M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à un échange de questions, de réponses et de répliques.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose d’un temps de parole de deux minutes trente, de même que le ministre pour sa réponse. L’auteur de la question peut ensuite, s’il le souhaite, reprendre la parole pour une durée n’excédant pas une minute.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Ma question porte sur l’aide personnalisée.
Pour la deuxième année, les écoles élémentaires expérimentent ce dispositif mis en place de façon concomitante avec la suppression des cours le samedi matin. Après un démarrage difficile de ce service imposé et non concerté, il paraît utile d’observer ce qu’il en est aujourd’hui.
La mise en œuvre de l’aide personnalisée a mis à contribution les directeurs d’école, qui ont dû adapter les différents temps scolaires et périscolaires se superposant dans la journée.
Selon les écoles et les circonscriptions, l’aide personnalisée, plus ou moins intégrée dans les projets d’école, est dispensée soit le matin avant la classe, soit entre midi et deux heures, soit le soir après la classe. Dans tous les cas, ce fut, reconnaissons-le, un vrai casse-tête pour tous les intervenants – personnel enseignant, personnel communal, animateurs périscolaires –, mais aussi pour les familles dont les enfants sortent de l’école à des heures différentes.
Pour les enfants, les journées doivent paraître très longues, puisqu’elles peuvent atteindre dix heures s’ils vont à la garderie le matin et fréquentent la cantine le midi, puis la garderie ou l’étude le soir.
Certes, ces heures d’aide personnalisée peuvent être profitables lorsque les difficultés rencontrées par les élèves sont légères ou passagères, mais ce soutien est-il efficace pour les enfants connaissant des difficultés plus lourdes et plus marquées, d’ordre scolaire, psychologique ou social ? J’en doute profondément.
Il est en outre regrettable de constater que, désormais, règne une certaine confusion entre aide personnalisée et intervention des RASED. Il ne faut pas s’étonner si les nouvelles dispositions d’aide personnalisée ont finalement et paradoxalement mis en lumière le caractère indispensable du travail des RASED, dont le maintien est vivement souhaité par les enseignants.
À l’issue de ces deux années d’expérience, il nous paraît indispensable de faire un bilan en consultant les personnes concernées – enseignants, enfants et parents –, mais aussi les communes.
Monsieur le ministre, comptez-vous expertiser ce nouveau service d’aide personnalisée, de manière à mesurer son efficacité concrète, ainsi que les problèmes rencontrés avec les divers intervenants, tout en le comparant au service rendu par les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté ?
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Le dispositif d’aide personnalisée mis en place dans le primaire a déjà été évalué par l’Inspection générale de l’éducation nationale, qui a remis en juillet 2009 un rapport intitulé Troisième note de synthèse sur la mise en œuvre de la réforme de l’enseignement primaire.
L’Inspection générale de l’éducation nationale conclut à un bilan largement positif de la mise en œuvre de cette aide personnalisée. Ainsi, le rapport indique que les parents et les élèves ont plébiscité le dispositif : « L’aide personnalisée est vue comme un privilège que les élèves demandent pour eux-mêmes. »
Ce dispositif est une avancée et constitue même, à mon sens, la bonne réponse au problème, évoqué tout à l’heure par M. Longuet, de la prise en compte de la diversité des élèves, qui représente une grande richesse de notre système éducatif.
Au-delà des programmes et des enseignements nationaux, dont je suis, en tant que ministre de l’éducation nationale, le garant, le système doit être capable de s’adapter aux spécificités de chaque élève. C’est l’objet de ces deux heures d’aide personnalisée, surtout en primaire, au moment de l’apprentissage des fondamentaux, quand les difficultés de lecture peuvent commencer à être perçues, avant l’entrée en sixième.
Nous avons souhaité laisser les établissements libres de s’organiser : c’est le directeur d’école qui décide, après avis du conseil d’école, et cela me semble une bonne chose. Dans ma ville de Chaumont, par exemple, plusieurs écoles ont fait des choix différents, en fonction des besoins des élèves et de l’avis des parents. Il faut laisser aux acteurs de terrain et à la communauté éducative la liberté de décider de cette organisation.
S’agissant de la prise en charge des enfants qui ont davantage de difficultés que d’autres, il ne faut pas mélanger les deux dispositifs : l’aide personnalisée est potentiellement destinée à tous les élèves, tandis que les RASED s’occupent de ceux qui rencontrent de grandes difficultés. La sédentarisation de 1 500 personnels a permis de rapprocher ces derniers de la réalité du terrain.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour la réplique.
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, vous évoquez un rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale, dont j’ignorais l’existence. Je souhaiterais pouvoir en prendre connaissance, et savoir s’il compare le service rendu par l’aide personnalisée à l’action des RASED. Pourrions-nous, monsieur le ministre, avoir plus de précisions sur ce rapport ?
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Ma question porte sur la carte scolaire.
La réforme de la carte scolaire a été engagée en juin 2007 et entrera dans sa phase finale en 2010. Elle a pour objet d’assouplir les règles d’affectation des élèves dans les collèges ou les lycées.
Conforté, monsieur le ministre, par la progression du nombre des demandes de dérogation, vous souhaitez poursuivre et renforcer les mesures d’assouplissement, sur le fondement d’une rénovation profonde du système scolaire qui conduira à terme à placer les établissements d’enseignement et leur projet éducatif au cœur du système scolaire, ainsi qu’à apprécier et à évaluer les projets et les équipes pédagogiques.
Si l’objectif est louable, le résultat me paraît incertain. Tous les acteurs socioéconomiques, la Cour des comptes, les commissions des assemblées parlementaires, les étudiants eux-mêmes et l’Inspection générale de l’éducation nationale relèvent les nombreux effets secondaires, indirects et néfastes de cette réforme au regard du principe de l’égalité des chances et de l’équité pour l’accès à un établissement de qualité.
Ainsi, les services d’inspection notent que cette réforme concerne surtout les villes présentant une forte densité d’établissements et particulièrement bien desservies par les transports urbains.
Ils concluent, en revanche, à la difficulté, voire à l’impossibilité « technique », en milieu rural, de disposer de ce même droit à choisir effectivement et librement son établissement.
Pis encore, chacun constate que cette suppression de la carte scolaire conduit finalement, en réalité, à organiser un palmarès implicite des établissements scolaires et des équipes enseignantes. En outre, inéluctablement, les chances d’instaurer une mixité scolaire et sociale se réduisent alors comme peau de chagrin, ce qui entraîne un réel danger de ghettoïsation.
C’est pourquoi je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître les premiers résultats de l’évaluation du dispositif d’assouplissement de la carte scolaire que vous vous êtes engagé à conduire.
J’aimerais également savoir quelles mesures vous permettront, comme vous vous y êtes aussi engagé, d’assurer aux établissements dont l’effectif se réduira la conservation de leurs moyens et la mobilisation de l’équipe enseignante pour améliorer la réussite des élèves.
Enfin, je voudrais que vous nous disiez, monsieur le ministre, si cette réforme est véritablement adaptée aux territoires ruraux, difficiles d’accès et où l’on est moins prompt à opérer des choix. Ne serait-il pas plus raisonnable de suivre le conseil de la commission de la culture et de réfléchir de manière plus approfondie sur les équilibres plus précaires du milieu rural, afin de pallier la disparition programmée des collèges et lycées « de campagne », qui se traduirait in fine par une amplification du phénomène de désertion de nos territoires ruraux ?
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre.
M. Luc Chatel, ministre. La carte scolaire a été créée en 1963. Cette mesure se justifiait pleinement à une époque où l’on construisait à la fois, sur une grande échelle, de nouveaux quartiers de banlieue et des établissements scolaires. L’objectif était alors d’assurer une bonne mixité sociale.
Plus de quarante ans après, force est de constater qu’un effet pervers est apparu. L’application de la carte scolaire a abouti, de l’avis unanime, à des inégalités, avec le contournement du système par ceux qui le connaissent et envoient leurs enfants dans un établissement autre que celui qui leur est désigné par la carte scolaire. J’ai coutume de dire qu’il s’agit là d’un délit d’initiés, et la ghettoïsation dont vous avez parlé, madame le sénateur, résulte précisément du fonctionnement du dispositif de la carte scolaire !
Le Gouvernement a donc décidé, en 2007, d’aller vers la suppression de la carte scolaire en procédant de manière progressive, par un assouplissement. Nous avons ainsi mis en place de nouveaux critères de dérogation, en donnant la priorité aux enfants boursiers et aux enfants handicapés.
Deux ans après, nous constatons que le nombre de dérogations a augmenté de plus de 11 %. Cette progression sensible est due à la prise en compte des demandes exprimées pour les élèves boursiers et handicapés, qui ont été satisfaites dans deux cas sur trois.
M. Claude Domeizel. Et les autres ?
M. Luc Chatel, ministre. Comme je l’ai indiqué voilà quelques jours devant la commission de la culture, j’ai demandé à mes services de procéder à une évaluation plus approfondie de ces deux premières années d’assouplissement de la carte scolaire. Dès que j’en aurai les résultats, je les communiquerai à votre assemblée.
Il nous faut aller plus loin, et j’ai évoqué tout à l’heure un certain nombre de pistes.
D’abord, les élèves issus des écoles des réseaux « ambition réussite », les anciennes zones d’éducation prioritaire, doivent pouvoir choisir plus facilement leur collège, en vue d’une plus grande mixité sociale.
Il nous faut ensuite travailler sur les projets de ces établissements. Je le disais tout à l’heure, 20 % des 250 collèges des réseaux « ambition réussite » ont vu leurs effectifs augmenter : la raison en est que ces établissements ont construit un projet, auquel adhèrent les équipes pédagogiques ; ils ont bâti une identité forte et mis en place des partenariats. Il faut donc utiliser ces expériences et les diffuser dans d’autres établissements.
J’ai pris la décision qu’aucun collège ne serait fermé du seul fait des conséquences de l’assouplissement de la carte scolaire : les moyens affectés à un collège en difficulté doivent pouvoir servir à reconstruire un projet pédagogique. J’approuve l’idée qu’un collège puisse recruter sur profil des enseignants bien préparés et bien adaptés à sa situation.
Je reviendrai dans quelques semaines vous présenter le bilan que j’ai évoqué et vous soumettre des pistes de réflexion. Un certain nombre de syndicats m’ont proposé de travailler avec eux sur le sujet de la carte scolaire. Encore une fois, il nous faut aller plus loin et dépasser la situation actuelle : c’est bien le fonctionnement perverti du dispositif de la carte scolaire qui aboutissait à la ghettoïsation.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour la réplique.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, les délits d’initiés que vous évoquez, nous les connaissions, certes, et depuis bien longtemps. Je pense néanmoins qu’ils posaient moins de problèmes que le système actuel.
Les inspecteurs d’académie que nous rencontrons soulignent combien l’assouplissement de la carte scolaire, dont je persiste à penser qu’il n’a probablement pas été assez préparé, suscite de véritables difficultés au regard de la répartition des horaires, des transports scolaires, de l’accompagnement scolaire : autant d’aspects qui n’ont pas été anticipés.
Cela étant, je me réjouis qu’une véritable étude soit en cours de réalisation, qui nous permettra de voir si cet assouplissement répond vraiment aux besoins de nos élèves.
M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.
Mme Monique Papon. Le Gouvernement a mis en œuvre, dès la rentrée de 2009, une réforme du lycée professionnel. L’objectif de cette réforme, que nous soutenons, est d’amener davantage de jeunes jusqu’au baccalauréat professionnel. Je tiens d’ailleurs à souligner que les principales orientations de cette réforme ont été approuvées par le rapport annuel du Haut Conseil de l’éducation, remis au Président de la République le 17 novembre dernier.
L’objet de cette réforme est non seulement d’augmenter le nombre de bacheliers professionnels et de favoriser leur accès à l’enseignement supérieur, mais aussi d’améliorer la lisibilité des diplômes pour les élèves et pour les chefs d’entreprise qui les recrutent. Il s’agit, surtout, de réduire significativement le nombre de jeunes quittant le système scolaire sans qualification.
Cette réforme a été fondée sur le constat suivant : un élève sur deux ayant choisi la voie professionnelle n’allait pas plus loin que le BEP. En effet, les élèves faisaient face à plusieurs types de difficultés.
Tout d’abord, le choix d’une spécialisation ou d’une filière se posait en des termes particulièrement contraignants pour l’élève. En ce sens, nous saluons la simplification et la souplesse de l’organisation de l’enseignement rendues possibles par la mise en place de passerelles entre les spécialisations et entre les filières.
Ensuite, la préparation d’un baccalauréat en quatre ans, contre trois ans pour les autres filières, apparaissait pénalisant pour les élèves. Je me félicite donc de ce que l’accès au baccalauréat professionnel soit désormais facilité, grâce à la création d’un parcours en trois ans, au lieu de quatre.
Cependant, je m’interroge sur les conséquences de l’accélération des apprentissages. En effet, pour de nombreux jeunes, la première année de BEP constituait une année de remise en confiance après une scolarité difficile. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, quel est l’avenir des CAP et des BEP ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, vous avez rappelé l’importance et l’enjeu de la réforme de la voie professionnelle. Ma conviction profonde est qu’il n’y a pas une filière unique d’excellence dans notre pays.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Très bien !
M. Luc Chatel, ministre. Par le passé, nous avons trop souvent eu le sentiment que la voie générale, et particulièrement la série S, constituait, en quelque sorte, la voie royale, en dehors de laquelle il n’y avait point de salut !
Il convient donc de diversifier les voies et les filières d’accès à l’excellence. C’est précisément l’enjeu de cette réforme du bac professionnel : le passage à trois ans vise à le revaloriser, pour le mettre sur un pied d’égalité avec le bac général et le bac technologique.
Nous avons la volonté de créer des passerelles qui permettent une orientation progressive des élèves. Dans cette perspective, ceux-ci recevront des formations correspondant à plusieurs spécialités du baccalauréat professionnel.
Nous avons également travaillé sur l’insertion de ces jeunes, afin de limiter le nombre d’élèves qui quittent le système sans diplôme ni qualification, dont on sait qu’une grande partie vient de la filière professionnelle.
Que deviennent, dans ces conditions, le CAP et le BEP ? Le passage à trois ans du parcours conduisant au baccalauréat professionnel modifie le niveau V, en faisant du CAP le diplôme d’insertion à ce niveau et du BEP une simple étape. Jusqu’à présent, un jeune sur deux arrêtait ses études après le BEP. L’objectif étant d’améliorer le niveau de qualification et d’amener le maximum de nos jeunes jusqu’au baccalauréat professionnel, le BEP va devenir une étape du cursus vers le baccalauréat professionnel.
M. le président. La parole est à Mme Monique Papon, pour la réplique.
Mme Monique Papon. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions : nul doute qu’elles vont rassurer les nombreux jeunes qui fondent de grands espoirs sur votre réforme du baccalauréat professionnel.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur la question des RASED. L’opacité du projet de loi de finances pour 2010 quant à l’avenir de ces réseaux m’amène à tirer de nouveau la sonnette d’alarme et à exercer une sorte de droit de suite.
Alors que le projet de loi de finances pour 2009 prévoyait la sédentarisation ou, pour mieux dire, la suppression de 3 000 postes en RASED, soit 1 000 équivalents temps plein travaillé, pour la rentrée, M. Darcos avait dû reculer devant la mobilisation. Il avait alors pris l’engagement de ne supprimer que 1 500 postes, soit 500 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT. La suppression de ces 3 000 postes en RASED devait, en fait, permettre de combler le vide laissé par 3 000 départs à la retraite
Le projet de loi de finances pour 2009 prévoyait un plafond d’emplois de 318 912 ETPT pour le premier degré. Si l’engagement de ne supprimer que 1 500 postes en RASED avait été tenu, le plafond aurait dû logiquement être relevé de 500 ETPT. Or, à la page 50 du « bleu » budgétaire de cette année, que lit-on pour le plafond d’emplois au titre de 2009 ? La même chose que l’an dernier, soit 318 912 ETPT !
Les engagements ne sont donc pas tenus, sauf à penser qu’ils l’ont été au détriment d’autres postes. Monsieur le ministre, sans doute allez-vous pouvoir m’éclairer sur ce sujet.
De plus, je regrette, comme mon collègue Domeizel, que nous ne disposions pas d’une évaluation du dispositif de l’aide personnalisée. Vous parlez d’un bilan positif, mais il se fonde surtout, me semble-t-il, sur des données quantitatives. Que sait-on réellement de ce qui est fait pendant ces deux heures hebdomadaires ? Quels sont les élèves concernés ? Quel type d’activité est pratiqué ? Et avec quelle efficacité ?
J’ai entre les mains une étude que vous devez connaître. Publiée en septembre 2009 par la Fédération nationale des associations de rééducateurs de l’éducation nationale, la FNAREN, et l’université Paris-Descartes, elle porte sur les différences de traitement des difficultés scolaires entre l’aide personnalisée et l’aide spécialisée des RASED.
L’efficacité de l’aide personnalisée est confirmée pour les seuls élèves dont le niveau, même bas, est homogène. En revanche, pour ceux dont les difficultés relèvent d’une multiplicité de facteurs, l’aide rééducative des RASED permet des progrès dans le domaine des acquis scolaires, mais aussi dans celui des compétences cognitives, sociales et relationnelles.
Le fait que les difficultés de beaucoup d’élèves soient d’origine multifactorielle implique qu’il est nécessaire d’apporter des réponses adaptées et diversifiées. Ma question sera donc simple : allez-vous poursuivre la mise en œuvre de cette logique budgétaire de réduction de postes au détriment des enfants, ou bien allez-vous enfin entendre les arguments des professionnels qui militent pour une école ambitieuse, de la réussite pour tous, où les RASED doivent avoir toute leur place et être reconnus pour leur efficacité sur le terrain ?
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre.
M. Luc Chatel, ministre. J’ai rappelé tout à l’heure que, dans le premier degré, le traitement des difficultés scolaires et la lutte contre l’échec scolaire constituaient pour le Gouvernement un objectif prioritaire.
Nous avons donc mis en place un dispositif complet permettant la prise en charge de tous les types de difficultés rencontrées par les élèves.
Deux heures d’aide individualisée sont dispensées chaque semaine par les enseignants, cette aide étant potentiellement accessible à tous les élèves, par exemple à ceux qui rencontrent des difficultés de lecture.
Des stages de remise à niveau, naturellement gratuits, sont mis en place pendant les vacances scolaires pour les élèves de CM1 et de CM2 rencontrant des difficultés en français et en mathématiques.
Les enseignants ont donc la possibilité de traiter eux-mêmes les difficultés liées à l’apprentissage, dans le prolongement de leurs classes.
Dans ce contexte, la contribution des enseignants spécialisés des RASED a évolué : ils interviennent désormais en cas de très grandes difficultés. À la rentrée de 2009, les maîtres spécialisés des RASED, dont l’action est donc tournée vers les situations que les professeurs des écoles ne peuvent pas gérer, étaient 8 000, nombre auquel il convient d’ajouter les 1 500 maîtres spécialisés itinérants, affectés à titre de surnuméraires dans une ou deux écoles.
Ce dispositif a été reconduit dans ces termes dans le projet de budget pour 2010.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour la réplique.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J’observe que je n’ai pas reçu de réponse à la première partie de ma question !
Il me semble qu’une véritable confusion est entretenue entre les deux types d’aides.
M. Darcos m’avait indiqué, l’année dernière, que l’échec scolaire devait être résolu par les enseignants dans les classes. Or, l’aide spécialisée n’est pas dispensée en classe, mais vient s’ajouter aux horaires de cours.
Cela nous a d’abord amenés à nous inquiéter des effets du rallongement de la journée scolaire, l’aide personnalisée intervenant souvent à l’heure du déjeuner ou le soir.
En outre, quid des « bons » élèves, qui perdent ainsi pas moins de 540 heures d’enseignement du CP au CM2 ?
Quant aux enseignants, ils doivent devenir des « super-formateurs » polyvalents : enseignement, orientation à la place des conseillers d’orientation-psychologues, bivalence pour assurer plus de remplacements, aide aux élèves à la place des RASED.
Dans le même temps, les crédits de la formation continue sont réduits. Par exemple, les enseignants du premier degré perdront à la rentrée prochaine l’équivalent de 165 900 jours de formation continue : c’est une preuve supplémentaire que ce budget s’inscrit toujours dans une logique comptable.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, vous avez commencé votre intervention, tout à l’heure, en disant que le monde avait besoin de davantage d’éducation ; je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point, mais permettez-moi d’ajouter que l’éducation a besoin de moyens.
Or, au travers de ce projet de budget, vous poursuivez l’œuvre de réduction massive des moyens humains entreprise depuis 2002.
En 2010, 16 000 postes seront supprimés, tandis que 13 500 l’avaient déjà été en 2009. Au total, près de 45 000 postes ont disparu depuis 2003, alors que, dans le même temps, les effectifs du premier degré ont progressé de plus de 15 000 élèves.
Dans la logique de la fameuse RGPP, le Gouvernement avait annoncé que, en ce qui concernait l’enseignement scolaire, deux départs à la retraite sur trois devaient être compensés. Or, aujourd'hui, la réalité nous apparaît : le taux de remplacement ne sera que de un sur deux.
Les effets de cette politique se font déjà sentir, hélas ! et, dans certaines académies, on doit désormais recourir à des contractuels ou à des retraités pour assurer les remplacements… quand les remplacements sont assurés. Dans certains établissements, les horaires normaux d’éducation physique et sportive ne peuvent être dispensés, faute d’enseignants.
Dans ce domaine comme dans d’autres, l’obsession comptable et la politique du chiffre ne peuvent mener qu’à la dégradation du service public.
L’année dernière, toujours au nom de la rationalisation, le Gouvernement avait décidé de supprimer un grand nombre de postes en RASED. Les heures d’intervention des RASED ont été remplacées par des heures de soutien assurées par les enseignants : or, quand elles ont effectivement été mises en place, ces heures de soutien ont été le plus souvent dispensées au moment de la pause du déjeuner, ce qui est en totale contradiction avec les recommandations issues des études portant sur les rythmes scolaires. De plus, aucun contenu sérieux n’a été défini pour cette aide.
En réalité, on a sacrifié les RASED, qui accomplissaient un travail remarquable auprès des enfants en difficulté scolaire, pour leur substituer une solution inadaptée, qui peut apparaître comme un contresens pédagogique.
Quels critères avez-vous retenus, monsieur le ministre, pour l’évaluation du dispositif d’aide ? Au travers de vos propos, j’avais perçu qu’il s’agissait plutôt d’un indice de satisfaction que d’un critère relatif à la réussite de l’enfant.
Par ailleurs, jusqu’à quand allez-vous persister à ne compenser qu’un départ à la retraite sur deux, en privant ainsi notre enseignement public des moyens dont il a besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, j’ai rappelé tout à l’heure les propos tenus par le Président de la République cet après-midi ; ils apportent, me semble-t-il, des éléments de réponse à votre seconde question.
Nous pouvons nous retrouver sur un point au moins : l’éducation a besoin de moyens. Or justement, le projet de budget que je vous présente ce soir, avec 59,6 milliards d'euros, est le plus gros budget que vous ayez jamais eu à voter, mesdames, messieurs les sénateurs, pour l’éducation nationale.
M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Absolument !
M. Luc Chatel, ministre. J’ai également rappelé que, dans l’environnement budgétaire contraint que la commission des finances du Sénat connaît bien, marqué par une augmentation de 1,2 % des dépenses de l’État l’année prochaine, l’éducation nationale voit, quant à elle, son budget progresser de 1,6 %, ce qui signifie bien que nous nous situons au-delà de la simple contrainte budgétaire.
M. René-Pierre Signé. C’est l’inflation !
M. Luc Chatel, ministre. Je rappellerai enfin, madame le sénateur, que, depuis 1975, la France n’a cessé d’augmenter son budget pour l’éducation nationale et qu’elle consacre 16 % de plus à ses élèves du secondaire que la moyenne des pays de l’OCDE.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. Eh oui !
M. Luc Chatel, ministre. En conséquence, s’il suffisait de multiplier les moyens pour obtenir des résultats, 150 000 jeunes ne quitteraient sans doute pas chaque année notre système éducatif sans diplôme, comme c’est le cas aujourd’hui.
Nous n’avons pas fait le choix de tailler dans les effectifs de manière systématique : nous adaptons aux priorités et aux évolutions démographiques les moyens de l’éducation nationale, par exemple en créant cette année plus de 2 000 postes dans le primaire et dans les zones urbaines sensibles.
S’agissant de l’évaluation de l’aide individualisée, j’ai fait référence tout à l’heure à un rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale. Un autre outil nous sera fourni par l’évaluation des élèves décidée dans le cadre de la réforme : l’aide individualisée est maintenant en place depuis une année pleine, et nous allons donc pouvoir mesurer, auprès des élèves, les effets qu’elle peut avoir. Les résultats de ces évaluations étant publics, ils seront naturellement largement diffusés.