M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains, pour la réplique.

Mlle Sophie Joissains. Monsieur le ministre, me voila rassurée et surtout pleine d’espoir : le talent pédagogique des futurs professeurs rejoindra leurs capacités scientifiques. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le ministre, comme l’ont fait observer de nombreux collègues de gauche, ce budget comporte de nombreuses insuffisances mais aussi, malheureusement, beaucoup d’incohérences.

J’en veux pour preuve les crédits alloués à l’accompagnement des élèves handicapés.

Aujourd’hui, près de 160 000 d’entre eux sont scolarisés et, comme vous l’avez vous-même précisé, ils seront plus de 185 000 à la rentrée prochaine. On ne peut, bien sûr, que se féliciter d’une telle intégration.

Force est de constater cependant que les ressources mobilisées pour permettre cette intégration manquent cruellement : actuellement, à peine plus d’un quart de ces élèves sont accompagnés par un auxiliaire de vie scolaire individuel.

Ce taux d’encadrement est très faible ; il est d’autant plus anormal que, en 2003, un plan d’adaptation et d’intégration scolaire des élèves handicapés prévoyait la création de 6 000 postes d’auxiliaires de vie scolaire, ou AVS. Or, à ce jour, seulement 2 000 postes d’AVS collectifs, ou AVS-co, ont été créés. Ce manque est d’autant plus considérable qu’il n’est pas compensé par les AVS individuels, ou AVS-i.

Cette situation ne devrait pas s’améliorer, puisque le « bleu » pour 2010 ne précise pas le nombre de postes d’AVS collectifs qui seront créés. De plus, aucun chiffrage fiable relatif aux postes d’AVS individuels déjà créés ou devant être créés en 2010 n’est disponible.

C’est pourquoi le budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, est incohérent : vous ne pouvez pas, d’un côté, prôner l’accueil d’un plus grand nombre d’enfants handicapés et, de l’autre, ne pas débloquer les crédits nécessaires au recrutement d’AVS en nombre suffisant.

Cette situation rend difficile, voire impossible l’intégration par un enseignant d’un élève handicapé dans sa classe parallèlement à une bonne gestion de ses autres élèves, faute de l’aide nécessaire.

De la même manière, il n’est pas acceptable que les AVS ou les emplois de vie scolaire, qui, eux aussi, participent à ces missions d’accompagnement, ne bénéficient pas d’un réel statut et de la reconnaissance sociale qui l’accompagne. Cette précarité les pénalise d’ailleurs doublement, puisqu’ils ne bénéficient pas du dispositif de validation des acquis.

Ce manque de personnel pénalise aussi et surtout les élèves handicapés et remet en cause leur intégration scolaire.

Dans ce domaine, l’État doit se donner les moyens de ses ambitions et débloquer les crédits correspondants aux engagements pris. Tel n’est manifestement pas le cas dans le budget qui nous est proposé aujourd'hui.

Les membres du groupe socialiste souhaitent donc connaître les mesures que vous comptez prendre pour respecter vos engagements, monsieur le ministre. Dans la réponse que vous venez d’apporter à Mme Mélot, les chiffres que vous avez cités ne sont pas les mêmes que ceux qui sont en ma possession. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, je vous le répète, 185 000 élèves handicapés sont bien scolarisés cette année, et non 160 000. Cette évolution est significative : leur nombre est deux fois plus important qu’il y a dix ans et enregistre une hausse de 40 % par rapport à 2005, au moment du vote de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Monsieur Bérit-Débat, vous considérez que les ressources manquent. J’ai eu l’occasion de rappeler les moyens supplémentaires déployés par le Gouvernement, ainsi que la création d’unités pédagogiques d’intégration supplémentaires. À la rentrée 2009, 200 unités pédagogiques d’intégration ont été ouvertes et le Gouvernement espère disposer au total de 2 000 de ces unités à la rentrée 2010, soit la création de 200 unités supplémentaires.

Je rappelle, comme je l’ai indiqué à Mme Mélot, qu’une centaine de CLIS ont été créées dans le premier degré à la rentrée.

Non seulement nous avons voulu pérenniser les 17 000 postes d’AVS-i dont certains arrivaient à renouvellement, mais encore nous avons décidé, dans le cadre des mesures d’accompagnement du plan de relance, de créer 5 000 postes supplémentaires, ce qui porte le nombre de ces personnels à 22 000.

De tels moyens n’ont jamais été déployés jusqu’à présent dans le domaine de l’accompagnement du handicap !

Enfin, pour assurer la continuité de l’accompagnement des enfants handicapés par leur auxiliaire de vie scolaire, nous avons rendu possible leur portage en recourant à des associations d’enfants handicapés, avec un financement de l’État. Ce fut l’objet de l’amendement que vous avez adopté cet été, mesdames, messieurs les sénateurs, et des conventions que j’ai signées avec quatre associations.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour la réplique.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le ministre, les moyens d’accompagnement des élèves handicapés ont connu une baisse, significative, de 3 % en 2007 et de 14 % en 2008

Les chiffres que vous venez d’annoncer – j’en prends note –permettent, certes, de rattraper le retard accumulé au cours de ces années, mais partiellement seulement. Je veillerai à ce que ces chiffres se traduisent dans la réalité, ne serait-ce que dans les écoles de mon département et de ma ville.

M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre.

M. Jackie Pierre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’enseignement agricole.

Lors de l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », les sénateurs de la commission des finances et de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication se sont montrés critiques vis-à-vis du traitement réservé à l’enseignement technique agricole. Le Gouvernement doit y entendre un signal fort de l’attachement des sénateurs à cette filière d’excellence, excellence dont témoignent ces quelques chiffres : près de 338 000 élèves, étudiants, apprentis et stagiaires, répartis dans 1 385 établissements dans toute la France ; un taux d’insertion dans la vie professionnelle supérieur à 85 %.

Monsieur le ministre, je ne méconnais pas l’engagement du ministre de l’agriculture en faveur de la valorisation de la filière de l’enseignement agricole. Il s’est en effet exprimé sur ce sujet dès sa prise de fonction et à plusieurs reprises depuis. Il a fait de l’enseignement agricole son cheval de bataille, notamment en lançant, dès septembre dernier, les Assises nationales de l’enseignement agricole public.

Ces assises ont pour objet de réaffirmer les principes fondamentaux qui ont fait et qui font la force de l’enseignement agricole, d’élaborer dans la concertation une stratégie pour l’enseignement agricole public et de mieux faire connaître et reconnaître l’enseignement agricole.

Malgré cela, il est certain que ce projet de budget suscite de fortes craintes parmi les personnels de l’enseignement agricole.

Nous avons bien conscience des difficultés que rencontre le ministère de l’agriculture. Alors que le ministère de l’éducation nationale supporte l’ensemble des suppressions d’emplois dues à la mise en place de la mastérisation, l’enseignement agricole, quant à lui, ne peut supporter que 30 suppressions d’emplois sur les 224 suppressions de postes prévues dans le projet de loi de finances pour 2010.

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour que cette filière ne devienne pas le parent pauvre de l’enseignement et qu’elle reste avant tout une filière d’excellence ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, le budget de l’enseignement agricole représente 2,1 % de la mission « Enseignement scolaire ». En tant qu’élu d’un département rural, je connais, comme vous tous, la tradition de l’enseignement agricole ; je connais, comme vous tous, la spécificité de cet enseignement, qui constitue une offre de formation complémentaire à destination des populations rurales.

Nous sommes, Bruno Le Maire et moi-même, en quelque sorte les héritiers d’un système qui est loin d’avoir fait ses preuves, Mme Férat en a témoigné tout à l’heure.

M. Longuet défendra dans quelques instants un amendement résultant des discussions qui ont eu lieu entre nos deux ministères ces dernières semaines et qui vise à répondre aux inquiétudes et aux interrogations que suscite chez certains d’entre vous ce projet de budget.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, mon devoir est de vous indiquer que cette situation ne pourra pas perdurer et qu’il nous faudra bien trouver une solution. Pour simplifier à l’extrême, il me semble assez logique, pour un bon contrôle de l’engagement des fonds publics et de la répartition des moyens, que, à un moment, le décideur, le gestionnaire et le payeur soient la même entité. Cela serait une sage décision.

Plusieurs réunions interministérielles ont été organisées sur le sujet. Bruno Le Maire et moi-même sommes très désireux de trouver, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2011, une solution qui nous permette d’éviter les gesticulations auxquelles nous avons dû procéder cette année, notamment dans le cadre de l’arbitrage que nous évoquerons tout à l’heure avec l’amendement de M. Longuet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, pour la réplique.

M. Jackie Pierre. Je vous remercie, monsieur le ministre. J’espère que ces filières trouveront leur compte dans vos propos. Il s’agit là d’un sujet important, qui pose de nombreux problèmes, particulièrement dans les départements comme le vôtre et le mien. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord sur les travées de cet hémicycle sur le fait que l’enseignement agricole est aujourd’hui dans une situation d’une extrême gravité. Les acteurs sont très inquiets. Le programme « Enseignement technique agricole » est, on peut le dire, le parent pauvre de l’enseignement scolaire, et ce de façon récurrente depuis cinq ans. Et la donne ne change pas cette année !

La réduction drastique de l’emploi public va à l’encontre d’une réflexion sereine sur le rôle et la place de l’enseignement agricole dans le système éducatif français.

Ces crédits font une nouvelle fois l’objet d’une partie de ping-pong entre le ministère de l’éducation nationale et le ministère de l’agriculture, tant et si bien que personne n’en est responsable !

Avec l’organisation des Assises nationales de l’enseignement agricole public, on pouvait espérer que la situation allait évoluer de manière positive. Mais non ! Le budget de l’enseignement agricole est toujours en baisse et le lot de suppressions d’emplois prévu augure mal du « nouvel élan » que ces assises étaient censées donner. Quelle déception pour la commission, qui a unanimement demandé, lors de votre audition, monsieur le ministre, de véritables moyens en faveur de cet enseignement, dont l’excellence est reconnue.

L’enseignement agricole apporte aux futurs acteurs du monde rural un savoir-faire à la fois technique et humain, nécessaire à l’insertion professionnelle des jeunes. Plus que tout autre, il intègre les notions de changement climatique, de perte de la biodiversité et de dégradation des ressources. Il prend également en compte les problèmes liés au déséquilibre Nord-Sud.

Cet enseignement, c’est le choix d’une école pour la réussite de tous, ouverte, pratiquant la mixité sociale, plaçant l’élève et ses apprentissages au cœur de ses missions et de son organisation.

L’enseignement agricole, M. le ministre de l’agriculture le rappelait, c’est un taux d’insertion professionnelle exceptionnel.

Dans le discours qu’il a tenu à Poligny, le Président de la République a vanté les mérites de l’agriculture. Il nous a alors expliqué qu’il fallait plus de formation, plus d’apprentissage en considération du développement durable, que c’était l’avenir. Il vantait une formation d’excellence pour une vraie réconciliation du monde agricole avec la société, sur fond d’agenda 21 et de Grenelle de l’environnement. Tout le monde est d’accord et, pourtant, le budget diminue. Des postes sont une nouvelle fois supprimés.

Jugez plutôt : 244 emplois ont été supprimés en 2009, 106 en 2008, 210 en 2006, 94 en 2005 et 126 en 2004. En outre, 200 classes ont été fermées, alors que les effectifs sont en progression constante. Les établissements techniques agricoles, qui scolarisent cette année plus de 170 000 élèves dans 820 établissements, ont dû refuser des inscriptions.

Les effectifs doivent s’adapter aux petits moyens que vous affectez à ces établissements.

Monsieur le ministre, après les Assises nationales de l’enseignement agricole public, après le Grenelle de l’environnement, après les beaux discours du Président de la République sur la valorisation de l’agriculture et à l’heure des Assises des territoires ruraux, nous attendions pour le moins une stabilité des effectifs d’enseignement et d’encadrement. Or, avec votre logique de démolition de l’enseignement public, nous n’avons droit, pour toute réponse, qu’à des coupes budgétaires et à des suppressions de postes.

N’est-il pas encore temps, monsieur le ministre, de vous ressaisir et de décider immédiatement d’un moratoire sur les suppressions de postes afin de mettre vos actes en cohérence avec vos paroles ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, j’ai rappelé à l’instant à M. Pierre les enjeux du maintien de l’enseignement agricole en milieu rural, ainsi que la complémentarité de ce type d’enseignement avec l’enseignement général, technologique ou professionnel.

Ce rappel étant fait, je ne me laisserai pas entraîner sur votre terrain. Vous avez parlé de moratoire. Or l’enseignement agricole ne peut s’exonérer des contraintes existantes, notamment en matière budgétaire. Les règles sont claires : les efforts doivent être partagés entre les différentes fonctions publiques et, au sein de l’enseignement, entre les différentes formes d’enseignement.

Vous avez évoqué la partie de ping-pong qui se joue entre le ministère de l’éducation nationale et le ministère de l’agriculture. Il y sera mis un terme cette année grâce à un accord qui sera matérialisé par l’amendement que Gérard Longuet présentera dans un instant. Cet accord ne sera que provisoire, notre souhait, à Bruno Le Maire et moi – le Premier ministre en est d’accord – étant de vous présenter l’année prochaine un projet de loi de finances réglant définitivement la situation de l’enseignement agricole, car ce types d’échanges entre nos deux ministères ne peut perdurer d’année en année.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour la réplique.

M. Jean-Luc Fichet. On nous a tenu quasiment les mêmes propos l’année dernière. Seuls les ministres – il s’agissait alors de M. Xavier Darcos et de M. Michel Barnier – étaient différents ! Dès qu’il s’agit d’enseignement agricole, on parle certes de filière d’excellence, mais force est de constater que rien n’est fait pour en assurer l’avenir.

Les moyens continuent d’être réduits, des postes sont supprimés. Il arrivera un moment où il ne sera plus possible de tenir. Croyez-moi, je me fais ici le porte-parole des nombreux enseignants et de directeurs d’établissements que j’ai rencontrés aux cours de ces derniers mois et qui sont véritablement en souffrance. Les familles sont également en attente.

La seule chose que nous voyons, c’est la dégradation de l’enseignement agricole aujourd'hui. Les acteurs de cet enseignement attendent très rapidement des signes concrets leur permettant d’espérer un meilleur avenir.

Questions-réponses-répliques
Dossier législatif : projet de loi de finances  pour 2010
Article 54 ter (Nouveau) (début)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions-réponses-répliques.

Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations

dengagement

Crédits de paiement

Enseignement scolaire

60 875 726 724

60 828 376 636

Enseignement scolaire public du premier degré

17 610 276 262

17 610 358 962

Dont titre 2

17 557 933 756

17 557 933 756

Enseignement scolaire public du second degré

29 043 581 480

29 043 827 647

Dont titre 2

28 888 162 571

28 888 162 571

Vie de l'élève

3 753 614 012

3 756 853 233

Dont titre 2

1 709 608 984

1 709 608 984

Enseignement privé du premier et du second degrés

7 040 570 863

7 041 764 532

Dont titre 2

6 286 946 362

6 286 946 362

Soutien de la politique de l'éducation nationale

2 143 768 143

2 106 156 298

Dont titre 2

1 327 214 814

1 327 214 814

Enseignement technique agricole

1 283 915 964

1 269 415 964

Dont titre 2

812 851 905

812 851 905

M. le président. L'amendement n° II-91 rectifié, présenté par MM. Carle, Humbert et Beaumont, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degré

Dont titre 2

Enseignement scolaire public du second degré

Dont titre 2

Vie de l'élève

Dont titre 2

5 500 000

5 200 000

Enseignement privé du premier et du second degrés

Dont titre 2

2 400 000

2 000 000

Soutien de la politique de l'éducation nationale

Dont titre 2

7 900 000

7 200 000

Enseignement technique agricole

Dont titre 2

TOTAL

7 900 000

7 900 000

7 200 000

7 200 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je ferai trois observations, mes chers collègues, sur l’amendement que je vous propose.

Premièrement, cet amendement ne modifie en rien l’équilibre du budget de la mission « Enseignement scolaire », car il n’ajoute ni ne supprime aucun crédit.

Deuxièmement, cet amendement ne remet pas en cause le souhait du Gouvernement de financer le plan de soutien à l’agriculture en faisant appel à la solidarité de toutes les lignes du budget de la nation. Je partage cette volonté et je la soutiens. À cet égard, je salue l’action du ministre de l’agriculture dans ce domaine.

Troisièmement, comme vous le savez, M. Éric Woerth, ministre du budget, a prélevé 21,5 millions d’euros sur la mission « Enseignement scolaire », dont 11,5 millions sur le programme « Vie de l’élève ». Or les crédits de ce programme servent à financer des actions destinées aux élèves handicapés, des mesures d’accompagnement éducatif, la santé scolaire ou des actions sociales, en particulier les bourses.

Tous ces domaines, mes chers collègues, me semblent importants et prioritaires. En outre, ils concernent tant l’enseignement public que l’enseignement privé.

À mon sens, la réduction de ces crédits risque de fragiliser, voire de remettre en cause ces actions prioritaires, ce qui n’est pas souhaitable en cette période de crise économique. En outre, monsieur le ministre, réduire ces crédits, c’est adresser un message négatif à la communauté éducative.

Je vous propose donc, mes chers collègues, non pas, je l’ai dit, de remettre en cause la décision du Gouvernement de faire appel à la solidarité de toutes les lignes du budget de la nation à l’égard du monde agricole, mais de le faire sur une autre ligne de la mission, à savoir le programme « Soutien de la politique de l’éducation nationale ». Ce programme est doté de 2 milliards d’euros, dont une partie est destinée à l’administration centrale.

Cette modification permettrait à ce grand corps qu’est l’administration centrale d’adresser un signe de solidarité à un secteur de notre économie qui est parmi les plus méritants et les plus exposés.

Tel est l’objet de mon amendement, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas à proprement parler examiné cet amendement. Je m’exprimerai donc non pas en son nom.

L’amendement de M. Carle pose problème, même si on en comprend bien la motivation, qui est tout à fait légitime. S’il était adopté, cet amendement ferait en effet peser l’effort voulu par M. Woerth d’une façon différente de celle qu’il a envisagée lorsque cette disposition a été adoptée à l’Assemblée nationale. M. Woerth souhaite en effet répartir les efforts suivant une clé de répartition traditionnelle entre l’enseignement public, à hauteur de 80 %, et l’enseignement privé, à hauteur de 20 %.

Si nous suivions M. Carle, certes, nous augmenterions la contribution du programme « Soutien de la politique de l’éducation nationale », donc de l’administration centrale, mais nous augmenterions d’une façon significative la contribution de l’enseignement public au programme « Vie de l’élève », alors que nous diminuerions d’une façon non moins significative la contribution de l’enseignement privé. Cela serait contraire au statu quo, principe que notre commission a systématiquement défendu jusqu’à présent pour éviter de rouvrir le lancinant débat sur la répartition des efforts.

Par conséquent, mon cher collègue, même si je comprends votre préoccupation, je pense ne pas trahir la jurisprudence constante de la commission des finances, qui est de faire contribuer l’enseignement privé et l’enseignement public à un même effort financier, en vous demandant de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, ministre. Je ne puis qu’être sensible à la volonté du sénateur Jean-Claude Carle de renforcer les crédits du programme 230 « Vie de l’élève ».

Toutefois, je voudrais indiquer à la Haute Assemblée que le programme 214 « Soutien de la politique de l’éducation nationale » est sous une forte contrainte depuis plusieurs années. À périmètre constant, les crédits hors titre 2 ont diminué de 14 % de 2007 à 2009, soit 100 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 8,6 millions d’euros d’économies dans le projet de loi de finances pour 2010.

Les établissements publics nationaux, comme le Centre national d'enseignement à distance, le CNED, cher à M. Gérard Longuet, sont particulièrement affectés par une telle situation. En deux ans, leurs crédits ont diminué de 17 %.

Malgré les efforts de rationalisation et de redéploiement interne qui ont été engagés, la gestion de ce programme demeure particulièrement tendue, car celui-ci supporte un certain nombre de dépenses très contraintes.

Je pourrais ainsi évoquer les investissements immobiliers en outre-mer – nous avons encore la responsabilité de l’investissement, notamment dans le cadre du Grenelle de l’environnement – ou encore la montée en charge du système de gestion des ressources humaines, en lien avec le futur opérateur national de paye du ministère, qui rend impérative l’inscription de crédits informatiques à un niveau suffisant.

Dans ce contexte, le programme doit faire face à des dépenses nouvelles ; il ne me paraît donc pas pertinent d’accroître encore les contraintes qui pèsent sur lui.

C'est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

M. le président. Monsieur Carle, l’amendement est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Carle. J’ai bien entendu les explications qui viennent d’être apportées tant par M. le rapporteur spécial que par M. le ministre.

Pour autant, mon amendement respecte bien la règle dite du « 80-20 ». Il y a trois lignes budgétaires pour l’enseignement public, en l’occurrence une pour l’enseignement scolaire du premier degré, une pour celui du second degré et une pour la vie de l’élève, contre une seule pour l’enseignement privé. La règle est donc globalement respectée.

De mon point de vue, le retrait de cet amendement serait un signal négatif adressé à la communauté éducative sur des sujets aussi prioritaires que l’accueil des élèves handicapés ou le soutien scolaire.

Comme je l’ai déjà indiqué, l’adoption de mon amendement ne pénaliserait pas l’administration centrale, dont la ligne budgétaire est dotée de 2 milliards d’euros.

J’ai la conviction que les partisans du statu quo se trompent. Et, quand j’ai une conviction, je la défends jusqu’au bout.

C'est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement, monsieur le président.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.

M. Yannick Bodin. Cet amendement présente un certain intérêt et la proposition de M. Carle nous satisfait globalement, puisqu’elle vise à garantir les crédits du programme « Vie de l’élève ».

Cela étant, nous ne pouvons pas accepter la totalité du dispositif proposé. En effet, mon cher collègue, en présentant votre amendement, vous avez déclaré vouloir préserver l’offre éducative dans l’enseignement privé.

Pour ma part, et sans verser dans l’idéologie, j’estime que le rôle de l’État est plutôt de renforcer l’offre éducative dans l’enseignement public.

D’ailleurs, monsieur Longuet, l’enseignement privé n’est tout de même pas trop maltraité. Comme vous avez pu le constater, on supprime un poste d’enseignant pour trente-six élèves dans l’enseignement public, contre un poste pour soixante-seize élèves dans l’enseignement privé !

Par conséquent, nous ne nous opposerons pas à l’amendement de M. Carle ; nous serions même prêts à aller dans le sens que notre collègue propose. Mais, en raison de la réserve que nous émettons sur l’enseignement privé, nous serons dans l’obligation de nous abstenir.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous voyons bien dans quelles affres nous plonge le dogme de la réduction des dépenses publiques. La démonstration est claire : même les plus fervents défenseurs de cette politique en voient les limites et les risques, d’où l’amendement qui nous est soumis.

Les contraintes budgétaires de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la LOLF, ont conduit M. Carle à proposer un remède qui est, pour nous, inacceptable. À cet égard, je souscris à ce qui vient d’être souligné par M. Bodin : l’aide de l’État doit aller en priorité à l’offre éducative publique.

Ce qui nous pose tout de même problème, c’est que, si j’ai bien compris, l’auteur de cet amendement propose de réduire les crédits dédiés à l’innovation pédagogique, dans le programme « Soutien de la politique de l’éducation nationale ». Or ces crédits ne sont pas négligeables. Ils concernent tout de même les subventions accordées à des associations, comme la Ligue de l’enseignement, d’ailleurs soutenue par le ministère, ou à des agents en détachement, par exemple au sein d’associations ou au Centre national de documentation pédagogique, le CNDP.

Nous le voyons bien, le « tricotage » qui nous est proposé vise en réalité à surmonter le fameux dogme de la baisse des dépenses publiques, qui crée tant de soucis…

C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement.