M. Bernard Frimat. Pour le plus grand plaisir de M. Portelli, je parlerai maintenant du Pas-de-Calais, dont le cas est particulièrement intéressant.
Vous ne cessez de vous référer, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, aux avis d’une commission qu’il nous paraît abusif de qualifier d’ « indépendante », et que nous nous obstinons pour notre part à appeler « commission de l’article 25 » : on ne peut pas dire qu’elle ait fait preuve d’une grande sévérité à l’égard du Gouvernement !
Pourtant, cette commission avait émis un avis défavorable sur un premier projet de découpage électoral du Pas-de-Calais, avis qu’elle a maintenu après que le Gouvernement eut opéré quelques modifications, au motif notamment que le nouveau projet laisse intact l’écart démographique à la moyenne départementale affectant la neuvième circonscription.
Ce département, je le rappelle, compte actuellement quatorze députés, douze de gauche et deux de droite, et va perdre deux sièges à la suite de la nouvelle répartition. Le maintien d’un écart démographique significatif pour la neuvième circonscription est lié à votre volonté, monsieur le secrétaire d’État, de préserver les deux députés de votre camp, quitte à ne pas respecter les critères fixés et à aller à l’encontre de la logique des bassins de vie, en l’occurrence dans l’ancien pays minier.
Le Conseil constitutionnel ne manquera pas de lire l’objet de notre amendement et de prendre en compte les conclusions de la commission de l’article 25. Je me borne à appeler son attention sur ce point, à la suite des députés des première et deuxième circonscriptions du Pas-de-Calais.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le découpage proposé reprend partiellement les préconisations de la commission prévue à l’article 25 de la Constitution. Les écarts démographiques à la moyenne départementale sont très faibles, le plus important d’entre eux atteignant 14,74 %. Tous les autres sont inférieurs à 10 %.
L’avis de la commission est donc défavorable. J’ajoute que l’adoption de cet amendement obligerait à supprimer ailleurs deux sièges de député.
M. Bernard Frimat. Je n’ai jamais demandé que l’on change le nombre de sièges !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si, puisque votre amendement prévoit l’abrogation des éléments du tableau des circonscriptions électorales des départements faisant mention du Pas-de-Calais ! Cela signifie bien que le nombre actuel de députés serait maintenu.
M. Bernard Frimat. Nous arrangerons cela en commission mixte paritaire !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est vrai que vous aviez déjà proposé de supprimer le siège dévolu à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. Il faudrait encore en trouver un autre d’ici à la fin de notre débat !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Avis défavorable, monsieur le président.
Pour des raisons démographiques, le département du Pas-de-Calais perd deux circonscriptions, le nombre de celles-ci passant de quatorze à douze. Pour les mêmes raisons, le Nord en perd trois. Cinq des actuelles circonscriptions du Pas-de-Calais présentant des écarts à la moyenne de la population supérieurs à 17 %, il convenait de corriger ce fort déséquilibre et de revoir la délimitation de l’ensemble des circonscriptions, en répartissant au mieux les cantons de celles qui seront supprimées.
Puisque vous citez souvent le Conseil d’État, je vous indique qu’après avoir examiné de très près le cas de ce département et celui du Nord, il a émis un avis favorable sur le projet du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Croyant m’exprimer dans un français à peu près correct, j’espérais que mes propos ne seraient pas travestis…
La commission prévue à l’article 25 a émis un avis défavorable sur le nouveau projet de découpage, qui laisse intact le déficit significatif affectant la neuvième circonscription. Par conséquent, quand vous affirmez, monsieur le secrétaire d’État, que le découpage a été opéré au mieux, vous voulez en fait dire : « au mieux de nos intérêts » !
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. Mirassou, Auban et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception du département de Haute-Garonne.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception du département du Nord.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département et des circonscriptions attenantes sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Le Nord, comme le Pas-de-Calais, les Bouches-du-Rhône ou Paris, fait partie des départements volés en termes de représentation parlementaire : c’est un hold-up organisé par tranches ! Je le répète : d’autres répartitions des sièges étaient possibles.
Raisonnons cependant dans les limites qui nous sont imposées. Là encore, on nous oppose les arguments classiques relatifs au respect des critères démographiques. Or il se trouve que la fameuse commission de l’article 25 a – timidement –présenté deux propositions de remodelage et trois suggestions de redécoupage, dont la prise en compte aurait eu pour effet sinon de résorber l’ensemble des écarts démographiques constatés, du moins de les réduire. Elles s’inscrivaient donc dans la logique du considérant 21 de la décision du Conseil constitutionnel, aux termes duquel l’Assemblée nationale doit être élue sur des bases essentiellement démographiques, dans des conditions respectant « au mieux » l’égalité devant le suffrage. L’une de ces propositions permettait même de ramener l’écart démographique à la moyenne départementale à 1 % pour une circonscription où il est actuellement particulièrement élevé.
Le Gouvernement, qui se déclare très attentif aux propositions de la commission dite « indépendante », n’a pris en compte aucune de ses timides remarques. Cela donne la mesure de la considération qu’il lui porte en réalité ! De fait, son objectif était le même que pour tous les autres départements : mettre en place le découpage électoral le plus propre à entraver, voire à bloquer, l’alternance démocratique. L’étape suivante consistera peut-être à retirer le droit de vote à quelques-uns d’entre nous ! (M. le rapporteur rit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À chaque modification du mode de scrutin ou du découpage électoral, on entend dire qu’il s’agit d’empêcher l’alternance. Or cela n’a jamais été le cas.
M. Bernard Frimat. Sauf au Sénat, pour l’instant !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tiens ! Vous n’en parliez plus depuis deux ans, c’est bizarre !
Certes, on peut toujours estimer qu’un meilleur découpage aurait été possible, mais si les députés étaient appelés à y procéder eux-mêmes, il faudrait, pour parvenir à un résultat, les enfermer dans une salle pendant trois mois avec interdiction d’en sortir ! Ce sujet suscite des débats passionnés, et même des attaques personnelles !
L’avis de la commission indépendante sur le découpage proposé pour le département du Nord a été partiellement suivi par le Gouvernement, et le projet présenté est conforme aux critères fixés par la loi d’habilitation. Dès lors, et comme nous n’avons pas l’intention de remettre en cause l’ensemble du découpage, pour les raisons que j’ai expliquées dans la discussion générale, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.
Il est vrai que la suppression de trois circonscriptions dans un département est une opération lourde et importante. Elle est motivée par le très fort recul démographique que connaît le Nord. Cela étant, je constate qu’aucun amendement n’a été déposé par les députés de gauche de ce département lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale. Le cas est très rare, de nombreux projets de découpage ayant fait l’objet d’amendements.
Conformément aux consignes du Gouvernement, le préfet de région a mené une concertation avec l’ensemble des parlementaires concernés. Elle aurait peut-être pu déboucher sur un meilleur redécoupage des circonscriptions, prenant en compte des éléments que nous aurions négligés. Or il se trouve que cette concertation a cessé après le congrès de Reims, ordre ayant alors été donné aux parlementaires socialistes de ne plus y participer. Je le regrette profondément, car elle aurait pu permettre d’améliorer un certain nombre de choses, les premiers échanges entre la majorité et l’opposition ayant été assez fructueux, chacun restant bien sûr dans son rôle.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d’État, là où la concertation a eu lieu, vous n’en avez pas tenu compte.
Par ailleurs, dans le Nord, ce n’est pas la seule évolution démographique qui entraîne la suppression de trois circonscriptions ; celle-ci résulte également de la répartition des sièges que vous avez choisie, d’autres étant possibles.
Enfin, vous faites grand cas des remarques de la commission de l’article 25 quand elle approuve vos projets, mais vous devenez étonnamment amnésique ou distrait dans le cas contraire.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne peux pas ne pas réagir aux propos de M. le secrétaire d’État sur la concertation.
Nous, les Verts, ne sommes pas concernés par le congrès de Reims.
M. Jean Desessard. Vous avez affirmé, monsieur le secrétaire d’État, qu’il était important que nous nous rencontrions afin de débattre du mode de scrutin pour l’élection des futurs conseillers territoriaux et de la proportionnelle. Nous avons donc répondu à votre invitation, nous avons discuté, mais pour quel résultat ?
Par conséquent, en ce qui concerne le découpage électoral, si tout était joué d’avance, je comprends très bien que consigne ait été donnée aux parlementaires socialistes de ne plus participer à la concertation dans les préfectures. Dans ces conditions, cela revenait en effet à se prêter à une mascarade et à cautionner un découpage qui, de toute façon, ne servira que des intérêts partisans.
Quand on entend vraiment procéder à une concertation, monsieur le secrétaire d’État, on tient compte de ses résultats. En l’occurrence, vous étiez de toute manière décidé à suivre votre idée.
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Mermaz et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots et l'alinéa suivants :
à l'exception du département de l'Isère.
En conséquence, les éléments du « tableau des circonscriptions électorales des départements » faisant mention de ce département sont abrogés et ce département fera l'objet d'un redécoupage ultérieur conformément aux exigences constitutionnelles.
La parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz. Du fait de l’augmentation constante de la population du département de l’Isère, un dixième siège est créé. On ne pourrait que s’en réjouir, si ce n’était l’occasion de procéder à un certain nombre d’opérations de charcuterie. En son temps, notre collègue Charles Pasqua faisait dans la charcuterie fine (Sourires) ; aujourd'hui, c’est plutôt de l’équarrissage ! Les ciseaux sont maniés avec moins de subtilité…
Dans une circonscription que je connais bien pour l’avoir représentée près de vingt-cinq ans, il est prévu de soustraire du canton de Roussillon trois communes dirigées par l’Union de la gauche : Roussillon et Salaise-sur-Sanne, dont les maires sont communistes, ainsi que Péage-de-Roussillon, dont le maire est socialiste.
Or il était possible de procéder tout à fait autrement, en transférant un canton que je ne nommerai pas et qui, tourné vers la ville nouvelle de l’Isle-d’Abeau, se trouve tout au nord de l’actuelle huitième circonscription. Mais, comme il est orienté politiquement plutôt à droite, on a préféré le laisser avec les cantons de Vienne-Nord et de Vienne-Sud et charcuter le canton de Roussillon. De ce fait, la septième circonscription ressemble à ce que le docteur Rabelais aurait appelé un boyau culier. C'est assez extraordinaire !
Mais ce tripatouillage dans le nord de l’Isère a des conséquences sur d’autres circonscriptions. Ainsi, très au sud, le canton de Vizille, qui présente une grande unité, se trouve coupé en deux pour les besoins de la cause.
Je demande donc que l’on respecte le bassin de vie que constituent les cantons de Vienne-Nord, de Vienne-Sud et de Roussillon. Je souhaite également que, conformément à la recommandation du Conseil constitutionnel, on ne coupe pas en deux un canton et que l’on revoie entièrement le découpage du département de l’Isère, qui me semble en l’état tout à fait contraire aux intérêts de la démocratie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne connaissais pas l’expression rabelaisienne comportant le mot « boyau » que vous avez citée, mon cher collègue…
M. Louis Mermaz. « Boyau culier » ! Rabelais était un grand médecin, en plus d’un humaniste.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ceux qui ont étudié la médecine connaissent donc ce terme…
M. le président. Notamment certains spécialistes ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En tout état de cause, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 28.
M. Jean Desessard. C’est étonnant !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous pouvez vous réjouir, mon cher collègue, que votre département obtienne un dixième siège. La division d’un canton entre plusieurs circonscriptions est possible dès lors que sont respectées un certain nombre de conditions. En particulier, sa population doit être supérieure à 40 000 habitants, ce qui est bien le cas ici.
M. Louis Mermaz. C’est possible à titre exceptionnel !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Par ailleurs, la création d’une nouvelle circonscription s’opère nécessairement par remodelage des circonscriptions existantes.
Quoi qu’il en soit, je ne doute pas que M. le secrétaire d’État vous apportera tous les apaisements nécessaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement, qui m’étonne quelque peu.
En effet, à l’Assemblée nationale, les députés de gauche n’ont pas déposé d’amendements sur ce redécoupage, qui n’a pas non plus donné lieu à polémique dans la presse locale, par exemple dans Le Dauphiné libéré. Les députés de l’Isère, en particulier M. Vallini, également président du conseil général, n’ont formulé aucune observation lors de nos rencontres hebdomadaires. Enfin, notre projet a reçu un avis favorable du Conseil d'État et de la commission prévue à l’article 25 de la Constitution.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. Monsieur le secrétaire d’État, peut-être avez-vous eu un moment de distraction, mais, à l’Assemblée nationale, au cours de la séance publique du 12 janvier 2010, M. Bruno Le Roux s’est longuement exprimé sur le sujet, tenant notamment les propos suivants :
« Examinons le cas de l’Isère, qui gagne une circonscription. C’est dans le nord-est du département que l’évolution démographique a conduit à la dessiner. Cependant, à cette fin, le Gouvernement a éclaté deux cantons, ceux de Roussillon et Vizille, ce qu’aucune exigence ni géographique ni démographique ne commandait.
« Première conséquence : la cinquième circonscription hérite d’une fraction du canton scindé de Vizille, se retrouvant avec une population sensiblement plus élevée que la moyenne départementale dont elle était pourtant très proche. Deuxième conséquence : la septième circonscription se voit dotée d’un tracé singulier, tout en longueur, qui la distingue de façon pour le moins suspecte de ses voisines.
« Or, tout ceci est d’autant plus troublant qu’aucun gain substantiel n’est accompli, même au prix de ces acrobaties, en termes d’équilibre démographique, puisque la population des troisième et cinquième circonscriptions serait supérieure de plus de 10 % à la moyenne départementale, tandis que la population de la sixième serait inférieure de plus de 11 % à cette même moyenne.
« S’il n’est pas modifié, le découpage de ce département encourt évidemment la censure, notamment parce que des scissions de cantons ne sont pas dûment justifiées. »
Je ne m’attends pas à ce que vous me répondiez immédiatement, mais je suis certain que vous aurez à cœur d’étudier ces remarques de notre collègue député Bruno Le Roux.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au cours de ce débat, les Verts n’auront pas été nombreux sur les travées. Nous n’avons pas participé à ces travaux de taillage, d’élagage et de charcutage. (Sourires.) Pourtant, nous en avons souffert ! En effet, deux circonscriptions de députés écologistes, celles de M. François de Rugy et de M. Yves Cochet, sont également concernées par le redécoupage. Nous aurions donc pu en débattre longuement.
Pourquoi n’avons-nous guère pris la parole au cours de ce débat ? J’aimerais vous donner un chiffre, monsieur le secrétaire d’État ; peut-être n’en aurez-vous pas la même lecture que moi…
Sur 577 membres de l’Assemblée nationale, on compte seulement quatre députés écologistes, soit 0,7 % des sièges !
M. Jean Bizet. C’est beaucoup !
M. Nicolas About. Le Vert est dans le fruit !
M. Jean Desessard. Peut-être m’objecterez-vous que, en ce moment, les questions écologiques et environnementales ne sont pas importantes et ne méritent pas d’être débattues à l’Assemblée nationale. (Sourires.) Pour vous, le courant écologiste, qui a obtenu 16 % des voix aux élections européennes et qui va continuer sur sa lancée aux élections régionales,…
M. Jean Bizet. Ne rêvez pas !
M. Jean Desessard. … n’est sans doute pas digne de détenir plus de 1 % des sièges à l’Assemblée nationale.
Dans ces conditions, vous l’aurez compris, nous n’allions pas entrer dans des détails relatifs à tel ou tel canton, alors que nous sommes victimes d’une telle aberration démocratique ! Et je ne parle pas d’autres courants politiques, dont certains ne sont même pas représentés à l’Assemblée nationale.
Vous allez sans doute prétendre qu’il n’est pas possible de recourir à la proportionnelle à cause du Front national. Mais, dans ce cas, il faudrait également proscrire ce mode de scrutin pour l’élection au Parlement européen, qui est une assemblée respectable.
Nous n’avons pas pris part à ce débat, à ce charcutage, à ce taillage, à cet élagage, parce que nous, les Verts, souhaitons l’instauration de la proportionnelle intégrale, selon le système allemand : en Allemagne, la moitié des sièges sont attribués au scrutin uninominal dans des circonscriptions territoriales, l’autre moitié servant à compenser. Il s’agit bien d’une compensation, et non d’une représentation : en d’autres termes, on considère le nombre de députés dont devrait disposer chaque formation en fonction de son score global, puis on examine combien elle a obtenu de sièges par le scrutin uninominal dans les circonscriptions territoriales, et l’on procède alors à une compensation à partir de listes nationales.
M. Nicolas About. La proportionnelle ne porte pas seulement sur la moitié des sièges !
M. Jean Desessard. C’est bien ce que je suis en train d’expliquer, mon cher collègue. Je sais que vous êtes favorable au scrutin proportionnel, ou du moins l’étiez-vous à une certaine époque, car je ne sais pas quelle est votre position aujourd'hui…
Pour ma part, je souhaite que la moitié des députés soient élus au scrutin uninominal dans des circonscriptions territoriales et que l’autre moitié des sièges soient attribués en compensation, à partir de listes nationales.
Cela permettrait une représentation de l’ensemble des courants politiques, y compris le courant écologiste, qui, comme je l’ai souligné tout à l’heure, est sous-représenté au regard de l’importance des thèmes dont il est porteur.
En outre, un tel mode de scrutin favoriserait également la parité. En effet, pourquoi le nombre de femmes a-t-il augmenté dans notre assemblée ? C’est grâce aux listes départementales paritaires ! Ce système permet que 21 % des membres du Sénat soient des femmes.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai.
M. Jean Desessard. Des listes nationales permettraient d’atteindre véritablement la parité. De la même manière, la diversité de la population est mieux prise en compte avec des listes nationales.
C’est pourquoi nous sommes pour la proportionnelle intégrale. Ce système assure la représentation de l’ensemble des courants politiques, permet de réaliser la parité et garantit la prise en compte de la diversité.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d’État, à mon sens, le Sénat a fait son travail. Il a débattu avec le rapporteur, ainsi qu’avec vous, à défaut d’avoir pu le faire avec la majorité. En effet, dès lors que celle-ci avait décidé d’émettre un vote conforme, qu’avait-elle à dire dans cette discussion ? Je conçois qu’il soit bien difficile d’être présents dans l’hémicycle en n’ayant ni amendements à défendre, ni observations à formuler… En l’occurrence, on ne pourra même pas arguer que la majorité s’est exprimée en commission : depuis le début, elle est restée muette !
Monsieur le secrétaire d’État, l’erreur humaine intervenue en première lecture vous aura valu le privilège de passer toute cette journée en notre compagnie. Je suppose qu’il s’est agi, pour vous, d’un temps de grande sérénité et que vous souhaitez renouveler l’expérience. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas sur le même sujet ! (Nouveaux sourires.)
M. Bernard Frimat. Tout au long de la discussion générale et de l’examen des amendements, nous avons essayé d’expliquer encore une fois notre point de vue, à l’adresse non pas de la majorité, dont l’opinion est faite – ses deux groupes voteront ce projet de loi –, mais du Conseil constitutionnel.
À cet instant, reconnaissez que nous n’avons ni multiplié les amendements, ni cherché en aucune façon à ralentir le rythme de ce débat. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, il était important pour nous d’insister sur un certain nombre de points.
Tout d’abord, le mode de répartition des sièges de député n’est pas une fatalité. Même si l’on maintient un scrutin uninominal par circonscription territoriale, il est important de toujours s’interroger sur la question de l’égalité des citoyens devant le suffrage. Ce n’est pas parce qu’une méthode de répartition a été un jour choisie qu’elle a vocation à s’appliquer pour l’éternité. Il est évident que, en valeur absolue, plus la tranche augmente, plus les écarts de population entre circonscriptions sont importants. Et ce qui peut être pertinent lorsque la tranche est relativement modeste le devient de moins en moins au fil du temps.
Par conséquent, il y a là un problème que nous devrions pouvoir traiter à froid, sereinement. Mais un découpage n’est jamais serein. Vos coups de ciseaux visent à atteindre un objectif que nous nous sommes efforcés de révéler, au travers de multiples exemples, dans chacune de nos interventions, à l’échelon tant des principes que des cas particuliers. À cet égard, la démonstration faite à l’Assemblée nationale par notre collègue Bruno Le Roux, qui a pointé toute une série de départements dans lesquels le découpage n’a pas été opéré en respectant au mieux l’égalité des citoyens devant le suffrage universel, me semble irréfutable.
Certes, nous ne nous attendons pas à ce que le Conseil constitutionnel, pris d’une frénésie démocratique, modifie entièrement ce projet de redécoupage. Je pense cependant qu’il ne pourra pas rester totalement insensible devant un certain nombre de points particulièrement choquants. D’ailleurs, vous le savez bien. C’est précisément parce que vous craignez sa censure que vous êtes si pressé d’aboutir.
Monsieur le secrétaire d’État, au terme de ce débat, pourriez-vous avoir la courtoisie de nous indiquer combien de conseillers territoriaux comptera chaque département ? Comment réglerez-vous le problème de l’égalité des citoyens devant le suffrage ? Désormais, vous ne pouvez plus objecter, afin de ne pas nous répondre, que vous ne disposez pas des chiffres du dernier recensement ! Les simulations nécessaires ayant sans nul doute été effectuées, vous aurez certainement à cœur de faire connaître à M. Mercier, au moment où nous allons reprendre l’examen de la réforme des collectivités territoriales, le nombre de conseillers territoriaux que vous prévoyez par département. (Sourires.) Connaissant votre agilité d’esprit, je suis persuadé que vous aurez su faire les calculs qui vous sont le plus favorables ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz.