compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

Secrétaires :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga,

M. Jean-Paul Virapoullé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt de rapports

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2009-1255 du 19 octobre 2009 tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises et à améliorer le fonctionnement des marchés financiers.

M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, a par ailleurs transmis au Sénat le rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel analysant la représentation de la diversité de la société française à la télévision, établi en application de l’article 1er de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Le premier a été transmis à la commission des finances, le second à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quatorze heures trente-six, est reprise à quatorze heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

3

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée
Discussion générale (suite)

Entrepreneur individuel à responsabilité limitée

Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (rapport no 420).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen par le Parlement du projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’EIRL.

Cet examen fut particulièrement rapide puisque les deux assemblées n’ont disposé que de trois mois pour travailler sur un dispositif qui était présenté, à juste titre d’ailleurs, comme une innovation juridique majeure.

Cette innovation majeure tient au patrimoine professionnel d’affectation sans création d’une personne morale : un entrepreneur pourra désormais affecter à son activité professionnelle une partie de ses biens, qui constitueront la garantie de ses dettes professionnelles, sans pour autant devoir créer une société.

L’entrepreneur à patrimoine affecté ne sera donc plus responsable de ses dettes professionnelles sur l’ensemble de ses biens. Son patrimoine personnel et celui de sa famille devraient être ainsi mieux protégés des aléas de son activité économique.

Le projet de loi prévoit également un régime fiscal et social spécifique pour cette nouvelle catégorie d’entrepreneurs avec, en particulier, la possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés, dans un souci d’alignement sur le régime fiscal de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, l’EURL. Nous nous sommes d’ailleurs demandé s’il ne fallait pas supprimer l’EURL. Mais nous reviendrons sur ce sujet.

La commission mixte paritaire, qui s’est réunie la semaine dernière, a permis de trouver les voies d’un compromis positif avec l’Assemblée nationale sur les quelques dispositions restant réellement en discussion.

À l’Assemblée nationale, la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire était saisie au fond de ce texte. Elle a été à l’origine d’excellentes dispositions, notamment en matière de transmission de l’entreprise. Cela prouve, une fois encore, que le bicamérisme a bien un sens : chaque assemblée a gardé son identité mais nos travaux ont été complémentaires.

Les échanges réguliers, confiants et fructueux que j’ai pu nouer avec le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale, Mme Laure de la Raudière, durant toute la discussion de ce texte, ont bien sûr facilité la réalisation du compromis auquel est parvenu la commission mixte paritaire, sous la présidence éclairée de M. Patrick Ollier, que je tenais en cet instant à remercier.

Monsieur le secrétaire d’État, un point majeur de divergence demeurait avec l’Assemblée nationale : l’opposabilité de la déclaration d’affectation aux créanciers antérieurs. Cette question a été la plus débattue lors des travaux de la commission mixte paritaire, par les sénateurs comme par les députés, et je suis persuadé qu’aucun de ses membres n’a oublié ces débats.

Sur ce point, je le rappelle, le Sénat en était revenu à la rédaction initiale du projet de loi : la création du patrimoine affecté n’était opposable qu’aux créanciers dont les droits étaient nés postérieurement, que les créances soient professionnelles ou personnelles. Ainsi, les créances antérieures à la création du patrimoine affecté conservaient pour gage l’intégralité du patrimoine de l’entrepreneur.

L’Assemblée nationale avait décidé que la déclaration d’affectation serait opposable de plein droit aux créanciers antérieurs. De la sorte, du jour au lendemain, les créanciers professionnels de l’entrepreneur auraient vu l’assiette de leur droit de gage se réduire aux seuls biens professionnels affectés.

Cette disposition soulevait un véritable problème constitutionnel en remettant en cause l’équilibre de contrats légalement conclus sans motif d’intérêt général. Elle posait également un problème de nature économique dans la mesure où elle aurait été de nature à fragiliser les relations entre les entrepreneurs et leurs créanciers. Ces derniers sont certes des banquiers, et à ce titre ils savent prendre des garanties sur les biens personnels, mais ils sont aussi les fournisseurs d’autres petits entrepreneurs, qui auraient alors été lésés. Or, l’on connaît l’importance du crédit fournisseur dans notre pays. Il s'agit là d’une singularité française, qui est peut-être regrettable et qui est en tout cas sans équivalent chez nos voisins.

Il n’était pas possible d’accepter que les créanciers de l’entrepreneur puissent, du jour au lendemain, se voir opposer une déclaration d’affectation de patrimoine professionnel pour faire obstacle au recouvrement de créances légalement contractées. C’eût été introduire la suspicion et la méfiance dans les relations économiques de l’entrepreneur individuel !

À titre de compromis, le rapporteur de l’Assemblée nationale a proposé une solution intermédiaire, aux termes de laquelle l’entrepreneur a la faculté de rendre opposable la déclaration d’affectation aux créanciers antérieurs, qui disposent alors d’un droit d’opposition. Un tel mécanisme suppose une information réelle – j’insiste sur ce point – des créanciers concernés, afin que ceux-ci puissent faire jouer effectivement leur droit d’opposition.

À cet égard, la commission mixte paritaire a expressément refusé que l’information des créanciers antérieurs soit assurée par une simple publication, dans un journal d’annonces légales par exemple. Nos collègues François Pillet et François Zocchetto, et je les en remercie, ont, avec le talent que nous leur connaissons, défendu cette position qui a été reprise par la commission mixte paritaire.

Le texte renvoie désormais au pouvoir réglementaire le soin de définir les modalités d’information des créanciers antérieurs. Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement doit savoir qu’une simple publication ne sera pas suffisante. Sans doute faudra-t-il prévoir une information directe et individuelle des créanciers. J’attache une grande importance à ces éléments, car ils sont liés à la constitutionnalité de l’opposabilité. Nous avons accepté le principe de l’opposabilité à la condition que les créanciers soient directement informés.

La commission mixte paritaire a confirmé le maintien de la déclaration d’insaisissabilité, dont le texte prévoyait initialement l’extinction. Selon l’étude d’impact qui a été réalisée, les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée seraient 100 000 à la fin de 2012 et il resterait encore, à cette date 1,4 million d’entrepreneurs en nom propre, pour lesquels l’insaisissabilité conservera nécessairement un intérêt, du fait de sa simplicité et de son efficacité.

Ce mécanisme, créé en 2003, puis étendu en 2008, permet à un entrepreneur individuel de déclarer insaisissables, devant notaire, sa résidence principale et ses biens immobiliers non professionnels.

Quelques difficultés subsistaient également quant à la possibilité de disposer de plusieurs patrimoines d’affectation. Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer à plusieurs reprises, il n’existe aucun argument juridique s’opposant à ce qu’un même entrepreneur puisse créer plusieurs patrimoines professionnels, d’autant qu’il peut aujourd’hui fonder autant de sociétés unipersonnelles qu’il le souhaite.

Néanmoins, pour répondre aux voix multiples qui s’inquiétaient de la complexité pratique que provoquerait la pluralité des patrimoines affectés, j’ai proposé, et la commission mixte paritaire m’a suivi sur ce point, que la possibilité de constituer plusieurs patrimoines soit reportée au 1er janvier 2013. Cela nous permettra de réaliser une évaluation sérieuse.

Enfin, la commission mixte paritaire a procédé à quelques modifications de moindre importance.

Le Sénat ayant adopté des dispositions concernant la possibilité pour les mineurs de créer et de gérer une entreprise, le rapporteur de l’Assemblée nationale a proposé d’utiles mesures d’encadrement.

Le Sénat ayant veillé à ce que les procédures prévues au livre VI du code de commerce soient toutes applicables aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée, y compris les procédures de prévention des difficultés des entreprises, j’ai proposé à la commission mixte paritaire de prévoir la transmission au greffe du tribunal de commerce des comptes annuels lorsque ceux-ci n’y sont pas déposés, afin que le président du tribunal de commerce puisse correctement exercer ses missions de prévention.

À cet égard, je me félicite que le Sénat ait conditionné l’entrée en vigueur du statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée à la publication de l’ordonnance destinée à adapter toutes les procédures collectives. Le Gouvernement, je le rappelle, dispose de six mois pour édicter ce texte. En effet, nous n’aurions pu laisser les entrepreneurs dans un tel vide juridique pendant une trop longue période.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de déplorer de nouveau le délai trop bref laissé au Parlement pour examiner ce texte. Si nous avions disposé de plus de temps, nous aurions, j’en suis convaincu, pu adopter les procédures collectives – c’est un domaine dans lequel nous avons une certaine expérience –, évitant ainsi au Gouvernement de devoir légiférer par ordonnance. Sachez que je serai particulièrement vigilant, tout comme l’ensemble de la commission des lois, quant au contenu de cette ordonnance.

Mes chers collègues, je me suis déjà réjoui des excellentes relations que j’ai nouées avec le rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Je suis heureux que nous ayons travaillé dans le même esprit, monsieur le secrétaire d'État : vous avez su écouter et respecter la voix que le Sénat a tenu à faire entendre.

Il ne me reste donc plus qu’à souhaiter longue vie et plein succès à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, que nous allons porter ensemble sur les fonts baptismaux législatifs.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en votant ce texte, vous achèverez non seulement un processus parlementaire, mais vous mettrez aussi un terme à un combat vieux de trente ans en faveur de l’entrepreneur et de l’entrepreneuriat.

Ce texte était attendu par tous les acteurs concernés : les représentants des artisans et des commerçants, les chambres de métiers et, bien entendu, les entrepreneurs eux-mêmes.

Le présent projet de loi, qui vous a été soumis le 8 avril dernier en première lecture, visait à lutter contre ce qui constitue, je l’ai souligné à plusieurs reprises, un véritable scandale français : un scandale qui veut qu’un artisan, un commerçant, un professionnel libéral ou un agriculteur puisse, après un revers professionnel, perdre l’ensemble de ses biens personnels et se retrouver littéralement à la rue, ruiné, sans possibilité de rebondir !

Ce sont, j’en suis convaincu, des milliers de drames humains et familiaux qui seront évités à l’avenir. Dans le sort qui était réservé aux entrepreneurs individuels faisant faillite, il y avait, disons-le, quelque chose de barbare, qui contrastait violemment avec les principes d’une société moderne, protégeant et défendant les droits des individus.

L’entrepreneur du xxisiècle ne mérite pas le sort qui était réservé à celui du xixe siècle, à ces héros balzaciens qui, placés dans l’incapacité de rembourser leurs dettes, se voyaient couverts de déshonneur et rejetés du monde des affaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez décidé de rompre avec le dogme biséculaire de l’unicité du patrimoine pour les entrepreneurs individuels, en permettant à ces derniers d’affecter à leur activité un patrimoine professionnel distinct de leurs biens personnels. En cas de défaillance, l’entrepreneur ne sera responsable que sur le patrimoine affecté à son activité.

En votant ce texte, vous adresserez, et je m’en réjouis, un signal fort à tous ceux qui souhaitent entreprendre mais qui hésitent à passer à l’acte.

Alors que nous arrivons au terme du processus parlementaire, permettez-moi de revenir sur la qualité de vos apports, qui ont contribué à enrichir le texte.

Je salue tout particulièrement le travail du président de la commission des lois et rapporteur de ce texte. Vous avez su, monsieur Hyest, préserver la philosophie du projet de loi tout en apportant les sécurités et les clarifications juridiques nécessaires.

Vous avez regretté que le Parlement n’ait pas disposé de plus de temps pour examiner ce texte.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Heureusement, nous sommes doués !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Vous avez néanmoins réussi, dans un temps que vous estimez contraint – j’y vois pour ma part la marque de votre talent –, à donner à ce texte toutes les garanties juridiques qui lui faisaient défaut.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, mais il ne faudra pas recommencer trop souvent ! (Sourires.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Mes remerciements vont également à M. Michel Houel, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire lors de la première lecture de ce texte, et président du groupe d’études « Artisanat et services » du Sénat, qui a notamment travaillé sur la question des garanties et des sûretés personnelles, ainsi que sur les missions d’OSEO.

J’en viens aux contributions qui ont été apportées par la commission mixte paritaire, le 28 avril dernier.

J’évoquerai tout d'abord l’opposabilité de la déclaration d’affectation aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à la déclaration.

Je ne reviendrai pas sur le débat juridique que suscite l’opposabilité immédiate de la déclaration d’affectation aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à cette affectation. Cette question a fort heureusement abouti à un compromis en commission mixte paritaire.

L’un des objectifs du Gouvernement était de sécuriser parfaitement le régime de l’EIRL, afin que ses futurs utilisateurs puissent l’adopter facilement. En effet, la sécurité juridique du texte est la meilleure garantie de son applicabilité et de sa pérennité.

C’est pourquoi je me réjouis que la commission mixte paritaire ait donné à l’entrepreneur la possibilité de rendre le patrimoine affecté opposable à l’ensemble de ses créanciers, tout en étant tenu, s’il souhaite exercer cette option – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – d’informer individuellement les créanciers antérieurs. Ces derniers disposent alors d’un droit d’opposition du fait de la réduction de l’assiette de leur gage, sur le modèle du dispositif qui existe déjà en cas de réduction de capital non motivée par des pertes ou de transmission de patrimoine par voie de fusion. Il s'agit là, me semble-t-il, d’une bonne solution, qui concilie souplesse, protection maximale de l’entrepreneur et garantie des droits des tiers.

Les modalités d’information des créanciers pour l’exercice de leur droit d’opposition seront fixées par décret. À cet égard, comme vous me l’avez demandé, monsieur le rapporteur, le Gouvernement s’engage à prévoir une information individuelle des créanciers.

En ce qui concerne l’insaisissabilité, le Gouvernement avait, dans un premier temps, prévu la suppression de ce dispositif au moment de l’entrée en vigueur de la loi relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

La commission des lois du Sénat et la commission mixte paritaire, dont je respecte bien entendu la position, ont préféré maintenir les deux dispositifs : l’insaisissabilité d’une part, le patrimoine affecté d’autre part. Comme vous l’avez proposé, monsieur le rapporteur, nous évaluerons donc, lorsque nous disposerons du recul suffisant, l’application du régime de l’EIRL et l’opportunité de maintenir, ou non, le dispositif de l’insaisissabilité.

En ce qui concerne le développement de l’entrepreneuriat des mineurs dans un cadre sécurisé, je tiens à remercier la commission mixte paritaire des améliorations qu’elle a apportées à l’article 1er bis AA. Désormais, un mineur aura la possibilité de créer une entreprise, conformément au souhait émis par le Président de la République.

À un moment où l’esprit d’entreprise se développe dans notre pays – dans son numéro du 3 mai, le journal Le Parisien consacre un article à l’attrait des jeunes pour le statut de l’auto-entrepreneur – il est important que les plus jeunes de nos concitoyens puissent, s’ils le souhaitent, s’inscrire très tôt dans la dynamique de la création d’activité.

Toutefois, il est indispensable que la liberté qui est concédée au mineur soit strictement encadrée. Le Parlement a donc prévu que le mineur ne puisse pas effectuer des actes de disposition, qui peuvent entraîner une modification importante du patrimoine, sans l’accord exprès de son représentant légal.

Dans le même ordre d’idées, la commission mixte paritaire a adopté, par voie d’amendement, des dispositions visant à formaliser l’autorisation donnée au mineur d’accomplir seul les actes d’administration nécessaires aux besoins de la création et de la gestion d’une entreprise individuelle à responsabilité limitée. Ces dispositions vont dans le bon sens. Il s’agit en effet de préserver la sécurité et la protection tant du mineur que des tiers qui contractent avec lui.

En ce qui concerne l’entrée en vigueur du dispositif, qui est prévu pour le 1er janvier 2011, j’ai pris acte, monsieur le rapporteur, de votre souci d’assurer la sécurité du dispositif en conditionnant la mise en œuvre du nouveau statut de l’EIRL à la publication de l’ordonnance destinée à adapter les procédures collectives au patrimoine affecté. Vous avez en contrepartie ramené le délai d’habilitation de neuf mois à six mois.

Le Gouvernement veillera à publier, dans les plus brefs délais, cette ordonnance et l’ensemble des textes d’application nécessaires pour que le nouveau statut entre en vigueur dès le 1er janvier 2011. Je suis personnellement très attaché à cet engagement. Je veux que, à cette date, les premiers entrepreneurs individuels à responsabilité limitée voient le jour.

Pour ce qui est de l’accompagnement des entrepreneurs, j’ai la grande satisfaction de vous annoncer la mise en ligne du site www.infoeirl.fr depuis le 28 avril dernier.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ce site, développé par le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi en partenariat avec l’ordre des experts-comptables, permet de renseigner les entrepreneurs sur ce nouveau statut et de les accompagner dans leur choix de constituer une EIRL.

À l’instar de ce qui existe déjà pour l’auto-entrepreneur, l’entrepreneur pourra créer, dès le début de l’année prochaine, son EIRL en ligne, sur le site <www.guichet-entreprises.fr.>.

Comme vous l’avez souvent relevé en première lecture, il est indispensable de promouvoir cette réforme. En effet, elle n’aura de sens et ne pourra fonctionner que si les entrepreneurs en ont connaissance. De ce point de vue, nous avons tous un rôle majeur à jouer : le Parlement, le Gouvernement, les réseaux consulaires ainsi que les organisations professionnelles de l’artisanat, à qui je demande un engagement fort, tant elles ont été impliquées dans cette réforme. Il faut simplifier au maximum les démarches des entrepreneurs qui opteront pour le statut de l’EIRL. Sachez que je veillerai à la mise en œuvre de cette réforme.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d’avoir contribué, par vos interventions et par vos amendements, à la construction d’un texte qui, j’en suis convaincu, marquera un tournant historique dans notre droit des entreprises. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’introduction d’un patrimoine d’affectation dans notre droit est une demande ancienne des entrepreneurs individuels, et je me réjouis qu’elle trouve enfin, avec l’EIRL, une réponse adaptée.

Si la création d’un patrimoine d’affectation a été retardée pendant plus de trente ans, c’est parce que cette réforme n’était pas aisée à concevoir. Il fallait surmonter de multiples difficultés juridiques et apaiser des craintes importantes. De nombreux experts prévoyaient que l’affectation ne pourrait pas trouver naturellement sa place dans notre droit et qu’elle aboutirait à la mise en place d’un dispositif inapplicable, qui s’apparenterait à une usine à gaz, si vous me permettez cette expression.

Aujourd’hui, les difficultés juridiques ont été levées et les pronostics pessimistes déjoués. En peu de temps – quelques semaines à peine –, nous avons réussi à élaborer un dispositif relativement simple à mettre en œuvre et sécurisé sur le plan juridique.

Je veux saluer tous les acteurs qui, dans un esprit constructif, nous ont permis d’atteindre ce résultat. Ce succès, monsieur le secrétaire d'État, nous le devons tout d’abord à la qualité du texte que vous nous avez présenté : votre projet de loi posait des fondations solides. L’Assemblée nationale y a ensuite apporté des précisions essentielles, notamment dans le domaine de la transmission des entreprises.

La commission des lois du Sénat, sous l’impulsion de son excellent président, et rapporteur de ce texte, a poursuivi ce travail de précision et de sécurisation juridiques. La Haute Assemblée, avec la sagesse qui la caractérise, a ainsi pu tempérer de manière opportune quelques dispositions qu’un enthousiasme certes compréhensif, mais sans doute excessif, avait conduit à introduire dans le texte. Je pense à la rétroactivité des déclarations d’affectation, dont il a été déjà question, ou encore à la suppression de la possibilité, pour un entrepreneur, de protéger son patrimoine par une déclaration d’insaisissabilité.

Pour ma part, en qualité de rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, je me suis surtout intéressé à la question de l’accès au crédit, car cet enjeu sera décisif dans la réussite du nouveau dispositif. À cet égard, le Gouvernement avait annoncé l’appui d’OSEO pour accompagner l’EIRL, grâce à une garantie à hauteur de 70 % des crédits. Dans cet esprit, j’ai souhaité aller plus loin en proposant d’anticiper la réforme d’OSEO, qui devait initialement être réalisée dans le projet de loi de régulation bancaire et financière. La réorganisation d’OSEO a ainsi été introduite dans le présent texte, ce qui permettra à cet organisme d’assurer pleinement ses missions.

À l’issue de l’examen de ce texte par le Sénat, les points de désaccord entre les deux assemblées étaient relativement circonscrits. Je me félicite que la commission mixte paritaire se soit déroulée dans un esprit de cordialité et de recherche constructive du consensus. Le texte issu de ses travaux est équilibré et reprend l’essentiel des dispositions adoptées par le Sénat.

Au final, le projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée est un bon texte, qui apporte une réponse satisfaisante à la question de la protection du patrimoine des petits entrepreneurs. Le projet de loi atteint un bon équilibre entre simplicité et sécurité juridique. Il apporte également des éléments de réponse à la question difficile de la conciliation de la protection du patrimoine et de la confiance des créanciers. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je ne puis que vous encourager à le voter.

En conclusion, je tiens à rappeler que l’une des améliorations apportées au texte initial visait à étendre le statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée aux agriculteurs. Néanmoins, comme je l’ai signalé dans mon rapport pour avis et au cours de mon intervention en séance publique lors de la première lecture de ce texte, l’extension du statut de l’EIRL à l’agriculture ne deviendra pleinement effective qu’à la condition que les agriculteurs puissent, eux aussi, bénéficier de l’accompagnement d’OSEO. Ce n’est pas le encore le cas, car les dispositifs élaborés à l’échelon communautaire ne prévoient pas l’intervention d’OSEO pour les plus petites exploitations.

Monsieur le secrétaire d'État, vous vous êtes engagé à étudier sérieusement la révision de cette notification. Nous serons très attentifs au suivi de ce dossier et nous veillerons à ce qu’il connaisse un aboutissement heureux. Soyez dès à présent assuré de mon plein soutien et de mon entière confiance. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il nous appartient aujourd'hui de nous prononcer définitivement sur le projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Ce projet de loi était très attendu. Il concerne en effet trois millions de femmes et d’hommes – artisans, commerçants et exploitants agricoles – qui créent des emplois et des richesses et font vivre nos territoires, ruraux en particulier.

Ce projet de loi était aussi attendu par nombre de nos concitoyens. Je pense notamment aux chômeurs âgés de quarante-cinq ans ou cinquante ans qui, en cette période de crise, n’ont plus l’espoir de retrouver un travail, sauf à créer leur propre activité.

Je ne reviendrai pas sur la bonne intention qui sous-tend ce projet de loi, à savoir réformer le statut de l’entrepreneur individuel pour le protéger, lui et sa famille, des conséquences désastreuses d’une faillite. La création du statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée est une initiative louable, à laquelle on ne peut qu’adhérer, puisqu’elle vise à mettre fin au principe d’unicité du patrimoine des entrepreneurs en nom propre. Ce principe, énoncé à l’article 2284 du code civil, a en effet pour conséquence de rendre l’entrepreneur responsable sur l’ensemble de ses biens, y compris sur son patrimoine personnel.

Cette réforme, beaucoup d’entrepreneurs individuels l’attendaient depuis plus de trente ans. Pendant toutes ces années, les mesures se sont succédé – je pense à la création de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou à la déclaration d’insaisissabilité de la résidence personnelle de l’entrepreneur –, mais, à l’évidence, aucune n’a donné pleinement satisfaction.

Le texte adopté en commission mixte paritaire prévoit de limiter de manière significative le risque encouru par l’entrepreneur de voir ses biens propres ou sa maison saisis par ses créanciers professionnels. En réalité, rien n’a réellement été mis en place pour empêcher les détournements de l’esprit du texte qui, n’en doutons pas, ne manqueront pas de survenir dès l’entrée en vigueur des dispositions de cette loi.

En quoi l’existence d’un patrimoine affecté empêchera-t-elle les établissements de crédit d’exiger des sûretés réelles, constituées sur un bien du patrimoine personnel, pour garantir un emprunt nécessaire à la poursuite de l’activité et d’en faire la condition de l’obtention du prêt ? Nous n’avons pas non plus la certitude qu’après l’adoption de ce projet de loi les entrepreneurs individuels aient vraiment les moyens d’accéder au financement de leur activité sans mettre en péril les biens nécessaires à leur famille.

Pour l’heure, l’efficacité du projet de loi est soumise à une contrainte majeure. Ses conséquences sur la création d’entreprises pourraient être en pratique atténuées, puisqu’il se limite à aborder la question de la protection du patrimoine personnel en cas de faillite de l’entreprise.

Or, aujourd’hui, la problématique fondamentale des entrepreneurs individuels tient moins au remboursement des crédits en cas de faillite qu’à l’accès même aux prêts bancaires. En ce sens, l’affectation d’une partie du patrimoine à l’entreprise individuelle limite les garanties offertes aux banquiers dans le cadre de l’accès des entrepreneurs au crédit bancaire. Pour un euro prêté, il est fort possible qu’il leur soit toujours demandé un euro de caution, quelle que soit la configuration du patrimoine affecté.

J’attendais, je l’admets, un dispositif plus ambitieux en matière de crédit, car j’ai souvent fait, comme de nombreux élus, le constat terrible du rapport de force qui existe entre l’emprunteur et son banquier. Le texte aurait pu être l’occasion de proposer des mesures fortement correctrices, préventives et incitatives. Ce n’est malheureusement pas le cas.

Certes, la transformation de la structure d’OSEO, introduite dans le texte sur l’initiative de la commission de l'économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et de son rapporteur pour avis, et adoptée par la commission mixte paritaire, était nécessaire, et nous y sommes favorables. Toutefois, sur le principe, il est regrettable que ce soit une fois de plus l’argent public, détenu et géré par OSEO, qui serve à atténuer les contraintes fortes imposées par les banques dans l’accompagnement des entreprises individuelles. Une telle mesure ne remédiera pas à la situation actuelle.