Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 104 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 317 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 178 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, les deux motions que j’avais présentées en tant que sénateur non inscrit, l’une tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité et l’autre visant à opposer la question préalable, ont été rejetées au motif que la priorité est donnée aux groupes politiques.
Le caractère systématique de cette priorité accordée aux groupes politiques au détriment des non-inscrits montre une anomalie dans le fonctionnement du Sénat.
Nous avons autant de droits que les autres ! Or nous en sommes réduits à récupérer les restes. D’autant que nous n’avons même pas la possibilité d’expliquer notre vote sur les motions.
Pour ces raisons, j’ai décidé de ne pas participer au vote aussi bien sur la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité que sur la motion visant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°4.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (n° 116, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous ne partageons pas la satisfaction de M. le président-rapporteur de la commission des lois sur ce texte ni son avis selon lequel nous n’aurions qu’à suivre les députés ! Je rappelle tout de même qu’une partie de nos problèmes réside dans le fait que le nombre de députés a été constitutionnalisé, ce que, pour notre part, nous avons regretté. Nous avions évidemment voté contre cette mesure, car elle ne nous paraissait pas correcte.
La question que nous abordons mérite mieux qu’un traditionnel échange du type : « vous ne l’avez pas fait » entre l’opposition et la majorité.
Le projet de loi qui nous est soumis n’intervient pas dans un contexte anodin. Depuis 2007, et avec le consentement de la majorité, le Président de la République, impose sa marque sur les institutions. Il met en place progressivement, par couches successives, une concentration des pouvoirs entre ses mains, ce que certains appellent l’hyper-présidence.
Première étape : le Gouvernement et son Premier ministre se sont effacés, entraînant avec eux le peu de démocratie parlementaire qui subsistait dans la Ve République. C’est le chef de l’État qui décide de tout, dans le moindre détail, sans être le moins du monde responsable devant le Parlement.
Deuxième étape de la prise de pouvoir : la reprise en main du Parlement. La révision constitutionnelle de 2008, contrairement à ce qui a été asséné par la communication gouvernementale, n’a pas renforcé les droits du Parlement. Elle a principalement limité le temps disponible pour débattre des projets de loi gouvernementaux.
Comme, dans le même temps, la précipitation est de mise, avec une inflation législative constante, due notamment aux lois d’affichage et d’opinion, le Parlement est progressivement asphyxié.
Troisième étape : la mise sous tutelle des collectivités locales. Le Président de la République et les forces qu’il représente ne peuvent pas supporter longtemps, semble-t-il, une décentralisation qui, de fait, s’oppose au jusqu’au-boutisme libéral prôné par le Président.
Les projets de lois relatifs aux collectivités territoriales, dont nous entamerons demain l’examen avec le projet de loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils généraux et des conseils régionaux, ont pour objectif une reprise en main par le pouvoir central, si central qu’il se limite à l’Élysée.
Le Président de la République utilise ainsi à plein l’opportunité offerte par la réduction à cinq ans du mandat présidentiel et l’inversion du calendrier électoral, qui donne la prééminence à l’élection présidentielle sur l’élection législative.
Le projet de redécoupage dont nous sommes saisis et la création, en remplacement des conseillers régionaux et généraux, des futurs conseillers territoriaux élus selon un mode de scrutin favorisant outrageusement l’UMP, créent les conditions d’un maintien du parti présidentiel, même placé en situation de minorité.
Certes, je ne peux pas le vérifier,…
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il faut organiser une élection pour cela !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … mais il a été dit, à plusieurs reprises, que même si la gauche recueillait 51 % des voix, elle ne pourrait pas être majoritaire à l’Assemblée nationale à l’issue de ce redécoupage. Je ne peux pas être affirmative sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, mais je constate que vous ne le contestez pas et, surtout, que vous ne nous démontrez pas le contraire, ce qui est plus ennuyeux.
Vous défendez obstinément le scrutin uninominal à deux tours, arguant que ce mode de scrutin est habituel et historique dans nos institutions, mais vous proposez un scrutin uninominal à un tour pour l’élection des futurs conseillers territoriaux, ce qui permettra à l’UMP, avec par exemple 30 % des voix, de rafler la mise et d’obtenir une majorité de conseillers territoriaux.
La logique qui sous-tend ces deux projets, qu’il s’agisse de l’élection des députés ou de celle des conseillers territoriaux, est la même : tous deux mettent à mal la démocratie et le pluralisme.
Le parcours de ce projet de redécoupage électoral montre bien votre volonté de passer en force : utilisation de la procédure des ordonnances, que nous récusons, selon l’article 38 de la Constitution. Ainsi, après le feu vert de la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat, le Gouvernement a eu les mains libres pour élaborer seul un projet de loi, lequel fut ensuite soumis au contrôle du Conseil constitutionnel et à l’avis de la commission présidée par M. Guéna, commission qui n’a d’indépendante que le nom. Certes, cette commission n’a pas été récusée par le Conseil constitutionnel, mais je ne dirai pas ici ce que j’ai toujours pensé du mode de désignation des membres du Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel vous a tout de même fait quelques misères en exigeant que certains départements ne comptent plus qu’un député ou en demandant qu’un seul député représente Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Il fallait bien que le Conseil constitutionnel conserve sa crédibilité ! Il eut été curieux, en ces temps de crise, que l’on accorde un député à un paradis fiscal déguisé en territoire destiné aux riches de ce monde en discriminant la Guadeloupe et la Martinique voisines.
En revanche, sur les inégalités démographiques persistantes, sur les découpages artistiques et surprenants, sur les conditions d’élection des onze députés représentant les Français établis hors de France, le Conseil constitutionnel est resté bien timoré, ce qui est habituel de sa part.
En matière de découpage de circonscriptions électorales, nous estimons qu’un principe doit guider tout législateur : l’égalité des citoyens devant le suffrage ; un homme représente une voix.
La dernière élection législative s’est certes effectuée sur une base démographique faussée, mais vous ne vous en êtes pas plaints. Je rappelle que le député de la deuxième circonscription de la Lozère représente 34 374 habitants alors que celui de la deuxième circonscription du Val-d’Oise en représente 188 240 !
Il n’était pas acceptable de continuer longtemps ainsi, que la France représentée à l’Assemblée nationale soit toujours celle de 1982, date du dernier recensement pris en compte, et que le découpage demeurant en vigueur soit toujours celui qui a été mis en place par M. Pasqua en 1986, ce qui nous avait valu le prix de la meilleure affiche politique de l’année.
Il est regrettable que la commission présidée par M. Bordry et mise en place en 2005 pour modifier cette situation n’ait pu aboutir pour des raisons partisanes, ce qui a permis de perpétuer l’avantage de l’UMP en 2007.
Qu’en est-il de l’ordonnance qu’il nous est demandé de ratifier aujourd’hui ?
La commission précitée recommandait l’instauration d’un écart maximum entre la population de chaque circonscription et la moyenne départementale. C’est la moindre des choses ! Quoi que vous en disiez, monsieur le secrétaire d’État, vous en êtes toujours loin, ce pourcentage n’ayant pu être réduit à moins de 17,5 %.
Permettez-moi de vous donner un exemple pour illustrer mon propos : selon le nouveau découpage, une circonscription des Hautes-Alpes comprendra 60 000 habitants alors qu’une autre circonscription située en Seine-Maritime en comprendra 146 000. On est donc loin de l’égalité ! Un électeur de Seine-Maritime pèsera toujours deux fois moins qu’un électeur des Hautes-Alpes.
De nombreux exemples de ces inégalités persistantes ont déjà été présentés, à l’instar du découpage abracadabrantesque de la onzième circonscription des Bouches-du-Rhône. ; je vous épargne les détails, car ils ne sont compréhensibles que par ceux qui connaissent l’endroit. Comment ne pas percevoir dans l’extrême précision de ce découpage une volonté d’accorder cette circonscription à telle ou telle force politique ?
Monsieur le secrétaire d’État, votre calculette a bien fonctionné : vingt-trois des trente-trois circonscriptions appelées à disparaître sont à gauche, dix à droite. Selon les derniers résultats, neuf circonscriptions des vingt-trois créées auraient été à la gauche et vingt à la droite.
Une telle manière de procéder est révélatrice d’une certaine conception de la politique que je ne partage pas. La vie politique a un grand besoin de transparence et de clarté dans le débat, à l’heure où la perte de confiance des citoyens en leurs représentants est patente.
Vous avez présenté la limitation constitutionnelle du nombre de députés comme une avancée démocratique. Mais en quoi s’agit-il d’une avancée, monsieur le secrétaire d’État ? Le résultat de cette proposition aux accents populistes est une réduction du nombre des députés élus sur le territoire national et la création de onze sièges de députés représentant les Français établis hors de France. Cela me paraît inacceptable. Loin de moi l’intention d’être désagréable avec quiconque, mais, franchement, la représentation des Français de l’étranger par onze députés et par douze sénateurs me paraît extrêmement contestable, les notions de territoire et de circonscription étant bien difficiles à déterminer dans ce cas.
Monsieur le secrétaire d’État, vous faites d’une pierre deux coups : vous utilisez la réduction du nombre de sièges nationaux pour affaiblir la représentation de l’opposition, tout en permettant d’engranger les sièges acquis à l’UMP, car, on le sait, les Français de l’étranger votent majoritairement à droite.
Entre parenthèses, était-il bien nécessaire de créer une circonscription des Français résidant au Liechtenstein et en Suisse, alors que nombre d’entre eux ne remplissent pas la condition de citoyenneté prévue à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, à savoir payer l’impôt ?
La vraie réponse à cette crise de confiance, à cette nécessité de plus en plus évidente de revivifier la démocratie, ne relève pas de ce type de découpage. Il faut généraliser le mode de scrutin proportionnel dans notre pays. Comment ne pas voir que le moyen de bousculer de manière salutaire le système politique, c’est de rajeunir et de féminiser l’hémicycle, de l’ouvrir à de nouvelles catégories sociales ? De même, il faut, une fois pour toutes, que la diversité fasse son entrée au Palais-Bourbon.
Est-il acceptable que notre pays soit à la traîne en Europe en nombre de femmes élues dans la première chambre du Parlement ? Elles sont 18 % seulement en France, alors qu’elles représentent respectivement 32 % et 36 % des sièges en Allemagne et en Espagne. De même, est-il acceptable que l’Assemblée nationale ne compte que 0,4 % d’ouvriers et 1,8 % d’employés ?
La proportionnelle permettrait d’injecter du sang neuf dans la vie politique, car elle s’écarte de la mobilisation des mandats favorisés par le mode de scrutin uninominal majoritaire. La proportionnelle, c’est bien entendu le moyen de lutter efficacement contre le cumul des mandats.
Vous défendez avec constance le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, monsieur le secrétaire d’État, mais vous vous en écartez pour les conseillers territoriaux. Vérité d’un côté, mensonge de l’autre ! Nous dirigeons-nous vers un mode de scrutin à la britannique, ce qui ne me paraît pas le summum de la démocratie ?
Enfin, avec la proportionnelle, vous n’auriez plus de souci en matière de découpage électoral, ce qui serait une bonne chose.
Monsieur le secrétaire d’État, votre projet de loi ne rompt pas avec les pratiques antérieures, que vous dites pourtant vous employer à corriger. Il s’agit – cela apparaît très clairement – d’un redécoupage de pure convenance, comme souvent d’ailleurs en pareil cas. Ce redécoupage s’oppose à l’effectivité du pluralisme, ce que je déplore.
Enfin, ce projet de loi prend le chemin inverse d’une démocratisation du système ; il restreint chaque jour un peu plus l’espace du débat politique au profit de l’exécutif présidentiel.
Parce que le projet de loi qui nous est soumis touche aux principes démocratiques que pour notre part nous défendons, nous vous appelons, mes chers collègues, à ne pas le voter en adoptant la motion tendant à opposer la question préalable et à réfléchir à ce que doit être une démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je voudrais reprendre les différents arguments qui ont été avancés par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Tout d’abord, selon les auteurs de la motion, les modes de scrutin qui s’appliquent aux différentes institutions de la République seraient remis en cause à tous les échelons. Cela n’a aucun lien avec le présent projet de loi de loi, qui ne concerne ni le mode de scrutin applicable à l’élection des députés ni les compétences et le fonctionnement de l’Assemblée nationale.
Ensuite, ma chère collègue, vous avez évoqué une « disparité de représentation entre les citoyens », en affirmant que certaines formations politiques pourraient être minoritaires en voix, mais majoritaires en sièges !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’attends que M. le secrétaire d’État me réponde !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit là d’une affirmation gratuite, et non d’un argument fondé. Les seuls « sondages » qui ont une valeur réelle, ce sont les élections ! Et, en l’occurrence, on n’obtient pas toujours les résultats que l’on attend ! (M. Jean-Pierre Bel acquiesce.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous admettez donc que vous en attendez des résultats !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour ma part, je pense qu’il faut dépasser ce genre de considérations.
L’ordonnance qu’il nous est demandé de ratifier permet de réduire les écarts de population entre les circonscriptions de métropole, en les faisant passer d’un rapport de 1 à 6 à un rapport de 1 à 2,4.
Bien entendu, à partir du moment où nous avons retenu la méthode des « tranches » dans le cadre des départements, il y a nécessairement quelques disparités. Mais aucune circonscription ne présentera d’écart par rapport à la moyenne départementale supérieur à 17,5 %, ce qui n’était plus le cas depuis très longtemps. Ce texte représente donc un progrès substantiel et renforce l’effectivité du principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant le suffrage.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. J’aimerais revenir un instant sur un argument qui a été avancé par Mmes Virginie Klès et Nicole Borvo Cohen-Seat.
Toutes deux ont le sentiment que le Gouvernement, au travers de ce redécoupage, souhaiterait favoriser l’électorat rural au détriment de l’électorat urbain. Des comparaisons ont ainsi été faites entre la deuxième circonscription de Lozère, qui, avec ses 35 000 habitants, est l’exemple extrême, et le département du Val-d’Oise. En réalité, la circonscription la plus peuplée – elle compte 210 000 habitants – se situe dans le Var. Selon Mme Borvo Cohen-Seat, un électeur de Seine-Maritime « pèsera » deux fois moins qu’un électeur des Hautes-Alpes.
À l’inverse, madame le sénateur, le député de la circonscription unique de la Creuse – le département compte 123 000 habitants et 110 000 électeurs inscrits – sera le député le plus représentatif de France. Il « pèsera » deux fois plus que la moyenne des députés de Paris ou des départements de banlieues. Vous le voyez, on peut démontrer beaucoup de choses en utilisant des chiffres… Je tenais à insister sur ce point, qui me semble significatif.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable. En effet, l’ordonnance qu’il vous est demandé de ratifier répond à toutes les critiques qui ont pu être émises sur les différentes travées de cet hémicycle quant à l’éventuel maintien du statu quo s’agissant de la situation électorale de notre pays, notamment à l’Assemblée nationale.
Pensez-vous sérieusement que nous puissions encore attendre avant de renouer avec la légalité – car c’est bien de cela qu’il s’agit – d’une des chambres de notre institution parlementaire ?
Imaginons que la motion tendant à opposer la question préalable soit adoptée. Dans ce cas, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles réponses apporterez-vous au Conseil constitutionnel, qui a déclaré qu’il vous incombait de modifier le découpage électoral ? Quelles réponses apporterez-vous à notre juridiction suprême, qui nous a demandé de le faire aussitôt après les élections législatives, alors que bientôt deux années se sont écoulées depuis cette échéance ? Quelles réponses apporterez-vous au juge constitutionnel, qui affirmait voilà un an et demi qu’il était désormais impératif – je rappelais ce terme tout à l’heure – de procéder à un tel découpage ? Quelles réponses apporterez-vous aux citoyens, qui – il faut le savoir – fondent de plus en plus souvent leur recours contre l’élection d’un député lors des élections partielles sur les disparités démographiques affectant les circonscriptions ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne pouvez pas attendre encore, alors que près de dix ans se sont écoulés depuis le dernier recensement. Je vous demande donc de rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 4, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 105 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 179 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
Mme la présidente. Je suis saisie, par M. Masson, d'une motion n° 27.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés (n° 116, 2009-2010).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la motion.
M. Jean Louis Masson, auteur de la motion. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant d’en venir au fond, je voudrais tout d’abord faire une remarque.
Voilà un mois, j’ai été surpris de lire dans la presse que, selon un membre du Gouvernement, il n’y aurait pas de débat sur le fond au Sénat au sujet du découpage électoral. Le prétexte en serait que, par tradition, une assemblée parlementaire ne s’occupe pas du mode de scrutin applicable à l’autre.
Ces propos sont inexacts, puisqu’à de nombreuses reprises l’Assemblée nationale a délibéré sur le mode de scrutin du Sénat ; ce fut notamment le cas sous le gouvernement dirigé par Lionel Jospin, à propos de la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ou de la loi du 10 juillet 2000 relative à l’élection des sénateurs.
En tout état de cause, ce constat a un mérite, celui de confirmer la gêne du Gouvernement, car il n’a pas intérêt à ce que certaines turpitudes du charcutage effectué dans quelques départements soient mises sur la place publique.
C’est d’ailleurs bien pour cette raison que divers artifices de procédure avaient déjà été utilisés à l’Assemblée nationale pour empêcher un véritable débat. En effet, monsieur le secrétaire d’État, fallait-il vraiment que vous ayez peur de la vérité pour que, au lieu de laisser se dérouler normalement les débats, vous ayez empêché les députés de voter sur les amendements. Non content d’utiliser la procédure prévue par l’article 44 de la Constitution pour imposer un vote bloqué, vous avez également reporté le vote à la semaine suivante, ce qui vidait le débat de tout son sens.
À juste titre, les députés de l’opposition ont quitté la séance en guise de protestation. Je peux également vous dire que certains députés de la majorité présents en séance ont regretté, eux aussi, votre manière d’agir. Ils n’étaient d’ailleurs pas les seuls puisque le président UMP de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, a « déploré » – c’est le terme qu’il a employé – le lendemain le fait que le Gouvernement utilise abusivement la procédure du vote bloqué. Il l’a dit sur BFM TV, et cela a été repris dans Le Figaro du 20 octobre.
D’ailleurs, et je sais ce que je dis, des pressions regrettables ont été exercées sur de nombreux députés de la majorité pour qu’ils votent ce texte. Quoi qu’il en soit, et malgré ces pressions, huit députés UMP ont eu le courage de voter contre. De surcroît, de nombreux autres ont voté avec leurs pieds, puisque vingt-cinq députés UMP ont refusé de prendre part au vote et trois se sont abstenus.
Après que le déroulement normal des débats à l’Assemblée nationale a ainsi été escamoté, certains membres du Gouvernement voudraient donc maintenant que les sénateurs se laissent faire à leur tour. Ils voudraient qu’il n’y ait pas de débat et que nous fassions semblant d’ignorer le caractère partisan du charcutage des circonscriptions législatives auquel vous avez procédé dans certains secteurs.
En tout état de cause, que l’on ne compte pas sur moi pour cela. Ce débat doit avoir lieu. Même si vous spéculez, monsieur le secrétaire d’État, sur votre majorité dans cette enceinte, j’espère que le processus se poursuivra ensuite de manière réellement démocratique, c’est-à-dire que le Conseil constitutionnel jouera pleinement son rôle en acceptant au moins d’examiner les cas les plus flagrants, à savoir la vingtaine de départements pour lesquels la Commission de contrôle du redécoupage électoral et le Conseil d’État ont désavoué vos choix.
M. Jean Louis Masson. J’en viens maintenant au fond et mon intervention se divisera en deux parties. J’évoquerai tout d’abord le bilan global des distorsions qui résultent du caractère partisan du nouveau découpage. Ensuite, j’illustrerai mon propos avec un exemple, en l’espèce celui du département de la Moselle.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le contraire nous eût étonnés !
M. Jean Louis Masson. Monsieur le secrétaire d’État, depuis des mois, vous avez répété dans la presse que votre projet de découpage des circonscriptions législatives était consensuel et absolument irréprochable. Pour corroborer ces affirmations, vous avez dressé des statistiques trompeuses, en mélangeant pêle-mêle des notions qui n’ont strictement rien à voir entre elles. En particulier, pour améliorer les ratios, vos statistiques prennent en compte les cantons ou les circonscriptions qui ne sont pas concernés par le redécoupage et où, par la force des choses, il ne peut pas y avoir de contestation.
Ainsi, dans le journal Le Monde du 28 juillet 2009, vous avez indiqué que le Conseil d’État modifiait ce schéma seulement à la marge, en préconisant le basculement et le transfert de 82 cantons sur 4 305, soit 1,9 % du total. Une telle manière de calculer relève de l’illusionnisme. Cela n’a pas de sens, car 82 cantons peuvent faire basculer 82 circonscriptions.
De même, dans le journal Le Parisien du 20 septembre 2009, vous affirmez avoir un quitus dans 95 % des cas, ce qui prouverait que votre travail est honnête. Vous reconnaissez donc implicitement que, dans 5 % des cas, il y a un problème. Or, là aussi, 5 % des circonscriptions suffisent souvent pour changer la majorité politique de l’Assemblée nationale. Lors des débats parlementaires relatifs à la loi d’habilitation, vous vous étiez pourtant engagé à ce que l’ordonnance de redécoupage des circonscriptions législatives soit prise en toute honnêteté et sur la base de critères objectifs. En particulier, vous aviez lourdement insisté sur les garanties supplémentaires qui seraient apportées par rapport à la procédure suivie en 1986. Vous aviez même promis de tenir le plus grand compte de l’avis de la commission de contrôle du redécoupage électoral et du Conseil d’État.
Or vous avez fait exactement l’inverse. Pour avoir connu, en tant que député, les opérations de redécoupage effectuées en 1986 par le ministre de l’intérieur de l’époque, M. Charles Pasqua, je l’affirme solennellement, quoi qu’on puisse dire : elles se sont déroulées de manière infiniment plus correcte, plus transparente et plus loyale que cette fois-ci.