Mme Nathalie Goulet. Grâce au Sénat !
M. Marc Laménie. … auxquels les sénateurs de notre groupe sont particulièrement attachés.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Marc Laménie. La gendarmerie représente désormais 34 % du personnel du ministère. Nous nous réjouissons que lui soit reconnue, dans le cadre de ce projet de budget, une véritable place, avec une répartition équilibrée des crédits entre les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », dotés respectivement de 8,8 milliards d’euros et de 7,6 milliards d’euros.
S’agissant de la gendarmerie nationale, il convient d’apporter des assurances sur le maintien de ses missions de renseignement et de police judiciaire. Je rappelle également que les élus ruraux, souvent isolés face aux actes d’incivilité, sont très attachés aux petites brigades, qui doivent conserver leurs moyens humains afin de pouvoir leur apporter une aide.
Je me félicite de ce que le Gouvernement ait respecté, à l’occasion de cette deuxième année d’exécution du budget triennal, le cadre défini, démontrant ainsi sa volonté de conforter la place qui revient à chacun des deux corps. Le présent projet de budget met en cohérence les cadres d’action de la police et de la gendarmerie, dans la continuité du travail en commun engagé depuis 2002 afin de mieux s’adapter aux nouveaux enjeux de la délinquance.
Votre projet de budget est bon, enfin, parce qu’il prévoit un effort important en faveur de la formation permanente, du déroulement des carrières et d’un recentrage des missions sur les tâches qui ne peuvent être assurées que par des agents en uniforme. Ce volet est particulièrement important, car la police et la gendarmerie sont composées de femmes et d’hommes dont les compétences doivent être renforcées et valorisées.
Le personnel est au cœur des priorités du ministère, puisque 85 % des crédits de la mission, soit 14 milliards d’euros, sont alloués aux charges de personnel. Dans le cadre de la LOPPSI 2, 30 % des dépenses seront consacrées à celui-ci. Nous nous réjouissons qu’une attention particulière soit portée, au travers de ce projet de budget, au déroulement des carrières, aux rémunérations, à l’accompagnement dans l’exercice des missions. Il prévoit, en outre, une amélioration de l’équipement, afin de garantir une meilleure protection des policiers et des gendarmes. Comme vous l’avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, nous ne saurions accepter « qu’ils puissent être agressés, dans l’exercice de leurs missions ou en dehors de leur service ».
Mme Éliane Assassi. Personne ne le souhaite !
M. Marc Laménie. Nous devons constamment rappeler que l’ensemble des policiers et des gendarmes qui, tous les jours, assurent la tranquillité publique et la sécurité de nos concitoyens, garantissent ainsi l’unité de notre République.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Marc Laménie. Comme vous le souligniez avec force, monsieur le ministre, la baisse de la délinquance générale est « le fruit de l’action de près de 300 000 hommes et femmes, qui ont le service public chevillé au corps, qui sont les garants de nos vies, de nos biens et de nos institutions, et dont le seul et unique souci, jour comme nuit, est de protéger nos concitoyens ».
Pour conclure, je souhaite insister sur le fait que le recentrage des missions est absolument nécessaire, car trop de policiers et de gendarmes exercent aujourd’hui des tâches administratives qui ne relèvent pas de leur compétence.
Fondé sur une optimisation de la gestion des ressources humaines, ce projet de budget a ainsi pour objet de permettre aux forces de l’ordre de se recentrer sur leur cœur de métier, la protection des citoyens, en réduisant leurs missions périphériques et en renforçant leur présence dans les quartiers difficiles.
Au bénéfice de ces quelques observations, le groupe UMP votera naturellement les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à adresser un hommage appuyé à nos deux forces de sécurité, aux femmes et aux hommes qui se dévouent tous les jours pour assurer notre sécurité.
J’axerai mon propos sur le programme qui regroupe les dotations dévolues à la gendarmerie nationale. Que dire de ce projet de budget ?
Avant tout, je veux encore croire, monsieur le ministre, qu’il ne reflète pas la considération que vous affirmez avoir pour nos gendarmes, car cette considération serait alors bien faible…
Je veux croire que vous êtes seulement atteint de surdité ou de cécité, ou encore que vous êtes simplement mal informé quand vous affirmez que le présent projet de budget, le premier exercice que nous ayons à examiner depuis le rattachement de la gendarmerie nationale à votre ministère, est présenté à des militaires sereins, confiants dans leur avenir, œuvrant dans un climat apaisé de mutualisation et de rapprochement avec leurs collègues civils de la police nationale,…
M. Paul Blanc. C’est vrai !
Mme Virginie Klès. … et que, qui plus est, il fixe en toute transparence à chacun des objectifs, des priorités et des missions clairement définis, pour lesquels les moyens nécessaires seront mis en œuvre.
Il me semble que le dévouement des personnels et les risques qu’ils prennent mériteraient beaucoup mieux que ce projet de budget en trompe-l’œil, fondé sur une analyse tronquée tant de leurs interrogations et de leurs inquiétudes légitimes que de la réelle évolution de la délinquance.
Les gendarmes mériteraient mieux que ce projet de budget, non sincère eu égard à l’évaluation selon des critères éminemment discutables de l’efficacité des mesures présentées, en matière de vidéosurveillance notamment. (M. Paul Blanc proteste.)
Ils mériteraient mieux, enfin, que ce projet de budget dont les économies attendues ne sont que de court, voire de très court terme. Ainsi, les coûts sociaux et financiers de l’abandon progressif de la prévention par la proximité ne sont pas pris en compte.
Les investissements nécessaires au renouvellement ou à l’entretien tant du patrimoine immobilier que du matériel lourd étant toujours repoussés à demain – les véhicules blindés à roues de la gendarmerie auraient dû être remplacés voilà deux ans –, ils deviennent de plus en plus inaccessibles aux finances publiques, dont on connaît l’état. Cela remet gravement en cause la sécurité comme l’efficacité de nos gendarmes.
Certes, le contexte budgétaire est difficile ; certes, il importe de se préoccuper de l’essentiel. Mais qu’est-ce que l’essentiel ? Qui, au sein du Gouvernement, peut définir précisément ce qu’est le cœur de métier des gendarmes ? Selon une tradition que l’on peut trouver bonne ou mauvaise, la gendarmerie nationale fait ce que les services relevant d’autres ministères ne peuvent ou ne veulent pas faire.
Supprimer certaines missions est sans doute souhaitable, mais surtout pas celles qui relèvent des fonctions régaliennes de l’État ou de l’obligation de réussite imposée, de façon générale, aux militaires, au nombre desquels comptent encore les gendarmes. L’essentiel est-il, pour ces derniers, de tout mettre en œuvre pour que ni sifflets ni quolibets ne parviennent aux oreilles du Président de la République lors de ses déplacements, ou d’assurer la sécurité de tout citoyen, en tout temps et en tout lieu ?
Le projet de budget que vous nous présentez, monsieur le ministre, est une accumulation de chiffres.
Mme Catherine Troendle. C’est un budget !
Mme Virginie Klès. Ce n’est pas une anomalie en soi, mais cela devient un défaut majeur quand ces chiffres ne sont pas adossés à un vrai projet politique. Cela devient même un défaut rédhibitoire, en matière de sécurité, quand ils sont l’application d’un dogme, celui de la suppression d’un poste de fonctionnaire partant à la retraite sur deux.
Monsieur le ministre, les défenseurs de la LOPSI 1, qui militent aujourd’hui pour la LOPPSI 2, argumentaient à l’époque de l’examen de ce texte avec force détails sur la nécessité de créer 7 000 emplois dans la gendarmerie nationale. Mais voilà, les vents et la girouette ont tourné, sans doute, et la LOPPSI 2 prévoit que l’évolution de la délinquance permettra la suppression de 3 500 postes de gendarme d’ici à 2012 !
Ah, la LOPPSI 2, monstre du Loch Ness dont on parle beaucoup, sans jamais la voir ! Espérons qu’elle finira par montrer le bout de son nez avant 2013…
Mais laissons de côté, pour l’heure, ce problème de forme, et revenons au fond.
J’ai beaucoup de mal à comprendre l’évolution de la délinquance telle que vous nous la présentez. On fait dire aux chiffres ce que l’on veut, selon l’adage. Aussi rigueur et honnêteté sont-elles indispensables quand on commence à manier les statistiques.
Il reste pour moi surprenant d’entendre soutenir à l’approche d’une échéance électorale, chiffres à l’appui, que l’insécurité augmente et qu’il est urgent de confier les rênes du pays à un gouvernement qui s’en préoccupe vraiment, prônant la tolérance zéro, ainsi que des créations de postes et l’attribution de moyens, puis de voir, en période de discussion budgétaire, que les mêmes chiffres servent à démontrer que l’efficacité se conjugue désormais avec une diminution d’effectifs et de moyens… Lorsque la discussion budgétaire est proche d’une échéance électorale, le discours devient totalement inaudible : comprenne qui pourra ce que signifie un « ralentissement d’augmentation » de la délinquance, évalué sur un seul mois qui plus est – une unité de temps qui est totalement inadéquate en l’espèce –, cette appréciation ne concernant en outre ni les mêmes infractions, ni les mêmes territoires, ni les mêmes moyens, et étant exprimée parfois en pourcentage, parfois en valeur absolue.
Enfin, en matière de statistiques, la moindre des honnêtetés consisterait à rappeler que, en tout état de cause, une corrélation significative n’est pas synonyme d’un lien de cause à effet. Mais vous ou vos services, monsieur le ministre, le savez certainement bien mieux que moi…
Mme Catherine Troendle. Absolument !
Mme Virginie Klès. Il serait intéressant, par ailleurs, de vérifier l’incidence réelle de l’inflation législative en la matière, que vous brandissez souvent comme l’étendard de la sécurité : quel critère d’efficacité, en effet, que le simple dénombrement de gardes à vue dont nul ne sait combien étaient utiles, sinon indispensables !
Comment, dès lors, engager le vrai débat auquel nos concitoyens, mais plus encore nos gendarmes, ont pourtant droit, si, dès le premier mot, votre discours est empreint de subjectivité flagrante, voire de mauvaise foi ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le ministre, même la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a voté contre les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010 pour la gendarmerie nationale, le 25 novembre dernier ! C’était une première ! Comment pouvez-vous ne pas entendre cet avertissement, ce sérieux coup de semonce à votre gouvernement et à sa politique de sécurité, très insuffisante et insatisfaisante ?
Les postes supprimés, nous dites-vous parfois, étaient affectés à des missions administratives générales qui seront désormais confiées à des agents civils dépendant du ministère de l’intérieur. Admettons ! Ce ministère sera donc épargné par la RGPP et la dure loi du « un poste sur deux » ? Ces missions ne seront donc pas remises à la charge, comme par un effet de boomerang, des gendarmes, dont les effectifs auront été réduits et auxquels auront été fixés des objectifs nouveaux, comme la constitution d’unités territoriales de quartier, l’exploitation des données de la vidéosurveillance, la lutte contre les violences familiales, les interventions en centres de rétention, etc. ? Ne s’agirait-il pas plutôt une nouvelle fois de promesses qui, comme tant d’autres, de plan Marshall en plan « Espoir banlieues », ne seront jamais tenues ?
Comment expliquer que le général Roland Gilles ait lui-même hésité, lors de son audition à l’Assemblée nationale, sur l’ampleur et la répartition des suppressions de postes ? Toucheront-elles, pour plus de la moitié d’entre elles, les brigades territoriales, les états-majors, les zones sous contrôle de la police ? Combien de brigades territoriales seront affectées, voire fermées ? Leur nombre sera-t-il égal, supérieur ou inférieur à 175 ? N’oublions pas non plus la suppression annoncée de 15 escadrons de gendarmerie mobile sur 123. Mais toutes ces mesures, bien entendu, n’altéreront pas la capacité opérationnelle de la gendarmerie nationale, ni le maillage territorial !
La précipitation qui prévaut dans votre recherche d’économies à court terme, appelée « accroissement des complémentarités et mise en commun des compétences », a provoqué, force est de le constater une fois de plus, des dysfonctionnements. Ainsi, Mme Bourzai a indiqué que certains gendarmes ne pratiquaient qu’une séance d’entraînement au tir par an, ce qui nous semble tout aussi insuffisant qu’aux instructeurs. Est-ce le temps ou les stands de tir qui manquent ?
Autre exemple de politique de gribouille : pourquoi fermer quatre écoles, celles du Mans, de Montargis, de Châtellerault et de Libourne, alors qu’elles avaient été inaugurées en grande pompe voilà peu de temps, au titre de la réutilisation efficace de sites militaires désertés ?
Ainsi, tant la formation que les investissements immobiliers, qui devraient faire l’objet d’une politique de long terme, sont encore laissés pour compte.
Outre leur insuffisance évidente, témoignant d’un manque de considération criant pour les conditions de logement et de travail des gendarmes, les crédits affectés à l’immobilier non seulement ne tiennent pas compte de la vétusté unanimement reconnue des locaux, mais encore font l’objet d’une présentation très opaque. La disparition du régime particulier lié aux cessions du ministère de la défense, depuis le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, rend en effet impossibles les comparaisons avec les années antérieures ! Les seules certitudes sont l’insuffisance des moyens et la délégation aux collectivités locales dans des conditions extrêmement désavantageuses pour elles : enfin de la constance dans votre politique !
Les experts nous ont expliqué que les crédits de paiement augmentent de 0,61 %. Certes ! Cependant, il n’a pas pu vous échapper que les charges de personnel représentent près de 83 % des crédits en 2010. Hors titre 2, les crédits de paiement pour les missions de sécurité elles-mêmes sont en baisse de 0,88 %, et encore cette analyse ne tient-elle pas compte de la complexité supplémentaire induite, pour toute comparaison, par l’élargissement du périmètre des crédits du titre 3.
Monsieur le ministre, je ne crois pas qu’un tel projet de budget puisse être de nature à rassurer les gendarmes, les élus et les citoyens quant à la volonté réelle du Gouvernement d’améliorer la sécurité de tous. Vous ne vous étonnerez donc pas que le groupe auquel j’appartiens vote contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Paul Blanc. Quelle surprise !
(M. Roger Romani remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à exprimer l’inquiétude que m’inspire le programme 152 « Gendarmerie nationale » du projet de loi de finances pour 2010. En effet, il semble qu’il y ait une inadéquation flagrante entre les besoins et les moyens consentis.
Les derniers résultats parus montrent que la période de janvier à septembre 2009 a été marquée par une augmentation de la criminalité et de la délinquance de 0,45 %. Fait particulièrement significatif, le nombre d’atteintes volontaires à l’intégrité physique, qui avait déjà augmenté de 2,40 % en 2008, progresse de 4,08 % en 2009. Les vols à main armée, la violence scolaire ou encore la violence de proximité augmentent également. J’arrêterai là cette énumération, car, en réalité, la plupart des indicateurs sont au rouge, et ce pas seulement dans les zones urbaines, mais également dans les zones rurales, qui connaissent à leur tour une dégradation de la situation en matière de sécurité.
Alors même que le Gouvernement se sert de ces chiffres pour rejouer le thème de l’insécurité, il décide de réduire les effectifs de la gendarmerie, en appliquant la règle mécanique du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Sur trois ans, 3 500 postes disparaîtront, dont 1 303 en 2010, s’ajoutant aux 1 426 postes supprimés en 2009. Il faut, de plus, prendre en compte les transformations d’emplois qui interviendront, notamment dans la gendarmerie. Il paraît évident que ce n’est pas le moment de procéder à de tels allégements. Il y a là, me semble-t-il, un véritable hiatus.
Outre la réduction des effectifs, le rattachement organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, résultant de la loi du 3 août 2009, est préoccupant. Ce rattachement met en danger l’existence même de la gendarmerie. Dans les prochaines années, la tentation sera forte de regrouper au sein de ce ministère l’organisation de la sécurité et les moyens qui y sont consacrés.
Ma préoccupation s’accroît encore lorsque je constate le mécontentement de la police urbaine, qui manifeste aujourd’hui partout en France pour dénoncer la culture du chiffre et l’obligation de résultats. Ces manifestations, peu courantes de la part des forces de l’ordre, traduisent un malaise profond. L’état d’esprit actuel, contre lequel les policiers se mobilisent aujourd’hui, ne manquera pas de gagner demain la gendarmerie.
On peut craindre en outre que la réduction des effectifs et le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur ne remettent en cause la présence vingt-quatre heures sur vingt-quatre de la gendarmerie sur certains territoires. Déjà, on constate des regroupements d’activités dans certaines brigades : certaines sont spécialisées dans l’enregistrement des plaintes, d’autres dans la circulation routière, etc. Ainsi se perd déjà en partie cette proximité qui fait la force et l’efficacité de la gendarmerie.
Je tiens à souligner le rôle précieux des gendarmes, proches à la fois des élus et des populations, ce qui leur permet de savoir tout ce qui se passe sur un territoire.
Cette connaissance, permise par la proximité et la présence continue de la gendarmerie sur le terrain, est très efficace pour assurer la sécurité et la résolution d’un grand nombre d’affaires.
Le maillage des brigades sur l’ensemble du territoire sera remis en cause. Certaines seront fermées, tandis que d’autres se verront regroupées, alors même que l’ensemble des élus locaux des différentes collectivités ne cessent de réclamer des effectifs supplémentaires.
Les maires des petites communes et les populations des territoires ruraux s’inquiètent des fortes inégalités entre ruraux et urbains qui découleront de ces mesures. Il s’agit d’une rupture d’égalité dans le service de proximité de la sécurité.
En fait de complémentarité entre deux forces de sécurité, si chère à M. le ministre de l’intérieur, on assiste à une rationalisation des moyens et à la suppression de services publics, notamment en milieu rural.
D’ailleurs, point n’est besoin d’être devin pour affirmer qu’il est vraisemblable que l’on assistera à de grandes joutes et à des parties de cache-cache entre le ministère de l’intérieur, chargé de l’organisation de la sécurité, et le ministère de la défense, chargé de la gestion des ressources humaines.
Enfin, si les crédits pour 2010 de la mission « Sécurité » sont pratiquement constants, ils masquent des disparités.
En matière d’investissement, pour ne parler que de ce poste, je déplore que l’accent soit mis sur les nouvelles technologies, en particulier la vidéosurveillance, rebaptisée « vidéo-protection », alors que le renouvellement des matériels lourds, qui permettent le maintien en condition opérationnelle de la gendarmerie, est encore repoussé. Monsieur le ministre, une caméra n’a jamais remplacé, et ne remplacera jamais, l’action d’un gendarme présent sur le terrain !
Alors que la gendarmerie est confrontée à une aggravation de la délinquance, vous lui donnez, pour répondre à cet enjeu de société, moins de moyens et moins d’effectifs ! Cela est contradictoire, et les élus locaux que nous sommes sont inquiets des conséquences de ces mesures.
Une fois de plus, sous couvert du dogme de l’efficacité, la logique comptable l’emporte sur toute autre considération. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « Sécurité ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Paul Blanc. Eh bien tant pis !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord rappeler brièvement quelques éléments de contexte.
Outre la révision générale des politiques publiques, à laquelle beaucoup d’entre vous ont fait référence, mon action doit intégrer trois données fondamentales.
Premièrement, elle s’inscrit dans le cadre fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009-2012. Pour l’année 2010, il était prévu d’affecter près de 24 milliards d’euros aux missions « Sécurité », « Sécurité civile », « Administration générale et territoriale de l’État », « Outre-mer » et « Relations avec les collectivités territoriales ». C’est exactement la somme qui figure dans ce projet de loi de finances : le Gouvernement a donc respecté le cadre fixé par la loi de programmation.
Deuxièmement, mon action doit tenir compte de la LOPPSI 2. Ainsi que plusieurs intervenants l’ont relevé, je souhaite, en étroite collaboration avec la commission des lois, « muscler » la partie normative de ce projet de loi, que j’aimerais voir venir en discussion devant le Parlement le plus tôt possible en 2010, vraisemblablement au cours de la dernière semaine de janvier ou de la première semaine de février.
Le projet de loi de finances intègre exactement, pour la police, la tranche 2010 de la LOPPSI 2, c’est-à-dire 133 millions d’euros de crédits de paiement fléchés vers la modernisation technologique, l’équipement et la logistique. Il en va de même pour la gendarmerie, avec 111 millions d’euros.
Troisièmement, ce projet de budget est marqué par le rattachement de la gendarmerie nationale à mon ministère. Je sais, madame Klès, que vous suivez activement ce dossier. Il me semble d’ailleurs que la construction d’une nouvelle caserne pour la brigade de Châteaubourg est un projet qui vous tient à cœur. Je puis vous confirmer que mon cabinet est attentif à ce dossier. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Gautier. C’est le Père Noël !
M. Brice Hortefeux, ministre. Vous aurez remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce fait, connu de Mme Klès, n’a eu aucune incidence sur la conclusion de son intervention ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Absolument !
M. Paul Blanc. À votre place, Georges Frêche lui aurait coupé les crédits ! (Sourires.)
Mme Virginie Klès. Ce n’est pas pour moi !
M. Brice Hortefeux, ministre. Plusieurs sénateurs l’ont souligné, les militaires de la gendarmerie représentent désormais plus d’un tiers du personnel du ministère de l’intérieur, avec très exactement 98 155 gendarmes sur 283 449 agents, soit 34 % des effectifs.
Ce rapprochement ne remet aucunement en cause le principe de répartition territoriale des compétences entre la police et la gendarmerie, ni le maillage territorial de celle-ci, qui couvre 95 % du territoire national. Il implique, en revanche, la recherche permanente de rapprochements et de mutualisations.
À cet égard, je voudrais rassurer M. le rapporteur spécial, qui a évoqué la « redondance » du RAID et du GIGN.
J’ai inauguré avant-hier la nouvelle force d’intervention de la police nationale, qui réunit désormais le RAID, les groupes d’intervention de la police nationale et la brigade anti-commando de la préfecture de police, soit 500 policiers qui seront placés sous le commandement unique de M. Amaury de Hautecloque. Le GIGN avait procédé à la même démarche l’an dernier, pour réunir en son sein plus de 400 gendarmes d’élite sous l’autorité d’un seul chef.
Cette nouvelle organisation s’explique par l’évolution des formes de terrorisme. Autrefois, un acte de terrorisme était généralement centré sur une cible unique. Aujourd’hui, outre l’apparition de kamikazes, on observe, notamment depuis les attentats de Bombay, que le terrorisme peut frapper simultanément en des lieux multiples. Il était donc devenu nécessaire d’adapter la taille des unités aux mutations de la menace, d’où cette évolution de l’organisation.
J’ai demandé aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie de me faire des propositions pour développer de nouvelles synergies, avant peut-être d’envisager, ultérieurement, des mutualisations.
Je ne reviendrai pas sur la politique menée, car j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet, devant la commission des lois notamment.
Notre objectif est de faire baisser significativement et durablement la délinquance. La mission qui m’a été confiée par le Président de la République et le Premier ministre est claire : assurer la sécurité de nos compatriotes partout et pour tous. Cela signifie qu’il ne doit y avoir ni population oubliée, ni territoire négligé, ni forme de délinquance tolérée.
Face aux nouvelles formes de délinquance, nous devons nous donner les moyens d’agir. Pour ce faire, j’ai mobilisé l’ensemble des acteurs de la sécurité en leur fixant des objectifs, mais aussi en étant à leur écoute. Ces objectifs sont simples mais élevés : d’ici à la fin de l’année, ils doivent faire mieux, chacun dans son département, que sur la période correspondante de 2008. Il sera facile de juger du résultat.
Je relève avec amusement que les orateurs qui dénoncent les statistiques dont j’ai fait état en produisent eux-mêmes beaucoup dans leurs interventions ! Celles qui proviennent de l’Observatoire national de la délinquance – et non pas du Gouvernement, je le souligne – seraient sujettes à caution, mais les leurs, c’est du « béton » ! Soyons raisonnables !
En réalité, les agrégats de la délinquance n’ont pas évolué, ce qui serait d’ailleurs sans doute souhaitable. En effet, les opérations assez lourdes que nous avons lancées contre les trafiquants de drogue ont eu pour conséquence de gonfler les statistiques de la délinquance !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Brice Hortefeux, ministre. Quoi qu’il en soit, les agrégats statistiques, pour l’heure, n’ont pas été modifiés, et il me paraît donc difficile, dans ces conditions, de considérer que les données seraient fiables dans un cas mais pas dans un autre : vous pourrez aisément juger si les objectifs fixés par le Gouvernement ont été ou non atteints. Si d’aventure ils étaient atteints – je compte naturellement sur l’honnêteté intellectuelle, dont je ne doute pas une seule seconde, de l’ensemble des intervenants –, cela signifierait que la délinquance a diminué pour la huitième année consécutive. Mais nous n’en sommes pas encore là : donnons-nous rendez-vous au début de l’année prochaine !
Pour mieux lutter contre la délinquance, nous avons aussi perfectionné notre organisation.
Devant la recrudescence préoccupante des cambriolages, en particulier de résidences principales, qui ont connu une hausse de 14 % en juillet dernier et de 13 % au mois d’août – ces statistiques sont peu favorables, je le reconnais bien volontiers –, nous avons mis en place, à partir du début du mois d’octobre dernier, des cellules anti-cambriolages, qui sont aujourd’hui présentes dans chaque département. Ce dispositif commence à donner des résultats.
Par ailleurs, nous avons créé une division nationale de lutte contre le hooliganisme, afin de réprimer les agissements des cinglés qui viennent au stade non pour assister à un match de football, mais pour casser. La situation était devenue totalement inacceptable, aussi avons-nous pris des mesures. Certes, tous les problèmes ne sont pas réglés, mais le match OM-PSG qui s’est déroulé voilà quelques jours à Marseille, par exemple, n’a pas donné lieu à des débordements.
Les premiers résultats sont donc là. La tendance à la hausse de la délinquance que l’on enregistrait depuis le mois de mars, pour des raisons multiples, a été cassée dans un premier temps, en septembre dernier, puis inversée au mois d’octobre, avec une baisse de 5,94 % de la délinquance générale, ainsi qu’une baisse très nette, de 6,56 %, de la délinquance de proximité, et un recul du nombre des cambriolages de résidences principales de 5,13 % par rapport au mois d’octobre 2008.
Oui, nous le revendiquons et l’assumons sereinement, mais avec une grande détermination : nous avons la culture de la performance et du résultat ! Cela me paraît plus satisfaisant que d’avoir celle de l’échec absolu…
Nous voulons non seulement conforter ces bons résultats, mais les amplifier grâce à cinq chantiers prioritaires.
Le premier d’entre eux est de parvenir à une plus grande efficacité opérationnelle. À cet égard, j’ai été particulièrement sensible aux propos de M. Laménie. Le Premier ministre m’a chargé de piloter le plan gouvernemental de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes, qui porte notamment sur le développement de la vidéo-protection, en association, bien sûr, avec les maires. Nos concitoyens sont totalement favorables à cette action, monsieur Gautier : selon une enquête parue en août dernier, 81 % d’entre eux estiment que l’installation de caméras est de nature à améliorer la sécurité.