M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Jean-Pierre Bel. Aujourd’hui, le malaise de la gendarmerie est palpable et omniprésent. Il est aggravé par des pratiques de gestion qui ont déjà été dénoncées au cours de ce débat.
Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, votre gestion des ressources humaines est arbitraire et aveugle. La moindre critique, même nuancée, discrète et constructive, conduit à des déplacements d’office et à des mutations sanctions. J’ai pu en faire l’expérience dans mon département !
Votre gestion matérielle hypothèque l’avenir. Le parc immobilier de la gendarmerie nationale est composé à 60 % de casernes locatives, qui sont généralement en bon état grâce aux efforts substantiels consentis par les collectivités locales, et à 40 % de casernes domaniales, qui donc appartiennent à l’État et ont atteint un degré de vétusté préoccupant. L’État fera-t-il face à ses obligations, en octroyant les dotations nécessaires à la rénovation de ce parc ?
Cette situation se prolonge enfin par l’ignorance dans laquelle sont maintenus les élus locaux qui essaient, tant bien que mal, de faire face.
Comment obtenir, monsieur le secrétaire d’État, des informations précises et fiables sur les redéploiements des zones de compétence entre la police et la gendarmerie, ainsi que sur le maintien du maillage assuré par les brigades territoriales ? Nous attendons vos réponses !
Depuis plus de huit ans, le Président de la République et vous-même affirmez avoir fait de la sécurité votre priorité. Dont acte ! Mais vous avez eu tort d’en rester aux mots, sans jamais passer à l’action. Dans un instant, mes collègues de l’opposition, chiffres en mains, illustreront la réalité de l’échec qui est le vôtre dans ce domaine.
Pourquoi un tel échec, notamment en matière de violence aux personnes ? Parce que vous vous attaquez à ce qui marche au lieu de réformer ce qui ne marche pas !
M. Didier Boulaud. C’est plus facile !
M. Jean-Pierre Bel. La réforme pour la réforme désorganise le travail des hommes sur le terrain ; elle désorganise la sécurité publique ; elle désorganise et déstabilise les forces de sécurité.
En un mot, le changement, tel que vous le mettez en œuvre, apporte le désordre au lieu d’améliorer le maintien de l’ordre.
Vous l’aurez compris, nous jugeons sévèrement ce bilan en matière de sécurité et constatons votre échec dans la lutte contre l’insécurité, qui est pourtant une priorité affichée du Président de la République depuis de nombreuses années.
Nous proposons une autre approche des problèmes de sécurité, globale et cohérente, au lieu d’une gestion à la petite semaine et de dispositifs rapiécés.
Nous considérons comme une fausse idée votre conception même de la réforme, cette volonté de casser ce qui fonctionne au lieu de réparer ce qui ne fonctionne pas.
La sécurité est un droit pour nos concitoyens et une ardente obligation pour ceux qui prétendent nous gouverner. C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, nous attendons aujourd’hui, dans votre intervention, des réponses aux questions légitimes qui vous ont été posées ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. On peut toujours attendre les réponses !
M. Didier Boulaud. Politique à la godille !
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le débat tenu dans cet hémicycle le 14 janvier dernier sur l’application de la loi du 3 août 2009 fut loin de rassurer ceux qui, comme moi, s’inquiètent des modalités du rapprochement de la gendarmerie et de la police nationale. À cette heure, rien n’est venu sensiblement démentir nos arguments, hélas !
Monsieur le secrétaire d'État, le rapprochement de la gendarmerie et de la police nationale est une fusion qui ne veut pas dire son nom. De surcroît, elle remet en cause l’identité militaire des gendarmes, ce qui ne va pas sans susciter une certaine émotion parmi nombre d’entre eux.
La sanction prononcée contre le chef d’escadron Jean-Hugues Matelly, radié des cadres pour s’être publiquement exprimé contre cette réforme, illustre le malaise qui affecte une partie des personnels. Si je ne conteste pas le devoir de réserve auquel sont astreints tout fonctionnaire et a fortiori tout militaire, je m’étonne néanmoins de la sévérité de la sanction prononcée, décision d’ailleurs suspendue en référé par le Conseil d’État, le 30 avril dernier. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur le secrétaire d'État, le rapprochement de la gendarmerie et de la police nationale s’inscrit dans le mouvement plus vaste de fragilisation des services publics que le Gouvernement a engagé au nom du principe de rationalisation budgétaire érigé en dogme. Trésoreries, directions départementales de l’équipement, casernes militaires, tribunaux, hôpitaux, présence postale et aujourd’hui gendarmerie : la liste est longue de ces services publics qui disparaissent petit à petit, et ce en totale contradiction avec le discours prononcé par le Président de la République, le 9 février 2010, à Morée.
Permettez-moi de le citer :
« Parce que l’on s’est habitué à une politique de l’aménagement du territoire qui, au fond, n’avait comme seule ambition d’accompagner vos territoires vers le déclin, faire en sorte que ce soit un peu moins douloureux, que cela se passe un peu moins vite, qu’on retarde d’un an la fermeture d’une école, de deux ans celle d’un bureau de poste, de trois ans celle d’un hôpital, de quatre ans celle d’un tribunal. C’était une vision défensive. Je souhaite une vision offensive à l’image de la croissance de votre démographie [...] Naturellement, la responsabilité de l’État face aux besoins des habitants de la ruralité c’est que, partout, vous ayez accès aux services essentiels, les services à la population. »
Le Président reconnaît lui-même que l’on ne peut pas s’appuyer sur la seule norme comptable pour engager une nouvelle politique d’aménagement des territoires ruraux, dont la démographie est en croissance et qui sont de plus en plus touchés par la délinquance.
Dans ces conditions, décider de supprimer en 2010 1 303 postes, après les 1 246 supprimés en 2009, soit au total près de 2 500 postes en deux ans, paraît incompréhensible et en totale contradiction avec la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, dans laquelle on a pourtant estimé à 7 000 emplois les renforts nécessaires pour remplir les missions de maintien de l’ordre public.
Le département du Gers, que j’ai l’honneur de représenter, est particulièrement touché par les conséquences du rapprochement entre la gendarmerie et la police nationale.
En effet, par courrier du 15 mai 2009, j’ai été informé par l’autorité régionale d’une « remontée d’effectifs », qui se traduit concrètement par la suppression de cent quarante-trois gendarmes dans la région Midi-Pyrénées, dont vingt-trois dans le seul département du Gers, où sont affectés trois cent soixante-neuf militaires et qui pourtant connaît une augmentation démographique de 5 %.
En 1999, nous avions pourtant accepté la réorganisation de la gendarmerie autour des brigades communautaires, organisation qui a fait la preuve de son efficacité et pour laquelle de nombreuses communes se sont engagées dans des opérations coûteuses de rénovation ou de construction de casernes et de logements. Dans le département du Gers, on en compte quinze.
Faut-il dès aujourd’hui que nous nous organisions à l’échelle des territoires que couvriront les conseillers territoriaux ? Alors que chaque chef-lieu de canton compte à ce jour une caserne de gendarmerie, faut-il imaginer qu’il n’y aura qu’une seule gendarmerie à l’échelle de quatre ou cinq cantons ?
De plus, la fermeture programmée de la moitié des casernes d’ici à 2011, comme le préconise la RGPP, va considérablement peser sur les finances des collectivités : les casernes venant d’être construites sont louées par bail de neuf ans, tandis que l’investissement consenti par les collectivités ne sera remboursé qu’en vingt ou trente ans.
Quelles compensations avez-vous prévues pour pallier cette situation ? Comptez-vous initier des programmes de reconversion immobilière pour ces locaux très spécifiques ? Avez-vous prévu des plans d’accompagnement financier, à l’image des communes touchées par la réorganisation de la carte militaire ? Comment les maires pourront-ils, demain, exercer leur pouvoir de police, qui est pourtant une compétence obligatoire ?
Peu de communes ont la capacité de financer une police municipale. Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, la grande inquiétude à la fois de la population et des élus locaux dès lors que le besoin d’une force de sécurité de proximité est patent.
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. Raymond Vall. Plus largement, je m’interroge toujours sur la pertinence de cette réforme, alors que nul ne remettait en cause l’action de la gendarmerie, même si son fonctionnement mérite une modernisation pour plus de performance.
En tant que telle, la mutualisation des moyens d’action des forces de sécurité est sans doute nécessaire pour permettre une meilleure appréhension, dans un souci de complémentarité, des faits de délinquance et de criminalité. Mais un accroissement de cette mutualisation aboutira à la disparition progressive du statut militaire et de la garantie que représentaient l’ensemble de la chaîne de commandement et la procédure de réquisition.
De plus, l’insuffisance des moyens matériels – moyens héliportés obsolètes, parc automobile vieillissant, casernes vétustes, absence de renouvellement des matériels lourds – conduit à s’interroger sur le rôle qu’entend assigner le Gouvernement, dans ces conditions, à la gendarmerie. Je vous rappelle que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 a fait de la sécurité intérieure, à laquelle concourt la gendarmerie, un des piliers de la stratégie de sécurité de la France.
C’est dans ce contexte que j’ai initié une pétition, relayée nationalement par le Parti radical de gauche, contre ces suppressions de poste. Plus de la moitié des communes du Gers, toutes tendances politiques confondues, l’ont déjà signée, preuve que l’inquiétude des élus locaux est réelle et qu’elle dépasse les clivages partisans.
Compte tenu de ces éléments peu rassurants, j’aurais souhaité, monsieur le secrétaire d'État, que vous nous éclairiez sur la façon dont vous entendez pérenniser l’avenir de la gendarmerie et assurer à l’ensemble de nos concitoyens, où qu’ils résident, le droit à la sécurité, que doit garantir la République, et qui fait partie des « droits naturels et imprescriptibles » inscrits dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Hue applaudit également.)
M. Didier Boulaud. Un réquisitoire de plus !
M. René-Pierre Signé. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question orale avec débat de cet après-midi sur la situation de la gendarmerie nationale est la deuxième sur ce sujet depuis le mois de janvier 2010.
C’est une fois de plus l’occasion pour la Haute Assemblée d’exercer son rôle de contrôle de l’action du Gouvernement, conformément à la révision constitutionnelle, révision que certains n’ont pas cru bon d’adopter,…
M. Didier Boulaud. Ils ont bien fait !
M. Jean-Claude Carle. … bien qu’ils en soient bénéficiaires à cet instant.
Cependant, permettez-moi de vous rappeler que la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale prévoyait déjà son évaluation tous les deux ans par le biais d’un rapport du Gouvernement au Parlement, notre collègue Jean Faure l’a souligné.
Mes chers collègues, n’oublions pas qu’évaluation n’est pas synonyme de précipitation. Dans ce domaine, comme dans d’autres, restons sereins. Nous avons voté la loi il y a moins d’un an, et nous en sommes déjà, je viens de le dire, au deuxième débat !
Faut-il y voir la peur séculaire du gendarme ? Ou est-ce en raison – et j’en suis convaincu – de l’intérêt que chacun d’entre nous, sur toutes ces travées, porte à un corps qui, tout au long de l’histoire, n’a eu de cesse de défendre les valeurs de la République ?
M. René-Pierre Signé. Pourquoi, alors, le supprimer ?
M. Jean-Claude Carle. Mais, comme répétition est force de pédagogie, je profiterai des quelques minutes qui me sont imparties pour vous faire part d’un certain nombre d’observations qu’il me semble nécessaire de rappeler.
Comme l’a indiqué le rapporteur de la loi de 2009, Jean Faure – je tiens à saluer le travail accompli par notre collègue, sous l’autorité du président Josselin de Rohan -, en aucun cas la loi de 2009 ne remet en question le statut militaire des gendarmes.
M. Didier Boulaud. Ben voyons !
M. Jean-Claude Carle. Nous nous y sommes engagés, et nous y veillerons ! N’en déplaise à tous ceux qui n’ont de cesse de laisser croire le contraire. Le rôle des élus que nous sommes n’est pas d’alimenter ou d’attiser les angoisses de ceux pour lesquels nous légiférons.
M. Didier Boulaud. Les Français ont compris, il n’y a qu’à voir les sondages !
M. Jean-Claude Carle. La loi que nous avons votée en août dernier n’est pas une OPA de la police sur la gendarmerie. Il ne s’agit pas non plus d’une fusion-acquisition entre les deux corps. À croire que les détracteurs n’ont pas lu le texte !
M. René-Pierre Signé. Ils l’ont trop bien lu !
M. Didier Boulaud. C’est la pratique qui compte, pas le texte !
M. Jean-Claude Carle. Bien au contraire, les missions de la gendarmerie ont été précisées et rappelées dans un seul et même texte.
Hormis un décret datant de 1903, aucun texte n’avait été adopté depuis 1798 ! Et chacun sait combien notre société a évolué en matière d’insécurité, de délinquance et de violence, phénomènes qui touchent non plus seulement, comme l’a rappelé à juste titre notre collègue Robert Hue, les grandes agglomérations, mais bien l’ensemble du territoire.
Cette loi établit un équilibre entre la police et la gendarmerie afin de mieux répondre au défi de la sécurité nationale et avant tout au besoin de sécurité de nos compatriotes.
Ce texte réaffirme les compétences de la gendarmerie pour assurer la sécurité publique et l’ordre public. Plus que jamais, cette loi reconnaît le statut de force armée à la gendarmerie nationale. Ses missions sont constituées, chacun le sait, par l’exécution des lois, les missions judiciaires, le renseignement, l’information des autorités publiques.
C’est la mission de défense au sens large qui est sanctuarisée dans ce texte, et ce à un moment où notre pays doit faire face à de plus en plus de menaces, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de ses frontières.
L’actualité de ce week-end en témoigne avec l’organisation des « apéros géants ». Ces manifestations, dont les conséquences peuvent être dramatiques, se déroulent, pour la plupart, dans des zones de police. Très souvent, la gendarmerie et la police municipale viennent pallier le manque de policiers disponibles le week-end. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Si le statut des deux armes était identique, nous n’aurions plus, je le crains, mes chers collègues, qu’à recourir aux seuls policiers municipaux pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
M. Didier Boulaud. On fera appel aux milices, à l’américaine !
M. Jean-Claude Carle. Si la loi consacre le statut militaire de la gendarmerie, elle a pour corollaire la reconnaissance morale et matérielle liée aux contraintes de la fonction.
Certes, les gendarmes sont désormais rattachés administrativement au ministère de l’intérieur, mais il n’en demeure pas moins qu’ils ont et auront toujours un statut particulier, et cela à différents niveaux dans notre société jusqu’au plus profond de nos territoires.
M. Didier Boulaud. C’est pour cela que le ministre de la défense s’y intéresse autant !
M. Jean-Louis Carrère. Il est plus préoccupé par la prochaine élection présidentielle !
M. Jean-Claude Carle. D’abord, le statut militaire répond à un code et à des valeurs. Cela est très important dans une société où la perte de repères se traduit chaque jour par l’allongement des rubriques de faits divers, presque proportionnellement à la diminution de l’âge des auteurs, dont les actes sont de plus en plus violents.
Le statut militaire, c’est aussi et avant tout l’engagement et le sacrifice, ce que l’on oublie trop souvent. À ce titre, je tiens à rendre un hommage appuyé au travail et à la mission qu’accomplissent les gendarmes, que ce soit sur le territoire national ou à des milliers de kilomètres.
M. Didier Boulaud. C’est une oraison funèbre !
M. Robert Hue. Ils apprécieront !
M. le président. Laissez s’exprimer l’orateur !
M. Didier Boulaud. C’est un prêté pour un rendu !
M. le président. Monsieur Boulaud…
M. Jean-Claude Carle. En Guyane, dans le cadre de la mission Harpie, où ils luttent contre l’orpaillage illégal, ou en Afghanistan, où ils forment les futures forces de police et de sécurité, les gendarmes, par leur professionnalisme et leur courage, sont des exemples pour la société civile.
De plus, je tiens à rappeler que l’ancrage territorial de la gendarmerie est l’une des clés de la cohésion nationale. Si les gendarmes exercent des missions régaliennes, notamment dans le domaine de la police judiciaire, ils assurent un rôle essentiel auprès des populations, bien au-delà des seules missions de sécurité et de prévention. La gendarmerie participe à la gestion humaine de nos territoires. Elle est un maillon indispensable du « vivre ensemble ».
De cette façon, les gendarmes sont des acteurs incontournables de l’aménagement du territoire, et je souhaite qu’ils soient davantage associés aux politiques du territoire engagées par l’État et par les collectivités locales.
Pour ces raisons, il est de notre devoir de veiller au maintien de leur proximité avec les populations et les territoires.
Par exemple, quand il s’agit d’implanter ou de déplacer une gendarmerie, il faut que ce soit en concertation avec les responsables locaux.
M. Jean-Louis Carrère. Parce qu’ils paient !
M. Jean-Claude Carle. Gendarmes et élus locaux ont en commun la connaissance du terrain. La décision ne peut provenir uniquement d’un organe central dont les exigences et les normes ne correspondent plus aux besoins et à la diversité des situations. Il s’agit ni plus ni moins d’un contrat entre les élus locaux et les gendarmes, chacun bien évidemment conservant ses compétences pour la préservation de l’ordre public, avec comme seul objectif l’optimisation des investissements et donc la garantie d’une meilleure efficacité.
À ce titre, il me semble nécessaire d’alléger leurs tâches administratives pour que les gendarmes puissent répondre aux besoins et aux attentes de proximité de nos compatriotes.
La loi de 2009 permet aux gendarmes de répondre à ces besoins, avec les forces de police, dans une démarche de complémentarité optimale et d’efficacité opérationnelle maximale, comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur le 24 février dernier.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, nous savons pouvoir compter sur vous pour assurer la garantie du maintien du périmètre missionnel voulue et votée par le législateur. En conséquence, l’esprit et l’équilibre de la loi ne doivent pas être remis en cause par des décrets ou des circulaires comme cela arrive assez souvent. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai par vous dire que je partage entièrement non seulement les propos de mon collègue Jean-Louis Carrère, mais également ses convictions. Je le remercie d’avoir mis de nouveau la gendarmerie à l’ordre du jour de nos débats.
Beaucoup de choses ont déjà été dites et bien d’autres pourraient l’être encore, mais je ne dispose que de cinq minutes. Je vais donc tenter de me faire le porte-parole des gendarmes, de ces hommes et femmes de terrain qui vivent dans nos communes, sillonnent nos routes, font leurs courses dans les mêmes magasins que nous, mettent leurs enfants dans les mêmes écoles et sont engagés au service de notre sécurité et de celle de nos concitoyens.
M. Josselin de Rohan. Vous n’êtes pas leur porte-parole !
Mme Virginie Klès. Oui, ils sont inquiets. Oui, il y a un malaise au sein de nos deux forces de sécurité, aussi bien dans la police nationale que dans la gendarmerie nationale. Monsieur le secrétaire d'État, même si leurs chefs ont relayé auprès de vous ces craintes, nous savons bien qu’ils l’ont fait avec modération et dans le respect de leur devoir de réserve –un devoir de réserve que je ne m’applique pas. Manifestement, soit vous ne les avez pas entendus, soit ils ne se sont pas exprimés assez fort !
M. Didier Boulaud. Ils ont la pétoche !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Je les ai rencontrés ! Je suis allé sur place !
Mme Virginie Klès. Vous ne l’entendez pas, mais, oui, il y a un malaise, et il est de notre responsabilité comme de la responsabilité des gouvernants que d’entendre les gendarmes.
Ils sont inquiets ; ils se sentent bousculés ; ils se sentent contraints ; ils sont écrasés par des calendriers et par une logique du chiffre ; ils ne sont pas reconnus. Parce qu’ils sont militaires, ils le disent à voix basse et pas à visage découvert. C’est justement pour cette raison que nous avons le devoir de les écouter, eux peut-être encore plus que d’autres, et, surtout, celui de les entendre.
M. Josselin de Rohan. N’importe quoi !
Mme Virginie Klès. Comment ne seraient-ils pas inquiets quand ils se demandent si leurs chefs sont respectés, écoutés et reconnus ; quand ils voient que les directions créées dans les administrations centrales pourront être confiées aux préfets ; quand ils constatent que des transferts de crédits, à hauteur de 23,5 millions d’euros, sont opérés de la gendarmerie nationale vers la police nationale, sans aucune transparence, sans aucune communication ?
M. Didier Boulaud. Exactement !
Mme Virginie Klès. Comment ne seraient-ils pas inquiets, quand ils voient dans quels logements ils habitent, dans quels locaux - vétustes, voire glauques - ils travaillent et les crédits mis en face pour les dépenses immobilières ?
M. Jean-Marc Todeschini. C’est vrai !
Mme Virginie Klès. Monsieur le secrétaire d'État, savez-vous que, dans certains logements de gendarmes, la température oscille l’hiver entre 14 et 16 degrés, malgré un chauffage poussé à son maximum ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
Chers collègues de la majorité, vous n’avez pas dû visiter les mêmes gendarmeries que moi, car c’est bien la réalité !
M. Josselin de Rohan. Et vous, qu’avez-vous fait ?
Mme Virginie Klès. La LOPPSI maintient, en théorie, certains dispositifs, comme celui qui permet de rénover ou de reconstruire ces logements ou locaux. Mais quand sera-t-elle votée ? Et avec quels moyens en face, alors que ceux dont nous disposons sont déjà, nous le savons bien, insuffisants ?
Alors, oui, ces gendarmes ont le droit d’être inquiets quand on voit l’exigence de résultat qui leur est imposée, avec des missions sans cesse élargies – je pense à l’outre-mer, qui relève maintenant de leur responsabilité et qui mobilisera de nouveaux moyens humains.
La délinquance augmente, c’est le leitmotiv, et pourtant les moyens diminuent !
On nous dit que les technologies vont résoudre les problèmes,…
M. Didier Boulaud. Rien du tout !
Mme Virginie Klès. … mais elles ne parviendront pas à tous les régler. Ainsi, la vidéosurveillance, que vous préférez appeler « vidéoprotection », absorbera quasiment tous les crédits d’investissement en matière de technologie.
M. Didier Boulaud. Bien sûr !
Mme Virginie Klès. Et cela devrait tout résoudre ? Une fois que la caméra aura repéré la délinquance, il faudra bien intervenir, et qui, sinon des femmes et des hommes, devra se précipiter pour aller protéger nos concitoyens ?
M. Didier Boulaud. Très bien !
Mme Virginie Klès. Alors, oui, ils sont encore inquiets, et on les comprend, quand on voit que la réorganisation entre nos deux forces a complètement bouleversé l’équilibre préexistant, sans aucune concertation ni évaluation de ces changements.
Oui, ils ont le droit d’être inquiets, quand ils voient la disparition d’escadrons, la création de communautés d’agglomération mises sous la protection de la police nationale, et non plus de la gendarmerie nationale, et leur exclusion des zones périurbaines, pour être repoussés vers le monde rural.
Les élus aussi sont inquiets, ils vous l’ont dit aujourd'hui. Quel maillage territorial derrière ces évolutions ? Quelles conditions de travail pour les gendarmes ? Quel impact sur leurs familles ?
Car, ne l’oubliez pas, monsieur le secrétaire d'État, les gendarmes sont des militaires, soumis donc au régime des mutations, et ils ont des familles. Comment les conjoints vont-ils pouvoir continuer de travailler si les gendarmes sont mutés tous les trois ans au fin fond d’une zone rurale où il n’y a pas d’emplois ? Comment feront les enfants, qui devront régulièrement changer d’école ? De telles conditions de vie sont totalement inacceptables.
Les crédits de fonctionnement sont insuffisants. Aujourd'hui, dans certaines gendarmeries, les gendarmes font eux-mêmes le ménage dans les locaux, car ils ne disposent plus de crédits suffisants pour signer des conventions ou pour travailler avec l’UGAP.
Alors oui, ils sont inquiets, et c’est bien normal !
Une chose m’étonne, et m’étonnera sans doute longtemps : on a vraiment besoin de la RGPP pour diminuer les effectifs de la gendarmerie nationale ? On trouve encore des hommes et des femmes prêts à s’engager dans ces conditions-là pour travailler au service de la sécurité de nos concitoyens : il n’est que temps de leur tirer un grand coup de chapeau !
M. Josselin de Rohan. Démagogie !
Mme Virginie Klès. Absolument pas !
Je suis très inquiète aujourd'hui de voir un transfert de compétences se profiler…
M. Didier Boulaud. Très bien !
Mme Virginie Klès. … de ce service public de la sécurité, d’une part, vers la sécurité privée et, d’autre part, vers les polices municipales, sans aucune concertation avec les élus locaux ni même avec la police municipale.
Monsieur le secrétaire d'État, je ne quitterai pas cette tribune sans avoir réaffirmé mon attachement au service public de la sécurité et avoir rendu un hommage aux gendarmes, à ces hommes et à ces femmes de notre territoire, ne vous en déplaise ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Josselin de Rohan. Vous dites n’importe quoi !
M. le président. Mes chers collègues, sachons raison garder et nous respecter les uns et les autres !
La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Josselin de Rohan. Enfin, des propos sérieux !
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, rappelez-vous, nos ancêtres les Gaulois craignaient que le ciel ne leur tombe sur la tête. Nous avons connu la peur de l’An Mil et les prédictions de Nostradamus, qui annonçaient la mort du pape à Lyon et la fin du monde. Je remarque, d’ailleurs, que ces peurs sont souvent portées par ceux qui peuvent en tirer profit.