnée à 40 % ; d’autre part, le taux maximal d’imposition réellement observé est proche de 28 % et souvent compris entre 20 % et 25 %.
Selon l’étude de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, sur les inégalités de revenus et de patrimoine en France, les revenus dits des « plus aisés », déclarant un revenu moyen annuel par personne de 1 269 355 euros, sont, en majorité, soumis à un prélèvement fiscal inférieur à 25 %. Et c’est également le cas des trois quarts des redevables qui disposent d’un revenu moyen annuel de 118 634 euros, c’est-à-dire, tout de même, 10 000 euros mensuels…
Pourquoi une telle situation ? Tout simplement parce que notre droit fiscal est truffé de dispositifs dérogatoires – taux de prélèvements libératoires plus faibles que le taux maximal du barème de l’impôt, dispositifs particuliers incitatifs pour les placements boursiers, les investissements locatifs, le traitement des plus-values de cession d’actifs, entre autres – qui font largement échapper à l’impôt progressif des éléments très importants du revenu des personnes concernées. Ces dispositifs portent un nom générique : ce sont les niches fiscales, ces fameuses niches qui font l’objet d’une attention particulière ces derniers temps.
Mes chers collègues, l’accroissement des inégalités sociales dans notre pays se manifeste aussi dans la diversité des sources de revenus. Si les personnes percevant de très hauts revenus disposent souvent de rémunérations élevées – importantes notes de frais, éléments de rémunération variable confortables, stock-options et autres « joyeusetés » –, elles bénéficient, dans le même temps, d’importants revenus tirés de l’exploitation d’un patrimoine foncier, immobilier ou mobilier. Elles cumulent donc différents revenus Pour reprendre une expression populaire, « l’argent va à l’argent » ! Et comme ces revenus échappent largement à l’impôt progressif, le besoin de recourir au bouclier fiscal est d’autant plus faible qu’il est, de droit et de fait, inutile.
Dans notre pays, les 10 % de contribuables les plus aisés perçoivent in fine les deux tiers des revenus du patrimoine et les quatre cinquièmes des revenus de caractère exceptionnel, telles, entre autres, les plus-values. Plus on est riche et dépositaire de revenus du capital et du patrimoine, moins on dispose de biens immobiliers, plus on diversifie les éléments de son patrimoine, allant éventuellement jusqu’à jouir de revenus de source étrangère, au fil des opportunités !
Le fait que les RMIstes de la Réunion qui, grâce au bouclier fiscal, récupèrent leur taxe foncière, jadis remboursée sur recours gracieux, procède de l’anecdote ! C’est bel et bien dans les milieux de la grande bourgeoisie, particulièrement parisienne, puis des banlieues aisées et des quartiers chics de province que l’on recrute les vrais et peu nombreux bénéficiaires du bouclier fiscal ! C’est aussi là que l’on trouve ceux qui « savent » ne pas payer d’ISF en donnant, à l’euro près, la somme nécessaire à la Fondation de France…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances. C’est bien !
M. Thierry Foucaud. … ou au dispositif ISF-PME, en imputant comme il convient les coûts éventuels d’acquisition de tel ou tel élément de patrimoine, qu’il s’agisse d’un immeuble comme de titres ou de parts de sociétés.
Dans notre pays, la diversité des niches fiscales est telle que le bouclier fiscal est une sorte de « niche ultime », quelque peu similaire à la session de rattrapage des « cancres » qui n’auraient pas fait ce qu’il faut avant...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un petit bonus supplémentaire !
M. Thierry Foucaud. Il faut jouer cartes sur table, sans montages hasardeux ni bricolage fiscal, pour voir si l’administration fiscale considère si, oui ou non, plus de 50 % des revenus, rarement d’origine professionnelle et provenant plus souvent d’autres sources d’alimentation, sont imposés. Cette transparence – concession obligée –, beaucoup refusent de la jouer. Cela explique sans doute aussi cette stagnation du nombre des bénéficiaires du bouclier fiscal.
Devons-nous laisser perdurer dans notre droit fiscal une mesure ciblée, qui ne semble pas avoir résolu le problème de la dissimulation des revenus et de la fraude fiscale ?
Portons maintenant un regard sur l’une des motivations de l’existence du bouclier fiscal, rappelées, à l’origine, par M. Copé : le « bouclier » allait faire rentrer en France quelques-uns des « exilés fiscaux » que le paiement trop élevé d’impôt aurait éloignés de la mère patrie.
De quelle évaluation des effets du bouclier fiscal sur le retour de ces Français méritants disposons-nous aujourd’hui ? D’aucune, malgré nos réclamations ! Je ne sais d’ailleurs si le nombre de nos compatriotes rentrés en France est élevé, si celui des redevables partis est plus important, ou encore s’il faut, comme le pointait le grand journaliste Patrick Poivre d’Arvor, accorder autant d’intérêt à ceux qui « préfèrent leur portefeuille à leur drapeau ». Quoi qu’il en soit, la question mérite sans doute d’être traitée.
Prétendre que le retour des contribuables de l’ISF suffirait à prouver le bien-fondé du bouclier fiscal revient à avouer que le bouclier fiscal cible bien l’ISF et que le reste du discours procède de l’habillage idéologique !
Quant aux contribuables de l’ISF entrant et sortant du territoire français, faut-il les regretter, comme on pourrait regretter notre estimé collègue Paul Dubrule qui, ayant cessé ses fonctions à la tête du groupe Accor, n’a pas trouvé mieux – les faits ont été relatés par la télévision – que d’émigrer aussi vite que possible sur les hauteurs de Genève, dans une villa de 500 mètres carrés habitables, pour faire échapper les 300 millions d’euros de son patrimoine à l’ISF ?
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et c’est un élu de la nation !
M. Thierry Foucaud. Cet impôt l’aurait contraint à payer chaque année 2,5 millions d’euros, soit moins d’un point de la valeur de ce patrimoine, somme qui aurait permis d’embaucher des enseignants, de rémunérer des gardiens de la paix, de bitumer des routes ou encore de construire des gymnases et des logements sociaux, toutes dépenses scandaleuses de l’État et des collectivités publiques pour une grande majorité d’entre vous, mes chers collègues ! Grâce à cette somme, on aurait même pu financer la formation des cuisiniers, des réceptionnistes polyglottes et des gestionnaires d’établissements dont son groupe a besoin pour continuer à lui verser des dividendes ! Tout cela est un scandale sans nom !
À la vérité, réduire l’efficacité du bouclier fiscal aux seuls mouvements observés sur les contribuables de l’ISF fait perdre de vue l’essentiel : ce qui coûte cher à la France, mes chers collègues, ce n’est pas l’égoïsme et la morgue de quelques individus fortunés qui s’exilent à l’étranger pour des raisons fiscales, c’est bien plutôt l’exode massif de jeunes salariés, le plus souvent diplômés, qui ne trouvent pas d’emploi dans notre pays et qui sont l’objet d’une véritable razzia de la part des entreprises étrangères. Ces dernières savent que la dépense publique, contrepartie de l’impôt citoyen, permet à notre pays, par le biais de ses lycées, de ses facultés ou de ses grandes écoles, de former une main-d’œuvre nombreuse, qualifiée, dynamique, créative, que les systèmes éducatifs plus libéraux ou les sociétés fermées, qui méprisent le droit des femmes aux études et à la formation, sont dans la plus parfaite incapacité de produire.
Mes chers collègues, notre potentiel de croissance ne réside pas dans le maintien d’un bouclier fiscal, qui ne conduit aucun contribuable à revenir et coûte 600 millions d’euros au budget général, somme à laquelle doit être ajoutée la dette induite et ses intérêts ! Il dépend de la suppression pure et simple de cette disposition et d’un effort renouvelé dans le domaine de la formation initiale et de l’insertion professionnelle de notre jeunesse, quelle que soit son origine sociale.
Madame la secrétaire d’État, seul le travail doit être valorisé, seul le travailleur doit être assisté, s’il ne peut faire valoir ses droits.
Outre les raisons que je viens de rappeler, c’est aussi pour rétablir cette priorité de l’action publique que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi tendant à l’abrogation du bouclier fiscal.
Dois-je comparer le coût de 600 millions d’euros précité et la suppression de la prime de 150 euros accordée aux 3 millions de personnes les plus pauvres de France, mesure qui ne rapportera que 450 millions d’euros, pour illustrer mon propos ? Arrêtez ! Mettez fin à la dette, aux scandaleuses niches fiscales, au bouclier fiscal ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, par cette proposition de loi, les membres du groupe CRC-SPG nous invitent à abroger le bouclier fiscal.
Comme je l’ai déjà indiqué en commission, il convient de saluer leur constance, puisqu’ils ont déjà formulé cette proposition au Sénat, par voie d’amendements, lors de l’examen de la loi de finances et de chaque loi de finances rectificative de l’année écoulée, ainsi que dans le cadre d’une proposition de loi examinée l’année dernière par notre assemblée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça urge !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Le Sénat, lui aussi, s’est montré constant en repoussant systématiquement ces initiatives.
Pour abréger le suspense, je vous indique d’ores et déjà, mes chers collègues, que la commission des finances a décidé de vous inviter, une fois encore, à persévérer dans cette voie. Ce choix s’explique par des raisons à la fois de fond et de forme.
Sur le fond, l’article 1er du code général des impôts pose le principe suivant : « Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avant, c’était 60 % !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Il s’agit de la traduction littérale d’un engagement pris par Nicolas Sarkozy devant les Français lors de la campagne présidentielle de 2007.
M. Guy Fischer. Bravo Sarkozy !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il avait pris bien d’autres engagements qu’il n’a pas tenus !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Dès lors, nul n’a pu être surpris par le renforcement du bouclier dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », de 2007. Et nul ne devrait être surpris que la majorité fasse preuve de constance sur ce sujet !
En outre, ce bouclier, que critiquent nos collègues, est un rempart indispensable en raison de l’architecture actuelle de la fiscalité des personnes. Il est bon de rappeler – cette remarque vous fera peut-être moins plaisir, mes chers collègues de l’opposition – que, lorsqu’il a créé l’ISF dans la loi de finances pour 1989, le gouvernement Rocard avait prévu son plafonnement. Ainsi, le cumul de l’impôt sur le revenu et de l’ISF ne devait pas dépasser 70 % du revenu.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est à 50 %, ce n’est pas la même chose !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Même si ce taux a été porté à 85 % en 1991, le principe du plafonnement est demeuré. Ce n’est, par la suite, que parce que ce plafonnement a lui-même été plafonné à 50 % de l’ISF normalement dû que cet impôt a pu se révéler confiscatoire pour certains contribuables, en les obligeant à consacrer l’ensemble de leurs revenus au paiement de leurs impôts.
Monsieur Thierry Foucaud, vous avez cité la Constitution. Je citerai, pour ma part, le Conseil constitutionnel : il s’est exprimé de façon claire sur le bouclier fiscal, en considérant que l’exigence définie par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen « ne serait pas respectée si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives » et que, dès lors, l’instauration du bouclier fiscal « loin de méconnaître l’égalité devant l’impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ».
D’ailleurs, mes chers collègues, comme le montrent les chiffres provisoires sur le coût du bouclier fiscal en 2009, qui figurent dans mon rapport écrit, plus de la moitié des bénéficiaires du bouclier fiscal – 53 %, pour être exact – ne sont pas redevables de l’ISF. Certes, le coût du dispositif, soit 585,6 millions d’euros selon les données provisoires de 2009, se concentre principalement sur les plus gros contributeurs.
Mais cela relève de la pure logique mathématique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, c’est sûr !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Et, comme il est normal, les principaux contributeurs avant restitution restent les principaux contributeurs après l’application du bouclier fiscal.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont les plus riches qui bénéficient du bouclier fiscal, c’est le but !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Les contribuables du dernier centile, au nombre de 536, ont perçu en moyenne 336 000 euros – c’est indiqué dans le rapport –, mais ils ont déboursé en moyenne 806 000 euros.
La restitution n’excède donc pas un quart de l’impôt payé. Rendons aux chiffres leur juste mesure...
Contrairement à la caricature qui en est parfois faite, au regard de notre fiscalité actuelle, le bouclier fiscal répond donc à un impératif de justice fiscale. En effet, les impôts décorrélés du revenu – c’est-à-dire l’ISF et la taxe foncière – ne doivent pas conduire à une surtaxation des contribuables.
Mes chers collègues, si la majorité ne peut adhérer à l’esprit de cette proposition de loi, elle n’est pas pour autant arc-boutée sur un texte qui serait intouchable, comme certains ici ont l’air de le croire.
M. Adrien Gouteyron. Oui !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. La majorité l’a déjà montré au cours de la dernière discussion budgétaire. En effet, je vous le rappelle, afin d’assurer une meilleure prise en compte des revenus réels des contribuables, les régimes des dividendes et de l’imputation des déficits ont été révisés dans le cadre de la loi de finances pour 2010.
De plus, le Gouvernement a récemment dit que, face à la charge constante que représente le financement des retraites, la règle du bouclier fiscal pourrait s’accommoder de l’exception d’un prélèvement supplémentaire qui ne serait pas pris en compte pour le calcul du droit à restitution. À nos yeux, le maintien d’une pression fiscale normale ne doit pas faire obstacle à la nécessaire solidarité des plus aisés.
En un mot, la commission des finances considère que la question du bouclier fiscal ne doit pas être traitée de manière simpliste.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais oui, c’est vrai, nous, nous sommes simplistes !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Tout débat sur le bouclier fiscal ne peut se faire séparément d’un débat sur notre fiscalité, et en particulier sur l’ISF lui-même.
Qui ne voit le handicap que constitue cet impôt pour l’économie française dans un monde qui bouge, alors même que les pays, les uns après les autres, nos partenaires européens en particulier – notamment les pays scandinaves ou l’Espagne de M. Zapatero – ont abrogé leur impôt sur le patrimoine ?
Qui ne voit que l’évolution des rendements des produits financiers a profondément changé le sens de cet impôt ? Aujourd’hui, le taux marginal de 1,8 % peut imposer, au regard des taux actuels de placement, de céder une partie du patrimoine pour acquitter l’impôt.
En 1981, tandis que le taux marginal de l’IGF, l’impôt sur les grandes fortunes, s’élevait à 1,5 %, les taux de placement étaient plus élevés – par exemple, l’emprunt Delors était émis au taux de 17 %. Il faut donc observer le taux marginal de l’impôt au regard du taux des placements financiers.
Ne vous en déplaise, chers collègues du groupe CRC-SPG, poser la question du bouclier fiscal revient donc à poser la question de l’architecture de notre fiscalité, et en particulier de l’ISF, impôt devenu atypique (M. Thierry Foucaud s’exclame.) dans le panorama fiscal européen.
À cet égard, le président de la commission Jean Arthuis – il vient de quitter l’hémicycle pour se rendre à la conférence sur les déficits publics, tenue à dix heures à l’Élysée –, le rapporteur général Philippe Marini et notre collègue Jean-Pierre Fourcade ont ouvert une piste intéressante à travers le triptyque que vous connaissez : abrogation de l’ISF et du bouclier fiscal, création d’une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu et révision de la fiscalité des plus-values.
En effet – et c’est sans doute une raison supplémentaire pour ne pas adopter ce texte –, aux yeux de la commission des finances, une telle réforme de la fiscalité des personnes ne saurait être examinée dans un cadre autre que celui de la loi de finances de l’année.
De manière générale, la fiscalité et, plus généralement, les décisions affectant le solde budgétaire devraient être débattues en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale afin que le Parlement, quand il vote ce type de mesure, dispose d’une vision correcte de l’état des finances publiques.
Mme Marie-France Beaufils. Comme pour le dernier Grenelle !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. En tout cas, les conclusions de la conférence sur les déficits publics qui se tient ce matin devraient nous y inciter.
La commission n’est évidemment pas favorable à l’adoption de la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe CRC-SPG.
Elle souhaite donc le rejet de chacun des articles qui la constituent et de l’ensemble du texte. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon propos par quelques courtes citations.
La première est d’Alain Juppé : « Cela ne me choquerait pas que l’on demande aux très riches de faire un effort de solidarité supplémentaire vis-à-vis de ceux qui souffrent ».
La deuxième est de Gilles Carrez : « Il faut suspendre le bouclier fiscal le temps que les finances publiques soient assainies ».
La suivante est le titre d’une tribune cosignée par treize députés du groupe UMP : « Il faut suspendre le bouclier fiscal pour redonner du sens à la politique ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas si simple, la majorité…
M. Bernard Vera. La dernière est de Jean Arthuis, président de notre commission des finances : « Le bouclier fiscal est une offense à l’idée que je me fais de la justice ».
Voilà donc, rapidement rappelées, quelques-unes des déclarations produites au sein de la majorité parlementaire sur la question dont nous débattons.
L’affaire serait, nous dit-on, symbolique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, très symbolique !
M. Bernard Vera. M. Baroin, à peine nommé au ministère du budget, a eu l’occasion de nous indiquer que les 600 millions d’euros du bouclier fiscal n’étaient qu’une goutte d’eau au regard des 140 à 150 milliards d’euros des déficits publics, que des années de cadeaux fiscaux distribués par votre majorité n’ont cessé d’étendre.
Mais alors, madame la secrétaire d’État, si ce dispositif a si peu d’importance, pourquoi s’entêter ? Ou bien l’incidence est négligeable et la suppression du bouclier fiscal ne réduira les déficits que de manière marginale, ou bien la valeur de l’objet est plus importante.
Tel doit d’ailleurs être le cas puisque nombreux sont désormais ceux qui lient la suppression du bouclier fiscal – cela vient d’être rappelé par M. le rapporteur – à une réforme fiscale de plus grande ampleur, sur laquelle je souhaite ici revenir.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Bernard Vera. Nous voici en effet face à la tétralogie du président Jean Arthuis, du rapporteur général Philippe Marini et de Jean-Pierre Fourcade : suppression du bouclier fiscal et suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, taxation plus importante des plus-values et relèvement de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu.
Nous sommes d’accord avec cette proposition sur trois des quatre éléments.
Oui à la suppression du bouclier fiscal ! Oui à l’accroissement de la taxation des plus-values ! Oui au relèvement de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu !
Nous sommes favorables à l’accroissement de la taxation des plus-values, au point d’ailleurs que nous souhaiterions, sur le fond, que ces revenus soient traités de la même manière que les traitements, salaires, pensions et retraites sur le plan de l’impôt sur le revenu, c’est-à-dire qu’ils soient soumis au barème progressif.
M. Jean-Pierre Plancade. C’est radical !
M. Guy Fischer. C’est plein de bon sens !
M. Bernard Vera. Il faudra aussi s’interroger sur la taxation – ou plutôt l’absence de taxation – des plus-values d’entreprises, notamment dans le cas des cessions de titres.
Faciliter les regroupements de capitaux ne semble avoir évité à notre pays ni les délocalisations ni les suppressions d’emplois, bien au contraire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça n’a favorisé que l’enrichissement !
M. Bernard Vera. Par conséquent, oui au relèvement de la dernière tranche de l’impôt sur le revenu ! Mais, il est utile de l’indiquer, cela repose la question de l’imposition des revenus et celle des patrimoines.
L’INSEE, étudiant le patrimoine des Français, a largement montré que le facteur principal d’inégalité dans notre pays résidait plus dans l’existence d’inégalités profondes de patrimoine que dans celles de revenu.
Vouloir accroître l’imposition des revenus les plus importants ne doit donc se faire qu’en maintenant une imposition du patrimoine, au risque de décourager un peu plus ceux qui, par leur seul travail, sans avoir de patrimoine personnel important au départ, valorisent leurs compétences, exercent des responsabilités et des fonctions raisonnablement rémunérées.
Imposer demain le cadre supérieur, imaginatif, créatif, et porteur d’idées nouvelles, impliqué dans la vie de son entreprise, pour mieux exonérer l’héritier qui se contente de vivre du revenu de son patrimoine et qui s’intéresse de très loin à la vie de l’entreprise dont il détient une partie des actions, ne serait pas de bonne politique.
Protéger les acquis des détenteurs de patrimoine et taxer le travail au moment même où 70 % des Français attendent plus de justice sociale, singulièrement quand on parle du devenir de nos retraites, est tout de même le plus parfait exemple de conservatisme qu’il nous soit donné d’apprécier !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, c’est sûr !
M. Bernard Vera. Si nous sommes opposés à la suppression de l’ISF, c’est précisément en cohérence avec notre volonté de suppression du bouclier fiscal.
L’ISF, assis sur le patrimoine, agit par nature sur le facteur essentiel de développement et de maintien des inégalités sociales dans notre pays.
Nous appelons à l’existence d’un ISF renforcé, équilibré, plus efficace, par la suppression des niches qui l’affectent et en réduisent la portée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
M. Bernard Vera. Supprimer le bouclier fiscal, détruisant de 15 à 20 % de l’ISF mais ne concernant que 1,3 % de ses contribuables, sera le premier pas dans cette direction.
Les plus gros patrimoines, dans notre pays, n’ont qu’un lointain rapport avec le travail et le talent de leurs détenteurs, fussent-ils réels, et beaucoup avec le travail et le talent des autres !
Il n’y a pas de richesse sans travail, et la réussite de l’entreprise ne procède pas de la génération spontanée du capital !
Il est grand temps que la justice revienne un peu dans notre droit fiscal.
L’adoption de cette proposition de loi, simple et opératoire immédiatement, y contribuera utilement. Il faut abroger le bouclier fiscal, cette offense insupportable à la justice fiscale et sociale, rejetée par près de 70 % de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme l’an dernier, comme lors de chaque projet de loi de finances récent, nos collègues, membres du groupe communiste, républicain et citoyen et les sénateurs du parti de gauche, nous proposent d’abroger le bouclier fiscal.
Mme Nathalie Goulet. Ils ont bien raison !
Mme Catherine Morin-Desailly. Ils renouvellent leur proposition. Nous réitérons donc notre position, maintes fois exprimée et désormais connue : le bouclier fiscal est la mauvaise réponse au mauvais impôt qu’est l’impôt de solidarité sur la fortune. L’abrogation de l’un doit aller de pair avec la suppression de l’autre.
Abroger le bouclier fiscal sans entreprendre une réforme plus large de notre fiscalité reviendrait à traiter un problème global par une réponse partielle.
Le bouclier a été créé parce que l’impôt, et particulièrement l’ISF, revêtait un caractère confiscatoire pour certains contribuables, notamment des foyers modestes. Supprimer la réponse sans traiter le problème est une démarche que nous ne jugeons pas opportune.
Mes chers collègues, comme en témoigne le dépôt de ce texte, quand on aime, on ne compte pas. À nouveau, nous souhaitons donc exprimer à cette tribune les raisons qui nous poussent à proposer une réforme globale et ambitieuse de la fiscalité des ménages.
Le bouclier, tout d’abord, est un dispositif qui doit être profondément repensé. Sont en cause non pas son principe ou son coût, mais certaines modalités et certains effets de sa mise en œuvre. Nous en dénonçons au moins quatre.
Premièrement, il ne répond pas à l’objectif affiché : il visait à ce que nul ne paie plus de 50 % de ses revenus en impôts. Or, c’est le revenu fiscal, et non pas le revenu réel, qui est pris en compte dans le calcul. Par le jeu de trop nombreuses niches fiscales, ce revenu fiscal est parfois très éloigné du revenu réel des redevables, surtout de ceux qui pratiquent activement l’optimisation fiscale. On s’est donc écarté du principe et de l’objectif affiché.
Que certains contribuables réduisent le montant d’impôt qu’ils doivent acquitter en recourant à des déductions fiscales, soit. Mais comment peut-on justifier que ce soit leur revenu fiscal, fictif, et non pas le montant de leurs revenus effectivement perçus, qui soit pris en compte ?
À nos yeux, aucune logique ne le justifie. Le principe inscrit solennellement à l’article 1er du code général des impôts a été dévoyé par les conditions d’application définies à l’article 1649-0 A du même code.
Deuxièmement, le maintien du bouclier conduirait à une situation inacceptable : il semble difficilement concevable que tous les Français sauf les plus aisés, protégés par le bouclier, consentent les efforts contributifs qui vont s’imposer dans les années à venir.
Le problème s’est déjà posé, dès 2008, lorsqu’il a fallu financer la généralisation du revenu de solidarité active. Au vu de la situation de nos comptes publics, il ne fait aucun doute que le problème se posera à nouveau.
Cette semaine, l’annonce de la création d’une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et les revenus du capital pour contribuer au financement des retraites, hors du périmètre du bouclier, a illustré les contorsions, les bricolages auxquels il faudra de plus en plus se livrer si le bouclier n’est pas révisé.
Ne pas faire participer les plus favorisés de nos compatriotes à l’effort national qui va s’imposer dans les mois et les années à venir n’est pas envisageable.
Troisièmement, le bouclier ne permet pas de rapatrier les exilés fiscaux : la proportion de départs et de retours d’assujettis à l’ISF est restée stable, et faible, entre 2002 et 2008. Donc, l’argument ne tient pas.
Enfin, le dispositif crée des situations choquantes : moins d’un millier de foyers perçoivent 63% du bénéfice du bouclier, soit un chèque moyen de 376 000 euros.
Oui, le bouclier fiscal est un « marqueur ». Mais, un réexamen de ce dispositif s’impose, avec lucidité et sans dogmatisme.
Et ce réexamen doit aller de pair avec une réforme de l’ISF, qui est un mauvais impôt pour une raison très simple : il pèse sur le stock de patrimoine, et non sur les revenus du patrimoine. Nos principaux voisins et partenaires s’en sont rendu compte, et ont fait évoluer leur fiscalité du patrimoine. Nous le pouvons aussi.
L’imposition du patrimoine du simple fait de sa détention s’est faite de plus en plus rare en Europe ainsi que dans le reste du monde ces vingt dernières années. Les impôts portant sur l’ensemble du capital détenu par le contribuable ont été supprimés en Autriche en 1994, au Danemark en 1996, en Allemagne en 1997, aux Pays-Bas en 2001, en Finlande et au Luxembourg en 2006, ou encore en Suède en 2007. Tous ces États voisins ont entrepris la même démarche, fondée sur la même analyse.
Plusieurs pistes de réforme existent. Le président de la commission des finances, M. Arthuis, mais aussi le député centriste Charles de Courson ont proposé à de nombreuses reprises d’abroger conjointement le bouclier fiscal et l’ISF, de créer une tranche supplémentaire d’impôt sur le revenu, et de revoir à la hausse le barème d’imposition des plus-values mobilières et immobilières.
Cette piste de réforme, ainsi que d’autres, devra être examinée dans le cadre de la prochaine loi de finances. Comme la commission des finances l’a rappelé, les questions fiscales ne devraient être traitées qu’en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale. Cette discipline nous semble nécessaire à la bonne visibilité du Parlement sur les dispositions qui affectent les comptes publics.
Pour cette raison de forme mais surtout pour les raisons de fond que j’ai exposées, l’Union centriste ne soutiendra pas cette proposition de loi. En revanche, lors de l’examen de la prochaine loi de finances, les membres de ce groupe proposeront à nouveau une réforme globale qui correspond à notre vision de la justice fiscale. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le Palais du Luxembourg est devenu depuis quelques mois un Palais des lamentations.
En effet, nombre de nos collègues ayant voté en faveur du bouclier fiscal voilà maintenant quelques années se lamentent à longueur de temps : « comment avons-nous pu voter un dispositif aussi injuste ? ». Et ces lamentations sont entendues bien au-delà du Palais du Luxembourg. Nos concitoyens, pour 67 % d’entre eux, considèrent que le bouclier fiscal est totalement injuste, cependant que 87 % jugent qu’il faut demander aux plus riches de participer davantage à la solidarité fiscale, bien nécessaire aujourd’hui.
C’est dire que la suppression de ce bouclier se justifie pleinement. Nous l’avons demandée à maintes reprises dans le cadre des amendements que nous avons pu présenter lors de l’examen des lois de finances.
À l’Assemblée nationale, nos collègues socialistes ont également déposé une proposition de loi qui est débattue ces jours-ci. Nous sommes donc en cohérence avec nos collègues quant à la réponse à apporter : il faut supprimer le bouclier fiscal, et c’est pour nous une évidence.
Mais, au-delà de cette suppression, il faut remettre en cause la politique fiscale mise en œuvre depuis 2002. Au fond, ce bouclier fiscal n’est pas un avatar d’un dispositif qui aurait été imaginé par Michel Rocard, Dominique Strauss-Kahn ou d’autres encore ; c’est une composante d’un tout, et les mêmes objectifs ont été développés depuis 2002 pour justifier cette politique fiscale.
Je rappelle les objectifs visés : encourager l’initiative et l’investissement, et rechercher de la croissance supplémentaire. Tout cela a été dit depuis 2002 ! Je vous rappelle que la France, au sortir de l’expérience Jospin, avait l’un des meilleurs taux de croissance de l’Europe !
Mais on nous a dit alors qu’on allait faire encore mieux en matière de croissance, le dispositif fiscal devant contribuer à amplifier cette dernière ; on nous a dit que le dispositif permettrait de faire revenir en France des exilés fiscaux, véritable manque à gagner pour notre pays, et qu’il favoriserait l’implantation d’entreprises multinationales et la domiciliation en France de cadres ayant tendance, du fait de notre dispositif fiscal, à se domicilier dans d’autres pays européens.
Cette politique fiscale a-t-elle produit des effets ? Une chose est sûre, c’est qu’elle a coûté très cher au budget de l’État ! Le rapport de la Cour des comptes, présenté l’an passé par le regretté Philippe Séguin, nous indiquait déjà que, dans le déficit total de 140 milliards d’euros, le déficit structurel s’élevait à 70 milliards d’euros, l’essentiel de ce dernier étant dû aux décisions prises par les gouvernements depuis 2002 en matière de baisse des recettes.
Incontestablement, on peut considérer que la politique mise en œuvre depuis 2002 sur le plan fiscal aboutit aujourd’hui à une moins-value de recettes fiscales de 50 milliards d’euros – le chiffre est fourni par la Cour des comptes et ne supporte pas de contestation –, alors que le déficit de la France est de 140 milliards d’euros.
Dans ces conditions, on peut se demander quel était le sens du propos tenu voilà quelques mois par le ministre du budget, avant qu’il n’aille s’occuper des retraites : « il me faut trouver 50 milliards d’euros ». Mais les 50 milliards d’euros sont là ! C’est la politique mise en œuvre depuis 2002 qui a abouti à cette moins-value. Dès lors, il serait facile de s’y retrouver.
Cette politique, qui a coûté si cher, a-t-elle produit les effets escomptés ? La réponse est incontestablement non.
Qu’en est-il de la croissance supplémentaire qui devait être créée ? On voit à quel point la France se traîne aujourd’hui dans l’Union européenne, s’agissant du taux de croissance : notre pays se situe en dessous de la moyenne européenne ! Alors que l’on devait aller chercher « avec les dents » le point de croissance supplémentaire, les dents ne sont pas au rendez-vous !
A-t-on influencé la localisation des investissements internationaux ? Là encore, incontestablement, la France n’a pas été en mesure d’attirer sur son territoire davantage d’investisseurs. Les statistiques nous l’indiquent : il n’y a aucun résultat de ce point de vue.
Enfin, y a-t-il eu un retour d’exilés fiscaux ? Cet argument était fortement agité, rappelez-vous. Selon les données de Bercy, « 821 redevables à l’ISF ont quitté la France en 2008 », soit 102 de plus qu’en 2007, ce qui représente une augmentation de 14 % en une année. Alors que l’on voulait faire revenir les exilés fiscaux, les Français sont plus nombreux qu’auparavant à s’en aller à l’étranger !
Sur ces trois registres, la politique mise en œuvre n’apporte incontestablement aucun résultat. Pis, elle a atteint, par ses effets pervers, des résultats tout à fait regrettables, avec un sentiment accru d’injustice en une période où il faudrait mobiliser tous les acteurs de notre territoire pour améliorer notre situation.
Or, les gens ont été au contraire démobilisés, et ils se sentent peu concernés – on le voit au travers des enquêtes d’opinion – par les appels qui leur sont adressés par le Gouvernement. C’est une politique totalement néfaste ! Elle n’a pas répondu aux attentes mais elle a créé des effets pervers redoutables.
Mes chers collègues, si l’on veut, en définitive, faire un bilan objectif de la situation, il nous faut être attentifs à quelques éléments de synthèse qui nous sont fournis par les économistes.
Premièrement, lorsque l’on analyse objectivement la situation depuis 2002, il n’y a pas eu de baisse des impôts en France. Les prélèvements obligatoires sont restés à un niveau remarquablement stable : autour de 43 % du PIB. En revanche, la hausse des prélèvements sur les uns a financé la baisse de ces derniers sur quelques autres, un déséquilibre étant ainsi créé à l’intérieur des prélèvements.
Deuxièmement, la politique fiscale est marquée par une forte baisse des impôts au profit des ménages les plus aisés. Les deux tiers des baisses d’impôts de la période, représentant donc 20 milliards d’euros par an sur un total de 30 milliards d’euros – ces chiffres sont ceux d’une étude menée sur la période 2002-2008, mais le montant est aujourd’hui de 50 milliards d’euros, et non plus de 30 milliards d’euros –, ont concerné les plus riches.
Troisièmement – c’est le point le plus grave –, cette redistribution est également financée par les prélèvements sur les jeunes et les générations futures.
En effet, les baisses de recettes fiscales ont été en partie financées par l’endettement, via le creusement du déficit budgétaire qui, in fine, devra être remboursé par les générations futures.
Quatrièmement, la politique fiscale a été orientée vers la rente, en contradiction avec l’objectif affiché de revalorisation du travail. Il s'agit là d’une révolution discrète : depuis 2002 la fiscalité du patrimoine et de ses revenus a été considérablement et systématiquement réduite, là encore au profit des ménages les plus aisés.
Cinquièmement, la politique fiscale se révèle d’une grande continuité depuis 2002 : elle a été la même sous les gouvernements Raffarin et Villepin, entre 2002 et 2007, ainsi que, après cette date, sous la présidence Sarkozy.
Le tiers des baisses d’impôts consenties au profit des contribuables les plus riches est imputable à la période qui a commencé en mai 2007. Le rythme des cadeaux fiscaux aux plus aisés s’est même quelque peu accéléré : ils représentaient 2,4 milliards d’euros par an entre 2002 et 2007 ; ils s’élèvent à 3 milliards d’euros par an depuis 2007, et ce montant ne cesse d’augmenter.
Cette politique injuste vient se greffer sur un système fiscalo-social qui se caractérisait déjà par sa faible redistributivité. Aujourd’hui, la fiscalité française est devenue régressive. Mes chers collègues, notre système fiscal marche sur la tête !
Sixièmement, et enfin, toujours selon l’étude réalisée par des économistes – je puis vous citer ses auteurs, monsieur le rapporteur –, la politique fiscale a significativement accru les inégalités dans notre pays, renforçant des inégalités de marché qui, pourtant, connaissaient déjà une croissance importante. « Donner plus à ceux qui ont plus » : tel semble être l’étonnant credo suivi, depuis 2002, par la politique fiscale en France, au détriment, notamment, des classes moyennes !
Tels sont, mes chers collègues, certains des enseignements essentiels que nous pouvons tirer s’agissant de la politique fiscale menée durant cette période.
En définitive, et pour conclure, selon les prévisions du ministre du budget, 20 000 personnes bénéficieront du bouclier fiscal en 2010, ce qui coûtera de 650 à 700 millions d’euros au budget de l’État. Un millier de nos concitoyens recevront un chèque individuel de 370 000 euros ; 53 % des bénéficiaires du dispositif toucheront un chèque de 632 euros. On voit à quel point le fossé est en train de se creuser, à quel point l’injustice progresse !
Il s'agit donc là d’une politique qui n’a pas atteint les objectifs qu’elle s’était fixés, qui a été extrêmement coûteuse pour le budget de l’État et qui a creusé d’une façon tout à fait dramatique les injustices dans notre pays.
Aujourd’hui, il faut supprimer le bouclier fiscal, et le plus vite possible. Pourquoi agir avec hâte ? Certains affirment, notamment au sein de la commission des finances, que, au fond, il n’est qu’à attendre la prochaine loi de finances, ou peut-être la suivante, que l’on trouvera un jour une solution, éventuellement sous la forme d’un « triptyque »,…
M. Thierry Foucaud. Une « tétralogie » !
M. François Marc. … ou peut-être mieux encore. Je crois pour ma part qu’il faut procéder au plus vite, et cela pour une raison simple : notre pays, dont la situation d'ailleurs a bien évolué depuis la mise en place de ce bouclier, traverse une crise dramatique pour ce qui concerne ses finances publiques. En outre, il sera confronté à une crise sociale d’une ampleur considérable.
M. Jacky Le Menn. Bien sûr !
M. François Marc. Dans ces conditions, comment mobiliser les Français autour d’objectifs qui permettraient à chacun d’espérer obtenir, à l’avenir, une juste part du gâteau ? Pour y parvenir, mes chers collègues, il faut supprimer les dispositifs de ce genre, qui créent un malaise très profond dans notre société. C’est ainsi, en prenant des décisions courageuses le plus rapidement possible, que nous nous mettrons en ordre de bataille pour affronter la situation très difficile qui nous attend.
C’est pourquoi il faut, dès aujourd’hui, ici et maintenant, supprimer le bouclier fiscal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, les pays membres de la zone euro sont confrontés à une crise sans précédent, qui pourrait bien, à terme, remettre en cause la pérennité de notre monnaie.
Cette crise trouve son origine dans les dérèglements dont les marchés financiers ont fait l’objet : à force de rendre toujours plus opaques les échanges, de faciliter la libre et rapide circulation des capitaux et de vouloir se mettre à l’abri du risque en faisant chaque fois porter ce dernier sur les voisins, et surtout de façon camouflée, de telles difficultés étaient inévitables !
Aujourd’hui, cette crise a évidemment des répercussions en France, à telle enseigne que le Gouvernement nous annonce un plan de rigueur ou d’austérité – peu importe le vocabulaire, la réalité sera dramatique ! –, dont nous pouvons craindre, compte tenu de l’expérience passée, que ses mesures porteront principalement sur les classes moyennes et populaires.
M. Guy Fischer. Ce sera une super-austérité !
M. Jean-Pierre Plancade. Or, depuis trois ans, je le répète, le Gouvernement a pris toute une série de mesures en faveur des catégories les plus aisées. On peut citer le bouclier fiscal, puisque c’est de lui qu’il est question aujourd'hui, l’exonération des droits de succession, les niches fiscales, la baisse de la TVA pour les restaurateurs, la suppression de la publicité à la télévision... Autant de réformes qui n’ont fait que grever le budget et aggraver le déficit.
D'ailleurs – c’est là un point essentiel –, de façon constante, les déficits créés l’ont été en majeure partie au bénéfice des couches les plus aisées de la population, ce qui est indécent dans la période de crise sociale que nous traversons !
Comme mes collègues membres du RDSE l’ont exprimé à plusieurs reprises, la suppression du bouclier fiscal est devenue une mesure de bon sens et d’équité ; elle doit avoir lieu aujourd'hui, et pas demain !
Cette mesure serait de bon sens, car l’État n’a plus les moyens financiers de pratiquer une politique de cadeaux fiscaux à l’égard de ceux dont le cœur est peut-être en France, même si j’en doute de plus en plus, mais dont le porte-monnaie se porte toujours mieux sous des cieux plus attractifs…
Au passage, je rappellerai que la suppression du bouclier fiscal, qui n’a toujours pas fait revenir en France les grandes fortunes – elles partent même en plus grand nombre à l’étranger –, pourrait dégager une plus-value fiscale susceptible – pourquoi pas ? – d’approvisionner en partie le Fonds de réserve pour les retraites.
Cette mesure serait aussi d’équité, parce que, dans son essence même, ce dispositif est injuste : comment demander toujours plus aux centaines de milliers de chômeurs et aux ménages les plus modestes, et cela dans une période de forte baisse du pouvoir d’achat, sans obtenir, par ailleurs, la garantie que les exilés fiscaux et les entreprises délocalisées participeront, eux aussi, aux efforts de la nation ?
Aujourd’hui, ce sont la Grèce, l’Espagne et le Portugal qui se trouvent dans l’œil du cyclone. Demain qu’en sera-t-il réellement pour notre pays ?
Alors que le Gouvernement s’efforce, avec raison – je le reconnais –, de minimiser l’impact de la crise sur notre économie et ses conséquences sociales, de même qu’il a agi avec pertinence – je le reconnais également – au cœur de la crise bancaire, il devient urgent d’arrêter cette hémorragie financière en prenant des mesures de bon sens, à commencer par la suppression du bouclier fiscal, qui, madame la secrétaire d'État, joue le rôle d’une niche de plus, d’une niche de trop.
Cette proposition de loi de nos collègues du groupe CRC-SPG a donc le mérite de la clarté. La suppression du bouclier fiscal, ce dispositif inopérant et dépourvu d’effet économique avéré, est une nécessité objective. Bien plus, elle est devenue un impératif social !
Je le répète, le mécanisme du bouclier fiscal a autorisé l’État à rembourser aux contribuables les plus aisés de ce pays 368 millions d’euros en 2008 et 586 millions d’euros en 2009, et l’on annonce pour 2010 de 700 à 800 millions d'euros !
Dans un contexte de crise financière, de récession économique, de hausse du chômage, de plans sociaux, de déficit budgétaire, de crise de nos systèmes de retraite, de mesures de rigueur et d’austérité qui seront appliquées aux Français, quoi que vous en disiez, madame la secrétaire d'État, comment justifier politiquement, économiquement et surtout socialement le maintien de ces avantages accordés aux plus riches ?
Ce texte est pour moi l’occasion de rappeler que l’impôt possède de réelles vertus républicaines, puisqu’il permet de faire contribuer chacun justement, en fonction de ses possibilités, à l’œuvre commune. Par sa fonction redistributive, il doit jouer un rôle de cohésion sociale ; toutefois, je dois admettre qu’il remplit de moins en moins cette fonction.
Selon moi, une politique fiscale à la fois juste et efficace doit donc permettre de revenir à des principes fondamentaux : l’égalité devant l’impôt et la progressivité de celui-ci.
Parce qu’il limite à 50 % de leurs revenus les impôts versés par une catégorie de Français, le bouclier fiscal porte atteinte au principe de progressivité de l’impôt, donc à l’effort de solidarité nationale, qui devrait correspondre à l’exacte capacité de chacun des contribuables.
Dans ces conditions, les sénateurs radicaux de gauche et la majorité des membres du groupe du RDSE sont favorables à la suppression du bouclier fiscal et militent pour une politique fiscale différente, plus juste, plus équitable, plus efficace et plus progressive, a fortiori quand notre pays traverse une crise économique grave, au bénéfice des Français les plus démunis.
Pour résumer, je le répète avec force, à un moment où nous sommes confrontés à des mesures de rigueur très fortes et où nous devons assurer l’équilibre de nos retraites, le Gouvernement traîne comme un boulet ce bouclier fiscal, qui empêche toute évolution de la pensée sur l’impôt dans ce pays et interdit d’avancer dans la bonne direction.
Pourtant, face à cette crise, mes chers collègues, nous devrions nous rejoindre, que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition, pour défendre la cohésion nationale et écarter le risque d’une sortie de la zone euro, qui, quoi que l’on prétende, est bien réel. Mettons-nous d’accord sur la suppression du bouclier fiscal et sur la nécessité de revisiter les niches fiscales ; réfléchissons à l’impôt sur la fortune et à la mise en place d’un nouveau système fiscal, plus juste, plus efficace et plus progressif.
C'est pourquoi le groupe du RDSE, dans sa quasi-totalité, votera la proposition de loi de nos collègues du groupe CRC-SPG. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je soulignerai que la réforme du bouclier fiscal constitue un élément fondamental de la justice sociale et de l’équité devant l’impôt.
La crise financière que connaît la Grèce est un avertissement pour tous les pays, en particulier pour la France ; c’est d’autant plus vrai que, depuis 2007, la politique conduite par le Gouvernement et par le Président de la République a entraîné une augmentation colossale de notre endettement.
J’approuve donc les mesures qui pourraient accroître les recettes fiscales ou réduire les dépenses publiques. L’annonce d’une réduction importante des niches fiscales est ainsi un élément très positif.
M. Guy Fischer. C’est de l’affichage !
M. Jean Louis Masson. En revanche, le bouclier fiscal constitue la niche la plus scandaleuse, et c’est par elle qu’il faut commencer.
Bien que je sois clairement de droite, je déplore l’obstination du Président de la République sur ce dossier. D'ailleurs, et plus généralement, je considère que, dans de nombreux domaines, les choix et les attitudes de nos gouvernants depuis 2007 sont affligeants. Le bouclier fiscal n’en est qu’un exemple parmi d’autres. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. François Marc. Renversez le Gouvernement !
M. Jean Louis Masson. Oui, on peut être de droite et réclamer plus de solidarité, plus de justice sociale et plus d’équité fiscale.
Oui, on peut être de droite et rester attaché aux valeurs nationales, populaires et sociales qui sont le fondement du gaullisme.
Oui, on peut être de droite et déplorer l’abaissement de la fonction présidentielle, les gesticulations stériles, les promesses mirobolantes jamais suivies d’effets et le « bling-bling » à tous les étages.
Partout, des voix, de plus en plus nombreuses, s’inquiètent du refus du Président de la République d’entendre le message, pourtant fort, que lui ont adressé les électeurs à l’occasion de la déroute des régionales.
À juste titre, l’ancien Premier ministre Alain Juppé, que personne ne peut accuser de gauchisme, résume ainsi l’opinion générale, dans un entretien au journal Le Monde du 11 avril 2010 :
« La pauvreté et la précarité augmentent, ainsi que le sentiment d’injustice. Cela nous oblige à prendre à bras-le-corps la question du logement, notamment pour les travailleurs pauvres, et à remettre à plat tout notre système fiscal, pour le rendre efficace et plus juste. […] En tout cas, ce que je ne digère pas, c’est le triomphe de la cupidité. » (M. François Marc applaudit.)
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jean Louis Masson. « C’est indécent de voir les bonus, les “retraites chapeau”, toutes ces rémunérations extravagantes qui se chiffrent par millions d’euros et que rien ne justifie, alors qu’on explique par ailleurs qu’il n’est pas possible d’augmenter les bas salaires de 20 euros. » Mes chers collègues, ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est Alain Juppé !
M. Guy Fischer. Il a raison !
M. Jacky Le Menn. Bravo !
M. Jean Louis Masson. Au fond d’eux-mêmes, tous nos concitoyens savent que la France ne dispose pas d’une recette miracle qui lui permettrait de rester le seul pays de l’Union européenne où l’âge de la retraite serait fixé à soixante ans. Toutefois, pour qu’il y ait un consensus sur cette question, il faut que les sacrifices soient répartis équitablement entre tous.
En la matière, une mesure emblématique s’impose : une réforme radicale du bouclier fiscal, lequel ne doit pas continuer à profiter, à plus de 99 %, à quelques milliers de super-privilégiés. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Guy Fischer. Ça va changer !
M. François Marc. La parole est à la défense ! (Sourires.)
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, d’aucuns l’ont souligné, ce débat est rituel. Et l’on comprend parfaitement la constance – ce terme ayant été employé par d’autres, je le reprends également – de ceux qui proposent la suppression du bouclier fiscal : elle justifie d’ailleurs en quelque sorte la nôtre, comme l’a fort justement fait remarquer le rapporteur.
Si ce débat est rituel, je reconnais que les arguments se sont quelque peu renouvelés, notamment dans la forme, et je dois reconnaître que j’ai apprécié certaines interventions. Dois-je préciser, parlant au nom de mon groupe, que l’UMP, qui a défendu le principe du bouclier fiscal, ne saurait aujourd’hui ni se contredire ni renoncer aux principes qui sont les siens ?
Puisque nous en sommes aux principes, je rappelle, à la suite d’Albéric de Montgolfier, dont je tiens à saluer la qualité et la précision du rapport, que le Conseil constitutionnel a estimé dans sa jurisprudence, notamment dans sa décision du 29 décembre 2005, qu’un niveau confiscatoire de l’impôt, représentant une charge excessive par rapport à la capacité contributive, serait frappé d’inconstitutionnalité.
Nous ne pouvons qu’adhérer à l’idée que l’existence d’un bouclier dans l’arsenal fiscal français constitue en quelque sorte la preuve de la responsabilité de l’État. Il s’agit d’un « garde-fou » dans un système fiscal complexe où la superposition de différents impôts peut, dans certains cas particuliers, générer une imposition excessive et contre-productive.
« Trop d’impôt tue l’impôt. » La formule est connue, je n’insiste pas. N’oublions pas que le niveau de prélèvements obligatoires en France est l’un des plus élevés du monde ! Un magazine a publié l’an dernier une étude comparative de la pression fiscale dans cinquante pays du monde qui le démontre.
Le bouclier fiscal à 50 %, c’est l’affirmation d’un principe clair : en France, on ne travaille pas plus de six mois de l’année pour payer ses impôts.
D’ailleurs, le principe même du bouclier fiscal a été institué par un gouvernement de gauche, celui de Lionel Jospin,…
M. François Marc. Nous y voilà !
M. Adrien Gouteyron. ... qui, je le dis au passage, avait aussi baissé la fiscalité sur les stock-options et les taux de l’impôt sur le revenu.
M. François Marc. Mais il y avait de la croissance !
M. Adrien Gouteyron. Ce n’est pas faux.
La France n’est pas le seul pays à appliquer le bouclier fiscal. En Europe, d’autres États l’ont mis en place : l’Espagne, la Finlande, la Suède, le Danemark et l’Allemagne où il existe un bouclier à 50 %. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a ainsi estimé le 22 juin 1995 qu’il était contraire à la Constitution de prélever l’impôt sur la fortune si cela équivalait à prélever plus de la moitié des revenus du contribuable. Nous sommes donc là sur une ligne assez largement partagée et suivie au niveau européen.
M. Roland du Luart. C’est vrai !
M. Adrien Gouteyron. Contrairement à ce que prétend l’opposition, le bouclier fiscal n’est pas un « cadeau » indécent fait aux riches. Je fais remarquer que deux tiers des bénéficiaires déclarent un revenu fiscal inférieur à 13 000 euros. (Mme Marie-France Beaufils s’exclame.) Il est vrai que le tiers restant est celui qui tire le plus grand profit du bouclier fiscal : les chiffres l’attestent.
Mes chers collègues, c’est à travers la progressivité de l’impôt sur le revenu que doit s’exprimer la solidarité des plus aisés à l’égard des plus faibles. Un Français sur deux ne paie pas d’impôt sur le revenu, 10 % des contribuables les plus aisés acquittent 70 % du produit, alors qu’ils déclarent un peu plus du tiers des revenus. Ce principe de progressivité de l’impôt doit absolument être préservé comme fondement intangible de notre système fiscal. Sur ce point, il nous faut être extrêmement vigilants.
Comme d’autres avant moi, je tiens à souligner que, si le bouclier fiscal n’a pas permis, comme on avait pu l’espérer, de rapatrier beaucoup de grandes fortunes en France, il a sans nul doute évité plus d’expatriations. Certes, aucune donnée chiffrée ne vient confirmer cette affirmation, mais nous pouvons légitimement le penser, même si, malheureusement, le nombre d’expatriations a augmenté au cours de la période récente.
M. Roland du Luart. C’est vrai, hélas ! Ça recommence !
M. Adrien Gouteyron. Nous devons être honnêtes et ne pas cacher notre souhait de voir le retour d’un plus grand nombre de nos concitoyens en France.
Le Gouvernement est cohérent. Ce n’est pas contre le bouclier fiscal qu’il faut lutter, mais contre l’évasion fiscale, qu’il faut combattre de toutes nos forces, et contre les paradis fiscaux, en œuvrant pour mettre en place à l’échelon international une politique coordonnée avec les autres États.
D’une manière générale, la stabilité fiscale ne doit pas être mise à mal. Modifier le dispositif du bouclier fiscal sans réformer la fiscalité dans son ensemble reviendrait à créer une insécurité juridique tout à fait dommageable et contre-productive pour notre économie.
Il est vrai qu’il existe dans l’opinion, et même au sein de la majorité, un débat sur le sujet.
M. François Marc. Eh oui !
M. Adrien Gouteyron. Et c’est tant mieux !
Je tiens à saluer ici l’insistance, la persévérance, voire la constance de nos collègues Jean Arthuis, Philippe Marini et Jean-Pierre Fourcade, du rapporteur et d’autres encore qui défendent l’idée d’une indispensable réforme fiscale,…
M. Roland du Luart. C’est ce que souhaite la commission des finances !
M. Adrien Gouteyron. ... fondée sur une trilogie ou une tétralogie dont les termes sont indissociables : abrogation du bouclier fiscal, suppression de l’ISF, institution d’une tranche supplémentaire dans le barème de l’impôt sur le revenu assortie d’une révision du barème d’imposition des plus-values de valeurs mobilières et de biens immobiliers.
M. Adrien Gouteyron. C’est une piste qu’il faut absolument explorer, et je félicite Albéric de Montgolfier de l’avoir rappelé dans son rapport.
Ce débat est notamment alimenté par la nécessité de réduire nos déficits et d’accomplir des réformes structurelles importantes. Il est impossible de prendre le problème par le bout le plus commode et le plus évident.
M. Roland du Luart. Oui !
M. Adrien Gouteyron. Il faut le traiter dans son ensemble.
Ainsi, M. le rapporteur propose des évolutions, qui doivent s’inscrire dans le cadre d’une réforme fiscale plus globale…
M. Guy Fischer. Pour l’instant, ce sont les salaires !
M. Adrien Gouteyron. ... et, surtout, comme cela doit se faire en bonne politique, à l’occasion d’un projet de loi de finances.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À Pâques ou à la Trinité !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Non, à l’occasion d’une prochaine loi de finances !
M. Adrien Gouteyron. Il ne faut pas agir au hasard d’une proposition de loi qui risque de ne pas saisir la pleine complexité du problème et de ne pas y répondre correctement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Roland du Luart. Voilà une intervention courageuse !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Christine Lagarde, qui m’a chargée de participer à sa place à l’examen de cette proposition de loi.
Vous le savez, il faut toujours revenir aux principes fondamentaux. Ce sont ceux-là mêmes qui avaient conduit Michel Rocard en son temps à instaurer le bouclier fiscal. Il s’agit de concilier deux principes essentiels aux termes desquels, d’une part, l’impôt doit être progressif et proportionné aux capacités contributives, d’autre part, l’impôt ne saurait être confiscatoire. C’est le cas avec le bouclier fiscal.
Les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et du parti de gauche ont déposé un texte qui supprime purement et simplement le bouclier fiscal.
Sur la forme, une telle proposition ne devrait pouvoir être débattue que dans le cadre d’un projet de loi de finances. Sur le fond, elle ne nous paraît guère acceptable.
Le bouclier fiscal répond avant tout à un objectif d’équité. Le principe même du bouclier fiscal, c’est que l’impôt ne doit pas être confiscatoire.
M. Bernard Vera. Il n’y a pas de risque !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Je rappelle ici les termes mêmes de la décision du Conseil constitutionnel lors de l’examen de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA » : « dans son principe, le plafonnement de la part des revenus d’un foyer fiscal affectée au paiement d’impôts directs, loin de méconnaître l’égalité devant l’impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». C’est dire si ce principe est tout sauf anodin.
Plusieurs d’entre vous l’ont souligné et je tiens à le répéter avec une force particulière compte tenu des fonctions que m’ont confiées le Président de la République et le Premier ministre : le bouclier fiscal est aussi une condition de l’attractivité de notre territoire. (M. Bernard Vera fait un signe de dénégation.)
M. Thierry Foucaud. C’est faux, vous le savez !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Il nous faut maintenir ce cap si nous voulons attirer des investissements. Vous le savez, la France a la chance d’être le deuxième ou le troisième pays – cela varie selon les années – pour l’attraction de capitaux étrangers en particulier. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Enfin, nous avons absolument besoin de sécurité juridique et de stabilité fiscale.
La stabilité en matière fiscale est impérative, qu’il s’agisse du bouclier fiscal ou de tout autre dispositif. Ce n’est pas en changeant sans arrêt les règles du jeu fiscal que nous serons en mesure de juger de l’efficacité des mécanismes mis en place ou de dresser un bilan global. En outre, sur cette matière, le Président de la République et le Gouvernement ont pris des engagements devant les Français.
J’en viens maintenant à l’aspect fiscal et budgétaire du débat.
Pour certains, la suppression du bouclier fiscal permettrait, comme par magie, de guérir tous les maux de la France...
M. Bernard Vera. On pourrait commencer !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne l’a jamais dit !
M. Guy Fischer. On n’y a jamais cru !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. En réalité, une telle mesure ne résoudrait aucune des difficultés auxquelles nous sommes confrontés.
Sur le plan budgétaire, le bouclier fiscal est un micro-sujet. Il représente un enjeu de 600 millions d’euros,...
M. Thierry Foucaud. On peut le supprimer, alors !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut supprimer tout ce qui est micro !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. … ce qui est sans commune mesure avec l’ampleur du déficit qu’il nous faut résorber. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Il est tout de même curieux de concentrer, par pure démagogie, l’essentiel du débat économique sur un si petit problème ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Robert Hue. Pour les riches qui en bénéficient !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Ce n’est pas en s’attaquant aux 600 millions d'euros du bouclier fiscal que nous résoudrons le problème du déficit de la France, qui se compte, lui, en dizaines de milliards d'euros !
M. Adrien Gouteyron. C’est vrai, hélas !
M. Guy Fischer. Vous le paierez plus tard !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, sur cette question des déficits, faisant écho aux propos de Jean-Pierre Plancade, je considère qu’adopter une approche d’union nationale aurait de la valeur.
Je me félicite de la participation de Jean Arthuis à la Conférence sur le déficit organisée par le Président de la République. En revanche, au nom de tous les Français, je regrette que les partis de gauche, en particulier le parti socialiste, n’aient pas jugé bon de s’y rendre… (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Guy Fischer. C’est de l’affichage !
M. Yannick Bodin. On n’a pas de temps à perdre !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. ... et préfèrent se consacrer à des petits sujets comme celui-là. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Guy Fischer. Ce sont les pauvres et les salariés qui vont payer !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Vous affirmez que le bouclier fiscal « ne profite qu’aux riches ». Il va de soi que le bouclier fiscal instauré par Michel Rocard profite à ceux qui paient beaucoup d’impôt ; c’est l’évidence même.
Mais que l’on cesse de nous faire croire que payer 50 % d’impôt sur son revenu serait un privilège fiscal inacceptable dans un pays où plus de la moitié des foyers fiscaux ne supportent pas l’impôt sur le revenu. (M. Thierry Foucaud s’exclame.)
M. Roland du Luart. Seuls 47 % le paient !
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Je rappelle l’argument invoqué par le Conseil constitutionnel : l’égalité devant l’impôt est un principe d’équité important.
Certains ont regretté un manque de transparence sur certains sujets. Je rappelle que l’administration fiscale, à la demande de Christine Lagarde, d’Éric Woerth et maintenant de François Baroin, a entrepris des efforts en ce sens.
Le Gouvernement a ainsi rendu publiques des statistiques provisoires dès le mois d’avril. On peut difficilement faire mieux ! Dès que les données définitives seront connues, c’est-à-dire dès le mois de juillet, elles viendront alimenter le débat public.
Nous avons également publié les statistiques sur les exilés fiscaux, et nous répondons à toutes les sollicitations du président et du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Leurs homologues du Sénat ont reçu copie de toutes les données transmises.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour revenir sur les propositions alternatives à la suppression du bouclier fiscal, et faire ainsi écho aux propos de Catherine Morin-Desailly.
Sur la forme, cela a été dit, l’examen d’une proposition de loi se prête mal à la discussion de tels sujets, qui sont d’ordinaire rattachés aux projets de loi de finances.
Les propositions alternatives consisteraient pour l’essentiel à supprimer à la fois le bouclier fiscal et l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, et à majorer l’impôt sur les revenus du travail et du patrimoine ; c’est la fameuse « trilogie », ou plutôt « tétralogie », chère au président Jean Arthuis.
Il est vrai que nous sommes presque les seuls en Europe – à l’exception de quelques cantons suisses – à avoir conservé une taxation sur la fortune, ce qui peut avoir des effets négatifs.
Cela étant, nous avons fait beaucoup ces dernières années pour que l’ISF soit un impôt plus juste économiquement. Nous avons par exemple augmenté l’abattement applicable à la valeur de la résidence principale, qui est passé de 20 % à 30 %.
Nous avons également offert aux contribuables la possibilité d’investir une partie des sommes dues au titre de l’ISF dans des petites et moyennes entreprises, sous le contrôle vigilant du Parlement, et en particulier du Sénat. Il faut en effet éviter les abus, ce à quoi nous nous sommes employés, avec M. Albéric de Montgolfier. Cela nous a également permis d’améliorer l’emploi et la solidité de ces entreprises.
À propos du bouclier fiscal, Mme Catherine Morin-Desailly soutenait que le revenu réel était trop éloigné du revenu final pris en compte. Sur ce point, des améliorations ont déjà été apportées, notamment en ce qui concerne les dividendes. Au demeurant, nous pourrons poursuivre notre réflexion dans ce domaine.
Nous ne sommes donc pas figés, et encore moins autistes. Au contraire, nous sommes prêts à engager le dialogue et à débattre.
Au sujet de la fameuse « trilogie » ou « tétralogie », dont Christine Lagarde et François Baroin auront l’occasion de débattre avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, je ferai remarquer que le fait d’exonérer la détention de capital en supprimant l’ISF et de taxer davantage des revenus issus, pour la plupart, du travail ou d’activités en relation avec l’emploi me semble paradoxal.
Serait-il juste de privilégier les rentiers au détriment des actifs ? Cela pose un problème d’équité et je ne doute pas que le groupe Union centriste contribuera au débat de la majorité sur cette question.
En guise de conclusion, je souhaite saluer le sens des responsabilités manifesté par votre assemblée, et spécialement par la commission des finances et la majorité sénatoriale.
Le Sénat est depuis longtemps à la pointe de la réflexion sur les questions fiscales, et notamment sur le bouclier fiscal. Il entend conserver sa position, et il a raison. Nous comptons sur lui pour animer le débat.
Pour autant, j’ai relevé qu’aucun amendement n’avait été déposé sur cette proposition de loi. J’y vois le signe que nous nous entendons sur l’essentiel, c’est-à-dire sur la notion d’équité fiscale.
Le débat est respectable, mais il ne nous paraît pas apporter une réponse crédible aux enjeux majeurs auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, en particulier l’évolution démographique des actifs – aucune proposition n’a été faite sur ce sujet – et le financement des retraites.
En faisant appel à votre sens des responsabilités, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter l’ensemble de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Article 1er
Les articles 1er et 1649 O-A du code général des impôts sont abrogés.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pourquoi cette obstination ? Pourquoi le maintien du bouclier fiscal constituerait-il une « ligne rouge » à ne pas dépasser ? Ne pas le supprimer, c’est bien mal augurer de toute réforme fiscale dans notre pays.
Vous le savez bien, tout mouvement tendant à accroître le produit de l’impôt sur le revenu, de l’ISF ou même des taxes locales – une telle évolution est probable, puisque les difficultés des collectivités territoriales, avec la disparition de la taxe professionnelle, sont à l’ordre du jour – serait simplement l’occasion de permettre aux bénéficiaires du bouclier fiscal de percevoir de la part du Trésor public un chèque plus élevé.
Au moment où l’on nous annonce que le bouclier fiscal pourrait être entaillé pour financer une partie du déficit des régimes de retraite, il convient donc de rétablir la vérité et de rappeler que l’entaille sera légère…
Tous les détenteurs de revenus du capital seraient assujettis à ce prélèvement, et pas seulement la poignée de bénéficiaires du bouclier fiscal.
La mesure qui est envisagée démontre, s’il le fallait, que l’injustice du bouclier est ressentie, même si le Gouvernement ne veut pas encore s’atteler à cette question.
Il ne peut pas y avoir de prélèvements justes ni justement répartis, notamment pour équilibrer les comptes des caisses de retraite, sans la suppression du bouclier fiscal. Décidemment, justice et bouclier fiscal ne vont pas ensemble !
Le bouclier fiscal ne protège pas de l’impôt excessif, il fait simplement obstacle à la justice fiscale et sociale. À la lecture des éléments du rapport, on peut d’ailleurs se demander quel a pu être l’impact de l’intégration dans le bouclier fiscal des prélèvements CSG et CRDS sur le montant des remboursements ordonnancés, ou encore ce qui pourrait justifier aujourd’hui que les collectivités territoriales soient mises à contribution pour la prise en charge du bouclier fiscal.
Permettez-moi d’ajouter quelques éléments de réflexion sur les motivations qui semblent expliquer le maintien du bouclier fiscal.
Le taux maximal d’imposition sur le revenu est de 40 %. Le taux d’imposition des plus-values, prélèvements sociaux compris, est inférieur à 30 %. La taxe d’habitation est plafonnée en fonction du revenu et la taxe foncière fait l’objet, dans de nombreux cas, d’exonérations ou de remises gracieuses des droits. Ce sont donc bel et bien les contribuables soumis à l’ISF qui sont les principaux bénéficiaires visés.
Il n’y a même probablement que cet impôt, à l’exclusion de tout autre, qui soit remboursé aux 7 675 bénéficiaires du bouclier fiscal. Ce seul argument suffit amplement à justifier la suppression pure et simple d’un dispositif qui piétine à ce point la justice fiscale.
Madame la secrétaire d’État, en vous écoutant tout à l’heure, je me posais la question suivante : si les parlementaires de l’opposition ne peuvent pas déposer de propositions de loi, au motif que les dispositions qu’elles contiennent devraient être intégrées à un projet de loi présenté par le Gouvernement, que reste-t-il de l’initiative parlementaire ?
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
Mme Marie-France Beaufils. C’est bien beau d’avoir la possibilité de déposer des propositions de loi ! Mais si nous ne pouvons jamais débattre des questions de fond que nous estimons devoir être abordées, je ne vois pas quel rôle il reste au Parlement ni où se déroule la vie démocratique.
Selon moi, nous avons tous intérêt à ce que le débat ait lieu. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG)
M. Guy Fischer. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, sur l’article.
M. Yannick Bodin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, plusieurs de mes collègues du groupe socialiste sont intervenus tout à l’heure pour s’exprimer sur le fond et donner les raisons pour lesquelles nous sommes opposés au bouclier fiscal. Cette position n’a pas dû apparaître comme un scoop pour l’auditoire présent ce matin dans l’hémicycle.
Madame la secrétaire d’État, je m’appuierai simplement sur un exemple tout à fait récent pour démontrer que le bouclier fiscal est à la fois immoral, peu pratique et inutile.
Les membres de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication se sont réunis hier pour examiner une proposition de loi tout à fait intéressante qui vise à réglementer de manière plus stricte les rémunérations des agents sportifs. Ce texte va dans le bon sens, et nous nous en sommes tous félicités, dans la mesure où ces professions utilisent le sport pour en faire une activité de spéculation financière qui atteint des dimensions proprement scandaleuses.
Alors que certains sportifs font preuve d’une véritable immoralité, rendant nécessaire une réglementation de cette profession, il est tout de même surprenant de constater qu’ils sont protégés par le bouclier fiscal.
Mme Nathalie Goulet. Sans être obligés de marquer des buts, d’ailleurs ! (Sourires.)
M. Yannick Bodin. Est-ce normal ? Est-ce acceptable ?
M. le rapporteur, qui est un collègue tout à fait honorable et charmant,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Ça commence mal !
M. Yannick Bodin. … a fait remarquer que, de toute façon, les agents sportifs en question ne bénéficient pas du bouclier fiscal, puisque aucun d’entre eux ne paie ses impôts en France ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Madame la secrétaire d’État, voilà donc une profession – je ne voudrais pas la stigmatiser, bien que je n’en pense pas moins – qui bénéficie du bouclier fiscal, alors même que la façon dont certains de ses membres s’enrichissent paraît hautement contestable.
Par ailleurs, vous nous répétez depuis des mois que le bouclier fiscal est susceptible de faire revenir en France certains contribuables. Je vous invite à nous en faire la démonstration ! Si un seul de ces agents sportifs décidait de venir payer ses impôts en France, peut-être pourrions-nous commencer à vous donner raison. Mais, pour l’instant, on n’a pas vu le nez d’un seul d’entre eux refranchir la frontière française !
Je voulais simplement, à travers cet exemple,…
M. Guy Fischer. Excellent exemple !
M. Yannick Bodin. … qui a suscité le dépôt d’une proposition de loi à laquelle nous sommes prêts à nous rallier, démontrer que, si le bouclier fiscal n’est pas supprimé, vous le traînerez jusqu’au bout, et nos concitoyens en tireront les conséquences ! N’ayez crainte : ce dispositif est maintenant inscrit dans le subconscient de tous les Français ; ils ne l’oublieront pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’il est préférable, afin d’assurer une meilleure prévisibilité de nos travaux, de s’inscrire sur un article avant le début de la discussion de celui-ci. La conférence des présidents a été très claire et très ferme sur ce point, et je vous demanderai donc d’en tenir compte à l’avenir.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l’article.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, au cours de l’examen d’une autre proposition de loi déposée par l’opposition, j’ai appris, dans le cadre de ma formation continue (Sourires.), que, les deux articles n’ayant pas été adoptés, il n’y avait pas d’explication de vote sur le texte. En conséquence, je n’avais pu m’exprimer. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité prendre la parole sur cet article.
Ce ne sera pas un scoop non plus, je voterai les deux articles.
M. Robert Hue. Très bien ! C’est courageux !
Mme Nathalie Goulet. Je maintiens la position que j’ai déjà maintes fois expliquée, notamment dans le cadre du projet de loi de finances, lorsqu’il a été question de supprimer le bouclier fiscal, ou de taxer les stock-options et les parachutes dorés.
Par ailleurs, rien n’empêcherait le Sénat de voter ce texte en guise d’encouragement à une réforme plus globale,…
M. Robert Hue. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. … qui ne serait évidemment pas applicable immédiatement, la navette permettant d’enliser le texte durant un certain temps.
Adopter cette proposition de loi aurait au moins le mérite de garantir une certaine cohérence et de permettre à Jean Arthuis de convaincre ceux qui ne le sont pas encore de l’intérêt de son triptyque. J’espère en tout cas qu’il aura gain de cause lors de l’adoption de la loi de finances à venir ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Gisèle Printz applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Marc, sur l’article.
M. François Marc. Monsieur le président, rassurez-vous, j’utiliserai mon temps de parole avec parcimonie, pour ne pas prolonger nos débats !
Madame la secrétaire d’État, je tiens à réagir aux propos que vous venez de tenir.
Tout d’abord, contrairement à ce que vous prétendez, la question du bouclier fiscal est loin d’être secondaire. Certes, du point de vue arithmétique, les 700 millions d’euros du bouclier fiscal peuvent paraître bien modestes comparés aux 149 milliards d’euros du déficit de l’État français. Mais, d’un point de vue symbolique, au regard de la justice fiscale, il s’agit incontestablement d’un problème considérable. En ce sens, la proposition de loi de nos collègues visant à supprimer le bouclier fiscal est parfaitement justifiée.
Ensuite, vous avez stigmatisé l’attitude des socialistes, qui ne participent pas aujourd’hui à la conférence sur le déficit. Plusieurs raisons justifiant une telle attitude, permettez-moi de vous en rappeler les deux principales.
La première est toute simple : comme je l’ai expliqué dans mon intervention tout à l’heure, une bonne part des déficits publics est due à la mise en œuvre des décisions prises depuis 2002 en matière de politique fiscale.
M. Robert Hue. C’est vrai !
M. François Marc. Je le répète, le déficit structurel de notre pays s’explique, pour l’essentiel, par une moins-value de recettes fiscales qui atteint 50 milliards d’euros.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. François Marc. C’est votre gouvernement et ceux qui l’ont précédé depuis 2002 qui ont créé le déficit !
M. Guy Fischer. C’est l’incendiaire qui crie au feu !
M. François Marc. Alors, ne venez pas ensuite demander aux autres groupes politiques de jouer les pompiers dans le cadre d’une conférence sur le déficit ! En la matière, les responsabilités sont clairement établies, et nous n’avons pas l’intention de les partager avec vous.
La seconde raison est de même nature : la conférence sur le déficit vise à mettre dans le même panier l’État et les collectivités locales.
Depuis de nombreux mois, on culpabilise les élus locaux, en prétendant qu’ils sont dépensiers et, donc, coresponsables des déficits. Or, cela a été démontré, c’est la baisse tendancielle des dotations de l’État, du fait de la non-compensation des transferts de compétences, qui explique en partie la dégradation de la situation financière des collectivités.
Là aussi, les responsabilités sont connues. Elles légitiment pleinement le comportement de ceux de nos collègues qui ont refusé de s’associer aujourd’hui à la réflexion.
Pour ce qui concerne la proposition de loi, j’ai compris, madame le secrétaire d’État, que vous n’étiez pas très favorable à la « tétralogie », préférant remettre le débat à plus tard, au motif, avez-vous dit, que sa mise en œuvre poserait de multiples problèmes. En fait, conditionner le vote sur le bouclier fiscal à l’adoption d’un hypothétique dispositif qui traiterait de quatre problèmes, voire de cinq, à la fois, c’est se voiler la face, car, vous l’avez vous-même confirmé, jamais le Gouvernement n’acceptera une telle solution !
Dans ces conditions, nos collègues auraient bien tort de s’abriter derrière ce que je qualifierai de digue idéologique et devraient plutôt se rallier au dispositif proposé.
Par ailleurs, l’argument constitutionnel qui a été évoqué me paraît quelque peu fallacieux. La vague du mécontentement est en train de monter, et, là encore, vous essayez de vous abriter derrière des digues bien fragiles. À cet égard, certains de nos collègues ont cité l’exemple de l’Allemagne, que M. Sarkozy a toujours invoqué pour défendre le bouclier fiscal.
Or j’ai le regret de leur dire qu’un tel argument ne tient pas, et ce depuis un spectaculaire revirement de jurisprudence opéré par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Saisis par un ménage qui avait acquitté un impôt direct équivalent à 60 % de son revenu, les juges allemands l’ont débouté, au motif que « le droit à la propriété garanti par l’article 14 de la loi fondamentale ne saurait justifier de limiter à 50 % de manière générale, obligatoire et absolue l’imposition directe des revenus d’un contribuable. »
Ainsi, selon les juges allemands, le fait de consacrer l’équivalent de 60 % de ses revenus au paiement de ses impôts est donc tout à fait acceptable d’un point de vue constitutionnel. La prétendue non-constitutionnalité de cette proposition de loi n’est donc qu’un leurre.
Mes chers collègues, n’attendons pas je ne sais combien d’années que les hypothétiques révolutions annoncées voient le jour et votons dès à présent la suppression du bouclier fiscal ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Après avoir entendu les différents arguments qui ont été avancés, la commission maintient bien évidemment sa position.
À propos de la conférence sur le déficit, je répondrai qu’il n’est pas question ce matin de stigmatiser l’attitude de tel ou tel, mais que la question des déficits et de la stabilité des finances publiques concerne l’ensemble des acteurs de notre pays.
Personne ne peut donc s’exonérer d’un débat sur le sujet, surtout pas les collectivités locales, qui réalisent 73 % de l’investissement public. Dans certaines d’entre elles, on a constaté une augmentation très importante de la fiscalité locale. Or je crois savoir qu’une stabilité des concours versés aux collectivités sera annoncée au cours de cette conférence. Je regrette donc qu’un certain nombre d’acteurs n’y participent pas.
Au demeurant, nous aurons tout loisir de revenir sur l’architecture générale de notre fiscalité au moment de l’examen de la loi de finances. Nous pouvons faire confiance au président de la commission des finances pour nous soumettre des propositions dans ce cadre.
M. Bernard Vera. Pourquoi attendre ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Je le répète, dans une économie ouverte comme la nôtre, on ne peut pas traiter de manière isolée la question du bouclier fiscal. C’est l'ensemble du système fiscal qui doit être étudié.
Ainsi se pose également la question de l’ISF, de l’imposition du patrimoine, que la plupart des pays d’Europe ont supprimée. De ce point de vue, la situation de la France est tout à fait atypique.
Par conséquent, tous les sujets sont liés, car il y va de l’équilibre général des finances publiques. Voilà pourquoi la loi de finances apparaît comme le cadre le plus approprié pour en discuter.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’État. J’ai déjà exposé les raisons pour lesquelles le Gouvernement était défavorable à cet article.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l’article 1er.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le moment n’est-il justement pas venu de faire preuve de courage politique ?
Les mesures de réduction des dépenses publiques, autrement dit la politique de rigueur, ont été présentées à l’Union européenne comme un gage de la bonne volonté de la France. Or toutes ces mesures vont d’abord toucher les populations les plus modestes.
Nous l’avons encore constaté ce matin, de moins en moins de parlementaires sont en mesure de trouver la moindre qualité à ce boulier fiscal. Tout, dans la discussion, dans l’examen des faits et des données, montre qu’il s’agit d’un dispositif profondément inefficace pour notre économie.
Je voudrais tout de même le rappeler, le bouclier entraîne chaque année, pour les comptes publics, une perte de 600 millions d’euros.
Avec une telle somme, nous aurions de quoi faire face à certaines nécessités impératives de l’action publique. Pour ne prendre que quelques exemples, je pourrais citer l’indemnisation des victimes de la tempête Xynthia, la prise en compte des difficultés des agriculteurs confrontés à la chute des cours du lait ou des fruits et légumes ou la participation à la coopération internationale pour Haïti.
En fait, 600 millions d’euros, c’est plus qu’il n’en faudrait pour maintenir la remise exceptionnelle de 150 euros – laquelle, selon certaines annonces, devrait être supprimée – sur le montant de l’impôt acquitté par les 3 millions de redevables modestes qui en ont bénéficié l’an dernier, après le sommet social de février 2009.
C’est aussi plus qu’il n’en faut pour conserver aux indemnités versées à la suite d’un accident du travail leur caractère non imposable, que ces indemnités soient versées pour incapacité temporaire ou permanente de travailler.
C’est sans doute assez pour garantir aux contribuables isolés le bénéfice de la demi-part qui a été mise en cause au travers de mesures n’ayant que peu de rapport avec la justice fiscale, mais bien plus avec la pingrerie et l’étroitesse morale.
M. Guy Fischer. C’est très pertinent !
Mme Marie-France Beaufils. Pour toutes ces raisons, il faut donc supprimer le bouclier fiscal, afin de donner le premier signal, ô combien nécessaire, de l’engagement dans la voie d’une réforme fiscale. Celle-ci se doit de poursuivre un impératif de justice, dont le dispositif de plafonnement des impôts actuellement en vigueur est totalement dépourvu.
Mes chers collègues, adoptons cet article 1er, pour engager, enfin, cette indispensable réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe CRC-SPG et, l’autre, du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 202 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 183 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 2
La présente loi s'applique aux revenus de l'année 2009 et des années suivantes.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’Etat, mes chers collègues, je ferai tout d’abord une petite mise au point concernant les collectivités. En effet, celles-ci ne sont à l’origine que de 10 % de la dette publique, ce qui paraît bien léger par rapport aux dépenses engagées par le Gouvernement.
Si ce dernier avait tenu parole et compensé de façon juste et évolutive tous les transferts des missions de service public qui ont été réalisés, le pourcentage de la dette afférant aux collectivités aurait été diminué de moitié.
Les collectivités n’ont donc pas de leçon à recevoir dans ce domaine, d’autant qu’elles réalisent près de 80 % de l’investissement public civil.
J’en viens maintenant à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Son article 2 dispose que la mesure prévue à l’article 1er aurait vocation à s’appliquer pour 2009, mais aussi les années suivantes. La nécessité d’une telle précision reflète l’autisme durable du Gouvernement en la matière !
Les sénateurs Verts se prononcent résolument en faveur de ce texte tendant à abroger le bouclier fiscal.
Le terme de « bouclier » a d’ailleurs été fort bien choisi ! Au temps des chevaliers juchés sur leurs montures, cet instrument de protection était l’apanage des nobles et des nantis ! Aux fantassins ne restaient souvent que les bâtons et autres piètres objets pour patauger dans la boue…
Ce symbole d’injustice et sa réalité comptable sont de véritables provocations pour ceux qui souffrent : les salariés à temps partiel, les chômeurs en fin de droits et, enfin, toutes les personnes en situation précaire.
À l’inverse, les bénéficiaires du bouclier fiscal sont les auteurs reconnus de tous les maux qui pèsent sur le reste de la population ! Je pense aux grands spéculateurs, aux majors issus de la concentration de la presse, aux grands patrons ayant mené leurs groupes dans des spirales inhumaines d’exploitation des ressources humaines et aux acteurs agissant contre la solidarité et la préservation de l’environnement, que nous n’avons vraiment pas à récompenser !
Les foules en colère des rues d’Athènes nous donnent à voir l’insupportable injustice et interpellent chacun d’entre nous. Aujourd’hui, pour la majorité, s’abstenir devient vraiment une erreur coupable.
Nous soutenons donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Les arguments qui viennent d’être développés n’ont pas modifié la position de la commission. Au demeurant, l’article 2 vise simplement à préciser la période d’application de la proposition de loi. Par ailleurs, nous aurons l’occasion de revenir sur la question de la fiscalité lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011.
La commission est également opposée à cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que, si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les deux articles qui la composent auraient été rejetés.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
M. Jacky Le Menn. Les sénateurs UMP ne sont jamais là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut qu’ils se mobilisent pour le bouclier fiscal. Leur absence est regrettable !
M. le président. Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 203 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà qui est étonnant ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. C’est probablement au centre que cela s’est joué ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Les deux articles de la proposition de loi ayant été successivement repoussés, je constate qu’il n’y a pas lieu de voter sur l’ensemble.
La proposition de loi est rejetée.
Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Service public de la télévision
Discussion d'une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à assurer la sauvegarde du service public de la télévision, présentée par M. Jack Ralite et les membres du groupe communiste républicain citoyen et des sénateurs du parti de gauche (proposition n°384, rapport n°431).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jack Ralite, auteur de la proposition de loi.
M. Jack Ralite, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en rappelant les propos que j’ai tenus ici même le 10 mai dernier. Je le fais notamment parce que, ce jour-là, nous étions peu, très peu même. Or j’aime l’information et la pensée débattues, « disputées ». Je vous sais en attente d’un diagnostic. Le mien, partagé par nombre de parlementaires de tous bords, était le suivant :
Premièrement, le 4 avril 2007, lors de la rencontre « Mon engagement pour la culture » organisée par Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidence de la République, celui-ci déclarait : « Il faut être ambitieux pour notre télévision, et notamment pour les chaînes publiques. C’est un fait, l’audiovisuel public est actuellement sous-financé. »
Deuxièmement, le 21 mai 2008, j’affirmais, devant la commission Copé, à laquelle je participais avec mon collègue Ivan Renar, mais que nous avons quittée : « Au plan financier, la télévision publique n’est pas assurée de son avenir. C’est comme si les parents d’un enfant avaient décidé de ne plus le reconnaître. Aucune entreprise privée n’accepterait la situation faite à France Télévisions. »
Troisièmement, le 3 mars 2009, le Conseil constitutionnel a validé la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, sous la réserve expresse, mentionnée au considérant 19, que la suppression de la publicité sur France Télévisions soit compensée chaque année, sous peine d’affecter son indépendance.
Quatrièmement, le 14 octobre 2009, la Cour des comptes a estimé que « la situation financière actuelle et prévisionnelle du groupe est donc très fragile ».
Cinquièmement, le 7 avril 2010, la nouvelle commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a organisé une table ronde très suivie, et à laquelle j’ai d’ailleurs assisté ; les propos qui y ont été tenus rejoignent, dans leur majorité, mes conclusions.
Sixièmement, le 10 mai 2010, lors du débat sur l’application de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision, notre collègue Hervé Maurey, qui appartient au groupe Union centriste et qui a voté cette loi en 2009, déclarait : « En ce qui concerne la question des financements, qui nous inquiétait voilà un an, la situation est, me semble-t-il, beaucoup moins satisfaisante. »
Ce même jour, notre collègue socialiste David Assouline, qui n’avait pas voté la loi, intervenait fermement sur la situation financière de l’audiovisuel public, incontestablement et gravement fragilisée...
Tout cela explique certainement que les engagements gouvernementaux de créer un comité de suivi de la loi et un groupe de travail sur la modernisation de la redevance n’aient pas été honorés.
Le diagnostic est clair, le financement de la télévision publique ne peut rester en l’état et appelle des décisions immédiates. Car mon propos s’appuie non pas sur des impressions, mais sur des réalités.
Tout d’abord, Bouygues-TF1, malgré un vrai redressement, continue de contester la taxe sur la publicité et a saisi les instances européennes.
Ensuite, l’Europe a tout contesté : la taxe de 0,9 % sur les opérateurs de communications électroniques, qui représente 400 millions d’euros ; la nature de la dotation budgétaire de 450 millions d’euros attribuée, rapporteur. par l’État à France Télévisions en 2009 ; le régime de TVA appliqué à Internet, une taxe qu’elle souhaite voir passer de 5,5 % à 19,5 %, notamment dans le cas des abonnements triple play, ce qui priverait la création audiovisuelle française de 60 millions à 100 millions d’euros ; enfin, l’aide envisagée par l’État pour le développement du global media, sous prétexte qu’il s’agit d’un marché concurrentiel dont les ressources doivent être de caractère privé.
Bref, l’ensemble – j’y insiste – des modalités de compensation de la publicité est contesté. L’État lui-même a réduit de 35 millions d’euros les 450 millions d’euros que nous avions votés, sanctionnant ainsi, au lieu de les récompenser, les performances réalisées par France Télévisions.
Or c’est sur ce terrain financier, entièrement fragilisé – 800 millions d’euros à 1 milliard d’euros sont en question ! –, qu’interviendra le plan dit de « non-rigueur » de MM. Sarkozy et Fillon. Sera-t-il appliqué à France Télévisions en 2011, et comment ? Un exemple : le Sénat a décidé, et il a été suivi, d’une indexation de la redevance. Que va-t-il se passer ?
On nous dit qu’une mission animée par Catherine Morin-Desailly rendra un rapport pourvu de toutes les couleurs, le mien étant pâlot, insuffisant ! (Sourires.) Encore faudrait-il que cette minutie prospective n’ait pas, en d’autres temps, choisi un chemin moins exigeant, voire complaisant !
En effet, comment s’expliquer qu’il faille faire un travail de chercheur, pour envisager, au centime d’euro près, de ne pas supprimer la publicité diurne, alors que, à peine intervenu le vote de la loi, il a suffi au lobby Bouygues-TF1 de quelques interventions autoritairement pleureuses pour que la taxe d’émanation gouvernementale ratifiée par le Parlement passe de 3 % à 1,5 %, puis à 0,5 % ? Et tout cela alors même que TF1 gagnait, en vertu de la loi, une deuxième coupure publicitaire, le passage de l’heure glissante à l’heure d’horloge, une durée de neuf minutes par heure contre sept auparavant, ainsi que la possibilité de racheter deux chaînes de la TNT à des prix défiant toute concurrence !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. Jack Ralite. Comme le disait La Bruyère, au chapitre VI des Caractères, intitulé Des Biens de fortune, « s’il est vrai que les riches soient colères, c’est de ce que la moindre chose puisse leur manquer, ou que quelqu’un veuille leur résister. »
Il y a aussi des personnes qui ne veulent pas revenir sur la suppression totale de la publicité. Étant donné son omniprésence antérieure, qui aboutissait à une insatiable mercantilisation des programmes, on peut s’expliquer ce parti pris. C’est un vieux débat.
À l’article 6 d’une proposition de loi relative à l’audiovisuel enregistrée à la présidence du Sénat le 22 avril 1999, portant ma signature, et élaborée pendant six mois par une trentaine de personnes faisant et aimant la télévision, on peut lire : « les missions spécifiques du service public constituent le fondement d’un financement mixte dont bénéficie le service public de l’audiovisuel.
« Le financement public et pluriannuel du service public de l’audiovisuel est assis sur la redevance et des aides publiques décidées en fonction de contrats d’objectifs conclus entre l’État et le service public de l’audiovisuel. » […]
« Le financement privé du service public de l’audiovisuel repose sur les ressources publicitaires et la création de nouveaux services.
« Afin de garantir l’indépendance et le respect des missions du service public de l’audiovisuel, l’organisme collecteur de ressources publicitaires est séparé des services de programmation […].
« Les clauses contractuelles des contrats de publicité ne peuvent être fondées sur l’audience des émissions mais seulement sur des critères prenant en compte l’heure de diffusion.
« Pour l’ensemble des sociétés de programmes du service public de l’audiovisuel, le temps consacré à la diffusion de messages publicitaires ne peut être supérieur à 5 minutes par période de 60 minutes. La perte de recettes est intégralement compensée par l’État. »
Ainsi, pour les auteurs de cette proposition de loi, qui n’a d’ailleurs eu droit qu’à un examen de trois minutes au Sénat, la publicité participe à un financement croisé qui, plafonné et régulé strictement, devient même partie prenante de la garantie de liberté et d’indépendance dont doit bénéficier l’audiovisuel public.
Mais il faut aller plus loin pour analyser le blocage fondamental que nous connaissons aujourd’hui sur le maintien de la publicité diurne, c’est-à-dire sur les finances de la télévision publique. Pour ce faire, il suffit de rapprocher deux déclarations.
Dans son rapport du 14 octobre 2009, la Cour des comptes, ne se contentant pas d’évoquer la situation financière difficile de la télévision publique, précisait : « Les questions liées au périmètre du groupe, au nombre des chaînes publiques et aux genres qui y sont représentés ne sauraient être exclues de l’évaluation de la réforme […]. »
Dans son livre intitulé Libre, publié en 2001, Nicolas Sarkozy écrivait : « La question du périmètre du service public est, elle, bien réelle. Je suis convaincu que nous ne pourrons maintenir tout à la fois : France 2, France 3, Arte et la Cinquième. Pas moins de quatre chaînes nationales de service public, qui pêchent souvent par un grave déficit de complémentarité et d’identification. Cette abondance quantitative met en jeu la pérennité du service public, car elle se construit au détriment de la qualité, parce que ces chaînes se concurrencent entre elles sur le terrain de l’audience et parce qu’elles s’épuisent à se partager un budget qui n’est forcément pas extensible à l’infini. C’est dans ce contexte que doit être évoquée la question de la privatisation de France 2. »
Sur cette problématique, on peut utilement lire le Livre blanc de TF1, paru à la fin de l’année 2007, le rapport de Danièle Giazzi intitulé Les médias et le numérique, remis, en septembre 2008, au Président de la République, et le livre d’Alain Minc intitulé Le média-choc, publié en 1992, qui traite de la régulation audiovisuelle, qualifiée de « remède de cheval, version droite ».
À la lecture de ces déclarations néolibérales, on peut légitimement se poser la question suivante : la raide résistance constatée ici et là au maintien de la publicité diurne, donc le déficit programmé, assuré, organisé de la télévision publique, ne cache-t-elle pas une volonté de privatisation d’une partie du secteur, sous une forme qui reste à débattre, mais qui pourrait passer par la « coopération entre le privé et le public », pour reprendre une expression aujourd'hui à la mode, pendant que se développe une politique de soutien au déploiement de grands groupes audiovisuels privés français, promus « groupes champions » ?
C’est Jean-Marie Messier, échouant dans une quasi-faillite, qui a montré la voie. À cet égard, je rappelle d’ailleurs à la Haute Assemblée l’opposition de la majorité à toute enquête sur les raisons de la chute de J6M, entraînant, chez Vivendi, la cascade de difficultés que l’on a connue.
Mais, surtout, se précisait alors la définition, aujourd’hui affinée, de la « politique historique », comme la nomme Nicolas Sarkozy, des « champions nationaux », lancée sous le gouvernement Balladur de 1993, à travers la loi Carignon de 1994, que Nicolas Sarkozy, chargé d’exercer les fonctions de ministre de la communication, mit en œuvre durant une année.
L’universitaire Pierre Musso, grand spécialiste de toutes ces questions, commente ainsi cette évolution : « Cela revient à distinguer d’un côté un secteur public géré comme une entreprise, mais connoté par l’emprise politico-étatique, et de l’autre un secteur privé considéré comme un champion partant à la conquête des marchés extérieurs. Le néolibéralisme sarkozien a pour nœud gordien cette nouvelle dialectique de l’État et du marché : un État géré comme une entreprise et des entreprises champions soutenues par l’État néolibéral sur un marché mondialisé. »
Le philosophe Pierre Legendre a bien raison d’affirmer que « la paix gestionnaire est une guerre », dans laquelle « le droit des affaires est une pointe avancée du management. »
Mais je ne résiste pas à illustrer ainsi le compagnonnage État-marché que l’État actuel – Élysée et Gouvernement – s’évertue à cacher, en faisant du marché un deus ex machina, au lieu d’avouer qu’il est quasiment membre du Gouvernement, lequel travaille pour lui, tout en décochant de temps à autre des flèches verbales à son endroit. Je trouve à la limite de l’impudeur la petite phrase gouvernementale rencontrée partout : « C’est pas moi, c’est pas nous, c’est le marché ! » Je trouve cela insultant pour les citoyens !
Je connais mon oncle, ma cousine, mon voisin, beaucoup d’entre vous, chers collègues sénateurs, j’ai même bien connu Georges Marchais, mais je n’ai jamais rencontré le marché, qui n’est pas, comme disait Karl Polanyi dans La Grande transformation, « un état de nature, mais une pure construction de la société ».
Et je fais mienne cette remarque de Myriam Revault d’Allonnes : « Ce qui caractérise le néolibéralisme, c’est que l’économie de marché n’est plus un principe de limitation de l’État, mais le principe de régulation interne de bout en bout de son existence et de son action, en sorte que l’État est sous surveillance du marché et non l’inverse. »
J6M disait adorer cette phrase de René Char : « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. À te regarder, ils s’habitueront. » Non, nous ne nous habituerons jamais !
M. Bernard Vera. Très bien !
M. Jack Ralite. C’est pourquoi nous demandons un vote ! Oui, un vote, et pas une esquive, ce que serait un renvoi en commission, sur le maintien de la publicité diurne et sur cinq autres objectifs garantissant au niveau nécessaire les financements du service public et son indépendance !
À cet égard, j’ai appris ce matin dans le Bulletin quotidien que nous recevons les uns et les autres que l’ancienne directrice de cabinet de M. Sarkozy vient d’être nommée PDG d’une société dont l’essentiel de l’activité concerne la production audiovisuelle. « Indépendance » n’est donc pas un mot coquin ; c’est un mot réel !
Étant donné la gravité de la situation, le maintien de la publicité en journée ne saurait, à lui seul, garantir un service public de l’audiovisuel digne de ce nom. Aussi est-il indispensable de solliciter d’autres leviers de financement.
Cela implique d’agir sur la contribution à l’audiovisuel public en rétablissant l’assujettissement des résidences secondaires à cette contribution ; tel est l’objet de l’article 5 de cette proposition de loi, et vous vous en souvenez, mes chers collègues, le Sénat s’était d’ailleurs prononcé en ce sens.
En outre, notre démarche de sauvegarde du service public de la télévision ne saurait faire l’impasse sur la participation des chaînes de télévision privées, dont le taux de taxation des revenus publicitaires serait porté à 5 %, aux termes de l’article 6 de la proposition de loi. Tout cela implique bien sûr la suspension immédiate de la privatisation de la régie publicitaire, suspension prévue à l’article 3, que le conseil d’administration de France Télévisions a majoritairement, parlementaires compris, et donc sénateur compris, déjà reportée, suivant en cela les décisions du Conseil constitutionnel.
Enfin, et c’est l’objet de l’article 4, l’indépendance décisionnelle, éditoriale et de programmation de la société France Télévisions implique qu’aucune instruction écrite ou orale ne puisse être adressée par le pouvoir exécutif à France Télévisions qui arbitre seul et librement de ses décisions en conseil d’administration, ce dernier désignant seul son président, et il faudra bien revenir un jour sur ce point.
C’est pourquoi nous demandons un vote : oui, un vote osant une télévision publique dont le sens profond est de se libérer des seules règles d’un jeu qui ne serait qu’économiquement profitable et socialement tolérable ; une télévision publique qui se nourrit de valeurs à l’heure exacte de la conscience, qui ne laisse aucun problème sur la touche, qui va au-devant des désirs et plaisirs, des savoirs et vouloirs des citoyens et des créateurs. Cette télévision veut que la pensée et l’imaginaire ne restent pas à quai, qu’ils gagnent la haute mer, là où le vent est favorable à l’aventure humaine, dont la télévision est partie prenante dès qu’elle n’a pas l’imprudence – ou l’impudence – de mépriser les rêves, qu’elle choisit autre chose que la morale du présent asservissante de l’énergie d’avenir, qu’elle refuse d’ignorer que « la pensée, avant d’être œuvre est trajet », et que « l’universel, c’est le local sans les murs ».
Nous voulons contribuer à donner un départ nouveau à la télévision, à l’image de ce que disait Arthur Rimbaud : « J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse. » (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous donne de nouveau la parole, mon cher collègue, en votre qualité de rapporteur.
M. Jack Ralite, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, je vais donc m’exprimer maintenant en tant que rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la proposition de loi du CRC-SPG, visant à assurer la sauvegarde du service public de la télévision.
Je dois tout d’abord dire que la majorité de la commission n’a pas adopté cette proposition de loi pour deux raisons principales.
En premier lieu, la commission déclare attendre le rapport de contrôle budgétaire de la télévision qu’elle élabore actuellement de concert avec la commission des finances.
Permettez-moi d’observer au passage que la commission des finances intervient de plus en plus souvent dans la vie des autres commissions. Nous avons pu le constater lors de la discussion de l’amendement visant à instaurer ce que l’on a appelé la « taxe Google », retiré en séance par son auteur ? le rapporteur général du budget ; nous avons également pu le constater avec le rapport rédigé par le Sénat, à la suite duquel on a pu lire dans la presse : le Sénat aime Google. Je puis vous assurer que nombre d’élus dans cet hémicycle, en tout cas à ma gauche, ne sont pas d’accord avec Google.
En second lieu, certains membres de la commission sont attachés à la suppression totale de la publicité sur tous les écrans de la télévision publique.
Telle est ma première observation, qui relève du simple constat. J’en ferai d’autres, graves, sur la procédure d’examen des propositions de loi en général, et de cette proposition de loi en particulier, car c’est en effet sur cette procédure que s’est appuyée la majorité de la commission des affaires culturelles pour exprimer son désaccord.
Il est normal qu’une proposition de loi soit rapportée par un parlementaire de même sensibilité que ses auteurs. Pourtant, l’expérience que je viens de vivre a fait chanceler cette évidence, tant l’organisation qu’implique la procédure d’examen des propositions de loi issue de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 est alambiquée ou, si je me place sur un autre registre, a une nuance comique.
Je me souviens, vous aussi sans doute, que Roger Karoutchi, alors ministre des relations avec le Parlement, nous vantait le « bouger » constitutionnel : « C’est une révolution ! », répétait-il, en refroidissant le mot.
J’ai consulté le parcours législatif offert aux propositions de loi, que l’on trouve dans les pages des guides pratiques d’application de la révision constitutionnelle du Sénat. Sous l’intitulé « Les nouvelles compétences de la conférence des présidents », on peut lire : « Les groupes de l’opposition et les groupes minoritaires peuvent demander – c’est un droit de tirage – l’inscription d’un texte dans le cadre du jour de séance qui leur est réservé, une fois par mois et selon les modalités fixées par la conférence des présidents. »
Ainsi que l’ont rappelé les présidents de séance du 26 mars et du 30 avril 2009, « conformément à un accord conclu entre les présidents de groupe et de commission – acté par la conférence des présidents –, les propositions de loi ou de résolution inscrites à l’ordre du jour réservé sont discutées sur la base du texte initial, sauf souhait contraire du groupe politique intéressé ».
« Par ailleurs, même en cas de désaccord de la commission sur l’ensemble de la proposition de loi ou de résolution, celle-ci doit être examinée par le Sénat en séance publique, article par article, sans qu’une question préalable ou une exception d’irrecevabilité puisse être déposée. »
C’est ce droit de tirage que le groupe CRC-SPG applique scrupuleusement. Or, la commission a décidé, tout en marquant une certaine sympathie pour une partie de mon propos, qu’il y avait lieu à un renvoi du texte à la commission. Autrement dit, il y aura un court débat, mais il n’y aura pas de vote, c’est-à-dire pas d’acte, alors que tout y appelle urgemment, comme je l’ai démontré dans ma présentation de la proposition de loi.
Face à cette situation, pour moi imprévisible, j’ai interrogé certains collègues, au premier rang desquels Thierry Foucaud, qui vient de présenter une proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal. Lui a eu droit à un débat et, surtout, à un vote, grâce, selon l’expression de M. Arthuis, à « la courtoisie sénatoriale ». (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Tiens, tiens, ma proposition de loi est privée de porte de sortie tandis que celle de Thierry Foucaud en bénéficie ! (Nouveaux sourires.) Mais ne craignez rien, nous ne sommes pas divisés.
Et puis, je me suis entretenu avec Isabelle Pasquet, qui était intervenue sur la proposition de loi relative à la création des maisons d’assistants maternels, discutée le 14 janvier 2010, dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe de l’Union centriste. Elle m’a indiqué qu’elle avait envisagé de présenter une motion tendant au renvoi du texte à la commission, mais qu’elle y avait renoncé parce que, lui avait-on fait comprendre, « ce n’était pas l’usage » et « ce n’était pas conforme aux accords passés collectivement entre présidents de groupe et de commission, actés par la conférence des présidents ». Cela revenait, sans le dire, à rejeter le renvoi à la commission.
Je me suis trouvé alors comme « un skieur au fond du puits » ! Qu’avait donc ma proposition de loi pour ne mériter ni la courtoisie sénatoriale ni le bénéfice du consensus d’usage ? (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Était-elle un coup de pioche, un moteur à explosion ? J’ai donné ma langue au chat ! On a alors répondu au membre de la commission des affaires culturelles que je suis depuis quinze ans, d’une part, que le renvoi à la commission n’était pas interdit par écrit et, d’autre part, qu’il y aurait un vote, mais plus tard, peut-être lorsque la mission de contrôle budgétaire commune aux deux commissions de la culture et des finances aurait achevé son étude.
En fait, dans la déclaration de la conférence des présidents relative aux propositions de loi, il y a un non-dit consensuel dont le résultat peut être – l’expérience est là – la dilution de l’opposition, l’effacement de ses effets d’intervention, sans que soit exercée la moindre contrainte. Le texte de l’alinéa a été tellement comprimé qu’il peut n’en ressortir qu’un sage alignement.
Eh bien, je ne me suis pas aligné ! J’ai refusé de présenter la motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi, c’est-à-dire que je n’ai pas accepté de dire une chose et son contraire. Ajouterai-je que l’on peut lire, dans le compte rendu intégral de la séance du 26 mars 2009, à propos de la première application de la journée mensuelle réservée aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires, que « les présidents de groupe et de commission se sont accordés au sein de la conférence des présidents pour ne pas adopter de “conclusions négatives” qui couperaient court à la discussion des articles ».
Je remercie donc le président Legendre de s’être substitué à moi pour défendre la motion tendant au renvoi à la commission. C’était une question d’honnêteté de sa part et de la mienne. Je le dis comme je le pense, et avec force : il faut ajouter au texte de la conférence des présidents que les propositions de loi ne peuvent pas faire l’objet d’un renvoi à la commission.
C’est précisément le sens du courrier que Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente de notre groupe, a adressé au président Larcher. Ce dernier lui a répondu, le 18 mai, par une lettre dont je ne citerai qu’une phrase : « La question de principe mise en évidence par votre courrier, est, à mes yeux, du plus grand intérêt. C’est pourquoi il me paraîtrait utile, si cela recueillait votre assentiment » – je suis sûr qu’il est acquis – « que cette question puisse être soumise à notre groupe de travail sur la réforme de notre règlement. »
Plus généralement, de quoi a-t-on eu peur lorsque le vote a été mis de côté en commission ? Je ne parviens pas à partager ce refus de vote qui, dans les faits, revient à dire que la question ne sera pas posée aujourd’hui. Je considère qu’il s’agit d’une restauration du fait majoritaire dans une démarche censée définir les droits de l’opposition parlementaire. J’ai dit « censée » et non « censure » ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de l’audiovisuel public, lancée par le Président de la République, est à mes yeux essentielle et son enjeu va bien au-delà de la seule « sauvegarde » de notre audiovisuel public, car la loi du 5 mars 2009 permet non seulement sa pérennisation, mais également son renouveau, et même sa refondation.
Sur l’initiative de la Haute Assemblée, nous avons, voilà dix jours, esquissé ici même un premier bilan de la mise en œuvre de cette loi, et je voudrais, pour commencer, vous restituer les principales conclusions que j’en tire.
Je note, tout d’abord, que la suppression de la publicité en soirée a libéré le service public de la contrainte de l’audience commerciale. Cette suppression était nécessaire à l’approfondissement du virage éditorial – qui était en gésine, comme l’avait rappelé M. Assouline – engagé par les dirigeants de France Télévisions, que je tiens à saluer de nouveau.
La télévision publique renoue ainsi avec une exigence culturelle qui correspond à sa vocation première. Et nous ne pouvons tous que nous féliciter, par exemple, qu’aient été présentées en mars dernier, en première partie de soirée sur France 2, Les Fausses Confidences de Marivaux, dans l’excellente mise en scène du théâtre de la Commune d’Aubervilliers, réunissant près de deux millions de téléspectateurs ! Car, si les perspectives de recettes publicitaires pesaient encore sur leurs choix de programmation, les dirigeants de France Télévisions auraient-ils véritablement la liberté de renouveler ce type d’expérience, sachant que deux millions de téléspectateurs représentent seulement – si j’ose dire ! – 9,6 % de parts d’audience, contre les 15,8 % que France 2 a atteints en moyenne ce mois-là ? Ainsi, la notion perverse et la tyrannie de l’audimat ne représentent plus la même contrainte qu’autrefois. J’ajoute que des résultats d’audience similaires ont été obtenus lors de la diffusion de la pièce Colombe, de Jean Anouilh, voilà quelques jours.
Certains considèrent, tout en reconnaissant l’avancée pour la liberté éditoriale que constitue la suppression de la publicité en soirée, que nous pourrions, et même que nous devrions, en rester là. Je pense, au contraire, que l’idée de libérer totalement la télévision publique de la contrainte de l’audience commerciale est toujours la bonne, notamment sur le créneau stratégique du début de soirée, entre 18 et 20 heures.
Par ailleurs, je le rappelle, la suppression de la publicité est largement reconnue par les téléspectateurs. En ce sens, il me semble que France Télévisions a très bien réussi à marquer sa différence par rapport à la télévision privée, et qu’il y a là un encouragement à continuer résolument dans cette direction.
Je tiens également à revenir sur un sujet que je sais un peu sensible, mais qui, à mes yeux, n’a rien de tabou : celui des éditeurs privés de télévision, notamment des nouvelles chaînes de la TNT. Leur développement est essentiel, à la fois parce qu’il contribuera au pluralisme de l’offre et parce qu’il apportera à la création française des ressources financières supplémentaires.
En effet, comme vous le savez, les chaînes de télévision financent massivement notre création dans le cadre d’obligations fixées par la réglementation, sur la base de leur chiffre d’affaires, et il faut à l’évidence maintenir ce dispositif vertueux. Pour cela, il est hautement souhaitable que le financement de l’audiovisuel soit clarifié, c’est-à-dire que la télévision publique soit financée par des fonds publics, et la télévision privée par la publicité.
Voilà les raisons pour lesquelles le Gouvernement estime que la réforme doit être menée jusqu’à son terme et que la publicité commerciale doit disparaître des services nationaux de France Télévisions, y compris en journée.
Cela étant posé, je tiens à répondre point par point aux éléments qui vous inquiètent, monsieur le sénateur, et qui vous ont conduit à déposer cette proposition de loi.
Concernant l’indépendance de France Télévisions, tout d’abord, et plus particulièrement la procédure de nomination de son président, la loi du 5 mars 2009 et la loi organique adoptée le même jour ont modifié la procédure de nomination de ce dernier et, plus largement, celle des présidents des sociétés nationales de programmes. Par ces nominations, il s’agit pour l’État actionnaire d’assumer ses responsabilités, et c’est précisément ce qu’a souhaité le Président de la République.
Cette nouvelle procédure de nomination offre de nombreuses garanties. En particulier, la nomination par décret du Président de la République ne peut intervenir qu’après avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel et après avis des commissions parlementaires chargées des affaires culturelles dans chacune des deux assemblées.
Elle a été une première fois mise en œuvre avec la nomination de M. Jean-Luc HEES à la présidence de Radio France par un décret en conseil des ministres du 7 mai 2009. Vous y avez d’ailleurs été étroitement associés comme le prévoit la loi. Cette nouvelle procédure a fait ses preuves, puisqu’elle a abouti à la nomination d’un professionnel aux compétences incontestées et force est de constater que l’indépendance des sociétés nationales de programmes concernées n’est aucunement entamée, comme l’a d’ailleurs confirmé le Conseil constitutionnel.
La même sérénité et le même sérieux entoureront le choix de la personne appelée à assurer la prochaine présidence de France Télévisions. Aussi, lorsque j’entends ou lis ça et là que les jeux seraient faits et que le successeur de M. de Carolis serait connu, je suis étonné. C’est faire peu de cas du Parlement et du Conseil supérieur de l’audiovisuel !
Je souhaite, à ce sujet, souligner deux points tout à fait clairs. En premier lieu, je tiens à vous assurer de mon total accord avec le Président de la République quant à la prochaine présidence de France Télévisions. Notre ambition est la même et nous sommes déterminés à ce qu’un professionnel accompli conduise France Télévisions vers la télévision du XXlème siècle, portant haut les valeurs fondamentales et l’excellence du service public. En second lieu, vous, parlementaires, serez étroitement associés à cette future nomination qui constitue un choix fondamental pour l’avenir de notre audiovisuel public.
J’en viens maintenant à la garantie du financement de France Télévisions, qui suscite également vos inquiétudes.
Vous avez raison d’estimer que l’indépendance de France Télévisions est liée aux garanties et à la visibilité dont disposeront les dirigeants sur le financement.
Ces garanties et cette visibilité sont justement assurées par la loi, puisque, parallèlement à la suppression de la publicité, le mode de financement de France Télévisions a évolué : pour compenser la perte des recettes publicitaires, le législateur a en effet prévu que la dotation issue de la contribution à l’audiovisuel public, c’est-à-dire l’ex-redevance, soit désormais complétée par une dotation issue du budget général de l’Etat.
Cette évolution me semble rationnelle, raisonnable et, pour tout dire vertueuse, d’une part, parce que le remplacement d’une recette publicitaire incertaine par une recette publique assurée constitue un facteur indiscutable de sérénité financière et éditoriale pour France Télévisions, et, d’autre part, parce que le financement de la réforme est bel et bien prévu : le montant de la ressource publique à prévoir pour les années 2009 à 2012 figure noir sur blanc dans le plan d’affaires de l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens conclu entre la société publique et l’État. II tient compte de l’ensemble des paramètres, parmi lesquels la suppression de la publicité en soirée en 2009 ainsi qu’en journée à partir de la fin de l’année 2011.
J’en profite pour rappeler que la loi prévoit la suppression totale de la publicité sur France Télévisions au moment où la France aura entièrement basculé dans la télévision numérique, c’est-à-dire, justement, fin 2011. Cette date n’a pas été choisie au hasard : l’extinction totale de la diffusion analogique permettra de réaliser des économies importantes sur les coûts de diffusion, qui limiteront d’autant le besoin de financement complémentaire apporté par l’État.
Quant à la révision de la dotation budgétaire de France Télévisions en 2009, permettez-moi de vous apporter quelques précisions. France Télévisions, la Commission pour la télévision publique et le Gouvernement ont évalué en 2008 à 450 millions d’euros la dotation budgétaire destinée à compléter le financement de France Télévisions. Le plan d’affaires pour 2009-2012, finalisé en mai 2009, a repris ce montant au regard des estimations de recettes publicitaires.
Or il est apparu, au cours de l’année 2009, que les recettes réellement encaissées dépassaient largement les prévisions. La révision de la dotation budgétaire de France Télévisions est donc tout ce qu’il y a de plus logique et relève d’une gestion saine et responsable des deniers publics, qui sait tenir compte des autres besoins de l’audiovisuel. Cette réduction s’est faite dans le respect de l’indispensable retour à l’équilibre de France Télévisions : la société a ainsi terminé l’année 2009 avec un résultat positif, alors que ce retour à l’équilibre opérationnel n’était initialement prévu que pour 2011.
Le troisième sujet d’inquiétude que vous avez exprimé n’est pas davantage fondé, me semble-t-il. Il concerne le dynamisme de la contribution à l’audiovisuel public.
Bien que la dotation budgétaire complète désormais le financement de France Télévisions, la majeure partie de ce financement continue à provenir du produit de la contribution à l’audiovisuel public. C’est pourquoi je partage pleinement l’attention que vous lui portez et je me félicite d’ailleurs du travail de la mission lancée par le Sénat sur l’adéquation du financement de France Télévisions à ses moyens. Comme vous, je suis extrêmement attentif aux déterminants de l’ex-redevance audiovisuelle : assiette de la contribution à l’audiovisuel public, montant, champ des bénéficiaires, etc. Là encore, les faits sont tout à fait clairs : la contribution à l’audiovisuel public a été rehaussée de deux euros en janvier 2010 et elle est indexée sur l’inflation depuis 2009.
Ces mesures lui assurent une solidité et un dynamisme qui garantissent à notre audiovisuel public un financement fort et pérenne : les recettes globales du compte de concours financiers, alimenté par la contribution à l’audiovisuel public, ont progressé de 3,7 % entre 2008 et 2009 et devraient connaître une nouvelle progression de 4,3 % en 2010 et de 3 % les trois années suivantes.
Un philosophe disait que le mouvement se prouve en marchant : je vous ai à la fois montré le mouvement, la progression des ressources de l’audiovisuel public, et vous en ai indiqué les raisons, claires et distinctes : tous ces éléments sont – je crois – de nature à vous rassurer quant au dynamisme, actuel et à venir, de ces ressources.
Vous vous souciez, enfin, des taxes créées par la loi du 5 mars 2009.
Je vous répondrai d’emblée qu’il n’y a pas de lien d’affectation entre le financement budgétaire de France Télévisions et lesdites taxes, puisque le financement de France Télévisions, sur lequel se concentre à juste titre notre attention aujourd’hui, n’est pas soumis à leur évolution.
J’en profiterai néanmoins pour souligner deux points importants concernant ces deux taxes.
La taxe sur la publicité télévisée a vu son taux réduit en 2009 en raison des difficultés économiques du secteur, mais elle demeure, en dépit de cette réduction conjoncturelle.
Quant à la taxe sur le chiffre d’affaires des opérateurs de communications électroniques, elle fait l’objet d’une discussion avec la Commission européenne, dont nous contestons les griefs notifiés à ce sujet. En tout état de cause, je le répète, il n’existe pas de lien entre cette taxe et le financement budgétaire de France Télévisions.
Tous ces éléments, je l’espère, sont de nature à vous rassurer quant à l’avenir serein de la télévision publique, auquel je suis, vous le savez, particulièrement attaché. La loi a été votée il y a un an. Nous ne sommes qu’à la moitié du chemin, et nous devons mener cette réforme jusqu’à son terme. Ses conséquences, notamment financières, sont parfaitement prises en compte. Ce dont France Télévisions a besoin aujourd’hui, tout comme l’ensemble du secteur audiovisuel, c’est de stabilité législative et réglementaire : c’est précisément ce que lui garantit la loi.
Alors, dans ce cadre, renoncer à l’ouverture du capital de la régie de France Télévisions serait tout à fait contre-productif et pénaliserait les salariés de la régie.
Ne rien faire pour France Télévisions Publicité, ce serait laisser dépérir un outil industriel performant et mettre dans une situation délicate des équipes solides et compétentes. Seul le développement de l’activité de la régie est à même de limiter les effets d’une douloureuse restructuration.
À cette fin, France Télévisions a fait le choix d’ouvrir le capital de la régie à un partenaire industriel. Le Gouvernement approuve logiquement ce choix responsable.
Outre l’avenir des salariés de France Télévisions Publicité, ce sont les moyens dont pourra disposer France Télévisions qui m’importent. Or, renoncer à l’ouverture du capital de la régie mettrait également en péril les perspectives de ressources commerciales qui subsisteront après la fin de l’année 2011 : la publicité régionale, le parrainage, la publicité sur Internet. Leur développement ne pourra s’appuyer que sur une régie forte et dynamique, c’est-à-dire ouverte à de nouveaux horizons industriels.
Je vous rappelle enfin que la décision d’ouvrir le capital de la régie ne relève aucunement d’une demande de l’État. Elle a été prise par la direction de France Télévisions elle-même et approuvée par son conseil d’administration, où siègent à la fois des représentants de l’État, des parlementaires, des personnalités indépendantes nommés par le CSA et des représentants du personnel, et dont le rôle est de veiller aux intérêts de l’entreprise. Il s’agit là d’un processus parfaitement transparent. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Muller. On verra !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Pour conclure, je tiens à rappeler que le mouvement de suppression de la publicité en journée sur France Télévisions, dont nous débattons aujourd’hui, fait – comme il se doit – l’objet d’un processus d’évaluation, prévu par le législateur. Ainsi, avant que la suppression ne soit effective, le Gouvernement devra remettre au Parlement, au plus tard le 1er mai 2011, un rapport sur l’impact de la fin de la publicité en soirée, qui permettra d’en établir le bilan.
Pour l’ensemble de ces raisons et compte tenu du travail engagé par les sénateurs dans le cadre de la mission sur l’adéquation du financement de France Télévisions à ses moyens, le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous tous, j’ai écouté attentivement l’exposé de notre collègue Jack Ralite relatif à la proposition de loi visant à assurer la sauvegarde du service public de la télévision, qu’il a déposée le 6 avril dernier. Je crois que nous avons tous à cœur d’assurer la sauvegarde du service public de la télévision ; cet objectif commun avait d’ailleurs mobilisé nombre d’entre nous l’année dernière sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Mais, plutôt que « sauvegarder », je préférerais utiliser les mots « pérenniser et développer ». Telle était, me semble-t-il, notre ambition. Sinon, je vous assure que je ne me serais pas autant battue, aux côtés de Michel Thiollière, pour faire admettre l’indexation et la revalorisation de la redevance. Une fois encore, je vous remercie de nous avoir soutenus dans ce combat, mes chers collègues.
La pérennité et le développement de France Télévisions reposent, bien entendu, sur des financements adéquats – je vous rejoins complètement sur ce point, monsieur Ralite –, mais aussi sur une gestion stratégique de ceux-ci, sur une différentiation accrue de l’offre du service public par rapport à ses concurrents, sur sa capacité à muter rapidement en média global. Dans un paysage audiovisuel qui s’est considérablement diversifié ces dernières années, notamment avec l’arrivée des chaînes de la TNT, face aux nouvelles pratiques générées par le boom de l’internet et les innovations technologiques, la télévision publique doit non seulement se moderniser, mais également se singulariser, en développant une offre éditoriale originale, de qualité et attractive qui lui permettra d’être l’un des grands vecteurs de la « culture pour chacun », comme vous aimez l’affirmer, monsieur le ministre. Là résident avant tout les conditions de sa survie, mon cher collègue, pour reprendre votre expression.
Mais il faut également avoir une vision globale des défis à relever, lesquels ne sont pas exclusivement financiers. C’est pourquoi nous avons adopté la loi du 5 mars 2009, dont certaines dispositions permettent à France Télévisions de réaliser cette adaptation, que le président Patrick de Carolis avait de lui-même sagement engagée.
C’est donc cet ensemble d’objectifs qu’il ne faut pas perdre de vue si l’on souhaite voir aboutir cette réforme qui, si elle est désormais bien engagée, reste encore au milieu du gué. Soucieux de la réussite de la réforme, le groupe centriste a jugé bon qu’un débat sur sa mise en œuvre soit organisé dans le cadre de la semaine réservée au contrôle parlementaire. Nous, centristes, sommes en effet très attachés au rôle du Parlement en matière de contrôle de l’action gouvernementale, rendu possible par la réforme de la Constitution d’août 2008.
Vous reconnaîtrez, monsieur Ralite, que, comme vous, nous jouons pleinement notre rôle, et que nous avons réaffirmé sans complaisance nos exigences quant aux mesures non appliquées et aux promesses non tenues. Je pense notamment au comité de suivi, composé de quatre députés et quatre sénateurs, ainsi qu’au groupe de travail sur la modernisation de la redevance. À ce propos, pourriez-vous nous apporter aujourd’hui la réponse que nous n’avons pu obtenir le 10 mai dernier, monsieur le ministre ?
Nous avons aussi exposé nos préoccupations devant l’incertitude qui pèse sur les taxes que vous avez largement évoquées, même si elles ne sont pas directement affectées. Je vous prends à témoin, monsieur le ministre : mon collègue Hervé Maurey a évoqué la taxe sur les fournisseurs d’accès à internet ; j’ai quant à moi souligné que l’effet d’aubaine escompté pour les chaînes privées n’avait pas été au rendez-vous ; j’ai tout comme vous, parce que nous sommes des élus responsables, exprimé mes inquiétudes sur les modalités de financement du groupe France Télévisions dans un contexte économique dégradé par la crise.
C’est pourquoi, en tant que rapporteur, j’ai aussi tenu à vous rappeler les précautions que nous avions prises, avec mon collègue Michel Thiollière, au nom de la commission, pour pouvoir ajuster le cas échéant le modèle économique de l’audiovisuel public après observation de la mise en œuvre de la réforme dans sa première phase. Je redis, comme nous l’avions affirmé à l’époque, que la clause de revoyure introduite à l’article 18 par notre collègue Christian Kert constitue un garde-fou.
Conformément à ce que nous écrivions, je me penche aujourd’hui avec mon collègue de la commission des finances Claude Belot sur « les effets culturels et financiers de la diminution de la publicité sur le service public ». Car, si le comité de suivi que nous avions fait inscrire à l’article 75 de la loi n’a, hélas, pas été mis en place, la commission de la culture – j’en profite pour remercier son président Jacques Legendre, qui a fait preuve d’une grande réactivité à cette occasion – a, dès le mois de novembre dernier, décidé de mettre en place une mission de contrôle sur l’adéquation des moyens de France Télévisions à ses missions. Je précise, monsieur Ralite, que cette demande émane exclusivement de la commission de la culture, laquelle ne se trouve aucunement sous la domination de la commission des finances.
Le travail que vous m’avez confié, mes chers collègues, est l’occasion d’un bilan d’étape précis de la réforme. Étant donné le contexte, il ne saurait être bâclé. Alors que vous avez maintes fois dénoncé l’urgence dans laquelle nous légiférons bien souvent, monsieur Ralite, je ne vois pas pourquoi il faudrait tout à coup, sans éléments tangibles d’appréciation, se précipiter pour modifier une loi votée voilà tout juste un an.
Si la situation de France Télévisions reste fragile, comme l’a souligné le rapport de la Cour des comptes, elle n’a pas non plus pris la tournure dramatique que vous lui prédisiez et que vous estimez voir se réaliser aujourd’hui, monsieur Ralite, laquelle pourrait éventuellement justifier votre proposition de rétablir la publicité après vingt heures. Rappelons qu’en 2009 le financement de France Télévisions a été suffisant pour que le groupe soit à l’équilibre et que, pour 2010, la contribution à l’audiovisuel public et la dotation de l’État ont assuré l’augmentation des ressources prévues par le contrat d’objectifs et de moyens. Je veux aussi souligner que le virage éditorial dont chacun se félicite aujourd’hui a été favorisé par la suppression de la publicité après 20 heures.
Pour autant, nous devons rester prudents, ne pas faire d’autosatisfaction et étudier avec davantage de précision la situation financière de France Télévisions, pour accompagner jusqu’au bout deux chantiers majeurs de la réforme qui, en définitive, conditionnent tout le reste : l’entreprise commune et le média global. Il faut aussi, comme le recommande la Cour des comptes, « préserver l’équipe dirigeante des atermoiements et revirements qui ont affecté la stratégie de l’entreprise au cours des dernières années ».
Il n’y a pas lieu de crier au loup aujourd’hui et de remettre en cause le calendrier que nous nous étions fixé pour aborder dans de bonnes conditions l’échéance de la clause de revoyure, prévue en mai 2011. S’il est important, en effet, que les décisions pour l’avenir de la régie publicitaire soient prises – je me suis renseignée, elles devraient l’être au plus tard fin 2010 –, on notera que, dans l’attente, nos deux collègues Michel Thiollière et Christian Kert, administrateurs de France Télévisions, ont pris toutes les garanties pour que la réflexion se poursuive, en ne votant pas sa privatisation.
En tout état de cause, les décisions relatives au financement de l’audiovisuel ne se prendront pas avant la prochaine loi de finances, c’est-à-dire avant la fin de l’année. En conséquence, à moins qu’on ne cherche, ce qui serait fort peu courtois, à court-circuiter sciemment le travail de fond que nous menons, Claude Belot et moi, et qui doit aboutir avant la fin de la session parlementaire, il me paraît raisonnable de différer l’examen de cette proposition de loi, en renvoyant celle-ci en commission. Cela ne remettrait nullement en cause votre propre travail, mes chers collègues, dont nous partageons d’ailleurs certaines des orientations.
Monsieur Ralite, vous reconnaissiez d’ailleurs vous-même en commission, le 4 mai dernier, que le rapport d’information de M. Belot, réalisé en 2000, portait un diagnostic très fin sur l’avenir de l’audiovisuel public. Ne pensez-vous donc pas qu’il serait pertinent d’attendre un peu plus d’un mois pour obtenir un nouveau diagnostic qui, puisqu’il émane du même auteur, ne devrait pas non plus manquer de finesse ?
Au risque de paraître un peu terne, je préfère la rigueur de la démonstration aux effets de manche. J’estime qu’avant de voter de nouvelles dispositions les parlementaires doivent pouvoir prendre connaissance de toutes les informations et de tous les chiffres nécessaires pour prévoir au plus juste les besoins et ressources du groupe public. Je tiens d’ailleurs à votre disposition la liste de la soixantaine de personnes que j’ai d’ores et déjà auditionnées avec mon collègue, ainsi que celle des travaux en cours et à venir. Ne prenons pas le risque de voter aujourd’hui des articles qui, sans plus de précisions, suscitent en moi des interrogations !
Je prendrai quelques exemples.
J’ai déjà eu l’occasion de commenter l’article 2, qui porte sur l’éventuel retour de la publicité après 20 heures.
En ce qui concerne l’article 3, il me semble difficile de statuer définitivement sur la vente de la régie publicitaire tant que nous n’avons ni confirmé ni infirmé la suppression totale de la publicité sur les chaînes de France Télévisions avant 20 heures.
À l’article 5, vous suggérez d’élargir l’assiette de la contribution audiovisuelle aux résidences secondaires, une proposition qui émanait de la commission Copé. Je crois que la contribution à l’audiovisuel public mérite une réflexion plus poussée sur son équité et sa modernisation. Il me semble que nous pouvons être plus ambitieux.
L’article 6 porte sur la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées. Par esprit de justice, nous sommes déjà revenus sur cette taxe il y a peu de temps, en abaissant son taux à 1,5 %, pour justement éviter aux chaînes privées de payer pour un effet d’aubaine qui n’a pas eu lieu. Nous ne serions pas crédibles en proposant maintenant de le faire passer de 3 % à 5 %.
Vous êtes, comme nous, très attachés à l’indépendance de France Télévisions. Qui dit indépendance du pouvoir politique dit aussi indépendance de l’expertise des besoins de financement. Je regrette par exemple que, pour assurer une meilleure adéquation du financement aux missions du groupe, aucun dispositif d’évaluation indépendant et neutre, comme cela se fait en Allemagne avec la Kommission zur Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkanstalten, la KEF, ne soit prévu dans votre proposition.
Nous avions d’ailleurs fait adopter en séance au Sénat un amendement visant à confier au CSA un rapport annuel sur le financement de l’audiovisuel public. Vous avez fait le choix de vous abstenir sur cette proposition. Il me semble pourtant que ce document aurait été précieux.
Autant nous devons nous saisir du débat en amont, comme nous l’avons fait le 10 mai dernier, comme nous le faisons aujourd’hui, autant nous devons attendre avant de décider de revenir ou non sur la loi du 5 mars 2009.
D’ici là, comme vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur l’incidence de la fin de la diffusion de la publicité en soirée, et ce au plus tard le 1er mai 2011.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Catherine Tasca. Oh oui, le temps de parole est largement dépassé !
Mme Catherine Morin-Desailly. Mes chers collègues, nous savons tous qu’avec la crise économique la situation actuelle n’est plus la même que celle qui prévalait au début de l’année 2008 : le déficit budgétaire de l’État s’est creusé de façon alarmante et de nouveaux paramètres sont intervenus.
Nous saurons prendre nos responsabilités le moment venu, le temps de la discussion budgétaire n’étant plus si éloigné maintenant.
Pour toutes ces raisons, j’apporte ce matin mon soutien à la demande de renvoi à la commission, au nom de la sagesse qui me semble, tout autant que la courtoisie, être la marque de fabrique de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cette proposition de loi vient en discussion au moment où la question de savoir si l’audiovisuel public, c’est-à-dire France Télévisions, doit passer à une nouvelle étape de dépendance financière – la suppression de la publicité, y compris avant 20 heures, contribuerait en effet à renforcer sa mise sous tutelle par le pouvoir politique – fait l’objet d’un débat public.
Je rappelle qu’il n’existe que deux systèmes permettant d’assurer l’indépendance financière, et donc politique, de l’audiovisuel public, tant vis-à-vis des entreprises commerciales que de l’État. Le premier est un système audiovisuel entièrement financé par la redevance. La commission Copé en a discuté, mais l’UMP n’en a jamais voulu. Le second système, celui qui prévalait avant cette réforme, associe un financement par la redevance, ce qui n’est pas la même chose qu’un financement par le budget de l’État, et un financement par la publicité, ce qui permet de ne dépendre ni de l’un ni de l’autre, et d’assurer ainsi un équilibre.
Ce dernier système a fonctionné. Il a permis d’amorcer des changements éditoriaux et de diffuser des programmes de qualité, y compris à des heures de grande écoute, bien avant la réforme intervenue l’année dernière.
Aujourd’hui, le problème est de savoir quel est le système qui assure l’indépendance. Après une année, au vu des pressions constantes – toutes ne sont pas portées sur la place publique ! – qu’exerce le pouvoir politique sur les différents échelons de la direction de France Télévisions, nous pouvons dire que nous avions raison d’affirmer que la dépendance financière allait se transformer en une dépendance politique. (Marques de dénégation sur les travées de l’UMP.)
Hier, en regardant la télévision publique, à vingt heures, j’ai pu constater comment l’on traitait une chef de l’opposition et, en tout cas, qu’elle n’était pas traitée de la même manière que le chef de l’État, toujours interviewé avec complaisance. (Protestations sur les travées de l’UMP.) J’avais vraiment mal pour le service public en voyant cela.
M. Alain Fouché. Tout le monde est maltraité !
M. David Assouline. Mais tout de même, mes chers collègues, on ne peut pas expliquer aux Français qu’il manque 100 milliards d’euros dans les caisses de l’État, qu’il faut se serrer la ceinture, réduire les dépenses publiques et les dépenses sociales, et leur annoncer que l’on va supprimer la recette de 430 millions d’euros apportée par la publicité diffusée avant 20 heures, d’autant que les taxes qui devaient permettre à l’État de financer la suppression de la publicité après 20 heures ne sont pas au rendez-vous. Avec la crise, le report sur les chaînes privées n’est pas ce qu’il aurait dû être et les rentrées sont moindres.
Quant à la deuxième recette, la taxe sur les opérateurs de télécommunications – 300 millions d’euros – elle est attaquée par la Commission européenne. La France n’est pas sûre de gagner car cette attaque est argumentée et nous risquons d’être sanctionnés. Par conséquent, le produit de cette taxe ne sera pas perçu dans les années à venir, et il faudra de surcroît rembourser 300 millions d’euros par an pour les deux années passées. Telle est la réalité.
Je comprends que l’on puisse ne pas être d’accord avec nous sur le principe, mais les rentrées d’argent prévues ne sont pas au rendez-vous et les caisses de l’État sont vides. M. Ralite vous demande donc par sa proposition de loi de ne pas vous entêter et de ne pas supprimer la publicité avant 20 heures.
Je voudrais maintenant insister sur la façon dont vous avez procédé en déposant une motion tendant au renvoi en commission.
M. Ralite a bien expliqué en quoi c’est une manœuvre antidémocratique qui consacre le fait majoritaire et qui n’est pas du tout dans la tradition sénatoriale pour des débats de ce type.
Mes chers collègues, je me suis demandé pourquoi vous aviez agi de la sorte. Vous êtes majoritaires, vous n’aviez qu’à voter contre… Si vous avez utilisé cet artifice, c’est parce que notre point de vue est partagé par nombre de professionnels et nombre de responsables de la majorité, y compris par le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, qui a dit lui-même qu’il fallait revoir cette idée de suppression totale de la publicité.
Mais, comme les arbitrages ne sont pas encore rendus, comme vous avez encore un peu de temps puisque la décision ne sera pas prise avant l’été 2011, par une manœuvre pour le moins politicienne, vous n’hésitez pas à donner un coup de canif à une procédure démocratique. Ce n’est pas ainsi qu’on légifère et ce n’est pas ainsi que l’on fait vivre la démocratie !
Je voulais affirmer cela haut et fort parce qu’il y va de l’avenir des propositions de loi, parce qu’il y va de l’avenir des droits de l’opposition, droits de l’opposition que nous voulions, au contraire, consacrer lorsque nous avons discuté de ces niches.
Enfin, mes chers collègues, sachez que l’opposition actuelle ne sera pas toujours l’opposition : elle peut devenir majoritaire. Cette indépendance vis-à-vis du pouvoir politique que nous défendons n’est pas conjoncturelle, elle sera aussi valable demain en cas de changement de majorité ; ce sont des principes démocratiques intangibles que nous défendons ici. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Adrien Gouteyron. Nous avons quelques souvenirs, tout de même !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce matin a le mérite de soulever un véritable problème : celui de la pérennité du financement de France Télévisions. Ce texte vient donc fort à propos ; il a permis à M. le ministre de nous donner des explications alors que la situation financière de l’État nous préoccupe vivement.
Je comprends le cri de douleur qu’a poussé Jack Ralite en déposant cette proposition de loi : nous connaissons tous ici – personne ne le met en cause – son attachement au service public et notamment au service public de la télévision.
Lorsque je lis les propositions qui nous sont faites, il me vient à l’esprit l’image d’Eustache de Saint-Pierre, le chef des bourgeois de Calais, qui, dans un geste héroïque, est arrivé en chemise, la corde au cou, avec cinq autres de ses compatriotes en disant : nous donnons notre vie, mais sauvez celle des habitants de Calais !
Aujourd’hui, dans une même démarche héroïque, on nous dit que, pour sauver le service public, il faut avoir recours à la manne financière des entreprises privées…
Le RDSE, quant à lui, en reste à un principe simple : activité privée, fonds privés ; activité publique, fonds publics.
Monsieur le ministre, nous sommes inquiets : de 450 millions d’euros initialement prévus, on est passé à 415 millions ; la suppression totale de la publicité devra être compensée par une recette de 800 millions d’euros. Mais où allons-nous trouver cet argent ? Notre inquiétude est tout à fait légitime.
En fait, il n’existe qu’une seule solution : l’indépendance financière passe par la redevance.
On nous dit que la publicité assurera l’indépendance financière. Non, elle confirmera son diktat sur l’entreprise publique.
Je me suis livré à un petit calcul. Aujourd’hui, la redevance représente dix euros par mois et par foyer fiscal. Pour assurer le financement total sans subventions publiques et sans subventions privées – la publicité peut être assimilée à une subvention privée –, il en coûterait trois euros de plus par mois. Nous avons donc tout ce débat pour trois euros de plus !
Le rapport de Mme Morin-Desailly et de M. Belot, qui a été demandé, je le rappelle, par l’ensemble de la commission, sera certainement excellent,…
M. David Assouline. Je commence à en douter !
M. Jean-Pierre Plancade. … parce que nous en connaissons les auteurs.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Plancade. Mais cela ne changera rien, parce que, au bout du compte, des chemins de traverse seront trouvés pour le financement. Ces trois euros par mois, c’est le prix du courage politique des parlementaires. L’aurez-vous ? Jusqu’à présent, nous ne l’avons pas eu.
J’ai été de ceux qui ont soutenu l’augmentation de la redevance, mais maintenant il faut aller au bout de la logique et au bout de l’indépendance : trois euros de plus par mois pour chaque foyer fiscal sachant que 25 % en sont exonérés.
Mes chers collègues, nous ne voterons pas contre cette proposition de loi, mais nous ne la soutiendrons pas non plus parce que, même si elle présente des mesures positives, justes, avec lesquelles nous sommes complètement d’accord, nous préférons en rester au principe : activité publique, fonds publics ; activité privée, fonds privés.
Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais vous dire au nom des radicaux de gauche et du RDSE.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais préciser ma position sur le problème du financement de la télévision.
Première remarque : je considère que nos concitoyens, notamment les plus modestes, sont suffisamment pressurés par la fiscalité pour qu’il ne soit pas très judicieux de rajouter des prélèvements qui, finalement, vont encore obérer leur situation.
Deuxième remarque : il faut, bien sûr, garantir l’indépendance et la liberté totale de l’information télévisée, en particulier sur les chaînes publiques et, sur ce point, je ne suis pas totalement persuadé que certaines influences ne se fassent pas sentir… C’est une pratique habituelle pour les gouvernements, et le gouvernement actuel n’est certainement pas irréprochable en la matière.
Troisième remarque : la télévision, qu’elle soit publique ou privée, connaît des dérives financières extraordinaires ; les sommes engagées sont absolument colossales. Les chaînes de télévision, publiques ou privées, paient des sommes effarantes à Endemol ou autres pour produire des émissions au ras des pâquerettes, même parfois en-dessous…
En fait, si l’on ne veut pas relever la redevance – je ne le souhaite pas –, il faut garantir des ressources à France 2.
Pour ma part, j’étais contre la suppression de la publicité sur France 2, parce que l’objectif final était, me semble-t-il, non pas de supprimer la publicité, mais de permettre à certaines chaînes amies du pouvoir de récupérer des parts de publicité.
Si l’on veut garantir des ressources aux chaînes publiques, il faut augmenter les prélèvements sur les chaînes privées. Je le dis avec d’autant plus de conviction que je vois les sommes qui sont brassées et gaspillées pour des émissions archinulles, qui ne servent qu’à enrichir des producteurs tels qu’Endemol ou à payer à prix d’or des animateurs ou des journalistes du 20 heures, de TF1 par exemple. Il n’y a qu’à les payer un peu moins et on aura les moyens de financer la télévision publique…
Ma position est très claire : je suis hostile à l’augmentation de la redevance et je suis partisan, si on ne rétablit pas la publicité sur les chaînes publiques, d’effectuer des prélèvements beaucoup plus importants sur TF1 et sur un certain nombre d’autres chaînes privées qui ont des chiffres d’affaires absolument fabuleux et qui peuvent très bien supporter un prélèvement supplémentaire.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui est aujourd’hui soumise à notre examen témoigne de l’intérêt profond que nous avons tous pour l’enjeu majeur que constitue l’avenir de l’audiovisuel public et plus particulièrement pour les ressources nécessaires aux missions de service public télévisuel.
Toutefois, je suis réservée à l’idée de revenir sur le processus retenu par la loi du 5 mars 2009.
La loi du 5 mars 2009, un peu plus d’une année après son entrée en vigueur, a permis de répondre à une certaine idée du service public télévisuel, en renouant avec une exigence culturelle de qualité pour le plus grand profit de tous les publics.
La mise en œuvre de cette réforme est un succès tant dans son application par les professionnels que dans la manière dont elle a été accueillie par les téléspectateurs.
L’une des dispositions phare de cette réforme salutaire est, bien évidemment, la suppression progressive de la publicité.
Libérer la télévision publique de la publicité est une nécessité culturelle, mais aussi une nécessité économique, car la publicité n’est pas une manne inépuisable, la crise nous l’a confirmé.
Cette mesure de suppression progressive de la publicité est largement plébiscitée par les téléspectateurs, qui apprécient que les programmes de première partie de soirée puissent débuter dès 20 heures 35 : plus de 70 % d’entre eux s’en déclarent satisfaits. J’ajoute que les programmes de deuxième et de troisième parties de soirée démarrent, eux aussi, plus tôt et rencontrent ainsi un plus large public.
La loi du 5 mars 2009 prévoit que la suppression totale de la publicité en journée sur France Télévisions interviendra au moment où la France aura entièrement basculé dans la diffusion numérique, c’est-à-dire à la fin de 2011. Ce basculement permettra de réaliser des économies importantes sur les coûts de diffusion, économies qui limiteront d’autant le besoin de financement complémentaire apporté par l’État.
Pour compenser la suppression de la publicité, la loi a introduit plusieurs dispositions financières, notamment l’indexation sur l’inflation de la redevance, qui présente l’avantage d’être la seule ressource réellement pérenne.
Je rappelle que la commission de la culture a de longue date engagé une réflexion sur la revalorisation de la redevance, dont le montant était gelé depuis 2001. Ce montant reste par ailleurs inférieur à la moyenne constatée dans d’autres pays d’Europe. Une augmentation de la redevance pourrait être le moyen d’accompagner le passage à la suppression totale de la publicité.
Certes, monsieur le ministre, le débat ouvert en 2008 sur la contribution à l’audiovisuel public, alors dénommée « redevance audiovisuelle », ne se pose plus dans les mêmes termes aujourd’hui puisque des changements importants ont eu lieu. Le montant de la contribution a été indexé sur l’inflation à compter de 2009 et porté à 120 euros en 2010, soit 2 euros supplémentaires. En outre, le programme qui finance le passage à la télévision tout-numérique ne fait plus partie des bénéficiaires de la contribution à l’audiovisuel public.
Nous pourrions réfléchir à l’assiette de cette taxe et à son éventuel élargissement aux nouveaux modes de réception de la télévision. Je rappelle que, lors de l’examen du texte, la commission de la culture avait proposé d’étendre la redevance aux ordinateurs, puisque les habitudes des téléspectateurs ont changé. Je crois que, effectivement, il faudra tenir compte un jour des nouveaux moyens de consommation de l’offre audiovisuelle. Peut-être serait-il également souhaitable d’assujettir à la redevance les propriétaires de résidences secondaires. Ce sont là des pistes à étudier pour garantir l’évolution des ressources de France Télévisions.
Enfin, pour terminer le panorama des ressources dont le service public dispose, il faut citer la subvention spécifique et nouvelle du budget de l’État, inscrite chaque année dans le projet de loi de finances. Comme vous l’avez démontré, monsieur le ministre, le remplacement d’une recette publicitaire incertaine par une recette publique assurée constitue évidemment un facteur de sérénité financière et éditoriale pour France Télévisions.
Le montant de la ressource publique à prévoir pour les années 2009 à 2012 figure dans l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens conclu entre la société et l’État. Il tient compte de l’ensemble des paramètres, dont la suppression de la publicité en soirée en 2009 et, à la fin de 2011, en journée.
À l’extinction de l’analogique, prévue pour la fin de 2011, et avec la suppression de la publicité en journée, la part des fonds publics devrait représenter plus de 95 % des ressources du groupe.
Il faut rappeler que nous sommes dans un moment technologique particulier, celui de la révolution du numérique, de l’usage d’internet et de la généralisation de la TNT gratuite, laquelle permet à chaque Français de recevoir plus de vingt chaînes et oblige le service public à se réinventer. Pour les années à venir, nous devons donc suivre avec vigilance la question du financement de celui-ci, car il est nécessaire pour que France Télévisions devienne un « média global », capable de réunir tous les publics sur tous les supports de diffusion.
La loi a créé les conditions de cette transformation en organisant le groupe en une entreprise unique et en créant le maximum de synergies par la mutualisation des moyens. Cette simplification et cette rationalisation des structures sont le gage d’une plus grande efficacité du groupe et d’une force accrue sur le marché.
Je voudrais maintenant évoquer l’actualité et l’idée qui circule de ne pas réaliser la prochaine étape prévue par la loi : la suppression totale de la publicité sur France Télévisions, qui signifierait pourtant la suppression totale de la dépendance à l’égard des ressources publicitaires.
Je suis assez surprise que la question soit posée, alors que cette décision a été prise à l’issue d’une longue réflexion.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Très bien !
Mme Colette Mélot. Compte tenu de l’incertitude substantielle entourant le maintien ou non de la publicité avant 20 heures, je regrette, tout en l’approuvant, la décision du conseil d’administration de France Télévisions de suspendre les négociations engagées pour céder sa régie publicitaire, France Télévisions Publicité.
À ce jour, je suis pour ma part favorable à la suppression totale de la publicité sur la télévision publique. Il me semble nécessaire de pouvoir la distinguer des chaînes commerciales et lui donner ce que j’appellerais une « couleur », montrer sa valeur particulière et son apport pédagogique et culturel.
La question me semble surtout prématurée. Une seule année s’est écoulée, la crise économique s’est invitée au moment où la réforme était votée, et nous ne disposons pas d’un bilan très précis. Certes, la loi a prévu qu’un comité de suivi ferait un point d’étape régulier de l’application de la loi et qu’un groupe de travail sur la redevance audiovisuelle serait constitué. Mais la mise en place de ce dispositif a pris du retard, et les études nous manquent.
J’ajouterai que le groupe France Télévisions a été à l’équilibre en 2009 et que la dotation pour 2010 respecte le contrat d’objectifs et de moyens. Dans leur rapport établi il y a quelques mois, mes collègues Michel Thiollière et Catherine Morin-Desailly estimaient qu’à court terme, avec l’arrivée du média global ayant vocation à réunir tous les publics, il faudrait faire face à des coûts… qui ne faisaient l’objet d’aucune évaluation sérieuse. Ils avaient donc proposé, dans un amendement qui fut voté par le Sénat, la réalisation par le CSA d’un audit annuel sur le financement de l’audiovisuel public. La disposition a disparu en commission mixte paritaire ; c’est regrettable, car un tel document aurait été précieux.
La Haute Assemblée a, pour sa part, créé une mission d’information, commune à la commission des finances et à la commission de la culture, sur le financement de France Télévisions. Elle a, pour le moment, procédé à une trentaine d’auditions et devrait publier ses conclusions au début de l’été. Comme Catherine Morin-Desailly l’a précisé, il me semble opportun d’attendre les conclusions de cette mission avant d’ouvrir un débat sur les suites de la réforme.
M. le président. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Colette Mélot. Par conséquent, le groupe UMP est favorable à l’adoption d’une motion de renvoi en commission, afin que nous puissions examiner ce sujet d’importance en disposant d’éléments supplémentaires, dans une démarche rigoureuse et dans un esprit de coopération entre les groupes politiques.
Pour conclure, je souhaite réaffirmer ma confiance dans notre service public pour mettre à la portée du plus grand nombre l’information, la culture et la création. Avec la réforme, nous avons donné à France Télévisions la possibilité d’une programmation plus audacieuse, et je pense que nous lui avons permis d’affirmer son identité, dans un secteur audiovisuel en pleine mutation. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que, en application de la décision prise hier soir par la conférence des présidents, je suspendrai la séance au plus tard à 13 heures précises, les questions d’actualité au Gouvernement devant commencer à 15 heures.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement à ce qui s’est dit ici même voilà dix jours, et encore ce matin, il y a véritablement urgence à adopter de véritables dispositions relatives à la télévision publique.
Comme a pu l’expliquer mon ami Jack Ralite, la télévision est, dans son financement, et donc dans son indépendance, gravement menacée. C’est pourquoi notre proposition de loi ne se contente pas de dresser un bilan de l’application de la loi du 9 mars 2009, qui a bouleversé l’équilibre économique de France Télévisions : elle en tire les conséquences et présente des solutions avant qu’il ne soit trop tard.
Oui, il est indispensable que le groupe France Télévisions possède dès aujourd’hui – et non pas, comme cela est prévu dans la clause de revoyure, en 2011 – les éléments constitutifs et déterminants de l’élaboration de sa stratégie de développement, à savoir le maintien de ses ressources publicitaires.
La télévision publique de demain se construit aujourd’hui, en fonction du projet et de la visibilité que nous lui donnons en déterminant, par les textes que nous votons, les financements nécessaires et adéquats. Il est véritablement de notre devoir et de notre responsabilité de décider sans tarder, pour qu’un véritable service public télévisuel digne de ce nom puisse encore et pour longtemps trouver sa place dans la société française.
Pour cela, afin de sortir France Télévisions des ornières dans lesquelles la loi de mars 2009 l’a embourbé, nous proposons aujourd’hui un plan de sauvetage en six mesures, détaillées dans les six articles de notre proposition de loi, que Jack Ralite a rappelées tout à l’heure.
Une de nos propositions consiste à maintenir la publicité en journée sur France Télévisions, même après 2011 – une publicité, naturellement, sévèrement encadrée. Et vous aurez remarqué comme moi, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, loin d’être partisane, cette proposition transcende actuellement les appartenances politiques, et pour cause : cette solution, combinée au financement par la redevance télévisuelle et par les dotations de l’État, est la seule qui puisse assurer les moyens nécessaires à la sauvegarde de France Télévisions, et elle permet au débat de sortir de sa béatitude conflictuelle.
J’en profite ici pour affirmer, même si cela va de soi, que nous ne défendons évidemment pas la publicité en tant que telle, les intérêts privés des « marchands du Temple ». Nous défendons une télévision publique indépendante, qui dispose des financements nécessaires à son développement, à l’accomplissement de ses missions propres et au maintien de programmes de qualité. Or cette télévision-là ne saurait actuellement exister sans les revenus liés aux ressources publicitaires, à défaut, on ne le répétera jamais assez, d’une redevance à la hauteur.
Ces revenus sont d’autant plus indispensables que, en période de crise et de déficits étatiques colossaux, le Gouvernement vient d’annoncer un plan d’austérité sans précédent, qui vient s’ajouter à la désormais fameuse et sinistre révision générale des politiques publiques, dont la culture comme d’autres secteurs de la vie sociale font les frais, particulièrement par la suppression de nombreux emplois. Se trouvent ainsi aggravées les inégalités qui marquent une société où le tout des uns est fait du rien des autres.
Dès lors, comment croire que l’État aura les moyens – sans même parler de volonté ! – de compenser cette diminution de ressources qui ne ferait que s’accentuer avec la suppression totale de la publicité en 2011 ?
Il ne s’agit pas ici d’asservir la télévision publique à des intérêts économiques – auxquels, du reste, grâce au panachage des financements, elle n’a jamais été soumise. Il ne s’agit pas non plus de faire dépendre la télévision publique exclusivement des finances de l’État, surtout quand on sait que les taxes destinées à compenser les pertes provoquées par la diminution des recettes publicitaires sont tour à tour remises en cause par le lobbying des chaînes privées ou encore par la Commission européenne, ce qui affecte de manière évidente l’indépendance des chaînes publiques à l’égard du pouvoir politique. Paradoxalement, le cumul de ces mesures et la remise en cause systématique des systèmes de compensation nous font revenir aux débuts de la télévision, à l’ère de l’ORTF et de son financement quasi exclusivement étatique !
En revanche, la nomination du président de France Télévisions par décret présidentiel – question que vous avez abordée, monsieur le ministre – suscite davantage d’interrogations en termes d’indépendance… La nomination doit en effet être validée par un avis conforme des sénateurs et des députés ainsi que du CSA. Malheureusement, les rapports de force politiques dans les assemblées ainsi que les conditions de mise en œuvre de ce mécanisme ne permettent pas l’émergence d’un véritable dialogue ni d’une véritable voie alternative. Dès lors, comment décemment parier qu’il en ira autrement dans le futur ?
À l’heure où est organisée la circulation de rumeurs concernant les noms des futurs prétendants, je crois important et opportun de réaffirmer la nécessité que le président soit choisi pour ses compétences et son expérience du service public, qu’il soit déterminé à affirmer les valeurs d’un véritable service public proposant une télévision de qualité, et non exclusivement préoccupé de la gestion économique et financière, à l’instar d’un dirigeant d’un grand groupe privé.
À titre personnel, je me prononce même pour la reconduction de l’équipe de direction actuelle, qui a jusqu’aujourd’hui, dans un contexte plus que difficile, effectué un travail remarquable et dont l’implication n’a jamais fait défaut.
Avant de conclure, je soulignerai que la publicité, qu’on le veuille ou non, reste un élément déterminant du financement de la télévision publique aussi bien que privée. Il n’est que d’observer la stratégie de TF1 et de M6, qui rachètent les nouvelles chaînes numériques dont les audiences en hausse attirent la publicité ! On assiste d’ailleurs à un inquiétant phénomène de concentration sur la TNT, où le pluralisme est sérieusement menacé.
Qui plus est, comment penser que la suppression de la publicité puisse être un bien, ou un « plus », quand France Télévisions souffre d’un sous-financement chronique, comme l’a souligné la Cour des comptes et comme l’a rappelé Jack Ralite, du fait du refus obstiné d’augmenter la redevance pour la porter au niveau de celle de nos voisins européens ?
Or la bonne santé de la télévision publique conditionne celle de la télévision tout court, car la qualité des programmes de France Télévisions a toujours eu un effet d’émulation sur les chaînes commerciales.
Enfin, parce qu’il n’y a pas de démocratie sans une séparation claire et nette des pouvoirs, nous ne pouvons que nous insurger contre une situation inédite qui place de fait l’exécutif de notre pays en position tout à la fois de directeur du budget, de directeur des programmes et de l’information et de directeur des ressources humaines de France Télévisions. Tout est dans tout, et le reste est dans Télémaque…
C’est pourquoi nous pensons qu’il faut maintenir et développer toutes les ressources, y compris la ressource publicitaire, pour que vive l’indépendance de l’audiovisuel public, qui a permis jusqu’à présent à nos concitoyens de bénéficier d’une télévision de qualité. En un mot, le service public de la télévision se portera bien à condition qu’on le sauve. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en matière d’audiovisuel public, il y a la peste – la dépendance à l’égard du pouvoir – et le choléra – la dépendance à l’égard de la publicité, au risque de l’audimat facile et de la baisse de la qualité.
Voilà plus d’un an, pour nous éviter le choléra, nous étions mis devant le fait accompli : la suppression de la publicité entre 20 heures et 6 heures sur les chaînes de télévision publique était mise en œuvre, alors même que le Sénat ne s’était pas encore prononcé…
Aujourd’hui, la majorité ne prodigue plus les soins nécessaires. La suppression de cette recette appelait des compensations intégrales ou des mesures courageuses sur la redevance. Ni les unes ni les autres ne furent au rendez-vous, et la fragilisation de l’équilibre financier de la télévision publique s’est précipitée.
Monsieur le ministre, vous connaissez l’hostilité des Verts envers la publicité. Qu’elle soit télévisée ou statique dans nos paysages, elle est particulièrement pernicieuse et invasive. Quand ce n’est pas l’antirides qui rajeunit, c’est la voiture plus économe qu’une luge en émissions de C02 que l’on veut promouvoir. Quel abêtissement ! Elle est tout aussi néfaste quand elle rend les enfants prescripteurs et quand, dans le domaine alimentaire, elle fabrique les diabétiques et les obèses de demain.
La position du Gouvernement, d’apparence vertueuse quand elle évacue la publicité de nos écrans, n’est, hélas ! pas crédible sur le sujet : il y a moins de deux semaines, les maigres avancées du Grenelle en matière de publicité dont notre collègue Ambroise Dupont avait pris l’initiative ont été réduites à néant. (M. Ambroise Dupont en convient.) Alors que le Sénat s’était prononcé pour mettre fin aux préenseignes installées de manière anarchique sur tout le territoire, aujourd’hui, elles sont de nouveau autorisées pour des activités « de réparation automobile, de distribution de carburant ou la vente de produits du terroir ». Nul doute que les supermarchés s’empresseront désormais de promouvoir le long des routes leurs produits du terroir !
La promesse du Gouvernement d’assurer un financement durable pour l’audiovisuel public n’a, elle non plus, pas résisté au temps. Ainsi, la dotation promise a été réduite au motif que le groupe public était à l’équilibre cette année : quel mauvais prétexte et quel bel encouragement à une gestion saine et transparente !
J’en viens à l’allégement de la taxe sur les chaînes privées : vous avez dit, monsieur le ministre, l’absence de lien entre les taxes sur la publicité des chaînes privées et le financement de France Télévisions. Sans doute avez-vous raison au regard des textes, mais l’existence d’un tel lien est pourtant bien ce que la majorité nous a vendu ! Notre ancien collègue Michel Thiollière, rapporteur du texte, indiquait lors de la séance publique du 15 janvier 2009 : « Ce financement est donc assuré : par la redevance ; par ce qui reste du financement lié à la publicité et aux services payants de France Télévisions ; par les deux taxes prévues… » Nous ne l’avons pas inventé !
On a donc voulu faire croire que l’indépendance financière de France Télévisions serait assurée ; or il n’en est rien !
Peut-être nous annoncera-t-on bientôt que la seule solution est la privatisation. Les repreneurs éventuels sont-ils déjà pressentis ? Vous allez dire que nous faisons des cauchemars, que nous avons des fantasmes, mais le projet de cession à prix bradé de la régie publicitaire a donné le ton sur les intentions et les méthodes : un conseiller du Président détenant des parts dans la holding pressentie, elle-même maison mère d’une société de production, qui vend des émissions à France 2, mais qui pourrait aussi y caser des publicités !
Après GDF, les pépites du service public font briller les yeux des amis du pouvoir ! La récente libéralisation des jeux en ligne a aussi donné le ton et les Français lisent davantage leur avenir dans les plans de table du Fouquet’s que dans les déclarations d’intention du Gouvernement !
Heureusement, nous sommes encore en République, avec une Constitution, des règles, des garde-fous, un Conseil constitutionnel, un Conseil d’État, qui se sont prononcés : sans liberté de la presse, il n’y a plus de démocratie.
Les sénatrices et sénateurs Verts considèrent que la proposition de loi de Jack Ralite est nécessaire. Elle ne réécrit pas l’histoire, elle n’opère pas de choix stratégiques – si c’était le cas, nous ne serions pas à ses côtés pour remettre le poison publicitaire dans les cerveaux des spectateurs ! –, mais elle pose des principes et elle fait en sorte de stopper l’hémorragie. C’est un acte de bon sens et de sauvegarde du service public. Nous la soutiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vois, dans ce débat important, l’occasion de faire un certain nombre de mises au point.
Je tiens d’abord à réaffirmer, après plusieurs autres orateurs, que la réforme était nécessaire. Les effets produits sont déjà substantiels, et je veux, au passage, rendre hommage au ministre, qui nous a présenté la situation d’une manière extrêmement claire, en s’appuyant sur des exemples précis.
Si les résultats culturels ne sont jamais suffisants, du moins le progrès est évident. Quant aux résultats économiques, ils sont, eux aussi, satisfaisants : vous l’avez souligné, monsieur le ministre, en 2009, la télévision publique a été à l’équilibre. Nous ne pouvons que nous en réjouir ! Bien entendu, il ne s’agit pas de relâcher les efforts : il faut au contraire persévérer !
Notre excellent collègue Jack Ralite a défendu sa proposition de loi avec la passion et la conviction que nous lui connaissons et auxquelles je souhaite également rendre hommage, mais elle me paraît reposer sur des éléments largement faux.
Je me dois de rappeler, car nous sommes ici peu nombreux à pouvoir nous en souvenir, que l’un des sujets principaux du débat qui a eu lieu dans cet hémicycle en 1986 sur la réorganisation de l’audiovisuel a été la présence de la publicité sur les chaînes publiques. Or, sur les travées du groupe communiste, à l’époque, on la dénonçait, et avec quelle vigueur !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vrai ! Mais où est le problème ?
M. Adrien Gouteyron. Je ne vous reproche pas d’avoir changé d’avis, je me contente de faire un constat ! Je suis dans mon rôle en le rappelant.
M. David Assouline. C’était il y a un quart de siècle !
M. Adrien Gouteyron. Quoi qu'il en soit, on ne peut pas fonder une proposition de loi sur un diagnostic qui est largement faux. La description faite par notre collègue Ralite était, certes, talentueuse. Il a, comme à son habitude, su brosser un tableau apparemment convaincant. Mais à y regarder de plus près, on voit bien qu’il ne repose sur aucune réalité avérée.
M. David Assouline. C’est vous qui le dites !
M. Adrien Gouteyron. Il était nécessaire de clarifier le financement du service public de l’audiovisuel, de réformer France Télévisions, de faire en sorte que cette dernière tende vers le média global, pour tous les publics et sur tous les supports, dont a très bien parlé Mme Colette Mélot tout à l’heure.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est facile de dire cela !
M. Adrien Gouteyron. Tels étaient les objectifs de la réforme.
Je ne reviens pas sur ses résultats culturels, mais je veux insister sur le contexte économique, car nous devons avoir présents à l’esprit un certain nombre d’éléments.
Je crois – et c’est chez moi une conviction bien ancrée – à un système dans lequel la télévision publique et la télévision privée jouent chacune leur rôle. Nous ne devons, selon moi, stigmatiser ni l’une ni l’autre. Or j’ai trop souvent l’impression, à entendre certains de nos collègues, qu’il s’agit de jeter l’opprobre sur tel ou tel groupe, sur tel ou tel nom.
M. David Assouline. On ne l’a pas fait ! Mais on le fera la prochaine fois !
M. Adrien Gouteyron. Eh bien, je ne vous suivrai pas sur ce terrain-là !
Nous avons besoin à la fois de groupes privés forts et d’une télévision publique forte, et de qualité.
On ne peut ignorer que, du fait du développement de la TNT – et peut-être aussi pour d’autres raisons –, on assiste actuellement à une fragmentation très importante des audiences, de sorte que les grands médias généralistes voient leur audience diminuer très sensiblement.
Je peux citer des chiffres à l’appui de mon propos : pour TF1, la perte d’audience est proche de 6 points ; pour France Télévisions, elle est supérieure à 6 points ; pour M6, elle frôle 2 points. Dans le même temps, la TNT, elle, voit son audience augmenter de 14 points !
Autre élément déterminant du contexte : le marché publicitaire français est très loin d’être à la hauteur des marchés publicitaires des autres grands pays ; je pense, notamment, au Royaume-Uni.
Dans ces conditions, si l’on veut tenir compte de la desserte et de la nécessité d’assurer, sur la télévision publique, un service de qualité, il faut la libérer de la contrainte de l’audience, et donc de la contrainte de la publicité.
Parallèlement, si l’on veut des groupes privés suffisamment forts pour résister tant à la crise qu’aux évolutions technologiques, il faut également qu’ils puissent s’alimenter sur le marché publicitaire.
Je souhaite donc que notre pays dispose d’un groupe public puissant, garantissant la qualité, assurant l’information culturelle et politique, l’information en général de nos concitoyens, et, en même temps, que s’y épanouissent des télévisions privées qui jouent leur rôle et aient les moyens de le jouer. Cet ensemble me paraît nécessaire à la création et à la démocratie. Pour sauver les uns, ne tuons pas les autres ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Pour ma part, mon cher collègue, je n’ai pas oublié que vous aviez été ici le rapporteur de la loi de 1986 !
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler les impératifs sur lesquels nous ne transigeons pas concernant France Télévisions : indépendance, garantie d’un financement affecté, conséquent et pérenne, promotion de la diversité et de la création.
La suppression de la publicité entre 20 heures et 6 heures sur les chaînes publiques a fondamentalement remis en question toute l’architecture du financement de France Télévisions. Il est d’ailleurs fort regrettable, à ce titre, que le Parlement ait été mis devant le fait accompli de la suppression de la publicité et, par conséquent, de celle des ressources correspondantes, qui équilibraient le budget des chaînes publiques.
De fait, aujourd’hui, une partie non négligeable du financement de notre audiovisuel public est assurée – si l’on peut dire ! – par une taxe sur les opérateurs de télécommunications qui fait actuellement l’objet, de la part de la Commission européenne, d’une procédure d’infraction contre la France, et par une autre taxe portant sur les recettes publicitaires des opérateurs privés et publics de télévision qui, pour 2009, a été considérablement rabotée : de 3 % à 0,5 %.
Ces taxes sont supposées alimenter une dotation budgétaire annuelle. Mais si les chaînes publiques devaient initialement bénéficier d’une dotation budgétaire de 450 millions d’euros pour compenser la perte de recettes publicitaires en soirée, seuls 415 millions d’euros ont été budgétés au moment du vote de la loi de finances pour 2009. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’avenir de cette dotation, après l’annonce, par le Gouvernement, du gel des dépenses publiques pour les trois années à venir.
La vente en accéléré de la régie publicitaire France Télévisions Publicité nous paraît aussi pour le moins inopportune, et nous partageons sur ce point la position de notre collègue Ralite. Tant que le choix de la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques n’est pas opéré, il ne faut pas préjuger de l’avenir de la régie publicitaire. Il s’agit d’un outil extrêmement concurrentiel par rapport aux opérateurs privés. En outre, ses bénéfices apportent une contribution significative au budget de France Télévisions : près de 30 % de son chiffre d’affaires.
Cette année, les recettes de France Télévisions Publicité ont dépassé des prévisions pessimistes : les résultats de 2009 montrent que le groupe France Télévisions a généré un bénéfice net de 19,6 millions d’euros, alors qu’un déficit de 135,3 millions d’euros était inscrit au budget. France Télévisions a ainsi engrangé 405 millions d’euros de recettes publicitaires sur la tranche 6 heures-20 heures, au lieu des quelque 260 millions d’euros inscrits au budget.
Nous sommes attachés à un service public dégagé des contraintes de la rentabilité commerciale, de façon que la programmation soit libérée de la pression des annonceurs et que la grille des programmes puisse être renouvelée. Mais cet objectif ne pourra être réalisé sans nouvelles ressources, sûres, prévisibles et dynamiques, propres à garantir un financement pluriannuel pérenne et à la hauteur des missions qui lui sont imparties. Or rien n’est prévu pour compenser la suppression totale de la publicité après 2012.
Nous regrettons ici que la visibilité du Parlement soit extrêmement faible sur cette question. L’absence de mise en place du comité de suivi prévu par la loi du 5 mars 2009 et du groupe de travail sur la contribution à l’audiovisuel public, correspondant pourtant à un engagement du Gouvernement, y est pour beaucoup. C’est pourquoi nous plaidons, avec mes collègues sénateurs socialistes, pour que la dotation de l’État soit pérenne, évolutive et affectée. Nous plaidons pour une révision des mécanismes de la contribution à l’audiovisuel public.
Le dispositif proposé ici, qui prévoit que la contribution est due au titre local, qu’il s’agisse de l’habitation principale ou secondaire, est souhaitable. Le non-assujettissement des téléviseurs des résidences secondaires entraîne un manque à gagner de l’ordre de 60 millions d’euros pour l’audiovisuel public.
Enfin, comme le note le rapporteur, la seule indexation de la contribution à l’audiovisuel public ne suffira pas à répondre aux besoins de financement. C’est pourquoi nous sommes favorables à une réévaluation régulière de la contribution, et pas seulement, comme cela est prévu par la loi de finances pour 2009, suivant l’indice des prix. D’autres grands pays européens, comme la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ont su faire ce choix courageux, et leurs programmations audiovisuelles publiques sont régulièrement citées en exemple pour leur qualité.
Quant aux exonérations, elles doivent être intégralement compensées par l’État, comme l’avait fait le gouvernement de Lionel Jospin, il y a quelques années.
Pour toutes ces raisons, il nous apparaît que la proposition de loi déposée par notre collègue Jack Ralite est de circonstance. Elle constitue surtout un appel pressant, qui devrait encourager le Gouvernement à donner une réponse immédiate sur ce qu’il compte faire, face à l’ampleur de la fragilisation économique et sociale de notre audiovisuel public, pour la pérennisation des ressources de France Télévisions, pour son indépendance financière et éditoriale. Nous soutenons donc ce texte et nous nous opposerons, bien entendu, au renvoi en commission de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, avant que, conformément à la décision de la conférence des présidents, vous ne suspendiez la séance, je veux dire mon étonnement que la commission de la culture ait été soupçonnée de discourtoisie. On l’a même accusée de refuser d’aller au fond des choses !
Il faut tout de même rappeler que deux textes ont été présentés ce matin par le même groupe politique. Bien sûr, celui-ci était là tout à fait dans son droit, mais il est impossible de débattre en quatre heures sur deux sujets aussi importants que le bouclier fiscal et le service public de la télévision ! Même si nous n’avions pas proposé le renvoi en commission, il aurait fallu, inéluctablement, suspendre la séance à treize heures, et nous n’aurions pas pu mener ce débat jusqu’à son terme.
La commission de la culture n’est ni discourtoise ni manœuvrière, et nous avons tous beaucoup d’estime pour Jack Ralite. C’est bien pour cela que je lui ai proposé de rapporter son texte ; étant à la fois auteur de la proposition de loi et rapporteur, il a donc bénéficié d’un temps de parole prolongé.
Nous reprendrons, le moment venu, ce débat important ; sans doute disposerons-nous alors des éléments d’information rassemblés par les commissions de la culture et des finances dans le cadre de la mission commune sur le service public de la télévision. Nous pourrons alors débattre et voter en pleine connaissance de cause.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à une séance ultérieure.
Mes chers collègues, comme je l’ai indiqué précédemment, nous devons maintenant interrompre nos travaux, de manière à pouvoir les reprendre à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, madame, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.
conférence des déficits et gel des dotations aux collectivités locales
M. le président. La parole est à M. François Patriat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. François Patriat. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Ce matin, les représentants des régions et des départements de France n’ont pas souhaité, à juste titre, participer à la conférence des déficits publics, et cela pour deux raisons : d’une part, les collectivités locales ne contribuent pas au déficit ; d’autre part, les décisions étaient déjà prises.
En effet, les collectivités locales votent des budgets en équilibre, faisant apparaître un déficit qui ne représente qu’1 % du déficit de l’État et correspond à des dépenses d’investissement pour l’avenir de nos territoires. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Elles votent donc des comptes en équilibre, alors qu’elles doivent faire face à de grandes difficultés.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. François Patriat. En premier lieu, elles doivent assumer des charges résultant de transferts de compétences mal financés, mal compensés.
En deuxième lieu, elles doivent répondre à l’appel de l’État pour financer des investissements qui sont hors de leurs compétences, qu’il s’agisse du grand emprunt, des autoroutes, des lignes à grande vitesse, du plan Campus… Cette semaine encore, elles ont été sollicitées à trois reprises.
En troisième lieu, leurs ressources sont peu évolutives, peu dynamiques.
Néanmoins, en un an, les collectivités locales empruntent ce que l’État emprunte en une semaine !
Ce matin, elles n’ont pas participé à la conférence des déficits parce que le Gouvernement veut régler non pas les comptes de l’État, mais le compte des collectivités locales ! Je le répète, les décisions étaient déjà prises ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. François Patriat. Première décision : la suppression de la taxe professionnelle. De ce fait, les communes, les départements et surtout les régions sont dotés d’un budget affecté sans ressources dynamiques. La perte d’autonomie fiscale est réelle. Les budgets locaux en subissent déjà les conséquences.
Deuxième décision : le gel des dotations accordées aux collectivités. À l’issue de cette conférence, j’ai de surcroît appris que le soutien aux collectivités serait modulé en fonction de leur « degré de bonne gestion ». Qui déterminera ce degré ? Que sera la bonne gestion ? (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Guy Fischer. Ce sera à la tête du client !
M. François Patriat. Et vous voulez en plus faire voter à la hussarde une réforme des collectivités locales entraînant une perte de légitimité démocratique !
Depuis le mois de mars, nous avons demandé sans succès un rendez-vous au chef de l’État.
M. le président. Monsieur Patriat, votre question !
M. François Patriat. Nous souhaitons l’instauration d’un vrai dialogue entre l’État et les collectivités locales, de façon à mettre en place une réelle décentralisation, qui permettra à la nation de sortir des difficultés auxquelles elle est actuellement confrontée.
M. François Trucy. Y a-t-il une question ?
M. François Patriat. Par ailleurs, et je m’adresse là à Mme Lagarde, le Gouvernement vient de notifier à Bruxelles le fait que, dans les deux années à venir, des prélèvements obligatoires supplémentaires d’un montant de 40 milliards d’euros seront opérés en France. Vous nous parlez de croissance, mais nous savons bien que ce sont en réalité les Français qui paieront ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur Patriat, la meilleure façon de nouer un dialogue est d’y participer ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) De ce point de vue, il est vraiment regrettable que les représentants de certaines collectivités locales n’aient pas été présents ce matin !
M. Jean-Louis Carrère. Il n’y a pas de vrai dialogue avec vous !
M. Guy Fischer. Les dés sont pipés !
Mme Christine Lagarde, ministre. Pour ce qui concerne votre dernière remarque, je précise que les prélèvements obligatoires supplémentaires figurent dans un document transmis à Bruxelles au mois de janvier dernier et communiqué, bien entendu, aux commissions des finances des assemblées. Cette augmentation des prélèvements obligatoires résulte évidemment de l’élargissement des bases, compte tenu de la croissance prévue pour l’année. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Marc Todeschini. Ah, à la croissance ! Tout va bien !
M. Charles Gautier. Elle est où, la croissance ?
M. Didier Boulaud. On la cherche ! (M. Didier Boulaud mes ses mains en visière, feignant de scruter l’horizon.)
Mme Christine Lagarde, ministre. Par conséquent, il ne s’agit pas à proprement parler d’augmenter les prélèvements obligatoires.
Je tiens maintenant à vous expliquer très précisément la façon dont le Gouvernement articule sa politique budgétaire. Celle-ci n’a pas changé d’un iota. Au fur et à mesure du retour de la croissance, les mesures adoptées afin de favoriser la relance de l’économie sont rapportées.
Par ailleurs, plusieurs méthodes peuvent être choisies pour réduire les déficits publics, cette réduction constituant un impératif national : comme l’a dit ce matin M. le Premier ministre, il y va de la crédibilité du pays tout entier et de sa croissance.
M. Jean-Marc Todeschini. Puisque M. le Premier ministre est présent, il pourrait le dire lui-même !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il y va également, comme j’ai pu moi-même le constater à l’occasion de discussions à Bruxelles concernant d’autres pays, de l’indépendance nationale.
Dans ces conditions, il est évident que chacun d’entre nous doit participer à la réduction des déficits.
Quelle politique budgétaire pratiquer pour y parvenir ?
Une première option est d’augmenter massivement les impôts, ce qui signifie brider la croissance.
M. Didier Boulaud. Mais quelle croissance ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Très clairement, le Gouvernement ne souhaite pas y recourir.
La deuxième option consiste à réduire la dépense publique. C’est manifestement dans cette direction que nous devons nous engager, volontairement, délibérément et tous ensemble.
M. Didier Boulaud. Commencez par vous !
Mme Christine Lagarde, ministre. La troisième option vise à apporter à notre économie les réformes propres à reconstituer son potentiel de croissance qui a été détruit lors de la crise économique.
M. Didier Boulaud. Que faites-vous depuis huit ans ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Patriat, je regrette d’autant plus votre absence ce matin que vous auriez pu prendre connaissance de deux rapports.
Le premier est celui qui a été remis par MM. Champsaur et Cotis, et qui établit de manière irréfutable que, depuis trente ans, tout le monde a contribué aux déficits publics.
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas vrai !
M. Didier Boulaud. En tout cas, pas au même rythme !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas ce que vous dites dans les départements !
M. Jean-Louis Carrère. Les champions, c’est quand même vous !
Mme Christine Lagarde, ministre. « Tout le monde », cela signifie l’État, les collectivités territoriales et la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
À la lecture de ce même rapport, vous auriez constaté que les collectivités territoriales concourent beaucoup plus que l’État à l’augmentation des déficits publics, respectivement pour 2,7 et 1,9 points.
M. Didier Boulaud. C’est faux ! C’est un rapport truqué fait par vos copains !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je vous conseille également la lecture du rapport que vient de fournir M. Bruno Durieux, qui explique très clairement que le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale fournit une dynamique bien meilleure à l’ensemble des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
retraites
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le Premier ministre, au moment de lancer la réforme des retraites, vous avez fait de l’affichage, notamment en organisant un simulacre de consultation des partenaires sociaux. Pour quel résultat ?
En réalité, vos options sont déjà toutes connues. Comme en 1987, en 1993, en 1995, en 2003 ou en 2008, vous voulez imposer aux salariés et aux retraités de notre pays un véritable plan de super-austérité, vous inspirant des directives européennes et du plan de rigueur infligé notamment au peuple grec.
M. Roland du Luart. Par M. Strauss-Kahn !
M. Guy Fischer. Pour ce faire, vous allongerez la durée de cotisations et repousserez l’âge légal de départ à la retraite. Autrement dit, vous renoncerez à une mesure qui rassemble 63 % des Français : la retraite à soixante ans.
Mais, comme cela ne suffira pas – toutes les projections le prouvent –, vous irez encore plus loin, en remettant en cause les avantages sociaux et familiaux, en pillant le Fonds de solidarité vieillesse (MM. Jackie Pierre et Alain Vasselle s’exclament.), en modifiant les modalités de calcul des retraites des fonctionnaires et en augmentant les cotisations sociales des retraités, que vous suspectez d’être trop riches… Ils apprécieront !
M. Alain Gournac. Caricature !
M. Guy Fischer. Au final, comme toujours avec votre gouvernement, ce seront les salariés, les ménages et les retraités qui mettront la main à la poche ! Les entreprises et leurs actionnaires, grâce aux exonérations et aux exemptions de cotisations sociales, continueront d’accumuler les bénéfices réalisés sur le dos des salariés. Les financiers et les spéculateurs, qui prospèrent en fermant les usines ou les entreprises de notre pays – 680 000 emplois ont été supprimés depuis 2009 : du jamais vu ! – sont, quant à eux, encore et toujours épargnés.
Pourtant, la question fondamentale…
Mme Jacqueline Panis. Oui, la question !
M. Guy Fischer. … est précisément celle de la juste répartition des richesses produites, ce que vous contestez. Pour preuve : ce matin même, au Sénat, votre majorité a voté contre la suppression du bouclier fiscal que nous proposions. (Hou ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Selon nous, il est urgent de mettre à contribution tous les revenus, de sanctionner la financiarisation de l’économie, de favoriser l’emploi qualifié et l’investissement.
M. Alain Gournac. Démago !
M. le président. Votre question, s’il vous plaît !
M. Guy Fischer. De telles mesures permettraient de maintenir l’âge légal de la retraite à soixante ans, voire de financer de nouveaux droits, tels que la prise en compte des périodes de précarité et d’études dans le calcul des annuités.
Mme Jacqueline Panis. La question !
M. Guy Fischer. Monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin nous dire comment les riches contribueront à la réforme des retraites ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le président Fischer, nous sommes tous attachés au système de retraites par répartition, mais il est bon que je rappelle quelques chiffres, même si vous les connaissez.
Ce système repose sur la solidarité intergénérationnelle. Voilà une soixantaine d’années, il y avait à peu près quatre actifs pour un retraité. Aujourd’hui, nous en sommes à un peu moins de deux actifs pour un retraité et, dans une vingtaine d’années, ce même ratio sera quasiment de un pour un. Il est bon de garder ces chiffres en mémoire.
Par ailleurs, il ne faut pas non plus oublier les déficits, que le Conseil d’orientation des retraites, le COR, dont les estimations ne sont désormais plus remises en cause par quiconque, a mis sur le devant de la scène. Selon ses prévisions, le déficit des régimes de retraites, estimé à 30 milliards d’euros aujourd’hui, s’élèverait à 40 milliards d’euros en 2020 et à environ 70 milliards d’euros en 2030.
Alors, monsieur Fischer, toutes celles et tous ceux qui sont attachés au système de retraites par répartition ne peuvent pas nier que des mesures doivent être prises en termes d’allongement de la vie active.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais pas les vôtres !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Et je me fais l’écho non pas seulement des voix du COR ou du Gouvernement, mais également de celles d’experts indépendants. Hier, le commissaire du Plan Jean-Michel Charpin, qui a remis un rapport sur les retraites à Lionel Jospin en 1999, abondait lui-même dans ce sens.
Il existe un réel point de divergence entre vous et nous : la fiscalité. Une théorie consiste à penser que l’on peut prélever 45 milliards d’euros de fiscalité pour sauver le système de retraites par répartition : cela signifierait une hausse de trois points des prélèvements obligatoires, ce qui ne manquerait pas d’affaiblir la compétitivité de la France.
M. Didier Boulaud. À qui la faute si elle est déjà affaiblie ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Cela impliquerait aussi de matraquer les classes moyennes, en particulier les 20 millions de Français détenteurs de contrats d’assurance vie.
Il en résulterait également une augmentation du chômage. En effet, une hausse de 1 point des cotisations patronales représente, certes, une rentrée supplémentaire de 4,5 milliards d’euros, mais aboutit à une perte de 50 000 emplois, cela est parfaitement clair.
M. Jean-Louis Carrère. Non, c’est incompréhensible !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Enfin, monsieur Fischer, taxer les stock-options et les bonus, comme le propose le parti socialiste,…
M. Didier Boulaud. Il a raison !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … de manière à dégager une recette de 2 milliards d’euros sur une assiette de 2,7 milliards d’euros, cela conduirait à appliquer un taux d’imposition de 70 % !
Je vous le dis très clairement : le Gouvernement prendra ses responsabilités, d’abord en jouant sur le paramètre de l’allongement de la vie active et, ensuite, comme l’ont dit tant M. le Premier ministre qu’Eric Woerth,…
M. René-Pierre Signé. Il fait le boulot !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. … en instaurant une taxation sur les revenus du capital et les hauts revenus qui ne sera pas incluse dans le bouclier fiscal. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
crise financière et gouvernance de l’euro
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Joël Bourdin. Tout d’abord, je tiens à vous féliciter, madame la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, pour la manière dont vous vous êtes engagée dans le rôle d’ambassadeur de l’euro, relayant avec bonheur l’action propre du Président de la République (Manifestations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), afin de faire évoluer la gouvernance économique européenne. (Plusieurs sénateurs du groupe socialiste miment le geste du violoniste.)
Je vous sais gré d’avoir réussi à vaincre la réticence de la Banque centrale européenne à faire le lien entre les financements de l’économie et la politique monétaire. La tâche est rude, tant est ancré, dans les pays de la zone euro, l’esprit d’indépendance en ce qui concerne leurs politiques économiques et budgétaires.
Naguère, nous avons consacré l’euro monnaie commune, en oubliant qu’il n’est pas tombé du ciel et que sa valeur comme son utilité résultent d’engagements économiques et budgétaires européens qui n’ont pas été tenus. Ils ont même été ignorés ! C’est freudien, dirait Michel Onfray…
M. Jean-Pierre Sueur. Très mauvaise référence !
M. Joël Bourdin. Les créateurs d’une monnaie unique fondée sur la convergence n’ont eu de cesse de disperser leurs politiques économiques avec des objectifs disparates.
Certains ont pratiqué une politique de stabilisation des salaires, comme l’Allemagne, qui a le souci permanent, dans un esprit de pacte social, de la compétitivité ; d’autres ont délibérément choisi, comme l’Espagne, de se laisser bercer par une politique inflationniste, en laissant filer les salaires nominaux et se développer les crédits à la consommation.
La France s’est située entre ces deux extrêmes. Inéluctablement, on allait à la catastrophe – nous avons été plusieurs à l’écrire avant 2008 – et, immanquablement, une remise en ordre serait nécessaire. On en est là !
C’est un peu tard, mais on doit se féliciter que les gouvernements osent évoquer la coordination de leurs politiques économiques. La remise en ordre est laborieuse. Nous sommes au printemps et il ne faut pas s’étonner que le régime minceur appliqué aux budgets fasse florès ! (Sourires.)
À cet égard, l’Allemagne se distingue : elle ne cache pas que le modèle allemand est le modèle type de ralliement.
M. le président. Votre question, monsieur Bourdin !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est laborieux !
M. René-Pierre Signé. Très laborieux !
M. Joël Bourdin. L’Allemagne se distingue encore par son initiative technique visant à interdire les ventes à terme de titres.
Aussi, depuis hier, on a la douloureuse impression qu’à nouveau on improvise ici ou là.
Ma question est simple.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, enfin !
M. Joël Bourdin. Quand va-t-on organiser la coordination européenne ? Quand allez-vous, gouvernements de la zone euro, parler d’une seule voix, défendre les mêmes principes, prendre les mêmes engagements ? Quand va-t-on cesser de finasser et de faire le bonheur des arbitragistes internationaux ? (Marques d’impatience sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Robert Hue. Une minute de dépassement !
M. Joël Bourdin. Quand va-t-on sortir de ce système de communication nationale néfaste ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur Bourdin, vous le savez certainement, Jean Monnet disait que l’Europe se construit et avance dans les crises.
M. Didier Boulaud. À croire que vous avez provoqué celle-ci pour faire avancer l’Europe !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la crise permanente !
Mme Christine Lagarde, ministre. La crise économique et financière que nous venons de traverser a permis à l’Europe de découvrir un certain nombre de failles et de proposer d’y remédier.
Vous posez la question de la gouvernance économique. À l’occasion de la crise grecque et, plus récemment, à l’occasion de la crise financière qu’a vécue notre monnaie commune, l’euro, il est nettement apparu que certains mécanismes nous manquaient. Cela nous incite à examiner la question de la gouvernance économique et à faire des propositions.
M. le Président de la République et M. le Premier ministre m’ont demandé de représenter notre pays au sein du groupe de travail convoqué demain après-midi par M. Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, et précisément chargé de mettre au point ces propositions de modifications en matière de gouvernance économique.
Il s’agit d’avoir des mécanismes d’alerte qui fonctionnent un peu mieux, un peu plus vite, et qui reposent sur un pacte de stabilité et de croissance comportant non seulement l’indicateur des déficits et des dettes, mais également un indicateur de la compétitivité économique. Il s’agit aussi d’envisager la convergence de nos modèles économiques, à laquelle vous faisiez référence, monsieur Bourdin.
M. Didier Boulaud. Ça fait huit ans que la droite est au pouvoir ! Qu’est-ce que vous avez fait ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous devons en outre mettre en place des mécanismes de sanctions.
Certains proposent la modification des traités. Nous avons attentivement examiné la chose et il nous semble – je parle sous l’autorité du Premier ministre – que nous pouvons parfaitement pratiquer à traité constant. Aujourd’hui, on trouve dans les traités des mécanismes adéquats : les avertissements, sur le fondement de l’article 136 ; la privation de fonds communautaires tels que les fonds de cohésion ; les mécanismes d’accès à la banque européenne d’investissement. Ce sont là autant de sanctions propres à rappeler à chacun ses obligations dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.
M. Didier Boulaud. Vous avez tout laissé filer pendant huit ans !
Mme Christine Lagarde, ministre. La stabilité signifie évidemment l’effort budgétaire, c’est-à-dire la lutte contre les déficits publics, évoquée par le Premier ministre, et qui nous a réunis autour du Président de la République, avec le président de votre commission des finances et votre rapporteur général.
M. Didier Boulaud. C’est du baratin !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il s’agit aussi d’essayer de pratiquer la croissance ensemble. Pour ce faire, nous devons travailler sur les objectifs « Europe 2020 » et nous efforcer de rapprocher nos modèles économiques.
Ceux qui ont des déficits de balance des paiements trop importants doivent les réduire, grâce à une politique budgétaire rigoureuse et à des réformes de fond.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Les pays en excédent doivent également faire une part du chemin nécessaire ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
crise de l'euro
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et concerne la très grave crise dans laquelle se trouve l’euro, notre monnaie et celle de quinze autres pays de l’Union européenne.
Hier encore, la monnaie unique a poursuivi sa chute : elle est descendue, en début de journée, au-dessous de 1,22 dollar, son plus bas niveau depuis avril 2006, à la suite de rumeurs se répandant chez des traders et selon lesquelles la Grèce envisageait de quitter la zone euro ou même l’Union européenne. Il a fallu un démenti formel du gouvernement grec pour voir l’euro remonter aux alentours de 1,23 dollar…
Sans dramatiser la situation, force est de constater que l’avenir et l’existence même de l’euro sont en jeu. Au-delà, c’est le sort des économies de toute la zone euro qui se joue, celui de nos industries, de nos emplois, de notre pouvoir d’achat.
Actuellement, les marchés financiers testent la solidarité européenne, la capacité de la zone euro à trouver une solution à la situation de la Grèce, pour éviter la contagion tant redoutée. Autant dire qu’ils sanctionnent, ni plus ni moins, l’absence de gouvernement économique européen. L’Europe est prise en défaut de coordination. Et la toute récente décision de l’Allemagne d’interdire les ventes à découvert montre, une fois de plus, le manque de cohésion de l’Europe.
Madame la ministre, qu’avez-vous finalement décidé, dans la hâte, avec vos homologues, mardi, à Bruxelles ? Pas grand-chose !
M. Didier Boulaud. Ils ont décidé de se revoir !
Mme Françoise Laborde. Vous avez livré quelques détails sur le dispositif de soutien, mais vous avez surtout loué les efforts de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne pour l’adoption de plans nationaux de rigueur en vue d’assainir leurs finances publiques.
M. Didier Boulaud. C’est Juppé qui parlait de mauvaise graisse !
Mme Françoise Laborde. Mais ces méthodes appartiennent au passé. Pour réussir à surmonter cette crise de confiance sans précédent dans l’histoire de l’économie européenne, il nous faut inventer des solutions nouvelles. Il n’y a pas de remède miracle ! Mais la véritable solution de fond est connue : c’est la coordination des politiques économiques au sein de la zone euro.
Déjà en 2007, Yvon Collin et Joël Bourdin tiraient la sonnette d’alarme dans un rapport intitulé « La coordination des politiques économiques en Europe : le malaise avant la crise ? ». Madame le ministre, avez-vous lu ce rapport sénatorial ? Avez-vous lu son tome II, publié en 2009 ?
M. Didier Boulaud. Non !
M. Jean-Louis Carrère. Ce rapport-là est intéressant !
Mme Françoise Laborde. Pouvez-vous nous dire quelles solutions concrètes la France entend proposer pour faire évoluer, sans tarder, les institutions européennes en matière de gouvernance économique ?
En conclusion, je vous demande si vous partagez la position des sénateurs radicaux de gauche et, plus largement, du RDSE, qui appellent à une plus grande solidarité européenne et à une véritable politique économique commune. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste. – Mme Muguette Dini et M. Joël Bourdin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
M. Didier Boulaud. Voilà la croissance qui revient ! On l’appelle « Mme Croissance » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Pendant le week-end du 7 au 9 mai, lundi soir, pendant la nuit, et mardi, nous avons travaillé sur ces questions. Les chefs d’État et de gouvernement, le Président de la République en tête…
M. Jean-Louis Carrère. Toujours en tête !
M. Didier Boulaud. Nous préférons celle du 4 août !
Mme Christine Lagarde, ministre. … ont manifesté tous ensemble la solidarité européenne, en particulier au sein de la zone euro, et notre détermination commune à défendre notre monnaie.
Qu’avons-nous fait ? Eh bien, nous avons tout simplement construit un fonds européen de stabilité financière, doté de garanties pour le montant non négligeable de 440 milliards d’euros et destiné à remédier à une défaillance dans la « maison euro » telle qu’elle a été bâtie il y a dix ans.
Figurez-vous que l’on peut, dans l’état actuel des choses, soutenir la Hongrie – pays hors zone euro – ou l’Ukraine – pays simplement voisin de l’Union européenne –, mais pas un pays membre, comme la Grèce,…
M. Pierre-Yves Collombat. Évidemment, c’était exclu !
Mme Christine Lagarde, ministre. … sauf à inventer quelque chose de nouveau. C’est ce que nous avons fait !
Pendant ces journées et ces nuits, nous avons donc construit ce fonds européen de stabilité financière, qui sera en mesure de soutenir des États en difficulté, en supplément du Fonds monétaire international, pour agir de concert, comme nous l’avons fait dans le cas de la Grèce.
Nous avons également débattu de la communication de la Commission européenne sur la meilleure gouvernance économique. Nous avons par ailleurs approuvé le projet de texte sur les hedge funds, les fonds alternatifs, à propos desquels l’Allemagne et la France ont une position commune, parfaitement alignée.
M. David Assouline. Incroyable !
M. Didier Boulaud. Cela mérite d’être souligné, c’est tellement rare !
Mme Christine Lagarde, ministre. Cela nous a permis de tenter de faire obstacle au principe du passeport européen, pour éviter que notre zone euro ne soit un champ de spéculation ouvert à tous les vents.
Vous m’interrogez aussi, madame Laborde, sur la question des ventes à découvert. Comme si l’on découvrait soudain que l’Allemagne ne fonctionne pas comme la France !
Je vous le rappelle, la France, depuis le mois de septembre 2008, interdit les ventes à découvert sur toutes les valeurs financières ! Autrement dit, l’Allemagne fait maintenant exactement ce que nous avons fait en septembre 2008.
M. Didier Boulaud. Nous sommes vraiment très forts ! Près de deux ans d’avance !
Mme Christine Lagarde, ministre. Dans notre pays, bien entendu, les ventes à découvert sur les valeurs financières restent interdites.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre. Concernant les ventes à découvert sur des valeurs correspondant à des dettes d’État souverain sur le marché secondaire, il faut une concertation supplémentaire.
Croyez-le bien, la solidarité au sein de la zone euro est forte et notre détermination à la maintenir et à défendre notre monnaie est absolument intacte ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
indexation des traitements des enseignants du premier degré à mayotte
M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud.
M. Adrien Giraud. Ma question concerne le rétablissement de l’indexation des salaires des enseignants du premier degré à Mayotte.
De nombreux mouvements de grève, menés par les instituteurs et les professeurs des écoles, ont eu lieu à Mayotte depuis 2007.
Le 18 mai 2010, le préfet, recevant une délégation de grévistes, a annoncé l’ouverture du dossier de l’indexation des salaires dès ce jour. Il s’est également engagé à convoquer, d’ici au mois de juin, l’Observatoire des prix et des revenus afin que celui-ci étudie le décalage des prix entre Mayotte et la métropole, en vue de fixer l’indice de correction pour Mayotte.
Il s’agit là de réparer une discrimination que subissent ces agents depuis 1978, date à laquelle l’indexation a été supprimée par décret alors qu’elle reste en vigueur dans l’ensemble des autres départements d’outre-mer.
Les grévistes restent déterminés quant à la revendication de l’effectivité de l’indexation des salaires au plus tard en janvier 2011.
Je voudrais savoir à quelle date une décision sera prise par le Gouvernement afin de rétablir cette indexation par un nouveau décret.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je vous prie, tout d’abord, de bien vouloir excuser Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’outre-mer, qui est actuellement en déplacement à La Réunion et qui m’a demandé de vous répondre.
Dans le cadre de l’évolution statutaire de Mayotte, la loi du 11 juillet 2001 a posé le principe du droit à l’intégration des agents publics mahorais.
Un premier bilan, établi en 2008, a permis de constater que le dispositif d’intégration n’était pas suffisamment attractif et n’a pas permis d’atteindre les objectifs visés dans ce domaine.
C’est pourquoi le Gouvernement a notamment proposé toute une série de mesures visant à améliorer l’attractivité des corps passerelles. Un protocole d’accord, qui a fait l’objet d’un large consensus, a été signé le 8 avril 2009 par les organisations syndicales. Il a posé le principe d’une amélioration des conditions d’intégration.
Les décrets traduisant ce protocole sont parus dès l’automne 2009. Ils ont abouti à améliorer les conditions d’intégration pour la fonction publique de l’État et pour la fonction publique territoriale.
Ils ont notamment permis une revalorisation très sensible de la grille indiciaire des corps transitoires, un passage accéléré dans les corps définitifs, la définition d’un régime indemnitaire et un régime de cotisation de droit commun qui améliorera le niveau des pensions.
Ces mesures, monsieur le sénateur, représentent un effort budgétaire important pour les collectivités locales et peuvent contribuer à créer un différentiel de rémunération et de retraite avec le secteur privé.
Le pacte pour la départementalisation permet d’assurer un développement économique et social équilibré sur le territoire de Mayotte. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s’attache prioritairement à mettre en œuvre les dispositions de ce pacte et n’envisage pas de créer un dispositif d’indexation des rémunérations des agents publics qui risquerait de déstabiliser l’économie locale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
chiffres du chômage
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. La montée du chômage et le sous-emploi sont, de loin, la première préoccupation des Français, avant même le financement des retraites ; je vous laisse deviner ce qu’il en est de la burqa ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste. – Murmures sur les travées de l’UMP.)
Nos compatriotes ont raison de s’inquiéter ! En effet, le bilan de Nicolas Sarkozy et de ses gouvernements, depuis mai 2007, est de 693 400 chômeurs et sous-employés en plus.
M. René-Pierre Signé. C’est grave !
M. Pierre-Yves Collombat. Je parle ici uniquement des personnes qui effectuent des actes positifs de recherche d’emploi, soit les catégories A, B et C de la DARES, la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques. Avec celles qui, inscrites à Pôle emploi, ne font pas de recherches, c'est-à-dire les catégories D et E, on frôle les 900 000 personnes : 862 600 exactement.
À titre de comparaison, je rappellerai que, de juin 1997 à mai 2002, le gouvernement de Lionel Jospin avait, lui, fait baisser de 516 200 le nombre des demandeurs d’emploi des catégories A, B et C et de 578 300 celui de l’ensemble des chômeurs. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Marc Todeschini. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. Il existe donc, entre les résultats des deux politiques, un écart de 1 440 000 demandeurs d’emplois !
M. René-Pierre Signé. Le parallèle est éloquent !
M. Pierre-Yves Collombat. Comme disait tout à l'heure M. Tron, il s'agit là d’un vrai point de divergence entre nous ! (Rires sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Autre comparaison, cette fois avec nos partenaires de l’OCDE : selon les derniers chiffres publiés par cette organisation, le taux de chômage français, soit 10,1 %, est supérieur à celui de tous les autres pays membres !
D’un côté, les chômeurs de longue durée ont augmenté de 30,4 % en un an ; de l’autre, les jeunes, même diplômés, « galèrent » de plus en plus. Seuls 36 % des jeunes diplômés de 2009 sont en poste !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est à cause du bouclier fiscal !
M. Pierre-Yves Collombat. J’aurai donc deux questions.
Je voulais poser la première à Mme Lagarde, mais elle nous a quittés ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Boulaud. Elle est partie chercher la croissance !
M. Pierre-Yves Collombat. Ne doutant pas que la lutte contre le chômage et le sous-emploi ne soit son ardente obligation, je souhaitais qu’elle m’explique comment il est possible de les réduire tout en diminuant les déficits publics, puisque telle est l’autre priorité du Gouvernement.
M. Jean-Claude Carle. Si, c’est possible !
M. Pierre-Yves Collombat. J’avoue, en effet, ne pas comprendre comment on fait pour relancer l’emploi tout en comprimant la demande et les emplois publics !
Ma seconde question, qui s’adressait plutôt à vous, monsieur Wauquiez, est d’ordre pratique. Le vœu le plus cher d’un nombre croissant de nos concitoyens serait de pouvoir travailler plus pour gagner plus… (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Charles Revet. C’est bien, ça !
M. Pierre-Yves Collombat. Quels conseils leur donneriez-vous pour leur permettre d’atteindre ce double objectif ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Didier Boulaud. De voter Sarkozy !
M. le président. Je vous rappelle, monsieur Collombat, que l’on n’interroge qu’un seul ministre à la fois !
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur Collombat, j’ai écouté avec attention les chiffres que vous avez cités, notamment lorsque vous avez comparé la période 1997-2002 à celle que nous vivons actuellement. Mais, curieusement, il y a une donnée sur laquelle vous n’avez pas établi de comparaison entre ces deux périodes : celui de la croissance, et notamment de la croissance à l'échelle mondiale… (Sourires sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Pourquoi un tel oubli ? Peut-être, tout simplement, parce que, au cours de cette période, la France a connu le meilleur taux de croissance des vingt dernières années…
M. Yannick Bodin. Grâce à nous !
M. Jean-Louis Carrère. Nous avions Strauss-Kahn, vous avez Lagarde !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. … et que cette situation n’a guère été mise à profit pour réaliser les réformes qui étaient nécessaires ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
À l’inverse, aujourd'hui, nous avons à affronter la pire crise mondiale pour ce qui concerne l’emploi.
M. David Assouline. Vous avez cassé la croissance !
M. Didier Boulaud. La croissance, Sarkozy devait aller la chercher avec les dents. Il les a perdues ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je veux tout de même rappeler quelques réalités, monsieur Collombat.
Vous avez affirmé que la France était, de tous les pays de l’OCDE, celui où la situation de l’emploi était la plus dégradée. Observez donc ce qu’il en est en Espagne ou au Portugal !
M. René-Pierre Signé. Ces pays sont plus pauvres !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Puisque vous voulez des chiffres, examinez donc l’évolution du taux de chômage moyen des pays de l’OCDE !
En France, le chômage a augmenté en un an de 20 %. C’est beaucoup trop, nous en sommes tous d’accord, mais, dans le même temps, il a crû aux États-Unis de plus de 100 %,…
M. Pierre-Yves Collombat. Ils partaient de bien plus bas !
M. René-Pierre Signé. Comparaison n’est pas raison !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Bien sûr, mais je réponds sur les points qu’a évoqués M. Collombat, ne serait-ce que par respect pour lui !
Ces chiffres signifient tout simplement que, dans la période récente, la France a été, avec l’Allemagne, le pays qui a le mieux résisté sur le front du chômage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cette réalité est peut-être déplaisante pour vous, mais c’est celle qui résulte de la politique de l’emploi.
M. David Assouline. C’est une contre-vérité !
M. Didier Boulaud. Quid des promesses électorales du candidat Sarkozy ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Permettez-moi, maintenant, de poser quelques questions simples.
Le parti socialiste, qui, aujourd’hui, se préoccupe tant de l’emploi, a-t-il soutenu les mesures qui ont été mises sur la table au cours de la période récente ? Non ! (Protestations continues sur les travées du groupe socialiste.)
Le contrat de transition professionnelle, destiné à aider les personnes qui ont perdu leur emploi, a-t-il été voté par le parti socialiste ? (Non ! sur les travées de l’UMP.)
Les mesures destinées à favoriser la formation en alternance, notamment au bénéfice de l’emploi de nos jeunes, ont-elles été soutenues par le parti socialiste ? (Non ! sur les travées de l’UMP.)
L’activité partielle, qui est destinée à prévenir les licenciements et à former plutôt que licencier, a-t-elle été défendue par le parti socialiste ? (Non ! sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le résultat est formidable !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. La réalité, monsieur le sénateur, c’est que, sur tous ces sujets, le parti socialiste s’est enfermé dans une politique d’opposition systématique, à la différence des partenaires sociaux qui, eux, ont fait preuve d’esprit de responsabilité au cours de cette période, pour gérer, ensemble, les nouveaux outils de la politique de l’emploi.
M. Didier Boulaud. Parlez-nous plutôt des élections régionales, par exemple en Auvergne, où trois membres du Gouvernement ont été battus !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, si j’ai un conseil à donner à nos compatriotes qui veulent sortir de ces difficultés, c’est de ne surtout pas suivre les propositions qui sont formulées en matière d’emploi par le parti socialiste !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. En effet, si nous devions appliquer la politique de matraquage fiscal qui est prônée par Martine Aubry, il y aurait fort peu de chances que notre pays parvienne à se redresser ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Bizet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
La Commission européenne a annoncé, le 4 mai dernier, la relance des négociations commerciales avec le MERCOSUR, qui étaient suspendues depuis des années.
Cette annonce survient au pire moment pour l’agriculture européenne, qui traverse une crise particulièrement grave. Une hausse massive des importations de viande, qui serait la conséquence inévitable d’un accord, serait destructrice pour elle.
En outre, du point de vue des intérêts européens dans les négociations du cycle de Doha, cette annonce est particulièrement malvenue.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la conséquence de la libéralisation !
M. Jean Bizet. Dans le cadre de ces négociations, la Commission européenne a déjà proposé, en juillet 2008, des concessions très importantes dans le domaine agricole, dont le MERCOSUR serait le principal bénéficiaire. Toutefois, ces concessions n’avaient de sens que dans la perspective de la conclusion du cycle de Doha par un accord à la fois équilibré et global. Et elles étaient, très clairement, la limite ultime de ce que l’Europe pouvait mettre sur la table.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui signe ces accords ?
M. Jean Bizet. Il faut savoir que, dans le domaine agricole, l’Union européenne enregistre déjà un déficit commercial de plus de 20 milliards d’euros dans ses relations avec le MERCOSUR.
Il faut savoir également que les producteurs du MERCOSUR n’ont pas à respecter les mêmes normes que les agriculteurs européens en matière de sécurité alimentaire, de bien-être animal et d’environnement, et qu’ils en tirent un avantage comparatif totalement injustifié.
M. Charles Revet. Tout à fait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui a des intérêts dans ces pays ? Pas les salariés français !
M. Jean Bizet. Ma question, particulièrement cruciale après les réunions qui se sont tenues ces derniers jours sous présidence espagnole, est donc la suivante : est-il raisonnable de reprendre ces négociations ? Et si le Gouvernement, comme je l’espère, estime que tel n’est pas le cas, que compte-t-il faire pour que les intérêts agricoles de l’Europe ne soient pas sacrifiés, une fois de plus ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Roland du Luart. C’est une excellente question !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, que, en ce moment, nous retrouvons avec plaisir chaque jour au Sénat, pour débattre d’un dossier important ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Merci, monsieur le président !
Monsieur le sénateur, la position du gouvernement français, sous l’autorité de François Fillon, est claire : nous sommes opposés à la reprise des négociations commerciales entre l’Union européenne et le MERCOSUR. (M. Jean-Paul Virapoullé applaudit.)
Nous y sommes opposés parce que les exportations de produits agricoles, notamment de viande, en provenance des pays du MERCOSUR et à destination de l’Union européenne ont doublé en l’espace de cinq ans.
M. René-Pierre Signé. Et la préférence européenne ? L’Union est une passoire !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous y sommes opposés parce que, au moment même où l’Union européenne acceptait des importations supplémentaires de biens agricoles en provenance du MERCOSUR, certains pays de cet ensemble augmentaient leurs droits de douane sur les produits alimentaires en provenance de l’Union européenne.
Enfin, nous y sommes opposés parce qu’il n’y a aucune raison pour que l’Union européenne signe des accords avec le MERCOSUR avant que les négociations commerciales au sein de l’OMC soient conclues !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle logique !
M. Bruno Le Maire, ministre. C'est la raison pour laquelle, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, nous avons défendu cette position, au Conseil européen comme au Conseil des ministres de l’agriculture.
Voilà encore trois semaines, seuls deux pays, dont la France, étaient sur cette ligne. Lors du Conseil des ministres de l’agriculture qui s’est tenu lundi dernier à Bruxelles, il y en avait dix. Désormais, parmi les pays membres de l’Union européenne, nous sommes quinze à nous opposer à la reprise des négociations avec le MERCOSUR ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes donc pas un libéral ?
M. Bruno Le Maire, ministre. J’ai entendu les responsables d’un certain nombre de pays européens se féliciter de ce que la reprise de ces négociations entre l’Union européenne et le MERCOSUR puisse, dans un futur proche, bénéficier aux pays de cette zone. J’aimerais que l’Union européenne, avant de se préoccuper des intérêts des pays du MERCOSUR, se soucie de ceux de ses agriculteurs et de ses citoyens ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes donc pour un protectionnisme à géométrie variable !
M. Bruno Le Maire, ministre. J’aimerais que la production agricole cesse d’être systématiquement la variable d’ajustement des négociations commerciales en Europe ! (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
réduction des marges dans la grande distribution
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Lundi dernier, avant même l’ouverture du débat sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, le Président de la République a réuni les représentants des agriculteurs, du secteur des fruits et légumes, de l’industrie agro-alimentaire et de la grande distribution pour évoquer la modération des marges des distributeurs en période de crise.
Belle opération de communication, dirai-je, mais qui anticipait toutefois sur la décision parlementaire ! Devons-nous rappeler encore une fois que le Sénat n’est pas une simple chambre d’enregistrement ?
Demain, le Président de la République, toujours lui, se rendra dans le Lot-et-Garonne…
M. Gérard Le Cam. Il va y recevoir des tomates !
Mme Odette Herviaux. … pour expliquer sur le terrain les mesures annoncées et assurer leur « service après-vente », alors même que l’article n’a pas encore été entièrement déballé,…
M. Roland Courteau. Et voilà, c’est comme ça !
Mme Odette Herviaux. … et cela, comme toujours, en amont et au détriment du travail parlementaire !
En effet, monsieur le ministre, votre participation à ce déplacement nous prive non seulement de votre présence, mais aussi d’une journée de travail et de débat sur la loi de modernisation de l’agriculture qui était pourtant programmée depuis longtemps.
Mais nous sommes habitués à ces pratiques, et leur visée électoraliste me semble beaucoup plus évidente et réelle que la portée des accords sur l’amélioration du revenu des agriculteurs.
En effet, il y a bien là un problème de fond : à quoi donc a servi la loi de modernisation de l’économie, sinon à conforter des pratiques qui sont dénoncées maintenant, comme par hasard, par tout le monde ?
Monsieur le ministre, accepterez-vous de remettre en question les éléments de cette loi encadrant les pratiques commerciales, comme vous le demandent des parlementaires de tous bords, et de conforter les moyens de contrôle, notamment ceux de la DGCCRF – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes –, qui va perdre, d’ici à 2011, je le rappelle, 250 équivalents temps plein ?
En quoi un accord sur la modération, en cas de crise, des marges sur les fruits et légumes, prétendument imposé à la grande distribution, peut-il rassurer les consommateurs et les producteurs ? D’autant que vous vous fondez, au prix d’un calcul compliqué, sur la baisse constatée par rapport à la moyenne des trois dernières années, qui ont été, tout le monde le sait, particulièrement mauvaises dans le secteur des fruits et légumes !
M. René-Pierre Signé. Tout à fait !
Mme Odette Herviaux. Comme le texte de la loi à venir, celui de l’accord reste très vague : l’emploi de termes comme « éventuellement » ou « le cas échéant » et du conditionnel ne sont pas de nature à garantir une rémunération juste et décente du travail des agriculteurs…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et ils s’en aperçoivent !
Mme Odette Herviaux. La grande distribution, qui n’est pas la seule responsable des problèmes des agriculteurs,…
M. le président. Votre question !
Mme Odette Herviaux. … cédera-t-elle à la menace d’une taxe supplémentaire, ou aura-t-elle le même comportement que les banques, dont les représentants, quelques mois seulement après s’être fait morigéner par le Président de la République, ont l’attitude que l’on sait ?
Si la situation de nos agriculteurs n’était pas aussi dramatique, il y aurait presque de quoi rire à la lecture des titres de nos quotidiens nationaux et régionaux !
M. le président. Il faut vraiment poser votre question !
Mme Odette Herviaux. J’y arrive, monsieur le président.
Je vous demande solennellement, monsieur le ministre, de nous indiquer en quoi exactement cet accord et la loi à venir permettront de faire évoluer réellement les revenus de nos agriculteurs et de rémunérer l’activité de ces derniers à sa juste valeur, alors qu’ils incarnent particulièrement, et depuis longtemps, la valeur travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Madame la sénatrice, vous ne pouvez pas reprocher au Président de la République de se soucier des agriculteurs et de leurs revenus au moment où le secteur traverse l’une des crises les plus graves depuis une trentaine d’années.
Mme Nicole Bricq. Cet intérêt pour les agriculteurs est très récent !
M. Charles Gautier. Cela date des régionales !
M. Bruno Le Maire, ministre. Cette préoccupation me semble légitime et nécessaire.
Quoi qu'il en soit, je voudrais vous répondre dans le même esprit que celui qui préside aux travaux que nous menons ici depuis plusieurs jours pour améliorer le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, travaux dont je tiens à souligner une fois encore la qualité.
Lundi dernier, un accord de modération des marges dans le secteur des fruits et légumes par la grande distribution en période de crise a été signé entre les distributeurs et les producteurs. La période de crise est définie de manière tout à fait officielle, à partir des données publiées par l’INSEE sur les trois dernières années, qui servent alors de référence. Pour certains produits, la crise est déclarée lorsque le prix baisse de 10 % par rapport à ces trois années de référence – c’est le cas de la pêche ou de la nectarine –, pour d’autres, qui sont moins sensibles, elle le sera lorsque la baisse atteint 20 % ou 25 %. Ces données s’imposent à tout gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite.
Quand la période de crise est reconnue, la réduction des marges s’applique de manière automatique à l’ensemble des distributeurs ayant signé cet accord. Pour ceux qui ne l’auraient pas fait ou qui, l’ayant fait, décideraient de ne plus le respecter, le Gouvernement a prévu – on n’est jamais trop prudent ! – dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche l’application d’une taxe ; nous aurons donc l’occasion d’en débattre.
Pour le Gouvernement, cet accord de réduction des marges s’inscrit dans une démarche beaucoup plus large, qui vise à améliorer les relations commerciales au sein de la filière alimentaire en France. Depuis plusieurs années, en effet, les relations entre producteurs, industriels et distributeurs se caractérisent par la confrontation systématique, la confusion, voire l’opacité. Le Gouvernement entend donc mieux les organiser et les rendre plus transparentes, de façon à assurer aux producteurs de meilleurs revenus.
À cela s’ajoute la suppression des remises, rabais, ristournes ; le groupe socialiste a d’ailleurs amélioré le texte initial du projet de loi de modernisation sur ce point. Grâce à l’UMP, qui a proposé le renforcement du dispositif, est également prévu un encadrement des prix après-vente pour que plus aucune marchandise agricole en France ne soit vendue sans un contrat écrit.
Enfin, le Gouvernement a développé les missions de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, qui s’intéressera désormais à tous les produits agricoles en France, ainsi qu’aux coûts de production, afin que ceux-ci puissent enfin être comparés au prix des produits.
Tous ces dispositifs permettront une augmentation sensible du revenu des producteurs en France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
apprentissage
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez toujours montré votre attachement à la filière de l’apprentissage.
M. Charles Revet. C’est très important !
M. Jean-Claude Carle. Tout récemment encore, les ateliers de l’apprentissage et de l’alternance, installés au début de l’année à la suite du rapport d’Henri Proglio, en témoignent.
Nous ne pouvons que saluer votre volonté de faire de l’apprentissage la filière de l’excellence et de la réussite, alors que la formation en alternance est encore trop considérée comme celle où conduisent les échecs successifs. Elle est trop souvent perçue comme un stigmate de l’échec.
M. Jean-Louis Carrère. C’est un choix par défaut !
M. Jean-Claude Carle. À mon sens, trois causes principales expliquent cette situation.
Tout d’abord, il s’agit d’un problème culturel propre à notre pays, celui de la hiérarchisation des intelligences et, par corollaire, de la hiérarchisation des voies de formation.
Ensuite, il faut noter le désamour pour l’entreprise et l’entrepreneur, notamment au sein du système éducatif. Or cette attitude est aux antipodes de celle de nos voisins allemands, par exemple ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Enfin, nous devons faire face au sentiment, largement répandu au sein de l’éducation nationale, qu’elle doit avoir le monopole du savoir et de sa transmission.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les bras nous en tombent !
M. Jean-Claude Carle. Certes, des changements sont apparus, notamment grâce aux lois de décentralisation, à la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de 2005, dite « loi Fillon », à la loi sur la réforme de la formation professionnelle de 2009, à laquelle vous avez attaché votre nom, monsieur le secrétaire d'État, et qui fait désormais entrer la formation professionnelle dans le cadre de compétences partagées.
L’apprentissage résiste à la crise. Il n’est qu’à voir l’augmentation du nombre de contrats en 2009, de l’ordre de 5 %. Qu’il me soit permis de saluer le sens des responsabilités dont font preuve, dans le contexte difficile que nous connaissons, un certain nombre d’acteurs socio-économiques, tout particulièrement ceux qui dirigent les petites et très petites entreprises. Ils ont compris qu’il s’agissait d’un véritable investissement et que cette voie était celle qui apportait dans le même temps une réponse aux projets des jeunes, aux besoins de l’économie et à la diversité de nos territoires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est pour cela que l’on ferme des filières !
M. Jean-Claude Carle. Avec les ateliers de l’apprentissage et de l’alternance, vous avez manifesté votre intention d’ouvrir des pistes nouvelles d’évolution. Il faut maintenant concrétiser, serais-je tenté de dire. Cela suppose quelques réformes, notamment celle de la collecte et de la répartition de la taxe d’apprentissage, afin que les sommes en question aillent de préférence à ceux qui font de l’apprentissage.
M. le président. Votre question !
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous préciser les suites que vous comptez réserver aux ateliers de l’apprentissage et de l’alternance et la démarche que vous entendez adopter afin que cette voie soit véritablement celle de la réussite ? Car, pour moi, un apprenti en marche fait plus avancer la France qu’un intellectuel ou un pédagogue assis ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette remarque, elle, est un sommet de l’intelligence !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le sénateur, parmi les parlementaires, vous êtes sûrement l’un des plus fins connaisseurs des questions de formation professionnelle et l’un des meilleurs défenseurs de l’alternance et de l’apprentissage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est surtout un fin connaisseur de l’intelligence !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que tous les intellectuels assis du Sénat s’en aillent !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise puisque le Sénat est, des deux assemblées, celle qui s’est la première attachée à défendre l’apprentissage, et je sais que le président Gérard Larcher entend faire en sorte que cet engagement se poursuive. La Haute Assemblée accueille d’ailleurs chaque année – vous y participez, monsieur Carle – les Rencontres de l’apprentissage, qui contribuent à valoriser l’image des apprentis.
Quels sont les avantages d’une formation par l’apprentissage ?
D’abord, dans sept à huit cas sur dix, l’apprenti trouve un emploi dès la fin de sa formation. En d’autres termes, ses chances de trouver un emploi en CDI sont de 20 % à 40 % plus grandes que s’il avait suivi la même formation sans alternance.
Ensuite, l’apprentissage est une formation concrète, qui permet à nos jeunes d’être directement dans la vie pratique, d’entrer dans l’univers des entreprises et de faire leurs preuves, ce à quoi ils aspirent de plus en plus fortement.
Enfin, et c’est loin d’être négligeable, parce qu’il est rémunéré, l’apprentissage permet à des familles modestes de financer les études de leurs enfants.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui, ceux qui n’ont pas de moyens ne peuvent prétendre faire des études !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. En outre, l’apprentissage est un moteur très puissant de promotion sociale. Il permet aujourd’hui d’atteindre des formations de niveau master.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est retourné au xixe siècle !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. C’est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité que nous puissions franchir une étape supplémentaire et atteindre, à l’instar de l’Allemagne, l’objectif d’un jeune sur cinq formé par le biais de l’alternance.
Que faut-il changer pour y parvenir ?
Tout d’abord, il faut agir sur l’orientation. Les jeunes ne sont pas encouragés par les conseillers d’orientation-psychologues à faire le choix de l’alternance et de l’apprentissage.
M. Alain Gournac. C’est vrai !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Cela n’est pas acceptable. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) L’alternance et l’apprentissage doivent faire l’objet d’actions de promotion et d’information systématiques dans le cadre de l’éducation nationale.
Ensuite, il convient de simplifier les procédures à la fois pour les entreprises et pour les jeunes. Ainsi, ce matin, le Gouvernement a lancé un site Internet dédié à l’alternance, qui vise à rassembler toutes les offres d’apprentissage.
Par ailleurs, il s’agit de valoriser le statut des apprentis. Un apprenti n’est pas un étudiant de « seconde zone ». Il doit bénéficier des mêmes avantages que les autres étudiants, des mêmes réductions, des mêmes possibilités en matière de déplacements ou d’accès à certains logements.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'État !
M. Jean-Louis Carrère. Gérez votre temps, à défaut de gérer la France !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Enfin, il est indispensable de promouvoir l’alternance dans de nouveaux domaines, notamment du secteur tertiaire, comme les services ou le tourisme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’alternance est une voie d’excellence et nous comptons sur vous pour nous aider à la défendre ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
cumul des mandats
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
Monsieur le secrétaire d'État, lors d’un récent colloque à Sciences Po,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore des intellectuels assis !
M. Jean Louis Masson. ... deux anciens Premiers ministres, Édouard Balladur et Lionel Jospin, se sont prononcés contre le cumul des mandats. Ils ont tout à fait raison, car cette particularité bien française est la principale cause de l’absentéisme parlementaire ! (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP. – Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Chut !
M. Jean Louis Masson. Toutefois, le problème est moins le cumul des mandats à proprement parler que le cumul de très lourdes fonctions exécutives locales. (M. Pierre Hérisson acquiesce.) La charge de travail qu’impose un mandat de conseiller municipal ou de conseiller général n’a absolument rien à voir avec celle qu’entraîne une fonction de maire ou de président de conseil général. La limitation des cumuls de mandats doit donc viser en priorité les fonctions exécutives des grandes collectivités territoriales.
Les fonctions de maire de grande ville, de président de conseil régional, de président de conseil général ou de président de communauté d’agglomération impliquent une activité à plein-temps. L’exercice d’un mandat parlementaire est également une activité à plein-temps. (Exclamations ironiques sur plusieurs travées de l’UMP.) Or nul ne peut assumer correctement deux activités à plein-temps.
Bien entendu, ce constat est également valable pour les ministres.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont des surhommes !
M. Jean Louis Masson. Quand on occupe des fonctions gouvernementales, on doit être le ministre de toute la France et pas le porte-parole des intérêts particuliers de telle ville ou de tel département. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jean Louis Masson. Tous les partis se déclarent hostiles aux cumuls abusifs, mais personne ne fait rien ! Les déclarations de bonnes intentions se heurtent en effet à l’obstruction de ceux qui profitent du système. Édouard Balladur a d’ailleurs très bien résumé la situation en indiquant dans Le Figaro du 7 mai 2010 : « Il n’y a pas d’enthousiasme dans la classe politique, ni à droite ni à gauche, pour prohiber le cumul…
M. David Assouline. À gauche, si !
M. Jean Louis Masson. … Si l’on veut progresser, il ne faut pas se référer à la bonne volonté, il faut que la loi intervienne. »
M. Charles Gautier. Vous devriez venir plus souvent !
M. Jean Louis Masson. Sur cette question, je partage tout à fait le point de vue d’Édouard Balladur. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
Ma question est donc très simple. Monsieur le secrétaire d'État, oui ou non, le Président de la République et le Gouvernement ont-ils l’intention de limiter les cumuls abusifs de mandats à la fois pour les parlementaires et pour les ministres ou bien faudra-t-il attendre un changement de majorité ? (Oui ! sur les travées socialistes.)
M. Jean-Pierre Sueur. Quel optimisme !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous ne vous contentez pas d’assister aux colloques organisés par Sciences Po : pour avoir participé assidûment au débat sur la réforme des collectivités territoriales, vous n’ignorez pas que, parmi ses dispositions essentielles, figure la création d’un conseiller territorial appelé à siéger à la fois au conseil général et au conseil régional.
Plusieurs sénateurs socialistes. C’est du cumul !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous institutionnalisez le cumul !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Les conseillers territoriaux seront titulaires d’un mandat unique, même si l’exercice de celui-ci les conduit à siéger dans deux assemblées, donc à exercer plus de responsabilités.
M. Charles Gautier. C’est le cumul obligatoire !
M. René-Pierre Signé. Le cumul légal !
M. Jean-Louis Carrère. Là encore, vous êtes les champions !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est pourquoi le projet de loi prévoit qu’ils pourront se faire remplacer par leur suppléant, qui sera, je le rappelle, de sexe opposé, pour siéger dans les organismes extérieurs.
Ce nouveau mandat s’inscrira par ailleurs dans le cadre de la législation actuelle. Le Gouvernement n’a pas, en effet, proposé à ce jour de modification de la législation sur le cumul des mandats. Vous le savez, les textes qui régissent ce point ont connu des évolutions successives depuis 1985,...
M. René-Pierre Signé. Il y a la loi Joxe !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. ... allant dans le sens d’une limitation plus forte et dont la dernière date de la loi du 11 avril 2003. Je souligne au passage que toute modification majeure ne doit pas dénaturer le rôle de la Haute Assemblée, dont la fonction est la représentation de nos collectivités territoriales.
Le Gouvernement n’est cependant pas hostile à ce qu’une réflexion soit ouverte sur la question du cumul des fonctions de président des plus grosses intercommunalités avec d’autres mandats électifs.
M. Charles Gautier. Encore un groupe de travail !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Cette réflexion pourrait s’inscrire notamment dans le cadre de l’examen à venir, par votre assemblée, du projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Nous en avons fini avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, je vous confirme que, le jeudi 17 juin, à la suite des questions d’actualité au Gouvernement, je prononcerai une brève allocution pour commémorer l’appel du 18 juin du général de Gaulle. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au Grand Paris est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
6
Modernisation de l'agriculture et de la pêche
Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (procédure accélérée) (projet n° 200, texte de la commission n° 437, rapport n° 436).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.
Article 1er (suite)
I. – Le livre II du code rural est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Alimentation, santé publique vétérinaire et protection des végétaux » ;
2° L’intitulé du titre III est ainsi rédigé : « Qualité nutritionnelle et sécurité sanitaire des aliments » ;
3° Avant le chapitre 1er du titre III, il est ajouté un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« Chapitre préliminaire
« La politique de l’alimentation
« Art. L. 230-1. – La politique de l’alimentation vise à assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, diversifiée, en quantité suffisante, de bonne qualité gustative et nutritionnelle, produite dans des conditions durables. Elle vise ainsi à offrir à chacun les conditions du choix de son alimentation en fonction de ses souhaits, de ses contraintes et de ses besoins nutritionnels, pour son bien-être et sa santé.
« La politique de l’alimentation est définie par le Gouvernement dans un programme national pour l’alimentation après avis du conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire. Le Conseil national de l’alimentation est associé à l’élaboration de ce programme et contribue au suivi de sa mise en œuvre. Il est rendu compte tous les trois ans au Parlement de l’action du Gouvernement dans ce domaine.
« Le programme national pour l’alimentation prévoit les actions à mettre en œuvre dans les domaines suivants :
« - la sécurité alimentaire, l’accès pour tous, en particulier les populations les plus démunies, à une alimentation en quantité et qualité adaptées ;
« - la sécurité sanitaire des produits agricoles et des aliments ;
« - la santé animale et la santé des végétaux susceptibles d’être consommés par l’homme ou l’animal ;
« - l’éducation et l’information notamment en matière d’équilibre et de diversité alimentaires, de règles d’hygiène, de connaissance des produits, de leur saisonnalité et de l’origine des matières premières agricoles ainsi que des modes de production, de l’impact des activités agricoles sur l’environnement ;
« - la loyauté des allégations commerciales et les règles d’information du consommateur ;
« - la qualité gustative et nutritionnelle des produits agricoles et de l’offre alimentaire ;
« - les modes de production et de distribution des produits agricoles et alimentaires respectueux de l’environnement et limitant le gaspillage ;
« - le respect des terroirs par le développement de filières courtes ;
« - le patrimoine alimentaire et culinaire français.
« Art. L. 230-2. – L’autorité administrative compétente de l’État peut, afin de disposer des éléments nécessaires à l’élaboration et à la mise en œuvre de sa politique de l’alimentation, imposer aux producteurs, transformateurs et distributeurs de produits alimentaires, quelle que soit leur forme juridique, la transmission de données de nature technique, économique ou socio-économique relatives à la production, à la transformation, à la commercialisation et à la consommation de ces produits.
« Un décret en Conseil d’État précise la nature de ces données et les conditions de leur transmission.
« Art. L. 230-3. – Les gestionnaires des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés sont tenus de respecter des règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu’ils proposent déterminées par décret.
« Les agents mentionnés aux 1° à 7° et au 9° du I de l’article L. 231-2 et, dans les conditions prévues par l’article L. 1435-7 du code de la santé publique, les médecins inspecteurs de santé publique, les ingénieurs du génie sanitaire, les ingénieurs d’études sanitaires et les techniciens sanitaires, les inspecteurs et les contrôleurs des agences régionales de santé veillent au respect des obligations fixées en application du présent article. Ils disposent à cet effet des pouvoirs d’enquête prévus au premier alinéa de l’article L. 218-1 du code de la consommation.
« Lorsqu’un agent mentionné à l’alinéa précédent constate dans un service de restauration scolaire ou universitaire la méconnaissance des règles relatives à la nutrition mentionnées au premier alinéa, l’autorité administrative compétente de l’État met en demeure le gestionnaire du service de restauration scolaire ou universitaire concerné de respecter ces dispositions dans un délai déterminé. Si, à l’expiration de ce délai, l’intéressé n’a pas déféré à la mise en demeure, cette autorité peut :
« 1° Ordonner au gestionnaire la réalisation d’actions de formation du personnel du service concerné ;
« 2° Imposer l’affichage dans l’établissement scolaire ou universitaire des résultats des contrôles diligentés par l’État.
« Lorsque le service relève de la compétence d’une collectivité territoriale, d’un établissement public, d’une association gestionnaire ou d’une autre personne responsable d’un établissement d’enseignement privé, l’autorité compétente de l’État informe ces derniers des résultats des contrôles, de la mise en demeure et, le cas échéant, des mesures qu’il a ordonnées.
« Un décret en Conseil d’État précise la procédure selon laquelle sont prises les décisions prévues au présent article.
« Art. L. 230-4. – L’aide alimentaire a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux plus démunis. Cette aide est apportée tant par l’Union européenne que par des personnes publiques et privées.
« Seules des personnes morales de droit public ou des personnes morales de droit privé habilitées par l’autorité administrative peuvent recevoir des contributions publiques destinées à la mise en œuvre de l’aide alimentaire.
« Des décrets fixent les modalités d’application du présent article, notamment les conditions auxquelles doivent satisfaire les personnes morales de droit privé ; ces conditions doivent permettre de garantir la fourniture de l’aide alimentaire sur une partie suffisante du territoire et sa distribution auprès de tous les bénéficiaires potentiels, d’assurer la traçabilité physique et comptable des denrées et de respecter de bonnes pratiques d’hygiène relatives au transport, au stockage et à la mise à disposition des denrées. »
II. -Au chapitre Ier du titre IV du livre V du code de la consommation, il est inséré un article L. 541-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 541-1. – La politique de l’alimentation est définie à l’article L. 230-1 du code rural. »
III. – Au début du livre II bis de la troisième partie du code de la santé publique, il est ajouté un article L. 3231-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3231-1-1. – La politique de l’alimentation est définie à l’article L. 230-1 du code rural. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 522 rectifié, présenté par MM. Fortassin et Collin, Mme Escoffier, MM. Tropeano et de Montesquiou, Mme Laborde et MM. Chevènement, Mézard, Vall, Milhau, Plancade, Baylet, Barbier, Alfonsi, Marsin et Detcheverry, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - le respect des terroirs et le lien entre le consommateur et le producteur par le développement de filières courtes et l'amélioration de la proximité géographique entre producteurs et transformateurs ;
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Les consommateurs, mais aussi les restaurateurs, artisans et commerçants de bouche, sont les véritables prescripteurs de l’agriculture, car ce sont eux qui achètent et valorisent ses productions. Un lien étroit doit, par conséquent, les unir aux producteurs pour que les produits agricoles correspondent aux attentes de ces clients.
Or on constate aujourd’hui une évidente distension de ce lien. Elle découle notamment de l’urbanisation et des fortes évolutions qu’ont connues, que connaissent encore les exploitations agricoles. II convient donc de veiller à préserver et à renforcer ce lien. À cette fin, le développement des circuits courts et la proximité de l’ensemble des acteurs d’un processus d’élaboration sur un même territoire apparaissent comme des outils efficaces.
Le consommateur gagnera en confiance envers les produits qu’il achète s’il a plus facilement connaissance de leur origine et de leurs modes de transformation. L’objet de cet amendement est donc d’inscrire plus précisément cet enjeu dans la politique de l’alimentation.
La proximité entre producteurs et transformateurs suppose notamment le maintien d’équipements indispensables comme les abattoirs.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 204 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Jarlier, Bernard-Reymond, B. Fournier, Juilhard, Amoudry, Bailly, Alduy, Hérisson et Gouteyron
L'amendement n° 328 est présenté par Mme David, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Tous deux sont ainsi libellés :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
et l’amélioration de la proximité géographique entre producteurs et transformateurs
L’amendement n° 204 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l’amendement n° 328.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise notamment les territoires de montagne, et je me fais ici le porte-parole de Mme David, en particulier.
En vue de valoriser les circuits courts et les terroirs, cet amendement tend à compléter la politique nationale de l’alimentation par un champ d’action supplémentaire, de manière à renforcer le lien entre les produits agroalimentaires et leur territoire.
On peut se féliciter de l’adoption, en commission, d’un amendement visant à intégrer le respect des territoires dans l’action du PNA – programme national pour l’alimentation – par le développement des filières courtes. Toutefois, la valorisation des circuits courts passe aussi par l’amélioration de la proximité géographique entre producteurs et transformateurs.
C’est particulièrement important dans les territoires de montagne, où, au-delà de la reconnaissance de la spécificité géographique, c’est toute une politique de produits qu’il s’agit de développer. Cette politique doit passer, en partie, par la reconnaissance de nouveaux labels, exigeant que le produit de montagne présente une typicité qui le distingue de biens analogues produits dans d’autres parties du territoire, mais également par l’aide à la commercialisation en circuits courts.
Il ne suffit pas de reconnaître la spécificité de l’agriculture de montagne ; encore faut-il en tirer les conséquences pratiques pour organiser réellement l’aide propre à ces filières.
Par ailleurs, cet amendement permettra sans nul doute d’offrir une meilleure visibilité au consommateur, qui aura connaissance de l’origine et des modes de transformation des produits qu’il achète.
M. le président. L'amendement n° 227, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
notamment par des actions en faveur du maintien des abattoirs à proximité des élevages
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dans sa version déposée sur le bureau de notre assemblée, ne faisait pas mention des circuits courts. Pourtant, la réflexion a largement fait son chemin à travers les exigences du Grenelle et le rapport à ce sujet dont vous avez pris l’initiative, monsieur le ministre.
Nous sommes donc satisfaits que le rapporteur ait jugé utile de faire entrer les circuits courts dans l’article 1er du projet de loi. Cependant, cette modification a été faite a minima, alors que des propositions concrètes existent. Dans ce contexte de volonté commune de développement des circuits courts – commune mais plus ou moins ambitieuse ! – nous tenons à attirer l’attention sur la question des abattoirs.
En effet, les abattoirs constituent un élément essentiel de la filière viande. Or ils ferment les uns après les autres, si bien que dans les zones proches de notre frontière avec la Belgique, par exemple, les bêtes sont abattues dans ce pays ! Hier, en commission, il a été question de l’Allemagne, où il n’y a que trois abattoirs : ce n’est certainement pas le modèle à imiter !
Cette situation s’explique de plusieurs façons. On sait que les abattoirs doivent respecter – et c’est normal – les exigences sanitaires et environnementales en vigueur, en particulier tous les règlements du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, qui posent toutes les règles spécifiques d’hygiène applicables aux denrées alimentaires d’origine animale, à tous les échelons de la filière.
Au niveau régional, les investissements nécessaires pour la mise aux normes sanitaires peuvent être financés dans le cadre du fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER. Toutefois, cela n’est souvent pas suffisant et, si des investisseurs publics interviennent, les conditions d’éligibilité sont largement réduites.
Les contraintes sanitaires et celles de la concurrence libre et non faussée sont là, mais elles ne sauraient justifier la fermeture massive des sites. Nous demandons que l’objectif de maintien des abattoirs soit inscrit dans la loi et que le Gouvernement travaille à trouver des solutions qui permettent à ces structures d’exister.
Par là même, on satisferait à des exigences environnementales mais également sociales, tout en encourageant le maintien de la diversité des productions sur le territoire, diversité qui risque de disparaître du fait de l’éloignement des structures d’abattage.
M. le président. L'amendement n° 441, présenté par M. Lecerf et Mme Descamps, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Compléter cet alinéa par les mots :
portées à la connaissance de l'ensemble des personnes morales de droit public dotées de services de restauration
Cet amendement n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements restant en discussion ?
M. Gérard César, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. En ce qui concerne l’amendement n° 522, je souhaiterais rappeler que les filières courtes ont précisément pour objet de rapprocher les producteurs et les consommateurs. Par essence, elles ne sont concevables que pour les produits peu ou pas transformés.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, de même que sur l’amendement n° 328, qui en est proche.
L’amendement n° 227 vise spécifiquement les abattoirs. Bien sûr, nous souhaitons les uns et les autres avoir des abattoirs à proximité. Cependant, il faut, d’une part, que ces abattoirs correspondent aux normes européennes ou qu’ils soient mis en conformité, d’autre part, qu’ils aient une dimension suffisante pour que la taxe d’abattage soit aussi équilibrée que possible. Or, ne l’oublions pas, les abattoirs se font tout de même concurrence.
Cela étant, je pense que la question du maintien des abattoirs à proximité des élevages n’a rien à voir avec ce texte. Mon avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Ce sont trois avis défavorables également, monsieur le président.
En ce qui concerne les circuits courts, il nous semble que la rédaction du texte de la commission, qui mentionne leur développement, est suffisamment explicite. Par ailleurs, d’autres dispositions sont envisagées dans la suite du texte pour améliorer les circuits courts.
Au sujet des abattoirs, je souhaiterais tout d’abord apporter une précision à M. Le Cam : c’est effectivement moi qui ai cité l’exemple des trois abattoirs allemands – Tönnies, Vion et Westfleisch – qui, à eux seuls, concentrent l’abattage de 54 % des porcs allemands. Je l’ai cité pour expliquer les écarts de compétitivité, mais je ne pense pas qu’il s’agisse d’un modèle pour la France.
Cela dit, l’installation des abattoirs ne peut pas se faire sous la forme d’un plan national, ce à quoi votre amendement conduirait, car ce serait contraire à la directive Services. Rien n’interdit de développer des abattoirs ici ou là, mais il ne peut y avoir de plan national.
Je profite de ce que j’ai la parole, monsieur le président, pour vous prier de bien vouloir m’excuser, car je devrai m’absenter à partir de 16 heures 40 pour assister à l’entretien que le Président de la République aura avec le commissaire européen à l’agriculture, M. Dacian Cioloş. Pendant cette courte période, je serai avantageusement remplacé par M. Henri de Raincourt.
M. le président. Quelqu’un que nous connaissons bien ! (Sourires.)
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'amendement n° 522 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je sais bien que ce texte ne traite pas des AOC – appellations d’origine contrôlée – et de ses enjeux, mais je veux signaler que, lors des journées de l’AOC qui se sont déroulées voilà quelques semaines à Cambremer, il a été question d’une possible délocalisation de l’agriculture et d’un certain nombre de productions. À cette occasion, l’importance cruciale du lien entre la consommation et les territoires a été soulignée, les AOC étant évidemment le moyen de fixer les productions.
Je dois le dire, dans un premier temps, cette notion de « délocalisation de l’agriculture » m’a paru un peu incongrue. Cependant, après avoir entendu les explications des experts qui étaient présents, j’ai mieux compris de quoi il retournait.
Je crois que l’amendement qu’a présenté Mme Laborde a au moins le mérite de donner de l’importance à ce lien entre les productions et les terroirs. À mon sens, dans le fatras de cet article 1er, cela ne changerait pas grand-chose d’ajouter ce lien entre les produits des terroirs et les consommateurs locaux. En tout cas, je voterai cet amendement s’il est maintenu.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je voudrais dire à mon tour combien cet amendement me paraît intéressant dans la mesure où il maintient en effet un lien entre le respect du terroir et le consommateur local.
On nous dit que le texte est déjà assez explicite. Cependant, il n’est pas inutile de souligner ici l’importance de ce lien. Élu de la Dordogne, je suis bien placé pour savoir que l’on peut mettre en avant le terroir, notamment pour certains produits transformés, sans que le lien de proximité entre le produit et le territoire existe réellement. Il y a parfois une ambiguïté qui peut aller jusqu’à la tromperie.
Voilà pourquoi je considère que les précisions apportées par cet amendement me semblent mériter de figurer dans la loi.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 205 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Jarlier, B. Fournier, Bernard-Reymond, Juilhard, Amoudry, Bailly, Alduy et Hérisson, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - l’adaptation des normes et réglementations applicables aux spécificités marquées de certains territoires, tels que ceux de montagne en application de l’article 8 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ;
La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. Le présent amendement vise à compléter la politique nationale de l’alimentation pour que soient systématiquement prises en compte les spécificités territoriales, notamment celles des territoires de montagne.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 329 est présenté par Mme David, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 574 rectifié est présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Alfonsi et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Marsin, de Montesquiou, Plancade et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - l'adaptation en tant que de besoin des normes et réglementations applicables aux spécificités marquées de certains territoires, tels que ceux de montagne en application de l'article 8 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ; »
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l’amendement n° 329.
M. Gérard Le Cam. Il s’agit, par cet amendement, d’attribuer au programme national pour l’alimentation une action spécifique d’adaptation des normes à certains territoires, notamment ceux de montagne, que je défends au nom de Mme David, afin de tenir compte de leurs spécificités, conformément à l’article 8 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.
En effet, la montagne est un ensemble de territoires qui, du fait de leurs caractéristiques géographiques et climatiques propres, appellent des mesures spécifiques.
Ainsi, en raison des surcoûts de production de l’agriculture de montagne, liés à des difficultés de production exacerbées par l’environnement montagnard – les équipements spécialisés utilisés sont onéreux –, une application uniforme et stricto sensu des normes compromettrait la viabilité économique des exploitations agricoles de ces territoires. Il nous semble donc important que le PNA adapte les mesures normatives aux spécificités territoriales de la montagne.
Bien que, comme l’a indiqué M. le rapporteur, le PNA soit davantage un outil d’animation de la politique de l’alimentation qu’un instrument réglementaire, il nous semble qu’il peut toutefois contribuer à la reconnaissance de la spécificité de la montagne en impulsant une politique de l’alimentation qui distingue les produits agricoles en fonction de leur lieu de production.
En évitant une application homogène des normes, on compenserait le « handicap » montagne et on valoriserait les produits issus de ces territoires.
C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cet amendement. Je ne sais si une telle mesure s’appliquerait aux montagnes bretonnes, qui commencent à être un peu rabotées aujourd’hui ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 574 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement étant identique à celui qui vient d’être excellemment présenté, je considère qu’il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. La prise en compte des spécificités des territoires de montagne est nécessaire.
Cependant, je ne suis pas certain que l’adaptation des normes et réglementations devant s’appliquer en montagne puisse trouver sa place dans le programme national pour l’alimentation. Il me semble que la mise en place de dispositifs particuliers pour la montagne relève de textes spécifiques.
C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable sur l’amendement n° 205 rectifié et sur les amendements identiques nos 329 et 574 rectifié.
Néanmoins, en guise de compensation, je propose aux auteurs des amendements de les retirer ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Bernard-Reymond, l’amendement n° 205 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Bernard-Reymond. Je suis compréhensif, monsieur le président ! Je m’en remets à la sagesse du rapporteur et je retire l’amendement n° 205 rectifié.
M. le président. L’amendement n° 205 rectifié est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 329 et 574 rectifié ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Il convient bien entendu de tenir compte des spécificités de la montagne.
C’est pourquoi nous avons maintenu l’indemnité compensatoire de handicap naturel.
Par ailleurs, il existe une abondante réglementation européenne sur ces questions, qui concerne aussi bien le développement des territoires que les spécifications alimentaires. Si nous ajoutons dans la loi de nouvelles obligations sur le sujet, nous enfreindrons la législation communautaire.
C’est la raison pour laquelle, bien que partageant le souci qui les inspire, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 329 et 574 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, pour explication de vote.
Mme Bernadette Bourzai. Les explications qui ont été données par M. Le Cam se suffisent à elles-mêmes : il convient que nous prenions en compte mieux que cela n’a été fait jusqu’à présent les spécificités de la montagne.
Les conditions de production sont infiniment plus difficiles et plus rudes dans ces zones qu’ailleurs, et je pense non pas aux monts d’Arrée, mais aux régions de moyenne montagne, où j’habite, ainsi qu’aux Pyrénées, aux Alpes, aux Vosges.
Nous savons que, pour produire dans ces conditions, il faut utiliser des méthodes spécifiques en vue de tirer profit de produits différents, qui sont de très bonne qualité.
Il convient donc de donner, au travers de ce texte, la possibilité de labelliser en tant que « produits de montagne » les productions initiales ou obtenues dans le cadre de la pluriactivité, qui permettent de faire vivre des exploitations dans ces zones où l’équilibre agro-sylvo-pastoral est difficile à maintenir.
C’est pourquoi je regrette que la proposition de maintien local des abattoirs ait été rejetée sans plus de réflexion tout à l'heure.
Par ailleurs, le fait de ne pouvoir transformer ou valoriser sur place les produits de qualité constitue une grande erreur à mes yeux. En effet, une telle organisation de la production empêche de retenir de la valeur ajoutée sur les territoires de montagne. En outre, elle détériore le bilan carbone, les produits étant transformés à des centaines de kilomètres.
Les produits perdent de ce fait leur étiquette – chacun sait que les étiquetages sont encore très mal assurés –, ce qui fait que leur qualité ne sera pas reconnue.
Nous devons donc avoir ce réflexe de reconnaissance de la spécificité des territoires de montagne, reconnaissance qui n’est d’ailleurs pas indue, puisque loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne affirme que cette spécificité doit être prise en compte dans la législation.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 329 et 574 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par MM. S. Larcher, Gillot, Patient, Antoinette, Lise et Tuheiava, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni et Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Fauconnier, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - la valorisation locale du patrimoine alimentaire et culinaire des différentes régions françaises.
La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Monsieur le ministre, vous avez formulé le souhait d’une alimentation qui ne soit pas uniformisée ; cet amendement va dans ce sens.
Les traditions culinaires françaises sont bien différentes en fonction des régions. Nous pensons qu’il faut valoriser ces différences.
Nous proposons donc par cet amendement que les actions du programme national pour l’alimentation favorisent davantage la valorisation locale du patrimoine alimentaire et culinaire de chaque région française.
Cette diversité locale doit être non seulement préservée, mais aussi véritablement encouragée, et ce sous différentes formes ; il peut s’agir, par exemple, d’actions de communication, de formation, ou encore de la promotion des circuits courts de distribution.
Cette valorisation locale est très importante pour les régions d’outre-mer et, plus largement, pour toutes les productions régionales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement vise à modifier la rédaction qui avait été adoptée par la commission à l’alinéa 18 de l’article 1er.
Cet alinéa prévoit que, dans le cadre du programme national pour l’alimentation, soient menées des actions en faveur du patrimoine alimentaire et culinaire français. Cette définition paraît suffisamment étendue – elle avait même fait l’objet d’un large consensus en réunion de commission – pour ne pas être remise en cause.
Il me semble que la valorisation des productions agricoles et de la cuisine ultramarines pourra tout à fait intervenir dans le cadre de la rédaction actuelle. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Permettez-moi, monsieur le président, de saluer Mme Catherine Dumas, ici présente, qui a été chargée d’une mission sur la gastronomie française. Je tiens à la remercier du travail qu’elle accomplit et à l’assurer de mon amitié, ainsi que de tout notre soutien pour la gastronomie française. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. À l’instar de M. le rapporteur, le Gouvernement considère que cet amendement est satisfait par la rédaction adoptée en commission.
Par ailleurs, le patrimoine français s’appuie sur la richesse et la diversité des patrimoines régionaux, qu’il faut valoriser non seulement sur le plan local, mais aussi, bien entendu, aux échelons national et international. La rédaction proposée par l’amendement réduirait, en fait, la portée du projet du Gouvernement.
Telle est la raison pour laquelle ce dernier émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Nous comprenons l’argument du Gouvernement et de la commission, mais, pour notre part, nous analysons la rédaction proposée par l’amendement dans un sens opposé.
Si tous les territoires, y compris par exemple la Guadeloupe ou la Martinique, font partie de la République française – nous sommes tous d’accord sur ce point –, il faut néanmoins reconnaître la spécificité de ces régions.
Le Président de la République s’est d’ailleurs engagé voilà quelques mois à élaborer un plan spécifique pour l’outre-mer.
L’ajout dans le texte des mots « des différentes régions françaises » ne constitue en aucun cas un handicap ou un bémol opposé au patrimoine français ; il représente au contraire un forte, un allegro, puisqu’il permet d’évoquer toutes les régions françaises. La modification proposée par l’amendement n’est donc pas uniquement sémantique !
Monsieur le rapporteur, la commission a adopté unanimement l’alinéa 18, auquel j’adhère totalement. Pour autant, reconnaissons-le, l’expertise de nos collègues d’outre-mer sur ces régions est bien meilleure que la nôtre.
L’amendement vise donc à renforcer l’idée de cette diversité et à parler de toutes les régions françaises, y compris de celles d’outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.
Mme Catherine Dumas. Je tiens d’abord à vous remercier, monsieur le rapporteur, des propos que vous avez tenus.
Le dossier de candidature de la France pour l’inscription de sa gastronomie par l’UNESCO au patrimoine culturel de l’humanité représente une formidable opportunité pour notre pays de promouvoir son patrimoine culinaire et gastronomique. La réponse devrait intervenir en septembre 2010.
S’agissant de l’amendement, tout en souscrivant au souci de ses auteurs et aux arguments développés par M. Guillaume, je comprends l’analyse de la commission et je me rangerai à son avis.
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par MM. Revet et Etienne, Mme Henneron et MM. Le Grand, Gouteyron, Vasselle, Beaumont, Pierre, Doublet, Laurent, Trillard, Bécot et Merceron, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout produit commercialisé sur le territoire national doit porter, bien lisible pour le consommateur, l’indication du pays d’où vient le produit proposé à la vente s’il est vendu en l’état, ou du pays d’origine des matières premières ayant été utilisées pour sa fabrication s’il s’agit d’un produit ayant fait l’objet d’une transformation industrielle ainsi que l’indication du pays où il a été fabriqué.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, chacun le sait, du fait de la mondialisation, de nombreux produits consommés sur notre territoire sont importés.
Nous avons déjà longuement parlé de l’alimentation et de l’information des consommateurs. C’est bien normal, car voilà des thèmes qui sont au cœur de l’article 1er et, tout le monde l’a reconnu, d’une importance essentielle.
En effet, si les produits sont toujours fabriqués dans notre pays avec beaucoup de rigueur, c’est peut-être un peu moins vrai à l’étranger.
Il faut donc permettre au consommateur de s’y retrouver et d’acheter en toute connaissance de cause. À cette fin, il convient d’imposer un étiquetage très précis, sur lequel seraient indiquées l’origine du produit et la manière dont il a été fabriqué.
C’est dans cet esprit que j’ai cosigné cet amendement avec un certain nombre de mes collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Mon cher collègue corapporteur, l’étiquetage de l’origine continue de faire l’objet d’une vaste réflexion, notamment dans le cadre de la mission Jégo sur le « Made in France ».
En ce qui concerne les produits alimentaires, la commission a adopté un article 1er bis, qui permet de répondre à votre préoccupation, puisque le principe d’un étiquetage obligatoire est désormais inscrit dans la loi.
Votre amendement étant donc, me semble-t-il, satisfait, je vous demande de bien vouloir le retirer, faute de quoi je serais malheureusement contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Paul Raoult. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Didier Guillaume. Cela commence mal ! (Sourires.)
M. Henri de Raincourt, ministre. Pas du tout ! C’est justement pour cette raison qu’il est important de rappeler ce qui a déjà été évoqué sur ce sujet hier à deux reprises. En effet, comme M. le rapporteur vient excellemment de le dire à l’instant, une telle préoccupation est prise en compte à l’article 1er bis, qui résulte des travaux de la commission et sur lequel a notamment été déposé un amendement n° 241 présenté par M. Le Cam et plusieurs de ses collègues.
Je me permettrai d’aller plus loin : cet amendement, s’il était adopté, serait contraire aux exigences communautaires et pourrait être attaqué par la Cour de justice des communautés européennes, comme cela a déjà été le cas en Grèce et en Italie pour des dispositions similaires. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) En d’autres termes, si son objet est bon, sa rédaction est de nature à fragiliser le texte.
C’est la raison pour laquelle je me tourne, avec empressement et chaleur (Sourires.), vers M. Revet, pour lui suggérer de prendre la meilleure position qui soit, c’est-à-dire de retirer son amendement !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je voudrais dire un mot avant que Charles Revet n’en vienne sans doute à retirer l’amendement sous la pression amicale de M. le ministre et de M. le rapporteur.
Je comprends très bien l’argumentation qui vient d’être développée par le Gouvernement. Elle ne fait d’ailleurs que reprendre celle qui nous a été avancée pas plus tard que la nuit dernière par M. Le Maire sur des amendements similaires.
M. Alain Vasselle. Certes, monsieur le rapporteur, la commission a prévu, sur votre initiative, à l’article 1er bis, une disposition qui devrait être de nature à satisfaire Charles Revet, mais à une nuance près : vous ne prévoyez qu’une simple faculté, quand notre collègue voudrait que cela devienne une obligation ; vous dites « peut » quand il dit « doit ».
Or j’ai entendu hier de la bouche de M. le ministre que toute disposition ayant un caractère contraignant susceptible d’être introduite dans la loi se heurterait aux règles adoptées à l’échelon européen. Il se bat, nous dit-il, pour faire évoluer cette réglementation et obtenir que ce que nous souhaitons aujourd’hui y soit en partie intégré.
Il s’agit aujourd’hui de faire confiance au Gouvernement pour aller dans la bonne direction. Mais, comme beaucoup d’autres, je reste dubitatif : les dispositions que nous introduisons dans la loi seront-elles vraiment contraignantes ? J’espère que ce ne seront pas autant de coups d’épée dans l’eau, ce qui risque d’arriver si, d’aventure, M. le ministre ne réussissait pas à dégager une majorité à l’échelon européen pour intégrer nos préoccupations dans les textes communautaires.
Je l’ai dit, il ne s’agit pas, aujourd’hui, de mettre le Gouvernement en difficulté. Nous ne pouvons qu’avoir confiance dans l’avenir et nous interroger : comment peut-on aider le Gouvernement pour qu’il obtienne l’accord des autres pays européens et que notre souhait à tous ici devienne réalité ? Sinon, à quoi servons-nous ?
Mme Renée Nicoux. Absolument !
M. Alain Vasselle. En fait, tout repose sur la capacité du Gouvernement à convaincre ses homologues. Pour l’heure, je reste dans l’expectative. Je n’ai rien d’autre à dire, et je laisse à mon collègue Charles Revet le soin de prendre une décision !
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. À ce moment du débat, il nous faut être vraiment très précis. Pour ma part, je soutiens l’amendement de M. Revet. Non seulement la disposition proposée s’appliquerait à tout produit commercialisé sur le territoire national, mais elle permettrait en plus de garantir une meilleure information. Sans aller jusqu’à parler de publicité mensongère, il faut bien reconnaître que certains professionnels s’appuient sur l’image très positive d’un territoire pour commercialiser des produits dits « locaux » quand, en réalité, ils se contentent d’amalgamer des matières premières, certes transformées dans la région, mais venant d’ailleurs.
Mme Nathalie Goulet. C’est le cas de certains camemberts dits de Normandie !
Mme Odette Herviaux. Cela pose un vrai problème.
Monsieur le rapporteur, pour en revenir à ce qui a été évoqué hier, le dispositif que nous avons accepté en commission permettra-t-il de contraindre les industriels fautifs à changer leurs pratiques ?
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
Mme Odette Herviaux. Dans le cas contraire, nous sommes tout à fait prêts à voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il est vrai que nous avons déjà eu un débat hier sur le sujet, mais cette affaire de l’étiquetage est tout de même extrêmement importante pour l’ensemble des consommateurs.
Nous avons rencontré exactement le même problème dans le cadre de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale, lorsqu’il a été question de renforcer l’information sur les produits trop gras, trop salés et trop sucrés.
À force de vouloir imposer des étiquettes les plus complètes possible, on n’aura pas fini de les lire que les produits seront déjà périmés !
L’étiquetage, globalement l’information du consommateur, est un sujet extrêmement important. Si, en règle générale, je ne suis pas très favorable à la constitution de groupes de travail, en l’occurrence, nous nous devons de mener une réflexion approfondie sur ce que nous voulons vraiment obtenir.
Pour prolonger ce que vient de dire Mme Herviaux, certains camemberts de Normandie sont faits avec du lait qui vient de n’importe où, y compris de Chine, et leurs fabricants utilisent l’image du vrai camembert de Normandie et sa réputation pour vanter la qualité de leurs produits.
Si l’amendement de M. Revet est tout à fait intéressant, il n’a peut-être pas sa place ici, dans un tel contexte. En tout état de cause, il faudra engager une vraie réflexion sur l’étiquetage dans le cadre de la politique de l’alimentation. Cela nous sera très utile lorsque, au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous étudierons tout ce qu’il est envisageable de faire pour protéger à la fois les enfants et les adultes de la « malbouffe » et de l’obésité, pour les dissuader d’acheter des produits dont on ne maîtrise absolument pas la composition.
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Ce problème, dont nous discutons depuis hier soir, est certes difficile, mais, disons-le, il est en réalité lié à la politique menée en la matière par l’Union européenne, qui va à l’encontre de la qualité des produits.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Paul Raoult. Par sa volonté d’uniformiser l’ensemble de la production, elle entend supprimer, par exemple, les fromages au lait cru. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) C’est ainsi que les spécificités régionales finissent par disparaître.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Paul Raoult. Au fond, l’idéologie communautaire peut se résumer ainsi : derrière notre volonté de défendre les produits locaux se cache une forme de protectionnisme déguisé. Au nom de quoi on nous fait manger des pommes golden venant de Hollande, certes peu chères mais sans aucun goût ! Et nos producteurs locaux, eux, ont beaucoup de mal à écouler leurs pommes, jonagold ou autres, pourtant de bien meilleure qualité.
Nous rencontrons des problèmes similaires dans le cadre des appels d’offres pour les cantines et restaurants scolaires. Si l’envie nous prend d’introduire dans le cahier des charges une clause exigeant des produits spécifiquement locaux, nous voyons aussitôt débarquer une armée de fonctionnaires zélés, toujours prompts à critiquer la rédaction du document sous prétexte qu’il déroge au principe de libre concurrence avec les produits venant d’ailleurs !
Outre l’Europe, qui, selon sa philosophie, est souvent encline à nous soupçonner de pratiquer un protectionnisme larvé, nous devons aussi composer avec les responsables de la concurrence et de la fixation des prix, toujours en train de nous suspecter de tricher parce que nous préférons commercer avec les producteurs locaux : comme si c’était forcément mal…
À partir de là, nous avons bien des difficultés pour faire en sorte que les produits de nos propres régions puissent se retrouver dans l’assiette de nos enfants ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet et M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Aux termes de l’article 1er bis, adopté par la commission, il est bien précisé : « Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d’indication de l’origine des denrées alimentaires, l’indication du pays d’origine peut être rendue obligatoire pour les produits agricoles, alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformé. »
Cette rédaction va dans le sens de l’intérêt de chacun, notamment du consommateur, qui pourra ainsi connaître précisément la provenance et le niveau de qualité du produit.
Grâce à cette disposition, l’étiquetage de tous les produits agricoles pourra, pour ceux qui le souhaitent, être généralisé. C’est une avancée à mon sens très importante et extrêmement intéressante.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. J’interviens peu dans le débat, mais l’amendement de Charles Revet porte sur un sujet essentiel, qui a nourri le débat en commission.
Sans parler à la place du ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche – je n’ai pas cette ambition ! –,...
M. Didier Guillaume. Pas encore !
M. Charles Revet. Cela peut venir !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. … je me souviens des discussions que nous avons eues sur l’étiquetage des produits. Si nous avons accepté de prévoir une faculté, et non une obligation, c’est pour nous mettre en conformité avec les directives européennes. M. Le Maire s’est justement engagé à les faire évoluer, mais encore faut-il convaincre les autres pays.
Il y a un autre aspect que M. le ministre a décidé de prendre en compte : il s’agit des indications géographiques protégées, les IGP, auxquelles nous nous devons d’être très attentifs.
Selon le droit communautaire, une IGP permet de distinguer la nature d’un produit local. Mais il suffit que ce produit soit transformé dans la région pour bénéficier de cette appellation, ce qui est une anomalie, à mon sens.
Une indication géographique protégée, à proprement parler, doit s’appuyer sur une zone. Pour prendre un exemple, qui concerne aussi M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, l’appellation « Charolais de Bourgogne » mérite d’être une véritable IGP ; or, comme je l’ai signalé aux services du ministère, nous avons du mal à la faire reconnaître, alors même qu’elle correspond à un espace géographique précis. À l’inverse, la moutarde de Dijon est une IGP, alors qu’une partie de ses ingrédients provient du Canada.
Il y a donc vraiment une discussion à avoir à l’échelon européen, et nous pouvons compter sur M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche pour convaincre ses homologues européens.
Avec mon collègue Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, j’ai mis en place un groupe de travail sur les perspectives d’évolution de la politique agricole commune. C’est l’un des éléments qu’il faut faire valoir devant les autres pays afin de mettre en avant les véritables indications géographiques protégées et, par la suite – pourquoi pas ? –, d’envisager de rendre obligatoire l’identification des produits, pour répondre à la préoccupation de Charles Revet.
Cela étant, M. le rapporteur et M. le ministre l’ont dit, l’amendement n° 30 rectifié bis est aujourd’hui satisfait par le texte de la commission.
Je conclurai en indiquant à Alain Vasselle qu’il ne nous est pas possible, aujourd’hui, d’aller au-delà des règles européennes. Encore une fois, je fais confiance à l’engagement de M. le ministre.
M. le président. Monsieur Revet, l’amendement 30 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Charles Revet. J’ai entendu l’appel de notre sympathique ministre, que nous connaissons bien. Je me demande toutefois s’il n’y a pas une confusion.
Cet amendement ne vise pas à introduire une entrave à l’ouverture des frontières aux importations de produits. Il est évident que les instances européennes s’opposeraient à une telle décision de notre part, sauf dans certains domaines particuliers.
En revanche, je ne vois honnêtement aucun obstacle à la mise en place d’un étiquetage clair informant les consommateurs. Si les instances européennes l’interdisent, je souhaiterais vivement avoir connaissance du texte sur lequel elles se fondent. Même si je ne remets pas en doute vos propos, monsieur le ministre, j’ai vu, pour m’être rendu récemment à Bruxelles, que les textes donnaient parfois lieu à interprétation.
S’il existait une opportunité d’introduire la disposition, la commission mixte paritaire pourrait peut-être s’en saisir.
Quoi qu’il en soit, ayant entendu votre appel, monsieur le ministre, je vais retirer cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre. Monsieur Revet, en l’état actuel de la législation européenne, l’étiquetage que vous prônez ne peut être rendu obligatoire.
M. Charles Revet. Je le reconnais !
M. Henri de Raincourt, ministre. C’est cependant tout le sens de l’action menée par M. Le Maire, rappelée à l’instant par le président de la commission de l’économie, M. Emorine, visant à faire évoluer cette législation.
Pour répondre très directement à votre préoccupation, le texte que vous demandez vous sera communiqué par le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, afin que vous disposiez de tous les éléments d’information.
M. Vasselle se demandait tout à l'heure comment aider le Gouvernement dans ce domaine. Il me semble que nous pouvons relayer la volonté du Gouvernement auprès des autres pays par l’intermédiaire de la Commission européenne et des contacts noués entre le Parlement européen et notre Parlement national pour faire avancer le débat dans le sens que nous souhaitons.
M. Alain Vasselle. Très bien ! Au boulot !
M. Charles Revet. Je retire l’amendement n° 30 rectifié bis, monsieur le président.
M. le président. L’amendement 30 rectifié bis est retiré.
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, puis-je reprendre cet amendement en le modifiant légèrement ?
M. le président. Vous pouvez le reprendre, ma chère collègue, si la rectification est très légère.
Mme Odette Herviaux. Il s’agit simplement de supprimer le dernier membre de phrase « ainsi que l’indication du pays où il a été fabriqué », seule partie de l’amendement risquant d’être contraire à la législation européenne. Rien ne nous empêcherait alors, tant que cela concerne uniquement le territoire national, d’exiger la précision de l’origine du produit.
Mmes Catherine Procaccia et Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 30 rectifié ter, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe Socialiste, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout produit commercialisé sur le territoire national doit porter, bien lisible pour le consommateur, l'indication du pays d'où vient le produit proposé à la vente s'il est vendu en l'état, ou du pays d'origine des matières premières ayant été utilisées pour sa fabrication s'il s'agit d'un produit ayant fait l'objet d'une transformation industrielle.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet argument ne tient pas ! Si nous voulons rendre cet étiquetage, non pas obligatoire puisque c’est impossible, du moins très incitatif, dans l’intérêt à la fois des producteurs et des transformateurs, mais aussi des consommateurs, il importe qu’il soit clair et qu’il ne puisse pas être invalidé par les instances européennes. En même temps, il faut que l’Europe se plie aussi aux décisions que nous voulons prendre dans notre pays et, surtout, au sein du Parlement.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt, ministre. J’en suis désolé, madame Herviaux, mais, dans l’état actuel des choses, le Gouvernement ne peut pas émettre un avis favorable sur l’amendement n° 30 rectifié ter. C’est précisément cette disposition qui a été appliquée par la Grèce et qui a justifié les poursuites engagées à son encontre par les instances européennes.
Mme Nathalie Goulet. Cela ne lui a pas porté bonheur !
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Si nous débattons longuement sur cet amendement, c’est qu’il est fondamental dans cette discussion.
Si chaque fois que le Parlement veut prendre une décision on nous oppose la perspective d’un refus des instances européennes, autant leur transférer tous les textes et les laisser gérer le droit français, le droit espagnol, le droit italien ! Veuillez m’excuser d’être quelque peu caricatural, mais, d’ores et déjà, il est question de soumettre les budgets nationaux à l’imprimatur de la Commission européenne en amont de leur adoption. Cette situation n’est pas acceptable !
Par ailleurs, nous comprenons les propos de M. le ministre concernant les contraintes européennes. Cependant, ce serait un acte fort de la part du Parlement français de voter cet amendement pour soutenir le ministre et faire plier l’Europe !
J’entends les discours du Président de la République et du Gouvernement indiquant qu’on ne se laissera rien imposer par l’Europe, qu’il faut la faire plier. Vous l’avez encore dit tout à l'heure, monsieur le ministre ! Le constat est cependant tout autre : pour l’instant, l’Europe ne plie pas vraiment !
Cet amendement, qui n’est d’ailleurs pas de notre fait, a pour objet de donner une meilleure information au consommateur.
Tous hier, tant le ministre que les intervenants de l’ensemble des groupes, se sont félicités de ce qu’un texte mettait en place pour la première fois une véritable politique de l’alimentation. Monsieur le rapporteur, vous avez salué tout à l’heure l’engagement de notre collègue Mme Catherine Dumas en ce sens.
Cette question n’est ni politique ni politicienne, mais bien transversale et partagée. Charles Revet a souhaité retirer son amendement, mais nous l’avons repris à titre symbolique, car il sera peut-être rejeté.
Si nous ne défendons pas ici la souveraineté des États et du Parlement, en garantissant l’étiquetage le plus clair et le plus complet possible pour éclairer le consommateur sur l’origine des produits, alors la loi votée sera tiède.
Le vote de cet amendement serait un acte fort, qui honorerait le Parlement. Ce débat est important pour l’agriculture française, pour la politique de l’alimentation et pour les consommateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Tout d’abord, je m’interroge sur la réponse fournie par M. le ministre, aux termes de laquelle l’Union européenne veille au respect de la concurrence libre et non faussée entre les États. Or l’amendement 30 rectifié ter vise uniquement notre territoire national. Par conséquent, cette réponse ne peut me satisfaire.
Ensuite, permettez-moi de faire un bref rappel historique. La politique agricole commune s’est construite, au début des années soixante, à partir des dispositifs que la France avait mis en place dans la décennie précédente. Les prix indicatifs et les prix d’intervention institués dans le cadre de la PAC de 1962, sur le marché du blé par exemple, existaient en France dans les années cinquante. Autrement dit, c’est ce que nous avions accompli en France qui a été généralisé par la suite.
Or, à présent, alors que nous souhaitons prendre une décision qui, sur le fond, fait l’unanimité, nous devrions pour ce faire attendre l’avis de l’Europe ?
Cette décision, qui serait bénéfique à nos producteurs sans nuire à la concurrence étrangère, doit être prise aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, de voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Ce que propose M. Guillaume est assez dangereux. On a pu voir par le passé que, chaque fois que le gouvernement français s’est mis en infraction, il a dû payer des pénalités ou rembourser des aides qui avaient été versées à tort.
Nous avons aujourd’hui un débat serein, et je remercie Charles Revet de l’avoir engagé. Ces éléments sont présents depuis le début de notre discussion.
Pour ma part, je suis un Européen convaincu et je souhaite que l’Europe avance. Comme l’a dit le Président de la République récemment, l’Europe nous appartient. Mais si nous voulons avancer, il importe de faire partager nos points de vue. Mettre en avant une idéologie spécifique n’a pas d’intérêt si elle n’est pas partagée !
Je suis contre cet amendement 30 rectifié ter, car il n’intéresserait que les produits français. Au nom de quoi les produits étrangers ne seraient-ils pas identifiés ?
En tout état de cause, il me paraît important de respecter la directive européenne et de s’appuyer sur les capacités de notre ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, mais aussi sur celles du Président de la République. J’entends des critiques concernant les déplacements de ce dernier afin d’évoquer les relations commerciales avec la grande distribution : cherchez dans notre histoire un Président de la République qui s’intéresse autant à l’agriculture et qui aille défendre nos produits sur le terrain ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 78 rectifié, présenté par MM. Pinton et Mayet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le programme national pour l'alimentation intègre un plan national spécifique d'engraissement destiné à la filière bovine. Le gouvernement s'attache à la définition précise des éléments constitutifs de ce plan puis à sa mise en œuvre et à son suivi, dans le respect des spécificités des territoires.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 93, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 18
Insérer huit alinéas ainsi rédigés :
« Art. L... - Le Conseil national de l'alimentation est placé auprès du ministre chargé de l'agriculture et de l'alimentation, du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la consommation.
« Il est consulté sur la définition de la politique de l'alimentation et du programme national pour l'alimentation. Il donne des avis assortis de recommandations sur les questions qui s'y rapportent. Il peut, en particulier, être consulté sur les grandes orientations de la politique relative :
« 1° à l'adaptation de la consommation aux besoins nutritionnels ;
« 2° à la sécurité alimentaire des consommateurs ;
« 3° à la qualité des denrées alimentaires ;
« 4° à l'information des consommateurs de ces denrées ;
« 5° à la prévention des crises et à la communication sur les risques.
« Ses membres sont répartis en différents collèges représentant toutes les composantes de la chaîne alimentaire : associations de consommateurs et d'usagers, producteurs agricoles, secteurs de la transformation et de la distribution, restauration collective, salariés de l'agriculture et de l'agro-alimentaire et personnalités qualifiées ainsi que des associations de protection de l'environnement. Ils sont nommés pour une durée de trois ans renouvelable.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Comme nous l’avons vu hier soir, le Conseil national de l’alimentation, ou CNA, a un rôle important à jouer dans la définition de la politique publique de l’alimentation.
Or cette instance indépendante, qui regroupe des collèges représentant les consommateurs, les industriels, les producteurs et la grande distribution, existe depuis 1985.
Depuis cette date, elle a pour mission de donner des avis et recommandations aux trois ministères compétents concernant la définition de la politique de l’alimentation, l’adaptation de la consommation aux besoins nutritionnels, la sécurité et la qualité des aliments, ainsi que l’information des consommateurs.
Cette instance a-t-elle atteint ces objectifs ? Tel n’est a priori pas le cas, puisque l’étude d’impact jointe au projet de loi fait clairement état de l’absence d’une politique publique de l’alimentation en France.
Comment conférer plus de portée à ses avis et recommandations ? Est-ce seulement une question de volonté politique ? Le Gouvernement a prévu de renforcer les missions du CNA par voie réglementaire et de l’élargir aux associations de protection de l’environnement. Est-ce suffisant ?
Par cet amendement, nous vous proposons de consacrer l’existence du CNA dans la loi et dans le code rural, après la définition de la politique de l’alimentation que vous avez souhaité y intégrer.
De la même façon que pour l’Observatoire des prix et des marges, nous pensons qu’une instance, même consultative, a plus de poids quand on la reconnaît officiellement dans la loi.
M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche a déclaré, hier soir encore, vouloir faire du CNA un parlement de l’alimentation, régulièrement consulté par le Gouvernement. Convenez que l’existence d’un tel parlement ne relève pas du domaine réglementaire. C’est pourquoi nous vous proposons d’intégrer, après l’alinéa 18, le texte présenté par cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Le CNA est régi par les articles D. 541-1 et suivants du code de la consommation. Vous proposez de transposer dans la loi les missions prévues par ces articles et, de manière un peu moins précise, la composition du CNA.
J’ai été tenté, en tant que rapporteur, de faire de même. J’y ai renoncé, considérant que les règles applicables aux organismes consultatifs relevaient plutôt du domaine réglementaire.
Par ailleurs, la commission a précisé dans son texte que le CNA serait associé à l’élaboration du programme national de l’alimentation. Il est donc pleinement intégré à la nouvelle politique prévue à l’article 1er.
Votre amendement, mon cher collègue, est donc quasiment satisfait par l’article 1er. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt, ministre. Le Gouvernement partage le point de vue exprimé par M. le rapporteur.
La commission, à l’instar du Gouvernement, a pleinement confirmé le rôle essentiel du Conseil national de l’alimentation dans l’élaboration du programme national pour l’alimentation. D’ailleurs, à l’article 1er du projet de loi, la commission a complété l’alinéa 8 dans ces termes : « Le Conseil national de l’alimentation est associé à l’élaboration de ce programme et contribue au suivi de sa mise en œuvre. » Votre amendement est donc satisfait, monsieur le sénateur.
Par ailleurs, l’organisation et la composition de ce conseil relèvent du domaine réglementaire.
Dans ces conditions, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Bérit-Débat, l'amendement n° 93 est-il maintenu ?
M. Claude Bérit-Débat. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Certes, l’alinéa 8 de l’article 1er prévoit que, après avis du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, le Conseil national de l’alimentation est associé à l’élaboration du programme national pour l’alimentation. Cependant, tous les intervenants qui se sont exprimés au cours de la discussion générale, et ce quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, ont salué l’importance du Conseil national de l’alimentation, allant même jusqu’à demander le renforcement des pouvoirs de ce dernier.
Très honnêtement, mentionner explicitement cette instance dans la loi ne fait que montrer tout l’intérêt que nous lui portons ; je ne vois pas en quoi cette précision serait, si je puis dire, hors-la-loi.
Par cet amendement, nous voulons donner une preuve supplémentaire de l’importance que nous attachons non seulement à l’avis et à l’expertise du Conseil national de l’alimentation, mais également à la mise en place d’une politique de l’alimentation, conditionnée à l’avis d’un certain nombre d’experts.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour explication de vote.
Mme Catherine Dumas. Je profite de l’examen de cet amendement pour préciser que nous devons encourager les actions prévues pour l’éducation et l’information en matière d’équilibre et de diversité alimentaires. À ce titre, le rôle du Conseil national de l’alimentation est fondamental.
Par ailleurs, je rappelle qu’une étape importante a été franchie en février 2009, avec l’adoption par le CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, sous l’impulsion notamment de Christine Kelly, présidente de la mission « Santé et développement durable », de la charte alimentaire. Cette dernière a été signée par l’ensemble des chaînes de télévision nationale. Il s’agit, je tiens à le souligner, d’un outil unique en Europe, de nature à promouvoir une alimentation et une activité physique favorables à la santé dans les programmes et les publicités diffusés à la télévision.
Je souhaitais rappeler le rôle important joué par le Conseil national de l’alimentation. Mais, quoi qu’il en soit, je me range à l’avis de la commission et du Gouvernement dans la mesure où les dispositions proposées relèvent du domaine réglementaire.
M. le président. L'amendement n° 326 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Pointereau, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après les mots :
relatives à la production,
insérer les mots :
à l'importation,
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement a pour objet d’apporter une précision supplémentaire à l’alinéa 19 de l’article 1er du projet de loi en visant, au-delà de la production, l’importation.
J’ai examiné l’article 1er bis auquel s’est référé M. le rapporteur, ainsi que Charles Revet tout à l'heure en défendant l’amendement n° 30 rectifié bis, pour voir si les dispositions prévues étaient de nature à me donner satisfaction. Mais je n’en suis pas persuadé, car cet article a trait à l’étiquetage de l’origine des produits agricoles et alimentaires.
Par cet amendement, je souhaite que nous nous préoccupions des produits importés de pays extérieurs à l’Europe, considérant que les pays membres de l’Union européenne ont des règles sanitaires identiques ou, à tout le moins, très proches. En effet, un grand nombre de produits alimentaires peuvent être importés d’autres pays voisins, qui ne sont pas soumis aux mêmes règles sanitaires de production.
Dans le cadre de la politique de l’alimentation, il me semble donc important de recueillir toutes les données socio-économiques et techniques permettant d’apprécier ces produits.
Je ne sais pas si mon amendement a sa place à cet alinéa. Si M. le ministre estime qu’il doit s’insérer à un autre endroit du texte ou se présenter sous une autre forme, je suis bien entendu à sa disposition pour modifier mon amendement le cas échéant.
L’essentiel, à mes yeux, est de défendre cette idée et de demander au Gouvernement de quelle manière il peut la prendre en considération.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Avec sa dextérité et son intelligence habituelles, Alain Vasselle pose un vrai problème.
Aujourd'hui, les données transmises à l’autorité administrative dans le cadre du suivi du programme national pour l’alimentation concernent davantage les caractéristiques des produits, notamment les quantités vendues, la teneur en glucides et en lipides, que les caractéristiques économiques.
Par ailleurs, le suivi du commerce extérieur des produits alimentaires est assuré par le service des douanes.
Monsieur le ministre, j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement important relatif à la qualité des produits importés.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Paul Raoult. M. le ministre est un grand expert en agriculture ! (Sourires.)
M. Henri de Raincourt, ministre. La question soulevée par les auteurs de l’amendement, MM. Alain Vasselle et Rémy Pointereau, est tout à fait pertinente.
Nous estimons que de nombreuses informations sont déjà disponibles du fait des obligations de déclaration qui existent pour les importateurs.
Cet amendement en tant que tel ne crée pas d’obligation nouvelle, mais on peut parfaitement considérer qu’il apporte une précision utile, en rappelant que les données relatives à l’importation sont parties intégrantes du suivi de la qualité de l’alimentation.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis de sagesse positive !
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. Roland Courteau. Voilà un avis très nuancé !
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. J’ai écouté M. le ministre avec beaucoup d’attention, l’argumentation qu’il a développée étant, comme à l’accoutumée, excellente.
C’est la raison pour laquelle la commission s’en remet également à la sagesse positive de la Haute Assemblée ! (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 512 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, B. Fournier, J. Blanc, Carle et Bailly, est ainsi libellé :
Alinéas 21 à 27
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 230-3. - Les gestionnaires des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés sont tenus de respecter des règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu'ils proposent. »
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Cet amendement vise à maintenir une certaine souplesse pour les collectivités dans l’application et le respect des règles nutritionnelles.
Le projet de loi rend obligatoires les recommandations formulées par le groupe d’étude des marchés Restauration collective et Nutrition, le GEM-RCN, qui prescrit notamment des règles en matière de composition des repas, de fréquence des plats et des critères de taille des portions.
Les projets de décret et d’arrêté déjà en cours de préparation sont très détaillés et particulièrement contraignants, concernant notamment les portions. En annexe de l’arrêté figure une liste de produits avec des portions spécifiques par aliment, par âge et par enfant.
Or le dispositif envisagé est inadapté à la réalité quotidienne de la grande majorité des cantines scolaires, notamment en milieu rural. De plus, il revient à exclure les circuits courts de la restauration scolaire, au bénéfice des grandes sociétés spécialisées dans la préparation des repas, alors même que le projet de loi tend à promouvoir les circuits courts.
En conséquence, cet amendement vise à supprimer la référence au décret. Les collectivités appliqueront les recommandations générales dégagées par le GEM-RCN.
Cet amendement a également pour objet de supprimer les sanctions prévues à l’encontre des collectivités qui ne respecteraient pas ces règles. Les élus locaux peuvent en attester, nos collectivités sont soucieuses de l’intérêt des enfants et mettent un point d’honneur à respecter les règles sanitaires.
M. le président. L'amendement n° 513 rectifié, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, B. Fournier, J. Blanc et Carle, est ainsi libellé :
Alinéas 21 à 27
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 230-3. - Les gestionnaires des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés, servant quotidiennement plus de 2 500 repas, sont tenus de respecter des règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu'ils proposent, déterminées par décret. »
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Il s’agit d’un amendement de repli, visant à retenir un seuil de 2 500 repas servis quotidiennement.
M. le président. L'amendement n° 238, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Après le mot :
universitaire
insérer les mots :
, des crèches, des hôpitaux, des maisons de retraite,
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. La préoccupation des pouvoirs publics dans le domaine de la restauration scolaire n’est pas nouvelle.
Déjà, en 1951, une recommandation de l’ONU adressée aux « ministères de l’instruction publique des différents pays », pointait « l’importance que les cantines scolaires offrent des menus rationnellement composés, de manière à favoriser la croissance et le développement physiologique de l’enfant ».
Plus tard, en France, le Conseil national de l’alimentation a périodiquement donné des avis. L’éducation nationale a diffusé, en juin 2001, une circulaire sur ce thème, établissant des recommandations sur la nutrition des enfants scolarisés, regroupées autour de trois axes : les besoins nutritionnels, l’éducation au goût et la sécurité alimentaire.
Il existe donc une véritable prise de conscience de l’importance liée à la qualité de la restauration scolaire.
Nous sommes particulièrement satisfaits de l’insertion, dans cet alinéa, de normes plus précises concernant la qualité nutritionnelle des repas fournis par les gestionnaires des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés.
Il s’agit d’ailleurs d’une revendication de longue date portée par la Fédération des conseils de parents d’élèves, la FCPE, par l’Association nationale des directeurs de la restauration municipale, l’ANDRM, et par l’Association française des diététiciens nutritionnistes, l’AFDN.
Cette revendication est fondamentale dans la mesure où la cantine occupe une place importante dans le quotidien des enfants et des adolescents. On estime, en effet, qu’un élève du primaire sur deux est inscrit à la cantine et que les deux tiers des collégiens et lycéens y déjeunent quotidiennement. En outre, nous savons que 40 % des apports nutritionnels se font lors du repas du midi.
Pour aller plus loin dans la détermination de ces normes, nous estimons qu’il serait utile, dans le cadre de ce projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, d’élargir le champ d’application des obligations imposées aux gestionnaires des services de restauration.
En effet, souvent, ces gestionnaires s’occupent non seulement du secteur des écoles et des universités, mais également de celui des crèches, des hôpitaux et des maisons de retraite. Les enjeux nutritionnels étant également très importants pour ces publics spécifiques, il nous semble souhaitable de définir des normes liées à la qualité nutritionnelle des repas servis par les gestionnaires de restauration.
Tel est le sens de cet amendement que nous soumettons à votre approbation, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° 226, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Ils sont autorisés à déroger aux règles du code des marchés publics dans le cadre d'approvisionnement local. Un décret en conseil d'État en fixe les modalités d'application.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. La politique publique de l’alimentation qui nous est proposée dans ce projet de loi repose, là encore, largement sur les collectivités territoriales, que nous sommes d’ailleurs censés représenter dans cette enceinte. Elles sont, de manière directe ou indirecte, responsables de la restauration scolaire, et ce à tous les niveaux.
Dans ce contexte, la promotion d’une politique alimentaire efficace passe par la mise à niveau de la restauration, comme la vitrine de la nouvelle définition de la sécurité alimentaire. L’achat de matières premières et l’approvisionnement, qui constituent des problématiques importantes de la restauration collective, ont un impact direct sur la qualité nutritionnelle des repas servis. Or ce projet de loi n’aborde nullement cette question.
À cet égard, le Gouvernement fait preuve de peu de considération pour l’environnement social local. Une réflexion engagée sur la qualité des produits ne peut faire l’économie de l’inclusion des producteurs locaux. Les collectivités locales doivent avoir les moyens de s’impliquer pleinement dans la promotion de l’agriculture de proximité, renforçant ainsi l’intégration de l’agriculture dans une logique de développement durable et d’assimilation dans le tissu social local.
Pourtant, ces collectivités ne peuvent plus réaliser leurs achats de produits frais directement sur les marchés d’intérêt national ou régional, le seuil pour l’achat de gré à gré de denrées alimentaires sans formalité étant passé de 20 000 euros à 4 000 euros.
Ainsi, favoriser les circuits courts passe inévitablement par une dérogation au code des marchés publics afin d’encourager l’utilisation de produits des terroirs et de dynamiser le tissu économique local et le développement durable.
S’agissant de la restauration scolaire, dont les collectivités territoriales ont la responsabilité, l’étude d’impact précise que « seules trois communes sur dix servent des menus conformes aux recommandations officielles ». Or ces recommandations sont aujourd’hui obligatoires. Il est dès lors impératif de permettre aux gestionnaires de services de restauration scolaire et universitaire de répondre à ces nouvelles exigences, de répondre aux difficultés d’approvisionnement de la restauration collective en matière d’alimentation biologique de qualité et de proximité.
Encore une fois, en proposant cet amendement, nous voulons donner de véritables moyens aux acteurs clés de la restauration scolaire.
Il faut sortir des discours et de l’image pour agir concrètement et mettre en marche le cercle vertueux qui associe les collectivités locales et les acteurs locaux pour que, au final, tout le monde en profite. Je pense aux enfants, bien sûr, qui bénéficieront d’une nourriture de qualité, aux collectivités locales, qui joueront pleinement leur rôle dans la politique alimentaire et bénéficieront d’un regain de légitimité auprès des parents d’élèves, et aux agriculteurs, qui se sentiront enfin concernés par les politiques publiques autant alimentaires qu’environnementales. Ils ont été trop souvent les oubliés du Gouvernement, parfois même les boucs émissaires dans différents débats, alors qu’ils devraient être en première ligne de toute politique alimentaire de qualité, de développement durable et de conservation du patrimoine.
C’est pourquoi le code des marchés publics ne peut et ne doit pas être un frein à cette ambition, ce à quoi semblait souscrire M. Le Maire lors d’un récent débat au Sénat.
M. le président. L'amendement n° 239, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'État s'engage à mettre en œuvre un plan de formation des agents de la restauration collective.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Ces nouvelles dispositions organisent toute une procédure relative à l’édiction de règles concernant la qualité nutritionnelle des repas fournis par les gestionnaires des services de restauration scolaire.
Un certain nombre de personnes sont dorénavant habilitées à veiller au respect des obligations ainsi fixées et une procédure est définie en cas de violation de ces dernières.
Parmi les sanctions applicables aux gestionnaires de services de restauration est mentionnée la réalisation d’actions de formation du personnel.
Nous estimons, pour notre part, que la formation des agents à ces nouvelles normes ne peut se concevoir comme une sanction en cas de manquement à la réglementation prescrite, mais doit constituer un engagement du Gouvernement préalable à la mise en place de cette nouvelle législation. L’objectif est d’éviter la méconnaissance par les agents de ces nouvelles règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas et donc de favoriser leur respect. Il s’agit d’un gage majeur d’efficacité.
Pour cette raison, nous vous proposons, par cet amendement, d’inscrire dans la loi que l’État s’engage à mettre en œuvre un plan de formation des agents de la restauration collective.
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Avant la mise en œuvre de cette disposition, une étude évalue les surcoûts éventuellement générés et supportés par les collectivités territoriales.
La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Le 25 juin 2001, une circulaire relative à la composition des repas servis en restauration scolaire et à la sécurité des aliments a été publiée en cohérence avec le programme national nutrition santé.
Elle intègre les recommandations du groupe d’étude des marchés Restauration collective et Nutrition, le GEM-RCN, relatives aux fréquences de service des plats et à la taille des portions alimentaires servies.
Il est proposé, dans le projet de loi, de rendre ces normes nutritionnelles obligatoires pour les gestionnaires des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés.
Le Conseil national de l’alimentation accorde beaucoup d’importance à ce secteur de la restauration collective ; dans son dernier avis de 2004, il a constaté que l’application de la circulaire n’était toujours pas généralisée.
Il a aussi tenté d’identifier les obstacles, ce que ne fait pas du tout le Gouvernement, ni dans son étude d’impact ni dans ses propositions.
Le CNA note une méconnaissance fréquente des règles nutritionnelles de la part des différents acteurs clés, notamment des chefs d’établissement, des gestionnaires, des cuisiniers, des maires, des responsables des conseils généraux et régionaux, et, surtout, l’existence de difficultés de compréhension et de mise en œuvre, compte tenu de la complexité de la circulaire.
Enfin, le CNA souligne que le budget « matières premières » nécessaire pour respecter ces normes n’est pas à la portée de tous les gestionnaires.
Nous estimons donc qu’avant de rendre ces normes contraignantes, il est nécessaire d’évaluer les surcoûts éventuels supportés par les collectivités.
Sur ce point, l’étude d’impact accompagnant le projet de loi n’est pas satisfaisante. Elle comprend même l’observation suivante : « S’agissant des règles nutritionnelles, le surcoût éventuel sera supporté par la collectivité territoriale mais l’image pour la collectivité sera améliorée puisque celle-ci prendra soin des enfants et de leur alimentation, ce qui est très attendu par les fédérations de parents d’élèves. »
Cette évaluation n’est pas très sérieuse au regard des difficultés financières que traversent certaines collectivités territoriales.
D’ailleurs, on peut se demander si ces règles obligatoires ne seront pas susceptibles de faire l’objet de recours si elles ne sont pas respectées à la lettre. On peut prévoir le développement de lourds contentieux dirigés contre les communes.
Une telle pesanteur risque d’avoir des conséquences sur le mode de gestion retenu et sur la qualité des approvisionnements en poussant les communes à renoncer aux services organisés en interne, en déléguant la constitution des repas à des grosses sociétés de restauration qui seront plus à même de respecter ces règles nutritionnelles complexes, mais qui ne favoriseront pas les circuits courts.
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par Mmes Bonnefoy et Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ils sont encouragés à mettre en œuvre des actions de sensibilisation et d'éducation au goût. Ces campagnes peuvent être menées en partenariat avec des associations, des professionnels et des familles.
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. Cet amendement a pour objet d’encourager les gestionnaires des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés à mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation et d’éducation au goût.
Pour qu’une politique de l’alimentation soit efficace, il est indispensable que l’éducation y joue un rôle clé. À cette fin, il est nécessaire de mettre en place des actions permettant à nos enfants d’acquérir des connaissances culinaires et nutritionnelles de base, tout en leur redonnant le plaisir, bien souvent oublié, de la table et de la convivialité.
Si nous voulons modifier les mentalités et susciter un changement des habitudes alimentaires se modifient, il faut faire de l’école un instrument clé dans ce domaine.
L’objectif est double : d’une part, il importe que les enfants et les jeunes adultes scolarisés prennent véritablement conscience de l’importance d’avoir une alimentation diversifiée et de qualité ; d’autre part, l’école doit permettre d’exporter en dehors du cadre scolaire des habitudes alimentaires saines.
À cet égard, les enfants peuvent avoir une grande influence sur le comportement de leurs parents. Il faut donc faire en sorte qu’ils soient le terreau de cette politique publique de l’alimentation.
Afin que ces campagnes de sensibilisation soient aussi efficaces que possible, il semble opportun d’y associer des acteurs extérieurs spécialisés ; ces derniers pourront ainsi partager leurs connaissances et leurs savoir-faire. Je pense, notamment, aux associations spécialisées, aux nutritionnistes, aux cuisiniers et, bien évidemment, aux agriculteurs. Il serait bon, par exemple, d’encourager des visites pédagogiques régulières dans des fermes biologiques, comme cela se pratique déjà dans certains établissements.
Il faut aussi, dès que cela est possible, associer les familles aux campagnes de sensibilisation, afin que les actions dans ce domaine aient le plus de chances de porter leurs fruits hors du cadre scolaire.
Pour avoir une certaine expérience dans ce domaine, je peux vous confirmer que l’éducation nutritionnelle a un rôle crucial dans la mise en place d’une politique de l’alimentation, d’autant plus si cette politique se fixe pour objectif de lutter contre la dégradation des pratiques alimentaires.
Il serait souhaitable que ces actions de sensibilisation et d’éducation au goût soient rendues obligatoires. Mais, dans la conjoncture actuelle, marquée par la dégradation de l’état des finances de nos collectivités à la suite de certaines réformes et par la situation critique de bon nombre d’établissements scolaires, il ne faut pas que ces mesures soient, dans un premier temps, trop contraignantes et perçues avant tout comme une charge, car elles ne pourront être menées efficacement que si elles suscitent un consensus général.
Cependant, si nous voulons, dans un avenir proche, les rendre obligatoires, ce qui me paraît indispensable, il faudrait qu’une aide particulière des pouvoirs publics soit apportée aux acteurs qui les engagent.
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par M. Teston, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, M. Sueur, Mme Bourzai et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le respect des règles sociales et environnementales ainsi que le soutien des productions de proximité doivent figurer parmi les critères de choix de leurs approvisionnements.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Le Grenelle de l’environnement a posé le principe de l’exemplarité de l’État s’agissant de la fourniture de produits issus de l’agriculture biologique aux services de restauration des administrations de l’État, ainsi qu’à ceux des établissements publics placés sous la tutelle des services de l’État, tels que les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires et les centres hospitaliers universitaires.
À cet égard, la circulaire du 2 mai 2008 relative à l’exemplarité de l’État en matière d’utilisation de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective fixe des objectifs ambitieux, soit celui de 15 % en 2010 et de 20 % en 2012.
De nombreuses collectivités territoriales ont souhaité intégrer ces mêmes objectifs dans la gestion de la restauration scolaire des établissements dont elles ont la charge.
Toutefois, le constat peut être fait d’une inadéquation de l’offre à la demande, puisque, selon les données de l’INSEE, en 2008, en France, seulement 2,1 % de la surface agricole utile étaient consacrés à l’agriculture biologique.
Le groupe socialiste, en particulier Michel Teston, estime donc que, dans le cadre de la stratégie nationale de développement durable, en parallèle à l’introduction de produits biologiques, il est nécessaire de promouvoir à la fois l’approvisionnement local et les productions respectant le mieux les règles sociales et environnementales.
Cet amendement s’inscrit parfaitement, selon nous, dans la continuité des amendements adoptés par la commission et visant à introduire dans le programme national pour l’alimentation les actions en faveur du respect des terroirs par le biais du développement des filières courtes, ainsi que des éléments d’éducation et d’information des consommateurs relatifs à la saisonnalité, aux modes de production et à leur impact sur l’environnement.
Ainsi, dans le prolongement des dispositions de l’annexe à la circulaire du 2 mai 2008, l’encouragement des services de restauration collective publics à promouvoir l’approvisionnement local et un meilleur respect des règles sociales et environnementales pourrait prendre la forme de recommandations sur les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir, dans le respect du code des marchés publics.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En conséquence, les gestionnaires ainsi que les personnels des services concernés reçoivent une formation spécifique relative à la nutrition.
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. L’article 1er du projet de loi vise à rendre obligatoire le respect de règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas dans la restauration scolaire et universitaire. En outre, il impose d’organiser les contrôles liés au respect de ces règles, puis la réalisation d’actions de formation du personnel en cas de méconnaissance de ces règles.
Par cet amendement, cohérent avec l’ensemble des autres amendements que nous avons présentés dans le cadre de la présente discussion, nous souhaitons souligner que, selon nous, il est d’abord nécessaire de prévoir la formation des gestionnaires de restauration scolaire et universitaire et de leur personnel.
Comme nous l’avons déjà dit, le dernier rapport du Conseil national de l’alimentation sur la restauration collective a dressé le constat suivant : méconnaissance des règles nutritionnelles parmi les différents acteurs, y compris les acteurs clés que sont les chefs d’établissement, les gestionnaires, les cuisiniers, les maires, les responsables des conseils généraux et régionaux ; difficultés de compréhension et de mise en œuvre de ces règles, en raison d’une trop grande complexité de la circulaire.
La formation du personnel est donc indispensable. Elle devrait même être une première étape, avant même que les normes ne soient rendues obligatoires.
L’étude d’impact nous informe que le Gouvernement estime qu’il n’est pas nécessaire de prévoir des équivalents temps plein supplémentaires pour réaliser ces contrôles nutritionnels, dont la durée est estimée entre quinze et vingt minutes.
Pourtant, ces agents disposeront d’un pouvoir d’enquête : ils pourront pénétrer sur les lieux, prélever des échantillons et recueillir toute information utile. Ce n’est pas rien !
En cas de constatation de la méconnaissance des règles nutritionnelles, ils pourront mettre en demeure le gestionnaire de les respecter dans un délai déterminé, ce qui devrait être bénéfique. Si ce dernier ne s’exécute pas, ils pourront ordonner des actions de formation du personnel et imposer l’affichage des résultats des contrôles diligentés par l’État.
On peut avoir des doutes sur les capacités des agents de l’État chargés des contrôles vétérinaires et sanitaires à réaliser ces contrôles nutritionnels sans une formation spécifique adaptée, sachant qu’ils seront amenés à prendre des décisions impliquant des conséquences importantes. Ce n’est pas la même chose de veiller à ce que des aliments soient sûrs et de veiller à ce qu’ils soient sains. Les compétences requises sont différentes.
En outre, ces agents devraient être plus nombreux pour assumer ces nouvelles compétences, alors que la tendance enclenchée par la RGPP est plutôt à la diminution de leurs effectifs. On note même une volonté de privatisation de certains services de contrôle et de certains services vétérinaires.
M. le président. L'amendement n° 523 rectifié, présenté par MM. Collin et Fortassin, Mme Escoffier, MM. Tropeano, de Montesquiou et Baylet, Mme Laborde et MM. Plancade, Chevènement, Mézard, Milhau, Vall, Alfonsi et Marsin, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ils privilégient dans leurs choix d'approvisionnement, les denrées issues de l'agriculture locale et de l'agriculture biologique.
La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Cet amendement rejoint des préoccupations qui ont déjà été exprimées par certains de nos collègues.
Il vise à inciter les gestionnaires des services de restauration collective, en particulier scolaires et universitaires, à s’approvisionner auprès de producteurs locaux en produits respectueux de l’environnement. Cette proposition s’inscrit donc dans le droit fil des engagements du Grenelle de l’environnement en faveur des produits saisonniers et de proximité.
Lors de la discussion générale, M. le ministre s’était engagé à modifier le code des marchés publics en ce sens. Nous voulons que cet engagement se traduise de manière concrète et aussi rapidement que possible, d’où l’intérêt du présent amendement.
M. le président. L'amendement n° 99, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 22, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ils reçoivent une formation spécifique sur les règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas.
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Aux termes de l’article 1er du projet de loi, le contrôle du respect des règles nutritionnelles dans les cantines est réalisé en même temps que les contrôles sanitaires, donc par les mêmes agents.
Plusieurs corps administratifs sont concernés : les inspecteurs de la santé publique vétérinaire, les ingénieurs du génie rural et des eaux et des forêts ayant la qualité de fonctionnaire, les ingénieurs de l’agriculture et de l’environnement, les techniciens supérieurs et les contrôleurs sanitaires des services du ministère de l’agriculture, les fonctionnaires et les agents non titulaires de l’État compétents en matière sanitaire et figurant sur une liste établie par arrêté du ministre chargé de l’agriculture, les vétérinaires, contrôleurs sanitaires et préposés sanitaires contractuels de l’État pour les missions définies dans leur contrat et, enfin, les vétérinaires des armées, pour les organismes relevant de l’autorité ou de la tutelle du ministère de la défense.
Seront aussi chargés de veiller au respect des obligations nutritionnelles édictées, les médecins inspecteurs de la santé publique, les ingénieurs du génie sanitaire, les ingénieurs d’études sanitaires et les techniciens sanitaires, les inspecteurs et les contrôleurs des agences régionales de santé.
Il est indispensable que l’État se donne la possibilité de réaliser ces contrôles et prenne l’engagement de consacrer les moyens nécessaires à leur mise en œuvre. On pourra bien évidemment rétorquer que les dispositions de ce texte ne doivent pas mobiliser de moyens humains et financiers nouveaux… surtout dans cette période de rigueur.
Mme Nathalie Goulet. Extrême !
M. Paul Raoult. L’objet de cet amendement est surtout de souligner l’orientation prioritaire des missions des professions visées précédemment en matière de contrôle sanitaire de la restauration collective.
Permettez-moi d’émettre quelques inquiétudes sur cette orientation, eu égard à la suppression d’un nombre considérable de postes dans ce secteur, notamment du fait de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Les nouvelles directions départementales de protection de la population, les DDPP, manquent cruellement d’agents. Si l’on assigne à ces derniers des missions supplémentaires, on peut s’interroger quant à leur possibilité de les remplir.
L’objectif affiché est ambitieux. Il importe que l'État s’en donne les moyens, notamment en valorisant le potentiel humain de ces services.
M. le président. L'amendement n° 237, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 23, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Elle en informe dans les plus brefs délais les représentants des parents d'élèves ou des étudiants de l'établissement.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement no 237 est retiré.
L'amendement n° 100, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'État s'engage à mettre en œuvre les moyens nécessaires afin de garantir la pratique régulière de contrôles veillant à assurer la sécurité alimentaire et la qualité nutritionnelle des repas servis en restauration collective.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. L’article 1er, dont l’objet est d’assurer à la population l’accès à une alimentation sûre, diversifiée et de qualité, développe les actions à entreprendre en direction des gestionnaires de restauration scolaire et universitaire publics et privés.
Il prévoit, notamment, que des contrôles doivent être effectués par l’ensemble des spécialistes en charge de la santé publique, entre autres les médecins inspecteurs de santé publique, les ingénieurs de génie sanitaire, les techniciens sanitaires, pour veiller au respect des règles du « bien-manger ».
L’alinéa 23 de l’article précise en particulier que, sur la base de ces contrôles, « l’autorité administrative compétente de l’État met en demeure le gestionnaire […] de respecter ces dispositions dans un délai déterminé ». Aux alinéas suivants, est dressée la liste des obligations qui s’imposent ou qui peuvent être imposées au gestionnaire « épinglé », notamment la formation, l’obligation d’affichage.
Je souscris sans réserve à l’objectif fixé et je souhaite que la puissance publique soutienne ce type de contrôles, indispensables pour garantir la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis en restauration collective, en particulier en milieu scolaire.
Toutefois, j’ai quelques doutes quant à l’efficacité d’un dispositif qui ne serait pas accompagné de moyens de contrôle. C’est pourquoi je souhaite que l’État s’engage concrètement sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Tous ces amendements font référence aux dispositions du code des marchés publics.
Je ferai d’abord une observation générale : nous souhaitons, et M. le ministre l’a rappelé fort opportunément hier soir, que les collectivités locales puissent opter pour un mode d’approvisionnement qui favorise les circuits courts. À cette fin, il faut prévoir dans le cahier des charges des dispositions adaptées, comme nous avons eu l’occasion de l’indiquer ce matin en commission. Nous y reviendrons sans doute au cours de la discussion. Le code des marchés publics relevant du pouvoir réglementaire, la balle est dans votre camp, monsieur le ministre.
M. Paul Raoult. Il vous refile la patate chaude, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. Gérard César, rapporteur. Ce n’est pas une patate chaude, mon cher collègue, car nous sommes tous concernés. Comme l’a rappelé M. Gérard Le Cam tout à l’heure, nous sommes tous dans cette enceinte des représentants des collectivités locales, élus par les grands électeurs, à qui nous avons donc des comptes à rendre.
Par ailleurs, et j’insiste sur ce point, nous devons veiller à ce que les dispositions que nous prenons respectent les impératifs liés à la compétitivité et soient compatibles avec les règlements communautaires.
J’en viens à l’avis de la commission sur les différents amendements.
L’amendement no 512 rectifié a pour objet de supprimer un décret déterminant les règles nutritionnelles à respecter dans la restauration collective.
Il est nécessaire d’établir un référentiel opposable dans lequel figurent les règles nutritionnelles devant être respectées dans la restauration collective. Or l’amendement proposé fixe le principe des règles nutritionnelles sans renvoyer à aucun référentiel. En supprimant le décret, il prive l’article de son caractère optionnel.
J’ajoute que les auditions auxquelles nous avons procédé ont montré, et nous devons garder cet élément présent à l’esprit, que le respect de la qualité nutritionnelle n’entraînait pas de surcoût dans la restauration collective, en particulier dans les CROUS.
La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement no 513 rectifié porte sur la limitation de l’application des règles nutritionnelles aux services de restauration collective servant plus de 2 500 repas.
Pourquoi fixer de telles limites ? Est-ce à dire que tous ne doivent pas bénéficier des mêmes règles nutritionnelles ? Et pourquoi retenir le seuil de 2 500 repas ? Pourquoi pas 2 499 ?
Mon cher collègue, cet amendement limite l’application des règles nutritionnelles aux services de restauration collective scolaire et universitaire d’une certaine importance. Une telle exception conduirait à priver de nombreux écoliers ou élèves usagers des cantines du bénéfice d’une alimentation équilibrée. N’oublions pas, d’ailleurs, que les restaurants scolaires permettent à certains enfants de manger à leur faim, ce qui n’est pas toujours le cas chez eux.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Gérard César, rapporteur. Je ne peux donc que vous inviter à la prudence. Il est possible de servir des repas équilibrés sans dégrader le coût matière des repas pour les collectivités.
La commission émet donc, là encore, un avis défavorable.
L’amendement no 238 vise l’application des règles nutritionnelles dans les crèches, dans les hôpitaux et dans les maisons de retraite.
L’alimentation des nourrissons dans les crèches, des malades dans les hôpitaux et des personnes âgées dans les maisons de retraite répond à des impératifs particuliers justifiant l’application de règles nutritionnelles différentes de celles qui s’appliquent à la restauration scolaire ou universitaire.
Au demeurant, les crèches, que nous gérons les uns et les autres, tout comme les établissements sanitaires et sociaux, bénéficient de conseils de nutritionnistes, ce qui me paraît indispensable.
Aujourd’hui, les règles nutritionnelles doivent s’appliquer en priorité à tous les secteurs de la restauration collective, y compris aux prisons, dont il n’est pas fait mention dans cet amendement, mais que nous avons évoquées en commission.
Cet amendement ne me semble donc pas nécessaire.
L’amendement no 226 prévoit, pour les gestionnaires de services de restauration, la possibilité de déroger au code des marchés publics. Il s’agit là de dispositions qui relèvent du domaine règlementaire. Le ministre a pris, sur ce sujet, des engagements qu’il aura sans doute l’occasion de préciser dans la suite de la discussion.
La commission émet donc un avis défavorable.
L’amendement no 239 a trait à la formation des agents de restauration collective. Cet amendement est satisfait par l’amendement no 98, auquel la commission est favorable, et qui prévoit une formation à la nutrition des personnels de cantine.
Je souhaite donc retrait de l’amendement n° 239. À défaut, j’y serai défavorable.
L’amendement no 95 concerne l’étude des surcoûts pour les collectivités résultant de l’application des règles nutritionnelles.
Nous sommes naturellement attentifs à ce que ces règles n’entraînent pas des dépenses plus importantes pour les communes que nous gérons.
Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, plusieurs responsables, notamment de la restauration collective scolaire, nous ont assuré qu’il n’y avait pas de dérive importante du coût matière des repas, voire aucun surcoût, lorsque l’on respectait les règles nutritionnelles, ce qui confirme ce que je vous indiquais voilà un instant.
Les efforts en matière de qualité nutritionnelle imposent parfois un peu plus de main-d’œuvre, par exemple pour la préparation des repas faisant moins appel aux plats cuisinés et aux préparations industrielles.
Je ne souhaite pas que, en subordonnant l’entrée en vigueur des règles nutritionnelles à une étude des coûts, l’on retarde l’application de ces règles qui, je le redis, sont absolument nécessaires pour lutter contre l’obésité infantile. À cet égard, je rappelle qu’à la fin de cette semaine aura lieu la première Journée européenne de l’obésité.
L’application des règles nutritionnelles est également importante pour lutter contre les mauvaises habitudes alimentaires qui, malheureusement, se prennent dès le plus jeune âge.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
L’amendement no 96 tend à encourager les actions de sensibilisation et d’éducation au goût dans les cantines scolaires.
Il me semble que l’objectif recherché relève de l’une des actions du programme national pour l’alimentation, le PNA, qui figure à l’alinéa 15 et concernant « la qualité gustative et nutritionnelle des produits agricoles et de l’offre alimentaire ». C’est dans ce cadre qu’une sensibilisation au goût pourrait être menée en milieu scolaire.
La commission émet un avis défavorable.
L’amendement no 97 met l’accent sur la prise en compte par les gestionnaires des services de restauration scolaire et universitaire des règles sociales et environnementales.
De deux choses l’une : soit cet amendement ne se rattache pas au code des marchés publics, auquel cas il perd toute portée contraignante. Or il faut éviter les lois bavardes !
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Gérard César, rapporteur. Soit cet amendement vise à modifier le code des marchés publics. Il doit alors être rejeté, car il empiète sur le domaine réglementaire.
Dans les deux cas, la commission ne peut qu’être défavorable à cet amendement.
L’amendement no 98, que j’ai évoqué voilà un instant, porte sur la formation des personnels des cantines à la nutrition. Par cantine, on entend certes la restauration scolaire, mais aussi la restauration collective.
Il ne s’agit pas simplement d’imposer des règles nutritionnelles, encore faut-il s’assurer qu’elles sont respectées.
Outre les contrôles et les sanctions mentionnés à l’article 1er, il est justifié de prévoir également une formation des personnels concernés dans le cadre de la formation professionnelle.
La commission émet donc un avis favorable.
J’ajoute une observation : sachant que les collectivités locales ont la possibilité et même l’obligation de financer la formation professionnelle, on ne peut pas dire qu’une formation à la nutrition engendrera pour elles un coût supplémentaire. Elles disposent déjà de crédits disponibles pour la formation, donc pour la formation à la nutrition des personnels de la restauration scolaire et collective.
L’amendement no 523 rectifié tend à favoriser l’approvisionnement local des cantines scolaires.
Les règles d’approvisionnement et d’achat des collectivités publiques relèvent, je le rappelle, du code des marchés publics, lequel est de nature réglementaire. C’est la raison pour laquelle cet amendement ne peut donc pas recevoir un avis favorable de la commission.
Cependant, il serait souhaitable que le code des marchés publics puisse évoluer pour faciliter l’achat de produits alimentaires de proximité et, ainsi, favoriser les circuits courts, que nous souhaitons tous voir se développer.
Cet amendement étant satisfait, j’en demande le retrait.
S’agissant de l’amendement n° 99, les agents de l’État chargés du contrôle de l’application des règles nutritionnelles sont censés connaître précisément les normes auxquelles les contrôlés doivent se soumettre. En pratique, le contrôle des règles nutritionnelles s’effectuera probablement avec des équipes spécialisées selon des plans de contrôle définis par l’autorité administrative compétente.
Cet amendement ne semblant pas indispensable, la commission émet un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 100, sur la mise en œuvre des moyens de contrôle de la sécurité alimentaire et de la qualité nutritionnelle, constitue une déclaration d’intention et non pas un dispositif opérationnel. Il appartient au Parlement de contrôler si les lois qu’il vote sont bien appliquées. Il a la possibilité de constituer des missions de contrôle chargées de se rendre sur le terrain.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri de Raincourt, ministre. Concernant l’amendement n° 512 rectifié, monsieur Jarlier, le décret nous paraît absolument indispensable, afin de rendre claires et transparentes les règles nutritionnelles à respecter.
Par ailleurs, le Gouvernement prend l’engagement que les textes d’application seront élaborés en totale et étroite concertation avec les représentants des collectivités territoriales. En supprimant le renvoi à un décret, nous nous priverions indirectement de la capacité à faire appliquer cette mesure. Nous ne pourrions que le regretter, puisque nous reconnaissons tous son intérêt.
M. Gérard César, rapporteur. Très juste !
M. Henri de Raincourt, ministre. Je vous suggère donc d’envisager le retrait de cet amendement. Sinon, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
S’agissant de votre amendement n° 513 rectifié, je vous rappelle que la majorité des communes sert entre cinquante et cent repas par jour. Comme M. le rapporteur l’a très bien mis en évidence, si cet amendement était adopté, la quasi-totalité des cantines scolaires seraient exemptées du dispositif, ce qui serait très ennuyeux, compte tenu de l’importance de l’objectif fixé et sur lequel nous sommes tous d’accord.
Il est essentiel, cela a été dit et le Gouvernement y souscrit naturellement, que les jeunes aient accès à une alimentation équilibrée à la cantine. Il s’agit, hélas, du seul repas équilibré journalier pour de nombreux enfants !
M. Gérard César, rapporteur. Eh oui !
M. Henri de Raincourt, ministre. Il est donc impératif de ne rien faire qui puisse nuire à cette nécessité absolue en termes de santé publique. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Sur l’amendement n° 238, l’obligation nouvelle et importante créée par la loi apparaît indispensable à l’âge où se mettent en place les habitudes alimentaires.
Il est proposé, par cet amendement, d’étendre cette obligation aux crèches, hôpitaux et maisons de retraite. Certes, l’équilibre nutritionnel est important pour tous. Cependant, il n’existe pas de références scientifiques formalisées quant aux besoins spécifiques du large public de ces établissements, telles que celles qui se rapportent aux écoles.
Avant d’aller plus loin dans la création de nouvelles obligations et contraintes, le Gouvernement souhaite, dans un souci d’efficacité, concentrer ses moyens, notamment les moyens humains de contrôle, sur une action en faveur de la jeunesse. Néanmoins, partageant le souci de M. Le Cam, il s’en remet à la sagesse du Sénat.
Quant à l’amendement n° 226, je souligne que le code des marchés publics est issu de la réglementation européenne.
Des travaux ont été menés autour de la problématique des circuits courts et un guide à destination des collectivités locales a été élaboré afin de faciliter l’introduction de produits locaux dans la restauration collective, dans le respect du code des marchés public. Ce guide sera édité avant la fin de l’année par le ministère, après accord du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
La France proposera à l’échelon européen les modifications qu’il conviendrait d’apporter à la réglementation sur les marchés publics.
J’ajoute qu’un décret modifiant le code des marchés publics est en cours de rédaction afin de favoriser les circuits courts.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
La mesure proposée à l’amendement n° 239 revient à ce que les collectivités, y compris celles qui respectent bien les règles nutritionnelles, financent la formation des agents de la restauration. M. le rapporteur nous a précisé que c’était déjà le cas.
Le Centre national de la fonction publique territoriale propose des modules de formation adaptés aux différents métiers, notamment aux élus, aux gestionnaires de restauration, aux cuisiniers, aux personnels de service.
Par ailleurs, certaines directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt ont déjà mis en place des formations pour les personnels qui œuvrent dans les petites communes rurales. Ce type d’action est sans doute appelé à se développer.
Pour éviter que le propos que je tiens au nom du Gouvernement soit mal interprété, s’agissant des budgets des collectivités locales, je devrais émettre un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, comme la mesure figure déjà dans les dépenses des communes, je modifie ma position pour m’en remettre à la décision que vous estimerez devoir prendre, probablement celle de retirer l’amendement…
En ce qui concerne l’amendement n° 95, selon une évaluation très sérieuse réalisée en 2008 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, et qui figure dans la copieuse étude d’impact, le surcoût moyen à la charge des collectivités locales qui est généré par l’obligation de respecter les règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas représente environ 7 %, ce pourcentage variant en fonction du niveau initial de la qualité des repas servis par les restaurants scolaires.
S’agissant d’une mesure en faveur de la santé des enfants et très attendue par les parents d’élèves, le Gouvernement considère qu’elle marque une avancée indispensable. C’est la raison pour laquelle il émet un avis défavorable.
La disposition proposée à l’amendement n° 96, aussi intéressante soit-elle, ne relève pas du domaine législatif. Elle sera intégrée en tant que telle au programme national pour l’alimentation, puisque l’objectif de ce dernier en termes d’éducation et d’information est inscrit à l’alinéa 13 de l’article 1er. J’ajoute que cette partie de l’article tendant à imposer des règles, elle ne nous paraît guère adaptée pour y faire figurer la notion d’encouragement.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Au sujet de l’amendement n° 97, j’indique que les collectivités ont actuellement la possibilité, dans les conditions d’exécution d’un marché ou d’un accord-cadre, de faire référence aux clauses sociales ou environnementales. Plusieurs collectivités utilisent déjà ce moyen, par exemple pour introduire des produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration scolaire.
Selon le Gouvernement, la mise en avant de ces critères dans le choix du marché doit continuer à se faire sur la base du volontariat et en adéquation non seulement avec les moyens des collectivités, mais aussi avec le souhait des producteurs de s’organiser pour modifier leur mode de production ou d’élargir leurs débouchés à la restauration collective. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Il est proposé, à l’amendement n° 98, de faire financer la formation des agents par les collectivités. Compte tenu de l’argumentaire développé par la commission à l’appui de l’avis favorable qu’elle a émis, je m’avancerai sur la pointe des pieds : ne m’opposant pas catégoriquement à cette proposition, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.
Monsieur Marsin, j’en viens à l’amendement n° 523 rectifié. Le Grenelle I a déjà fixé des objectifs en matière de produits biologiques dans la restauration publique, soit un taux de 20 %. Par ailleurs, le Gouvernement présentera tout à l'heure, toujours à l’article 1er, l’amendement n° 651 tendant à inclure également les produits issus des circuits courts. Il répond ainsi à la préoccupation que vous manifestez. Telle est la raison pour laquelle je me permets de solliciter le retrait de votre amendement.
L’amendement n° 99 me paraissant déjà satisfait, monsieur Raoult, j’émets un avis défavorable.
Enfin, la proposition formulée par l’amendement n° 100 ne relève pas du domaine législatif. Les contrôles seront réalisés par les inspecteurs des directions départementales interministérielles en charge de la protection des populations et seront ajustés en fonction des besoins.
J’ajoute que ce point sera intégré à l’évaluation du programme national pour l’alimentation prévue dans le texte. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Jarlier, l’amendement n° 512 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre Jarlier. Je partage l’objectif fixé par la commission et par le Gouvernement d’assurer une qualité régulière dans la restauration scolaire. Pour autant, est-il bien raisonnable d’imposer de nouvelles charges et normes aux collectivités dans le contexte budgétaire actuel ?
Les propos tenus dans les réunions auxquelles il nous est donné d’assister, comme sur l’ensemble de ces travées, soulignent tous la nécessité de mettre fin à l’inflation des normes.
Or je constate qu’il est question, aujourd'hui, d’en ajouter une couche supplémentaire !
À l’évidence, les élus sont conscients des efforts qui sont nécessaires en matière de qualité des repas servis aux enfants. Ils y travaillent quotidiennement, notamment en favorisant l’arrivée progressive des produits biologiques dans la restauration scolaire.
S’il convient de fixer un cadre à la composition des repas, cette évolution doit cependant se faire en concertation avec tous les acteurs de la restauration scolaire, en particulier avec les associations nationales d’élus, au premier rang desquelles l’Association des maires de France.
Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à créer un groupe de travail incluant l’ensemble des associations. Je souscris à cette proposition, et je vais retirer l’amendement n° 512 rectifié.
Mais il faut que la concertation ait réellement lieu. Je rappelle que le décret, actuellement en préparation et dont nous avons eu connaissance, est inapplicable dans la plupart des cantines scolaires. Il faut donc revoir les choses au fond et reprendre la rédaction du décret en concertation avec les associations d’élus.
Aussi, je souhaite que vous vous engagiez à ce que les choses se passent de cette façon, et je retire l’amendement.
M. le président. L'amendement n° 512 rectifié est retiré.
La parole est à M. Gérard César, rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Pierre Jarlier m’a effectivement indiqué voilà quelques jours que le décret était dans les « tuyaux ».
Monsieur le ministre, je vous demande à mon tour d’intervenir auprès de votre collègue M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, afin d’empêcher la publication du décret tant que le présent texte de modernisation de l’agriculture et de la pêche ne sera pas voté. Il faut absolument que ce décret soit différé pour aujourd’hui au moins, mais aussi peut-être pour demain.
Et je remercie Pierre Jarlier d’avoir retiré son amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 513 rectifié.
Mme Nathalie Goulet. Je ferai deux observations qui seront valables aussi bien en ce qui concerne l’amendement n° 513 rectifié que pour toute la série des autres amendements faisant l’objet de cette discussion commune.
Cette noble et haute assemblée sort d’un très long débat au cours duquel on nous a demandé de valoriser l’intelligence des territoires.
Or je constate que, sur un sujet aussi important, on ne fait absolument aucune distinction entre les zones rurales et les zones urbaines. Pourtant, la façon dont les repas sont préparés ou dont les cantines sont tenues dans des communes rurales n’a rien à voir avec ce qu’il en est dans des agglomérations comme Lyon, Marseille ou Paris.
À l’instar de ce qui se passe dans d’autres domaines, l’inflation de normes va avoir pour effet de désespérer complètement les communes, les intercommunalités ou les regroupements pédagogiques qui font des efforts surhumains pour maintenir à la fois des écoles et des cantines scolaires.
Les repas de nos enfants vont finir par être préparés dans les cuisines des hôpitaux les plus proches. En l’occurrence, le mieux est l’ennemi du bien. Il faut certes des normes, mais comment voulez-vous qu’une mère de famille ou le membre d’une association d’aide à domicile qui vient éplucher les légumes, faire la cuisine, se procurer de la viande à proximité, puisse respecter les valeurs nutritives pour la cantine scolaire ?
Le décret qui sera pris devra impérativement respecter les territoires en ce qui concerne l’approvisionnement.
Mais il faut aussi se montrer un peu raisonnable et faire la part des choses. Les territoires ont une certaine intelligence, nous dit-on, mais, en l’occurrence, il me semble qu’on les conduit à une certaine désespérance !
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu qu’un décret, indispensable pour que les dispositions législatives puissent s’appliquer, était en préparation et que le Parlement serait associé à sa rédaction, ce que M. le corapporteur vient de confirmer.
S’agissant de l’excès de normes souligné par Nathalie Goulet, dont je partage les propos, je donnerai un exemple que vous pourrez peut-être retenir dans la perspective de l’élaboration du décret.
Nous sommes aujourd’hui dans la situation absurde où vous pouvez vous approvisionner auprès du boucher du village si vous avez quatre-vingt-dix-neuf rationnaires, mais si vous en avez cent un, vous devez vous rendre chez un boucher disposant d’un laboratoire, dont il n’a pas besoin ! Pourtant, ce qui compte avant tout, me semble-t-il, c’est de savoir si l’hygiène est respectée.
Mme Nathalie Goulet. Bien sûr !
M. Charles Revet. Les enfants peuvent manger le soir un bifteck acheté par leurs parents chez boucher du quartier, auprès duquel l’école ne peut se fournir pour le repas du midi ! C’est insensé !
Qui plus est, les conséquences économiques ne sont pas négligeables, car si la commune avait la possibilité de s’approvisionner chez le boucher du coin, ce dernier pourrait probablement poursuivre son activité dans la commune.
Si, dans la rédaction du décret, vous pouviez donc supprimer cette petite phrase absurde qui empêche aujourd’hui le restaurant scolaire comptant cent ou cent deux élèves de s’approvisionner chez le boucher local, vous contribueriez à régler nombre de problèmes et vous permettriez à nos communes de conserver davantage de commerces locaux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. La question dont nous débattons est très difficile, mes chers collègues.
J’ai moi-même vécu l’évolution qui vient d’être évoquée. Nous avions une cantine en régie municipale dont nous étions très fiers, mais nous n’avons pas osé la garder par crainte des inspections vétérinaires successives.
Une autre difficulté existe : lors du lancement de l’appel d’offres, on sait à l’avance qui va l’emporter, puisque deux ou trois prestataires se partagent le marché sans se faire trop de concurrence. Il en résulte que les prix sont parfois un peu élevés.
En milieu rural, les choses sont extrêmement difficiles. Les maires se battent pour garder leur école, où ils doivent organiser une restauration scolaire pour seulement dix, vingt ou trente gamins.
Cela étant, le problème de la sécurité alimentaire est réel. Ainsi, pas plus tard qu’hier, mon boucher de quartier a connu un sérieux problème sanitaire. Heureusement que je ne lui avais pas acheté de pâté ! (Sourires.) Je suis donc très partagé.
Pour participer régulièrement à la commission municipale des menus, je peux vous dire que les parents d’élèves sont très vigilants sur la qualité des produits servis à la cantine scolaire. Ils veulent généralement que leurs enfants y mangent beaucoup mieux qu’à la maison.
Nous sommes aussi confrontés aux habitudes alimentaires très stéréotypées des enfants. Ainsi, dès que l’on essaie d’élargir la palette des produits proposés, comme nous l’avons nous-mêmes fait, depuis septembre, en passant aux produits issus de l’agriculture biologique, les trois quarts des repas préparés finissent à la poubelle et les enfants rentrent chez eux en disant qu’ils n’ont pas déjeuné.
Dans ces conditions, la seule solution pour les communes rurales consiste à se regrouper au sein d’une intercommunalité qui prend en charge la fonction de fabrication des repas dans une cuisine centrale employant un personnel qualifié, qui a accepté de recevoir une formation. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) C’est la solution que nous avons adoptée, et elle nous permet de ravitailler une dizaine de villages.
La pression que les parents d’élèves exercent sur les élus que nous sommes nous incite inévitablement à ouvrir le parapluie en matière de sécurité alimentaire.
Mais le problème du coût constitue une difficulté supplémentaire. Car si nos chers parents d’élèves aspirent à des repas de qualité, ils voudraient les avoir pour presque rien, et n’acceptent pas de les payer à leur prix de revient. Le pain du boulanger du coin est en général meilleur que le pain caoutchouteux du gros industriel du Val de Sambre, mais il est aussi deux fois plus cher !
Au total, si nous pouvons être fiers d’avoir ce débat entre nous ce soir, il est néanmoins très difficile.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour explication de vote.
M. Pierre Jarlier. Monsieur Raoult, il ne me paraît pas très réaliste, étant donné la configuration de nos territoires, de vouloir créer des cuisines centrales dans tous les secteurs ruraux.
Je souscris pleinement aux arguments de Mme Goulet et de M. Revet : il faut dissocier la situation des secteurs urbains et celle des secteurs ruraux. Tel est d’ailleurs le sens de l’amendement n° 523 rectifié bis, même s’il n’est sans doute pas encore tout à fait au point.
En effet, on ne peut pas appliquer les mêmes normes et les mêmes contraintes à une cantine scolaire où les repas sont préparés par des bénévoles, des associations, voire des familles, et à une grande société qui fournit des cantines scolaires en repas tout préparés.
Le décret devrait tenir compte de ces différences de situation. Je rectifie donc en ce sens cet amendement en prévoyant que le décret s’appliquerait à des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés servant quotidiennement un nombre de repas fixé par décret. Ainsi, un seuil minimum serait fixé dans l’attente de la préparation de ce décret, ce qui constituerait une solution de repli.
M. le président. Je suis donc saisi de l'amendement n° 513 rectifié bis, présenté par MM. Jarlier, Alduy, Hérisson, Juilhard, Amoudry, B. Fournier, J. Blanc et Carle, et ainsi libellé :
Alinéas 21 à 27
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 230-3. - Les gestionnaires des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés, servant quotidiennement un nombre de repas fixé par décret, sont tenus de respecter des règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu'ils proposent, déterminées par décret. »
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Ce débat est très intéressant. J’ai bien entendu les propos de Paul Raoult et je dois dire que j’ai vécu un peu la même situation.
Je voudrais dire à Pierre Jarlier et Charles Revet qu’il ne faut pas confondre deux choses, c'est-à-dire l’approvisionnement de proximité et la qualité nutritionnelle.
Le texte proposé pour l’article L. 230-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit que « les gestionnaires des services de restauration scolaire et universitaire publics et privés sont tenus de respecter des règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu’ils proposent déterminées par décret ». J’ai cru comprendre qu’il existait un projet de décret, ce que M. le ministre nous confirmera sans doute.
On ne peut aller à l’encontre de la qualité nutritionnelle, qu’elle s’applique à dix repas par jour ou à plus de 2 500 repas. Cela n’empêche nullement une petite cantine de s’approvisionner chez le boucher local, dès lors que les règles nutritionnelles sont respectées dans la distribution.
M. Charles Revet. Et les règles d’hygiène !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. On ne saurait, en effet, concevoir qu’une petite cantine accueillant trente à cinquante enfants ne respecte pas les mêmes règles d’hygiène que les plus grandes structures lors de l’achat des produits.
L’expérience que j’ai dans ma commune me montre que l’on peut très bien acheter la viande ou le pain chez les commerçants locaux. Je peux d’ailleurs citer l’exemple d’un collège et d’une maison de retraite.
Je comprends certes l’esprit qui anime l’Association des maires de France, mais il ne me semble pas opportun de fixer des seuils.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Comme vient de le dire le président de la commission, ce débat est passionnant. Cela étant, on ne peut pas avoir une restauration collective pour les communes qui servent moins de 2 500 repas par an et une autre pour les plus grands établissements.
Nos enfants ont les mêmes droits, qu’ils fréquentent les écoles des petites ou des grandes communes. Il paraît logique que les règles nutritionnelles s’appliquent à tous. De plus, il arrive fréquemment aujourd’hui que les enfants mangent mieux dans les restaurants scolaires que le soir chez eux.
Ne faisons pas de différence entre les rats des champs et les rats des villes ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Merci pour les enfants ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Je partage évidemment les arguments avancés par M. le rapporteur.
Je prends toutefois devant vous l’engagement que les décrets sur lesquels nous travaillons ne sortiront pas sans que vous soyez préalablement consultés sur leur rédaction.
J’ai par ailleurs écrit au président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard, et il est évident que nous ne prendrons pas ce décret avant d’avoir procédé à toutes les consultations nécessaires, avec l’Association des maires de France et avec toutes les collectivités locales concernées.
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. Monsieur Jarlier, l’amendement n° 513 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Pierre Jarlier. Non, je vais le retire, monsieur le président, tout en demandant instamment à M. le ministre que la préparation du décret tienne compte de la diversité des modes de préparation des repas, selon que l’on se trouve en milieu rural ou en milieu urbain.
Les rats des champs et les rats des villes, ce n’est pas tout à fait la même chose, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 513 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 238.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 239 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Non, monsieur le président, je le retire au profit de l’amendement n° 98, similaire mais mieux rédigé.
M. le président. L'amendement n° 239 est retiré.
La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote sur l’amendement n° 95.
M. Yannick Botrel. J’ai entendu M. le ministre s’exprimer sur ce sujet et j’ai trouvé ses propos quelque peu surprenants. En effet, nous dire que 7 % de surcoût sur l’alimentation, c’est peu de chose, est étonnant de la part d’un membre du Gouvernement.
Hier, en commission de l’économie, un certain nombre de collègues de la majorité sénatoriale sont intervenus pour dire tout le bien qu’ils pensaient des conséquences économiques, sur l’équilibre des exploitations, d’un certain nombre de décisions normatives, réglementaires, voire législatives, qui portent atteinte à la compétitivité des exploitations agricoles. Dont acte !
Mais il me semble que l’on pourrait étendre l’analyse faite hier à la disposition figurant dans le projet de loi et que l’amendement n° 95 vise à dénoncer : je veux parler du transfert de charges que cela induit, une fois encore, pour une collectivité.
Il est vrai que le Gouvernement est coutumier du fait et ce ne sont pas les présidents de conseil général qui démentiront les charges transférées aux collectivités.
On peut effectivement se rendre populaire à bon compte. Voilà deux ans, une décision prise sur les régimes indemnitaires des sapeurs-pompiers a été payée, et à un haut niveau, par les collectivités. Je constate que dans le droit fil de ce qui a pu être fait à ce moment-là, le Gouvernement persiste et signe.
M. le rapporteur a évoqué le coût représenté par les budgets des cantines et des restaurants scolaires pour les collectivités, et jusque-là, je partage son avis.
M. Gérard César, rapporteur. Jusque-là !
M. Yannick Botrel. En réalité, on voit bien la part de plus en plus importante que représente, pour le budget général des communes, la somme versée au budget particulier des cantines et des restaurants scolaires, du moins quand il y a un budget annexe.
La crise sociale que nous traversons a aujourd'hui un impact, avec des impayés qui ne cessent d’augmenter, et les gens n’en peuvent mais.
M. Paul Raoult. C’est vrai !
M. Yannick Botrel. Nous assumons donc déjà ces surcoûts-là.
Par ailleurs, j’observe – et beaucoup d’autres avec moi – que le Gouvernement est prompt à nous opposer en toutes circonstances, et de plus en plus souvent, l’article 40 de la Constitution. Chaque fois que nous formulons une proposition qui générerait – parfois on s’interroge – des dépenses pour le budget de l’État, on nous oppose l’article 40.
Je souhaiterais que, dans un cas comme celui qui nous occupe en cet instant, le Gouvernement s’applique la jurisprudence qu’il prétend nous appliquer en d’autres circonstances. (Applaudissements et sourires sur les travées du groupe socialiste. – M. Gérard Le Cam applaudit également.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Monsieur Marsin, l’amendement n° 523 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Marsin. Compte tenu des explications de M. le ministre et des engagements pris, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 523 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 99.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mme Henneron, MM. Le Grand, Gouteyron, Beaumont, Pierre, Doublet, Laurent, Trillard et Merceron, Mme Morin-Desailly et M. Bailly, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 28
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de répondre dans les meilleures conditions aux besoins alimentaires des plus démunis, il est mis en place une politique de stockage de tous produits alimentaires sous les formes les plus appropriées. La gestion de ce dispositif se fera sous la responsabilité de France Agrimer.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. J’ai conçu cet amendement il y a un mois, lors d’une réunion préparatoire de la prochaine PAC, en entendant un responsable nous expliquer comment fonctionnent l’agriculture américaine et un certain nombre de dispositions qui la concernent.
J’ai appris alors qu’à certains moments, en cas de surproduction, des associations américaines, utilisant des crédits de l’État américain, achetaient des produits et les stockaient afin de pouvoir ensuite les utiliser pour approvisionner les plus démunis, qui, me semble-t-il, sont très nombreux aux États-Unis.
Monsieur le ministre, je me suis dit que l’on pouvait peut-être calquer cette disposition chez nous. J’entends bien que la régulation relève de la responsabilité de l’Union européenne et non pas de chaque État.
M. Gérard César, rapporteur. Eh oui !
M. Charles Revet. En revanche, il n’est pas interdit, me semble-t-il, que des associations puissent s’organiser afin de pouvoir acheter des produits lors d’une période de surproduction et les stocker pour les utiliser ultérieurement. D’autant que j’ai appris aussi ce jour-là que la Communauté européenne dépensait 500 millions d'euros chaque année pour aider les pays s’occupant des plus démunis.
Je prendrai un exemple simple et précis. Je suis élu d’une région qui produit beaucoup de coquilles Saint-Jacques, que tout le monde apprécie sans doute. Il arrive de temps à autre, en raison d’une surpêche, laquelle engendre une mévente, que ces produits soient retirés du marché, parfois rejetés à la mer, voire envoyés à l’équarrissage.
Mme Bernadette Dupont. C’est dommage !
M. Charles Revet. Je trouve cela scandaleux et il me paraîtrait tout à fait légitime que dans des périodes de surproduction les associations caritatives ou autres qui aident les plus démunis puissent acheter ces produits au moment où les cours sont moins élevés pour les réutiliser ultérieurement après les avoir conditionnés, congelés par exemple.
C’est dans cet esprit que j’ai proposé cet amendement.
D’abord, ce serait faire œuvre utile à l’égard des plus défavorisés car il s’agit non pas d’une marchandise de deuxième catégorie, mais de la même marchandise en surplus. En même temps et c’est, me semble-t-il, le sens de la démarche américaine, cela permettrait d’alléger les surproductions et, donc, d’offrir des débouchés supplémentaires dans ces périodes, et ce quel que soit le domaine de production concerné.
M. le président. Le sous-amendement n° 673, présenté par M. Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Dernier alinéa de l'amendement n° 32 rectifié bis
Après la première phrase
insérer une phrase ainsi rédigée :
Les associations œuvrant pour l'aide alimentaire aux plus démunis peuvent s'organiser pour acheter des produits alimentaires en période de surproduction quel que soit le domaine de production, et les stocker en bénéficiant des dispositions financières prévues à cet effet par l'Union Européenne.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’élargir le champ d’application de l’amendement et de le préciser.
Nous avons vécu exactement le même problème toute l’année dernière avec cette question récurrente de surproduction, d’un côté, et de besoins, de l’autre, avec la crise du lait. Nous ne savions pas comment faire pour avoir une attitude positive, cohérente et sociale face à ces litres de lait qui étaient déversés dans nos rues, en nous disant que par ailleurs de nombreuses personnes avaient besoin de ce produit, en France ou à l’étranger.
Il existe des dispositions pour le stockage, qui sont des dispositions européennes, semble-t-il extrêmement contraignantes, sur lesquelles, dans le cadre des réunions que nous avons eues sur ce sujet, monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à travailler de façon à pouvoir reconstituer les stocks d’urgence et afin que le lait fasse notamment partie des matières ou des produits pouvant servir dans ce cas.
Eu égard à l’opinion publique, au consommateur et à toutes les personnes qui, de plus en plus, utilisent les services des réseaux, comme les Restos du cœur, lesquels, dans une petite ville comme Flers, distribuent 33 000 repas, chiffre qui est absolument effrayant, il est extrêmement important de pouvoir favoriser les associations qui utiliseraient ces stocks.
Les deux dispositions présentées vont dans le même sens. Elles vont aussi dans le sens de l’article 1er du projet de loi, puisqu’il s’agit de donner la meilleure qualité de produits à tout le monde, y compris aux plus démunis. Et même si la rédaction n’est pas parfaite pour cette lecture au Sénat, nos collègues de l’Assemblée nationale pourront éventuellement la réécrire, mais notre assemblée s’honorerait en votant ces dispositions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Notre collègue Charles Revet propose l’instauration d’un stockage national, mais, il le sait et il l’a dit lui-même, le stockage de produits alimentaires relève de la politique communautaire.
L’aide alimentaire aux plus défavorisés constitue à la fois une politique sociale et une politique d’aide aux agriculteurs. Mais elle relève également – M. le ministre l’affirmera sans doute tout à l’heure – de l’Union européenne, qui y consacre tout de même 500 millions d’euros. Notons que dans le cadre de l’aide alimentaire, les denrées sont choisies par les autorités nationales.
Il paraît donc difficile, dans le cadre juridique actuel, de définir une politique nationale autonome de stockage à des fins sociales. Rappelons surtout que lorsqu’il y a surproduction de fruits et légumes, ce sont des denrées périssables et on ne peut pas donner des fruits qui, malheureusement, seraient abîmés.
La commission demande le retrait de l’amendement n° 32 rectifié bis. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Le sous-amendement n° 673 est intéressant. Il va dans le même sens que l’amendement n° 32 rectifié bis, mais il est de peu de portée opérationnelle. De plus, il s’applique à un amendement sur lequel la commission a émis un avis défavorable parce qu’il est incompatible avec le droit communautaire.
Par conséquent, la commission demande le retrait de ce sous-amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable, ma chère collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable, même si l’idée est généreuse parce que l’on est vraiment au cœur de la politique communautaire.
C’est toujours la même chose : si vous imposez des obligations nationales à une politique communautaire, soit vous êtes en contravention avec la règle communautaire, soit vous perdez le soutien communautaire au nom du principe de subsidiarité.
Je rappelle, pour donner des chiffres précis, que les banques alimentaires perçoivent de l’Union européenne, au titre du stockage, 30 millions d'euros par an et que les Restos du Cœur reçoivent 20 millions d'euros chaque année au titre de l’aide alimentaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Revet, l’amendement n° 32 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Je suis ennuyé, monsieur le ministre : autant je suis d’accord avec le fait que l’État ne peut pas organiser une politique de stockage, autant je suis un peu surpris de vous entendre dire que des associations qui s’organisent pour stocker des produits, même avec des financements européens, auraient l’interdiction de le faire. Ce n’est pas l’État.
Mon amendement était incomplet, j’en conviens, mais l’ajout prévu au travers du sous-amendement, me semble-t-il, le transforme en une autre disposition, et cela m’ennuie, par delà l’aspect un peu scandaleux de la destruction de marchandises de qualité.
Monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas de donner des produits périmés. Il y a aujourd'hui d’excellents modes de conservation. Ce n’est peut-être pas vrai dans l’ensemble des domaines, mais il y en a pour lesquels cela se fait très bien. Et à un moment où l’on manque de marchandises, je suis un peu surpris. Mais peut-être allez-vous m’apporter des précisions sur ce point, monsieur le ministre.
Mon amendement était sans doute un peu limité, mais dès lors que, avec l’ajout prévu par le sous-amendement, on y introduit la notion d’associations susceptibles d’acheter et de stocker, on en change la nature.
Monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous précisiez s’il y a effectivement des problèmes à ce niveau car il s’agit non plus du domaine public, mais du domaine privé.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. La question posée est difficile, et je ne peux pas vous cacher que j’éprouve un certain malaise à entendre demander que soient trouvées les meilleures solutions pour répondre aux besoins des plus défavorisés et, surtout, à lire dans l’exposé des motifs de l’amendement que les besoins à couvrir pour les plus démunis seront de plus en plus importants. Cela me laisse quelque peu perplexe.
J’ai participé à une mission à laquelle le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, avait demandé de travailler sur le thème de la « transformation des modes de vie, des comportements et de la consommation ». Je pense, mes chers collègues, qu’il est de mon devoir de porter à votre connaissance un extrait du rapport officiel remis par la mission, extrait qui traite de la nécessité de « mettre fin aux circuits de consommation discriminant des pauvres » :
« Les distributions alimentaires de toute nature représentent aujourd’hui en France un équivalent quotidien de 2,5 millions de repas. On a donc institué, année après année, un véritable circuit de consommation spécifique pour les pauvres.
« Il est distinct des autres circuits (il faut justifier de sa situation pour y avoir accès).
« Il ne conduit pas au droit commun (dans certains cas, il est d’ailleurs pris en compte parmi les ressources des ménages pour calculer le montant des prestations auxquelles ils auraient droit).
« Il contribue à stigmatiser ceux qui l’utilisent quelles que soient la bonne volonté et la qualité de l’engagement des personnes qui animent ces réseaux. »
Le rapport reproduit ici un témoignage recueilli sur le terrain, et je crois qu’il est bon que parfois nous aussi en entendions : « Quand je vais aux distributions, j’emporte des sacs Carrefour pour que les gens croient que je reviens de vraies courses ». La réalité humaine, c’est cela !
Le rapport poursuit : « La mission demande aux pouvoirs publics de prendre l’engagement de mettre en œuvre, avec l’ensemble de nos concitoyens et, en premier lieu, les acteurs et les bénéficiaires de ces circuits de distribution, les politiques alternatives à ces circuits de distribution dans un délai raisonnable. Ces politiques permettront de limiter le recours à ces modes de consommation aux seuls dépannages ponctuels liés à des situations d’urgence particulières, individuelles ou collectives. »
Monsieur le ministre, ma question est très claire : le Gouvernement est-il prêt à prendre devant la Haute Assemblée l’engagement de mettre en œuvre les politiques devenues indispensables pour limiter le recours à ces modes de consommation alimentaire, qui discriminent certains de nos concitoyens, aux seuls dépannages ponctuels ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il me faut d’abord « digérer » l’intervention de notre ami M. Muller…
Tout le monde a bien conscience qu’au moment de leur création les Restos du cœur et les autres associations œuvrant dans le même domaine pensaient n’être que provisoires.
M. Charles Revet. Oui, et cela fait vingt ans !
Mme Nathalie Goulet. Personne n’a envie de les voir durer, et il n’est dans l’intention d’aucun des acteurs de ce mode de distribution d’exercer une action discriminante. Chacun fait exactement ce qu’il faut, et je peux attester que, par exemple, les responsables des Restos du cœur que je croise régulièrement font tout le nécessaire pour que leur local ait l’apparence la plus normale possible (M. Jacques Muller opine.) et que ceux qui y viennent n’aient pas à faire la preuve de leur indigence, qu’elle soit momentanée ou, malheureusement, plus durable.
La mission évoquée par M. Muller est probablement très intéressante, mais il me semble qu’elle est restée bien éloignée des réalités du terrain. Sans cela, comment aurait-elle pu demander que le Gouvernement engage une action « dans un délai raisonnable » ? Sait-elle ce que c’est que d’être face à des personnes qui ne savent pas de quoi elles-mêmes et leurs enfants déjeuneront ou dîneront ? Je crois que les Restos du cœur, que Charles Revet, sont plus proches de la réalité que le rapport cité !
Cela étant, je comprends bien le problème que posent les associations qui, comme les entreprises, bénéficient de subsides européens. Mais je suis partagée, car, d’un autre côté, permettre aux associations d’acheter et de stocker, c’est aussi, d’une certaine façon, contribuer à maintenir les cours…
Mme Odette Herviaux. Tout à fait !
Mme Nathalie Goulet. … de produits qui sont de première qualité.
Je ne connais pas le rapport qu’a cité M. Muller et, compte tenu des extraits qu’il vient d’en lire, je n’ai pas l’intention de le connaître. Mais je suis sûre d’une chose : je ne supporte pas que soient déversées des caisses et des caisses de nourriture quand, dans le même temps, des gens, afin de pouvoir se nourrir, vont récupérer des produits dans les poubelles du Carrefour dont vous vantez les mérites.
Je ne sais pas comment régler le problème, je ne sais pas comment rendre le stockage possible, mais je suis absolument certaine que l’on peut faire quelque chose, et je suis convaincue que la commission de l’économie, après ce débat ou peut-être même durant ce débat, trouvera une solution.
J’ignore quel sort Charles Revet entend réserver à son amendement et, l’accessoire suivant le principal, je suivrai évidemment son avis. Mais quoi qu’il advienne, monsieur le ministre, nous nous heurtons là à un vrai problème. Alors que certaines personnes ont besoin de nourriture et n’y ont pas accès, on assiste à des crises de surproduction, et l’été va encore nous en apporter son lot !
Il nous faut trouver, par exemple par un biais associatif – mais tout en laissant aux territoires la possibilité de s’organiser –, le moyen, sans passer par l’Europe, d’arrêter ce gâchis permanent qui s’étale sur nos écrans de télévision, en particulier lors de ces manifestations où sont déversés des choux-fleurs bretons, des fruits, des légumes, du lait… La situation est insupportable, et nous devons la régler. On sait le nombre de personnes qui ont besoin de cette nourriture, et il n’y aurait aucune solution pour la distribuer ? Parfois, c’est vrai, son transport coûterait plus cher que sa destruction !
Le problème relève de l’éthique et de la morale : malgré les rapports qui dénoncent le fait que les bénéficiaires doivent prouver leur indigence, il y a urgence. Il faut que la commission se penche sur cette question, ou bien que soit constitué un petit groupe informel dans lequel nous travaillerions sur les moyens alternatifs que vous pourriez nous suggérer. Car dans tous nos départements, mes chers collègues, il y a à la fois des régions de production et des personnes qui, dans les zones rurales comme dans les zones urbaines, sont dans le besoin. Je suis bien certaine que les associations, les aides à domicile en milieu rural, tout ce que le territoire comporte de forces actives, parviendraient à mettre en contact ceux qui, parce qu’ils ne peuvent pas la vendre, risquent de jeter la nourriture qu’ils produisent avec ceux qui au contraire recherchent de la nourriture pour nourrir ceux qui en ont besoin. Quel que soit le côté discriminatoire que vous y voyez, mon cher collègue, je pense que l’urgence est de régler d’abord ces problèmes-là.
Je me rangerai donc derrière Charles Revet, mais, j’y insiste, nous sommes au cœur d’un vrai problème, auquel nous devons trouver une solution intelligente. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit également.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. On te soutient, Charles !
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, pour explication de vote.
Mme Bernadette Bourzai. Je partage très largement les propos de Mme Goulet, et je serais tentée de dire à M. Muller, avec qui je suis très souvent d’accord, que parfois le mieux est l’ennemi du bien : dans la situation d’urgence où nous sommes, nous ne pouvons pas attendre.
Je voudrais, mes chers collègues, vous faire part de la double expérience qui est la mienne.
J’ai participé pendant quatre ans aux travaux du Parlement européen, et j’ai constaté, année après année, combien la dotation pour l’aide alimentaire était fragile. Chaque année elle est remise en question, et chaque année il faut se battre pour qu’elle soit maintenue. Alors, ne considérons pas que les choses sont acquises une fois pour toutes : c’est beaucoup plus compliqué que cela.
Par ailleurs, j’ai été maire pendant sept ans. J’ai donné aux Restos du cœur de ma petite commune – cela faisait partie de mes priorités – un local leur permettant d’accueillir dignement les personnes qui relèvent de leur aide, qui est notamment alimentaire, mais pas seulement. Et si je comprends bien les réticences que peut susciter l’idée d’institutionnaliser ce régime, je pense que l’on ne peut pas, dans l’état actuel des choses, rester sans rien faire face à des personnes complètement démunies et sans aucun moyen de survie, face à des familles en grande difficulté, notamment des familles monoparentales. Dans ma commune, en sept ans, le nombre de familles, et donc de personnes, ayant bénéficié des aides a doublé.
Malheureusement, la crise est là ; malheureusement, il y a trop d’exclusion. Il faut les combattre, il faut mettre en place des politiques, et le Gouvernement doit s’y attacher encore plus dans cette période de crise. L’urgence est grande, et je partage tout à fait l’opinion de M. Revet : les organisations non gouvernementales, les ONG, comme on les appelle, ont la possibilité d’utiliser comme elles l’entendent l’aide alimentaire que leur apporte l’Europe.
Par ailleurs, ce moyen de stockage ne me paraît pas négligeable pour la régulation des prix. (MM. Claude Bérit-Débat et Didier Guillaume, ainsi que Mmes Nathalie Goulet et Marie-Thérèse Bruguière applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Mes chers collègues, au risque de vous surprendre, je dois vous dire que je suis d’accord avec vous.
Moi aussi, dans ma commune, je travaille avec les Restos du cœur, moi aussi je connais ces personnes, et je suis d’accord avec vous lorsque vous évoquez les gaspillages.
Je voulais simplement me faire ici l’écho de ce qui est tout sauf un groupuscule, puisque la mission a été présidée par le président de l’association ATD Quart Monde France – c’est loin d’être une association marginale et elle fait « remonter » la parole des plus pauvres, de ceux qui ne s’expriment jamais. Ils considèrent qu’institutionnaliser ce type de disposition ne va pas sans difficultés.
Aujourd’hui, il nous faut avant tout répondre aux besoins urgents, nous sommes tous d’accord sur ce point, et cela passe par le maintien de ce dispositif. Pour autant, il importe que, dans le même temps, nous nous fixions un cap, car ce n’est pas une bonne chose qu’une société comme la nôtre s’accommode, finalement, de la mise en place institutionnalisée des modes de consommation et de distribution en question.
C’était là tout le sens de mon propos.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je partage évidemment les remarques qui ont été formulées sur la gravité de la situation, sur les gâchis auxquels on assiste depuis maintenant des décennies et qui, en matière alimentaire, ne cessent d’augmenter pour atteindre, dans certains pays développés, des taux de 40 % à 60 %. (M. Jacques Muller acquiesce.)
Qu’il faille remédier à cette situation, j’en suis tout à fait convaincu. Que le ministère puisse ouvrir une discussion avec des parlementaires, voire envisager une mission parlementaire sur ce sujet, pourquoi pas ? Je suis ouvert à toute proposition.
Cependant, lorsque nous avons abordé l’examen du titre Ier du projet de loi, j’ai souligné qu’il s’agissait ici de jeter les bases de cette politique publique de l’alimentation que nous mettons en place, d’en fixer certains principes, de prévoir un certain nombre d’obligations, comme les règles nutritionnelles. Nous modifions également les règles des marchés publics afin que ces obligations soient véritablement contraignantes et que les circuits courts puissent être favorisés. Nous avons donc déjà posé certains jalons.
En revanche, sur l’amendement n° 32 rectifié bis et le sous-amendement n° 673, je voudrais vraiment me faire le relais de la demande de retrait formulée par M. le rapporteur.
Soit cet amendement et ce sous-amendement sont redondants par rapport à la situation actuelle – puisque, acheter des produits alimentaires en période de surproduction quel que soit le domaine de production, les associations le font déjà, de la même manière qu’elles font déjà du stockage –, et la loi, qui ne fera qu’entériner l’existant plutôt que de proposer des choses nouvelles, restera probablement en deçà des attentes qu’expriment, notamment, les associations sur le terrain. Soit on va encore un peu plus loin et on cite les dispositions financières prévues par l’Union européenne, et alors, j’insiste vraiment sur ce point, nous prenons un risque important vis-à-vis du principe de subsidiarité. À partir du moment où l’État français, par voie législative, établit que les associations doivent ou peuvent stocker, l’Union européenne sera fondée à arguer que nous ne respectons plus le principe de subsidiarité, puisque nous prenons en charge cette politique à sa place, pour retirer les subventions qu’elle accordait pour l’achat ou le stockage de denrées alimentaires par les associations. Je ne veux pas faire courir ce risque juridique-là aux associations !
Une nouvelle fois, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose de travailler sur tous les domaines qui ont été ouverts, je suis prêt à examiner l’idée de créer une mission parlementaire, qui peut être intéressante, mais je crois plus raisonnable de retirer l’amendement plutôt que de nous exposer à une contravention au principe de subsidiarité.
M. le président. Monsieur Revet, l'amendement n° 32 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je suis assez malheureux, car vous savez combien je vous apprécie et vous soutiens.
Mais il est des moments dans la vie où il faut savoir avancer et prendre des décisions.
Alors, si ce qui vous gêne, c’est la référence aux dispositions financières, il faut supprimer les mots « en bénéficiant des dispositions financières prévues à cet effet par l’Union européenne ».
Qu’il y ait alors redondance, je vous le concède, monsieur le ministre. Serait-ce pour autant la seule dans ce texte ?
M. Didier Guillaume. Oh non ! Et ce n’est pas fini !
M. Charles Revet. Il ne me paraît pas anormal que le Parlement manifeste sa préoccupation, faisant savoir qu’il trouve tout à fait inacceptable qu’on ne prenne pas en compte les demandes et les besoins extrêmement importants des familles en difficulté alors que, dans le même temps, il existe des surplus inutilisés.
Afin qu’il n’y ait pas de référence européenne, je suggère donc à Mme Goulet de supprimer, dans le sous-amendement n° 673, le membre de phrase que j’ai cité à l’instant.
D’ailleurs, cette disposition pourra être modifiée ultérieurement. La discussion de ce projet de loi commence ici. Il sera examiné par l’Assemblée nationale. Une commission mixte paritaire aura lieu.
Je maintiens par conséquent mon amendement assorti du sous-amendement qui serait ainsi modifié.
M. le président. Le problème demeurera. Madame Goulet, acceptez-vous néanmoins de rectifier votre sous-amendement dans le sens suggéré par M. Revet ?
Mme Nathalie Goulet. Accessorium sequitur principale, je modifie mon sous-amendement en supprimant les dispositions relatives aux aides européennes, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 673 rectifié, présenté par M. Dubois et les membres du groupe Union centriste, et qui est ainsi libellé :
Dernier alinéa de l'amendement n° 32 rectifié bis
Après la première phrase
insérer une phrase ainsi rédigée :
Les associations œuvrant pour l'aide alimentaire aux plus démunis peuvent s'organiser pour acheter des produits alimentaires en période de surproduction quel que soit le domaine de production, et les stocker.
M. Jacques Muller. Je demande la parole.
M. le président. Je ne puis vous la donner, mon cher collègue, car vous vous êtes déjà exprimé à deux reprises.
M. Jacques Muller. Je voudrais sous-amender le texte.
M. le président. Non, on ne peut pas sous-amender un sous-amendement !
Je mets aux voix le sous-amendement n° 673 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté. – Mme Renée Nicoux applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 32 rectifié bis.
(L'amendement est adopté. – Mme Catherine Procaccia applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mme Henneron et MM. Le Grand, Gouteyron, Vasselle, Beaumont, Pierre, Doublet, Laurent, Trillard, Bécot, Merceron et Bailly, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. - L'article L. 641-19 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Un produit peut porter l'appellation « fermier » dès lors qu'il est vendu en l'état ou que sa transformation en produit fini respectera les méthodes traditionnelles de transformation. Cette transformation peut se faire soit sur l'exploitation elle-même, soit en un lieu où les producteurs se sont regroupés pour assurer l'élaboration du produit fini. Les modalités d'application seront définies par décret. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Nous allons très bientôt examiner l’amendement n° 651 du Gouvernement. Adopté ce matin en commission, il fait référence aux « produits faisant l’objet de circuits courts de distribution, impliquant un exploitant agricole ou une organisation regroupant des exploitants agricoles ».
Au terme d’une situation quelque peu paradoxale, aujourd’hui, si un produit est vendu à la ferme en l’état ou transformé, il peut porter l’appellation « produit fermier ». En revanche, il perd ce label si les agriculteurs ont choisi, pour une meilleure qualité de vie, de s’organiser en groupement – faculté au demeurant prévue dans le texte – afin de le transformer ensemble, non plus dans l’exploitation mais en un lieu au cœur du village.
C’est absurde ! En effet, l’acheteur d’un produit de ce type se préoccupe non du fait que celui-ci sorte de la ferme ou vienne d’à côté, mais de la méthode de transformation. Ce qui compte pour le consommateur, c’est de retrouver les qualités gustatives du produit, préservées grâce au procédé traditionnel de transformation.
Je suggère donc de maintenir l’appellation « produit fermier » dès lors qu’a été utilisée la méthode traditionnelle, quelle que soit l’origine du produit, dans l’exploitation ou dans le cadre d’un regroupement extérieur à l’exploitation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Il paraît, en effet, excessivement sévère de ne pouvoir appeler « fermier » des produits issus de la ferme mais transformés ou travaillés, pour des raisons techniques, en dehors de l’exploitation.
Nous craignons toutefois d’affaiblir l’appellation fermière et de compromettre la définition du produit en permettant une trop large diffusion.
Sur cette question importante, nous souhaiterions entendre l’avis de M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’article L. 642 du code rural définit déjà le qualificatif « fermier ».
Dans le droit fil de l’amendement, j’insiste auprès de M. Revet : le législateur doit veiller à ne pas être trop bavard ! Il est très bien de commenter, d’ajouter des choses bonnes et généreuses, mais ce que je souhaite, c’est que la loi soit opérationnelle et efficace. On peut se faire plaisir en ajoutant, ici ou là, des éléments intéressants et utiles, qui renvoient à des vrais débats de société. Mais une loi est faite pour être efficace, pour fixer des règles et nous permettre de créer ce qui n’existe pas aujourd’hui ou de modifier ce qui mérite de l’être. Je le répète : l’adjectif « fermier » est déjà défini par l’article L. 642 du code rural. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de le faire figurer dans cette loi.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Revet, l’amendement n° 28 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, ma préoccupation est-elle satisfaite ? Une réponse positive, qui figurerait dans le compte rendu des débats publié au Journal officiel, dissiperait tout problème d’interprétation. Je répète ma question : si quatre, cinq ou dix agriculteurs se regroupent et mettent en place, en dehors du siège de l’exploitation, dans le cœur du village, une installation qui utilise les méthodes traditionnelles de transformation, me confirmez-vous le maintien de l’appellation « produit fermier » ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Revet, tout cela est déjà défini par le code rural. Je pense vraiment que votre préoccupation est respectée par les textes de loi en vigueur.
Si vous galvaudez le terme « fermier »…
M. Gérard César, rapporteur. Voilà !
M. Bruno Le Maire, ministre. … en ne faisant pas respecter un certain nombre de prescriptions définies dans le code rural quant à la signification du label « fermier », n’importe quel producteur de lait, d’œufs, de volailles va utiliser le label « fermier » pour une production industrielle.
Pour les volailles de chair, il existe un certain nombre de prescriptions, dont je vous épargne le détail, qui permettent d’établir que vous produisez de la volaille « fermière ». Attention à ne pas tirer les producteurs vers le bas en leur laissant entendre que tout peut être « fermier », pourvu qu’ils mettent simplement le label « fermier » !
Parce que le code rural me paraît répondre vraiment à votre préoccupation, parce que tout cela est clairement défini, il ne me semble pas nécessaire de le définir de nouveau dans la loi.
M. Charles Revet. Je retire l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 29 rectifié bis, présenté par MM. Revet et Etienne, Mme Henneron et MM. Le Grand, Gouteyron, Vasselle, Beaumont, Pierre, Doublet, Laurent, Trillard, Bécot, Merceron et Bailly, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ...- La vente sur le territoire national de produits alimentaires ayant utilisé pour la production, la conservation ou la transformation des substances ou des pratiques prohibées en France est interdite. Le non respect de ces dispositions peut être sanctionné d'une amende de mille euros. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement, qui va dans le sens de préoccupations clairement manifestées, se justifie par son texte même.
Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut des produits de qualité. La France a édicté un certain nombre d’interdictions d’utilisation de produits soit pour la production, soit pour la transformation. Il serait anormal qu’un produit interdit par les normes françaises puisse être utilisé ailleurs et vendu, une fois fini, à l’intérieur de notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. C’est vrai que nous donnons trop souvent l’impression d’imposer des contraintes qui pèsent sur notre compétitivité alors que nos partenaires ne les subissent pas.
Si l’idée est bonne, le texte présenté par Charles Revet ne peut être retenu. Le contrôle de l’accès aux marchés s’effectue sur la base d’une analyse des résidus. Si les taux limites, qui sont fixés assez bas, ne sont pas atteints, il n’y a aucune raison pour refuser l’entrée des marchandises sur le territoire national.
Cependant, et M. le ministre le confirmera certainement, il serait souhaitable que, dans les négociations internationales, une attention plus grande soit portée aux conditions de production.
Nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Toutes les décisions de refus d’importation de produits pour des raisons liées à des règles sanitaires, environnementales ou à des règles de bien-être animal sont strictement définies par le droit communautaire. Il n’est donc pas possible de fixer de nouvelles règles à l’échelle nationale. Ces règles communautaires sont elles-mêmes très strictes.
La vraie question – et je comprends parfaitement votre préoccupation, monsieur Revet – consiste à savoir si les contrôles opérés sur des produits importés en provenance de pays étrangers à l’Union européenne sont suffisants et assez rigoureux.
C’est un débat qui a lieu au sein de la Commission et du Conseil des ministres. Il rejoint la question de la préférence communautaire, à laquelle je suis, pour ma part, très favorable, je ne le cache pas.
On ne va pas demander à nos producteurs agricoles de respecter un certain nombre de règles sanitaires ou environnementales très strictes, dont le coût est très élevé et qui renchérissent le prix de leurs produits, et puis, dans le même temps, importer, sans les soumettre à un contrôle rigoureux, des produits d’Amérique du Sud ou d’Asie qui ne respectent pas les mêmes règles sanitaires.
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Sur ce débat, je vous rejoins parfaitement. Ce problème, nous le réglerons non dans la loi française mais à l’échelle communautaire.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. J’entends bien ce que vient de dire M. le ministre et je rejoins tout à fait les préoccupations qu’il a exprimées.
La question est de savoir quels sont les moyens que l’Union et la France mobilisent pour lutter contre la fraude ou s’opposer à des producteurs qui ne tiennent pas compte des normes européennes.
Il n’y a pas si longtemps, monsieur le ministre, on a fait chuter les cours du blé en France en laissant importer des blés produits en Ukraine dans des conditions sanitaires sans commune mesure avec celles qui sont en vigueur dans notre pays. C’’était de notoriété publique et pourtant, il ne s’est rien passé !
M. Rémy Pointereau. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Il y a certainement des accords bilatéraux ou des accords passés entre l’Union et des pays extérieurs autorisant l’importation de produits qui viennent concurrencer les nôtres, dont les coûts de production n’ont rien à voir avec ceux de ces pays.
M. Roland Courteau. Voilà !
M. Alain Vasselle. Afficher, dans le discours, la volonté de lutter à l’échelon national contre ce type de pratiques, c’est bien. Encore faudrait-il que le niveau européen suive ! J’espère que vous allez rassembler autour de vous une majorité équivalant à celle que vous avez évoquée lors des questions d’actualité au sujet des négociations avec les pays du Mercosur, afin que nous fassions comme ces pays au niveau européen pour tout produit importé !
Nous partageons tout à fait votre philosophie. Nous soutenons votre action. Il reste à savoir si nous sommes capables de mobiliser des moyens pour le faire.
Permettez-moi un parallèle rapide avec l’assurance maladie. Éric Woerth, qui s’est fixé comme ligne de lutter contre la fraude sur le territoire national, a obtenu des résultats tout à fait intéressants. Sachons en faire autant en ce qui concerne la production agricole !
M. le président. Monsieur Revet, l’amendement n° 29 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je suis parti d’un exemple précis. Il se trouve qu’en 1987 j’étais rapporteur d’une loi sur les anabolisants. À ce moment-là et après avoir entendu tous les scientifiques, j’ai souhaité maintenir le texte en place.
La décision a été prise, par décret, d’interdire en France l’utilisation des anabolisants naturels d’origine française. Or la même année, en 1987, les Américains autorisaient l’utilisation des anabolisants naturels français sur le territoire des États-Unis. Aujourd’hui, la viande américaine contenant ces anabolisants peut entrer librement en Europe, alors que les Français n’ont pas le droit d’utiliser ces produits !
M. Alain Vasselle. Là est le problème !
Mme Bernadette Dupont. Aberrant !
M. Jackie Pierre. C’est un scandale !
M. Charles Revet. Nous devons donc faire preuve de prudence.
Vous dites que des dispositions nouvelles ont été prises. Certes ! Mais on nous demande de laver toujours plus blanc alors que les règles et dispositions européennes permettent de laisser entrer impunément dans l’Union des produits contenant des matières premières interdites en France, cela pose un vrai problème...
Cela étant dit, j’accepte de retirer cet amendement.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Dommage !
M. Charles Revet. Je tenais à attirer votre attention sur ce point, monsieur le ministre : il faut édicter des règles qui soient communes à l’ensemble des pays européens et veiller à ce que de telles dispositions ne pénalisent pas les producteurs français.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je remercie Charles Revet de sa décision de retrait.
Je tiens à préciser quelques points, afin d’éviter que l’on ne désigne un peu vite des boucs émissaires, par exemple l’Union européenne.
Le bœuf aux hormones n’est pas autorisé à l’importation en France. Lorsque les États-Unis ont voulu imposer l’importation de cette viande sur le territoire européen, nous avons saisi l’OMC : un panel de l’OMC, dû à la suite de la demande des Américains, s’est réuni et les vingt-sept États membres de l’Union se sont opposés à cette importation.
À Washington, voilà quelques mois, j’ai eu un échange très vif avec Tom Vilsack, mon homologue américain, qui voulait nous imposer l’importation du poulet chloré, et souhaitait qu’un panel de l’OMC se saisisse de cette question. Il arguait du fait que cette viande remplit tous les critères sanitaires pour être importée en Europe. La Commission européenne et les États membres ont rétorqué que ce n’était pas le cas, ce qui a créé un nouveau contentieux avec les Américains. Et je pourrais vous citer nombre d’exemples du même type...
Ces deux exemples montrent que l’Union européenne est moins laxiste qu’on ne le laisse entendre et veille à la sécurité sanitaire des consommateurs. Lorsqu’un différend nous oppose aux États-Unis dans ce domaine, nous l’assumons, et les panels de l’OMC ont pour fonction de nous aider à régler ces conflits.
M. le président. L’amendement n° 651, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au e) de l'article 48 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, les mots : « et de distribution » sont remplacés par les mots : «, des produits faisant l'objet de circuits courts de distribution, impliquant un exploitant agricole ou une organisation regroupant des exploitants agricoles ».
La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Il s’agit de développer les circuits courts de distribution, chers à chacun d’entre vous dans cet hémicycle.
Cet amendement vise à permettre aux producteurs et aux groupements de producteurs d’accéder de manière préférentielle à la commande publique, et à renforcer l’intégration des circuits courts dans les modes de distribution.
Les amendements s’appuient sur des mesures déjà prévues dans le Grenelle de l’environnement. Ils tendent également à préciser certaines notions et à élargir leur application aux producteurs individuels.
Le Gouvernement propose de valoriser ces démarches par deux mesures, l’une réglementaire et l’autre législative. La première est une modification de l’article 48 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, qui fait l’objet du présent amendement. La seconde, que nous avons évoquée à plusieurs reprises, est une modification, par décret, de l’article 53 du code des marchés publics. Permettez-moi de vous citer les termes exacts de cette dernière modification, afin de vous montrer la crédibilité de l’engagement du Gouvernement en faveur des circuits courts : « Lors de la passation d’un marché, un droit de préférence est attribué, à égalité de prix ou à équivalence d’offres, à l’offre présentée par une société coopérative ouvrière de production, par un producteur agricole ou un groupement de producteurs agricoles, par un artisan, une société coopérative d’artisans ou par une société coopérative d’artistes ou par des entreprises adaptées ».
Pour la première fois dans le code des marchés publics, nous définissons très clairement une préférence pour le producteur agricole ou le groupement de producteurs agricoles, donc pour des circuits courts.
Vous me rétorquerez – nous avons déjà eu cette discussion lors des travaux au sein de la commission – qu’il aurait fallu aussi prévoir, en plus de la mention de producteur et groupement de producteurs, une indication sur le champ géographique, comme c’est le cas aux États-Unis. Dans ce pays, en effet, les structures de restauration collective ont l’obligation de s’approvisionner dans un champ géographique de moins de 50 kilomètres autour du lieu de leur implantation. Mais toutes les expertises juridiques que nous avons conduites montrent qu’une telle indication serait en contradiction totale avec le droit européen.
Aussi, je vous propose cette modification du code des marchés publics qui permet de mettre en place des circuits courts pour les producteurs et les groupements de producteurs. Je vous propose également, comme je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises, de poursuivre les demandes de modification du droit européen de la concurrence auprès de l’Union, pour, le moment venu, préciser encore les choses, lorsque nous aurons obtenu les modifications nécessaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Nous souhaitons tous privilégier les circuits courts ; c’est d’ailleurs une exigence du Grenelle I de l’environnement. L’avis de la commission est donc favorable.
Vous le constatez, nous pouvons être en symbiose, monsieur le ministre ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Cet amendement est une grande avancée de la part du Gouvernement. Plusieurs groupes avaient d’ailleurs fait des propositions en ce sens lors du Grenelle de l’environnement, mais elles avaient alors été rejetées.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que l’on ne peut pas aller plus loin et prévoir la possibilité de s’approvisionner dans une aire géographique restreinte. Je me demande bien pourquoi ! Il serait utile de faire une expertise sur ce point.
L’intention du Gouvernement est excellente, et je ne trouve rien à y redire. Je ne pense pas, cependant, que cet amendement réglera le problème des circuits courts et de l’approvisionnement dans un territoire. Mais je ne demande qu’à être convaincu !
Cela a été dit à plusieurs reprises : l’agriculture biologique est l’une des grandes absentes de ce projet de loi.
Je rappelle que le Grenelle de l’environnement a fixé un objectif de 6 % de la surface agricole utilisée en agriculture biologique en 2012, et de 20 % en 2020.
Le propre de l’agriculture biologique est de permettre l’approvisionnement sur un territoire géographique et par un circuit court. Or il existe aujourd’hui une véritable inadéquation de l’offre à la demande : l’agriculture biologique ne produit pas assez à l’échelon du département, même si les conversions en bio progressent.
L’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique a rendu public, hier, un rapport plutôt positif. Après deux années plutôt moyennes, le nombre d’exploitations agricoles qui se convertissent à l’agriculture biologique est en augmentation, et ce pour plusieurs raisons : tout d’abord, c’est dans l’air du temps ; ensuite, il existe une vraie demande ; enfin, et j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici même, les agriculteurs ont compris qu’ils valorisaient mieux leurs produits ainsi.
Hélas ! on a beau dire qu’un droit de préférence est attribué à égalité de prix, force est de constater à l’occasion des appels d’offres, en matière de bio comme pour les autres produits, que les grandes entreprises pratiquent toujours des prix inférieurs à ceux des sociétés coopératives de production, les SCOP, des marchés de producteurs et des organisations placées sous l’égide des chambres d’agriculture. Nous devons donc faire évoluer le code des marchés publics. Nous proposerons plusieurs amendements en ce sens, visant à prendre en compte, entre autres éléments, le coût carbone ou le nombre de kilomètres parcourus.
Même si nous nous sommes à peine concertés, nous voterons tous cet amendement, parce qu’il constitue une avancée à la fois pour le Grenelle de l’environnement et pour le code des marchés publics. Au moment où nous souhaitons favoriser les circuits courts, il convient de saluer toutes les initiatives positives, et le présent amendement en est une.
Il faudrait toutefois aller plus loin, monsieur le ministre, concernant la modification de l’article 53 du code des marchés publics que vous avez citée tout à l’heure.
Je suis convaincu, pour ma part, que cet amendement peut permettre d’adresser un signal à l’ensemble des professions agricoles. L’idéal serait de le sous-amender – mais on ne sous-amende pas un amendement du Gouvernement –, en y ajoutant les mots « agriculture biologique », ou de prévoir d’autres contraintes liées, par exemple, au nombre de kilomètres parcourus.
Aujourd’hui, dans les départements, tout dépend de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF. Or le contrôle de légalité n’est pas le même d’une préfecture à l’autre, et d’un département à l’autre. Nous avons constaté que, dans certains départements, il était plus facile de s’approvisionner au travers de circuits courts, parce que la DGCCRF et le contrôle de légalité sont plus souples, mais que ce n’était pas le cas dans d’autres départements.
Je salue, encore une fois, l’objectif du Gouvernement ; mais il faut aller plus loin, pour donner du sens à ce texte.
Nous devons adresser un signe aux agriculteurs. Nous devons leur dire que nous entendons leur détresse et que nous allons leur permettre de soumissionner à des appels d’offres, ce qu’ils ne peuvent pas faire aujourd’hui.
Je reprends à mon compte les propos tenus par notre ami et collègue Charles Revet, qui souhaitait que le boucher du coin puisse approvisionner les petites cantines scolaires. Il faut envoyer des signes forts ! Il ne s’agit pas seulement d’ajouter des phrases au projet de loi...
En insérant dans le texte modifiant le code des marchés publics une mention disposant que la proximité est une priorité, nous ferions un grand pas en avant. Une telle disposition serait de nature à satisfaire à la fois les SCOP, les producteurs indépendants et les groupements de producteurs.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Nous allons également voter cet amendement.
Monsieur le ministre, vous souhaitez modifier l’article 53 du code des marchés publics en ajoutant au 1° du IV les mots « par un producteur agricole ». Cette modification est positive, car elle permet de négocier directement avec un producteur qui ne ferait pas partie d’un groupement de producteurs agricoles.
Nous nous interrogeons cependant sur les notions d’égalité de prix et d’équivalence d’offres, qui risquent de poser quelques difficultés par rapport au code des marchés publics, et de faire « retoquer » certains marchés.
Je ne crois pas que nous ayons intérêt, en l’état actuel de l’agriculture biologique, à déterminer un champ géographique. Il arrive souvent, en effet, que l’on soit obligé d’aller au-delà de 50 kilomètres, par exemple pour trouver certains produits, je pense notamment à la viande. Les légumes, en revanche, s’achètent plus facilement dans un rayon moindre.
Il nous reste à croiser les doigts en attendant les « saints sacrements » nécessaires. Les élus des collectivités souhaitent avoir les mains plus libres. Aujourd’hui, nous sommes un peu dans le flou – nous prévoyons des repas bio de temps à autre, par exemple –, et nous ne travaillons pas vraiment dans la légalité.
Des problèmes d’hygiène peuvent également se poser dans le domaine conventionnel, dans le domaine biologique ou dans le domaine des labels ; nous en connaissons tous des exemples. Peut-être faudra-t-il prévoir un agrément des fournisseurs, notamment dans le secteur de la viande, particulièrement sensible, et dont les approvisionnements doivent être encadrés.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Monsieur le ministre, je souhaite que vous m’apportiez une précision sémantique. Les entreprises adaptées, que vous avez évoquées, concernent-elles les ESAT, les établissements et service d’aide par le travail – les ex-CAT, centres d’aide par le travail –, nombreux en milieu rural ?
Mme Bernadette Dupont. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur, si les ESAT que vous visez sont à caractère agricole et respectent les règles déterminées, ils seront évidemment concernés par la qualification « entreprises adaptées ».
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je souhaite maintenant répondre aux remarques qui ont été formulées.
Je salue tout d’abord l’avancée que nous marquons, fruit de notre effort commun. Je rappelle, comme M. Guillaume précédemment, qu’il s’agit de projets qui avaient été repoussés depuis plusieurs années. C’est une avancée importante.
Comme M. Le Cam l’a dit, l’ajout de la mention « un producteur agricole », qui semble anodine, constitue une avancée majeure. En effet, dans notre pays, c’est la première fois qu’un texte législatif offre à un exploitant agricole indépendant la possibilité de participer à des appels d’offres.
Le bio, quant à lui, est mentionné dans le Grenelle de l’environnement et des objectifs chiffrés sont fixés. Il dispose par conséquent de tous les soutiens nécessaires. Actuellement, on compte dix installations en bio par jour.
De fortes subventions sont accordées à ce secteur, qui bénéficie d’efforts importants. Or, en ma qualité de ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, en relation avec toutes les organisations syndicales, je ne vous cache pas que ces dernières, quelles qu’elles soient, ont parfois des réticences à l’égard de ces subventions, estimant que nous subventionnons un marché qui a des débouchés, alors que nous n’apportons pas d’aides équivalentes à d’autres marchés dont les débouchés sont moindres. Certes, cette argumentation peut être critiquée.
Monsieur Guillaume, je suis très convaincu par les circuits courts, qui traduisent une modification des comportements et de la commercialisation tout à fait nécessaire, répondant aux attentes sociales. Ce procédé est de surcroît beaucoup plus logique et raisonnable.
Mais, dans l’état actuel du droit européen, toute mention d’une indication géographique quelle qu’elle soit – proximité, voisinage, ou autre – sera immédiatement sanctionnée par la Commission européenne. C’est pourquoi nous n’avons pas fait figurer une telle mention.
Je tiens à le répéter devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous continuerons à nous battre pour une modification du droit européen de la concurrence. Le Président de la République lui-même est très déterminé pour que nous obtenions des avancées sur ce sujet. Effectivement, rien ne justifie de ne pas adapter un droit de la concurrence qui date de plusieurs décennies à des réalités radicalement différentes, et les circuits courts en font partie.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote sur l'article 1er.
Mme Odette Herviaux. Je serai brève, car nous avons encore de longues réjouissances en perspective…
Cet article a marqué, et nous l’avons encore constaté à l’instant, un certain nombre d’avancées. Nous regrettons cependant que toutes les avancées que nous souhaitions n’aient pas été prises en compte. Aussi, nous nous abstiendrons lors du vote sur cet article, car, de notre point de vue, nous aurions pu aller beaucoup plus loin.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. L’article 1er marque une grande avancée puisque, pour la première fois, est introduite dans notre législation la notion de « politique publique de l’alimentation ». Il était temps ! En témoignent les dérives de notre modèle alimentaire, qui subit l’invasion du modèle américain.
Cette notion figure dans la première partie de la loi de modernisation de l’agriculture : c’est une excellente chose. Ainsi, nous affichons publiquement que, grâce à l’agriculture, nous nourrissons d’abord les hommes.
D’excellentes dispositions ont été adoptées, notamment la dernière que nous venons de voter ; c’est également le cas dans le domaine de l’éducation ou de la formation. La jeunesse est la cible numéro 1 des politiques menées en ces matières, pour garantir une solide politique de l’alimentation.
Cela étant, je déplore profondément le refus d’articuler politique alimentaire et politique agricole nationale. Lorsque je dis « déplore », je vais au-delà du simple regret, car le concept de souveraineté alimentaire méritait un vrai débat, qui n’a pas eu lieu. Malgré certains échanges, aucune confrontation d’argumentation digne de ce nom n’est intervenue.
J’irai même un peu plus loin. Pour éviter que l’expression « souveraineté alimentaire » n’apparaisse dans la loi, on a eu recours au vote par scrutin public, qui consiste à faire voter les absents, procédure qui, selon moi, ne fait guère honneur à la démocratie. Ce procédé, parfaitement légal, inscrit dans le règlement du Sénat, n’en est pas pour autant légitime. Pour moi, légitimité ne vaut pas légalité. En réalité, cette volonté de verrouiller le vote traduit une certaine inquiétude.
Un problème de fond se pose : on ne peut pas juxtaposer politique alimentaire et politique agricole. Elles doivent être articulées et orienter nos choix en matière d’agriculture.
Je ne reviendrai pas sur l’argumentation que j’ai développée hier sur le caractère stratégique, je dis bien « stratégique », d’une politique agricole permettant d’améliorer l’autonomie de la France par rapport à ses concurrents étrangers. Notre indépendance politique exige une vraie indépendance en matière de production de nourriture.
Cette souveraineté alimentaire indispensable aurait permis de tracer un cap. Un pays ne conquiert pas son autonomie alimentaire facilement ni rapidement. Pour ce faire, les systèmes de production agricole doivent évoluer en profondeur. Cela prend du temps. C’est pourquoi j’ai estimé indispensable de tracer le cap d’une vraie modernisation agricole, qui ne se paie pas de mots.
Le refus d’articuler politique agricole et politique alimentaire constitue, selon moi, une erreur. Le refus d’inscrire la souveraineté alimentaire dans le projet de loi, comme pierre angulaire d’une politique publique de l’alimentation, est une faute.
Mes chers collègues, quitte à surprendre certains d’entre vous, je vais paraphraser le général de Gaulle : la souveraineté alimentaire relève d’une « ardente obligation », qui a été bloquée par un vote par scrutin public. Ce sujet méritait mieux !
Lors du vote du premier article du présent projet de loi, j’aurais aimé pouvoir m’abstenir, voire donner un signal positif. Étant donné ce qui s’est passé, je refuse de prendre part au vote.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Comme je l’ai déjà indiqué lors de mon intervention générale, l’article 1er est le plus consensuel du projet de loi. Il traite d’un sujet qui préoccupe nombre d’entre nous et traduit des intentions que nous partageons.
Désormais, il nous appartiendra d’étudier, au fil du temps, l’application effective des dispositions que cet article comporte. J’émets à ce sujet un certain nombre de regrets, en raison de dispositions qui n’ont pas été adoptées et qui viennent d’être évoquées.
Cela étant dit, les membres du groupe CRC-SPG s’abstiendront lors du vote sur cet article 1er.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante,
est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
7
Communication du conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé M. le président du Sénat, le 20 mai 2010, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation et le Conseil d’État ont adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité. (2010-9 QPC, 2010-10 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
8
Décision du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 20 mai 2010, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature.
Acte est donné de cette communication.
9
Modernisation de l'agriculture et de la pêche
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 1er.
Articles additionnels après l’article 1er
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Six mois après l'entrée en vigueur des obligations fixées en application de l'article L. 230-3 du code rural et de la pêche maritime, l'État remet au Parlement un rapport sur la mise en adéquation des moyens de contrôles publics avec les objectifs poursuivis en matière de contrôle de la qualité nutritionnelle des repas proposés dans la restauration scolaire et universitaire.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Je le sais, cet amendement n’est pas retenu par M. le rapporteur, qui est allergique aux rapports sous toutes leurs formes. Un comble pour un rapporteur ! (Sourires.)
M. Didier Guillaume. C’est en effet ennuyeux !
Mme Odette Herviaux. Les auteurs de cet amendement ont constaté que les services publics de contrôle sanitaire présents dans les départements sont déjà sous-dotés par rapport à l’ampleur des tâches qui leur incombent.
Ils ont donc des doutes sur leur capacité à assumer les nouveaux contrôles relatifs au respect des règles de qualité nutritionnelle.
Nous avons déjà demandé que ces contrôleurs reçoivent une formation spécifique aux nouveaux contrôles qu’ils devront exercer.
Nous demandons maintenant que, six mois après l’entrée en vigueur des obligations fixées en application de l’article L. 230-3 du code rural et de la pêche maritime, l’État remette au Parlement un rapport sur la mise en adéquation des moyens de contrôles publics avec les objectifs visés en matière de contrôle de la qualité nutritionnelle des repas proposés dans la restauration scolaire et universitaire.
Dans une période où la RGPP, la révision générale des politiques publiques, sévit de plus en plus, ce rapport serait le bienvenu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Odette Herviaux connaît ma ferveur pressante pour les rapports (Sourires.) et sait bien que j’y suis tout à fait opposé !
Par ailleurs, il appartient davantage au Parlement qu’au Gouvernement de contrôler l’application des lois. Tel est notre rôle, inscrit dans la Constitution.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. Didier Guillaume. Et voilà !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Avis défavorable, pour les mêmes raisons, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 102, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article L. 3262-1 du code du travail, les mots : « acheté chez un détaillant en fruits et légumes » sont remplacés par les mots : « des produits alimentaires frais achetés chez un détaillant en fruits et légumes, qu'ils soient ou non directement consommables ».
La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Le 1er mars, est entrée en vigueur la charte signée entre la Commission nationale des titres-restaurant, la CNTR, et la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution, la FCD, qui précise les règles d’utilisation des titres-restaurant.
Désormais seules les « préparations immédiatement consommables […] permettant une alimentation variée » pourront être achetées avec ces titres spéciaux de paiement.
Les auteurs de cet amendement estiment que cet encadrement est trop restrictif.
D’abord, il va avoir des conséquences négatives sur le budget des ménages qui utilisaient ces tickets pour faire leurs courses. Certes, ce n’est pas l’objet initial de ces tickets mais cette pratique s’est développée et l’interdire aura forcément des conséquences.
Ensuite, cet encadrement ne va pas permettre de promouvoir la consommation de fruits et légumes ou, de manière générale, l’achat de produits sains puisque, vous le savez, les produits directement consommables sont souvent des snacks d’une qualité discutable.
Enfin, même si les détaillants en fruits et légumes peuvent désormais demander un agrément pour accepter ces tickets, la commission de 2 % à 3 % qui doit être reversée sur le chiffre d’affaires généré et le délai de créditement ne seront pas incitatifs.
Nous souhaitons, au travers de notre amendement, préciser que ces titres-restaurant peuvent être utilisés pour l’achat de produits alimentaires frais, qu’ils soient ou non directement consommables.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré en commission être prêt à accepter cet amendement s’il précisait que ces produits doivent être frais. Nous avons apporté cette précision et nous espérons bien qu’il sera adopté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Eh bien non ! (Sourires.)
L’extension de l’utilisation des tickets restaurant chez les détaillants en fruits et légumes avait été décidée dans le cadre de la loi HPST, « Hôpital, patients, santé et territoires », adoptée l’année dernière.
Le bilan n’en a pas encore été fait. Le nouvel élargissement des conditions d’utilisation des tickets restaurant ne peut recueillir un avis favorable pour au moins deux raisons.
D’une part, la possibilité d’acheter par ce biais tout produit alimentaire chez un détaillant en fruits et légumes frais constitue une distorsion de concurrence vis-à-vis d’autres détaillants, et ne va en rien favoriser les fruits et légumes puisque le texte vise tout produit alimentaire.
D’autre part, on ne voit pas très bien en quoi consisteraient les fruits et légumes qui ne seraient pas directement consommables. S’agit-il de favoriser ainsi les produits congelés ou les fruits et légumes en conserve ?
En conséquence, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous souhaiterions nous en tenir au code du travail, qui précise « acheté chez un détaillant en fruits et légumes ».
La formulation proposée dans cet amendement ne me semble pas apporter de précision.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 103, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le septième alinéa de l'article L. 511-3 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Après les mots : « dans leur champ de compétence, », sont insérés les mots : « au titre de leur mission de service public, » ;
2° Sont ajoutés les mots : « et notamment pour mettre en place un approvisionnement local de leurs restaurants collectifs ».
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. L’article L. 511-3 du code rural précise que les chambres d’agriculture peuvent être consultées par les collectivités territoriales au cours de l’élaboration de leurs projets de développement économique.
Or, les collectivités territoriales souhaitent de plus en plus favoriser l’approvisionnement local des restaurants collectifs qu’elles gèrent. Cette politique d’achat de qualité et de traçabilité est d’ailleurs aussi l’occasion de mettre en avant une politique de développement économique local et durable.
Toutefois, les problèmes de réponse aux exigences des appels d’offres publics, les problèmes de méconnaissance des caractéristiques locales de la production ou les problèmes d’approvisionnement des restaurants en quantités stables sont un frein au développement de ces circuits courts.
Les auteurs de cet amendement estiment qu’il est nécessaire de préciser dans la loi, dans ce titre sur l’alimentation, que les chambres d’agriculture ont un rôle important à jouer pour développer l’approvisionnement local des restaurants collectifs et permettre une meilleure adéquation de l’offre à la demande.
Les chambres d’agriculture peuvent être un intermédiaire idéal entre les exploitants agricoles individuels et le monde de la restauration collective, notamment quand ces services de restauration relèvent de la compétence des collectivités territoriales.
Elles peuvent, par exemple, aider les collectivités territoriales à recenser l’offre disponible auprès des producteurs locaux, à structurer des plateformes d’approvisionnement des cantines ou à élaborer des clauses techniques particulières pour les cahiers des charges des marchés de denrées alimentaires.
Ces missions de conseil des chambres d’agriculture aux collectivités territoriales sont des missions de service public.
Dans certains départements, de telles initiatives et de tels partenariats commencent à se développer ; ils doivent désormais être généralisés.
Pour les agriculteurs, la restauration collective représente une formidable source de débouchés, qu’il nous faut aussi exploiter.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Il faut le rappeler, les chambres d’agriculture ont une mission générale de représentation du monde agricole. Il s’agit d’établissements publics. C’est à ce titre que les collectivités locales peuvent les consulter.
Il n’y a pas lieu de l’inscrire dans la loi pour que les collectivités locales, si elles le souhaitent, puissent consulter les chambres d’agriculture. Il ne me paraît pas nécessaire d’alourdir les missions des chambres d’agriculture.
En conséquence, j’émets, avec regret, un avis défavorable sur l’amendement de mon ami Paul Raoult.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Paul Raoult. C’est dommage !
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Les chambres d’agriculture jouent un rôle décisif,…
M. Gérard César, rapporteur. Elles peuvent le faire !
M. Paul Raoult. … et ce d’autant plus aujourd’hui, à l’heure où l’agriculture connaît des difficultés importantes et où l’on veut essayer, par le biais des circuits courts, d’obtenir une adéquation parfaite avec la demande organisée par les départements et les régions, à travers les lycées et les collèges.
Les départements et les régions souhaitent donner un coup de main à l’agriculture locale et les agriculteurs sont demandeurs, afin que le système puisse s’organiser.
La meilleure médiation se situe au niveau des chambres d’agriculture.
D’ailleurs, vous le savez bien, les chambres d’agriculture ne sont pas particulièrement pour la gauche ! (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Roland Courteau. Ça dépend ! (Sourires.)
M. Paul Raoult. Ma position, en tant que sénateur socialiste, est désintéressée ! Je défends simplement l’intérêt général. Il s’agit de faire en sorte que l’on puisse avancer dans le chemin qui nous est présenté aujourd’hui, c’est-à-dire les circuits courts et l’adéquation de l’offre à la demande.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Mes chers collègues, je ne vois absolument pas ce qui empêche les pays, les intercommunalités ou qui que ce soit de faire appel aux chambres d’agriculture !
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
Mme Nathalie Goulet. Ainsi, le Pays d’Alençon est présidé par le président de la chambre d’agriculture de l’Orne.
Pourquoi inscrire une telle précision dans la loi ? De toute façon, on connaît très bien l’adresse et le numéro de téléphone du président de la chambre de l’agriculture. On peut lui proposer n’importe quel projet, et, j’en suis absolument certaine, avec ses fonctionnaires,…
M. Gérard César, rapporteur. Il n’y a pas de fonctionnaires dans les chambres d’agriculture, c’est un statut spécial ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. … ses quasi-fonctionnaires, disons ses collaborateurs, il aidera les collectivités qui le demandent, sur les sujets tout à fait pertinents soulevés par cet amendement. Pour autant, je ne crois pas qu’il soit utile d’en rajouter.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Au contraire, nous, nous pensons qu’il est utile d’en rajouter !
Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, il n’est pas nécessaire d’inscrire une telle possibilité dans la loi, puisque certaines collectivités le font.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Didier Guillaume. Là où existent des organisations un peu intelligentes, cela peut fonctionner,…
Mme Nathalie Goulet. Dans l’Orne !
M. Didier Guillaume. … peut-être dans l’Orne et ailleurs.
Mais le propre d’une loi est de s’appliquer sur l’ensemble du territoire national. Monsieur le rapporteur, vous considérez que les chambres d’agriculture ayant déjà assez de missions, il ne faut pas en rajouter. Or il n’est pas question d’ajouter des missions ! Il s’agit de se servir de ce navire amiral qu’est la chambre d’agriculture, cette structure qui permet de fédérer l’ensemble des professions, des interprofessions et des filières.
Ainsi, grâce à l’action conjuguée des chambres d’agriculture et des acteurs locaux, nous irons plus loin.
Toutefois, peut-être ne partagez-vous pas cet objectif ? En effet, à ce stade de l’examen du texte, nous avons plutôt le sentiment que vous ne voulez pas dépasser le statu quo et vous donner les moyens nécessaires, en l’occurrence, pour, notamment, permettre un approvisionnement local des restaurants collectifs gérés par les collectivités territoriales.
Nous avons déjà débattu des circuits courts tout à l'heure, notamment lors de l’examen de l’amendement n° 651, et nous y reviendrons encore dans quelques instants. Toutefois, nous avons tous le sentiment que, en la matière, le déclic n’a pas encore eu lieu, parce que nous ne parvenons pas à le déclencher !
Comme l’a très bien expliqué Paul Raoult, nous pensions que ce déclic pouvait venir des chambres d’agriculture : celles-ci, qui ont l’oreille des producteurs, qui organisent et coordonnent leur travail sur le terrain, pourraient être l’un des maillons de la grande chaîne de ceux qui se serrent les coudes et vont de l’avant.
Voilà pourquoi cet amendement vise non pas à confier aux chambres d’agriculture une mission supplémentaire, mais seulement à souligner qu’elles peuvent jouer un rôle important. Ces dispositions nous semblent tout à fait cohérentes avec la volonté du Gouvernement et de la commission de favoriser les circuits courts.
M. Paul Raoult. Nous dirons aux chambres d’agriculture que vous n’avez pas voulu leur confier cette mission ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par Mmes Bonnefoy et Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mme Blondin, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le pouvoir adjudicateur peut décider que les marchés alimentaires destinés à l'approvisionnement des cantines scolaires seront passés sans publicité ni mise en concurrence préalables si les circonstances le justifient, ou si son montant estimé est inférieur à 20 000 euros HT.
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. À travers le décret du 19 décembre 2008, le seuil des marchés pouvant être passés sans publicité ni mise en concurrence préalable a été fixé à 20 000 euros.
Cette mesure a permis aux collectivités de favoriser l’approvisionnement des cantines scolaires en circuits courts de denrées alimentaires, en passant des contrats avec des producteurs locaux n’ayant pas la capacité de répondre aux exigences des marchés publics.
Cette décision a aussi constitué une bouffée d’oxygène pour les collectivités, qui ont bénéficié de procédures simplifiées.
Cependant, dans un arrêt en date du 10 février 2010, le Conseil d’État a rétabli ce seuil à 4 000 euros ; cette règle est entrée en vigueur le 1er mai dernier.
Dans sa décision, le Conseil d’État s’est fondé sur le respect des principes de mise en concurrence et sur la nécessité de rendre transparents les marchés afin d’éviter toute forme de distorsion ou de conflit d’intérêt. Nous pouvons nous en féliciter ! Toutefois, cet arrêt handicape fortement le développement des circuits courts et l’accès de nos enfants à une nourriture saine et équilibrée.
Comme ce fut le cas dans certaines régions, de nombreux partenariats ont été passés entre collectivités et producteurs locaux au cours des deux dernières années. Avec cette décision, bien des projets devront être abandonnés. Il nous paraît donc nécessaire de mettre en place des procédures simplifiées pour la passation de marchés alimentaires pour les cantines scolaires.
Ainsi, nous encouragerons les collectivités à développer des partenariats avec les producteurs locaux, nous stimulerons l’activité agricole locale, en particulier l’agriculture biologique, et, au final, nous permettrons à la restauration scolaire de s’approvisionner en produits frais, de qualité et de saison.
Je sais que, devant la commission, M. le ministre a indiqué qu’un décret était en cours de préparation et que, pour cette raison, il ne soutiendrait pas cet amendement. Toutefois, en 2009, le Gouvernement avait déjà promis de prendre des mesures favorisant le développement des circuits courts.
M. Paul Raoult. Effectivement !
M. Didier Guillaume. Très juste !
Mme Renée Nicoux. Or, depuis plus d’un an, rien n’a été fait... Nous ne pouvons plus attendre, sinon les efforts consentis par les collectivités et les producteurs locaux durant ces dernières années risquent d’être réduits à néant.
C’est pour cette raison qu’il est indispensable, dès aujourd’hui, d’adopter des mesures claires et précises, afin de mettre en place une véritable politique de l’alimentation dans la restauration scolaire, avec des produits de qualité issus de l’agriculture biologique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Nous en arrivons à une série d’amendements qui ne peuvent être adoptés car ils relèvent du domaine réglementaire. Il s'agit des amendements nos 104, 105, 106, 108, 109 et 110.
J’émets un avis défavorable sur tous ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je souscris à l’analyse de M. le rapporteur.
Je voudrais seulement préciser, madame Nicoux, que le Gouvernement ne vous offre pas des promesses, mais des actes ! Je vous ai lu la modification réglementaire que nous proposons pour les circuits courts. Il s'agit d’un texte très concret. De ce point de vue, vos souhaits sont satisfaits, me semble-t-il.
M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, pour explication de vote.
Mme Renée Nicoux. J’entends bien l’argument relatif à la nature réglementaire de cet amendement. Néanmoins, si elles étaient adoptées, ces dispositions constitueraient une avancée importante,…
M. Didier Guillaume. Eh oui !
Mme Renée Nicoux. … dans de nombreux domaines. Tout d'abord, l’objectif principal de cette mesure est bien évidemment d’offrir à nos enfants des repas équilibrés, je le répète.
M. Gérard César, rapporteur. Nous sommes tous d'accord !
Mme Renée Nicoux. Améliorer la qualité nutritionnelle des repas en milieu scolaire est un point essentiel de la lutte contre la dégradation des pratiques alimentaires et le phénomène de l’obésité.
En outre, le système que nous proposons permettrait d’encourager le développement des circuits courts en offrant aux services chargés de la restauration scolaire la possibilité de s’approvisionner auprès des producteurs de leur choix en produits de qualité.
D’une manière générale, cet amendement vise à encourager le développement d’une activité agricole locale : si nous voulons rendre un sens politique à notre agriculture, en replaçant l’alimentation au cœur du projet agricole français, il est indispensable de permettre aux collectivités territoriales d’en être les principaux acteurs.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Renée Nicoux. Dans cette perspective, il faut leur accorder les moyens juridiques nécessaires.
En favorisant l’approvisionnement des restaurants scolaires en produits locaux de qualité, nous permettrons à de nombreux producteurs de développer leur activité et encouragerons ainsi les nouvelles générations d’agriculteurs à se lancer dans cette aventure.
À plusieurs reprises, le Gouvernement a annoncé qu’il faisait du développement de l’agriculture biologique et des circuits courts, donc de la préservation de l’activité agricole locale, l’une de ses priorités, ce dont nous ne doutons pas d'ailleurs.
Toutefois, cette priorité doit conduire, en premier lieu, à permettre aux collectivités de s’approvisionner localement et, par là même, de soutenir l’agriculture française, qui traverse actuellement une crise sans précédent.
À travers cet amendement, nous voulons soutenir le dynamisme de nos territoires en maintenant une activité économique et en évitant la désertification de certaines régions, ainsi que, bien évidemment, le chômage.
Si, aujourd’hui, nous ne mettons pas en place un dispositif encourageant les producteurs locaux à poursuivre leur activité et à participer aux marchés alimentaires destinés à l’approvisionnement des cantines, nous les condamnons à disparaître. Mes chers collègues, c’est tout un système qui est en péril !
Bien entendu, rétablir le seuil de 20 000 euros n’apportera qu’une réponse partielle à la crise que connaissent nos agriculteurs. Toutefois, si nous ne faisons rien, la situation s’aggravera !
Aujourd’hui, les producteurs locaux sont incapables de répondre à un appel d’offre, puisqu’ils ne peuvent rivaliser ni avec les grands distributeurs ni avec les concurrents étrangers. L’abaissement du seuil des marchés, accompagné de cahiers des charges permettant aux donneurs d’ordre de choisir des producteurs « mieux-disant » plutôt que « moins-disant », constituerait une bonne solution.
Il semble donc indispensable de prévoir l’assouplissement des règles relatives aux marchés alimentaires destinés à l’approvisionnement des cantines scolaires.
C’est ainsi que nous permettrons aux producteurs locaux de disposer de débouchés, tout en fournissant à nos enfants des produits de qualité.
Ces mesures sont indispensables à la mise en place d’une véritable politique de l’alimentation, favorisant le maintien et le développement d’une agriculture locale de qualité.
C’est pour cette raison, mes chers collègues, que je vous invite à voter le présent amendement.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Didier Guillaume. Dommage !
M. le président. L'amendement n° 105, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Bourzai, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les marchés de denrées alimentaires périssables, en deçà du seuil de 130 000 euros HT pour l'État, et de 200 000 euros HT pour les collectivités territoriales, peuvent être passés dans les conditions les plus avantageuses, sur les marchés, ou sur les lieux de production sans publicité préalable et sans mise en concurrence.
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. Dans le même ordre d’idées que précédemment, cet amendement tendant à insérer un article additionnel vise à permettre aux pouvoirs publics – État et collectivités territoriales – de s’approvisionner sur les marchés d’intérêt national et régional, dans le cadre d’une procédure simplifiée du code des marchés publics. Les uns et les autres, nous pensons ici à la restauration collective en général, et scolaire en particulier, qui est évoquée longuement à l’article 1er du projet de loi.
En effet, jusqu’en 2004, le code des marchés publics permettait à l’État et aux collectivités locales de s’approvisionner sans publicité préalable et sans mise en concurrence sur ces marchés.
En ce qui concerne les denrées agricoles, il serait intéressant de revenir à des seuils plus élevés que ceux qui sont prévus aujourd’hui par le code des marchés publics, afin de permettre aux collectivités, notamment, de conclure en dessous de ces seuils des marchés dans les conditions les plus avantageuses et sur les lieux même de production, sans appliquer les règles de publicité contraignantes visant d’autres types de produits.
Ainsi, mes chers collègues, s’agissant de denrées alimentaires périssables, il vous est proposé ici de réintroduire cette possibilité, afin de permettre aux collectivités territoriales, en particulier celles qui gèrent en régie leur service de restauration, de s’approvisionner directement en produits frais et de saison, à des prix respectant les cours des matières premières.
Si elle était adoptée, cette disposition profiterait à l’ensemble de la filière de la restauration collective : au producteur, qui écoulerait plus facilement et à un juste prix ses productions périssables ; à l’acheteur public, qui, pour un prix raisonnable, disposerait de produits frais, de saison et de production locale ; enfin au consommateur, en l’occurrence nos enfants, pour ce qui concerne la restauration collective.
L’adoption de cet amendement constituerait donc une avancée, qui bénéficierait à tous, pour soutenir les agriculteurs, contenir les dépenses des collectivités locales, souvent décriées, et proposer les fruits et légumes variés préconisés par le ministère de la santé.
Cet amendement vise donc à fixer un seuil de 130 000 euros hors taxes pour l’État et de 200 000 euros hors taxes pour les collectivités locales ; en dessous de ces montants, il serait possible de passer des marchés d’achat de denrées alimentaires périssables sans publicité préalable ni mise en concurrence.
M. le président. La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous souscrivons tous aux objectifs que visent ces excellents amendements, me semble-t-il. Toutefois, on nous a expliqué que ces dispositions étaient de nature réglementaire... Je trouve dommage que nous ne puissions avancer !
M. le président. L'amendement n° 106, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le pouvoir adjudicateur prend en compte les exigences environnementales lors de l'achat public dans le respect des principes généraux de la commande publique et ce, à chaque étape du processus d'achat : définition des spécifications techniques, examen des candidatures et des offres présentées, attribution du marché et conditions d'exécution du marché.
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Monsieur le rapporteur, très amicalement, je regrette que vous ayez rejeté en bloc, de façon quelque peu désinvolte et sans argumenter, l’ensemble de nos amendements, au motif qu’ils appartiennent au domaine du règlement et n’ont donc pas leur place dans ce projet de loi.
Je le rappelle, juste avant la suspension de la séance, nous avons voté à l'unanimité l’amendement n° 651 du Gouvernement, parce que ses dispositions allaient dans le bon sens et qu’elles étaient de nature réglementaire ! Son objet précisait d'ailleurs que le Gouvernement proposerait deux mesures, l’une réglementaire, l’autre législative, qui modifie la loi dite « Grenelle I ».
Il ne peut y avoir deux poids deux mesures ! Tout à l’heure, nous avons « co-défendu », si je puis dire, sans difficulté l’amendement du Gouvernement, parce que nous estimions que cette disposition allait dans le bon sens. Quand, dans ce projet de loi, certaines mesures nous semblent constituer une avancée, nous sommes capables de nous rassembler et de les voter à l’unanimité !
Toutefois, comme l’ont souligné tout à l'heure l’ensemble des orateurs de notre groupe, nous estimons qu’il est possible d’aller encore plus loin à l'unanimité.
Depuis trois jours, tout le monde ici affirme être favorable aux circuits courts, à une meilleure alimentation dans la restauration scolaire, au meilleur approvisionnement possible.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Didier Guillaume. Or nous le savons bien, aujourd’hui, il n’est pas possible d’agir en ce sens ! Nous le constatons tous. Nous ne répéterions pas à l’envi qu’il faut favoriser les circuits courts s’il n’y avait pas là un problème. Le Gouvernement n’aurait pas pris la peine de nous faire voter à l’unanimité l’amendement n° 651 si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes !
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Didier Guillaume. Nous souhaitons aller plus loin encore, je le répète, et améliorer – pardonnez cette immodestie ! – l’amendement du Gouvernement, par exemple en ajoutant un certain nombre d’éléments dans la modification du code des marchés publics.
Toutefois, monsieur le ministre, nous ne nous contentons pas de paroles : nous formulons des propositions, qui se situent dans la droite ligne du projet du Gouvernement, et vous les rejetez !
Nous avons donc présenté une série de dispositions – les amendements nos 106, 108 et 109 –, qui présentent un certain nombre de déclinaisons.
L’amendement n° 106 vise à préciser que le pouvoir adjudicateur prend en compte les exigences environnementales.
M. Gérard César, rapporteur. Surtout pas !
M. Didier Guillaume. Est-ce possible ou non à l’échelon national ?
S’il n’est pas possible de modifier le code des marchés publics, d’intervenir sur les seuils, de prendre en compte les conditions environnementales, nous continuerons à faire tourner une machine à vide. Nous serons alors contraints de constater, monsieur le ministre, que vos discours n’étaient pas sincères – excusez-moi de le dire ainsi – et que vous n’avez pas réellement la volonté de permettre que les cantines scolaires s’approvisionnent sur le territoire. Car là est la pierre angulaire pour favoriser les circuits courts de distribution.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 106.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 108, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les conditions d'exécution d'un marché public peuvent prendre en compte l'impact environnemental des produits ou des services lié à leur transport.
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Quelles modifications apporter au code des marchés publics et aux procédures d’appels d’offres des collectivités locales pour faciliter l’approvisionnement par les circuits courts ? Nous ne cessons d’en parler les uns et les autres.
Lorsqu’un appel d’offre est lancé, les grandes sociétés nationales, voire internationales, l’emportent sur les petites entreprises départementales ou locales. Du point de vue qualitatif ou nutritionnel, nous n’avons rien à reprocher à ces grandes sociétés : elles ont tout à fait le droit de soumissionner au même titre que les autres.
Toutefois, si nous voulons défendre l’agriculture de nos territoires – les exploitants agricoles, les producteurs, les sociétés coopératives ouvrières de production, les SCOP –, il nous faut impérativement prévoir une clef supplémentaire permettant une approche différente des marchés publics. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que les dispositions actuelles ne suffisent pas.
Je pose donc la question, sans être sûr d’avoir une réponse : comment mettre un verrou supplémentaire pour que la volonté, les bonnes intentions qui sont affichées par le Gouvernement, par la commission de l'économie et par tous les sénateurs puissent se traduire dans les faits ?
M. le président. La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. À force d’entendre les mêmes arguments, il me revient qu’un maire de mon département a été condamné pour violation du code des marchés publics, après avoir favorisé très légèrement un artisan local ; il a finalement été dispensé de peine. Certes, il ne s’agit pas là d’agriculture, mais cet élu était animé par la même motivation : faire travailler les entreprises locales.
Si une solution est possible, il faudra bien la trouver. En tout cas, nous avons besoin d’explications plus détaillées, car le doute commence à s’installer.
M. le président. L'amendement n° 109, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les conditions d'exécution d'un marché public comportent une clause environnementale prenant en compte les émissions de gaz à effet de serre générées lors de l'exécution dudit marché, notamment par le transport des personnes et des marchandises nécessaires à sa réalisation.
La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Malheureusement, je constate que je n’ai pas obtenu de réponse à ma question.
Madame Goulet, nous ne moulinons pas à vide : nous avons formulé plusieurs propositions.
Notre objectif est de changer le code des marchés publics. Nous avions considéré qu’il n’était pas possible de le faire dans le cadre du présent débat. Le Gouvernement a présenté un amendement que nous avons voté à l’unanimité et a, à cette occasion, précisé qu’il allait modifier le code des marchés publics. Nous sommes ravis de cette avancée, mais il faut aller plus loin.
Il va de soi qu’il ne s’agit pas pour nous de permettre à un maire, à un président de conseil général ou à un président de conseil régional de décider d’acheter une C5 chez un concessionnaire de sa commune. Ce n’est pas ce que nous souhaitons. Mais, dans le cadre du titre Ier de ce projet de loi, qui vise à définir et à mettre en œuvre une politique publique de l’alimentation, nous entendons insister sur la spécificité de l’agriculture française et promouvoir les circuits courts de distribution non seulement pour favoriser la qualité des produits dans les cantines des établissements scolaires, mais également pour permettre le développement économique des agriculteurs, des SCOP, des entreprises.
Pourquoi ne serait-il pas possible d’aller un peu plus loin que l’amendement n° 651 du Gouvernement, dont l’objet précise qu’il faut prendre deux mesures, l’une législative et l’autre réglementaire ? La première, c’est la modification de l’article 48 du « Grenelle I », ce n’est pas rien car il concerne les intentions. Nous sommes favorables à cette modification.
La seconde mesure, c’est la modification de l'article 53 du code des marchés publics. Pourquoi ne serait-il pas possible de préciser – nous ne souhaitons pas un succès d’auteur – que doivent être pris en compte le montant des marchés publics ou le bilan carbone ? Il n’est plus question d’inclure le nombre de kilomètres parcourus, car nous avons bien compris que les contraintes communautaires l’empêchaient.
Il ne s’agit pas de prévoir une disposition permettant au représentant d’une collectivité de s’approvisionner dans sa rue, dans sa commune ou dans son département. Il s’agit de rendre possible une préférence susceptible de faire en sorte que les agriculteurs et les coopératives d’un territoire, lorsqu’ils sont organisés, puissent remporter des marchés publics de la restauration scolaire.
Je terminerai par un département qui m’est cher. La Drôme, dont je préside le conseil général, compte trente-six collèges : 20 % des produits qui y sont proposés sont issus de l’agriculture biologique ; nous sommes dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Toutes les cantines de ces établissements sont gérées en régie. Lorsque nous lançons des appels d’offres, nous sommes totalement coincés à cause du contrôle de légalité, de la DGCCRF et nous ne pouvons pas agir.
Pour certains départements, c’est plus simple, alors que, pour d’autres, c’est plus compliqué. Peut-être ne sommes-nous pas assez dégourdis, mais je constate que nous n’y parvenons pas. Il ne s’agit pas de faire du favoritisme, mais pourquoi ne pas prévoir dans la loi que, pour ce qui concerne l’approvisionnement des cantines scolaires, les grandes sociétés et les plus petites entreprises sont mises sur un pied d’égalité ?
C'est pour cette raison que Paul Raoult a proposé la participation des chambres d’agriculture, sans qu’il soit question d’être placé sous leur égide. Cela nous permettrait d’avancer, car l’adoption de l'amendement n° 651, s’il constitue un progrès, ne suffira pas.
Monsieur le président, je considère que j’ai défendu tous les amendements qui concernaient ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne veux pas que des ambiguïtés demeurent quant à la volonté du Gouvernement et que de mauvaises intentions lui soient prêtées.
Le code des marchés publics a été modifié par l'amendement n° 651, adopté à l’unanimité et je vous en remercie, mesdames, messieurs les sénateurs.
Cette modification fixe un cadre général qui permet aux collectivités locales de s’approvisionner chez un producteur ou un groupe de producteurs, ce qui favorise les circuits courts de distribution.
Encore une fois, je le répète, ce n’est pas la fin de l’histoire ! Nous sommes tout à fait conscients que d’autres modifications du code des marchés publics pourraient être nécessaires afin d’aller plus loin dans la réflexion et de répondre aux questions pertinentes que vous soulevez amendement après amendement.
Pour autant, nous ne pouvons le faire dans le cadre de ce projet de loi, car cela relève du domaine réglementaire.
M. Gérard César, rapporteur. Oui !
M. Bruno Le Maire, ministre. Par ailleurs, il faut se méfier des bonnes intentions et mener en amont un travail technique approfondi.
Je prends un exemple. Votre amendement n° 109 prévoit que « les conditions d'exécution d'un marché public comportent une clause environnementale prenant en compte les émissions de gaz à effet de serre… ». Si cet amendement était adopté en l’état, il pourrait, même si cela heurte un peu le bon sens, se retourner totalement contre les circuits courts de distribution.
En effet, une tonne de pommes importée du Chili par bateau présente un bien meilleur bilan carbone qu’une cagette de pommes qui aura parcouru cinquante kilomètres en camionnette, car celle-ci rejette davantage de CO2 dans l’atmosphère. Le bilan carbone par pomme sera meilleur avec les pommes venant du Chili.
C’est pourquoi un groupe de travail a été créé au ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Il examinera tous ces points, pour préciser les modalités de mise en place des circuits courts et pour répondre, par des modifications successives du code des marchés publics, à toutes les questions que vous avez soulevées, qui, je le répète, sont pertinentes, mais sont techniquement très complexes.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. J’en suis conscient, au travers de ces amendements, nous proposons des clefs permettant d’ouvrir plusieurs portes. Toutefois, dans les cantines scolaires de la Drôme, je préfère que soient proposées des pommes de ce département, plutôt que des pommes venant du Chili, même si ces dernières sont moins chères. Tel est notre objectif !
M. Gérard César, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. Didier Guillaume. Certes, un bateau rejette moins de CO2 qu’une camionnette. Il n’en reste pas moins que, une fois au port, les pommes devront être transportées en camion.
Il faut trouver des clefs afin que nous puissions nous approvisionner en produits français dans la restauration collective en France. Tant pis si cela coûte un peu plus cher. Certes, des contraintes communautaires existent, je les connais. Il ne s’agit pas pour nous de faire n’importe quoi et d’être des boutefeux.
Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir présenté l'amendement n° 651, car il ouvre une porte. Il me semble toutefois que, si nous n’allons pas plus loin, nous aurons du mal à favoriser les circuits courts dans les appels d’offres, car nous serons contraints de retenir les produits étrangers, qui seront moins chers que les produits français.
Nous aurons sans doute l’occasion de revenir sur cette question.
M. le président. Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 109.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 110, présenté par M. Guillaume, Mme Herviaux, M. Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le respect des principes généraux de la commande publique, le pouvoir adjudicateur peut prendre en compte l'impact environnemental de l'exécution du marché lors de l'achat public.
Cet amendement a déjà été défendu.
La commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.
Je mets aux voix l'amendement n° 110.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 240, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deux dernières phrases du premier alinéa de l'article L. 531-2-1 du code de l'environnement sont supprimées.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise à empêcher que le respect de l’agriculture traditionnelle, déterminé par le code de l’environnement, ne perde tout son sens par une définition inadéquate des OGM. Il s’agit donc de supprimer la référence à la définition européenne, qui a assoupli les critères des produits issus de l’agriculture biologique en autorisant jusqu’à 0,9 gramme d’OGM par kilogramme, sans imposer que ce soit indiqué. Où est le respect des principes, si on corrompt la définition ? En procédant ainsi, ce sont les agriculteurs et les Français que l’on trompe ! La santé publique et la biodiversité sont trop importantes pour que leur sort soit laissé aux mains de technocrates européens. Le Gouvernement doit prendre la mesure de ses ambitions et garder le contrôle de la définition des OGM, sans admettre les assouplissements communautaires.
Dans le cas contraire, comment satisfaire cette ambition, qui reprend l’esprit de l’amendement déposé par le député André Chassaigne, afin que les cultures d’OGM soient écartées de territoires entiers, telles les régions couvertes par le label AOC, les zones de montagne ou littorales protégées et les filières de qualité estampillées « agriculture biologique » ou « label rouge » ?
Dans le cas contraire, comment éviter les risques pour la biodiversité, les dangers de la pollution génétique et assurer le respect du principe de précaution ?
Dans le cas contraire, comment protéger les petits producteurs, comme le Gouvernement affirme vouloir le faire ?
Autoriser la culture d’OGM en plein champ, c’est condamner une agriculture vivrière de qualité, c’est mettre à mort les petits producteurs et empêcher toute transition vers une agriculture paysanne de qualité.
La France doit garder le contrôle des définitions de ce qui pourrait affecter la sécurité alimentaire et la biodiversité non seulement aujourd’hui, mais aussi demain. Pensons dès à présent nos choix de société intelligemment, par respect pour nos enfants.
J’illustrerai ma position par un exemple. J’ai rencontré un agriculteur de ma commune qui cherchait à se convertir à l’agriculture biologique. Il vient d’apprendre que sa parcelle, qui est très étroite et située entre deux parcelles conventionnelles, ne pourra devenir biologique, car les pulvérisations des champs voisins l’empêchent. Il s’agit là d’une atteinte terrible à la liberté de chacun sur ses propres terres. Il en est de même pour les OGM.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Dans ce projet de loi, il n’y a pas lieu de remettre en cause les critères permettant de définir le « sans OGM » qui ont été déterminés dans la loi de 2008, conformément à la réglementation communautaire.
Par conséquent, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour être très clair avec vous, je crois que l’on ouvre ici un débat qui dépasse, et de loin, le cadre du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche…
La question est extraordinairement complexe, entre le seuil de sensibilité, défini à l’échelle nationale avec avis du Haut conseil des biotechnologies, et le seuil de commercialisation qui, défini à l’échelle européenne, diffère du précédent.
Il s’agit de questions très difficiles et très techniques qu’il vaut mieux ne pas aborder à l’occasion de la présente discussion.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. L'amendement n° 432, présenté par M. Bourquin, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Conseil national de l'alimentation est consulté sur la possibilité de délivrer un label qualité aux établissements de restauration privilégiant l'approvisionnement local et la transformation sur place des matières premières agricoles.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Les restaurants ont malheureusement de plus en plus tendance, par souci de rentabilité économique immédiate, à préférer la décongélation des aliments à leur transformation sur place.
Vous seriez sans doute surpris de découvrir à quel point cette pratique gagne du terrain, comme le rappelait notre collègue Martial Bourquin, y compris dans des maisons dites « haut de gamme ».
Il nous paraît donc indispensable d’effectuer une vraie distinction entre les professionnels de la restauration dont le métier consiste pour l’essentiel à décongeler et à réchauffer les plats, et celles et ceux qui ont à cœur de s’approvisionner localement, et de transformer véritablement les plats dans leurs cuisines.
Or, aujourd’hui, des restaurateurs présentent leurs plats aux consommateurs sous des appellations trompeuses, telles que « comme à la maison », ou encore « cuisine du terroir », appellations qui ne sont pas réglementées par les pouvoirs publics. Le consommateur a pourtant le droit de savoir exactement ce qu’il a dans son assiette, tout comme ce qui se passe dans les cuisines. Il s’agit d’un élément essentiel de la traçabilité alimentaire.
M. Gérard César, rapporteur. Pour cela, il y a les étoiles !
M. Roland Courteau. Nous proposons donc, par cet amendement, que le Conseil national de l’alimentation puisse récompenser les bonnes pratiques, je veux parler des pratiques d’excellence alliant l’intérêt des consommateurs et des producteurs tout en garantissant une parfaite neutralité.
Nous proposons que le CNA puisse délivrer un label qualité aux restaurateurs ayant fait le choix de transformer sur place des produits.
Je crois sincèrement que, par ce type d’initiatives concrètes, le Conseil national de l’alimentation fera par ailleurs la démonstration qu’il n’est pas une instance consultative de plus, animée par des experts, mais qu’il peut être directement utile, aux consommateurs comme aux producteurs locaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Je vois que M. Courteau est un fin gastronome (Sourires) : je vais lui décerner ce soir trois ou quatre étoiles pour la qualité de ses produits ! (Nouveaux sourires.)
Plus sérieusement, cet amendement n’apporte rien au droit existant,…
M. Roland Courteau. Trois étoiles, et puis, pan ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard César, rapporteur. … car le Conseil national de l’alimentation peut être consulté sur toutes les questions relatives à l’alimentation, y compris la création d’un label qualité.
Sans vouloir faire de publicité, nous savons tous que des guides célèbres, Michelin, Gault & Millau, et d’autres organismes, décernent des labels qualité ou des étoiles. D’ailleurs, vous en conviendrez, c’est souvent au consommateur qu’il revient d’apprécier la qualité. Si les restaurants ne sont pas bons, les consommateurs n’y vont plus !
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Après les OGM, monsieur le président, nous ouvrons ici un autre débat, cette fois sur la qualité des restaurants, le Gault & Millau et les étoiles. Cela peut nous emmener très loin…
Je suis donc moi aussi défavorable à cet amendement, pour les raisons qu’a indiquées M. le rapporteur.
En revanche, je m’engage à saisir le Conseil national de l’alimentation du problème tout à fait réel que vous avez soulevé, monsieur Courteau.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Qu’il s’agisse des OGM ou des restaurants, ce débat est extrêmement intéressant, mais assez décousu.
C’est que, monsieur le ministre, en consacrant à l’alimentation le titre Ier de ce texte sur l’agriculture, en établissant donc ce lien essentiel entre alimentation et agriculture, vous avez ouvert la boîte de Pandore, de sorte que chacun a légitimement envie de s’exprimer ce soir sur tous les sujets liés à la sécurité alimentaire, cantines, approvisionnement, OGM, alimentation animale pour ne citer que ceux-là. Ce faisant, nous livrons au débat des éléments, certes, extrêmement intéressants, mais qui nous éloignent de plus en plus du lien entre agriculture et alimentation, pour nous rapprocher progressivement de la sécurité alimentaire.
Le fait d’avoir introduit le thème de l’alimentation – vous auriez d’ailleurs très bien pu ouvrir un pan de plus en évoquant aussi la santé – donne lieu à ce débat quelque peu curieux où vous êtes contraint – c’est du moins votre parti pris – de refuser des amendements qui ont toute leur légitimité et tout leur bien-fondé au motif qu’ils sont, en quelque sorte, trop extérieurs au texte. C’est tout de même dommage !
Après tout, monsieur le ministre, il serait nécessaire d’avoir un débat portant uniquement sur les questions de sécurité alimentaire, où l’on pourrait soumettre de nouveau l’ensemble de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Compte tenu de l’engagement qu’a pris M. le ministre de saisir le Conseil national de l’alimentation, nous allons retirer cet amendement.
À titre personnel, cependant, je regrette que mon amendement m’ait fait perdre mes trois étoiles ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 432 est retiré.
L'amendement n° 526 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Tropeano et Plancade, Mme Laborde et MM. de Montesquiou, Mézard, Milhau, Vall, Baylet, Alfonsi et Marsin, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 278 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par les mots : « à l'exception des sodas et boissons rafraichissantes sucrées »
2° Après le c) du 2°, il est inséré quatre alinéas ainsi rédigés :
c bis) « Des crèmes glacées et sorbets ;
c ter) « Des biscuits emballés ;
c quater) « Des chips, frites et produits similaires emballés ;
c quinquies) « Des fruits à coque salés ou grillés hors de leur coquille ;
La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai conjointement l’amendement n° 525 rectifié.
M. le président. Je suis en effet saisi de l'amendement n° 525 rectifié, présenté par MM. Collin, Tropeano, Plancade et de Montesquiou, Mme Laborde et MM. Baylet, Mézard, Milhau, Vall, Alfonsi et Marsin.
Cet amendement est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le b) du 2° de l'article 278 bis du code général des impôts, il est insérer un b bis ainsi rédigé :
b bis) Des produits « de grignotage » ou de « snacking » dont la liste est fixée par décret après avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Daniel Marsin. Toutes les études s’accordent sur la qualité nutritionnelle des fruits et légumes. Il convient donc de faciliter l’accès à ces produits, d’autant que cette filière agricole connaît depuis plusieurs années des difficultés économiques sérieuses, comme nous l’avons largement évoqué ce soir.
L’extension de l’utilisation du titre-restaurant auprès des détaillants en fruits et légumes, adoptée dans le cadre de la discussion de la loi dite « HPST », constitue à n’en pas douter un pas intéressant. Cependant, il faut adopter une mesure plus large. Une action sur les prix aurait à l’évidence un effet important sur l’accès à ces produits.
Il est proposé, par ces amendements, d’utiliser la fiscalité indirecte existante, plus précisément la TVA, pour peser sur les prix.
À ce jour, les produits alimentaires sont assujettis dans leur quasi-totalité au même taux réduit de TVA, à 5,5 %. Il en résulte notamment que les fruits et légumes sont soumis au même régime fiscal que les pâtes à tartiner ou les produits de grignotage et de « snacking ».
Certes, la réglementation communautaire n’autorise pas la réduction de la TVA sur les fruits et légumes. Dans l’attente d’une action du Gouvernement en ce sens, les amendements prévoient d’appliquer le taux de TVA à 19,6 % aux produits de grignotage dont la teneur en gras, en sucre et en sel est élevée.
Mme Nathalie Goulet. Et voilà !
M. Daniel Marsin. Dans l’amendement n° 525 rectifié, on renvoie à un décret le soin d’établir la liste des produits concernés après avis de l’AFSSA. Dans l’amendement n° 526 rectifié, les produits sont cités.
Les sommes ainsi dégagées pourraient être utilisées pour mener des actions en faveur des publics prioritaires ou de la consommation de fruits et légumes.
Je voudrais terminer en rappelant que la modulation de la fiscalité des aliments en fonction de leur qualité nutritionnelle a été préconisée par un rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales en 2008.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Gérard César, rapporteur. Par ces amendements tendant à appliquer le taux normal de TVA – 19,6 % au lieu de 5,5 % actuellement – aux crèmes glacées, aux biscuits et, entre autres, aux chips, M. Marsin et ses collègues cherchent à pénaliser la consommation de produits de grignotage, qui aggrave le fléau de l’obésité.
Bien évidemment, l’intention est excellente, mais, et j’en suis désolé pour nos collègues, les auditions auxquelles nous avons procédé sur tout ce qui concerne l’agroalimentaire ne me permettent pas de trancher sur ce point.
Je vous demande donc, cher collègue, de retirer ces amendements ; sinon, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Tout en saluant à mon tour l’intention du sénateur Marsin, je souhaiterais simplement rappeler que d’autres pays, notamment le Canada et les États-Unis, se sont lancés dans l’expérimentation et ont créé une surtaxe sur les sodas. Il suffit de se rendre aux États-Unis pour s’apercevoir que les politiques de ce genre ne sont malheureusement pas très efficaces…
Par ailleurs, la mesure serait socialement inéquitable, puisqu’elle reviendrait à surtaxer les produits dont les catégories les plus défavorisées sont les plus consommatrices.
Je préfère donc une politique incitative, sur les fruits et légumes ou sur les circuits courts, à une politique répressive, qui se ferait au détriment des catégories sociales défavorisées.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Monsieur Marsin, les amendements n° 526 rectifié et 525 rectifié sont-ils retirés ?
M. Daniel Marsin. Non, monsieur le président, je les maintiens.
M. le président. L'amendement n° 594, présenté par MM. Muller et Godefroy, Mme Didier, M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La publicité pour les produits alimentaires est interdite dans les programmes de télévision destinés aux enfants de moins de treize ans.
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Lors de la discussion de l’article 1er, nous nous sommes accordés pour constater une dérive extrêmement préoccupante des modèles et pratiques alimentaires, entraînant des conséquences en termes de santé publique.
Notre collègue François Fortassin avait rappelé, avec la faconde qu’on lui connaît, que le goût s’éduque et se construit dès le plus jeune âge. Aujourd’hui, je dois dire que la partie est loin d’être gagnée, comme en témoigne la manière dont le modèle alimentaire étatsunien s’étend sur la planète, avec la vitesse que l’on sait, en passant notamment par la jeunesse.
Aujourd’hui, en effet, les enfants sont une cible particulièrement exposée à la publicité alimentaire, et ce pour trois raisons.
Premièrement, il n’y a pas, chez les enfants, de différence entre l’information et la publicité : ce qui est vu est vrai. Donc, les modèles alimentaires diffusés par les personnages mis en scène se propagent de manière très directe.
Deuxièmement, les enfants sont extrêmement malléables. Ils ne sont pas capables de recul. Je rappellerai ici que tous les êtres humains – y compris nous-mêmes – subissent le phénomène dit du « désir mimétique » que l’anthropologue René Girard a parfaitement décrit et qui nous conduit à nous identifier inconsciemment à des personnes. Chez les enfants, il joue à plein, et les publicitaires ont bien étudié René Girard !
En conséquence, les enfants s’identifient aux héros de la publicité, aux héros des films ou des dessins animés, et les messages, y compris subliminaux, atteignent leur cible. Dans ces conditions, quel peut être le poids de ces messages officiels diffusés à la télévision où l’on conseille de ne pas manger trop sucré, de ne pas manger trop salé,…
Mme Nathalie Goulet. Et de bouger !
M. Jacques Muller. … alors que les héros des films ou des bandes dessinées véhiculent des modèles alimentaires exactement contraires ?
Troisièmement, les enfants sont des prescripteurs, et cela, les publicitaires l’ont très bien compris aussi. Autrement dit, pour vendre, il faut cibler les enfants, car atteindre les enfants, c’est aussi atteindre les familles.
Cet amendement important vise à interdire la publicité alimentaire dans les émissions de télévision spécifiquement réservées aux enfants.
L’éducation sur ce sujet doit intervenir à la base. Nous sommes confrontés à un problème majeur. La disposition proposée me semble très pratique, très concrète. Il serait bon de l’inscrire dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. M. Muller a raison de la souligner, la publicité a un impact non négligeable sur les adultes, et plus encore sur les enfants.
Les secteurs pour lesquels la publicité à la télévision est interdite sont peu nombreux : les armes à feu, les médicaments prescrits uniquement sur ordonnance, le tabac et les boissons alcoolisées, notamment. Toutes ces interdictions, à quelques exceptions près, s’expliquent par des raisons de santé publique.
Quant aux mineurs, la publicité télévisée doit « ne pas leur porter préjudice ».
L’amendement pose la question de la bonne stratégie à adopter vis-à-vis de la publicité télévisée : faut-il interdire ou encadrer ? C’est une question que nous pouvons tous nous poser.
L’encadrement de la publicité pour les produits alimentaires par les messages du programme national nutrition santé - « Pratiquez une activité physique régulière », « Évitez de manger trop gras, trop salé, trop sucré » -, paraît avoir des vertus pédagogiques. Or ces messages ne pourraient être diffusés si l’on interdisait totalement la publicité pour les produits alimentaires à destination des moins de treize ans.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Muller, pour prolonger l’argumentation du rapporteur, je remarque, vous qui citiez les travaux sur le désir triangulaire et mimétique, que votre amendement semble presque s’inspirer de la thèse développée par Michel Foucault dans son ouvrage Surveiller et punir. Mais surveiller et punir, ce n’est pas toujours la meilleure solution, notamment en matière d’alimentation.
Les travaux engagés au sein du CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui visent à encadrer, dans les messages publicitaires, les incitations à la consommation de produits trop gras ou trop sucrés, restent, selon nous la meilleure voie. Ils pourraient être renforcés. Nous préférons en tout cas nous en tenir à ce type de dispositif plutôt que d’inscrire une interdiction absolue dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Nous avons eu l’année dernière et l’année précédente, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, une très longue discussion, qui a été complétée par la question posée par Gérard Dériot sur l’obésité.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin nous avait alors démontré que ces messages avaient porté, que les résultats étaient plutôt satisfaisants, même si des progrès restaient encore à faire compte tenu du taux d’obésité chez les enfants, un taux cependant lié plus au mode de vie, c’est-à-dire au manque d’exercice, qu’au problème de la télévision stricto sensu.
M. Gérard César, rapporteur. Voilà ! Ils sont « collés » devant leur poste de télévision !
Mme Nathalie Goulet. L’obésité reste donc un problème à part entière, qui, compte tenu des difficultés majeures qu’il induit, on le voit ici relativement à l’alimentation, reviendra nécessairement en discussion au sein de notre assemblée. Il n’est donc pas inutile d’en faire simplement mention ici, sans pour autant inscrire de disposition sur ce sujet dans la loi.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Le sujet me paraît tout de même extraordinairement grave, et les réponses qui m’ont été faites ne m’ont pas convaincu.
Je constate d’abord que certains pays d’Europe ont prescrit une telle interdiction, et des pays tout à fait raisonnables, comme l’Espagne ou la Suède ; les Québécois l’ont également imposée. Ils estiment donc que, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, les enfants sont des cibles incapables de se défendre.
Je me référerai à l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, que tout le monde est censé avoir lue : « Dans les pays les plus avancés, les budgets consacrés par les États aux programmes de prévention et d'éducation nutritionnelle sont souvent faibles comparés à ceux que l'industrie agroalimentaire consacre à sa publicité. Aux États-Unis, 4 milliards de dollars sont dépensés chaque année pour la publicité en faveur de la restauration rapide, des sodas, des snacks, des sucreries et des céréales du petit-déjeuner, contre 333 millions de dollars pour l'éducation nutritionnelle. Dans ce pays, on estime que les enfants de 11 et 12 ans sont exposés à 11 000 messages publicitaires alimentaires par an. » On ajoute : « En France, ils passent 13 heures par semaine devant la télévision et 70 % des publicités sont ciblés sur les produits gras et sucrés. »
Face à la force de frappe des firmes aujourd’hui, la rhétorique « surveiller et punir » ne me convainc pas, monsieur le ministre. Il convient tout simplement de protéger nos enfants contre ce type d’agression.
Je maintiens donc mon amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. J’avoue être également gêné par une interdiction totale laissant supposer qu’aucun produit alimentaire ne mériterait de publicité. Or les compotes de fruits ou les yaourts auraient, par exemple, toute leur place dans des programmes publicitaires télévisés.
Si notre collègue avait indiqué que « la publicité pour les produits alimentaires est encadrée dans les programmes de télévision destinés aux enfants de moins de treize ans », nous aurions eu une plus grande marge d’action, et le vote de cet amendement aurait été sans doute plus envisageable. Une telle rédaction aurait d’ailleurs répondu aux objections tant du rapporteur que du ministre, lesquels auraient dû de ce fait trouver une autre argumentation pour s’opposer à l’amendement.
Le terme « interdite » nous semble en effet un peu catégorique.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 594.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
La section 2 du chapitre V du titre Ier du livre Ier du code de la consommation est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4 :
« Les autres signes d’identification de l’origine
« Art. L. 115-24-1. – Sans préjudice des dispositions spécifiques relatives au mode d’indication de l’origine des denrées alimentaires, l’indication du pays d’origine peut être rendue obligatoire pour les produits agricoles, alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformé.
« La liste des produits concernés et les modalités d’application de l’indication de l’origine mentionnée au premier alinéa sont fixées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 527 rectifié, présenté par M. Fortassin, Mme Escoffier, MM. Collin et Tropeano, Mme Laborde et MM. Chevènement, Plancade, Mézard, Milhau, Baylet, Vall, Alfonsi et Marsin, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le premier alinéa de l'article L 113-3 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les produits agricoles, alimentaires et les produits de la mer, le marquage, l'étiquetage ou l'affichage doit porter l'indication du pays d'origine, la date d'abattage ou de récolte ainsi que le prix payé au producteur lorsque le produit est proposé à la vente à l'état brut et l'indication du pays d'origine des matières premières mises en œuvre à plus de 50 % dans le produit fini et du pays de fabrication lorsque le produit est transformé. »
La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Bien entendu, chacun se félicite de l’orientation prise à l’article 1er en faveur d’une politique de l’alimentation, nouveau fondement de la légitimité d’une intervention publique dans le domaine de l’agriculture.
Cette politique vise à assurer à chacun l’accès à une alimentation sûre, diversifiée et de bonne qualité nutritionnelle. Cet objectif passe évidemment par la connaissance des produits consommés. Aussi, la commission a ajouté un article 1er bis, qui fournit une base juridique pour imposer l’étiquetage obligatoire de l’origine des produits alimentaires bruts ou transformés.
Il semble cependant que cette obligation s’applique aux seuls produits agricoles alimentaires et produits de la mer bénéficiant d’un signe de qualité ou d’origine autre que l’appellation d’origine contrôlée, l’AOC. La liste des produits concernés doit être fixée par décret en Conseil d’État.
L'amendement prévoit donc de donner une portée plus large à cette obligation. Ainsi, pour tous les produits alimentaires, l'étiquetage devrait mentionner le pays d'origine, la date d'abattage ou de récolte ainsi que le prix payé au producteur du produit vendu à l'état brut et le pays d'origine des matières premières et de fabrication du produit vendu transformé.
Vous pourrez sans doute rétorquer que c’est prévu à l’article 7. Toutefois, on peut objecter que les interprofessions peuvent, et « peuvent » simplement, imposer à leurs membres l’étiquetage de l’indication du produit d’origine. Il ne s’agit donc là que d’une faculté. Notre amendement a une portée plus contraignante.
M. le président. L'amendement n° 242, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
du pays d'origine
insérer les mots :
et la présence d'organismes génétiquement modifiés
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai conjointement les amendements nos 242 et 241, qui ont tous les deux trait à l’information du consommateur, à l’étiquetage, notamment en matière d’OGM.
M. le président. Je suis en effet saisi de l'amendement n° 241, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, qui est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4
Remplacer les mots :
peut être
par le mot :
est
II. - En conséquence, alinéa 5
Supprimer les mots :
La liste des produits concernés et
Veuillez poursuivre, monsieur Le Cam.
M. Gérard Le Cam. J’ai cru comprendre que ces amendements n’étaient pas les bienvenus dans ce texte. Pour autant, la question est importante, et nous avons eu l’occasion d’en débattre dans cet hémicycle à d’autres occasions.
Nous devons rester vigilants : ce que l’on a chassé par la porte peut rentrer par la fenêtre ; je pense ici à la pomme de terre Amflora.
Nous sommes donc constamment menacés par l’introduction sur le marché d’OGM, ou plus précisément de PGM.
Ce débat reste actuel. Je n’insisterai pas davantage, sinon pour en appeler à la vigilance de tous.
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
peut être rendue
par les mots :
doit être rendue
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements restant en discussion ?
M. Gérard César, rapporteur. L’article 1er bis a été introduit par la commission afin de permettre un étiquetage de l’origine des produits alimentaires à l’état brut ou transformés. Le dispositif retenu est souple, et, parlant sous le contrôle de M. le ministre, j’ai la prétention de le trouver intelligent, parce qu’il est applicable.
Votre amendement, monsieur Marsin, prévoit en outre un étiquetage, à côté du prix de vente du produit, du prix payé au producteur. Je comprends l’intention, mais cela n’est, hélas, pas applicable.
Je m’appuierai sur un seul exemple : pour la viande, les morceaux du quart arrière et du quart avant ne peuvent être valorisés de la même manière.
Il me semble par conséquent très difficile de mettre en place un tel système.
Je vous invite donc à retirer l’amendement n° 527 rectifié. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
L’avis de la commission est également défavorable sur les amendements nos°242 et 241.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Sur ces questions d’étiquetage, pour tout vous dire, je ne suis pas certain d’être bien en accord avec les règles de la concurrence européenne ; vous avez compris qu’elles ne me convainquent que rarement…
Les règles de concurrence européennes interdisent strictement à un État d’imposer une obligation d’étiquetage. À l’article 1er bis, dans sa grande sagesse, la commission est allée aussi loin qu’elle le pouvait en précisant que l’indication d’origine « peut être » rendue obligatoire. Si elle avait retenu les termes « doit être » rendue obligatoire, elle aurait enfreint le droit de la concurrence européen, qui considère que l’obligation d’étiquetage par un État revient à établir une entrave aux libertés concurrentielles.
Par ailleurs, l’article 7, alinéa 35, donne aux interprofessions la possibilité d’imposer à leurs membres l’étiquetage de l’indication du pays d’origine. Alors que l’État ne peut imposer un étiquetage, il peut en revanche ouvrir la possibilité à une interprofession d’imposer elle-même l’étiquetage. Ce que l’État n’a pas le droit de faire, l’interprofession, elle, le peut !
Avec ces dispositions, nous allons aussi loin qu’il est possible d’aller dans le cadre du droit de la concurrence européen.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 527 rectifié, 242 et 241.
M. le président. Monsieur Marsin, l’amendement n° 527 rectifié est-il maintenu ?
M. Daniel Marsin. Compte tenu des arguments de M. le rapporteur et des explications de M. le ministre, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 527 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 242.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis.
M. Gérard Le Cam. Le groupe CRC-SPG s’abstient !
M. Thierry Repentin. Le groupe socialiste également !
(L'article 1er bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er bis
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 114 rectifié, présenté par M. Repentin, Mmes Bourzai et Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement s’attache à promouvoir auprès de l’Union européenne la reconnaissance de la dénomination montagne comme indication géographique protégée. À cet effet, il propose toute action ou initiative pouvant concourir à cet objectif et y associe, le cas échéant, les organisations professionnelles représentatives des producteurs agricoles de montagne et celles veillant au respect de la réglementation en matière de signes de qualité.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Paul Raoult. Voilà la montagne !
M. Thierry Repentin. Effectivement, cher Paul Raoult !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture de montagne, de type familial, de petite et de moyenne taille, est soumise à une pression concurrentielle de plus en plus difficile à supporter.
Les activités économiques en zone de montagne sont, de manière générale, rendues très fragiles en raison des handicaps permanents liés au relief, à l’isolement, au climat.
Mais, aujourd’hui, la menace d’abandon de l’activité agricole dans certains massifs devient plus que sérieuse. Et je n’ai pas encore évoqué, en cet instant, la présence du prédateur ; j’y reviendrai plus tard ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
L’activité agricole – et je parle sous le contrôle des représentants de plusieurs massifs de France – est vraiment indispensable au maintien de la biodiversité, à l’entretien des espaces ruraux et des paysages, au maintien des traditions locales, de la culture, du patrimoine collectif propre à chacun de ces territoires, voire à la préservation du tourisme en toute saison, qui dépend de l’activité agricole saisonnière.
Par conséquent, monsieur le ministre, nous estimons que l’agriculture de montagne a besoin d’une reconnaissance spécifique.
En 2002, le Conseil de l’Europe a proposé la création d’un label de qualité pour les produits alimentaires issus de l’agriculture de montagne. Finalement, en 2004, ce sont les acteurs socioéconomiques européens de la montagne qui ont décidé de signer ensemble une charte européenne des produits agroalimentaires de montagne de qualité. C’est un dossier que connaît bien notre amie Bernadette Bourzai.
En France comme en Italie, un certain nombre d’initiatives ont permis l’utilisation du terme « montagne » pour qualifier les produits agricoles et alimentaires. Il est à noter que les consommateurs sont, à juste titre d’ailleurs, sensibles à la mention de l’origine.
À nos yeux, il faut désormais aller plus loin au niveau européen et promouvoir enfin une reconnaissance de la dénomination « montagne » comme indication géographique protégée, puisque les produits de montagne tirent véritablement leur spécificité de cette origine.
Tel est l’objet de notre amendement, et nous espérons, monsieur le ministre, que l’État français portera cette revendication lors des négociations européennes.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 206 rectifié bis est présenté par MM. J. Blanc, Jarlier, Bernard-Reymond, B. Fournier, Juilhard, Alduy, Hérisson et Gouteyron.
L’amendement n° 330 rectifié est présenté par Mme David, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 529 rectifié est présenté par M. Fortassin, Mme Escoffier, MM. Collin, Tropeano, Vall, Milhau, Mézard, Chevènement et de Montesquiou, Mme Laborde et MM. Plancade, Baylet, Alfonsi et Marsin.
Ces amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement s’attache à promouvoir auprès de l’Union européenne la reconnaissance de la dénomination montagne comme un signe officiel d’origine et de qualité de niveau européen. À cet effet, il propose toute action ou initiative pouvant concourir à cet objectif et y associe, le cas échéant, les organisations professionnelles représentatives des producteurs agricoles de montagne et celles veillant au respect de la réglementation en matière de signes de qualité.
L’amendement n° 206 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l’amendement n° 330 rectifié.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement devait être défendu par ma collègue Annie David, mais il me tient aussi à cœur, étant Auvergnate et originaire d’une zone de montagne.
Cela vient d’être dit, il s’agit de mettre en œuvre la reconnaissance d’une dénomination « montagne » spécifique, mais au niveau de l’Union européenne, avant, peut-être, de l’obtenir un jour au niveau mondial : il y a des montagnes sur tous les continents et les enjeux liés à la spécificité de ces territoires ignorent tout clivage. À cet égard, permettez-moi de vous rappelez l’existence de l’Association européenne des élus de montagne et de l’Association des populations des montagnes du monde.
Cette reconnaissance à l’échelle européenne passe notamment par la promotion des produits fabriqués en montagne. Aussi, le label « Indication géographique protégée », garant de la qualité du produit, est un outil parfaitement adapté pour promouvoir ces produits au niveau européen. Il importe de plaider la cause d’une IGP « montagne » auprès de l’Union européenne, car celle-ci permettrait de protéger la véritable origine de ces produits dans toute l’Europe.
L’objet de cet amendement est d’ailleurs en parfaite cohérence avec l’article 179 de la loi relative au développement des territoires ruraux, qui précise : « Le Gouvernement s’attache à promouvoir auprès de l’Union européenne et des instances internationales compétentes la reconnaissance du développement durable de la montagne comme un enjeu majeur. À cet effet, il peut proposer toute action ou initiative pouvant concourir à cet objectif et y associe, le cas échéant, les organisations représentatives des populations de montagne. »
On ne peut qu’approuver le principe général énoncé dans cet article, et l’amendement tend à préciser et à compléter, en partie, l’engagement de la République.
Lors du débat en commission, le rapporteur a proposé, pour répondre à cette exigence, une résolution européenne. Notre proposition n’est en rien contradictoire ; au contraire, elle donnera plus de poids à la résolution, qui, vous le savez, n’a pas de valeur contraignante, mais marque simplement l’expression d’une volonté.
Aussi, le fait d’inscrire dans la loi l’engagement du Gouvernement à promouvoir auprès de l’Union européenne la reconnaissance de la dénomination « montagne » comme un signe officiel d’origine et de qualité de niveau européen serait un premier pas.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin, pour présenter l’amendement n° 529 rectifié.
M. Daniel Marsin. Si François Fortassin, élu de montagne, avait été parmi nous ce soir, il aurait défendu cet amendement avec toute l’inspiration qu’on lui connaît ! En son absence, je me contenterai de me ranger aux explications qui viennent d’être données par notre collègue du groupe CRC-SPG, puisque son amendement est identique au nôtre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements restant en discussion ?
M. Gérard César, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement 114 rectifié, ainsi que sur les amendements identiques nos 330 rectifié et 529 rectifié, qui traitent tous du même sujet.
Cela me rappelle les débats que nous avons eus dans le cadre de la discussion de la loi d’orientation agricole et de la loi relative au développement des territoires ruraux, adoptée en 2005 et dont le président Emorine était l’un des rapporteurs. Nous avions alors discuté pendant très longtemps de l’appellation « montagne » et du concours qu’elle pouvait apporter au niveau national.
Mme Schurch l’a rappelé fort opportunément, une telle dénomination n’est pas reconnue au niveau communautaire ; seuls les AOC, IGP et STG sont, elles, reconnues.
Le problème des mentions valorisantes tient à leur nombre, trop grand, ce qui les rend peu lisibles pour le consommateur. Il n’est donc pas certain que l’ajout d’un nouveau label puisse résoudre le problème.
Aujourd’hui, il est impossible pour le consommateur de s’y retrouver. C’est la raison pour laquelle le président Emorine a proposé que soit un jour remis sur la table le dossier des IGP, AOP, AOC, STG, and so on, comme disent les Espagnols. (Sourires.)
L’engagement demandé au Gouvernement concernant la dénomination « montagne » trouverait toute sa place dans une proposition de résolution européenne, mais pas vraiment dans la loi, car cela constituerait alors une injonction.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Quel que soit l’attachement que l’on peut avoir par ailleurs pour la montagne, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les trois amendements, et ce pour trois raisons.
Premièrement, les IGP répondent à un certain nombre de critères précis, ciblent des espaces géographiques beaucoup plus délimités que le terme « montagne » et des produits bien déterminés, tels que le sel de Guérande, les fraises du Périgord, le foie gras du Sud-Ouest ou le jambon de Bayonne. L’appellation « montagne », si elle était adoptée, serait, elle, beaucoup plus générale.
Deuxièmement, la montagne est une mention valorisante au titre du code rural, et nous sommes prêts à proposer à l’Union européenne de l’étendre au niveau communautaire. Cela ne pose pas de difficultés.
Troisièmement, l’enfer étant toujours pavé de bonnes intentions, mieux vaut, à mon sens, y réfléchir à deux fois avant de porter un tel dossier.
M. Gérard César, rapporteur. Ah oui !
M. Bruno Le Maire, ministre. J’ai peur en effet qu’une mention aussi globalisante ne soit finalement pas tellement valorisante pour le produit concerné. La force des AOC ou des IGP, c’est qu’elles correspondent à des produits très précis et clairement identifiés par les consommateurs.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 330 rectifié et 529 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 1er ter (nouveau)
Après la section 2 du chapitre III du titre III du livre II du code rural, il est inséré une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Dispositions relatives à la formation
« Art. L. 233-4. – Le fonctionnement des établissements de production, de transformation, de préparation, de vente et de distribution de produits alimentaires peut être subordonné à la présence d’une personne pouvant justifier d’une formation spécifique en matière d’hygiène alimentaire adaptée à l’activité de l’établissement concerné.
« Sans préjudice des dispositions prévues à l’article L. 233-1, les personnes pouvant justifier d’une expérience professionnelle d’au moins trois ans au sein d’une entreprise du secteur alimentaire comme gestionnaire ou exploitant sont réputées avoir satisfait à l’obligation de formation mentionnée au premier alinéa.
« Un décret précise la liste des établissements concernés par l’obligation mentionnée au premier alinéa et précise les conditions auxquelles doivent répondre les organismes délivrant cette formation.
« Le contenu et la durée de la formation mentionnée au premier alinéa sont définis par arrêté du ministre chargé de l’alimentation. »
M. le président. L’amendement n° 38, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 400, présenté par M. Lecerf et Mme Descamps, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
ou d’une formation adaptée au sein des établissements d’enseignement agricole
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 111, présenté par M. Fauconnier, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
après validation des acquis de l’expérience
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Avec l’article 1er ter, nous abordons la question de la formation des personnes qui seront chargées d’appliquer les règles d’hygiène alimentaire dans les établissements concernés.
Nous proposons que l’obligation de formation ne s’applique pas aux personnes pouvant justifier d’une certaine expérience, sous réserve qu’elles aient procédé auparavant à la validation des acquis de leur expérience.
L’article 1er ter permet de subordonner le fonctionnement des établissements de production, de transformation, de préparation, de vente et de distribution de produits alimentaires à la présence d’une personne formée en matière d’hygiène alimentaire.
Monsieur le ministre, vous avez souhaité que le Gouvernement puisse être habilité à prendre une ordonnance sur cette obligation de formation. Nous aurions bien sûr préféré que la commission choisisse de préciser directement dans la loi de quoi il s’agissait.
Monsieur le rapporteur, comme vous l’avez souligné, une telle obligation peut constituer une réponse au problème récurrent du niveau sanitaire insatisfaisant constaté dans nombre d’établissements du secteur alimentaire.
Toutefois, l’article 1er ter précise également que les personnes pouvant justifier d’une expérience professionnelle d’au moins trois ans au sein d’une entreprise du secteur alimentaire comme gestionnaire ou exploitant « sont réputées avoir satisfait à l’obligation de formation ».
Dans la mesure où il s’agit d’un domaine très vaste et extrêmement complexe, une telle précision ne nous semble pas totalement pertinente, car rien ne nous garantit que la seule expérience permette aux personnes d’acquérir les connaissances nécessaires en matière d’hygiène alimentaire.
Nous souhaitons donc préciser que ces personnes doivent d’abord réaliser une validation des acquis de l’expérience, ou VAE, afin de vérifier qu’elles peuvent réellement prétendre à l’obtention d’un certificat de qualification professionnelle.
La VAE, je le rappelle, est une mesure permettant justement à toute personne, quels que soient son âge, son niveau d’études ou son statut, de faire valider les acquis de son expérience professionnelle, non pas forcément pour aller systématiquement en formation, mais pour obtenir l’équivalent d’un diplôme, d’un titre ou d’un certificat de qualification professionnelle. Elle constitue, à nos yeux, la voie légale à emprunter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. L’article 1er ter prévoit que les personnes justifiant d’une expérience professionnelle d’au moins trois ans sont dispensées de la formation obligatoire à l’hygiène, afin de ne pas alourdir les contraintes dans le secteur alimentaire.
Imposer une procédure de validation des acquis de l’expérience me paraît une contrainte trop lourde. Dans ces conditions, la formation finirait par s’imposer à tout le monde, ce qui n’est pas notre objectif commun.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 111.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet pour les mêmes raisons un avis défavorable.
L’intention des auteurs de l’amendement est louable, mais la formation ici prévue a pour objet la maîtrise des conditions minimales d’hygiène dans un secteur d’activité. Par rapport à la nature de cette formation, qui est censée durer très peu de temps, une vingtaine d’heures environ, la procédure de validation des acquis de l’expérience me semble donc quelque peu disproportionnée.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er ter.
(L’article 1er ter est adopté.)
Article 1er quater (nouveau)
Le titre Ier du livre VIII du code rural est ainsi modifié :
1° L'article L. 811-1 est ainsi modifié :
a) Après la première phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ils contribuent à l’éducation au développement durable et à la mise en œuvre de ses principes. » ;
b) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° Ils contribuent aux activités de développement, d'expérimentation et d'innovation agricoles et agroalimentaires. » ;
2° L'article L. 811-8 est ainsi modifié :
a) Les quatre premiers alinéas sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :
« I. – Tout établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole assure une formation générale, technologique et professionnelle initiale et peut dispenser une formation continue, dans les métiers énoncés à l'article L 811-1.
« À ce titre, il regroupe plusieurs centres :
« 1° Un ou plusieurs lycées d'enseignement général et technologique agricole, lycées professionnels agricoles ou lycées d'enseignement général, technologique et professionnel agricole ;
« 2° Un ou plusieurs centres de formation professionnelle et de promotion agricoles ou centres de formation d'apprentis qui dispensent les formations mentionnées au présent chapitre ;
« 3° Un ou plusieurs ateliers technologiques ou exploitations agricoles à vocation pédagogique qui assurent l'adaptation et la formation aux réalités pratiques, techniques et économiques, et qui contribuent à la démonstration, à l'expérimentation et à la diffusion des techniques nouvelles.
« Il a pour siège soit un lycée d'enseignement général et technologique agricole, soit un lycée professionnel agricole, soit un lycée d'enseignement général, technologique et professionnel agricole et dispose d’un centre relevant de chacune des catégories mentionnées aux 2° et 3° » ;
b) Le sixième alinéa est supprimé ;
c) Au début du dixième alinéa est insérée la mention : « II.- » ;
d) Après le dixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve de l'autorisation préalable de l'autorité académique, la partie pédagogique du projet d'établissement peut prévoir la réalisation d'expérimentations, d'une durée maximale de cinq ans, portant sur l'enseignement et son organisation, et l'organisation pédagogique de la classe ou de l'établissement. Ces expérimentations sont préparées par le conseil de l'éducation et de la formation prévu à l'article L. 811-9-1. Elles font l'objet d'une évaluation annuelle. » ;
3° Après l'article L. 811-9, il est inséré un article L. 811-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 811-9-1. – Dans chaque établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricole, il est institué un conseil de l'éducation et de la formation présidé par le chef d'établissement. Il a pour mission de favoriser la concertation notamment entre les professeurs et les formateurs, en particulier sur l'élaboration de la partie pédagogique du projet d'établissement et sur l'individualisation des parcours de formation des élèves, étudiants, apprentis et stagiaires. Il prépare les expérimentations pédagogiques prévues à l'article L. 811-8. Sa composition est fixée par décret. » ;
4° L'article L. 813-1 est ainsi modifié :
a) Après la première phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ils contribuent à l’éducation au développement durable et à la mise en œuvre de ses principes » ;
b) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° Ils contribuent aux activités de développement, d'expérimentation et d'innovation agricoles et agroalimentaires ; »
5° Après le cinquième alinéa de l’article L. 813-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve de l'autorisation préalable de l'autorité académique, la partie pédagogique du projet d'établissement peut prévoir la réalisation d'expérimentations, d'une durée maximale de cinq ans, portant sur l'enseignement et son organisation, et l'organisation pédagogique de la classe ou de l'établissement. Ces expérimentations font l'objet d'une évaluation annuelle. » ;
6° L’intitulé du chapitre premier est ainsi rédigé : « Dispositions relatives à l’enseignement et à la formation professionnelle publics aux métiers de la nature, de l’agriculture et des territoires » ;
7° À la première phrase des premier et dernier alinéas de l’article L. 811-1, à la première phrase des premier et deuxième alinéas de l’article L. 811-2, les mots : « l'enseignement et la formation professionnelle agricoles publics » sont remplacés par les mots : « l'enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de la nature, de l'agriculture et des territoires » ;
8° À la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 811-2, les mots : « formation professionnelle agricoles » sont remplacés par les mots : « formation professionnelle aux métiers de la nature, de l'agriculture et des territoires » ;
9° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 811-2, les mots : « formation professionnelle agricoles publics » sont remplacés par les mots : « formation professionnelle aux métiers de la nature, de l’agriculture et des territoires » ;
10° À la première phrase du dixième alinéa de l'article L. 811-8, les mots : « formation professionnelle agricoles publics » sont remplacés par les mots : « formation professionnelle publics aux métiers de la nature, de l'agriculture et des territoires » ;
11° À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 813-1, les mots : « formation professionnelle agricoles » sont remplacés par les mots « formation professionnelle aux métiers de la nature, de l'agriculture et des territoires » ;
12° Au dernier alinéa de l’article L. 813-1 et à la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 813-2, les mots : « formation professionnelle agricoles privés » sont remplacés par les mots : « formation professionnelle privés aux métiers de la nature, de l'agriculture et des territoires » ;
13° Au quatrième alinéa de l’article L. 813-2, les mots : « formation professionnelle agricoles privés » sont remplacés par les mots : « formation professionnelle privés aux métiers de la nature, de l'agriculture et des territoires » ;
14° À la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 814-2, les mots : « formation professionnelle agricoles » sont remplacés par les mots : « formation professionnelle aux métiers de la nature, de l'agriculture et des territoires ».
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l'article.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela ne vous surprendra pas que je parle à nouveau de l’enseignement agricole. (Sourires.)
Je tenais tout d’abord à remercier le président de la commission, les rapporteurs, ainsi que l’ensemble de ses membres pour l’adoption de mon amendement, pour avoir entendu mes arguments et compris l’importance de l’enseignement agricole et de ses évolutions. Je pense pourvoir affirmer que, même s’il reste encore beaucoup à faire, cet article est une avancée significative.
Notre système éducatif, nos territoires ruraux et notre agriculture ont entre leurs mains un enseignement doté d’un fort potentiel et d’une identité originale, et qui a confirmé au fil des années son succès. Il constitue, à mon sens, une richesse qu’il nous faut valoriser et préserver.
Les assises de l’enseignement agricole public ayant tracé de nouvelles perspectives, les propositions qui ont été retenues conduisent à adapter le cadre législatif aux évolutions rencontrées, sans oublier les enjeux auxquels doit faire face le système éducatif. Je souhaite les évoquer ici.
Premièrement, en ce qui concerne l’éducation au développement durable, la loi relative à la mise en œuvre du Grenelle prévoit qu’elle soit portée par les établissements scolaires, en particulier par les lycées agricoles. Leur savoir-faire, lié au vivant et aux territoires, leur permet d’être particulièrement performants en matière de développement durable.
C’est pourquoi il est proposé de l’inscrire au cœur même des objectifs de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles, publics et privés.
Deuxièmement, pour ce qui est de l’innovation agricole et agroalimentaire, il est proposé de moderniser l’intitulé de la mission, en tenant compte des politiques publiques contemporaines, et de confirmer son rôle dans les processus d’innovations agricoles et agroalimentaires.
Troisièmement, s’agissant des établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricole, qui sont implantés sur tout le territoire, il est proposé, non de revenir sur le principe de complétude de l’offre des voies de formations prévues par la loi d’orientation de 1999, mais d’en imposer le respect au niveau pertinent qu’est l’établissement, au lieu du seul lycée.
Quatrièmement, les expérimentations pédagogiques dans le projet d’établissement n’interviendront qu’en cohérence avec les axes du schéma prévisionnel national des formations, et feront l’objet tout à la fois d’une autorisation préalable de l’autorité académique et d’une évaluation annuelle.
Cinquièmement, les réformes de la voie professionnelle et du lycée, ainsi que l’autonomie pédagogique grandissante qu’elles impliquent, nécessitent un pilotage renforcé au sein de l’établissement, condition que ne satisfont pas pleinement les dispositions existantes. Il est donc proposé de créer un conseil de l’éducation et de la formation au sein de chaque établissement public.
Sixièmement, force est de constater que l’enseignement agricole souffre aujourd’hui d’un déficit d’image. C’est pourquoi il importe, et ce point me tient particulièrement à cœur, de faire connaître par sa dénomination la diversité des métiers auquel il prépare, des métiers qui sont ancrés non plus simplement dans les réalités agricoles, mais plus largement dans les territoires et la ruralité.
Les difficultés qu’éprouvent les jeunes à s’orienter vers l’enseignement agricole tiennent à leur méconnaissance de ce système d’enseignement et de formation. Sur ce sujet, il nous faut faire preuve d’ingéniosité et d’ouverture, et mettre en place des actions de communication.
Les établissements d’enseignement agricole constituent de réels lycées des métiers. Malheureusement, ils restent mal connus de nos concitoyens et la diversité des formations et des métiers préparés est masquée par sa dénomination actuelle. Cela rend difficile la perception pour les jeunes, les familles, mais aussi les adultes qui recherchent des formations.
Au-delà de ces opérations ponctuelles, il nous fallait également envisager de changer l’appellation elle-même. Monsieur le ministre, vous m’avez confié la délicate mission de travailler sur une nouvelle dénomination et sur l’image de l’enseignement agricole dans son ensemble.
C’est un exercice enthousiasmant mais complexe, car chaque mot a son importance, et, justement, comme j’ai pu le constater, chacun voulait apporter « son mot », sa pierre à l’édifice.
Après de nombreuses auditions en présence des représentants d’enseignants, des représentants syndicaux, d’élèves, de parents d’élèves et des ministères concernés – je peux d’ailleurs vous affirmer que tous mes interlocuteurs se sont particulièrement investis – la dénomination retenue serait celle-ci : « l’enseignement et la formation professionnelle aux métiers de la nature, de l’agriculture et des territoires ».
Pour conclure, je crois nécessaire de rappeler encore et toujours quelques chiffres, car ils parlent d’eux-mêmes. Globalement, nous constatons plus de 90 % de réussite aux examens, plus de 92 % d’intégration professionnelle. Quelle autre filière peut se prévaloir de tels résultats ?
Les valeurs véhiculées par l’enseignement agricole, fort d’une pédagogie qui formera d’excellents professionnels, feront également des citoyens, des hommes et des femmes responsables et épanouis dans leur vie, sans oublier que l’ancrage territorial de ses établissements participe à l’animation et au développement de nos espaces ruraux.
Faut-il rappeler que l’enseignement agricole accompagne, depuis son origine, les mutations du monde agricole et des territoires ?
Faut-il rappeler que les établissements forment des élèves, des étudiants, des apprentis et des stagiaires de la formation continue dans des secteurs variés, non seulement l’agriculture, mais aussi l’alimentation, l’environnement, les services, le paysage, qui font tous les métiers d’aujourd’hui et, à n’en pas douter, ceux de demain ?
Je pense que l’article 1er quater contribue au bon développement de cette filière d’exception, qui prend toute sa place dans le paysage éducatif. C’est pourquoi, mes chers collègues, je compte sur vous pour le soutenir et le voter.
Je suis persuadée que l’enseignement agricole est plus que jamais une chance pour l’avenir de nos jeunes et de nos territoires. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, tout d’abord, dénoncer la méthode par laquelle l’enseignement agricole a été introduit dans ce projet de loi. Absent dans la version initiale, l’enseignement agricole n’est finalement introduit que par un article additionnel voté en commission.
Il transcrit d’ailleurs cinq des soixante mesures annoncées par le ministère de l’agriculture dans le pacte de décembre 2009, adopté à l’issue des assises de l’enseignement agricole public.
Alors que nous sommes en plein débat sur l’application du Grenelle de l’environnement et dans une dynamique de développement durable indispensable qu’il faut susciter et amplifier dans notre pays, comment imaginer qu’il ne soit pas fait mention de la formation dans un projet de loi dit de modernisation ?
Le Gouvernement n’a de cesse de proclamer que l’enseignement agricole public est une voie d’excellence et de réussite. En effet, les taux de succès aux examens et d’insertion professionnelle des élèves attestent que tel est bien le cas.
L’enseignement agricole participe efficacement à l’insertion et à la lutte contre l’échec scolaire, grâce à des spécificités pédagogiques en lien avec les territoires. Mais, malgré de belles paroles, le Gouvernement maltraite – et je pèse mes mots, monsieur le ministre – l’enseignement agricole par une insécurité budgétaire insupportable.
Depuis plusieurs années, du fait des suppressions de postes et d’une sous-évaluation du plafond des emplois tant administratifs qu’enseignants, nous sommes contraints à de véritables bricolages budgétaires : ponction, notamment de moyens sur l’éducation nationale, déblocage de postes dans l’urgence, comme les soixante postes en septembre dernier.
Et pourtant, grande devrait être notre ambition pour un enseignement agricole innovant, performant, diversifié. Or les mesures avancées dans cet article additionnel vont contribuer à bouleverser en profondeur les structures éducatives existantes.
Outre l’inscription dans le marbre de l’autonomie des établissements d’enseignement agricole, notamment dans le domaine pédagogique, et contre laquelle nous avons déposé des amendements, le bouleversement sous-jacent est celui de la fusion à venir de nombreux établissements existants.
L’article, tel qu’il est formulé, en rendant obligatoire la présence des formations générales, technologiques et professionnelles initiales dans tout établissement d’enseignement agricole, rend de fait inévitable le regroupement de différents établissements, notamment des plus petits et des plus isolés en milieu rural.
Tous les lycées agricoles ne proposent pas de filière générale scientifique : que vont-ils devenir, si ce n’est une annexe, après fusion avec un établissement plus grand, lequel proposera, lui, des filières générales ?
L’innovation pédagogique sert de prétexte à l’application de la RGPP, sans tenir compte des réalités de terrain, de l’importance des lycées professionnels agricoles, du moins si l’on veut obtenir un maillage éducatif fin du territoire national.
Quel est l’intérêt de regrouper des établissements, de mélanger des publics – élèves, étudiants, adultes, apprentis – si ce n’est pour désengager les finances de l’État, en captant les budgets des régions destinés à la formation professionnelle, supprimer des postes, fermer des classes à faibles effectifs et fusionner des filières et des formations ?
Nos amendements ont, en partie, pour objet de permettre aux petites structures de l’enseignement agricole d’être préservées et de continuer à remplir leurs missions de proximité.
Enfin, je souhaite dire un mot de la situation de mise en concurrence des enseignements agricoles public et privé, notamment dans le cadre budgétaire, mais aussi en ce qui concerne la mission d’éducation et de service public, désormais complètement offerte au secteur privé.
Le rapport public-privé dans l’enseignement agricole ne cesse d’évoluer au détriment du public, qui est en recul constant depuis 2002. Ce rapport est, pour résumer, à l’exact opposé de celui qui est constaté dans l’éducation nationale. Dans certaines régions, comme la Picardie et les Pays-de-la-Loire, la part de l’enseignement public est même passée sous la barre des 20 %.
Aujourd’hui, le ministère de l’agriculture répond à la demande sociale de formation en répartissant les formations indistinctement entre public et privé.
Or, mes chers collègues, l’État a une responsabilité : pérenniser et diversifier l’offre publique d’éducation, afin de garantir l’accès à un enseignement public gratuit sur l’ensemble du territoire national.
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, sur l'article.
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’interviens à la demande de Jean-Luc Fichet, dont je partage les propos, puisque j’ai eu la chance d’être pendant douze ans présidente du conseil d’administration de l’École forestière de Meymac, en Corrèze, et représentante de la région Limousin au conseil d’administration de l’EPLEA de Neuvic.
Voilà deux établissements qui, comme ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin vient de le dire, ont fusionné, ce qui ne manque pas de provoquer de nombreuses difficultés.
Si nous ne pouvons que nous réjouir des avancées introduites à l’article 1er quater, nous constatons cependant que cet article ne résout en rien le problème fondamental de l’enseignement agricole, celui de son financement.
Si j’avais déposé un amendement à ce sujet, cela aurait été en pure perte, car il aurait été rejeté sous couvert de l’article 40. Je ne peux donc qu’alerter le Gouvernement pour que, enfin, il agisse et donne à l’enseignement agricole les moyens qui lui sont indispensables.
Les lycées agricoles, sous-dotés en personnels, sont pourtant un formidable outil. Ils permettent, ce qui est rare actuellement, d’offrir un débouché réel aux élèves. Leur performance est reconnue. Il s’ensuit une forte attractivité de ces établissements. Leurs effectifs ont d’ailleurs connu une forte croissance à partir de 1993, avec une accélération de 25 % en quatre ans, pour se stabiliser depuis 2000 à un niveau élevé. Par ailleurs, leur image s’est nettement améliorée.
De plus, les lycées agricoles permettent aux familles modestes de trouver un cadre accueillant et de proximité et à leurs enfants de suivre une formation efficace, d’obtenir un diplôme reconnu et d’accéder à un emploi intéressant.
Pourtant, rien dans la réforme du lycée n’évoque la spécificité de cet enseignement et son originalité pédagogique, qui vient d’être reconnue par nos collègues. On peut également citer en exemple les maisons familiales rurales, qui offrent, selon les régions, des perspectives intéressantes à plus d’un titre.
Les établissements publics et privés accueillent les jeunes comme les adultes pour des formations en alternance et offrent des débouchés aussi variés que les formations sont enrichissantes, allant de l’environnement à la formation aux diverses productions, de l’aménagement de l’espace aux services à la personne.
Cet apprentissage est une réelle chance, notamment pour ceux qui sont en rupture de scolarité, puisqu’il offre un avenir prometteur au sein du monde professionnel, au sein du monde du travail pour tous.
Plus généralement, les lycées agricoles participent au développement des territoires ruraux, en luttant contre la désertification accrue de nos campagnes. À ce titre, un récent rapport du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche pointe le rôle majeur que joue l’enseignement agricole dans un contexte de renouveau des campagnes françaises.
De mon point de vue, le Gouvernement n’a pas assez pris conscience de l’intérêt que présente cet enseignement.
Depuis des années, des postes d’enseignant et de personnels administratifs sont supprimés : 126 postes l’ont été en 2004, 94 en 2005, 210 en 2006 et 106 en 2008. Au niveau national, il manque actuellement 560 postes d’enseignant ! En somme, le nombre d’élèves progresse, mais les crédits affectés à cet enseignement ne suivent pas, et nous ne pouvons que le regretter.
Par ailleurs, un millier de contractuels travaillent dans ces lycées, mais ils ne sont rémunérés que dix mois sur douze et souffrent de la précarité d’une année scolaire à l’autre.
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
Mme Bernadette Bourzai. L’enseignement agricole est notoirement sous-doté,…
Mme Nathalie Goulet. Tout à fait !
Mme Bernadette Bourzai. … et, « bénéficiant » de surcroît de la révision générale des politiques publiques, il subit de plein fouet une politique de rigueur budgétaire. L’enseignement agricole est le parent pauvre de l’éducation, alors qu’il présente, comme l’a souligné Mme Férat, un taux d’insertion professionnelle exceptionnel !
Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Paul Raoult. Tout à fait !
Mme Bernadette Bourzai. D’ailleurs, notre collègue défend, chaque année, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, un amendement visant à prendre sur les crédits du ministère de l’éducation nationale les ressources nécessaires pour combler le déficit de la filière de l’enseignement agricole.
La logique comptable qui est ici à l’œuvre va donc à l’encontre de l’intérêt des élèves.
Pourtant, l’enseignement agricole ne forme que 20 % des agriculteurs ; son intitulé n’était d’ailleurs pas représentatif de la palette des potentiels qu’il recouvre. En dépit de l’excellent travail de Françoise Férat, avoir modifié la dénomination de l’enseignement et de la formation agricoles pour adopter la formule « enseignement et formation professionnelle aux métiers de la nature, de l’agriculture et des territoires » ne relève que du toilettage et ne changera rien aux problèmes de fond, prégnants depuis de nombreuses années.
Je me réjouis cependant que l’on ait pris le tournant du développement durable et que l’on offre la possibilité de mener des expérimentations sur des innovations agricoles et agroalimentaires, ainsi que des expérimentations pédagogiques. Mais ces belles paroles devront être suivies des moyens adéquats !
En effet, nous débattons actuellement d’un projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche qui préfigure l’agriculture et le monde rural de la future PAC, celle d’après-2013. Les enjeux sont énormes et les besoins de formation immenses. Il faut donc que l’enseignement agricole soit en mesure d’y faire face.
Pour conclure, je reprendrai une formule employée par Edgar Pisani devant les élèves de l’EPLEA de Tulle-Naves, établissement qui porte désormais son nom : « Il faut apprendre à cultiver plus en protégeant la nature et faire en sorte que la nourriture produite soit à la disposition de tous les hommes ».
Parole d’expert que celle de l’un des pères fondateurs de la PAC qui est lucide sur les évolutions nécessaires ! En effet, il s’agit de passer d’une conception principalement quantitative à une conception qualitative. Vaste programme…
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, sur l'article.
Mme Odette Herviaux. Comme je souscris pleinement aux propos de mes collègues Brigitte Gonthier-Maurin et Bernadette Bourzai, je me bornerai à formuler quelques remarques.
À l’instar de Françoise Férat, je me félicite qu’un article relatif à l’enseignement agricole ait été inséré dans ce projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Il aurait été dommage de faire l’impasse, dans un tel texte, sur ce qui est à l’origine même de la formation de nos agriculteurs !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est la moindre des choses !
Mme Odette Herviaux. En revanche, je ne partage pas tout à fait le sentiment de Françoise Férat lorsqu’elle affirme que la formation agricole souffre d’un déficit d’image. Peut-être est-ce différent selon les régions, mais, en Bretagne, je puis vous en assurer, la qualité de la formation agricole dispensée au fil des années est telle que nos agriculteurs se sont globalement identifiés à leurs établissements de formation d’origine, éprouvant même le sentiment d’être viscéralement attachés à cet enseignement.
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
Mme Odette Herviaux. Après les collègues qui se sont exprimées sur cet article, je m’inquiète de la diminution des crédits affectés à l’enseignement agricole, que l’on constate tous les ans. Cela nous contraint, en effet, à puiser dans le budget du ministère de l’éducation nationale les ressources nécessaires pour combler le déficit.
Néanmoins, subsistent des problèmes importants, que nous devrons attaquer de front. Même si nous modifions sa dénomination, même si cet enseignement doit s’adapter aux évolutions en cours, le cœur de métier reste tout de même l’agriculture. Si seulement 20 % des jeunes qui choisissent cette voie se destinent aux métiers de l’agriculture, alors nous devons vraiment nous interroger sur l’avenir des exploitations à but pédagogique.
Cet aspect du problème doit réellement être pris en compte, car, si nous voulons que ces exploitations évoluent, nous devrons financer de nouvelles mises aux normes. Or, comme nous leur demandons de présenter des comptes équilibrés, ces exploitations doivent être rentables. Mais comment les exploitations à but pédagogique pourraient-elles être rentables, si, outre la gestion quotidienne, elles doivent se préoccuper de pédagogie et de formation ?
Si l’on ouvre trop les métiers à la nature, aux territoires, ce qui n’est pas, en soi, inconcevable, où sera la barrière entre l’enseignement agricole et l’éducation ? Il faudra bien un jour répondre à cette question.
M. le président. L'amendement n° 243, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer le mot :
assure
par les mots :
peut assurer
et les mots :
peut dispenser
par le mot :
dispenser
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 1er quater prévoit de modifier l’article L. 811-8 du code rural pour tirer les conséquences de la loi d’orientation agricole de 1999, avec notamment la création, dans un délai de cinq ans, de « lycées d’enseignement général, technologique et professionnel agricole », en lieu et place des lycées d’enseignement général et technologique agricoles et des lycées professionnels agricoles.
Notons, toutefois, que ladite loi, qui devait entrer en application dans les cinq ans, n’est toujours pas appliquée à la totalité des établissements agricoles.
Ce rappel étant fait, notre amendement porte sur une autre modification prévue dans cet article, qui introduit, de manière assez insidieuse, l’obligation pour tout établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole, donc pour tout EPLEFPA, de dispenser une formation générale, technologique et professionnelle initiale.
Aujourd’hui, nombre de lycées agricoles ne dispensent pas la totalité de ces formations initiales. Créer une telle obligation pour tous ces établissements aura pour effet de créer des regroupements factices.
Par cette disposition, vous voulez, monsieur le ministre, favoriser les fusions entre les lycées, les centres de formation d’apprentis, les CFA, et les centres de formation professionnelle, les CFP, avec pour conséquence, dans une logique de réduction des dépenses publiques, la diminution du nombre de postes, notamment d’enseignant, au détriment des contenus pédagogiques et de la spécificité des publics accueillis.
Faciliter les fusions, si nécessaire, dans une logique présupposée d’économie de moyens, tel est, me semble-t-il, le véritable objectif.
C’est pourquoi nous souhaitons, par cet amendement, supprimer l’obligation faite à ces établissements de dispenser ces trois formations, en leur permettant de continuer à remplir leurs missions de proximité, dans un esprit de coopération.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Notre collègue propose de rendre facultatif le fait pour un établissement public local d’enseignement et de formation professionnelle agricole de dispenser les trois types de formation, générale, technologique et professionnelle.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il ne s’agit pas de le rendre facultatif ; il s’agit de supprimer l’obligation ! Il y a une petite nuance…
M. Gérard César, rapporteur. L’article 1er quater introduit par la commission réaffirme l’obligation pour tout EPLEFPA de dispenser une offre de formation initiale complète. Cette obligation figurait déjà dans la loi d’orientation agricole de 1999, mais elle ne concernait que les lycées.
Cet article maintient donc une exigence de formation élevée, tout en adaptant celle-ci à l’organisation de ces établissements.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
L’objectif est bien évidemment de conserver les trois formations, mais il nous semble trop lourd et trop rigide de l’exiger d’un seul lycée. Nous estimons qu’il est plus souple de le faire au niveau d’un établissement public, mais je sais bien que vous ne serez pas d’accord avec ce choix.
Par exemple, dans mon département, l’Eure, je ne pense pas que le fait de regrouper ces trois formations dans deux lycées agricoles distants de quelques kilomètres, l’un à Chambray et l’autre au Neubourg, pose de réels problèmes. Cette mesure ne peut qu’apporter plus de souplesse, offrant certainement aussi la possibilité à ces établissements d’être plus spécialisés, et donc plus performants encore.
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. L'amendement n° 402, présenté par M. Lecerf et Mme Descamps, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
et reçoit à cette fin de l'État les postes d'enseignants nécessaires pour faire face aux besoins générés par les programmes officiels
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 595, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
permettant notamment de développer l'autonomie des exploitations agricoles
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à compléter le rôle dévolu aux lycées agricoles concernant la démonstration, l’expérimentation et la diffusion de techniques nouvelles.
Il apporte une précision qui me paraît intéressante dans la mesure où il vise à promouvoir l’autonomie des exploitations agricoles.
Je rappelle ici que toute technique nouvelle n’implique pas une diminution de la consommation d’intrants ou, si l’on préfère, toute technique nouvelle ne permet pas d’accroître l’autonomie des exploitations. On l’a vu, l’utilisation de semences hybrides permet des rendements plus élevés, mais, de fait, elle suppose une consommation accrue d’intrants. J’en veux pour preuve, concernant les élevages laitiers, le passage de l’herbe au modèle intensif fondé sur l’association du maïs et du soja, qui induit, une fois encore, une augmentation des intrants.
Dans le cadre des techniques nouvelles censées être diffusées par les lycées et les exploitations agricoles, il me semble utile d’indiquer un cap - il ne s’agit en aucun cas d’une obligation -, notamment dans le sens de l’autonomie des exploitations agricoles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Monsieur le président, la précision apportée par cet amendement ne paraît pas utile.
L’article 1er quater indique déjà que les ateliers technologiques ou les exploitations agricoles à vocation pédagogique contribuent – c’est un point très important ! – à la diffusion des techniques nouvelles, ce qui inclut bien entendu le développement de l’autonomie des exploitations agricoles.
Cet amendement étant superflu, la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement y est également défavorable, et pour les mêmes raisons.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je veux simplement souligner que, dans notre bon département de l’Orne, nous travaillons déjà depuis très longtemps sur ces questions.
Voilà environ deux ans, lors de l’examen des crédits affectés aux ministères de l’agriculture et de l’éducation nationale, nous avions déjà proposé de transformer l’appellation « lycée agricole » pour y introduire la notion de « développement durable ». La Basse-Normandie mène d’ailleurs, en la matière, une politique d’envergure, précise et efficace.
Tous les responsables des lycées agricoles – en tout cas, ceux de Basse-Normandie ! – sont parfaitement conscients des objectifs.
Chez nous, cet amendement est largement satisfait !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vos observations ne m’ont pas convaincu. Une technique nouvelle ne permet pas, en soi, de réduire les intrants ou de développer l’autonomie de l’exploitation.
J’ai travaillé pendant vingt-cinq ans dans un lycée agricole, qui était déjà, eu égard à ce qui se pratiquait alentour, à l’avant-garde en termes d’économies d’intrants et de rotation des cultures, ce qui nous mettait parfois en porte-à-faux.
J’ai moi-même piloté une expérimentation pédagogique sur plusieurs années. Avec les élèves, nous pratiquions une auto-évaluation de la durabilité de l’exploitation agricole et dressions un autodiagnostic ouvert à la profession et, entre autres, à l’INRA, l’Institut national de la recherche agronomique.
M. Gérard César, rapporteur. C’est bien !
M. Jacques Muller. La démarche était intéressante, mais, lorsque nous communiquions nos résultats et mettions en exergue nos ratios, nous avions parfois quelque peine à convaincre la profession, dans une région qui pratique la monoculture de maïs labellisée « raisonnée », avec une consommation d’intrants que vous pouvez imaginer. En effet, lorsque l’on fait de la monoculture, il faut traiter, sinon, avec la chrysomèle – elle est là ! -, c’est la catastrophe.
Lorsque les élèves présentaient les critères de rotation notamment, on les regardait un peu comme des Martiens !
Pour toutes ces raisons, il me semblerait judicieux d’inscrire dans la loi que, au nom du développement durable, les techniques nouvelles doivent permettre une plus grande autonomie des exploitations et, par conséquent, une réduction de la consommation d’intrants.
Nous sommes là de nouveau au cœur des problématiques de souveraineté alimentaire, de réduction de la consommation d’intrants et d’énergies fossiles ; aussi, je n’insiste pas.
L’adjonction de l’adverbe « notamment » permettrait de fixer un cap bien utile pour les lycées qui s’engagent dans cette voie, sans que ce soit une obligation.
M. le président. L'amendement n° 244, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer les mots :
et dispose d'un centre relevant de chacune des catégories mentionnées aux 2° et 3°
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Par cet amendement, qui procède de la même logique que celui que nous avons précédemment défendu, nous souhaitons supprimer l’obligation nouvelle pour les EPLEFPA de dispenser tous les types de formation initiale et continue.
À cet égard, monsieur le rapporteur, je précise qu’il s’agit pour nous non pas de transformer en une simple faculté, mais bien de supprimer purement et simplement l’obligation nouvelle pour ces établissements de disposer d’un centre de formation pour adultes ou d’un centre de formation professionnelle, ainsi que d’ateliers technologiques ou exploitations agricoles à vocation pédagogique.
La raison est la même : cette obligation ne correspond pas à la réalité de la composition des établissements, notamment en milieu rural, et aurait pour effet de provoquer des fusions, dont les avantages en termes d’économies budgétaires ont été détaillés, mais qui ne se retrouvent pas en ce qui concerne la qualité et la proximité de l’enseignement public agricole.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement procède de la même logique que l’amendement n° 243, que Mme Gonthier-Maurin a défendu il y a quelques instants.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Pour des raisons identiques à celles qu’il a exposées tout à l’heure, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.
Il nous semble préférable de répartir les activités dans le cadre de l’établissement public plutôt que les regrouper sur un seul et même lycée.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 245, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 17, 18, 26 et 27.
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à supprimer les alinéas permettant l’expérimentation pédagogique dans les établissements agricoles, publics et privés.
Nous ne sommes pas fondamentalement opposés à l’idée d’expérimentation pédagogique ; elle peut en effet ouvrir la voie à de nouvelles pratiques innovantes et fructueuses. Néanmoins, cette expérimentation, dans un domaine aussi important que celui de l’éducation, ne doit pas se faire sans initiative et cadre nationaux, sans suivi ni contrôle, et devrait déboucher sur une évaluation sincère avant toute généralisation. C’est pourtant l’inverse qui nous est proposé avec cet article.
Il est introduit pour chaque établissement, sous réserve de validation de l’autorité académique, la possibilité d’effectuer des expérimentations de cinq ans au maximum sur l’enseignement et l’organisation pédagogique.
Cette possibilité est un nouveau pas vers l’autonomisation des établissements, qui auront désormais carte blanche en matière d’expérimentation, sans que l’État les encadre.
Nous sommes opposés à cette autonomisation croissante des établissements Elle a pour effet de créer une grande disparité entre les différents établissements du territoire, allant ainsi à l’encontre du principe même d’égalité face à l’éducation et créant à terme une véritable concurrence entre les établissements et sur la valeur des diplômes.
Ce mode de gestion est fondamentalement opposé à la vision que nous avons de l’enseignement, fondée sur un accès égal de tous et sur tout le territoire.
M. le président. L'amendement n° 246, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 18
I. - Première phrase, après les mots :
Sous réserve de l'autorisation préalable de l'autorité académique
insérer les mots :
et après avis du comité technique paritaire régional
II. - Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
effectuée par l'inspection de l'enseignement agricole. Chaque année, le Gouvernement remet au parlement un rapport présentant le bilan des différentes expérimentations entreprises sur tout le territoire.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit d’un amendement de repli.
Nous sommes opposés, comme je viens de l’expliquer, à ce dispositif d’expérimentation. S’il doit néanmoins entrer en application, nous souhaitons au moins qu’il s’effectue dans un cadre précis et déterminé.
Ainsi, nous pensons indispensable que le comité technique paritaire régional donne son avis sur le projet d’expérimentation de l’établissement public, outre le fait que celui-ci doit être validé par l’autorité académique.
En effet, ce comité a pour rôle de se prononcer sur l’organisation générale des services, en particulier sur leur organisation interne, sur la répartition des services, sur les méthodes et techniques utilisées au travail, ainsi que sur les questions touchant aux effectifs et à la situation des personnels contractuels dans la fonction publique.
Il est ainsi logique qu’il soit associé à cette démarche d’expérimentation, afin d’en prendre connaissance et de s’exprimer sur ce sujet, pour lequel il est compétent.
Nous souhaitons ensuite qu’un suivi de ces expérimentations soit effectué sur le plan national, afin qu’elles fassent l’objet d’un véritable contrôle, mais aussi d’une véritable analyse.
On pourrait ainsi éviter la reproduction d’expérimentations infructueuses et systématiser, sur le plan national, les expériences positives.
Nous souhaitons donc que l’évaluation annuelle telle qu’elle est proposée à cet alinéa soit effectuée par l’inspection de l’enseignement agricole.
En plus de cette évaluation, le Gouvernement doit présenter chaque année, devant le Parlement, un rapport listant, présentant et évaluant les différentes expérimentations menées sur l’ensemble du territoire.
Il est en effet important que les représentants de la Nation, dans leur mission de contrôle de l’action du Gouvernement, puissent disposer d’études leur permettant de connaître la réalité de l’enseignement agricole et d’alimenter leur réflexion en la matière.
M. le président. L'amendement n° 249, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 27 :
I. - Première phrase, après les mots :
Sous réserve de l'autorisation préalable de l'autorité académique
insérer les mots :
et après avis du conseil régional d'enseignement agricole privé
II. - Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
effectuée par l'inspection de l'enseignement agricole. Chaque année, le Gouvernement remet au parlement un rapport présentant le bilan des différentes expérimentations entreprises sur tout le territoire.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce sont des cadences infernales, monsieur le président ! (Sourires.)
Là encore, il s’agit d’un amendement de repli.
Même si nous demeurons opposés au dispositif d’expérimentation ici prévu, nous proposons néanmoins des conditions minimales d’encadrement si ce dernier voit tout de même le jour.
Cet amendement vise à transposer les mesures de contrôle des expérimentations à l’enseignement privé. Ainsi, en lieu et place du comité technique paritaire régional, l’autorité compétente pour l’enseignement privé est le conseil régional d’enseignement agricole privé.
Notre amendement reprend exactement les mêmes dispositions que pour l’enseignement agricole public : les expérimentations font l’objet d’un suivi sur le plan national, l’inspection de l’enseignement agricole effectuant une évaluation annuelle ; le Gouvernement présente un rapport annuel au Parlement listant, présentant et évaluant les différentes expérimentations menées par l’enseignement agricole privé sur l’ensemble du territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. L’amendement n° 245 vise à supprimer la possibilité d’expérimentation pour l’enseignement et la formation professionnelle agricoles, qu’ils soient publics ou privés.
Ma chère collègue, cette possibilité constitue un atout important pour développer l’innovation dans l’enseignement et la formation professionnelle agricoles, et il convient de la conserver. C’est pourquoi je ne souscris pas à votre proposition, qui conduirait à un nivellement par le bas.
Par ailleurs, le recours à l’expérimentation est encadré par l’article 1er quater.
Aussi, la commission émet un avis défavorable, sauf si vous décidiez- on ne sait jamais - de retirer l’amendement.
S’agissant de l’amendement n° 246, l’article 1er quater encadre le recours aux expérimentations : l’autorisation de l’autorité académique est nécessaire, l’expérimentation est limitée à cinq ans, une évaluation annuelle est réalisée.
Cet encadrement est suffisant et le présent amendement ne paraît donc pas opportun ; c’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 249 est équivalent au précédent, mais il porte sur l’enseignement agricole privé. La commission émet là encore un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces trois amendements.
Notre philosophie politique est différente, madame Gonthier-Maurin : nous estimons que l’expérimentation est utile, d’autant qu’elle est encadrée et qu’elle est validée par l’autorité académique avant d’être mise en œuvre. Par conséquent, les étudiants ne courent aucun risque.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 245.
M. Thierry Repentin. Le groupe socialiste s’abstient sur ces amendements !
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 247, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 19 et 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous sommes opposés à la création du conseil de l’éducation et de la formation dans les EPLEFPA.
Tout d’abord, l’utilité d’un conseil spécifique propre à l’élaboration de la partie pédagogique du projet d’établissement n’est pas avérée. En effet, ces missions sont déjà assurées par les conseils propres à chaque centre membre d’un EPLEFPA. La coordination entre ceux-ci se fait via le conseil d’administration, qui valide le projet d’établissement. La cohérence pédagogique entre les différents projets est ainsi déjà mise en œuvre.
De plus, chaque conseil d’administration peut, s’il le souhaite, créer des groupes de réflexion pédagogique dédiés à cette question.
Les instruments de coordination existent donc bel et bien. Cette nouvelle structure ne fera qu’ajouter à la complexité administrative et alourdir le fonctionnement des établissements.
En outre, l’article est totalement muet sur la composition de ce conseil, dont on sait seulement qu’il sera présidé par le chef d’établissement.
Pourquoi, de plus, vouloir imposer une structure qui connaît aujourd’hui un échec complet dans l’éducation nationale ? En effet, cinq ans après son lancement, la moitié seulement des lycées ont effectivement mis en place ce conseil pédagogique.
En fait d’harmonisation de projets pédagogiques, il ne s’agit, là encore, que de l’application de la RGPP, dans le but de réduire le nombre des fonctionnaires en mélangeant les publics accueillis.
La volonté de créer un projet pédagogique commun à tous les lycées et centres composant l’EPLEFPA marque en fait la volonté de regrouper des enseignements similaires, sans tenir compte de la spécificité des voies de formation et des différences de publics entre les formations initiale et continue.
On peut imaginer que certains cours seront fusionnés pour réduire le nombre de professeurs titulaires de l’établissement, dans le seul but de réaliser des économies, au lieu de réfléchir à un véritable projet pédagogique.
Cette fusion aura également pour effet de transférer les charges financières qui incombent à l’État vers des financements locaux. En effet, les financements de la région pour la formation professionnelle pourront être captés au profit de ces établissements, permettant ainsi à l’État de se défausser financièrement.
M. le président. L'amendement n° 248, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 20, première phrase
après les mots :
conseil de l'éducation et de la formation
insérer les mots :
élu parmi le personnel de l'établissement et
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Il s’agit d’un amendement de repli.
Si ce conseil pédagogique devait être mis en place, nous souhaitons alors qu’il soit créé dans le respect des garanties démocratiques.
Notre amendement prévoit de lever le voile sur sa composition, pour l’heure très opaque.
Nous proposons en effet que ses membres, dont rien n’est dit dans le projet de loi, soient élus parmi le personnel de l’établissement, qui est le plus à même de proposer des expérimentations et des orientations pédagogiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 247, la création des conseils de l’éducation et de la formation doit permettre le partage d’expériences au sein des établissements. Il s’agit de l’une des conclusions des assises de l’enseignement agricole public, qui se sont tenues entre septembre et décembre 2009, donc très récemment.
Par ailleurs des structures équivalentes existent aujourd’hui dans l’éducation nationale.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
De même, la précision apportée par l’amendement n° 248, amendement de repli, ne paraît pas utile. Le conseil comprendra bien entendu des représentants du personnel, et je précise, du personnel local.
La commission émet donc également un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces deux amendements.
Il est défavorable au premier, car le fait que les professeurs des lycées et les formateurs participent au conseil de l’éducation et de la formation sera un atout pédagogique pour les établissements d’enseignement agricole.
Il est défavorable au second, car la composition de ce conseil, définie par décret, tiendra compte de la représentativité des enseignants de l’établissement et fera l’objet d’une discussion avec les organisations représentatives du personnel.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er quater.
(L'article 1er quater est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er quater
M. le président. L'amendement n° 482, présenté par MM. S. Larcher, Gillot, Patient, Antoinette, Lise et Tuheiava, Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement étudie la mise en place, dans les douze mois qui suivent la publication de la présente loi, d'un plan de développement des réseaux de formation adaptés aux enjeux actuels de l'agriculture et de la pêche dans les départements d'outre-mer.
Ce plan comprend un dispositif de formation continue et de mis à niveau permanent des professionnels permettant de renforcer la professionnalisation de ces secteurs.
Il permet également d'amplifier les réseaux d'appui technique et de transferts technologiques.
Il met en place des dispositifs spécifiques de développement et de soutien à la recherche outre-mer.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Permettez-moi de présenter cet amendement au nom de mes collègues ultramarins.
Comme l’a souligné le conseil interministériel de l’outre-mer, les régions ultramarines disposent, en matière de formation initiale agricole, d’un réseau assez développé.
Cependant, pour le secteur de la pêche, la formation de base n’est pas adaptée aux enjeux actuels. Ainsi, la majorité des navigants ne possède que le capacitaire.
Le conseil interministériel souligne également que la faiblesse des structures intermédiaires entre recherche et développement ne permet pas d’assurer une formation continue, pourtant nécessaire à la mise à niveau permanente des professionnels des secteurs de la pêche et de l’agriculture.
Or il est vital pour la santé des économies ultramarines de mettre en œuvre des dispositifs permettant d’améliorer la professionnalisation et le savoir-faire des acteurs de ces deux domaines d’activités, dont le poids social est indéniable.
Ainsi, la population active agricole représente 7,2 % de la population totale en Martinique, 5,8 % en Guadeloupe, contre seulement 3,4 % dans l’Hexagone, et le nombre de marins pêcheurs actifs est en moyenne deux fois plus important outre-mer. De plus, ces secteurs continuent à attirer des jeunes.
J’ajoute, monsieur le ministre, que l’outre-mer, c’est une flore vingt-six fois plus importante qu’en métropole et 97 % de la surface maritime française. Le potentiel est donc immense.
C’est pour toutes ces raisons que nous vous demandons avec nos collègues ultramarins la mise en place d’un plan de développement des réseaux de formation, assorti d’un dispositif de formation continue, de réseaux d’appui technique performants, de transferts de technologie, ainsi que d’un soutien à la recherche, afin de donner à l’agriculture et à la pêche outre-mer les moyens de leur développement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Le conseil interministériel de l’outre-mer de novembre 2009 a annoncé certaines mesures qui recoupent cet amendement, notamment en matière de recherche et d’innovation.
Par ailleurs, si la mission commune d’information sur les départements d’outre-mer, présidée par M. Serge Larcher et dont le rapporteur était M. Éric Doligé, avait mis en avant des lacunes en matière de formation dans ce secteur, elle avait également souligné la nécessité pour les acteurs locaux, les chambres d’agriculture en particulier, de prendre des initiatives en la matière.
En conséquence, le présent amendement ne paraît pas opportun et la commission y est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement a la volonté de mieux structurer les réseaux en outre-mer. Or l’ensemble de ces évolutions ne relèvent pas du champ législatif et renvoient aux conclusions des états généraux du sanitaire. Je ne puis donc qu’être défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 482.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
I. – Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les dispositions législatives nécessaires afin de :
1° Redéfinir, en clarifiant la situation juridique des intervenants, les conditions dans lesquelles sont réalisées les missions entrant, à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, dans le champ du mandat sanitaire prévu à l’article L. 221-11 du code rural ainsi que celles dans lesquelles est réalisée la certification vétérinaire prévue à l’article L. 221-13 du même code en distinguant selon que ces missions sont effectuées au bénéfice de l’éleveur ou pour le compte de l'État modifier les conditions dans lesquelles certaines tâches particulières liées aux contrôles peuvent être déléguées à des tiers ; compléter les missions ainsi confiées à des vétérinaires libéraux ;
2° Modifier les dispositions des articles L. 243-1 et L. 243-2 du code rural relatives aux conditions dans lesquelles certains actes peuvent être réalisés par des personnes n'ayant pas la qualité de vétérinaire et, si nécessaire, la liste de ces actes ;
3° Mettre en conformité avec le droit communautaire les dispositions du code rural relatives à la protection des végétaux en ce qui concerne notamment les conditions de leur mise sur le marché et d’utilisation des produits phytopharmaceutiques ;
4° Modifier l'article L. 234-2 du code rural et adapter les références et renvois faits dans le code rural et le code de la santé publique à la réglementation communautaire dans le domaine du médicament vétérinaire à l'évolution de cette réglementation ;
5° Définir et catégoriser les dangers sanitaires, déterminer les conditions dans lesquelles des organismes à vocation sanitaire peuvent s'organiser, au sein de structures pouvant s'inspirer du statut d'association syndicale de détenteurs de végétaux ou d'animaux, pour concourir aux actions de surveillance, de prévention et de lutte, étendre le champ d'application de l'article L. 201-1 du code rural à la lutte contre les maladies animales et les organismes nuisibles de végétaux, définir une organisation de l’épidémiosurveillance animale et végétale, déterminer les modalités de financement des actions menées contre ces dangers, procéder aux modifications du code rural nécessaires à son adaptation à ce dispositif et prendre toutes les mesures de simplification qui pourraient en découler ;
6° Procéder aux modifications de numérotation et à la rectification des intitulés au sein du Livre II du code rural rendus nécessaires en application du présent article.
II. – Les ordonnances mentionnées au I sont prises dans un délai de douze mois suivant la publication de la présente loi. Pour chaque ordonnance, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l'article.
M. Yannick Botrel. L’article 2 est doublement représentatif de l’esprit de ce texte.
En premier lieu, de nombreuses mesures essentielles pour la sécurité sanitaire de notre pays vont être prises par ordonnances. Les décisions seront donc soumises au contrôle étroit de l’exécutif et du ministre, ce qui revient à relativiser la portée du travail législatif, et c’est, à nos yeux, inacceptable.
En second lieu, cet article manifeste l’orientation libérale de la politique du Gouvernement, s’agissant en particulier de sa politique sanitaire.
Pour ce qui est du mandat sanitaire et de la réalisation de certains actes vétérinaires, de nombreux agriculteurs, voire des fédérations départementales de défense sanitaire du cheptel, réclament la possibilité, pour les éleveurs, de vacciner eux-mêmes leur bétail.
Cette opération peu complexe, autant dire de routine pour les éleveurs, ne requiert en effet ni la compétence ni la technicité du vétérinaire. Réalisée par l’agriculteur lui-même, elle présente de surcroît l’avantage de limiter le stress du bétail, donc les accidents dont peuvent être victimes les intervenants ou les animaux.
Je souhaite également évoquer, car c’est un sujet important, la situation des laboratoires publics départementaux.
En l’espace de deux années, plus de vingt d’entre eux ont cessé leur activité et sur tout le territoire. Certes, ils sont d’importance très inégale, puisque le nombre des agents, qui est d’une vingtaine dans certains départements, dépasse deux cents dans les Côtes-d’Armor et en Loire-Atlantique.
Alors que l’État attend d’eux qu’ils maintiennent en veille les équipements et des personnels capables de répondre à des situations de crise sanitaire majeure – on se souvient de l’épidémie de fièvre aphteuse, voilà quelques années, ou encore du risque de propagation de la grippe aviaire, en 2006 –, ce même État ne prend pas en compte le coût financier que cela induit. Pire, après avoir ouvert le marché d’analyse de l’eau à la concurrence, il retire aujourd’hui aux laboratoires publics la gestion des plans de surveillance et de contrôle des denrées alimentaires.
Or il faut savoir que les laboratoires publics sont reconnus non seulement pour leurs compétences – celui des Côtes-d’Armor, que je connais le mieux, a recueilli dix-neuf accréditations –, mais également pour leur indépendance, ce qui n’est pas le cas de tous les laboratoires d’analyses privés. Ces derniers, sans leur faire de procès d’intention, sont parfois adossés à des laboratoires pharmaceutiques vétérinaires…
Les laboratoires publics départementaux offrent donc toutes les garanties à leur clientèle, particulièrement aux éleveurs qui, en cas de litige, peuvent avoir recours à leur expertise et profiter de leur neutralité.
Dans ces conditions, il est incompréhensible que ce projet de loi ne reconnaisse pas le rôle des laboratoires publics départementaux et qu’il n’intègre pas ces structures dans les différents dispositifs d’épidémiosurveillance, en tant qu’élément essentiel du service public sanitaire.
Il est important pour les citoyens et les consommateurs de disposer d’organismes fiables et indépendants, qui contribuent à leur sécurité alimentaire, qui n’ont pas pour objectif la maximalisation du profit.
Les laboratoires publics ne sont pas aujourd’hui dans une situation favorable, et l’État ne paraît pas disposé à conforter ce secteur public d’excellence. C’est pourquoi il faut réaffirmer l’importance du rôle qu’ils jouent dans la collecte d’informations épidémiologiques et dire qu’avec le risque de voir se propager des crises sanitaires majeures, ils ont plus que jamais un rôle à tenir et des missions à remplir.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 112 est présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 250 est présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yannick Botrel, pour présenter l’amendement no 112.
M. Yannick Botrel. Cet amendement vise à supprimer l’article 2, qui permet au Gouvernement de légiférer par ordonnances dans plusieurs domaines relevant normalement de la loi.
C’est une véritable remise en cause du rôle dévolu au Parlement ; c’est une négation de ses pouvoirs. Malgré les précisions apportées en commission, nous ne pouvons accepter de signer un chèque en blanc.
L’article 2 est d’autant plus important qu’il concerne les questions sanitaires, c'est-à-dire notre santé, sujet épineux.
Or le champ des ordonnances n’est pas clair. Des pans entiers de la gestion sanitaire restent vagues, ne permettant pas vraiment de savoir où le Gouvernement souhaite nous conduire. Et, lorsque ses desseins se font clairs, nos craintes n’en sont que ravivées.
Adopter l’article 2 signifierait que les états généraux du sanitaire, ouverts depuis le 19 janvier 2010, n’ont servi à rien, pire, que leurs conclusions ne sont même pas attendues et que les modifications positives qui pourraient être proposées seront balayées d’un revers de la main.
Pourtant, les états généraux du sanitaire réunissaient des professionnels agricoles, des experts du monde vétérinaire et des scientifiques dont l’expertise ne serait pas inutile dans la discussion de ce projet de loi.
La majorité va sans doute arguer que des expressions telles que « certains actes », « si nécessaire » et « déléguées à des tiers », figurant dans les deux premiers alinéas de l’article 2, sont d’une précision inattaquable. Soit ! Néanmoins, des craintes existent qu’un pas de plus ne soit franchi sur le chemin de la privatisation des contrôles sanitaires.
À l’heure où les besoins en contrôles sanitaires augmentent, puisque les crises d’origine animale se multiplient, nous constatons une réduction drastique des moyens publics d’intervention dans nos territoires. Nous craignons donc que l’État, via cette habilitation, ne cherche encore à faire des économies qui seraient, à terme, néfastes pour notre sécurité sanitaire.
Mes chers collègues, notre groupe considère que les problématiques évoquées dans cet article sont trop sensibles pour que nous puissions faire l’impasse d’un examen approfondi en séance publique. C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter notre amendement de suppression de l’article 2.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 250.
M. Gérard Le Cam. Nous souhaitons, nous aussi, la suppression de l’article 2, qui habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances – conformément à l’article 38 de la Constitution – dans les domaines de la sécurité sanitaire des aliments, de la santé des animaux, de la protection des végétaux ou encore des indications géographiques.
Le Gouvernement pourra ainsi, dans un champ d’habilitation particulièrement large, sans aucun garde-fou, tirer les conséquences des états généraux du sanitaire, organisés au début de 2010, dont le champ est lui aussi particulièrement étendu et les enjeux importants.
Ces ordonnances lui permettront également de légiférer sur la délégation de certaines tâches liées au contrôle phytosanitaire.
Il s’agit donc clairement de reconnaître par la loi l’externalisation de missions par essence publiques, ce que nous ne pouvons accepter.
Plus grave encore, ces ordonnances permettront une mise en conformité générale du droit national avec le droit communautaire sans qu’aucune information précise ne soit donnée aux parlementaires.
Pourtant, cette mise en conformité est à spectre très large puisqu’elle concerne, après passage en commission, les conditions de mise sur le marché et d’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques.
Vous le savez, nous sommes très circonspects quant au recours, par ce gouvernement, à l’article 38 de la Constitution et aux possibilités qu’il offre. Il s’agit pour nous, même si les ordonnances doivent être ratifiées par le Parlement, d’une confusion des responsabilités respectives du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Ces deux amendements identiques visent à supprimer l’article 2, qui renvoie à des ordonnances le soin de tirer les conséquences des états généraux du sanitaire.
Tout d’abord, la commission a déjà réduit le nombre des ordonnances prévues par l’article 2.
Ensuite, les quatre groupes de travail des états généraux viennent tout juste de rendre leur rapport, ce qui ne permet pas d’en tirer les conséquences dans le présent projet de loi.
Enfin, et ce serait dommage, en adoptant ces amendements, nous nous priverions de la possibilité de modifier les articles du code rural concernant le mandat sanitaire ou encore les actes pouvant être effectués par les éleveurs sur leurs animaux, alors qu’un accord a été trouvé dans le cadre des états généraux.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à ces amendements de suppression de l’article 2.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.
En proposant la suppression pure et simple de l’article, M. Botrel et M. Le Cam n’y vont pas avec le dos de la cuillère, si vous me permettez l’expression. (Sourires.)
Quatre groupes de travail, trente-huit réunions, deux cents participants, c’est dire si ces états généraux du sanitaire correspondaient à une vraie attente sur le terrain, aussi bien chez les vétérinaires que chez les agriculteurs, sans oublier le monde du végétal, également concerné.
Vous savez que j’ai décidé d’organiser des états généraux du sanitaire après avoir constaté les multiples réactions, parfois courroucées, que suscitait de la part des agriculteurs et des éleveurs ma décision de rendre obligatoire la vaccination contre la fièvre catarrhale ovine. Les professionnels estimaient qu’on leur imposait une nouvelle charge, et une charge insupportable si on ne leur donnait pas la possibilité de participer à la vaccination des bêtes.
Je considère qu’un travail de fond a été réalisé et que nous sommes parvenus à un accord entre les différents acteurs. Ne détruisons pas tout le travail accompli. Les ordonnances permettront de prendre ces décisions sur la base du consensus. Le Gouvernement ne se dote pas de pouvoirs exceptionnels, il va simplement tirer les conséquences du travail qui a été fait par les acteurs concernés.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. Nous venons d’entendre les explications de M. le ministre sur le sujet. À titre personnel, je n’ai pas complètement connaissance des conclusions des travaux qui ont été conduits dans le cadre des états généraux du sanitaire. Aussi n’est-ce pas ce qui est en cause ici. Non, ce qui suscite notre amendement de suppression, c’est davantage la méthode des ordonnances dont on ne sait, par nature, quelle sera la portée. Nous ne savons pas non plus quels seront les moyens qui seront mis en œuvre dans le cadre des politiques qu’il faudra bien développer dans ce domaine.
Sur ce point-là, bien évidemment, nous exprimons notre scepticisme et, au-delà, notre désaccord.
Sur l’autre point que vous avez soulevé dans votre réponse, monsieur le ministre, concernant le mandat sanitaire et la possibilité pour les éleveurs de procéder par eux-mêmes à la vaccination de leur cheptel, il va de soi que nous n’avons pas d’objection à formuler.
D’ailleurs, dans mon intervention initiale, chacun l’aura compris, ce n’est pas le point que j’ai mis en avant, bien au contraire. Je considère en effet que des actes de ce genre s’apparentent à des interventions de routine. Après tout, quelle différence y a-t-il entre une vaccination et une injection de sérum ? Aucune.
Donc, sur ces questions-là, nous ne sommes pas en opposition avec un accord éventuel trouvé entre les différents partenaires.
Indépendamment de cet aspect des choses, c’est bien sur un autre point que nous nous opposons : je parle de cette façon de tout ramener à des ordonnances, et donc de laisser singulièrement au pouvoir exécutif et au ministre la possibilité d’interpréter ensuite les textes votés par notre assemblée.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 112 et 250.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 251, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement porte toujours sur le recours aux ordonnances.
Aujourd’hui, la plupart des maladies émergentes susceptibles de menacer demain la santé humaine ont une origine animale. Il serait donc irresponsable de baisser la garde, alors que la santé humaine est en jeu.
Ces questions sont trop essentielles pour être abandonnées au bon vouloir du Gouvernement. Le Parlement doit être le gardien vigilant contre toute tentative de brader l’organisation de l’épidémiosurveillance animale et végétale, elle qui nécessite une neutralité et une objectivité sans faille.
Comment accepter le recours aux ordonnances lorsque l’on sait que, depuis 2002, les moyens humains consacrés à l’alimentation et à la sécurité sanitaire ont considérablement décru, que « l’évolution prévisionnelle des effectifs fait apparaître une diminution vertigineuse des effectifs consacrés à la protection du consommateur » et que « la diminution des effectifs se fait de manière aveugle, sans aucune priorité reconnue pour le service public en charge de la maîtrise des risques sanitaires » ?
À titre d’exemple, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, qui vise à réduire de moitié le personnel d’État, il n’y aura que deux remplacements d’agents des directions départementales des services vétérinaires sur trois cent trente-trois départs en retraite pour la période 2009-2011 ! Comment ne pas voir dans ces chiffres et dans la volonté du Gouvernement de légiférer par ordonnance, afin de confier à des tiers les missions de service public de contrôle phytopharmaceutique, de collecte et de traitement des informations, une privatisation progressive de la sécurité alimentaire et des enjeux sanitaires à venir ?
De même, la réalisation d’actes vétérinaires par des tiers est une question législative complexe, qui pourrait induire demain le même réflexe entre infirmières et médecins.
Le tracé de la frontière entre les actes réservés aux vétérinaires et ceux qui peuvent faire l’objet d’une dérogation au bénéfice d’un acteur non vétérinaire, par exemple un éleveur, est une question qui doit être débattue devant le Parlement.
Ce débat est d’autant plus nécessaire qu’une modification de l’article L. 243-2 du code rural n’a pas pu faire l’objet d’un consensus lors des états généraux du sanitaire.
Nous ne voulons pas d’une privatisation déguisée des contrôles sanitaires, et c’est pour cette raison que nous demandons la suppression des alinéas 2 et 3 de l’article 2.
M. le président. L'amendement n° 528 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet et Fortassin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. de Montesquiou, Mézard, Plancade, Milhau, Vall, Alfonsi et Marsin, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Modifier les dispositions des articles L. 243-1 et L. 243-2 du code rural et de la pêche maritime relatives à l'art vétérinaire pour accorder aux éleveurs un exercice de plein droit de certains actes vétérinaires sur les animaux de leur propre cheptel et définir les conditions dans lesquelles certains actes peuvent être réalisés par d'autres personnes n'ayant pas la qualité de vétérinaire et, si nécessaire la liste de ces actes.
La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la prise de conscience par les éleveurs de leur rôle et de leurs responsabilités dans la sécurité des aliments, ainsi que le niveau élevé de formation de la plupart d’entre eux, les rendent aptes aujourd’hui à pratiquer en toute sécurité un certain nombre d’actes jusqu’à présent réservés aux vétérinaires.
Compte tenu du manque de vétérinaires ruraux, déjà sensible dans un certain nombre de régions françaises, les éleveurs n’ont d’ailleurs parfois d’autre choix que de pratiquer eux-mêmes certaines interventions. Cette évolution, que les vétérinaires eux-mêmes reconnaissent, doit trouver sa traduction dans le code rural, par une définition positive des droits des éleveurs et non par une simple dérogation à l’exercice illégal de l’art vétérinaire.
Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à préciser le champ de l’habilitation donnée au Gouvernement pour modifier par ordonnance les articles relatifs à l’art vétérinaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Sur l’amendement présenté par Gérard Le Cam, il est nécessaire de permettre la mise en œuvre des décisions prises dans le cadre des états généraux du sanitaire. Le ministre a rappelé fort opportunément que les conclusions de ces états généraux sont bien trop récentes pour que nous ayons eu le temps matériel de les étudier et de les inscrire dans la loi.
Le Parlement n’aime pas trop les ordonnances, mais, dans ce cas-là, il était nécessaire d’y recourir, parce que ni le Gouvernement ni la commission n’ont disposé du temps nécessaire pour préparer un texte consécutif aux accords qui ont pu intervenir entre les parties prenantes.
La certification vétérinaire, le mandat sanitaire et la possibilité pour les éleveurs de réaliser eux-mêmes certains actes de soins constituent en effet un aspect essentiel des états généraux du sanitaire. Je rappelle que cette question se caractérise par sa grande technicité.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement de M. Marsin, qui modifierait l’habilitation concernant la délégation de certains actes vétérinaires, a pour objet de préciser que l’ordonnance prévue au deuxième alinéa de cet article devrait modifier le code rural.
Cette rédaction va bien au-delà du consensus établi dans le cadre des états généraux du sanitaire, qu’il faut bien sûr examiner avec beaucoup d’attention. Par conséquent, j’estime préférable d’en rester au texte de la commission, et je demande à M. Marsin le retrait de son amendement. Autrement, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable, pour les mêmes raisons que celles qui ont été indiquées précédemment.
M. le président. Monsieur Marsin, retirez-vous votre amendement ?
M. Daniel Marsin. Non, je le maintiens, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 252, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par cet amendement, nous proposons de supprimer l’alinéa 4 de l’article 2 du projet de loi. En effet, il est prévu qu’une ordonnance devra intervenir afin d’adapter les dispositions du code rural relatives à la protection des végétaux, en ce qui concerne la mise sur le marché et les produits phytopharmaceutiques.
Nous pensons que le Parlement ne peut se dessaisir de toutes les mises en conformité de la législation nationale avec le droit communautaire. Cette partie de notre droit ne doit pas échapper aux élus nationaux.
Je voudrais enfin dire quelques mots sur la protection végétale.
Peu après l’annonce de la fusion des directions départementales de l’agriculture et de la forêt et des directions départementales de l’équipement, il a été mis fin à la mission ancienne dévolue à l’administration de conception des bulletins d’avertissement agricole, mission qui relevait des services régionaux de la protection des végétaux.
Le ministère de l’agriculture justifie sa décision en déclarant que l’avertissement agricole est davantage l’affaire de la profession agricole que du ministère, et que l’État n’a pas vocation à dire aux agriculteurs ce qu’ils doivent faire, mais doit garantir que cela a été fait.
Nous considérons au contraire qu’il est nécessaire que l’État conserve des missions préventives. Les services régionaux de protection des végétaux, ou SRPV, assuraient des missions de contrôle, d’expertise et d’appui technique, en matière phytosanitaire. Ces SRPV conduisaient sur le terrain et en laboratoire toutes investigations techniques et études épidémiologiques, modélisations, mises au point de méthode de lutte, suivis des résistances, qui permettaient d’élaborer et de diffuser les bulletins d’avertissement agricole, à la base de la protection raisonnée des cultures.
Ce sont, dans chaque région, plus d’une vingtaine d’ingénieurs, de techniciens et d’agents administratifs qui, par leur compétence et leur travail, assuraient un service public de qualité aux agriculteurs.
En confiant ces missions à la profession agricole, nous allons notamment perdre l’indépendance vis-à-vis des industriels de l’agrochimie. En effet, les agriculteurs ont pu constater sur le terrain la différence qu’il y avait entre le conseil de traitement phytothérapique délivré par la coopérative et celui du bulletin d’avertissement du SRPV.
Le premier, lié à l’activité commerciale de la coopérative, a tendance à systématiser les traitements par précaution, afin aussi, bien sûr, de vendre des produits. Le second, indépendant, donne des conseils de traitement quand le risque est avéré.
Nous tenions à vous alerter, monsieur le ministre, car la politique affichée ne saurait être réellement mise en œuvre sans le rétablissement de tels outils.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Si j’ai bien compris, c’est un amendement d’alerte, mon cher collègue.
M. Gérard Le Cam. C’est tout à fait cela !
M. Gérard César, rapporteur. Je vous rappelle que la mise en conformité du droit national avec le droit communautaire est une exigence constitutionnelle.
Compte tenu de la technicité du sujet, le recours aux ordonnances est justifié. C’est donc dans l’alinéa 4 de l’article 2 que nous proposons justement que cette ordonnance puisse prévoir un dispositif précis.
Ce n’est pas le cas avec le présent amendement. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 254, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa
La parole est à M. Gérard Le Cam, qui s’attaque à présent à l’alinéa 5 !
M. Gérard Le Cam. Nous nous attaquons à cet article en pièces détachées, mais cela ne semble guère plus efficace ! (Sourires.)
La réglementation des médicaments vétérinaires, dont il est question ici, présente différents enjeux en termes de santé publique, mais elle soulève également la question de l’application de la concurrence libre et non faussée au marché des médicaments vétérinaires.
C’est sur cette question que nous aimerions attirer l’attention de M. le ministre. En effet, les prix de vente des produits vétérinaires en France sont abusivement élevés. Si les mêmes produits provenant des mêmes laboratoires sont 60 % moins chers en Espagne, par exemple, nous sommes en droit de nous demander si les vétérinaires ne profitent pas de leur position dominante pour pratiquer des marges abusives.
Dès lors, on peut s’interroger : est-il bien opportun qu’un vétérinaire soit à la fois prescripteur et vendeur de médicaments ?
Il est temps de prendre des mesures pour trouver des solutions à ce problème, et ces mesures ne doivent pas consister à engager la responsabilité des éleveurs qui font le choix de réduire leurs coûts de production.
Le Parlement ne doit pas être dessaisi de cette question. Tel est le sens de notre amendement.
Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous apporter des éléments de réponse, alors que les prix de vente des produits agricoles s’alignent par le bas sur les cours mondiaux, contrairement aux prix de ces médicaments ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. C’est un avis défavorable, pour les raisons déjà invoquées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Guillaume. C’est de plus en plus lapidaire ! (Sourires.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 253, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L’ordonnance prévue par le présent alinéa devait initialement permettre au Gouvernement de modifier les conditions dans lesquelles certaines tâches particulières liées au contrôle phytosanitaire pouvaient être déléguées à des tiers, de définir des exigences en termes de qualité et de compétence des délégataires et de préciser les modalités des contrôles de second niveau qui seront exercés par les services de l’État.
Déjà, sur le principe, nous contestons ce recours aux ordonnances. En outre, nous redoutons particulièrement les conséquences d’une telle disposition.
En effet, au regard des enjeux en termes de sécurité sanitaire, la surveillance biologique des territoires, et donc les contrôles phytosanitaires, relèvent fondamentalement de l’intervention publique et ne peuvent à nos yeux faire l’objet d’une quelconque délégation à des tiers. Nous considérons en effet que cette externalisation de missions publiques ouvre la voie à leur privatisation.
De plus, tel qu’il était rédigé initialement, le texte du Gouvernement ne précisait nullement les caractéristiques du délégataire devant permettre de juger de sa capacité à agir au nom de l’intérêt général, même si nous savons que, dans les faits, un nombre limité d’organismes est visé.
Par ailleurs, confier à un tiers des missions publiques en laissant parallèlement à l’État le soin de contrôler la bonne exécution de ces missions ne nous apparaît pas pertinent. Nous estimons que cette complexification des procédures n’est gage ni d’efficacité ni de progrès pour les contrôles sanitaires.
Nous prenons acte de la réécriture par la commission de cette disposition qui encadre cette possibilité de délégation, en évoquant simplement la capacité des organismes à vocation sanitaire à s’organiser pour concourir aux actions de surveillance, de prévention et de lutte.
Même si l’objectif est simplement de légaliser une pratique déjà existante, nous continuons de penser qu’il s’agit de missions régaliennes, puisqu’elles touchent à la sécurité sanitaire, ne pouvant faire l’objet d’aucune délégation, sous quelque forme que ce soit.
Pour cette raison, nous vous proposons de supprimer cette disposition, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° 113, présenté par M. Botrel, Mme Herviaux, M. Guillaume, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Bourquin, Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Rebsamen, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur et Teston, Mme Bourzai et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
organisation de l'épidémiosurveillance animale et végétale
insérer les mots :
de manière à prévoir l'intervention des laboratoire publics dans le dispositif
et après les mots :
modalités de financement des actions menées contre ces dangers
insérer les mots :
et notamment la juste allocation financière permettant aux laboratoires publics de mener leur mission en toute indépendance
La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. À l’heure où les épizooties se multiplient, les analyses sanitaires doivent être menées en toute indépendance, sans interférences avec des intérêts particuliers ou financiers.
À cet égard, des laboratoires privés, liés à de grands groupes pouvant avoir un intérêt dans le résultat des analyses, ne sauraient être considérés comme indépendants.
Les contrôles effectués par des tiers peuvent présenter des risques quant à la fiabilité des conclusions des analyses, particulièrement lorsqu’il s’agit de contrôles épidémiologiques. Un laboratoire doit être d’une indépendance reconnue à tous égards. Si des garde-fous ne sont pas mis en place, rien ne garantit la fiabilité des analyses. Des intérêts particuliers peuvent prévaloir et fausser la sincérité du résultat. C’est un risque grave.
La situation des laboratoires publics n’est pourtant pas favorable. Une juste allocation financière leur permettant de mener à bien leurs missions de service public serait nécessaire. Ce secteur public d’excellence doit être encouragé par l’État. Sans cela, son avenir semble compromis dans certains domaines, malgré les compétences des personnels.
La force des laboratoires publics est leur indépendance et, à ce titre, prévoir leur intervention dans le dispositif de contrôle sanitaire, ainsi que dans l’épidémiosurveillance animale et végétale, apparaît comme une évidence.
Les laboratoires publics ont également l’avantage de la disponibilité : en cas de crise sanitaire, leurs personnels qualifiés sont mobilisables à tout moment. De leur côté, les laboratoires privés n’ont pas ces contraintes, qui augmentent les coûts de fonctionnement.
Il serait souhaitable de revenir à un équilibre plus satisfaisant, au profit des laboratoires publics. Cet amendement vise à garantir l’indépendance des analyses et du contrôle sanitaire, en les confiant aux laboratoires publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 253.
En effet, l’ordonnance relative à l’organisation de l’épidémiosurveillance et de la prévention contre les maladies animales et végétales nous semble fondamentale pour que nous puissions continuer à disposer d’un réseau efficace et performant.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 113, parce que l’on ne peut pas donner la préférence aux laboratoires publics. La situation est très variable selon les départements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis est également défavorable sur ces deux amendements.
Je souligne à nouveau que les états généraux du sanitaire ont réalisé un travail sérieux et rigoureux, qui oblige le Gouvernement. Ce dernier ne compte pas imposer ses vues aux scientifiques, aux éleveurs, aux vétérinaires et aux responsables qui ont conduit cette réflexion. Il reprendra au contraire les conclusions de celle-ci dans l’ordonnance.
Des sujets importants, comme celui des écarts de prix qui peuvent exister entre différentes possibilités de vaccination, notamment entre la France et l’Espagne, seront également traités dans ce cadre.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote sur l’amendement n° 113.
M. Yannick Botrel. Il est vrai, monsieur le rapporteur, que la situation des laboratoires publics est incontestablement très différente d’une région à l’autre et d’un département à l’autre.
Il se trouve que je suis élu d’une région où les laboratoires publics ont joué, jusqu’à présent, un rôle de premier plan dans le soutien à l’élevage et à l’industrie agroalimentaire. Ils constituent indéniablement des pôles de référence.
Auparavant, ces laboratoires publics se voyaient confier un certain nombre d’analyses par les services de l’État, avec lesquels existaient des relations de confiance, mais une partie de ces commandes publiques leur échappe désormais. Par exemple, les analyses d’eau font l’objet d’une mise en concurrence, et les laboratoires publics ne les réalisent plus, sauf à s’aligner sur les prix de laboratoires privés pratiquant en grandes séries.
Mais, parallèlement, on leur demande aussi parfois de maintenir en état des équipements de veille sanitaire, des laboratoires sophistiqués de type P3, par exemple, et d’être capables de répondre, le cas échéant, à des situations de crise, comme ce fut le cas en 2001 avec l’épidémie d’encéphalopathie spongiforme bovine : eux seuls étaient alors en mesure d’intervenir durant les fêtes de fin d’année.
Tout concourt donc à fragiliser la situation financière des laboratoires publics. Une vingtaine d’entre eux ont disparu en l’espace d’une année : le mouvement est enclenché, et j’aimerais donc que le Gouvernement nous dise quelle est sa conception des missions de service public dans le domaine des expertises sanitaires. Il est trop facile de prôner le recours au secteur privé tout en demandant aux laboratoires publics de maintenir leurs équipements en état de fonctionnement pour parer à toute éventualité.
À défaut de continuer comme par le passé, il convient de reconnaître le rôle des laboratoires publics autrement que par des paroles d’estime, en leur attribuant des crédits suffisants.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 49 rectifié quater, présenté par M. Pointereau, Mme Sittler, M. Beaumont, Mme Lamure et MM. A. Dupont, Cornu, Houel, Billard, Pinton et Mayet, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article L. 112-2 du code de la consommation, il est inséré un article L. 112-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 112-2-1. - Tout produit qui contient un produit bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée peut être présenté, y compris dans la liste des ingrédients, avec la mention du nom de l'appellation concernée sous réserve du respect des conditions suivantes :
« - le produit ne contient aucun autre produit de même nature que le produit d'appellation d'origine contrôlée,
« - la mention ne risque pas de détourner ou d'affaiblir la notoriété de l'appellation concernée,
« - l'utilisation de la mention et ses modalités éventuelles ont été autorisées par l'organisme de défense et de gestion chargé de la protection de l'appellation concernée.
« Dans le cas où l'utilisation de la mention n'est pas autorisée, le produit d'appellation d'origine contrôlée contenu dans le produit ne peut être présenté que sous sa dénomination générique ou sous une désignation descriptive excluant le nom de l'appellation d'origine contrôlée.
« Un décret fixe les conditions d'application de ces dispositions, et notamment les modalités de sollicitation et de délivrance de l'autorisation mentionnée à l'alinéa précédent. »
II. - Après le 6° de l'article L. 115-16 du même code, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° de mentionner, dans un produit, la présence d'un produit désigné sous le nom d'une appellation d'origine contrôlée dans des conditions non conformes aux dispositions de l'article L. 112-2-1. »
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. L’objet de cet amendement est d’encadrer certaines pratiques qui se développent sans aucun contrôle, consistant à incorporer dans la composition d’un produit, fût-ce en très faible quantité, un ingrédient AOC – vin, fromage, champagne, cognac, etc.
En effet, la réglementation en vigueur ne comporte aucune restriction quant à la mention, dans l'étiquetage, d’un tel ingrédient. Or, bien souvent, la présence d’un ingrédient AOC n’est qu’un argument commercial, car ses qualités spécifiques ne sont plus perceptibles dans le produit auquel il a été incorporé.
Ces pratiques sont illégitimes en ce qu'elles permettent à des fabricants de profiter indûment de la notoriété attachée à une appellation d'origine contrôlée. Elles peuvent aussi se révéler préjudiciables, par une dilution du caractère attractif de l'appellation qui entraîne une banalisation insidieuse, ruinant les efforts et les investissements des producteurs.
Afin de protéger la notoriété des appellations, d'éviter qu'elles ne soient détournées ou affaiblies, le présent amendement tend à encadrer la mention d'un ingrédient AOC entrant dans la composition d'un produit, car il s’agit d’une forme de publicité mensongère.
M. le président. Les amendements nos 442 et 452 sont identiques.
L'amendement n° 442 est présenté par M. Patriat, Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 452 est présenté par Mme Férat, M. Détraigne, Mmes N. Goulet, Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article L. 112-2 du code de la consommation, il est inséré un article L. 112-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 112-2-1. - Tout produit qui contient un produit bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée peut être présenté, y compris dans la liste des ingrédients, avec la mention du nom de l'appellation concernée sous réserve du respect des conditions suivantes :
« - le produit ne contient aucun autre produit de même nature que le produit d'appellation d'origine contrôlée,
« - la mention ne risque pas de détourner ou d'affaiblir la notoriété de l'appellation concernée,
« - l'utilisation de la mention et ses modalités éventuelles ont été autorisées par l'organisme chargé de la protection de l'appellation concernée.
« Dans le cas où l'utilisation de la mention n'est pas autorisée, le produit d'appellation d'origine contrôlée contenu dans le produit ne peut être présenté que sous sa dénomination générique, ou sous une désignation descriptive excluant le nom de l'appellation d'origine contrôlée.
« Un décret fixe les conditions d'application de ces dispositions, et notamment les modalités de sollicitation et de délivrance de l'autorisation mentionnée à l'alinéa précédent. »
II. - Après le 6° de l'article L. 115-16 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° De mentionner, dans un produit, la présence d'un produit désigné sous le nom d'une appellation d'origine contrôlée dans des conditions non conformes aux dispositions de l'article L. 112-2-1. »
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 442.
M. Roland Courteau. Cet amendement, auquel François Patriat et Patricia Schillinger sont particulièrement attachés, a lui aussi pour objet d’encadrer la mention d’un ingrédient AOC entrant dans la composition d’un produit.
Les pratiques consistant à incorporer dans la composition d'un produit un ingrédient AOC – vin, fromage, champagne, huile d’olive… – se développent sans aucun contrôle. En effet, la réglementation en vigueur ne comporte aucune restriction quant à la mention, dans l’étiquetage, d'un tel ingrédient, dont les qualités spécifiques ne sont pourtant en général plus perceptibles dans le produit auquel il a été incorporé.
Ces pratiques sont illégitimes en ce qu'elles permettent à des fabricants de s'approprier indûment la notoriété attachée à une appellation d'origine contrôlée.
Afin de remédier à cette situation et de protéger la notoriété des appellations d’origine contrôlée, le présent amendement tend à encadrer la mention d'un ingrédient AOC entrant dans la composition d'un produit.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour présenter l’amendement n° 452.
Mme Françoise Férat. Mes collègues ont déjà brillamment défendu cet amendement !
Monsieur le ministre, un dispositif similaire a déjà été adopté par l’Espagne et l’Italie pour protéger leurs appellations contrôlées. Pourquoi la France, pays où les AOC sont les plus nombreuses, les plus connues, les plus prestigieuses, ferait-elle moins bien que ses voisins pour les défendre ?
Alors qu’un producteur est soumis au respect de règles nombreuses et rigoureuses avant d’être autorisé à mentionner l’AOC sur son étiquetage, tout fabricant qui ajoute quelques gouttes, quelques grammes, quelques miettes d’un ingrédient AOC, la plupart du temps indétectable à l’analyse et à la dégustation, dans la composition de son produit peut mentionner sans aucune restriction le nom de cette appellation sur l’étiquette.
Cette situation paradoxale et tout à fait inacceptable nécessite sans doute l’intervention du législateur, d’où le dépôt de cet amendement. J’ai appris hier qu’un fabricant de shampooing faisait figurer le mot « champagne » dans le nom de son produit !
Mme Nathalie Goulet. « Calvados », cela ne faisait pas sérieux ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. À Bordeaux, nous avons le même problème ! (Nouveaux sourires.)
Les produits élaborés qui ne peuvent se prévaloir d’une appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique protégée peuvent cependant contenir des produits bénéficiant d’un tel label, qui est souvent mis en avant pour des raisons commerciales. Or, l’utilisation massive des produits AOP en tant qu’ingrédients peut nuire à leur réputation.
Ces trois amendements ne sont vraisemblablement pas compatibles avec les règles communautaires, mais l’ancien ministre des affaires européennes qu’est M. Le Maire nous donnera tout à l’heure son point de vue sur ce sujet…
En revanche, l’article L. 214-1 du code de la consommation prévoit qu’un décret en Conseil d’État devra intervenir pour réglementer la présentation des denrées alimentaires comprenant un produit sous AOC.
Mes chers collègues, le problème que vous soulevez devrait donc pouvoir être résolu par voie réglementaire. La commission vous demande de bien vouloir retirer vos amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable, en attendant d’entendre celui du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je croyais que le shampooing au champagne n’existait qu’au festival de Cannes ou à Saint-Tropez ! (Sourires.) J’ai donc appris quelque chose !
Je partage totalement les préoccupations manifestées par les auteurs des amendements nos 49 rectifié quater, 442 et 452. Il est hors de question que l’on puisse tromper le consommateur en invoquant de manière fallacieuse des appellations AOP, AOC ou IGP.
Cela étant, comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, nous sommes soumis, en matière d’étiquetage, au droit communautaire. Nous ne pouvons donc pas agir par la voie législative.
J’indique aux auteurs des amendements que j’enverrai dès mardi prochain à la Commission européenne, pour notification, le projet de décret que mes services ont préparé avec ceux de M. Novelli. Si, comme c’est probable, nous obtenons une réponse favorable, nous pourrons, par voie réglementaire, mettre en place un dispositif qui répond très exactement à leur préoccupation.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je vous donne lecture de ce projet de décret tel qu’il est rédigé aujourd’hui :
« Le nom du produit bénéficiant d’une AOP ou d’une IGP peut figurer dans l’étiquetage, la publicité ou la présentation d’un produit élaboré si aucun autre ingrédient comparable n’a été mis en œuvre. On entend par ingrédient comparable tout produit alimentaire substituable totalement ou partiellement à l’ingrédient bénéficiant d’une origine protégée qui a été mis en œuvre. Lorsqu’ont été mis en œuvre dans un produit élaboré des ingrédients comparables à un produit bénéficiant d’une AOP ou d’une IGP, le nom de celui-ci ne peut figurer que dans la liste des ingrédients. »
Cette rédaction permet de bien distinguer les choses, de protéger le consommateur et de mettre en place le même type de réglementation qu’en Italie ou en Espagne.
Sur la base de cet engagement du Gouvernement, je demande à mon tour le retrait des trois amendements.
M. le président. Monsieur Pointereau, l’amendement n° 49 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Rémy Pointereau. Je pensais que l’unanimité qui se manifeste dans l’hémicycle sur ce sujet nous vaudrait des avis favorables. Toutefois, dans la mesure où ce projet de décret semble répondre à nos préoccupations, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié quater est retiré.
Monsieur Courteau, l'amendement n° 442 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 442 est retiré.
Madame Férat, l'amendement n° 452 est-il maintenu ?
Mme Françoise Férat. Non, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 452 est retiré.
L'amendement n° 596, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le I de l'article 2 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les associations de protection de la nature et de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement ont vocation à être représentées au sein des commissions ainsi que dans les comités professionnels ou organismes de toute nature investis d'une mission de service public, ou assurant la gestion de fonds publics ou assimilés, où siègent des représentants des exploitants agricoles.
« La présente disposition n'est pas applicable aux organisations interprofessionnelles. »
II. - Au II du même article, l'année : « 2000 » est remplacée par l'année : « 2011 ».
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 596, 600 et 599, car ils portent globalement sur la même problématique.
M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 600 et 599.
L'amendement n° 600, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 141-6 du code rural et de la pêche maritime est complétée par les mots : « et la présence d'un collège d'associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement ».
L'amendement n° 599, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 511-7 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 511-7-1. - Sont associés aux chambres départementales d'agriculture, des représentants de l'État, des collectivités territoriales, des propriétaires fonciers et des associations de protection de la nature et de l'environnement. »
Veuillez poursuivre, monsieur Muller.
M. Jacques Muller. L’amendement n° 596 a pour objet d'intégrer systématiquement les associations de protection de la nature et de l'environnement agréées dans les instances de concertation sur les questions agricoles.
En effet, de plus en plus, l'avenir de l'agriculture passera par une implication plus forte de l'ensemble de la société dans l'élaboration de la politique agricole et alimentaire. Seul un renforcement des liens entre le monde agricole et le reste de la société permettra de garantir la légitimité des soutiens publics à l'agriculture et la préservation de l'activité agricole face à d'autres enjeux : je pense notamment à la menace de l'urbanisation.
Aux termes de l’'article 7 de la Charte de l'environnement, « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».
Par ailleurs, l'article 49 de la loi dite « Grenelle I » énonce le principe général de modification de la gouvernance des instances ayant compétence sur des questions environnementales, en prévoyant qu'elles « associeront, dans le cadre d'une gouvernance concertée, les parties prenantes au Grenelle de l'environnement et auront une approche multidisciplinaire ».
Ce principe peut se décliner dans plusieurs domaines concernant l’agriculture. C'est pourquoi cet amendement vise à réformer la gouvernance en matière d'agriculture, pour une meilleure intégration de la société civile dans le débat agricole.
L’amendement n °600 concerne quant à lui les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER, tandis que l’amendement n° 599 a trait aux chambres départementales d’agriculture.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. L’amendement n° 596 vise à mettre sur le même plan associations de protection de la nature et de l’environnement et représentants des exploitants agricoles pour siéger dans les organismes touchant à l’agriculture.
Cette proposition me paraît excessive, mon cher collègue, d’autant que les agriculteurs ne siègent pas systématiquement dans tous les organismes intervenant en matière d’environnement. La commission émet un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 600, s’agissant de la composition des conseils d’administration des SAFER, la loi dispose seulement qu’un tiers des membres de ceux-ci au moins doivent être des représentants des collectivités. Je ne vois pas pourquoi il faudrait prévoir dans la loi la présence en leur sein de représentants des associations de protection de l’environnement, et non, par exemple, celle de représentants des professions agricoles. Il me paraît préférable de laisser chaque SAFER organiser elle-même sa gouvernance, dans le cadre fixé par la loi et le règlement. La commission émet un avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 599, l’article R. 511-7 du code rural prévoit déjà que les chambres d’agriculture peuvent désigner huit membres associés, qui participent aux sessions avec voix consultative. Il est donc d’ores et déjà possible à des personnalités qualifiées ayant une activité en relation avec la profession agricole de siéger au sein des chambres d’agriculture. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Ces amendements posent, me semble-t-il, de vraies questions, que l’on ne peut écarter aussi facilement.
Je rappelle que des représentants de l’État, du monde syndical, tant ouvrier que patronal, du monde agricole et des associations de protection de l’environnement étaient associés dans la gouvernance du Grenelle de l’environnement et que cela a donné d’excellents résultats.
Il me semblerait donc souhaitable que cette forme de gouvernance soit élargie. Par exemple, les SAFER ont aujourd’hui la possibilité d’intervenir pour préserver des zones humides en achetant des terrains. Cela signifie que le rôle des SAFER n’est plus seulement d’acheter et de revendre des terres agricoles : elles sont désormais des acteurs de la protection de l’environnement. Ne serait-il pas normal, dans ces conditions, que les mouvements associatifs puissent participer, dans un esprit constructif, à leur gouvernance ?
Il est peut-être temps d’en finir avec l’image des intégristes écolos, des « khmers écolos », qui s’opposeraient à tout développement. Nous sommes aujourd’hui passés à l’âge adulte, grâce à l’expérience du Grenelle I et du Grenelle II.
Dans cette perspective, les amendements présentés par nos collègues sont, me semble-t-il, tout à fait intéressants, et méritent d’être l’objet d’une réflexion approfondie de la part du Gouvernement
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Je pense moi aussi que ces amendements méritent réflexion.
Cependant, au sein des chambres d’agriculture siègent des représentants élus, qui sont aussi des représentants de la société civile, laquelle ne se compose pas seulement des associations de défense de l’environnement. Étant moi-même élue, je suis trop respectueuse du suffrage pour ne pas être quelque peu réservée sur ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voulais faire les mêmes observations, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 601, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 214-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 214-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 214-1-1. - Il est créé un comité national du bien-être animal. Il est composé, de représentants de l’État, des collectivités territoriales, des syndicats de salariés des professions concernées, du patronat des professions concernées, des associations de protection de la nature et de l’environnement, des associations de protection des animaux, des associations de consommateurs et de personnalités qualifiées en raison de leur expertise dans le domaine du bien-être animal.
« Il a pour mission de faire des propositions visant à améliorer la protection et le bien-être des animaux. Il fournit un rapport annuel au Gouvernement sur l’état du bien-être animal assorti de propositions pour l’améliorer. Le Gouvernement tient compte de ces avis dans l’élaboration des politiques concernées. »
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Cet amendement vise à la création d’un comité national chargé de veiller à la prise en compte du bien-être animal dans les politiques publiques.
Il serait constitué d’experts et fournirait des avis au Gouvernement, à l’instar du Farm Animal Welfare Council, instance indépendante de conseil installée par le gouvernement britannique en 1979.
Sur des questions relatives au bien-être animal, telles que la douleur, ce conseil pourrait avoir pour mission de réfléchir, de former, de sensibiliser aux bonnes pratiques, d’élaborer des solutions quant à la prise en charge des coûts induits, de faire évoluer la réglementation pour rendre obligatoires certaines pratiques et en interdire d’autres. En bref, sa mission serait d’améliorer les conditions d’élevage, ainsi que de veiller à la qualité et à l’indépendance du conseil fourni aux éleveurs en matière de choix de système, de bâtiments d’élevage et de pratiques. Son action permettrait aussi d’orienter les collectivités dans leurs choix en matière de soutien aux élevages et aux filières régionales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. La création d’un organisme consultatif relève du règlement, et non de dispositions législatives. L’avis est donc défavorable. Créer un comité national du bien-être animal, ce serait d’ailleurs peut-être aller un peu loin !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Muller, il existe déjà un comité consultatif de la santé et de la protection animales, placé auprès du ministre de l’agriculture, qui peut être consulté sur l’ensemble des questions ayant trait au bien-être animal. Sa composition est ouverte à tous les représentants des organisations professionnelles et des associations de protection animale. Nous avons organisé voilà quelques mois des rencontres « animal et société » pour examiner l’ensemble des questions qui touchent au bien-être animal. Nous avons mis en place une commission qui se réunit régulièrement depuis lors.
Je vous propose donc, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement, car le dispositif existant répond à votre préoccupation. Je ne vous cache pas non plus que les associations de défense du bien-être animal sont particulièrement actives…
M. le président. Monsieur Muller, l’amendement n° 601 est-il maintenu ?
M. Jacques Muller. M. le ministre a compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel et m’a apporté les réponses que j’attendais. Je retire donc cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 601 est retiré.
L’amendement n° 597, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Le Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire participe à la définition, à la coordination, à la mise en œuvre et à l’évaluation de la politique d’orientation des productions et d’organisation des marchés.
« Il est composé à part égale de cinq collèges représentant :
« - l’État ;
« - les collectivités territoriales ;
« - les syndicats de salariés ;
« - le patronat ;
« - les associations de protection de l’environnement et de consommateurs. »
La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 598, qui relève de la même philosophie.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 598, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, qui est ainsi libellé :
Après l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 3 du code forestier est ainsi rédigé :
« Le Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois est composé à part égale de cinq collèges représentant l’État, les collectivités territoriales, les syndicats de salariés, le patronat et les associations de protection de l’environnement. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jacques Muller. Ces deux amendements ont pour objet de modifier respectivement la composition du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire et celle du Conseil supérieur de la forêt, des produits forestiers et de la transformation du bois, selon le principe des cinq collèges du Grenelle de l’environnement. Ce mode d’organisation a bien fonctionné dans ce cadre, et il convient donc de l’étendre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. M. Muller propose de modifier la composition du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, le CSO, en l’organisant selon cinq collèges, conformément aux orientations du Grenelle de l’environnement.
Malheureusement, l’adoption de l’amendement n° 597 entraînerait la suppression des dispositions de l’article L. 611-1 du code rural et de la pêche maritime prévoyant les attributions du CSO. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 598
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.
Je précise une fois encore que le CSO réunit déjà l’ensemble des parties prenantes que M. Muller souhaite voir représentées.
M. Jacques Muller. Je retire les deux amendements.
M. le président. Les amendements nos 597 et 598 sont retirés.
TITRE II
RENFORCER LA COMPÉTITIVITÉ DE L’AGRICULTURE FRANÇAISE
M. le président. L’amendement n° 132, présenté par Mmes Nicoux et Herviaux, MM. Guillaume, Botrel, Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l’intitulé de ce titre :
Assurer un revenu équitable à la population agricole française
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. Le titre II du projet de loi met l’accent sur la recherche et le renforcement de la compétitivité de l’agriculture française.
Le présent amendement vise à rédiger l’intitulé de ce titre de manière à souligner que l’un des objectifs prioritaires de la politique française en matière d’agriculture est d’assurer un revenu équitable à la population active agricole.
En effet, au regard du projet de loi, il semble évident que le Gouvernement n’aborde la question de l’avenir de l’agriculture que du point de vue de la fonction économique de celle-ci. Ce sont davantage les notions de marché et de concurrence qui sont au cœur du texte que celles de valorisation de la qualité, de reconnaissance du travail réalisé par les agriculteurs pour l’entretien de nos paysages et de nos espaces ruraux ou au bénéfice de la vitalité de nos territoires.
Pourtant, chacun s’accorde à reconnaître que ce texte doit permettre aux agriculteurs de tirer de leur travail un revenu décent. Il est donc indispensable d’y inscrire cet objectif.
La crise agricole que nous traversons actuellement impose de repenser notre approche politique de l’agriculture. Nous pourrions, dans cette perspective, nous inspirer de deux exemples.
Tout d’abord, le commerce équitable permet, grâce à un comportement vertueux des distributeurs, d’assurer un juste revenu aux agriculteurs du Sud. Pourquoi ne pas appliquer cette démarche au profit de nos agriculteurs, afin de leur permettre de tirer un revenu décent de leur activité ?
L’objectif visé, au travers des contrats, est bien de sécuriser le revenu des agriculteurs. Aussi ne peut-on, à notre avis, vouloir renforcer sans fin une compétitivité fondée uniquement sur les prix et ne tenant pas compte du rôle joué par le monde agricole en matière tant d’aménagement rural que de maintien du tissu social ou de préservation de notre environnement. Ce que font les consommateurs en choisissant d’acheter plus cher un produit pour soutenir l’activité des agriculteurs du Sud, ne peuvent-ils le faire au bénéfice des producteurs français ?
Le second exemple que je voudrais évoquer est celui du tourisme équitable, qui consiste à assurer aux communautés locales une part équitable des revenus issus de l’activité touristique et de concilier celle-ci avec leur développement durable.
Dans le même esprit, il faut se diriger vers une agriculture équitable !
J’entends par là que les prix doivent au moins couvrir les coûts de production, rémunération du travail comprise, que le revenu doit être à la hauteur des efforts réalisés par les agriculteurs en termes de qualité et de respect de l’environnement. Nous ne pouvons plus tolérer que des exploitants vendent à perte ! Il faut donc rééquilibrer les relations entre producteurs, transformateurs et distributeurs, qui doivent être désormais placés sur un pied d’égalité.
Il convient aussi d’instituer une répartition équilibrée de la valeur ajoutée dans la chaîne de commercialisation alimentaire. Nous devons mettre en place un cadre permettant de contrôler l’évolution des prix alimentaires tout au long du processus de production et de vente afin de pouvoir, le cas échéant, sanctionner toute forme de distorsion.
C’est dans cet esprit qu’il faut développer aujourd’hui l’agriculture française, pour qu’elle soit « mieux disante », et non pas forcément « moins disante ». C’est pourquoi renforcer la compétitivité ne nous semble pas approprié, car ce serait en rester à des considérations purement productivistes ne tenant pas compte des hommes. Les aliments ne sont pas des biens de consommation comme les autres. De ce fait, les exploitations qui les produisent doivent être considérées différemment des autres entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Nous partageons l’objectif que la politique agricole assure un revenu décent aux agriculteurs. À défaut, les exploitants cesseront leur activité.
Toutefois, l’objet de cette loi est non pas de proclamer ce principe, mais de mettre en place les moyens de l’appliquer. Or, comme je l’indiquais durant la discussion générale, il est illusoire de négliger la notion de compétitivité. La commission a donc émis un avis défavorable sur le présent amendement, qui vise précisément à supprimer ce mot de l’intitulé du titre II.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Nous souscrivons bien entendu à l’objectif d’assurer aux exploitants un revenu juste, qui permette de couvrir les coûts de production ; c’est même l’objet premier de ce texte. Toutefois, pour l’atteindre, il faut répondre à un certain nombre de questions essentielles qui se posent aujourd’hui à l’agriculture française, notamment celle de la compétitivité.
Il suffit de discuter avec des exploitants agricoles pour constater que l’une de leurs craintes majeures est la perte de compétitivité, surtout à l’égard de pays de l’Union européenne, en particulier l’Allemagne. La principale préoccupation des producteurs de fruits et légumes est de savoir comment parvenir à un coût de production à peu près comparable à celui des Allemands, comment réduire l’écart de compétitivité lié au prix des produits phytosanitaires ou à la structure salariale. Il est donc légitime qu’un titre complet du projet de loi soit consacré au renforcement de la compétitivité.
Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, j’ajoute que compétitivité ne veut pas dire productivisme. J’insiste vraiment sur ce point, qui a donné lieu à des discussions tout à fait intéressantes en commission : une exploitation de taille moyenne ou petite peut être compétitive. Renforcer la compétitivité suppose de tendre vers le développement durable, notamment par une réduction de la consommation d’énergie, ce qui n’est pas synonyme de productivisme.
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. La difficulté du débat provient de ce qu’une bonne part du revenu de certains agriculteurs est constituée de subventions : comment, dès lors, évaluer la compétitivité ?
« La Commission européenne a montré que 50 % des aides directes allaient à 7 % des récipiendaires. En France, les concours publics les plus élevés concernent les exploitations de grandes cultures où ils dépassent souvent 20 000 euros par actif (contre 11 600 euros en moyenne) alors qu’ils sont inférieurs à 5 000 euros dans les départements viticoles ou producteurs de fruits et légumes. Enfin, il ne peut pas être passé sous silence qu’en Europe 15 000 agriculteurs reçoivent des contribuables des aides de plus de 100 000 euros par an. »
Cette citation est tirée d’un rapport de l’institut Montaigne, qui ne passe pas pour être de gauche ! Comment calculer la compétitivité de l’agriculture quand les aides sont réparties d’une façon aussi inégalitaire et occupent une place décisive dans le revenu des agriculteurs ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 132.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Articles additionnels avant l’article 3
M. le président. L’amendement n° 133, présenté par Mme Herviaux, MM. Guillaume et Botrel, Mme Nicoux, MM. Andreoni, Antoinette et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. Bourquin, Mme Bourzai, MM. Chastan, Courteau, Daunis, Gillot, Fauconnier, S. Larcher, Lise, Madec, Marc, Mazuir, Mirassou, Muller, Navarro, Pastor, Patient, Patriat, Rainaud, Raoul, Raoult, Repentin et Ries, Mme Schillinger, MM. Sueur, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l’article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 311-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 311-1 A. - I. - La politique agricole prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l’agriculture et participe à l’aménagement du territoire, en vue d’un développement durable. Dans le respect des principes et règles de la politique agricole commune et notamment du principe de préférence communautaire, elle a pour objectifs :
« - l’installation en agriculture, notamment des jeunes, la pérennité des exploitations agricoles, leur transmission, et le développement de l’emploi dans l’agriculture, dont le caractère familial doit être préservé, dans l’ensemble des régions françaises en fonction de leurs spécificités ;
« - l’amélioration des conditions de production, du revenu et du niveau de vie des agriculteurs ainsi que le renforcement de la protection sociale des agriculteurs tendant à la parité avec le régime général ;
« - la revalorisation progressive et la garantie de retraites minimum aux agriculteurs en fonction de la durée de leur activité ;
« - la production de biens agricoles, alimentaires et non alimentaires de qualité et diversifiés, répondant aux besoins des marchés nationaux, communautaires et internationaux, satisfaisant aux conditions de sécurité sanitaire ainsi qu’aux besoins des industries et des activités agroalimentaires et aux exigences des consommateurs et contribuant à la sécurité alimentaire mondiale ;
« - le développement de l’aide alimentaire et la lutte contre la faim dans le monde, dans le respect des agricultures et des économies des pays en développement ;
« - le maintien de la capacité exportatrice agricole et agroalimentaire de la France vers l’Europe et les marchés solvables en s’appuyant sur des entreprises dynamiques ;
« - le renforcement de l’organisation économique des marchés, des producteurs et des filières dans le souci d’une répartition équitable de la valorisation des produits alimentaires entre les agriculteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation ;
« - la valorisation des terroirs par des systèmes de production adaptés à leurs potentialités et des modes de commercialisation courts ;
« - le maintien de conditions favorables à l’exercice de l’activité agricole dans les zones de montagne conformément aux dispositions de l’article L. 113-1 ;
« - la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité, et l’entretien des paysages ;
« - l’entretien des cours d’eau et la prévention des inondations et de l’érosion des sols ;
« - la poursuite d’actions d’intérêt général au profit de tous les usagers de l’espace rural ;
« - la promotion et le renforcement d’une politique de la qualité et de l’identification de produits agricoles ;
« - le renforcement de la recherche agronomique et vétérinaire dans le respect des animaux et de leur santé ;
« - le développement équilibré des zones rurales.
« La politique agricole prend en compte les situations spécifiques à chaque région, notamment aux zones de montagne, aux zones humides précisément délimitées dont les particularités nécessitent la mise en place d’une politique agricole spécifique, aux zones défavorisées et aux départements d’outre-mer, pour déterminer l’importance des moyens à mettre en œuvre pour parvenir à ces objectifs. La politique forestière participe de la politique agricole dont elle fait partie intégrante.
« La politique agricole est mise en œuvre en concertation avec les organisations professionnelles représentatives et avec les collectivités territoriales en tant que de besoin. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Avant d’aborder le contenu du titre II, il est primordial, selon nous, de définir les objectifs de la politique agricole française.
Nous avons beaucoup discuté, lors de l’examen du titre Ier, de la définition de la politique de l’alimentation. Mais cette politique ne fait pas tout ! Nous en convenons, l’orientation de la politique agricole vers l’alimentation permet de lui donner une nouvelle légitimité. Cependant, elle ne doit pas se résumer à une seule politique alimentaire. Sinon, nous risquons de perdre de vue l’importance du maintien d’un maillage agricole de nos territoires, de la relocalisation des productions et du renouvellement des générations d’agriculteurs, gages du développement local et de la vitalité des zones rurales et des zones en difficulté, dans lesquelles l’activité agricole est bien souvent la dernière source d’emplois.
Nous risquons également d’oublier l’importance des modes de production durable, de la traçabilité et de la qualité des produits agricoles, de la préservation des ressources naturelles, de la biodiversité et de l’entretien des paysages chers aux consommateurs.
Nous risquons enfin de reléguer au second plan les conditions de production, le revenu et le niveau de vie des agriculteurs, qui sont, il faut le souligner une nouvelle fois, le premier maillon de la chaîne, sans lequel il ne peut y avoir de politique de l’alimentation ambitieuse.
Nous proposons donc de réaffirmer que la politique agricole doit prendre en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l’agriculture.
Sans doute nous objectera-t-on que les dernières lois d’orientation agricole, notamment celle de 1999, ont déjà défini les objectifs de la politique agricole. Mais, entre-temps, il y a eu la loi d’orientation d’agricole de janvier 2006, dont l’objectif affiché était de faire des exploitations agricoles des entreprises comme les autres. Cette dernière loi a d’ailleurs tellement porté ses fruits que toutes les filières agricoles sont aujourd’hui en crise et que nous devons légiférer de nouveau afin de répondre à la situation…
Nous tenons à réaffirmer ici que les exploitations agricoles ne sont pas des entreprises comme les autres et que les denrées alimentaires ne sont pas des marchandises comme les autres.
En fait, nous demandons aux agriculteurs beaucoup plus qu’un simple acte de production ; nous leur demandons d’assurer notre sécurité alimentaire, de nous fournir des produits sûrs et sains, d’aménager l’espace, de préserver les prairies, de débroussailler les sous-bois pour prévenir les incendies de forêt, etc. La politique agricole devrait donc aussi permettre d’assurer aux agriculteurs une rémunération pour tous ces services rendus à la société.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement reprend des dispositions toujours en vigueur de l’article 1er de la loi d’orientation agricole de 1999. Je ne vois pas l’intérêt de les inscrire une deuxième fois dans la loi. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Sur la recommandation du rapporteur et du président de la commission, je me suis penché sur la loi d’orientation agricole de 1999. Même si ma famille politique n’est pas à l’origine de ce texte, ses orientations me conviennent très bien…
M. Paul Raoult. Votre réflexion a évolué depuis ! (Sourires.)
M. Bruno Le Maire, ministre. Je ne vois pas, moi non plus, la nécessité d’inscrire de nouveau les dispositions en question dans la loi. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 31 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mme Henneron et MM. Vasselle, Beaumont, Pierre, Doublet, Laurent, Bécot et Bailly, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2011, le financement de la couverture sociale des professionnels, chefs d'entreprises et des salariés travaillant dans les secteurs de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture sera assuré par la perception d'une taxe prélevée sur le chiffre d'affaires des structures de vente de produits alimentaires vendus sur le territoire national. Le taux de cette taxe sera fixé chaque année par le Parlement lors du vote du budget de la Sécurité sociale.
La parole est à M. Jackie Pierre.
M. Jackie Pierre. La situation financière particulièrement préoccupante des professionnels de la pêche et de la plupart des exploitations agricoles, quel que soit le domaine de production, nécessite que soit organisée une réduction drastique des charges qui pèsent sur chacune des exploitations et entreprises.
Par-delà la baisse très importante des revenus, la diminution régulière du nombre des exploitants agricoles et des pêcheurs rend insupportable, pour ceux-ci, le financement des pensions de retraite de leurs aînés, ce qui justifie l'intervention de la solidarité nationale.
Par le présent amendement, il est proposé que la couverture de l'ensemble des charges sociales et prestations soit assurée grâce à la création d’une nouvelle taxe sur l'ensemble des produits alimentaires vendus sur le territoire national.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. En reportant les charges sur la consommation, nous pourrions obtenir des gains de compétitivité.
Je souligne toutefois que les cotisations sociales ne représentent que 20 % des recettes de la protection sociale agricole, le reste étant constitué de transferts en provenance d’autres régimes et de fiscalité affectée.
La commission ne saurait se prononcer favorablement sur cet amendement, en raison de l’importance de ses implications. Tout en reconnaissant qu’il soulève une question de fond que l’on ne peut éluder, elle demande son retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. L’avis du Gouvernement est très défavorable. En effet, je ne crois pas opportun de créer une nouvelle taxe sur la consommation.
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, convenez que la situation financière de la Mutualité sociale agricole est dramatique ! Sa dette s’élève actuellement à quelque 8 milliards d’euros et elle ne cesse d’augmenter. La MSA se borne à acquitter les intérêts, sans jamais commencer à rembourser le capital. Cela ne peut pas durer éternellement !
Aucun gouvernement, de droite comme de gauche, n’a jamais eu le courage politique de prendre à bras-le-corps ce problème, qui traîne depuis des années. Finalement, les caisses de la MSA essaient de gérer les choses au jour le jour. Les prestations qu’elles servent sont nettement moins favorables que celles du régime général, ce qui induit des inégalités de traitement insupportables. La responsabilité de cette situation n’incombe pas aux actuels actifs agricoles.
Fils d’agriculteurs, j’ai fait carrière dans l’enseignement. Il aurait été logique que je cotise à la caisse de retraite des agriculteurs plutôt qu’à celle des enseignants, puisque ce sont mes parents qui ont financé mes études. Or ils ont touché une retraite de misère ! Ainsi, la solidarité intergénérationnelle n’a pas joué entre mes parents et moi comme elle l’aurait dû, au seul motif que j’avais pris une autre orientation professionnelle.
Il faut mettre fin aux disparités de traitement entre les ressortissants des différentes caisses, le rapport entre actifs et inactifs pouvant beaucoup varier d’une profession à une autre pour des raisons historiques.
M. le président. Monsieur Pierre, l'amendement n° 31 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jackie Pierre. Puisque nous allons bientôt aborder la question des retraites dans un cadre plus général, je retire pour l’heure cet amendement d’appel.
M. le président. L'amendement n° 31 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 255, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade, Labarre et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 3 insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une conférence annuelle sur les prix rassemblant producteurs, fournisseurs et distributeurs est organisée annuellement pour chaque production agricole par l'interprofession compétente. L'ensemble des syndicats agricoles sont conviés à y participer. Cette conférence donne lieu à une négociation interprofessionnelle sur les prix destinée, notamment, à fixer un niveau de prix indicatif rémunérateur.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Le 27 octobre 2009, à Poligny, dans le Jura, Nicolas Sarkozy expliquait très justement que « la crise révèle […] des défaillances nationales réelles dans la répartition de la valeur au sein de nos filières agricoles. Entre le mois de septembre 2008 et le mois de septembre 2009, l’indice des prix à la production des produits agricoles a baissé de 20 %. Sur la même période, les prix à la consommation des produits alimentaires ont baissé de 1 %. Cet écart est sans précédent. Cet écart est inacceptable ! Il révèle une répartition inéquitable de la valeur ajoutée au sein des filières. Cet écart met notre production alimentaire en danger. »
Comment ne pas partager ce constat ? Le problème de fond qui se pose à l’ensemble des agriculteurs et des pêcheurs est clairement identifié : l’absence de garantie d’un prix de vente rémunérateur pour leur production. Celui que connaissent les consommateurs l’est également : leur pouvoir d’achat est sérieusement érodé par le coût de l’alimentation.
Si tout le monde est d’accord sur le fait que les premier et dernier maillons de la chaîne de l’alimentation ne s’y retrouvent pas, alors que les marges des intermédiaires explosent, comment expliquer que la loi n’aborde pas cette question ? Faut-il se contenter des engagements pris par la grande distribution il y a quelques jours ? Le présent texte se limite à mettre en place une contractualisation qui existe déjà en partie.
Par cet amendement, nous proposons que soit arrêté à l’échelon interprofessionnel, dans le cadre d’une conférence annuelle sur les prix rassemblant producteurs, fournisseurs et distributeurs, un niveau de prix indicatif rémunérateur.
De plus, nous demandons que l’ensemble des syndicats agricoles puissent participer à cette conférence. Ainsi, les syndicats minoritaires, qui ne siègent pas dans les interprofessions mais sont néanmoins représentatifs d’une partie de la profession agricole – on l’a vu notamment dans le secteur laitier, où le mouvement de contestation a mis au jour les insuffisances du syndicat majoritaire, dans lequel de nombreux producteurs ne se reconnaissent plus –, pourraient au moins participer à cette négociation annuelle.
L’argument selon lequel les prix seraient alors tirés vers le bas n’est pas recevable. En effet, ils le sont déjà en l’absence de régulation. Un tel dispositif constituerait, au contraire, un filet de sécurité pour la profession.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Ce dispositif figurait déjà dans la proposition de loi déposée par notre collègue député André Chassaigne qui a été discutée à l’Assemblée nationale en décembre dernier.
Débattre des prix incombe plutôt aux interprofessions, qui ont la possibilité d’élaborer des indices de tendance des marchés. Ensuite, la fixation des prix relève des relations contractuelles entre producteurs et acheteurs, que le projet de loi organise.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Il s’agit d’un sujet majeur, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir tout au long de nos débats.
Comment inscrire dans les contrats, qui sont l’un des éléments clés de ce texte, des indications sur la situation du marché ? L’idée d’une entente sur les prix est tout à fait contraire à la législation communautaire, et mettre en œuvre la mesure préconisée par M. Le Cam nous vaudrait immédiatement des sanctions.
Le maximum que l’on puisse faire, c’est fixer des indices de tendance des marchés. Le Président de la République et moi-même en avons encore discuté avec M. Dacian Cioloş voilà quelques heures. Une telle possibilité est prévue à l’alinéa 33 de l’article 7 du projet de loi. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Je crois vraiment que le texte de la commission représente le bon équilibre entre ce qui est possible dans le cadre du droit communautaire et ce qui est souhaitable pour avoir des références de prix en vue de la fixation du niveau des contrats.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 25 mai 2010 :
À quatorze heures trente :
1. Suite du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (procédure accélérée) (n° 200, 2009-2010).
Rapport de M. Gérard César et M. Charles Revet, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 436,2009-2010).
Texte de la commission (n° 437, 2009-2010).
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
2. Questions cribles thématiques : « Pouvoir et médias ».
À dix-huit heures, le soir et la nuit :
3. Suite du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (procédure accélérée) (n° 200, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 21 mai 2010, à une heure trente.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART