M. Alain Vasselle. Et les tarifs des vétérinaires !
M. Bruno Le Maire, ministre. …faute de quoi nous aurions couru un grand risque, celui de voir s’effondrer notamment le cours du veau.
Cela permet également un remboursement total, à l’euro près, du coût de la vaccination pour les exploitants et les éleveurs, qui, ainsi, n’auront pas à supporter de charges financières supplémentaires.
Mme Nathalie Goulet et M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ces 98 millions d’euros proviendront, pour 30 millions d’euros, du budget communautaire, pour 60 millions d’euros, de la loi de finances rectificative, les 8 millions d’euros restants étant disponibles sur le budget pour 2009.
En réponse aux remarques de M. le rapporteur spécial et de M. Soulage, je précise qu’il convient d’ajouter à cet effort financier exceptionnel 11 millions d’euros prévus dans le projet de loi de finances pour 2010 au titre des actions de surveillance biologique du virus et de l’insecte, somme qui, naturellement, participe de la volonté de lutter contre ce fléau.
J’ai également décidé d’organiser au mois de janvier prochain les États généraux du sanitaire, afin que, dans les années à venir, les éleveurs soient davantage impliqués dans ces dispositifs de vaccination.
L'ensemble de ces mesures, obéissant à des logiques différentes, seront mises en œuvre et financées selon plusieurs dispositifs appropriés.
Ainsi, 170 millions d’euros seront inscrits en loi de finances rectificative pour 2009, dont 60 millions d’euros pour la FCO, 60 millions d’euros pour la bonification de prêts et 50 millions d’euros pour l’allégement des cotisations sociales. Il s’agit de dépenses qui doivent être immédiatement engagées pour les exploitants agricoles.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Puis, dans le projet de loi de finances pour 2010, 320 millions d’euros seront portés par amendement gouvernemental : 100 millions d’euros pour le dispositif AGRIDIFF, 100 millions d’euros pour les mesures de prises en charge d’intérêts et 120 millions d’euros pour le remboursement de la taxe carbone.
Enfin, 170 millions d’euros seront consacrés à l’allégement des charges pour les travailleurs occasionnels, mesure pérenne, qui sera donc renouvelée année après année et sur laquelle je reviendrai. Puisqu’il s’agit d’un dispositif structurel, il paraît logique de l’inscrire dans la future loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Cela étant, nous prévoirons les mécanismes techniques nécessaires pour permettre son application dès le 1er janvier 2010.
Naturellement, je veille à la bonne application de ce plan. J’entends ce qui remonte du terrain dans certains départements qui connaissent encore des difficultés, s’agissant notamment des contacts avec les réseaux bancaires.
Régulièrement, je fais un point avec Nicolas Forissier, chargé de la médiation avec les banques, qui me tient informé des différentes demandes auxquelles je suis tout à fait ouvert. Je le rencontrerai de nouveau lundi prochain.
Certains exploitants rencontrent des difficultés particulièrement sensibles et demandent des reports en fin de tableau plutôt que des prêts. Nous verrons dans quelle mesure nous pouvons employer une partie des 100 millions d’euros du dispositif AGRIDIFF pour procéder, au cas par cas, à de tels reports en faveur des exploitations qui en auraient le plus besoin.
J’entends également toutes les remarques relatives, dans nombre de départements, aux contraintes environnementales nouvelles, notamment la question des prairies pour les éleveurs.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Bruno Le Maire, ministre. J’autoriserai que l’on traite les prairies permanentes comme des prairies temporaires et que l’on puisse, de la même façon, les retourner tant que la surface en herbe globale de l’exploitation reste la même. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nathalie Goulet et M. Jean Bizet. Très bien !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. C’est le bon sens !
M. Bruno Le Maire, ministre. À partir du moment où cette surface reste identique, je ne vois pas pourquoi nous camperions sur des positions bornées et rigides, d’autant que cela garantit la même efficacité environnementale, tout en allégeant les contraintes qui pèsent sur les exploitants agricoles.
Mme la présidente. Monsieur le ministre, je vous prie de vous acheminer vers votre conclusion ! (Protestations amusées sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. C’est ainsi !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. C’est dommage !
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Il nous faut de vraies réponses !
Mme Nathalie Goulet. Il a encore de bonnes nouvelles à nous annoncer !
M. Alain Vasselle. Nous l’écoutons avec tellement d’intérêt !
M. Bruno Le Maire, ministre. Le peuple ne va pas être content !
Au-delà de ces mesures conjoncturelles, il faut à l’évidence moderniser l’agriculture et la pêche françaises et prendre les dispositions nécessaires pour engager des réformes structurelles. Et c’est bien ce que nous avons prévu de faire dans la future loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
J’ai veillé à ce que tous les parlementaires, toutes tendances politiques confondues, soient associés à la préparation de cette loi. Prenant au mot M. Guillaume, je souhaite que nous travaillions attentivement avec le groupe socialiste pour parvenir à un accord. Ce que nous proposerons dans cette loi dépasse, en effet, de loin les clivages politiques et devrait pouvoir recueillir l’unanimité au Parlement, car il va nous permettre d’avancer dans trois directions.
Il s’agit, en premier lieu, d’encourager la stabilisation du revenu des agriculteurs. De ce point de vue, nous souhaitons instaurer des relations plus régulées entre les professionnels agricoles, les industriels et la grande distribution, sous la forme des contrats dont je parlais tout à l’heure.
À cet égard, la reprise d’Entremont Alliance par le groupe Sodiaal, que j’aurai certainement l’occasion d’évoquer plus longuement lors de l’exercice des questions-réponses-répliques, est une bonne illustration de la nécessité d’établir de meilleures relations entre industriels et producteurs.
En outre, nous interdirons les remises, rabais et ristournes en période de crise. Nous encadrerons par écrit la pratique du prix après vente. Nous imposerons des contrats écrits pour la publicité hors du lieu de vente.
Ce ne sont que quelques dispositions parmi d’autres, qui permettront de réguler les relations entre opérateurs.
Par ailleurs, l’observatoire des prix et des marges sera reconnu et généralisé à l’ensemble des filières et doté de pouvoirs plus contraignants.
Il s’agit, en deuxième lieu, de renforcer notre compétitivité et, là aussi, de donner plus de garanties aux agriculteurs.
Nous prévoirons un dispositif assurantiel qui sera, pour le monde agricole, une véritable révolution et une garantie forte en matière de revenus. (M. Gérard César, rapporteur pour avis, et M. Jean Bizet applaudissent.)
Nous étendrons la dotation pour aléas, DPA, à l’aléa économique. Nous porterons la subvention du budget européen à 65 % pour l’assurance d’ici à 2011.
Enfin, à la suite d’un arbitrage personnel du Président de la République, nous travaillerons à un dispositif d’assurance universelle porté par une garantie de l’État. C’est la première fois, en France, que nous engagerons cette véritable révolution en matière de dispositif assurantiel pour l’agriculture.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. C’est très important !
M. Adrien Gouteyron. Oui !
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Intéressant !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très inquiétant, vous voulez dire !
M. Bruno Le Maire, ministre. Sur le plan, toujours, de la compétitivité, nous encouragerons la fédération des organisations de producteurs et nous accroîtrons la légitimité des interprofessions en renforçant leur rôle. Je me garderai d’entrer dans le détail, car je tiens à respecter les recommandations de Mme la présidente !
Nous allégerons également, toujours dans une perspective de compétitivité, le coût du travail occasionnel. Pour nous rapprocher de nos grands concurrents européens, nous porterons le coût horaire du SMIC de 12,53 euros à 9,26 euros, et ce grâce au dispositif que j’ai évoqué tout à l’heure.
Il s’agit, en troisième lieu, d’engager une véritable préservation des terres agricoles. Nous devons en effet résoudre cette contradiction fondamentale qui veut que la France, première puissance agricole européenne, accepte de perdre tous les dix ans l’équivalent d’un département en surface agricole utile !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Une telle situation n’est pas acceptable, notamment à proximité des grandes villes. On ne peut pas vouloir construire des circuits courts, pour limiter l’impact de l’agriculture sur l’environnement et, dans le même temps, repousser sans cesse les terres agricoles loin des zones urbanisées.
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je le dis à M. le rapporteur spécial et M. Le Cam, toutes ces mesures structurelles n’ont de sens que dans le cadre d’une meilleure régulation européenne et mondiale des marchés agricoles, qu’il nous faut défendre pied à pied, avec toute la force nécessaire.
À cet égard, nous avons obtenu certains succès dans le domaine du lait. Je réunirai jeudi prochain, à l’Assemblée nationale, le G22 agricole, afin de réfléchir à la modernisation des outils d’intervention de la politique agricole commune…
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. …et de défendre l’idée d’une régulation européenne des marchés agricoles encore plus forte.
C’est à cette condition que nous pourrons maintenir une agriculture performante en France, comme dans les autres pays européens.
M. Jean-Pierre Raffarin. Nous plaçons beaucoup d’espoir dans cette réunion !
M. Bruno Le Maire, ministre. Il en ira de même pour le secteur de la pêche, évoqué tout à la fois par MM. Revet et Merceron, ainsi que par Mme Herviaux.
Le Premier ministre s’est rendu hier à Brest en vue de clore les Assises de la mer. J’y étais moi-même mardi, pour présenter les objectifs français en matière de réforme de la politique commune de la pêche. Les travaux conduits durant deux mois ont permis d’aboutir à une position commune forte en la matière. La France sera le premier État européen à déposer sur le bureau de la Commission européenne des propositions de réforme émanant non pas du ministère de l’agriculture, mais de l’ensemble des ONG, associations et professionnels de la mer.
Cette régulation doit être conduite à l’échelle mondiale. Personne ne peut l’ignorer, durant cette année, les prix agricoles ont varié de 30 % à 50 % sur certains produits, rendant vaine la production agricole pour des centaines de milliers de paysans à travers le monde. En 2008, 10 millions d’hectares de terres ont été vendus par des pays en voie de développement à des pays plus développés, comme la Chine, le Brésil, l’Arabie saoudite ou la Corée. En 2009, 30 millions d’hectares supplémentaires ont connu le même sort. Il n’y aura pas d’indépendance alimentaire si nous n’encadrons pas la vente des terres agricoles dans le monde. (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, la régulation mondiale des marchés agricoles est d’une impérieuse nécessité. À l’occasion du sommet de la FAO, la France et le Brésil ont pris une initiative commune pour engager la réflexion à cet égard. Dans le cadre de l’OMC, j’ai proposé à un certain nombre de nos partenaires, notamment au Canada ainsi qu’à plusieurs pays africains et européens, de s’engager dans cette voie. Cette démarche n’en est qu’à ses débuts, mais je ne doute pas que les idées défendues par la France trouveront un écho de plus en plus large ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à mes questions !
questions-réponses-répliques
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder à un échange de questions, de réponses et de répliques, exercice strictement limité dans le temps.
Je tiens en effet à rappeler que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente. Pour lui répondre, M. le ministre dispose également de deux minutes trente. L’auteur de la question dispose enfin, s’il le souhaite, d’une minute pour la réplique.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, vous venez de prendre, avec le Président de la République, des mesures conjoncturelles destinées essentiellement à satisfaire les besoins de trésorerie de la profession agricole.
Cette réponse de court terme ne peut suffire, compte tenu du caractère structurel de la crise, lié à une absence de régulation des marchés dont vous venez de faire état dans votre propos.
La situation des éleveurs, des viticulteurs, des producteurs de lait et de fruits et légumes a plus particulièrement retenu votre attention. Mais quelles mesures entendez-vous prendre en faveur des productions céréalières, oléagineuses et protéagineuses ? En effet, il est trop facile de dire que les producteurs céréaliers sont les nantis de l’agriculture française ! (M. Didier Guillaume ironise.)
Pour s’en convaincre, je citerai un exemple concret qui m’a été donné par le centre de comptabilité agricole de mon département. Une exploitation agricole de polyculture et d’élevage de 300 hectares verra, à la clôture de son exercice au 31 mars 2010, son revenu brut d’exploitation diminuer de 50 % par rapport à l’exercice précédent. À cela s’ajoutera l’effet du bilan de santé de la PAC mis en œuvre par M. Barnier, lequel, en œuvrant à contre-courant, a procédé à certains redéploiements de crédits vers les éleveurs de montagne, et ce au détriment des producteurs céréaliers.
Par ailleurs, comment compenserez-vous les surcoûts de production liés aux nouvelles contraintes environnementales ? Comment réussirez-vous à maintenir le pouvoir d’achat de ces producteurs tout en les incitant à diminuer leur productivité ? Comment rétablirez-vous la préférence communautaire, conforme, selon M. Sarkozy, à la volonté de la France ? Sur toutes ces questions, les producteurs attendent des réponses concrètes !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Auguste Cazalet. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Vasselle, je n’ignore pas les difficultés de la filière céréalière. En décidant de redistribuer les aides de la PAC, mon prédécesseur, Michel Barnier, a pris, à mon sens, une décision juste et courageuse, à un moment où le cours des céréales était particulièrement élevé. Dès lors que les prix s’effondrent, le partage opéré devient évidemment beaucoup moins acceptable pour le monde céréalier.
Nous devons avancer dans trois directions.
Tout d’abord, il faut lutter contre les conséquences négatives de la parité euro-dollar. S’il s’agit certainement d’un problème majeur, c’est malheureusement aussi celui sur laquelle l’effet de levier est le moins important, dans la mesure où les céréaliers exportent très largement leur production. Les prix observés actuellement en la matière ont des conséquences dramatiques pour eux puisqu’ils se situent aux alentours de 170 dollars la tonne, soit 120 euros.
Ensuite, il est essentiel de maintenir des instruments de régulation dans le domaine céréalier. Toute action visant à les supprimer me paraît aller dans le mauvais sens. C’est d’ailleurs pour cela que je me bats pour instaurer une telle régulation dans d’autres secteurs, au premier rang desquels celui du lait. Vous pouvez donc compter sur ma détermination pour obtenir cette avancée véritablement indispensable.
La réunion du G22 à Paris la semaine prochaine a précisément pour but d’élargir à l’ensemble des marchés agricoles européens la régulation envisagée sur le marché du lait.
Enfin, il convient de promouvoir un dispositif assurantiel. Aujourd’hui, les céréaliers sont les producteurs agricoles les plus assurés, bien que leur taux de couverture soit encore insuffisant. En ce domaine, nous le savons, ils ne pourront pas s’assurer davantage tant que de nouveaux instruments ne seront pas apparus. Or cela ne sera possible qu’à condition de mettre en place un dispositif de réassurance publique.
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Voilà !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je veux souligner à quel point l’arbitrage rendu par le Président de la République, dans le cadre de la LMA, constitue un progrès majeur. En effet, après plusieurs semaines de réflexion, nous avons décidé de réfléchir à la mise en place d’un tel dispositif, qui permettra d’élargir les instruments d’assurance. Nous pourrons ainsi passer d’un taux d’assurance de 30 % dans la filière céréalière et même nul dans de nombreuses autres filières, notamment l’élevage, à des taux qui seront, je l’espère, beaucoup plus proches de 60, 70 voire 80 %.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour la réplique.
M. Alain Vasselle. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de votre réponse très claire. Vous avez indiqué les orientations qui seront prises par le Gouvernement pour répondre aux attentes de l’ensemble des producteurs, y compris céréaliers. Nous attendons avec impatience la concrétisation de ces mesures, afin que la profession agricole puisse connaître en 2010 une situation meilleure que celle à laquelle elle a été confrontée en 2009.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel.
M. Yannick Botrel. Monsieur le ministre, vous avez fait état d’un redressement relatif des cours du prix du lait payé aux producteurs. Du point de vue de ces derniers, le compte n’y est pas, loin s’en faut ! Ils ne partagent sûrement pas votre sentiment en la matière, de nombreuses exploitations dégageant toujours des résultats négatifs.
Vous avez regretté ne pas avoir pu fournir de plus amples informations sur le dossier Entremont-Sodiaal. J’avais prévu de vous interroger sur un autre sujet, mais je préfère revenir à cette question, qui est aujourd’hui au cœur de l’actualité.
Vous ne l’ignorez pas, la tension est extrêmement vive chez les producteurs laitiers concernés : ils ont le sentiment de ne pas être informés et de se voir imposer des décisions prises sans eux. Alors qu’ils sont les premiers concernés, ils se sentent écartés de toute discussion. Voilà, résumée en quelques mots, l’ambiance actuelle.
Par le nombre de producteurs concernés, ainsi que par le poids économique de l’entreprise dans le territoire des Côtes-d’Armor, et plus largement en Bretagne, la mesure qui sera finalement retenue, quelle qu’elle soit, affectera nécessairement l’économie régionale. L’inquiétude des agriculteurs est donc partagée par l’ensemble des responsables départementaux et régionaux.
Monsieur le ministre, puisque vous y avez fait allusion tout à l’heure, nous attendons avec intérêt que vous puissiez nous faire un point sur la situation actuelle, au regard, notamment, du rapprochement envisagé d’Entremont avec Sodiaal.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Botrel, je ferai deux remarques.
La première porte sur le prix du lait. Je n’ai jamais dit, soyons très clairs, que le prix payé aujourd’hui aux producteurs était satisfaisant.
Chacun doit prendre ses responsabilités. Il revient au ministre de l’agriculture de plaider auprès de la Commission européenne pour une intervention sur les marchés en vue de faire remonter les prix. C’est ce que j’ai fait. La Commission est intervenue – et Dieu sait que ce fut difficile à obtenir ! –, les prix ont commencé à remonter, mais doucement. Pour le moment, ils sont toujours insuffisants. Il reste maintenant à fixer le prix du lait, pour que cette hausse se répercute sur les producteurs. Je le répète, il serait juste et équitable que ces derniers en tirent bénéfice : cela suppose que les prix fixés pour 2010 soient supérieurs aux prix observés en 2009.
Toutefois, une telle décision ne relève pas de la responsabilité de l’État. Il appartient aux organisations syndicales de producteurs et aux industriels d’en discuter pour trouver les solutions les plus favorables possible.
Ma seconde remarque concerne le dossier Entremont-Sodiaal, que j’ai également étudié de près, en veillant aux intérêts des 6 000 producteurs de lait, comme à ceux des 4 600 salariés du groupe en Bretagne. Il était en effet hors de question de prendre des décisions susceptibles d’entraîner des difficultés sociales majeures.
Lorsque, en juillet, je me suis rendu en Bretagne pour rencontrer les producteurs, j’ai pris l’engagement de leur proposer une solution industrielle au début du mois de septembre. J’ai donc travaillé sur cette question pendant tout le mois d’août.
La seule proposition crédible que j’ai reçue, faut-il le rappeler, fut celle de Sodiaal. Le groupe Entremont risquait la mise en liquidation judiciaire, qui aurait entraîné une casse sociale inacceptable.
Après de nombreuses discussions, un accord d’exclusivité a été signé au début du mois d’octobre, puis renouvelé au début du mois de novembre. À la fin de ce mois, le groupe Lactalis a finalement fait état de son intérêt pour ces discussions, se déclarant prêt, pour la première fois – je le dis très clairement – à déposer une offre. Jusqu’alors, entendons-nous bien, la seule proposition formelle et constructive adressée aux pouvoirs publics émanait de Sodiaal.
Lactalis veut maintenant faire une offre. Très bien ! Nous attendons donc la proposition de ce groupe – elle reste toutefois hypothétique à ce stade –, et les parties intéressées pourront ensuite choisir, entre l’offre de Sodiaal et l’offre de Lactalis, celle qui leur semble la plus satisfaisante.
Je tiens à souligner que ce processus se déroule dans la plus totale transparence avec les producteurs, qui, selon les régions, se sont exprimés à 60 %, 70 % ou 80 % en faveur du projet de Sodiaal.
En tout état de cause, nous devons avoir d’ici à la fin de l’année 2009 une perspective industrielle claire et définitive pour la reprise du groupe Entremont. Nous la devons aux producteurs comme aux salariés du groupe.
Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, pour la réplique.
M. Yannick Botrel. Je souhaiterais apporter deux précisions, monsieur le ministre.
Tout d’abord, vous avez implicitement confirmé que l’augmentation actuelle du prix du lait ne bénéficiait pas directement aux producteurs, ce qui nous ramène à la question que je souhaitais initialement vous poser sur la contractualisation. Il reste du chemin à faire pour que des relations équitables s’instaurent entre producteurs et transformateurs.
Bien évidemment, les pouvoirs publics et le Gouvernement ne peuvent pas se dédouaner de leur responsabilité, qui est grande en la matière.
Ensuite, sur le dossier Entremont-Sodiaal, dans lequel Lactalis entre maintenant en scène, vous faites état d’un certain nombre d’informations dont je prends acte. En revanche, je ne me retrouve pas complètement dans vos propos sur le sentiment qu’éprouveraient les personnes concernées par ce dossier. En effet, les agriculteurs et les producteurs laitiers ont l’impression de ne pas être associés ou, tout du moins, d’être insuffisamment informés sur la teneur des discussions et des négociations en cours.
Par conséquent, je ne sais pas quelle peut être véritablement la signification des votes qui ont eu lieu. Il y aurait sûrement beaucoup à dire à leur propos, mais, en tout cas, ils sont loin de rassurer les agriculteurs concernés.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. L’année 2009 restera une année noire pour l’agriculture française.
Le secteur des fruits et légumes est toujours en crise aujourd’hui, ce malgré le plan exceptionnel de soutien à l’agriculture présenté le 27 octobre dernier par le Président de la République, et en dépit de votre engagement et de votre détermination en faveur de l’agriculture et des agriculteurs, monsieur le ministre.
Ce secteur des fruits et légumes – production, commercialisation, transformation –, qui est l’un des piliers du développement de nos territoires, aura beaucoup de mal à retrouver sa place, son dynamisme et son rôle d’entraînement.
Les actions conjoncturelles, bien qu’importantes, ne suffiront pas. Il faut agir sur les structures et, en particulier, réorganiser la filière.
Vous avez déclaré, lors de votre intervention devant la commission de l’économie, vouloir aller au bout de la réforme programmée, qui passe par la mise en place d’AOP nationales par produit et la création d’un organisme fédérateur, dénommé Gouvernance économique des fruits et légumes, ou GEFEL, qui a vocation à représenter cette profession.
Quelle est la situation aujourd’hui ?
En matière d’AOP par produit, sept sont constituées, sur quinze programmées.
Sur le plan territorial, la représentativité des comités économiques n’ayant pas été renouvelée, les territoires ne sont pas représentés en tant que tels. Les « petites » productions locales restent donc dans la région en ordre dispersé. Les discussions avec les collectivités régionales ou locales sont plus difficiles. Surtout, les financements professionnels disparaissent et, avec eux, les possibilités d’action, en matière tant de centres de recherche que de promotion de produits.
Monsieur le ministre, j’apprécie beaucoup le fait que vous vous investissiez dans le secteur. Il y a urgence, en effet, et la création d’AOP, comme le regroupement, me semblent d’excellentes initiatives.
Je pense que ce nouvel organisme doit fédérer toute la production. Aujourd’hui, ceux qui sont structurés dans le nouveau cadre ne représentent que le quart de la production regroupée dans la précédente organisation. Il faut absolument, me semble-t-il, reconnaître les organisations territoriales. Votre prédécesseur a commencé en décembre 2008, en reconnaissant en tant qu’organisation de producteurs l’organisation économique de la Bretagne et de la Corse ; vous avez poursuivi, par arrêté du 10 novembre 2009, en leur donnant la possibilité de se doter de moyens financiers importants grâce à la mesure dite « d’extension des règles ». C’est une excellente décision, qu’il faut absolument étendre à tout le territoire.
Aujourd’hui, finalement, seuls les Bretons et les Corses pourront payer et poursuivre leurs efforts en matière de centres de recherche et de promotion de produits. C’est une bonne chose, mais le reste du territoire est aussi concerné.
La question est grave, car, avec la crise, la famille professionnelle se déchire. Cela complique votre mission déjà délicate, monsieur le ministre. Mais nous savons que vous êtes déterminé, et nous avons confiance en vous.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Je partage entièrement votre analyse, monsieur Soulage ; vous l’aviez déjà développée dans votre intervention à la tribune.
La filière des fruits et légumes en France a connu une année 2009 extraordinairement difficile. Elle a un problème conjoncturel, mais aussi, comme certains d’entre vous l’ont souligné, un véritable problème structurel de compétitivité. Il faut lui redonner de l’air ; nous l’avons fait avec le plan d’urgence. Il faut également répondre aux questions structurelles de compétitivité. Une nouvelle fois, je rejoins entièrement les propos que vous avez tenus, monsieur le sénateur.
Si nous voulons gagner en compétitivité, il faut, au moins, que nous avancions dans deux directions complémentaires.
Il convient, tout d’abord, de mieux structurer l’offre, via la constitution d’associations d’organisations de producteurs à l’échelle nationale. Sur ce plan, je me félicite des actions engagées par la filière elle-même. Nous irons au bout de la réforme qui a été proposée par les professionnels pour renforcer les associations nationales de producteurs. C’est en effet le bon échelon pour agir et la meilleure façon de défendre les productions de manière efficace.
Plusieurs rapports d’audit ont été rendus sur la filière en France. La Bretagne constitue un très bon exemple : on s’aperçoit en effet que, même sur des produits de base, avec une bonne organisation, la filière bretonne s’en sort très bien sur un certain nombre de produits.
Nous devons ensuite réussir à réduire l’écart de compétitivité entre la France et les pays européens en matière de coût du travail. Pour les fruits et légumes, ce dernier représente entre 40 % et 70 % du coût final du produit. Bien entendu, s’il existe un écart de coût trop important par rapport à nos voisins européens, on ne s’en sort pas.
Nous allons apporter une première réponse dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, par une réduction du coût du travail occasionnel pour l’ensemble des filières agricoles. On va passer de plus de 11 euros à un peu plus de 9 euros de l’heure pour le travail occasionnel, et se rapprocher ainsi de nos voisins européens, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, qui sont aux alentours de 6 ou 7 euros de l’heure.
Se pose ensuite la question du coût du travail pour le travail permanent. J’ai indiqué que j’étais ouvert à toutes les propositions permettant d’améliorer la compétitivité de la filière en matière de coût du travail permanent sous réserve, j’y insiste, de rester dans le cadre du droit du travail français et de respecter les règles européennes.