Mme Claudine Lepage. L’argument selon lequel le Sénat devrait « respecter sa traditionnelle réserve sur les textes concernant exclusivement les députés » n’a aucune valeur juridique. Il est d’autant moins recevable qu’il n’existe pas encore de députés élus par les Français établis hors de France. Par conséquent, rien ne nous empêche de modifier le découpage électoral déséquilibré et partisan qui nous est proposé par le Gouvernement pour les onze circonscriptions électorales des Français établis hors de France.
Le présent amendement tend à modifier le découpage de neuf circonscriptions en tenant compte de la nécessité de respecter à la fois l’équilibre démographique et la continuité territoriale des circonscriptions.
Comme Richard Yung l’a indiqué lors de son intervention à la tribune, cet amendement est le fruit d’une concertation menée notamment avec notre collègue Christian Cointat. Dénué de toute arrière-pensée partisane, il est donc susceptible de satisfaire l’ensemble des membres de la Haute Assemblée.
Concrètement, Monique Cerisier-ben Guiga, Richard Yung et moi-même vous proposons de modifier le nouveau tableau n°1 ter annexé au code électoral sur six points.
Premièrement, il s’agit de rééquilibrer les deux circonscriptions du continent américain en rattachant les circonscriptions de l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, de San Francisco et de Houston à la deuxième circonscription, qui comprend le Mexique ainsi que les pays d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. La première circonscription passerait ainsi de 158 727 personnes à 125 231. Quant à la deuxième circonscription, elle passerait de 79 255 personnes à 120 886.
Deuxièmement, nous proposons de rattacher la circonscription de l’AFE de Moscou à la troisième circonscription – îles Britanniques, pays scandinaves, pays baltes –, dont la population passerait ainsi de 124 541 personnes à 130 082.
Troisièmement, il s’agit de rattacher la circonscription de l’AFE de Rome à la cinquième circonscription, qui comprend la péninsule Ibérique et Monaco. Celle-ci passerait ainsi de 95 096 personnes à 136 898.
Quatrièmement, cet amendement a pour objet de rattacher la circonscription de l’AFE d’Athènes à la septième circonscription, comprenant l’Allemagne, les pays d’Europe centrale et orientale et les Balkans, qui passerait ainsi de 123 274 personnes à 136 054.
Cinquièmement, il s’agit de modifier la huitième circonscription afin d’en faire une circonscription « Proche-Orient » incluant la circonscription de l’AFE de Tel-Aviv et les circonscriptions de l’AFE du Caire, de Beyrouth et d’Abou-Dhabi. La population de cette circonscription passerait ainsi de 110 313 personnes à 95 985.
Sixièmement, nous proposons de rattacher les circonscriptions de l’AFE de Dakar et d’Abidjan à la dixième circonscription, celle de l’Afrique subsaharienne, qui passerait ainsi de 114 283 personnes à 105 327.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le régime particulier des députés représentant les Français établis hors de France est fondé sur des impératifs d’intérêt général.
Il est impossible d’étendre encore le périmètre de la onzième circonscription, qui couvre déjà un territoire immense, pour combler le déficit démographique la caractérisant.
Par ailleurs, la délimitation des circonscriptions a dû tenir compte de considérations diplomatiques qui ont affecté la continuité territoriale ou l’équilibre démographique.
Enfin, ce découpage a été validé par la commission prévue à l’article 25 de la Constitution (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), et le Conseil constitutionnel a autorisé le législateur à tolérer des écarts démographiques supérieurs au plafond de 20 % pour tenir compte des spécificités des circonscriptions des Français de l’étranger.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Avis défavorable également.
Comme vient de le rappeler M. le rapporteur, le découpage a été validé par la commission de contrôle du redécoupage électoral. Il s’appuie sur des critères qui tiennent compte avant tout des contraintes géographiques ainsi que des grandes aires culturelles, dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Je précise enfin que le Conseil d’État a lui aussi validé ce découpage.
M. Jean-Pierre Bel. Vous citez le Conseil d’État quand ça vous arrange !
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Monsieur le rapporteur, j’ai l’impression que vous n’avez pas saisi toute la richesse de nos propositions.
Par exemple, en suggérant de rattacher Moscou aux îles Britanniques, nous réduisons la taille de la onzième circonscription de façon significative. J’ai l’impression que ce message-là n’est pas bien passé.
Quant à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution, elle a considéré que « la délimitation des cinquième et huitième circonscriptions présente un périmètre géographique qui n’est pas dépourvu d’une certaine cohérence ». Admirez la formule ! Connaissant le sens de la litote des personnes qui composent cette commission, je pense que cela veut dire que le périmètre en question « est totalement pourvu d’une complète incohérence ».
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Ce qu’a dit Mme Lepage à mon propos est tout à fait exact : il est vrai, monsieur le secrétaire d'État, que je préfère le découpage prévu par l'amendement n° 15 à celui que vous nous proposez.
Cela étant, une préférence n’est pas une loi, et je reconnais que les arguments avancés par M. le secrétaire d'État pour justifier son choix ne manquent pas de pertinence. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) On ne peut pas, comme certains l’ont fait tout à l’heure, accuser le Gouvernement de procéder à des manipulations en vue d’orienter politiquement le résultat des élections.
Mme Claudine Lepage. Je n’ai pas dit cela !
M. Jean-Marc Todeschini. Disons que nous le pensons !
M. Christian Cointat. Non, madame Lepage, vous ne l’avez pas dit, mais c’est ce qu’ont insinué tout à l’heure certains de nos collègues.
Prenons le cas des Amériques. Si les principes posés par le Conseil constitutionnel avaient dû être suivis à la lettre, il aurait fallu rattacher une moitié des États-Unis au Canada, l’autre moitié à l’Amérique du Sud, ce qui aurait abouti à la création d’une circonscription allant de l’Alaska jusqu’à la Terre de Feu ! Le Gouvernement a préféré fixer la limite entre les deux circonscriptions au Rio Grande, ce que le Conseil constitutionnel a accepté. Certes, il en résulte un certain déséquilibre démographique, mais ce découpage est plus cohérent sur les plans géographique et politique.
De même, j’aurais préféré que l’on partage l’Afrique selon une ligne horizontale plutôt que verticale, mais il convenait de tenir compte de certaines réalités diplomatiques. C’est ce qui explique le choix du Gouvernement.
Cela montre que tout découpage est extrêmement compliqué, surtout à l’échelle du monde. Tout à l’heure, l’une de nos collègues s’étonnait qu’une circonscription ne réunisse que la Suisse et le Liechtenstein. Mais ces deux pays comptent près de 130 000 Français !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
M. Christian Cointat. En revanche, il est exact que la onzième circonscription, dont l’amendement n° 15 vise à réduire et non à étendre le périmètre, monsieur le rapporteur, représentera presque 45 % de la surface de la planète et comptera moins de 85 000 Français. Cela étant, leur nombre est appelé à croître, dans la mesure où il s’agit d’une zone géographique de forte attractivité.
L’Assemblée des Français de l’étranger s’était prononcée à la quasi-unanimité – on n’a compté que neuf voix contre, si ma mémoire est bonne – en faveur de l’instillation d’une dose de proportionnelle pour l’élection des députés représentant les Français établis hors de France, estimant que l’organisation du scrutin s’en trouverait largement facilitée. Cette solution n’a pas été retenue, mais je tenais à le rappeler, même si les élus des Français de l’étranger ont maintenant accepté le scrutin majoritaire.
Bien qu’il me convienne moins que le découpage présenté au travers de l’amendement, le choix qui a été fait est cohérent et je propose donc de suivre le Gouvernement, car on ne va pas rouvrir des débats sans fin à propos d’une circonscription. Comme nous l’avons fait pour les départements, maintenons le cap après avoir entendu les arguments des uns et des autres. Je voterai contre l’amendement, même si son dispositif me séduit.
M. Bernard Frimat. Quel sens du sacrifice !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article unique
(Texte non modifié)
L’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés, prise en application de la loi n° 2009-39 du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et autorisant le Gouvernement à fixer le nombre total et à délimiter les circonscriptions des députés élus par les Français établis hors de France et à mettre à jour la répartition des sièges de députés élus dans les départements et dans les collectivités d’outre-mer, ainsi que la délimitation des circonscriptions législatives, est ratifiée.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. Nous sommes donc invités à voter le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés, qui entrera en vigueur à partir des prochaines élections législatives, c'est-à-dire en 2012, sauf imprévu.
Après le partage du monde vu par le Gouvernement –exercice épique ! –, je me préoccuperai simplement du partage de l’Hexagone.
La commission des lois, plus exactement les membres de la majorité siégeant en son sein, ont adopté le présent projet de loi sans modification, après son adoption par l’Assemblée nationale.
Permettez-moi d’abord de relever la conclusion de M. le rapporteur et d’enfoncer le clou, à la suite de nos collègues Bernard Frimat et Virginie Klès.
Après avoir rappelé que, à l’issue de ce processus, 339 circonscriptions verront leurs limites modifiées, M. le rapporteur, de façon savoureuse, « a appelé le Sénat à respecter sa traditionnelle réserve sur les textes concernant exclusivement les députés » !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai !
M. Louis Mermaz. Il s’agirait donc d’un texte concernant exclusivement les députés – ou plutôt exclusivement les députés de la majorité actuelle –,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !
M. Louis Mermaz. … alors qu’il s’agit de l’équilibre des pouvoirs, du fonctionnement de la démocratie, du respect du suffrage universel.
La sagesse du Sénat, souvent invoquée sur certaines de nos travées, serait-elle à éclipses ? Au demeurant, ce ne serait pas la première fois sur un tel sujet, comme nous le verrons dans un instant.
En défendant les amendements déposés par notre groupe, nous nous efforcerons de démontrer que le Président de la République et le Gouvernement, loin de tenir compte, comme il serait légitime, des évolutions démographiques, en prennent prétexte pour se livrer à des découpages au regard desquels ceux de novembre 1986, au temps de la première cohabitation, pourraient, à y regarder un peu vite, paraître innocents. Encore que le Président de la République François Mitterrand ait alors refusé de signer les ordonnances préparées en application de la loi d’habilitation, ce qui obligea le gouvernement de l’époque à présenter un projet de loi et le Parlement à prendre toutes ses responsabilités…
Le Gouvernement présente aujourd’hui un projet de loi marqué du signe de l’arbitraire. Le Gouvernement ne respecte pas les bassins de vie, il coupe des villes moyennes en deux, il saccage plusieurs intercommunalités, il feint d’ignorer les réalités géographiques, historiques, économiques. Ce faisant, il foule souvent aux pieds les avis de la commission de contrôle du redécoupage électoral – dont la composition n’avait rien pour l’inquiéter –, les avis du Conseil d’État, les recommandations du Conseil constitutionnel : bref, il choisit de servir les intérêts de sa majorité plutôt que ceux de la démocratie.
M. Jean-Pierre Bel. Très bien !
M. Louis Mermaz. L’entreprise actuelle constitue en fait l’un des rouages de la machinerie mise en place à partir de 2002 et dont le déploiement s’est accéléré sous le présent quinquennat. Le découpage des circonscriptions, qui s’inscrit en effet avec cynisme dans un ensemble de contre-réformes, vise à protéger la majorité actuelle contre le risque d’un rejet des Français en 2012.
Les rodomontades du discours officiel ne peuvent masquer une longue série d’échecs et d’abus qui pèsent sur la vie quotidienne de la population et sur l’intégrité de la République. Dans quel état allez-vous laisser le pays ?
Alors le Gouvernement, sachant qu’un système électoral bien particulier lui a garanti jusqu’à présent une majorité au Sénat, a pensé trouver une solution, certes différente, mais de même inspiration, pour conserver également la majorité à l’Assemblée nationale. Dans les deux cas, il s’agit de mettre en place le maximum d’amortisseurs.
Le gouvernement de Lionel Jospin avait apporté un correctif tout à fait légitime au mode d’élection des sénateurs en introduisant la proportionnelle dans les départements élisant trois sénateurs. Dès 2003, la droite, à l’Assemblée nationale et au Sénat, a supprimé la proportionnelle dans ces départements pour ne la laisser subsister que dans ceux élisant quatre sénateurs ou plus !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La moitié des départements !
M. Louis Mermaz. Observons au passage que, malgré une loi électorale anachronique, la majorité pourrait basculer au Sénat lors du prochain renouvellement, en 2011. Mais ce qui est aujourd’hui une possibilité serait une quasi-certitude sans le retour en arrière de 2003, que je viens de rappeler, compte tenu du résultat des élections municipales de 2008.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas sûr !
M. Louis Mermaz. De même, la modification spécieuse de nombreuses circonscriptions législatives, comme nous le verrons encore au cours du débat, vise à assurer à la majorité sortante un matelas de sécurité d’une trentaine ou d’une quarantaine de sièges au minimum.
Cependant, je ne peux m’empêcher de penser à une réflexion de François Mitterrand au moment du découpage de novembre 1986 : « Aucune loi électorale ni disposition ne dispense d’avoir des électeurs. »
Dites-vous bien que même une répartition et une délimitation des circonscriptions vicieuses ne constitueront pas immanquablement un rempart face à la montée des mécontentements, des frustrations et des souffrances de nos compatriotes, quand bien même vous penseriez que les plus démunis, assaillis par tant de difficultés, finiront par se détourner des urnes.
Nous rejetterons sans hésitation cet article unique, parce qu’il est inique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.
M. Jean Louis Masson. Mes chers collègues, n’en déplaise à certains, je tiens à revenir sur le cas de la Moselle. Ce n’est tout de même pas la faute des Mosellans si, de tous les départements de France, la Moselle est celui qui a été le plus injustement charcuté !
La Moselle fait partie de ces vingt et un départements pour lesquels la commission de contrôle du redécoupage électoral et le Conseil d’État ont rendu un avis négatif.
M. Jean Louis Masson. Elle constitue certainement le cas le plus emblématique.
Tout à l’heure, j’évoquais le secteur de Thionville, qui n’est pas épargné non plus par les coups de ciseaux intempestifs du Gouvernement. La circonscription de Thionville-Est correspondait presque parfaitement à l’arrondissement, ce qui satisfaisait tout le monde. Pour des raisons démographiques que l’on peut à la limite comprendre, le Gouvernement a considéré qu’il fallait lui retirer une partie de ses habitants. Dès lors, encore convenait-il de procéder de manière à rapprocher le chiffre de sa population de la moyenne départementale. Or on a fait exactement le contraire !
On aurait pu retirer à cette circonscription le canton de Sierck-les-Bains, celui de Cattenom, une moitié du canton de Thionville-Ouest, qui est divisé en deux parties, ou bien l’une ou l’autre des deux parties du canton de Yutz, notamment la commune de Terville, qui forme l’une d’elles.
Mais, très curieusement, le Gouvernement a fait le choix de soustraire la commune de Terville, peuplée seulement de 6 000 habitants. De ce fait, la circonscription de Thionville-Est reste la plus peuplée du département ! Si l’on avait voulu honnêtement rétablir un équilibre démographique, on aurait retiré de la circonscription un canton entier ou la moitié de ceux de Thionville-Ouest ou de Yutz. Ainsi, la population de la circonscription aurait été très proche de la moyenne départementale.
Au lieu de cela, le choix s’est porté sur Terville, tout simplement, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, pour dissuader le maire de cette commune de se présenter aux élections législatives, en incluant celle-ci dans une circonscription avec laquelle il n’a aucune attache.
Là encore, monsieur le secrétaire d'État, c’est un peu gros ! Je le répète, on aurait à la limite pu comprendre que, pour des raisons démographiques, vous envisagiez de réduire quelque peu la circonscription de Thionville-Est, mais il aurait alors fallu procéder de manière à rapprocher sa population de la moyenne départementale, et non ajouter une nouvelle magouille à l’énorme magouille à laquelle a donné lieu le redécoupage de la région messine !
Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par Mmes Mathon-Poinat, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet bien entendu un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article unique du projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons une difficulté. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je vais donc suspendre la séance pour une dizaine de minutes.
M. Daniel Reiner. Les résultats !
M. Louis Mermaz. Les résultats d’abord, madame la présidente !
M. Pierre-Yves Collombat. Les résultats !
M. Jean-Marc Todeschini. Madame la présidente, proclamez les résultats !
M. Jean Louis Masson. Les résultats du scrutin, madame la présidente !
Mme la présidente. La séance est suspendue. (Protestations sur les mêmes travées.- M. Jean Louis Masson proteste également.)
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt heures.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 107 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 323 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l’adoption | 167 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.- M. Jean Louis Masson applaudit également.)
En conséquence, l’article unique du projet de loi est supprimé et les amendements nos 26, 2, 7, 1, 9, 21, 16, 13, 23, 20, 11 rectifié bis, 5, 12, 17, 19 et 14 n’ont plus d’objet.
Mise au point au sujet du vote
M. Nicolas About. Madame la présidente, comme je vous l’ai fait savoir avant même la proclamation des résultats de ce scrutin, une erreur humaine s’est produite au moment du vote.
Au lieu de prendre le paquet de bulletins de notre groupe que j’avais préparé personnellement et posé à ma place, le sénateur qui a voté pour le groupe, arrivé au moment du vote, a cru devoir prendre un paquet entier dans mon tiroir : il pensait que nous votions sur l’article unique du projet de loi, alors que le Sénat était appelé à se prononcer sur un amendement, ce qui est bien différent. C’est de là qu’est venue la confusion.
Madame la présidente, bien que mon collègue, s’étant rendu compte de son erreur, vous en ait immédiatement fait part, vous avez laissé les opérations se poursuivre. Je le regrette, car ce n’est pas conforme à notre tradition. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Il ne faut pas renverser les rôles ! Ce n’est pas la faute de la présidence !
M. Nicolas About. Pouvez-vous vous taire ? (Non ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Vous ne pouvez pas accuser la présidente de séance !
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous en prie.
M. Nicolas About. Mais est-ce que je l’accuse ? Le calme est preuve d’innocence : restez calmes !
Mme la présidente. Simplement, monsieur About,...
M. Nicolas About. Je souhaiterais terminer, madame la présidente.
Mme la présidente. ... permettez-moi de rétablir les faits : notre collègue ne m’a pas saisie personnellement du problème.
Mais veuillez poursuivre, je vous prie.
M. Nicolas About. Notre collègue m’a dit avoir informé la présidence de son erreur.
Encore une fois, je regrette que l’on ait laissé ce scrutin aller à son terme, alors que la tradition de notre assemblée a toujours été que l’on procède à la correction des erreurs matérielles, même en cours de vote, et que l’on annule les votes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Marc Todeschini. Ce n’est tout de même pas la faute de la présidence !
M. Nicolas About. Je l’ai dit, ce n’est la faute de personne,...
M. Jean-Marc Todeschini. Ce n’est pas le sens de vos propos à l’instant !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est indécent !
M. Nicolas About. ... mais il y a une tradition républicaine entre parlementaires.
Je pense avoir toujours respecté le droit à l’erreur des autres. Je constate que vous êtes très intolérants, et je le regrette. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Cela ne correspond pas à l’image de notre assemblée. Je n’ai pas l’impression d’être au Sénat lorsque je vois de tels comportements. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. Je vous donne acte de votre mise au point, mon cher collègue.
Demande de seconde délibération
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Madame la présidente, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, je demande une seconde délibération avant le vote sur l’ensemble du projet de loi.
Il s’agit de rétablir l’article unique du projet de loi dans la rédaction suivante :
« L’ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés, prise en application de la loi n° 2009-39 du 13 janvier 2009 relative à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et autorisant le Gouvernement à fixer le nombre total et à délimiter les circonscriptions des députés élus par les Français établis hors de France et à mettre à jour la répartition des sièges de députés élus dans les départements et dans les collectivités d’outre-mer, ainsi que la délimitation des circonscriptions législatives, est ratifiée. »
Mme la présidente. En application de l’article 43, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération.
Quel est l’avis de la commission sur cette demande de seconde délibération ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame la présidente, compte tenu du vote qui vient d’intervenir, la seconde délibération me paraît tout à fait nécessaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) La commission des lois ne peut donc qu’y être favorable.
M. Jean-Marc Todeschini. Vous n’avez pas réuni la commission !
Mme la présidente. Je rappelle les termes de deux dernières phrases de l’alinéa 4 de l’article 43 de notre règlement :
« Dans le débat ouvert sur cette demande, ont seuls droit à la parole l'auteur de la demande ou son représentant, un orateur d'opinion contraire, chacun pour une durée n'excédant pas cinq minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement. Aucune explication de vote n'est admise. »
La parole est à M. Bernard Frimat, contre la demande de seconde délibération.
M. Jean Louis Masson. Rappel au règlement !
M. Jean-Marc Todeschini. Rappel au règlement !
Mme la présidente. Nous y viendrons, mes chers collègues, mais, pour l’instant, la parole est à M. Bernard Frimat, et à lui seul.
M. Bernard Frimat. Madame la présidente, je me fonde sur les mêmes dispositions que M. le secrétaire d’État, c’est-à-dire sur l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, qui prévoit en effet la possibilité d’une demande de seconde délibération, mais « Avant le vote sur l’ensemble d’un texte ».
Or que s’est-il passé, en l’occurrence ? Le Sénat a adopté un amendement de suppression de l’article unique du projet de loi. Le résultat du vote a été proclamé. Donc, en cet instant, il n’y a plus d’article unique, donc plus de projet de loi. En conséquence, le Sénat ne peut pas se prononcer sur l’ensemble du texte, faute de texte !
Nous avons connu une situation analogue lors de la discussion d’un texte relatif à l’éducation nationale, et la discussion avait cessé.
Je veux bien entendre tous les arguments, mais, si l’on invoque le règlement, il faut aller jusqu’au bout de sa logique.
Pour des raisons que nous connaissons tous, il arrive que le Gouvernement demande au Sénat de procéder à une seconde délibération de tout ou partie d’un texte. C’est notamment le cas lors de la discussion des projets de loi de finances. Si donc la procédure ne nous est pas inconnue, elle est cependant toujours décidée à la fin de l’examen d’un texte, quand la seconde délibération doit permettre au Gouvernement de revenir sur certains amendements qu’il n’accepte pas.
La situation actuelle est bien différente. Nous n’en sommes en rien responsables. Nous faisons simplement le constat que, en cet instant, il n’y a plus de texte, puisque le Sénat a adopté un amendement de suppression de l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Lorsque l’on est président de séance – je connais la difficulté de l’exercice – et qu’un amendement tendant à supprimer un article est adopté par le Sénat, on ne peut pas mettre aux voix ledit article. Dans la même logique, quand un projet de loi se compose d’un seul article et que cet article est supprimé, il n’y a plus de texte et l’on ne peut donc pas davantage mettre aux voix l’ensemble du projet de loi.
Nous sommes confrontés à une question de procédure. Il ne s’agit pas de savoir si la seconde délibération est ou non nécessaire. Nécessaire pour qui, pour quoi ? Nécessaire pour voter le projet de loi ? Il faudra, certes, que le Parlement délibère, mais il y a un règlement et il doit être respecté.
Le Sénat a adopté un amendement de suppression de l’article unique du projet de loi. Il n’y a donc plus de texte. Dans la mesure où l’Assemblée nationale et le Sénat n’ont pas adopté le projet de loi dans les mêmes termes, la seule solution acceptable, c’est que le texte reparte à l’Assemblée nationale avant de nous revenir. Nous aurons ainsi respecté le principe de la navette parlementaire.
Madame la présidente, je ne suis pas juriste, mais c’est ainsi que les éléments me semblent s’articuler.
J’ajoute, mais vous le savez aussi bien que moi, que le Conseil constitutionnel juge certes du fond, mais aussi de la forme. Si un projet de loi est adopté en contradiction avec le règlement d’une assemblée, la forme n’est pas respectée.
Pour toutes ces raisons, je considère que le Gouvernement n’a pas en l’occurrence le droit, sauf à contrevenir au règlement du Sénat, de demander une seconde délibération.
Mes chers collègues, je vous remercie du calme dans lequel vous m’avez écouté, et je souhaite qu’il perdure.
Rappels au règlement