Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, ma question, qui s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, porte sur les problèmes de copropriété, et plus particulièrement sur les pratiques tarifaires des syndics professionnels.
La copropriété concerne aujourd’hui 8 millions de logements, regroupant 21 millions de personnes, dont 40 % de ménages modestes. Les charges, en constante hausse, constituent l’une des principales problématiques pour les copropriétaires, en raison, notamment, des pratiques tarifaires des syndics professionnels. Force est de constater la généralisation de pratiques opaques et abusives de la part de nombreux syndics, qui décrédibilisent un mode de propriété pourtant censé être plus accessible.
Ces dérives ont d’ailleurs été constatées et fustigées dans un avis du Conseil national de la consommation, le CNC, rendu le 27 septembre 2007, relatif à l’amélioration de la transparence tarifaire des prestations des syndics de copropriété. Celui-ci prévoyait l’encadrement de la profession de syndic par un arrêté ministériel, après évaluation de l’application de cet avis par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, avant le 31 décembre 2008. Selon l’administration, 92 % des syndics respectaient intégralement, au début de l’année 2009, l’avis du CNC. Cependant, quatre enquêtes menées parallèlement démontraient que le respect de cet avis ne concernait que 60 % des syndics.
Voilà quelques mois, l’association des responsables de copropriété a lancé une nouvelle étude, dont le résultat est très éloigné de celui de la DGCCRF : le taux de non-conformité atteindrait de 50 % à 67 %, alors que la DGCCRF avançait le chiffre de 8 %. Ainsi, les différents résultats contredisent tous l’étude menée par la DGCCRF.
Madame la secrétaire d’État, à ce jour, l’arrêté n’a toujours pas été pris. Dernièrement, j’ai appris qu’une réunion avait eu lieu en février pour convenir d’un projet d’arrêté. Il m’a été rapporté que celui-ci ne refléterait pas l’avis majoritaire des « consommateurs » et usagers. Il ne reprendrait aucune des principales demandes formulées par la majorité des organisations de consommateurs et de copropriétaires et ne réglerait pas les problèmes de surfacturation.
En effet, selon ce projet, les syndics continueraient à facturer, outre les honoraires de base, la tenue des assemblées générales, des frais de tirage trop souvent abusifs, des forfaits supplémentaires injustifiés et excessifs, ainsi que des frais « privatifs » obligatoires et arbitraires.
Madame la secrétaire d’État, depuis plusieurs années, les mauvaises pratiques tarifaires des syndics professionnels sont dénoncées non seulement par de nombreuses associations et organisations de consommateurs et de copropriétaires, mais aussi par les médias. Malheureusement, le problème n’est toujours pas résolu ! Pouvez-vous m’informer de l’évolution du projet d’arrêté relatif aux contrats de syndic ? Celui-ci reprend-il les principales demandes formulées par les organisations de consommateurs et de copropriétaires ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame le sénateur, Hervé Novelli a signé vendredi dernier – c’est donc tout à fait récent – l’arrêté qui fait l’objet de votre question. Je souhaite cependant rappeler le contexte dans lequel il s’inscrit.
Vous l’avez souligné, le Conseil national de la consommation a émis, le 27 septembre 2007, un avis proposant une liste de quarante-quatre prestations relevant de la gestion courante confiée aux syndics de copropriété. Ces recommandations devaient rendre plus lisibles les contrats de syndic et faciliter la comparaison entre les différentes prestations proposées.
Par ailleurs, ainsi que vous l’avez indiqué, Hervé Novelli a demandé à la DGCCRF de réaliser une enquête durant l’année 2008, afin de vérifier l’application de l’avis du CNC pour les contrats renouvelés au cours de l’année. Celle-ci a mis en évidence une application satisfaisante des recommandations du CNC, mais également des marges d’interprétation de certaines rubriques de la recommandation.
Lors des Assises de la consommation qui se sont tenues le 26 octobre 2009, Hervé Novelli a annoncé sa décision de fixer par arrêté la liste des prestations de syndic devant être au minimum couvertes par le forfait annuel payé par les copropriétaires.
Comme je l’ai annoncé, Hervé Novelli a signé l’arrêté « syndics de copropriété » vendredi dernier. Ce dernier reprend la liste des prestations de gestion courante recommandée par le CNC, assortie de précisions sur certains postes de dépenses, afin d’exclure tout risque d’interprétations divergentes.
Les aménagements du projet de texte sont issus d’une consultation approfondie des deux rapporteurs du groupe de travail du CNC et d’une consultation écrite des associations de consommateurs et des organisations professionnelles représentées au CNC.
Cet arrêté permettra de rétablir la confiance des consommateurs envers leur syndic. Pour autant, il ne s’agit pas de pénaliser les nombreux syndics qui ont fait des efforts et respectent déjà l’avis du CNC. Tous les nouveaux contrats signés après le 1er juillet 2010 devront être conformes à cet arrêté.
Par ailleurs, Hervé Novelli a saisi la Commission des clauses abusives, afin de faire la lumière sur le caractère abusif ou non de l’ensemble des clauses figurant dans les contrats de syndic, et notamment l’articulation entre prestations de gestion courante et prestations particulières.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la secrétaire d’État, je tiens à remercier M. Novelli d’avoir signé cet arrêté. J’espère donc que les consommateurs bénéficieront désormais de toute la transparence souhaitable en ce domaine.
reconduction du dispositif allocation équivalent retraite
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 773, adressée à M. le secrétaire d'État chargé de l'emploi.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà maintenant plus d’un an et demi, j’ai alerté le Gouvernement sur la situation dramatique des bénéficiaires de l’allocation équivalent retraite, l’AER, supprimée par le Gouvernement en 2008 et rétablie sous la pression en 2009, dans des conditions d’incertitude très difficiles pour les allocataires, lesquels ont pu perdre jusqu’à 600 euros par mois.
Le 15 février dernier, Laurent Wauquiez a annoncé, sans autre précision, la reconduction exceptionnelle de l’allocation équivalent retraite. On compte aujourd’hui 45 000 bénéficiaires de l’AER, dont les familles sont aujourd’hui dépendantes des conditions de mise en œuvre de cette allocation. Les agents de Pôle emploi, dont la charge de travail est déjà très lourde, devront aider dans l’urgence ces personnes à monter leur dossier, sans savoir si la mesure sera rétroactive et sans connaître véritablement les conditions d’obtention de l’AER. Vous en conviendrez avec moi, madame la secrétaire d’État, rien n’est clair !
Depuis plus d’un an et demi, de très nombreuses familles vivent avec cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête. C’est bien le Gouvernement qui tient le glaive dans cette affaire. Je vous demande donc instamment, madame la secrétaire d’État, de tranquilliser ces familles et d’apporter un peu de sérénité aux agents de Pôle emploi.
Mes questions seront extrêmement précises. Quand comptez-vous publier le décret de prolongation de l’AER ? Pouvez-vous me confirmer que cette prolongation se fera dans les mêmes conditions qu’en 2009 et que le nombre de trimestres concernés sera identique ? Avez-vous l’intention de prolonger ce dispositif jusqu’à la fin de l’année 2011 ? Avez-vous diligenté une enquête pour comprendre les raisons pour lesquelles autant de personnes, croyant de toute bonne foi pouvoir bénéficier de l’AER, ont adhéré, en 2008, à des plans de départ volontaire ?
Vous le savez, la manifestation qui se déroulera cet après-midi réunira la plupart des 45 000 personnes que je viens d’évoquer, lesquelles ne savent pas si elles pourront, demain, recevoir une retraite décente des services sociaux.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, au nom de mon collègue Laurent Wauquiez, je vous rappelle que, conformément à votre souhait, le Président de la République a annoncé, dans le cadre de la conférence de l’agenda social, la prorogation en 2010 de l’allocation équivalent retraite, qui garantit aux demandeurs d’emploi un niveau de ressources minimum, revalorisé chaque année, jusqu’au moment de la liquidation de leur retraite.
Cette allocation, versée sous conditions de ressources, se substitue à un revenu de remplacement – allocation de solidarité spécifique ou RSA – ou peut être versée après expiration d’une allocation de chômage. Elle peut également compléter une allocation de chômage d’un faible montant, et est alors dénommée « AER de complément ».
Au cours de l’année dernière, marquée par une période exceptionnelle de crise, le Gouvernement avait décidé, en accord avec les partenaires sociaux, de prolonger cette allocation pour 2009. L’incidence de la crise mondiale continuant malheureusement à peser sur le marché de l’emploi, le Gouvernement a souhaité reconduire cette allocation pour l’année 2010. Cette mesure de justice sociale permet également d’apporter une réponse aux demandeurs d’emploi en fin de droits à l’assurance chômage.
Un décret est actuellement en cours de signature pour prolonger de manière exceptionnelle jusqu’au 31 décembre 2010 la possibilité accordée aux demandeurs d’emploi de bénéficier de cette allocation.
Ainsi, de nouvelles ouvertures de droits pourront être attribuées dès lors que la demande sera déposée avant le 31 décembre 2010 et que le demandeur d’emploi remplira les critères d’attributions suivants : être demandeur d’emploi, être âgé de moins de soixante ans, disposer de ressources inférieures à un plafond déterminé, justifier d’une durée d’assurance vieillesse au moins égale à 161 trimestres.
M. Laurent Wauquiez a demandé au directeur général de Pôle emploi de prendre les mesures nécessaires pour que les personnes concernées puissent bénéficier très rapidement de cette allocation.
Dans le même temps, le Gouvernement est toujours très déterminé quant à l’emploi des seniors, qui ne doivent plus être considérés comme la variable d’ajustement de nos politiques de l’emploi. Vous le savez, des mesures ont été prises pour favoriser leur maintien dans l’emploi, avec notamment l’obligation pour toutes les branches et les entreprises de plus de 300 salariés de négocier des accords sur l’emploi des seniors.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Selon moi, celles et ceux qui ont travaillé toute une vie ne doivent pas perdre leur allocation sous prétexte que les seniors font désormais l’objet d’une politique d’emploi ! Ces personnes sont souvent victimes de plans sociaux qui ne disent pas leur nom, et sont parfois contraintes de quitter leur entreprise.
La suppression de l’AER ne pouvait être envisagée que dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique en faveur des seniors. Mais on a mis la charrue devant les bœufs : en supprimant l’AER, on fait porter le fardeau à celles et ceux qui subissent une politique visant à les exclure de l’entreprise.
Je le rappelle, ces personnes se sont vu préciser, parfois de façon écrite, qu’elles toucheraient l’allocation équivalent retraite.
Votre intervention, madame la secrétaire d’État, ne répond qu’en partie à mes préoccupations, puisque vous n’avez pas abordé la question de la rétroactivité. Celles et ceux qui n’ont pas reçu cette allocation au cours des derniers mois doivent pouvoir bénéficier d’une mesure rétroactive. Il est également essentiel que le décret soit publié le plus rapidement possible afin que les agents de Pôle emploi puissent travailler en toute sérénité. En effet, les 45 000 personnes concernées, compte tenu de la grande précarité dans laquelle elles se trouvent, se tournent fort justement vers cet organisme. La publication de ce décret est donc urgente.
marchés de définition et arrêt de la cour de justice de l'union européenne du 10 décembre 2009
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, en remplacement de M. Daniel Raoul, auteur de la question n° 780, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la secrétaire d'État, je me fais l’interprète de mon collègue Daniel Raoul, qui souhaite attirer l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur l’avenir des marchés de définition à la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 10 décembre 2009.
Le code des marchés publics, notamment son article 73 et le IV de son article 74, traite de la procédure dite des « marchés de définition ». Cette procédure permet, dans les cas où un projet ne peut faire l’objet d’un programme précis déterminé à l’avance, d’explorer les possibilités et les conditions d’établissement d’un marché ultérieur. Pour ce faire, l’article 73 dispose ceci : « dans le cadre d’une procédure unique, les prestations d’exécution faisant suite à plusieurs marchés de définition ayant un même objet et exécutés simultanément, sont attribuées après remise en concurrence des seuls titulaires des marchés de définition […] ».
Le travail simultané sur le programme et sa formalisation urbaine ou architecturale, un dialogue soutenu entre maître d’ouvrage et maîtres d’œuvre, très en amont, et une appropriation collective du projet sont les atouts essentiels de cette procédure. Celle-ci est particulièrement utile en matière d’urbanisme, car elle permet d’aborder le fait urbain dans sa complexité et de définir la programmation urbaine dans un processus itératif mieux adapté qu’aucune autre procédure.
Or cette procédure vient d’être condamnée par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 10 décembre 2009. Les motifs de cette condamnation sont exposés dans l’arrêt : « […] Dans la mesure où ces dispositions prévoient une procédure de marché de définition qui permet à un pouvoir adjudicateur d’attribuer un marché d’exécution à l’un des titulaires des marchés de définition initiaux avec mise en concurrence limitée à ces titulaires, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 et 28 de la directive 2004/18/CE. »
Observons que c’est le fait de limiter le marché d’exécution ultérieur aux seuls titulaires du marché d’études antérieur qui est condamné ; le principe consistant à faire conduire plusieurs études simultanées sur le même objet en vue d’approfondir le programme urbain en concertation étroite avec le maître d’ouvrage n’est en aucun cas dénoncé.
De nombreuses études sont aujourd’hui lancées, mobilisant des moyens importants. Or nous sommes aujourd’hui dans l’ignorance de l’effet de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne sur les procédures en cours qui ont été engagées sur la base du droit existant.
Aussi, mon collègue Daniel Raoul demande tout d’abord comment les dispositifs engagés et ceux d’exécution ultérieurs pourront être conduits à leur terme. En ce qui concerne les marchés d’exécution ultérieurs, les procédures engagées l’ont été sur la base de la perspective de la réalisation de cette deuxième phase ; ne pas les autoriser troublerait significativement l’équilibre économique de la démarche entreprise par les candidats.
Ensuite, mon collègue demande, au cas où des adaptations de règles seraient nécessaires, dans quelle mesure des « passerelles » légales pourraient être introduites rapidement afin de ne pas interrompre les procédures en cours et de permettre de transférer les procédures engagées.
Enfin, il souhaite savoir quelle procédure permettra de remplacer le dispositif des « marchés de définition », et à partir de quand. (M. Daniel Raoul entre dans l’hémicycle.)
Daniel Raoul venant à l’instant de nous rejoindre dans cet hémicycle, il aura tout loisir de prendre la parole dès après que Mme la secrétaire d'État lui aura répondu. (M. Daniel Raoul acquiesce.)
M. le président. Monsieur Raoul, compte tenu de la concision de certaines interventions, nous avions un peu d’avance sur notre horaire, et c’est pourquoi M. Claude Bérit-Débat s’est fait votre interprète. Mais vous pourrez bien sûr intervenir en réponse à Mme la ministre.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. M. Bérit-Débat s’est fait l’interprète de M. Raoul. Pour ma part, monsieur le sénateur, j’agirai de même pour ma collègue Christine Lagarde. (Sourires.)
Comme vous l’avez rappelé, par un arrêt du 10 décembre 2009, la Cour de justice de l’Union européenne a condamné la procédure des marchés de définition prévue à l’article 73 et au IV de l’article 74 du code des marchés publics. Vous avez souligné tout l’intérêt de cette procédure organisée en deux temps : à des marchés de définition succédait un marché d’exécution, qui pouvait être, par exemple, un marché de maîtrise d’œuvre.
Afin de mettre le code des marchés publics en conformité avec la décision de la Cour et de se conformer aux obligations communautaires, cette procédure particulière sera abrogée dans un décret à paraître prochainement.
Quelles sont les conséquences de cette décision sur les contrats passés actuellement sur le fondement de ce dispositif ?
Les marchés de définition et d’exécution attribués avant l’arrêt de la Cour ne sont évidemment pas remis en cause si leur exécution est achevée. Si le marché de définition est achevé, tandis que le marché d’exécution n’a pas encore commencé, une mise en concurrence élargie à d’autres soumissionnaires que les titulaires des marchés de définition initiaux doit être organisée. L’équilibre économique de la procédure ne sera pas bouleversé si les clauses du marché de définition ont prévu le transfert de la propriété intellectuelle de la « définition » du projet à l’acheteur public.
Si le marché de définition ou le marché d’exécution est en cours, la nécessaire stabilité des relations contractuelles et le principe de loyauté que se doivent les parties à un contrat administratif leur interdit de se prévaloir de la décision de la Cour de justice pour tenter d’obtenir la nullité du contrat. En revanche, les personnes publiques sont tenues, pour se conformer à la décision de la Cour de justice, de procéder à la résiliation des marchés d’exécution en cours. À défaut, la France serait exposée à une nouvelle condamnation par la Cour, comme ont été condamnés d’autres pays avant elle.
Le Gouvernement est toutefois très conscient des difficultés pratiques que peut soulever une telle solution, notamment si le marché est en voie d’achèvement. Afin d’y remédier au cas par cas, Christine Lagarde invite les acheteurs publics à saisir la direction des affaires juridiques de Bercy de toute difficulté rencontrée.
Si, depuis l’arrêt de la Cour, les acheteurs publics ne peuvent plus avoir recours à l’article 73 du code des marchés publics, d’autres procédures sont utilisables. Il leur est ainsi possible de conclure plusieurs marchés d’étude, puis de lancer une seconde procédure permettant l’attribution d’un marché ultérieur, conformément aux règles de droit commun prévues par le code des marchés publics.
Le Gouvernement réfléchit actuellement à l’opportunité d’adapter les instruments juridiques existants, afin de répondre aux besoins spécifiques auxquels permettait de répondre la procédure des marchés de définition, désormais interdite, et dont vous avez fort justement souligné tout l’intérêt, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Madame la secrétaire d’État, l’arrêt rendu en décembre 2009 par la CJUE fait suite à un rappel à l’ordre qu’avait reçu la France au sujet de l’article 73 du code des marchés publics, relatif aux marchés de définition. Aussi, ce problème aurait dû être réglé voilà pratiquement deux ans.
Les collectivités territoriales qui ont engagé des concours de marché de définition se retrouvent confrontées à une grande insécurité juridique. Madame la secrétaire d'État, vous dites que la solution consistera à élargir l’appel d’offres. Certes, mais cela n’est pas entièrement satisfaisant dans la mesure où l’adjudicataire du marché de définition pourrait se trouver exclu, alors même qu’il aurait défini le cahier des charges.
Je ne suis pas certain que la direction des affaires juridiques de Bercy soit à même de trouver une solution simple.
Madame la secrétaire d'État, vous affirmez que les acheteurs publics peuvent d’ores et déjà recourir à d’autres procédures en lieu et place des marchés de définition. Certes, mais à une époque où il est beaucoup question de simplification, je ne suis pas certain que ce soit la bonne voie pour simplifier ce concept en matière urbanistique.
Je pense en particulier à l’appropriation des berges de la Maine, à Angers, vaste chantier pour lequel les collectivités territoriales sont pour l’heure dans l’incapacité totale de définir un programme sur le modèle de ce qui est requis dans le cadre d’un appel d’offres classique.
Seul un marché de définition, parce qu’il fait concourir plusieurs cabinets d’architectes – et je prends au hasard l’exemple du Grand Paris (Sourires.) –, peut éclairer le maître d’ouvrage sur son projet.
L’incertitude qui pèse sur les marchés d’exécution en cours place les collectivités territoriales dans une grande insécurité juridique. Vous avez beau affirmer, madame la secrétaire d'État, que l’équilibre économique de la procédure ne sera pas bouleversé si les clauses du marché de définition ont prévu le transfert de la propriété intellectuelle de la « définition » du projet à l’acheteur public, je crains que la situation des collectivités territoriales ne demeure très inconfortable sur le plan juridique.
M. le président. Mes chers collègues, dans l’attente de l’arrivée de M. le ministre de la culture et de la communication, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures vingt-cinq, est reprise à dix heures trente.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 762, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Claude Bérit-Débat. Moussu lou ministré, que poudeyri m’adressa à bous en biarnes ou en occitan, ûe lénga que aymi parla e douc soy amourous més que boy lo hà en francés per respect pour lou gouvernament e pour lou parlamén.
Monsieur le ministre, depuis 2008, la Constitution reconnaît les langues régionales comme faisant partie intégrante du patrimoine de la France. Malgré cela, nous attendons toujours le projet de loi pérennisant leur pratique, promis par le Président de la République. En vain semble t-il, si l’on se réfère aux réponses qui nous ont été fournies jusqu’ici.
Pourtant, la vitalité des langues régionales en France ne se dément pas. Une enquête sociolinguistique réalisée en Aquitaine à la fin de l’année 2008 démontre que 250 000 Aquitains – soit un Périgourdin sur six – parlent occitan. Et surtout, 80 % d’entre eux souhaitent le renforcement de son enseignement à l’école.
Malgré cela, l’État rechigne à mettre en place les solutions adaptées pour pérenniser cet engouement incontestable. Aujourd’hui, 500 élèves occitanistes sont répartis dans trois collèges et lycées périgourdins. Leurs effectifs croissants nécessiteraient une augmentation du nombre de postes d’occitan ouvert au CAPES. Hélas ! les heures de cours, et donc les postes d’enseignant, manquent pour répondre convenablement à cette demande.
Plus largement, les cahiers des charges des radios et des chaînes audiovisuelles publiques devraient comprendre la diffusion, mais aussi la production d’émissions en langue régionale. Les médias devraient en effet être un support davantage utilisé pour promouvoir la diversité culturelle. Or le magazine occitan Punt de Vista, certes diffusé sur France 3 Aquitaine, n’a pu voir le jour que parce qu’il est financé par le conseil régional d’Aquitaine.
Loin d’être anachroniques, les langues régionales sont un facteur d’insertion professionnelle et de cohésion sociale. Ainsi, en Dordogne, une formation assure l’apprentissage de l’occitan aux professionnels en charge de l’accompagnement à domicile ou en établissement pour personnes âgées.
Il est reconnu que, pour les aînés, communiquer dans leur langue maternelle est un moyen efficace de maintenir leur capacité cognitive et retarde le développement de maladies de type Alzheimer. On le voit, la culture vient ici au service de la santé.
Monsieur le ministre, comment comptez-vous tenir les promesses présidentielles en faveur de langues régionales dont je n’ai pu évoquer les apports qu’à grands traits ? Pouvez-vous me dire comment vous entendez pérenniser l’occitan, le provençal, le basque, le breton, bref, l’ensemble des langues régionales, c’est-à-dire en fait la culture française qui, comme la nation, si elle est unique, n’est pas pour autant uniforme ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, le projet de loi relatif aux langues régionales que le Gouvernement avait envisagé de déposer en mai 2008 était conçu comme un élément au sein d’un dispositif global de développement des langues régionales en France. Il visait en premier lieu à donner une forme institutionnelle au patrimoine linguistique de la nation et, en second lieu, à rassembler dans un même texte des dispositions existantes, mais que leur dispersion rend parfois difficilement accessibles à nos concitoyens.
Or, notre loi fondamentale ayant été modifiée en juillet 2008, le premier objectif a été pleinement atteint puisque le titre XII de la Constitution, consacré aux collectivités territoriales, comporte désormais un article stipulant que « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la Constitution a une portée supérieure à tout autre texte législatif national.
Par ailleurs, on peut envisager le développement des langues régionales sans avoir nécessairement à légiférer. En effet, l’appareil législatif et réglementaire actuel offre des possibilités qui ne sont pas toujours exploitées. De la signalisation routière à la publication des actes officiels des collectivités territoriales, il y a maintes occasions de manifester un bilinguisme français-langue régionale.
De nombreuses marges de manœuvre existent, qui pourront être utilisées si les collectivités locales, aux côtés de l’État, font valoir pleinement leurs compétences en la matière, comme les y invite le titre XII de la Constitution.
L’État, de son côté, consent d’ores et déjà un effort important en faveur du développement des langues régionales. Je pense au ministère de l’éducation nationale et à son action en matière d’enseignement, mais aussi au ministère de la culture et de la communication, qui soutient les initiatives contribuant à renforcer la création en langues régionales.
Pour ce qui concerne la langue et la culture occitanes en particulier, sur lesquelles vous m’interrogez également, je tiens à vous dire que mon ministère apporte notamment son soutien financier aux productions cinématographiques et audiovisuelles occitanes, à la création théâtrale – Théâtre La Rampe de Montpellier et Centre dramatique occitan de Toulon – ainsi qu’à la publication et à la traduction d’œuvres littéraires représentatives. Il encourage les actions de valorisation menées dans un cadre interrégional, particulièrement adapté à une langue parlée sur une vaste zone, qu’il s’agisse de l’Estivade de Rodez ou du travail de l’Institut d’études occitanes pour la promotion et la socialisation de la langue. Plusieurs programmes font l’objet d’une coopération avec les conseils régionaux et autres collectivités publiques, dont bénéficie par exemple le Centre inter-régional de développement de l’occitan, à Béziers.
D’une manière générale, sont privilégiées les initiatives qui favorisent et diffusent la création occitane dans sa modernité et qui contribuent à conforter sa place dans le paysage culturel de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le ministre, les efforts de l’État dans ce domaine me semblent nettement insuffisants.
Vous soutenez qu’il est inutile de légiférer puisque la Constitution mentionne les langues régionales. Ensuite, comme le fait le Gouvernement chaque fois qu’il est interpelé par mes amis occitanistes ou défenseurs des langues régionales, vous dressez un état des lieux de la situation actuelle, affirmant qu’il existe déjà des moyens de promouvoir et de défendre une langue régionale, notamment par le biais de la signalétique. Le maire que j’ai été peut vous dire que ces moyens sont utilisés depuis longtemps. Sans les collectivités locales, rien ne pourrait être fait.
Je souhaite que le Gouvernement dégage des moyens, notamment pour l’apprentissage de la langue régionale. Comme je l’ai indiqué voilà un instant, mon département – pour ne parler que de l’occitan – compte trois lycées et collèges qui accueillent 500 élèves. La demande des jeunes est très forte. Nombre d’entre eux considèrent que l’apprentissage de leur langue maternelle ou paternelle est un moyen de se réapproprier une part de l’histoire de leur région et, au-delà, de la nation tout entière. Parallèlement, 80 % des parents souhaitent qu’un effort soit réalisé dans ce domaine.
Or, le ministère de l’éducation nationale ne fait rien : ni nomination d’enseignants, ni création de postes au CAPES ou d’heures supplémentaires.
Pour vous donner une idée de la disproportion de l’effort consenti par l’État et par les collectivités locales, permettez-moi de rappeler que, au cours de son dernier mandat, le président du conseil régional d’Aquitaine, M. Alain Rousset, a consacré un million d’euros à la promotion de l’occitan, alors que, dans le même temps, l’État ne dépensait que 10 000 ou 20 000 euros.
Il me semble que le ministère de la culture et de la communication devrait accroître la mobilisation des médias, de la télévision. L’émission en occitan Punt de Vista que j’ai mentionnée est entièrement financée par le conseil régional. Sans cet effort, elle n’existerait pas.
Je lance un appel pour que se crée une véritable prise de conscience. Il est bien que les langues régionales soient reconnues dans la Constitution. Encore faut-il leur donner les moyens de vivre, qu’il s’agisse de l’occitan, du basque, du breton, du provençal. Ces langues font la richesse de notre pays et ne portent en rien atteinte à l’unité de la nation.