M. Didier Boulaud. Espérons que ce rapport sera effectivement remis !
M. Jean Faure. Il est donc prématuré de manifester trop d’anxiété au sujet des conséquences de ce rapprochement !
Le rapport doit aussi comporter « les éléments relatifs à l’obtention d’une parité globale entre les personnels des deux forces ».
Ainsi, le Gouvernement devra remettre au Parlement, à l’été 2011, un rapport d’évaluation détaillé comprenant, notamment, un bilan du rattachement de la gendarmerie au ministre de l’intérieur.
En introduisant cette disposition, nous souhaitions disposer d’une évaluation précise des conséquences du rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur afin d’avoir la possibilité d’en corriger les éventuels effets négatifs.
Plutôt que de porter un jugement définitif, et prématuré, sur une loi quelques mois après son adoption, pourquoi ne pas attendre la publication du rapport pour débattre en toute sérénité ?
Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur permettra de renforcer la coordination en matière de lutte contre la criminalité, et donc d’améliorer la sécurité des Français.
À cet égard, je veux saluer la décision prise par le ministre de l’intérieur d’installer le bureau du directeur général de la gendarmerie nationale à proximité immédiate de la place Beauvau, ainsi que la récente décision du Président de la République de nommer de nouveau un officier de gendarmerie à la tête de la Direction générale de la gendarmerie nationale, conformément à ce qu’avait souhaité le groupe de travail du Sénat.
M. Didier Boulaud. Ce n’est pas une nouveauté, c’était déjà le cas avant !
M. Jean-Louis Carrère. Tout à fait !
M. Jean Faure. Ce rapprochement permettra également d’accélérer la mutualisation des moyens, de développer les synergies et de renforcer la coopération opérationnelle entre la police et la gendarmerie.
Le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit « LOPSSI 2 », que nous avons examiné ce matin en commission, devrait d’ailleurs nous permettre d’aller plus loin en matière de coopération entre la police et la gendarmerie, dans le respect des spécificités des deux forces.
Monsieur le secrétaire d'État, quelles seront les conséquences sur la LOPPSI 2 du gel des dépenses publiques annoncé par le Premier ministre pour les trois prochaines années ?
Ce rattachement ne remet nullement en cause le caractère militaire de la gendarmerie, qui non seulement est préservé, mais de surcroît se trouve consacré au niveau législatif.
Les gendarmes resteront des militaires, soumis au statut général des militaires, et ne bénéficieront pas, à ce titre, du droit syndical.
M. Jean-Louis Carrère. Il ne manquerait plus qu’ils perdent leur statut militaire sans obtenir le droit syndical !
M. Jean Faure. Le statut militaire n’autorise pas le syndicalisme, ce qui n’exclut pas l’expression. De ce point de vue, monsieur Carrère, je vous rejoins : le groupe de travail avait envisagé des possibilités d’expression des militaires, dans le respect de leur statut, …
M. Jean-Louis Carrère. Exact !
M. Jean Faure. … mais avec d’autres formules de désignation des représentants, qui n’auraient plus été nommés par la hiérarchie, mais auraient été désignés par leurs collègues, afin qu’ils soient des porte-parole légitimes.
M. Didier Boulaud. Le groupe de travail est mort et enterré ! Lors de la discussion de la loi, vous vous êtes couché ! Maintenant, c’est la loi qui compte !
M. Jean Faure. Comme l’a déclaré le Président de la République, l’existence de deux forces de sécurité, l’une à statut militaire, la gendarmerie, l’autre à statut civil, la police, constitue un atout majeur pour notre pays.
Comme j’ai pu le constater lors d’un déplacement récent en Afghanistan, aux côtés de M. le ministre de l’intérieur, …
M. Didier Boulaud. Un voyage UMP en Afghanistan, précisons-le !
M. Jean-Louis Carrère. On revient au gouvernement d’un clan !
M. Jean Faure. … la présence de 150 gendarmes français en Afghanistan témoigne de l’atout que constitue le statut militaire de la gendarmerie pour ce type d’opérations. Peut-être pourriez-vous nous indiquer également, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les perspectives de renforcement de ce dispositif ?
Lors d’un déplacement de la commission des affaires étrangères, avec notre collègue André Vantomme, auprès des gendarmes français déployés dans le cadre de la mission de surveillance de l’Union européenne en Géorgie, nous avons également pu mesurer le rôle important joué par nos gendarmes pour assurer la stabilité de cette région après le conflit russo-géorgien de l’été 2008.
Or il semblerait que le Gouvernement envisage, pour des raisons essentiellement budgétaires, de réduire d’un tiers la participation française dans cette mission, à partir de septembre prochain. Il est vrai que la mission de l’Union européenne en Géorgie n’est qu’une mission civile d’observation et que les gendarmes français peuvent sembler sous-employés, en comparaison de l’engagement en Afghanistan. Pourquoi ne pas remplacer éventuellement ces gendarmes par des réservistes, voire par des civils ?
Il nous semble que ce désengagement massif risque d’être mal interprété, tant par la partie géorgienne que par la partie russe, et qu’il risque de se traduire par un amoindrissement de la présence et de l’influence françaises dans cette région.
Ce désengagement risque d’abord d’être mal perçu par les autorités géorgiennes, notamment dans le contexte du projet de vente de bâtiments de type Mistral à la Russie, alors que la mission de l’Union européenne joue un rôle majeur pour la stabilité de ce pays. Pour la partie russe, il pourrait être interprété comme le signe d’un moindre intérêt de la France pour la Géorgie.
M. Robert Hue. Inutile de noyer le poisson !
M. Jean Faure. Ce désengagement, s’il n’est pas effectué dans de bonnes conditions, risque surtout de se traduire par un affaiblissement de l’influence française au sein de la mission.
Plutôt qu’un retrait massif, essayons plutôt de remplacer progressivement ces gendarmes par des réservistes ou des experts.
Le groupe UMP ne peut que réaffirmer ici son attachement au statut militaire de la gendarmerie et sa confiance dans la capacité du Gouvernement à renforcer la coopération entre les forces de sécurité et améliorer la sécurité des Français. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Didier Boulaud. Cela leur fait une belle jambe !
M. le président. La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans la question qu’il a posée au ministre de l’intérieur, notre collègue Carrère a raison d’affirmer que, neuf mois après son adoption, la loi sur le rattachement total de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur suscite toujours autant de craintes, d’interrogations et de critiques.
À la différence du débat qui avait eu lieu sur cette même question au mois de janvier dernier, il n’est plus tout à fait prématuré de procéder aujourd’hui à une évaluation de cette loi.
En effet, cette réorganisation des forces de sécurité intérieure passe mal, sur le terrain, auprès des élus locaux et des populations. Mais elle passe mal, aussi, nous le savons, au sein de l’institution elle-même.
Monsieur le secrétaire d’État, les élus locaux n’étaient pas demandeurs d’une telle réforme. Certes, ils souhaitaient une adaptation des forces de gendarmerie aux nouvelles formes de délinquance et une modernisation de leurs moyens d’action pour une plus grande efficacité. Est-ce vraiment le cas aujourd’hui ?
Du fait de l’application quasi mécanique de la révision générale des politiques publiques, ils sont, ou seront, pratiquement tous amenés à constater des réductions d’effectifs, qui se traduisent parfois par des suppressions pures et simples de brigades territoriales, puisque 175 d’entre elles devraient disparaître d’ici à 2012. Je rappelle aussi qu’il est prévu de supprimer 1 300 emplois en 2010, alors que la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure avait chiffré à 7 000 les effectifs supplémentaires nécessaires.
M. Didier Boulaud. Bien sûr !
M. Robert Hue. Les élus et les populations rurales peuvent donc mieux percevoir aujourd’hui les conséquences très négatives de cette application mécanique de règles comptables sur le maillage territorial, garant de la proximité entre les services de gendarmerie et les citoyens, l’une des spécificités de ce corps.
M. Didier Boulaud. Exact !
M. Robert Hue. Alors que la population s’accroît dans les zones de compétence de la gendarmerie et que la délinquance augmente dans les zones rurales et périurbaines, cette logique purement comptable n’est pas cohérente avec les déclarations présidentielles et gouvernementales sur le renforcement de la lutte contre l’insécurité.
Au-delà de ses effets sur les populations et les territoires, votre réforme, monsieur le secrétaire d’État, produit des conséquences négatives au sein même de l’institution. Telle qu’elle a été adoptée, cette réforme n’était voulue ni par les gendarmes, ni par les policiers. Bien que comprenant la nécessité de synergies et de coopérations entre les deux forces, chacun souhaitait conserver son budget, ses effectifs, son périmètre de missions, toutes choses qui, avec la culture propre à chaque service, sont constitutives de leur identité.
Or la réforme a été effectuée assez brutalement, sans analyse préalable des spécificités et des complémentarités des deux forces, ni véritable concertation avec les élus locaux. Cette méthode prouve combien l’objectif premier était non la modernisation et la mutualisation des moyens, non plus que l’amélioration des conditions d’emploi et de coopération des deux forces, mais bien la volonté de constituer rapidement une seule force de sécurité sous la seule autorité civile de l’exécutif.
Certaines conséquences concrètes de la loi, comme la mutualisation des moyens entre la gendarmerie et la police, la formation au maintien de l’ordre, désormais commune – quand, dans le même temps, vous fermez quatre écoles sur huit ! – apparaissent plus clairement maintenant. Elles sont révélatrices de cette volonté de faire disparaître la spécificité de chacune des deux forces. En effet, la rationalisation et la mutualisation ne sont pas en elles-mêmes négatives, mais elles créeront à la longue des habitudes et une uniformisation qui contribueront à diluer les identités respectives.
La diminution des effectifs, la suppression d’unités, la répartition inéquitable des missions de renseignement, de police judiciaire et de circulation routière entre les deux forces, voire également la pression des syndicats de police, sont aussi des conséquences concrètes du rattachement qui vont nourrir des conflits.
La tendance à uniformiser les deux forces ne peut qu’inciter les gendarmes à comparer leur statut avec celui des policiers, en particulier sur l’un des principes fondamentaux du statut militaire, la disponibilité. En outre, la coexistence, au sein d’un même ministère, de deux systèmes, la représentation syndicale, pour les policiers, et la concertation propre aux militaires, pour les gendarmes, incitera tôt ou tard de facto les uns et les autres à vouloir aligner leurs statuts. Sans doute l’objectif visé est-il de faire en sorte que les gendarmes en viennent eux-mêmes à revendiquer une harmonisation statutaire !
M. Josselin de Rohan. C’est beaucoup s’avancer !
M. Robert Hue. Cette façon de procéder, d’ailleurs assez insidieuse, est à l’origine du malaise souterrain, profond et latent – faute de possibilité d’expression publique –, perceptible au sein même de l’institution.
Cette situation alimente toutes les craintes sur l’éventualité d’une fusion, à terme, de la police et de la gendarmerie. Et il ne s’agit pas d’une crainte infondée, ni d’un procès d’intention de notre part, monsieur le secrétaire d’État. Ces inquiétudes bien réelles ont été encore récemment exprimées lors du congrès de l’Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie et sa très influente revue, L’essor de la gendarmerie nationale, s’en est fait écho.
Le Président de la République a d’ailleurs une façon bien à lui de répondre au malaise des gendarmes et aux critiques sur les conséquences de la mise sous tutelle de la gendarmerie : l’autoritarisme et la reprise en main directe de la sécurité intérieure !
J’en veux pour preuve le limogeage du directeur général de la gendarmerie nationale : il a mis en œuvre la réforme, mais sans réussir à réduire la grogne de gendarmes, qui craignent d’être bientôt dissous dans la police.
Je vous rappellerai également le décret du Président de la République radiant des cadres pour motif disciplinaire un chef d’escadron, par ailleurs chercheur au CNRS, qui avait critiqué ès qualités, dans un article, le rattachement total de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
J’espère que vous avez conscience, monsieur le secrétaire d’État, de l’effet désastreux – je pèse mes mots – de cette lourde sanction sur les gendarmes, une sanction disproportionnée au regard du manquement à l’obligation de réserve qui aurait été commis.
Enfin, en la comparant à un autre décret du Président de la République nommant sous-préfet hors cadre un ancien syndicaliste policier élu conseiller régional UMP, cette décision inéquitable et maladroite a d’ailleurs renforcé de nombreux gendarmes dans leur conviction que le rattachement se ferait à leur détriment.
Tout cela est révélateur d’une volonté toujours plus affirmée de remise en ordre et de renforcement de la centralisation s’agissant des questions de sécurité.
La presse n’a-t-elle pas évoqué, il y a quelque temps, la création d’un secrétariat d’État chargé d’assister le ministre de l’intérieur pour veiller au rapprochement de la police avec la gendarmerie, mais aussi avec les polices municipales, les entreprises privées de sécurité et, sans doute, un jour, les Douanes ?
Non, décidément, notre évaluation de la loi, neuf mois après son adoption, ne peut que nous conforter dans l’idée que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur comporte de réels dangers et qu’il soulèvera plus de problèmes qu’il n’en résoudra ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec deux débats sur ce thème organisés dans notre hémicycle en cinq mois à peine et la discussion d’un projet de loi important, personne ne peut plus douter de l’intérêt que portent les sénateurs à la gendarmerie !
Je n’étais pas convaincue de l’opportunité du transfert de la gendarmerie au ministère de l’intérieur et je n’ai donc pas voté la loi dont nous parlons aujourd’hui, pas plus que l’article 5 de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014.
Nous apprenions jadis que « la police est de pouvoir, la gendarmerie est d’État ». Comprendra qui voudra, la loi est votée, elle est devenue loi de la République et nous la respectons comme telle.
Je profite enfin de notre discussion pour redire mon attachement et celui de mon groupe à plusieurs principes très importants ; mais vous y êtes assurément tout aussi attaché que nous, monsieur le secrétaire d’État !
Je pense tout d’abord au maintien du statut militaire de la gendarmerie nationale. L’aboutissement du rapprochement issu de la loi du 3 août 2009 doit permettre d’accélérer la complémentarité et la coordination de nos deux forces de sécurité. Ce cheminement ne doit en aucun cas aboutir à une fusion. Toute remise en cause du statut militaire de la gendarmerie serait, à nos yeux, inacceptable, nous souhaitons le réaffirmer, mais les précédents orateurs l’ont tous rappelé avant moi.
Nous devons rapidement progresser vers une parité globale de traitement et de carrière entre gendarmes et policiers. Les progrès qui doivent être accomplis sur cette voie sont importants à double titre : d’abord, pour une question d’équité, ensuite, parce que c’est l’une des conditions de la pérennité du statut militaire.
Je saisis cette occasion pour saluer le travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat et de son rapporteur, Jean Faure, grand artisan de ces dispositions fondamentales.
La personne la mieux placée pour parler de la gendarmerie ne peut être qu’un gendarme… Je voudrais donc vous lire un extrait du discours prononcé par le capitaine Pascal Kleck, du groupement de gendarmerie mobile d’Argentan, lors d’une manifestation à La Ferté-Macé, le 15 mai dernier.
« La gendarmerie est une arme d’élite. Si notre institution obtient ce qualificatif, c’est qu’au fur et à mesure des siècles et des épreuves, des valeurs ont été transmises, comme un héritage, et inculquées à ses membres. En effet, le gendarme est un militaire particulier. C’est un soldat de la loi, qui œuvre au service de la justice. Il lui est demandé de développer son courage, sa force de travail, son dévouement au concitoyen, en faisant preuve d’une disponibilité de tous les instants. De plus, il est toujours resté fidèle au pouvoir légal. La gendarmerie est une force humaine, qui sert la France et sa population au quotidien, quelles que soient les circonstances. »
Le capitaine Kleck ajoute : « Ceci reste d’ailleurs valable aujourd’hui, au sein du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, où la gendarmerie tient sa place en assurant la sécurité du citoyen sur l’ensemble du territoire, y compris dans les nouveaux espaces de communication. Elle partage même son savoir-faire dans plusieurs pays en proie à des crises majeures, comme, par exemple, Haïti ou l’Afghanistan. »
Il faut croire que les craintes que nous évoquons ici ne sont pas arrivées jusqu’au bon département de l’Orne !
Mais revenons donc au débat qui nous occupe aujourd’hui…
Comme l’avait déjà souligné notre collègue Joseph Kergueris lors du dernier débat sur l’application de la loi relative à la gendarmerie nationale, je constate que de nombreux décrets prévus par ce texte sont toujours en attente de publication. Pour cette raison, d’importantes dispositions ne sont pas encore entrées en vigueur et, malgré les publications du 11 février dernier, il reste des lacunes à combler.
Je regrette ce retard, monsieur le secrétaire d’État. Je souhaiterais donc savoir dans quel délai nous pouvons espérer la publication de ces mesures réglementaires, notamment celles qui concernent les grilles indiciaires de retraite ou d’avancement.
Enfin, je tenais à profiter de cette question orale avec débat pour évoquer une problématique importante, à laquelle je suis très attachée - cela vous changera d’ailleurs un peu du discours que vous entendez depuis tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État – à savoir l’intégration et la promotion de l’égalité des chances au sein de la gendarmerie nationale et de la police, enfin, disons au sein des forces regroupées dans votre ministère !
Je veux parler ici de l’intégration des jeunes, notamment de ceux qui sont issus de milieux défavorisés et de l’immigration.
Plusieurs initiatives ont été mises en œuvre récemment afin d’assurer l’égalité des chances dans la police nationale.
Ainsi, le dispositif des cadets de la République, mis en place en 2005, a pour objectif de promouvoir l’égalité des chances au sein de la police nationale, en permettant à des jeunes n’ayant pas le baccalauréat de se préparer aux concours de gardien de la paix.
Je pense aussi, à un autre niveau, aux classes préparatoires intégrées, qui visent à préparer aux concours d’officier et de commissaire de police.
Néanmoins, les nombreux rapports élaborés sur ce sujet font état d’une situation extrêmement inquiétante en termes de discriminations à l’intérieur des forces de police.
C’est d’ailleurs sans doute le rapport de Catherine Wihtol de Wenden et d’un chercheur de l’Institut français des relations internationales, l’IFRI, qui a suggéré à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, son discours du 23 février 2006 sur l’égalité des chances et « la discrimination positive à la française ».
Voici précisément un extrait des propos tenus par l’ancien occupant du ministère de l’intérieur : « Le temps est à l’action. Nous devons promouvoir un modèle de société plus ouverte et plus juste. Je veux ici affirmer ma détermination à faire de ce ministère un exemple. La police doit être à l’image de la société. Elle doit, à mérites équivalents, accueillir dans ses rangs tous ceux qui partagent la motivation, le désir et les capacités de travailler partout et pour tous à garantir la sécurité des Français. […]
« L’égalité républicaine ne saurait être qu’un concept, une idée purement virtuelle. Je veux en faire une réalité car ce dont il s’agit, c’est bel et bien de construire ensemble l’avenir de notre République. […]
« Il faut savoir intégrer toutes les populations en une seule communauté de valeurs et de destins : celle des citoyens de la République. C’est notre responsabilité, notre devoir et notre honneur. […]
« L’État doit être le premier acteur de cette politique, qui exige des actions et des résultats concrets. »
Voilà ce que disait le ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy.
Alors, monsieur le secrétaire d’État, qu’en est-il du programme des cadets de la République ? Qu’en est-il des conventions signées avec notamment le président du groupe Vedior France, afin de poursuivre les initiatives en cours en matière de formation ?
Il était aussi prévu que la gendarmerie nationale offre le statut d’aspirant de gendarmerie issu du volontariat à un certain nombre d’étudiants afin que ceux-ci puissent, par ce biais, préparer les concours d’admission.
Quels sont les résultats de toutes ces actions, certes ambitieuses, mais dont nous n’entendons pas beaucoup parler aujourd’hui ?
Je vous remercie des réponses que vous pourrez me donner à ce sujet et, si vous êtes libre à la fin du mois de juin (Sourires), je vous invite très officiellement à venir inaugurer la nouvelle gendarmerie de Passais-la-Conception, dans le bocage ornais, belle preuve de confiance dans votre institution et dans la survie des communes rurales de ce territoire !
Le maire, qui s’est beaucoup battu pour garder cette gendarmerie, ambitionne – car nous avons des ambitions dans l’Orne – de lui donner le nom d’un ancien parlementaire, grand député, ancien militaire, vaillant et authentique gaulliste, Daniel Goulet !
Monsieur le secrétaire d’État, nous vous accueillerons à Passais-la-Conception avec enthousiasme ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais d’abord remercier mon collègue Jean-Louis Carrère : sa question résume de manière absolument pertinente le fond du dossier et il dresse un tableau juste de ce que l’on pourrait appeler le « moral des troupes », tableau nourri par la connaissance du terrain.
Cela a été dit plusieurs fois depuis le début de ce débat, le désarroi est aujourd’hui total : les gendarmes doutent de leur présent et craignent pour leur avenir ; les élus locaux, viscéralement attachés à leurs brigades, ne savent pas, si vous me permettez l’expression, « à quelle sauce ils vont être mangés » ; nos concitoyens, eux, hésitent entre résignation et colère face à l’échec flagrant des politiques de sécurité dont ils constatent la mise en œuvre sur le terrain.
Je voudrais évoquer brièvement, comme point de départ de mon propos, la situation d’un département que je connais bien, celui de l’Ariège.
L’Ariège compte trois compagnies de gendarmerie – Foix, Pamiers et Saint-Girons –, neuf communautés de brigades et vingt-trois brigades territoriales, dont deux autonomes.
Que constatons-nous sur le terrain ?
Foix, chef-lieu de département, a vu les effectifs de sa brigade baisser insidieusement, jusqu’à la fermeture. De la même manière, nous craignons aujourd’hui pour la pérennité de deux autres brigades. La conséquence est mécanique, chacun le comprend : les zones d’intervention s’étendent sans cesse, sans aucune augmentation d’effectifs pour compenser cette évolution, et le maillage territorial s’affaiblit d’autant !
Il va sans dire que ces fermetures sont le plus souvent mises en œuvre sans la moindre concertation avec les élus locaux, qui connaissent pourtant le terrain et devraient être systématiquement associés, très en amont, à toute évolution importante. C’est un peu de notre République, un peu du lien social, un peu de la confiance dans le principe d’égalité qui disparaît tout au long de ce processus.
Malheureusement, le cas de l’Ariège n’est pas unique. Il sert simplement d’illustration, mais aussi de révélateur d’une situation de la gendarmerie nationale qui nous alarme au plus haut point.
Au moment de la discussion de ce qui allait devenir la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, les parlementaires socialistes avaient manifesté, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, leur opposition à un texte qui tendait à rattacher la gendarmerie au ministère de l’intérieur. En effet, tout le monde sait bien que ce processus conduira, à terme, à un affaiblissement de l’identité propre de la gendarmerie, ce qui équivaudra à une disparition de toutes ses spécificités.
M. René-Pierre Signé. Évidemment !
M. Jean-Pierre Bel. Mon ami Jean Faure a souhaité faire référence, dans son intervention, à la position défendue par l’un de nos collègues députés. Puisque nous apprécions toujours que l’on cite un député, surtout quand il est socialiste (Sourires), permettez-moi, mes chers collègues, de vous lire la conclusion de M. Jean-Jacques Urvoas sur le sujet qui nous intéresse, la présence territoriale, en page 15 de ce même rapport pour la Fondation Jean-Jaurès.
« Le problème des redéploiements […] est susceptible de remettre en cause l’équilibre entre les différents acteurs […]. De fait, la création envisagée de 175 communautés d’agglomération confiées à la police nationale s’apparenterait à un véritable séisme organisationnel qui aurait pour conséquence d’évincer la gendarmerie des zones périurbaines relevant aujourd’hui explicitement de sa compétence […].
« Quelles seront les contreparties à ces transferts ? Les nombreuses circonscriptions de police qui sont aujourd’hui implantées dans des villes de moins de 20 000 habitants environ seront-elles, comme il semblerait cohérent, attribuées à la gendarmerie ? Au contraire, les autorités comptent-elles s’affranchir de tout respect des équilibres coutumiers en termes de territoires et de populations administrés ? Dans ce cas, le mécontentement perceptible dans les rangs de l’Arme ne fera que croître. »
Je crois qu’il était tout de même utile de compléter les propos de ce responsable socialiste, qui, du reste, ne s’exprimait dans ce rapport qu’en son nom propre.
Mes chers collègues, je veux vous redire aujourd’hui notre attachement au modèle, inhérent à notre République, de deux institutions distinctes dans leur organisation et spécifiques dans leur fonctionnement, l’une civile, l’autre militaire.