compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

Secrétaires :

M. Marc Massion,

Mme Anne-Marie Payet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Démission d’un membre d’une commission et candidature

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que M. Jean-Claude Peyronnet a démissionné de la commission des affaires européennes.

Le groupe socialiste a présenté la candidature de M. François Marc pour le remplacer.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11 du règlement du Sénat, cette candidature a été affichée.

Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

3

Articles additionnels après l'article 27 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Article 27 bis (Nouveau)

Loi de finances rectificative pour 2009

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2009 (nos 157, 158, 167).

seconde partie (suite)

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 27 bis.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Article 27 ter (nouveau)

Article 27 bis (nouveau)

Après l’article 1383 G du code général des impôts, il est inséré un article 1383 G bis  ainsi rédigé:

« Art. 1383 G bis. – Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre peuvent, par une délibération prise dans les conditions prévues au I de l’article 1639 A bis, exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties à concurrence de 25 % ou de 50 % les constructions affectées à l’habitation qui :

« – sont édifiées à moins de trois kilomètres de la limite de propriété d’un établissement comportant au moins une installation figurant sur la liste prévue au IV de l’article L. 515-8 du code de l’environnement ;

« – ont été achevées antérieurement à la construction de l’installation mentionnée à l’alinéa précédent ;

« – et ne sont pas situées dans un périmètre d’exposition prévu par un plan de prévention des risques technologiques mentionné à l’article L. 515-15 du code de l’environnement.

« La délibération porte sur la part revenant à chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

« Pour bénéficier de cette exonération, le propriétaire doit adresser, avant le 1er janvier de la première année à compter de laquelle l’exonération est applicable, une déclaration au service des impôts du lieu de situation des biens comportant tous les éléments d’identification du ou des immeubles visés au premier alinéa. Lorsque la déclaration est souscrite hors délai, l’exonération s’applique à compter du 1er janvier de l’année suivant celle au cours de laquelle la déclaration est déposée.

« Lorsque les conditions requises pour bénéficier de l’exonération prévue à l’article 1383 E et celles prévues au premier alinéa du présent article sont remplies, l’exonération prévue à l’article 1383 E est applicable. »

M. le président. L'amendement n° 174, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. L’article 27 bis nouveau prévoit une exonération partielle de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les habitations construites dans un périmètre Seveso. Les auteurs du projet de loi considèrent qu’un tel système est nécessaire compte tenu de la lenteur de l’élaboration des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT.

Il est vrai que la mise en œuvre de ces plans est lente. Toutefois, je le rappelle, ce ne sont pas les collectivités locales, que ce soient d'ailleurs les communes ou les EPCI, c'est-à-dire les établissements publics de coopération intercommunale, qui sont à l’initiative de leur élaboration. Cette mission incombe à l’État, en collaboration bien sûr avec les collectivités territoriales et les entreprises concernées.

Ces lenteurs sont souvent liées à des difficultés techniques, qui doivent être aplanies, mais elles s’expliquent aussi par le manque de moyens que l’État peut consacrer à cette tâche quand plusieurs sites doivent être traités dans un département ou une région.

Par conséquent, cet article, dans sa rédaction actuelle, ne nous satisfait pas : il prévoit que les collectivités territoriales pourront exonérer les habitations, mais sans que l’État décide de cette mesure ou la prenne en charge, et cela alors que les PPRT relèvent de sa responsabilité.

C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Selon notre doctrine constante, les exonérations d’impôts locaux doivent résulter de délibérations des conseils compétents et ne peuvent être prises en charge par l’État. Ainsi la responsabilité des élus locaux, qui sont nombreux parmi nous, se trouve-t-elle confortée.

La commission demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, je trouve votre avis un peu court ! En effet, j’ai soulevé une question de fond, à laquelle vous n’avez pas répondu, pas plus d'ailleurs que M. le rapporteur général de la commission des finances.

L’élaboration des PPRT ne dépend pas de la collectivité ! L’argument selon lequel l’exonération permettrait d’accélérer leur mise en œuvre ne tient pas. Et quand on affirme que c’est la collectivité elle-même qui doit décider, on passe complètement à côté de la question.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je comprends tout à fait cet argument.

Monsieur le ministre, les services de l’État sont très lents à agir en ce domaine. Je puis en donner un exemple dans le département dont je suis l’élu : la commune de Trosly-Breuil, dans la vallée de l’Aisne, est proche d’une installation Seveso et elle fait l’objet d’un PPRT ; or, en attendant l’achèvement de la procédure d’élaboration de ce plan, tout est bloqué !

Une entreprise qui se trouve actuellement à 200 mètres de l’installation demande un permis de construire pour s’établir à 2 000 mètres. Ce déménagement constituerait tout de même un net progrès sur le plan de la maîtrise des risques et il permettrait de sauvegarder des dizaines d’emplois. Or il se trouve que l’emplacement retenu à 2 000 mètres se situe encore à l’intérieur de la zone ! Les services de l’État n’arrivent pas à trouver de solutions, le maire n’obtient pas de réponse, et le sénateur guère plus. Nous ne pouvons donc nous satisfaire de ce type de situation, me semble-t-il.

Cela dit, pour les raisons que je viens d’indiquer, cet amendement ne peut être voté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 237, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

25 % ou de 50 %

par les mots :

15 % ou de 30 %

La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. Monsieur le rapporteur général, cet amendement tend à apporter une solution partielle au problème qui a été soulevé précédemment.

En effet, je le répète, les collectivités territoriales peuvent, sur délibération, exonérer de taxe foncière les personnes résidant dans une zone couverte par un plan de prévention des risques technologiques.

L'article 27 bis du projet de loi de finances rectificative pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale, prévoit de donner aux collectivités qui perçoivent la taxe foncière la possibilité d'exonérer d'une fraction de cette imposition les riverains de toutes les installations industrielles Seveso, et non pas seulement ceux qui résident dans le périmètre d'un PPRT.

Toutefois, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, le Parlement a revu le dispositif d'exonération de taxe foncière prévu dans le cadre de ces plans.

Afin de maintenir le parallélisme des deux mesures, le présent amendement a donc pour objet de fixer des taux d'exonération de la taxe foncière identiques – 15 % ou 30 % – pour l'ensemble des habitations situées à l'intérieur du périmètre des PPRT et la totalité de celles qui sont riveraines des installations Seveso.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis favorable à cet amendement de coordination.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 237.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 27 bis, modifié.

(L'article 27 bis est adopté.)

Article 27 bis (Nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Article additionnel après l'article 27 ter

Article 27 ter (nouveau)

Après l’article 1383 G du code général des impôts, il est inséré un article 1383 G ter ainsi rédigé :

« Art. 1383 G ter. – Les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre peuvent, par une délibération prise dans les conditions prévues au I de l’article 1639 A bis, exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties, à concurrence de 25 % ou de 50 %, les constructions affectées à l’habitation achevées antérieurement à la mise en place d’un plan de prévention des risques miniers mentionné à l’article 94 du code minier et situées dans les zones exposées aux risques, définies au 1° du II de l’article L. 562-1 du code de l’environnement, et délimitées par le plan.

« La délibération porte sur la part revenant à chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et fixe un taux unique d’exonération pour les constructions situées dans le périmètre visé au premier alinéa.

« Pour bénéficier de cette exonération, le propriétaire doit adresser, avant le 1er janvier de la première année à compter de laquelle l’exonération est applicable, une déclaration au service des impôts du lieu de situation des biens comportant tous les éléments d’identification du ou des immeubles visés au premier alinéa. Lorsque la déclaration est souscrite hors délai, l’exonération s’applique à compter du 1er janvier de l’année suivant celle au cours de laquelle la déclaration est déposée.

« Lorsque les conditions requises pour bénéficier de l’exonération prévue à l’article 1383 E et celles prévues au premier alinéa du présent article sont remplies, l’exonération prévue à l’article 1383 E est applicable. » – (Adopté.)

Article 27 ter (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Article 27 quater (Nouveau)

Article additionnel après l'article 27 ter

M. le président. L'amendement n° 192 rectifié, présenté par Mmes Keller et Sittler et M. Cazalet, est ainsi libellé :

Après l'article 27 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après l'article 200 quater B du code général des impôts, il est inséré un article 200 quater C ainsi rédigé :

« Art. 200 quater C. - 1. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour réduire la vulnérabilité à des aléas technologiques de leur habitation principale.

« Ce crédit d'impôt s'applique aux dépenses payées pour la réalisation de travaux prescrits aux propriétaires d'habitation au titre du IV de l'article L. 515-16 du code de l'environnement.

« 2. Le crédit d'impôt s'applique pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année du paiement de la dépense par le contribuable.

« 3. Pour un même logement, le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt ne peut excéder, au titre d'une période de trois années civiles consécutives, la somme de 30 000 €.

« 4. Le crédit d'impôt est égal à 40 % du montant des dépenses.

« 5. Les 60 % du montant des dépenses restants pourront faire l'objet d'avances remboursables ne portant pas intérêt versées, tel que prévu à l'article 244 quater U.

« 6. Les travaux mentionnés au 1 s'entendent de ceux figurant sur la facture d'une entreprise.

« Le crédit d'impôt est accordé sur présentation des factures, autres que les factures d'acompte, des entreprises ayant réalisé les travaux et comportant, outre les mentions prévues à l'article 289, l'adresse de réalisation des travaux, leur nature ainsi que la désignation et le montant des travaux mentionnés au 1.

« 7. Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200 bis, des crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué.

« 8. Lorsque le bénéficiaire du crédit d'impôt est remboursé dans un délai de cinq ans de tout ou partie du montant des dépenses qui ont ouvert droit à cet avantage, il fait l'objet, au titre de l'année de remboursement et dans la limite du crédit d'impôt obtenu, d'une reprise égale à 40 % de la somme remboursée. Toutefois aucune reprise n'est pratiquée lorsque le remboursement fait suite à un sinistre survenu après que les dépenses ont été payées.

« 9. Le crédit d'impôt s'applique aux dépenses payées dans un délai de quatre ans à compter de l'approbation du plan de prévention des risques technologiques prévu à l'article L. 515-15 du code de l'environnement. »

II. - L'article 200 quater A du même code est ainsi modifié :

1° Le b du 1 est supprimé ;

2° Dans le b du 5, les mots : « des travaux mentionnés au b du 1 et  » sont supprimés.

III. - Après le 1 de l'article 200 quater du même code, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis. Le crédit d'impôt ne s'applique pas aux dépenses payées ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt prévu à l'article 200 quater C. »

IV. – Le 2 du I de l'article 244 quater U du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Soit de travaux prescrits aux propriétaires d'habitation au titre du IV de l'article L. 515-16 du code de l'environnement. »

V. - Les dispositions des I à IV ci-dessus ne s'appliquent qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

VI. - La perte de recettes résultant pour l'État des I à IV ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Article additionnel après l'article 27 ter
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2009
Articles additionnels après l'article 27 quater

Article 27 quater (nouveau)

I. – Les 3° et 4° de l’article 1464 A du code général des impôts sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« 3° Dans la limite de 100 %, les établissements de spectacles cinématographiques qui réalisent un nombre d’entrées inférieur à 450 000 en moyenne annuelle sur les trois années civiles précédant la base d’imposition ;

« 4° Dans la limite de 33 %, les établissements de spectacles cinématographiques qui réalisent un nombre d’entrées égal ou supérieur à 450 000 en moyenne annuelle sur les trois années civiles précédant la base d’imposition.

« Le bénéfice de cette exonération est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis. »

II. – Le I s’applique à compter des impositions établies au titre de 2011.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, sur l'article.

M. Jack Ralite. Je voudrais rappeler quelles sont les origines de l’aide aux salles de cinéma, parce que je constate que les amendements déposés sur cet article tendent à faire disparaître certains termes... Or j’ai été membre durant quatorze ans de la commission qui, au sein du CNC, le Centre national de la cinématographie, s’occupait de l’implantation des salles et des travaux qui y étaient réalisés.

À l’origine, il s'agissait d’une démarche culturelle : ce sont les cinémas d’art et d’essai qui ont reçu des aides de la part des collectivités locales. Pour ma part, j’estime que nous ne pouvons éliminer ce critère : si nous agissions ainsi, nous ferions de l’aide la simple conséquence d’une situation commerciale !

Je sais bien que telle est la tendance aujourd'hui, puisqu’on ne parle plus de culture, mais de commerce et d’industrie culturels ! Toutefois, pour notre part, nous sommes attachés à cette référence. En outre, la tradition a toujours été constante à cet égard, à gauche comme à droite d'ailleurs ; je me souviens des discussions qui ont eu lieu sur ce thème aussi bien quand Jack Lang était ministre de la culture que quand Jacques Toubon exerçait cette charge. Il faut donc faire référence à la notion d’art et d’essai.

La deuxième cause de ce dispositif, c’était le souci d’aménager le territoire. De nombreuses villes, petites ou moyennes, des gros bourgs, voire des quartiers périphériques, voyaient leurs salles disparaître, conséquemment d'ailleurs à l’installation de complexes portés par les grands groupes. Il a semblé alors à la commission qu’il fallait contribuer à l’aménagement du territoire en matière de salles de cinéma, car celles-ci offraient souvent la seule activité culturelle possible à l'échelle locale, à côté de la télévision, bien entendu.

Le troisième motif de ces aides, c’était la classification des salles, qui permettait d’aider les cinémas petits et moyens quand leur situation n’était pas brillante.

C’est le cas aujourd'hui ! Certes, on constate en 2009 une augmentation de la fréquentation globale d’environ 4 %. Toutefois, dans les villes moyennes, il nous faut déplorer une diminution pouvant atteindre 5 % et, dans les petites villes, celle-ci oscille entre 10 % et 15 %. C’est dire si la situation des petites et moyennes salles est inquiétante.

Je verse comme préface à la discussion de cet article ces trois critères qui me semblent devoir être pris en compte : art et essai, aménagement du territoire, difficultés financières en raison de la baisse de la fréquentation.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, nous avons procédé à la réforme de la taxe professionnelle, qui sera achevée cet après-midi, une fois que seront examinées les conclusions de la commission mixte paritaire. À cette occasion, et parce le sujet est suffisamment compliqué, nous avons décidé de raisonner à droit constant pour ce qui concerne les mesures particulières.

De ce fait, nous sommes a priori réticents à tout ce qui viendrait remettre en cause ce principe, d’autant que nous avons devant nous une année de concertation, de discussion, de mise au point, de simulation et de revoyure sur cette importante réforme.

Sur le fond, il n’est pas sûr que le dispositif proposé par l’article 27 quater soit le plus adapté aux politiques que les collectivités territoriales peuvent vouloir conduire en matière de soutien aux établissements de spectacle cinématographique. L’élargissement des conditions d’éligibilité aux exonérations ferait perdre une partie de leur avantage concurrentiel aux petits cinémas, en particulier d’art et d’essai, et pourrait conduire à des pertes de recettes si importantes pour les collectivités qu’elles seraient moins incitées à exonérer dans la limite maximale de 100 %.

De ce point de vue, la commission des finances partage une partie des préventions exprimées par Jack Ralite.

En tout état de cause, cet article ne s’appliquerait qu’à partir de 2011. Il serait donc préférable de ne pas l’adopter et de poursuivre la réflexion en 2010, notamment à la lumière des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle. Il sera tout à fait possible de présenter un nouveau régime, plus abouti et plus équilibré, dans le projet de loi de finances pour 2011.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre. Le Gouvernement réitère son souhait de soutenir les exploitants des salles de cinéma. La modification relative à l’exonération en leur faveur permet d’offrir aux collectivités territoriales des marges de manœuvre pour soutenir un plus grand nombre de salles qu’aujourd'hui et leur apporter une aide plus importante. Cela constitue donc une grande simplification par rapport aux critères actuels.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. À l’occasion de l’examen de la loi de finances pour 2010, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a, la première, attiré l’attention sur le régime de la taxe professionnelle des petites et moyennes salles de cinéma. Nos travaux se concentraient alors sur la réforme de fond de la taxe professionnelle, devenue contribution économique territoriale. Nous revenons aujourd’hui sur cette question.

Le secteur des salles de cinéma, fort de plus de 5 400 écrans, est traversé par une ligne de fracture inédite et profonde entre la petite et moyenne exploitation et les circuits de la grande exploitation. La petite et moyenne exploitation voit, dans le même temps, sa fréquentation chuter significativement, à rebours de ce que connaissent les multiplexes, et son niveau de charges fixes augmenter continûment. Cette situation fragilise considérablement l’équilibre économique de ces salles et met en péril la pérennité de l’exploitation elle-même. C’est en effet la récurrence récente des déficits d’exploitation pour nombre de petites et moyennes salles qui a notamment conduit la grande majorité des exploitants à manifester leur inquiétude le 4 novembre 2009 par des actions concertées.

Sur la base d’un échantillon constant d’établissements actifs depuis le début de l’année 2007, représentant 96 % de l’ensemble des cinémas actifs, on constate que, sur les dix premiers mois de l’année 2009, la grande exploitation – celle qui réalise plus de 450 000 entrées annuelles – affiche une progression de sa fréquentation de 1,7 %, tandis que la moyenne exploitation, dont le nombre d’entrées annuelles est compris entre 80 000 et 450 000, et la petite exploitation, qui réalise moins de 80 000 entrées annuelles, accusent respectivement une baisse de 3,8 % et de 7,5 %. Cette diminution est même de 10 % pour la petite exploitation, si on la compare aux dix premiers mois de l’année 2007.

Cette évolution négative est confirmée lorsqu’on examine les chiffres de fréquentation dans les zones rurales, où se situe très majoritairement l’activité de la petite et de la moyenne exploitation : la diminution constatée en deux ans atteint 9,3 %.

Il est pourtant essentiel à la diffusion du cinéma et à l’aménagement du territoire que ce tissu de 1 960 établissements, petits et moyens, répartis dans toute la France, qui n’a pas d’égal en Europe et qui contribue à la vitalité de la production et de la distribution du cinéma français en amont, soit préservé au moment même où le passage à la projection numérique nécessite de la part de ces exploitants des investissements très importants.

La décision de simplifier le régime des exonérations de taxe professionnelle, en la ciblant sur la petite et moyenne exploitation, et d’appliquer cette mesure à la contribution économique territoriale dès 2010, ainsi que le propose la commission de la culture à l'amendement n° 139, répond à l’urgence de cette situation, tout en étant d’un coût fiscal limité. Les collectivités, tenant compte des situations locales, choisiront librement de faire bénéficier ou non de ces exonérations les salles de leur ressort.

J’avais l’intention d’intervenir au moment de la discussion de l'amendement n° 139, mais, comme celui-ci deviendrait sans objet si l’amendement de suppression était adopté, j’ai préféré prendre la parole dès maintenant.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. J’abonde dans le sens de Serge Lagauche. On ne peut pas, au prétexte qu’a eu lieu la réforme de la taxe professionnelle, ne plus s’occuper de nos concitoyens ! À l’évidence, si nous ne faisons pas un geste en faveur des exploitants, des salles de cinéma disparaîtront, ce qui serait préjudiciable à l’économie des villes moyennes et des petites villes.

En outre, la compétence générale dévolue aux régions et aux conseils généraux est pour le moment remise en cause. Mais quand on mesure l’importance de la politique cinématographique de nombre de régions, on se rend compte qu’aujourd'hui le cinéma n’a plus seulement une assiette nationale : il a aussi des assiettes territoriales, locales. Il n’est donc pas possible d’attendre. Les villes choisiront. Certes, cela ne sera pas sans difficultés, mais elles le feront, car elles en ont la liberté.

C’est pourquoi je ne suis pas du tout favorable à l'amendement de la commission des finances.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nombre d’entre vous connaissent bien la situation des grandes agglomérations. Pour y être personnellement confronté, je mesure la portée des dispositions qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale.

Aujourd’hui, l’activité cinématographique traditionnelle se trouve plutôt dans les centres urbains anciens, c’est-à-dire là où se concentrent la vie culturelle et l’activité touristique. Parallèlement, les groupes de grande distribution mènent des offensives d’envergure : ils déposent des demandes de permis pour installer à la périphérie des agglomérations d’énormes multiplex, qui se développent et affaiblissent inévitablement la fréquentation des salles de cinéma situées dans les centres anciens, au point de les condamner à la fermeture. Certains vont même jusqu’à s’entendre pour fermer les salles qu’ils possèdent dans le centre et monter un multiplex en périphérie, car c’est ce que réclame aujourd'hui une partie de la clientèle.

Cette tendance est un facteur d’appauvrissement important. Il n’est qu’à voir l’appel à projets auquel vient de répondre l’Agence nationale pour la rénovation urbaine : pour la première fois, elle s’est prononcée sur des aides d’État destinées à lutter, dans les centres anciens, contre des îlots devenus insalubres, à les rénover, à redynamiser l’activité commerciale, etc. Bien évidemment, les salles de cinéma installées dans ces zones peuvent contribuer à cette relance économique. C’est pourquoi il faut à la fois les encourager et leur permettre de faire face à cette concurrence de plus en plus grande.

Pour toutes ces raisons, j’insiste pour que le Sénat n’adopte pas cet amendement et s’en tienne à la position retenue par l’Assemblée nationale, qui me semble une position de sagesse. Elle seule aidera nombre d’exploitants cinématographiques, installés depuis très longtemps dans nos centres-villes, à retrouver un peu de souffle et à résister à ces offensives.