M. François Autain. Il faut quand même soigner !
M. Paul Blanc. En tout cas, à titre personnel, je conseille à mes enfants et à mes petits-enfants de se faire vacciner. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Autain, je vous pose une petite devinette : quel est le niveau d’ASMR – amélioration du service médical rendu – du Gardasil ?
M. François Autain. Je pense que c’est trois…
M. Nicolas About. Alors là !
M. le président. Il s’agit d’un débat technique qui me dépasse !
Je mets aux voix l'amendement n° 284.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 98, présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Le Menn, Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 28, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport sur l'évaluation de l'application de l'article 52 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 et ses conséquences en matière de santé publique est présenté au Parlement avant le 30 septembre 2010.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. La situation des comptes n’a jamais été aussi critique et malgré tout vous ne cessez de multiplier les boucliers de protection en direction des plus favorisés.
En revanche, les assurés, les malades, notamment les plus fragiles d’entre eux, sont constamment ponctionnés. Ils doivent se battre en permanence pour se loger, manger, se soigner.
Je vous rappelle que, depuis la création de la sécurité sociale en 1945, l’assurance maladie repose sur la solidarité entre bien portants et malades. Tout le monde paie en fonction de ses moyens et reçoit en fonction de ses besoins.
Aujourd’hui, vous prévoyez plus de 30 milliards d’euros de déficit pour 2010 et vous attaquez le problème par un arsenal de « mesurettes ».
Il s’agit, tout d’abord, de l’augmentation du forfait hospitalier, mesure ridiculement insignifiante, 200 millions d’euros, au regard des 30 milliards d’euros, mais diablement pénalisante pour les personnes fragiles. D’ailleurs, l’adoption hier soir de l’amendement Copé à l’Assemblée nationale est également un scandale, comme l’a rappelé le groupe CRC.
Ensuite, hier vous avez instauré les franchises : un euro sur la consultation en 2007, 50 centimes sur la boîte de médicament en 2008, 50 centimes par acte paramédical, 2 euros à chaque recours de transport sanitaire et tout cela pour un gain de 900 millions d’euros.
D’abord présenté pour combler le déficit de la sécurité sociale, puis pour financer la lutte contre le cancer et la maladie d’Alzheimer, ces franchises s’inscrivent dans le droit fil des réformes qui reposent sur la pénalisation des assurés sociaux.
Cet amendement a donc pour objet d’évaluer les conséquences de l’application de la mesure instaurant des franchises médicales et son évolution sur les inégalités de santé.
M. le président. L'amendement n° 293, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 28, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'avant-dernier alinéa du III de l'article L. 322-2 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « ainsi que l'impact de cette mesure pour les assurés en matière d'accès aux soins ».
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la ministre, vous connaissez notre hostilité de principe et notre hostilité de fond à l’égard des franchises médicales, qui sont un véritable impôt sur la maladie.
Chaque année, nous demandons donc, à défaut de pouvoir supprimer les franchises en raison de l’application de l’article 40 de la Constitution, qu’un rapport soit remis pour évaluer les effets des franchises médicales sur l’accès aux soins.
Et chaque année, vous nous répondez qu’un rapport a effectivement été transmis au Parlement et je dois concéder que cette année le rapport a été transmis début novembre.
Toutefois, et ce n’est pas anodin, ce rapport ne traite absolument pas de la question de l’impact des franchises en termes de renoncement aux soins. Il est très complet pour ce qui est du rendement des franchises, des ressources qu’elles ont effectivement dégagées, des conséquences que les franchises ont eues sur le conditionnement des médicaments vendus, mais rien sur les conséquences en termes d’accès aux soins.
C’est pourquoi cette année, avec notre amendement n° 293, nous proposons de modifier l’article L. 322-2 du code de la sécurité sociale en le complétant par les mots : « ainsi que l’impact de cette mesure pour les assurés en matière d’accès aux soins ».
Nous sommes convaincus que ces franchises médicales, accélèrent ou tout du moins contribuent à aggraver les inégalités dans l’accès aux soins. Ainsi, les individus ayant les plus bas revenus sont moins nombreux à recourir à des pratiques de dépistage et de prévention. Une étude de l’INSEE souligne par exemple que « parmi les femmes de 40 ans et plus appartenant à des ménages modestes, 34 % n’ont jamais réalisé de mammographie contre 19 % des autres femmes de plus de 40 ans ».
Les inégalités sociales en santé ne cessent de croître, et leur évolution est similaire à celle de l’explosion de la pauvreté et de la généralisation de la précarité. Ainsi, les plus pauvres seraient les plus fragilisés en raison de leur exposition à des conditions de vie, de travail, d’alimentation dégradée – il suffit de voir l’explosion de l’obésité, c’est un grave problème de santé publique –, ils seraient exposés à des éléments dangereux pour leur santé – je pense en particulier aux familles qui habitent dans des logements insalubres et sont quotidiennement victimes d’un empoisonnement au plomb –, ils sont également celles et ceux qui consultent le moins.
Madame la ministre, il faut donc impérativement aller plus loin pour mesurer les effets des franchises sur les populations les plus démunies.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les auteurs de ces amendements souhaitent mesurer l’impact de la franchise en termes d’accès aux soins pour nos concitoyens.
Premier élément de réponse : la Conférence nationale de santé effectue ce travail en analysant non pas uniquement la question des franchises, mais d’une manière plus globale les conditions dans lesquelles nos concitoyens peuvent accéder aux soins.
Mes chers collègues, si la franchise est un élément qui est à prendre en compte dans l’accès aux soins, il n’est pas le seul.
Nous avions en son temps dénoncé – depuis nous avons pris des mesures permettant de l’atténuer – la disposition qu’avait fait adopter Martine Aubry lors de la création de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMUC. Je rappelle que vous avez exclu de la CMUC – vos collègues du groupe communiste et du groupe socialiste l’ont cautionné…
M. Guy Fischer. Allons !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … tous les bénéficiaires de l’Allocation aux adultes handicapés, l’AAH, et du minimum vieillesse.
M. Guy Fischer. Nous l’avions dénoncé !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces personnes se sont trouvées fragilisées et ont eu des difficultés pour bénéficier d’un accès aux soins. Il a fallu que le Président de la République de l’époque, Jacques Chirac, demande la mise en place d’une sorte de crédit d’impôt pour solvabiliser pour partie les bénéficiaires de l’AAH ou du minimum vieillesse afin qu’ils puissent avoir accès à l’assurance complémentaire.
Il ne faut pas, me semble-t-il, se focaliser uniquement sur les franchises, il convient de prendre ces difficultés d’accès aux soins dans leur globalité en fonction des mesures en vigueur à l’heure actuelle.
Ce travail est fait par la Conférence nationale de santé. S’il faut aller plus loin, pourquoi pas ? Vous voulez que ce soit le Comité économique des produits de santé, le CEPS qui fasse ce travail. Mme la ministre va donner son avis, mais je pense que votre demande est satisfaite, c’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer vos amendements.
M. Guy Fischer. Absolument pas !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Monsieur Fischer, vous posez la question des appréciations non seulement quantitatives mais qualitatives figurant dans le rapport transmis au Parlement – conformément à la loi – sur les franchises.
Nous voyons bien à travers ce rapport que les franchises n’ont pas entraîné de renonciations aux soins. En effet, les postes concernés par les franchises ont continué à croître de façon très importante au cours de l’année écoulée. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant, puisque le montant des franchises – je le rappelle – est plafonné à 50 euros, qu’un Français sur quatre ne paie pas la franchise et que, par conséquent, 15 millions de nos concitoyens sont exonérés de tout paiement de franchise.
Qu’il y ait des renonciations aux soins pour des motifs financiers, j’en suis tout à fait consciente, mais ce n’est pas sur les postes concernés par les franchises.
Qu’est-ce qui entraîne une renonciation aux soins ?
D’abord, certains secteurs sont peu ou mal remboursés ou parfois pas du tout remboursés, je pense en particulier à l’optique et au dentaire où il n’y a pas de franchise.
Il s’agit, ensuite, de la question des dépassements d’honoraires contre lesquels nous menons une lutte tout à fait déterminée.
M. Guy Fischer. Non, vous avez refusé tous nos amendements !
M. François Autain. Les résultats sont là !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Il s’agit, enfin, du reste à charge, qui est, eu égard à notre armature de solidarité nationale, le plus faible du monde. Nous avons voulu prendre en compte cette « zone grise » entre les personnes qui bénéficient des mécanismes de prise en charge complète comme la CMU ou l’Aide médicale de l’État, l’AME, et les personnes qui ont des revenus très faibles et pour lesquelles « l’achat » d’une mutuelle ou d’un mécanisme complémentaire de prise en charge peut apparaître très lourd.
Par ailleurs, nous avons amplifié de façon très importante l’Aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS. J’ai accepté, lors de l’examen de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi HPST, un amendement de M. Pierre Méhaignerie, le président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale visant à ce que l’ACS soit considérablement augmentée. Par exemple : pour la tranche d’âge de 50 à 59 ans, l’augmentation a été de 75 %. J’ai également étendu cette mesure aux jeunes, pour lesquels j’ai pratiquement doublé l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé.
Voilà des actions résolues que je mène, mais on peut d’ores et déjà, en évaluant l’application des franchises, considérer de façon objective qu’elles n’ont entraîné aucune difficulté dans l’accès aux soins.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Je profite de cette explication de vote pour répondre à Mme la ministre sur l’amendement précédent car elle a dit une contre-vérité. Elle a affirmé que le Gardasil avait bénéficié d’une ASMR de niveau un. C’est faux, il a bénéficié d’une ASMR de niveau trois et la HAS, dans son avis du 18 avril 2007, notait même que l’on ne pouvait garantir son efficacité en termes de protection au-delà de cinq ans, indiquant que son effet était mal connu.
J’en viens maintenant à l’amendement n° 293.
Nous serions prêts à le retirer dans la mesure où vous vous engageriez à écrire dans le rapport annuel que ces franchises n’ont aucune incidence sur le renoncement aux soins. Dans ces conditions, nous pourrions dire que ce rapport nous donne satisfaction et que notre amendement n’a plus d’objet.
Mais j’ai cru comprendre que tel n’est pas votre souhait : vous pensez que le rapport tel qu’il existe est suffisant. Dès lors, en l’absence d’une réponse de votre part, nous maintenons notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 340, présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes David, Hoarau, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 28, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport évaluant les actions menées au titre des Fonds d'intervention de la qualité et de la coordination des soins et du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés dans le but de mettre fin aux actions dont l'efficacité est insuffisante et de limiter certaines sur-dotations, est déposé au plus tard le 30 septembre 2011 sur le Bureau des assemblées.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement, qui se fonde sur une recommandation formulée par la sécurité sociale dans son rapport d’activité de 2008, se justifie, me semble-t-il, par une situation criante, à savoir l’augmentation croissante des missions confiées au Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, le FIQCS.
J’illustrerai mon propos en énumérant les missions pléthoriques qui sont dévolues à cet organisme.
Le FIQCS, qui a été créé par l’article 94 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, était chargé de financer des actions et des expérimentations concourant à l’amélioration des soins dispensés en ville via des aides aux professionnels de santé, à des regroupements de ces mêmes professionnels ou encore à des centres de santé. Il était également chargé de financer le développement de nouveaux modes d’exercice et de réseaux de santé liant des professionnels de santé exerçant en ville et des établissements de santé et médico-sociaux.
Par ailleurs, ce fonds doit intervenir pour soutenir des actions ou des structures concourant à l’amélioration de la permanence des soins, notamment les maisons médicales de garde, ainsi que des actions favorisant un exercice pluridisciplinaire et regroupé des professionnels de santé. Mais la liste ne s’arrête pas là !
Il doit également apporter son concours à des actions ou à des structures visant au maintien de l’activité et à l’installation de professionnels de santé pour favoriser un égal accès aux soins sur le territoire.
Enfin, il doit aussi participer à la mise en œuvre du dossier médical personnel, une arlésienne, n’est-ce pas…
Jusqu’en 2007, ces missions étaient partagées entre deux fonds ; elles ont été dévolues au FIQCS, né de la fusion de la dotation nationale de développement des réseaux, la DNDR, et du Fonds d’aide à la qualité des soins de ville, le FAQSV.
Avec l’adoption de la loi HPST, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, les missions du FIQCS ont été encore étendues. L’assurance maladie s’alarme du fait que le FIQCS, menacé de surmenage, ne puisse pas mener à bien toutes ses missions.
Quoi qu’il en soit, ce serait une mesure de bon sens que d’envisager l’évaluation des actions du FIQCS afin de mettre un terme à celles qui ne sont pas assez efficaces, évitant ainsi toute gabegie, quitte à lui permettre, le cas échéant, de concentrer les aides et les efforts sur les actions efficaces.
Je pourrais faire la même démonstration pour le Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, le FMES, créé, quant à lui, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Je n’en dirai pas plus, mais l’étendue et la variété des missions de cet organe plaident également pour une rationalisation de ses actions.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Vous souhaitez, mon cher collègue, un rapport de plus ! En dehors du fait d’aider l’industrie du papier, on sait à quoi servent la plupart des rapports…
Toutefois, la demande que vous formulez est légitime. En tant que rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’ai, à plusieurs reprises, interpellé le Gouvernement sur l’utilisation des crédits consacrés au FIQCS. Peut-être pourrions-nous envisager une action de contrôle en coordination avec la commission des finances et la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité social. Ce serait aussi efficace, voire plus, qu’un rapport supplémentaire !
Si vous en êtes d’accord, mon cher collègue, nous pourrions inscrire ce point à l’ordre du jour des travaux de la prochaine réunion de la MECSS.
Dans ces conditions, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Des tableaux très complets sur le FIQCS sont déjà annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale, et je vous y renvoie, monsieur le sénateur.
Je suis tout à fait prête à les perfectionner en introduisant une vision plus qualitative. Mais c’est sur le terrain, dans le cadre des agences régionales de santé, où se déploiera l’utilisation de ces fonds, contribuant par là même à instituer la démocratie sanitaire, que les élus pourront apprécier la réalité et la pertinence des actions menées, bien plus que dans un rapport écrit, forcément technocratique et froid.
Je prends ici l’engagement pour l’année prochaine – même si je ne sais pas où je serai ! -…
M. Guy Fischer. Vous êtes lucide !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous le savez, dans ce métier, il faut pratiquer l’ascèse de l’adieu ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Belle formulation !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je prends donc ici devant vous l’engagement de vous fournir des éléments encore plus détaillés et perfectionnés.
En conséquence, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Autain, l'amendement n° 340 est-il maintenu ?
M. François Autain. Compte tenu des explications de Mme la ministre et de M. le rapporteur, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 340 est retiré.
Article 29
Le 10° de l’article L. 322-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rétabli :
« 10° Lorsque l’assuré ne remplit plus les conditions prévues au 3° du présent article, pour les actes médicaux et examens biologiques nécessaires au suivi de l’affection au titre de laquelle il s’était vu reconnaître le bénéfice des dispositions de ce 3°, pour une durée et pour des situations cliniques déterminées sur la base de recommandations de la Haute Autorité de santé, selon des modalités définies par décret pris après avis de la Haute Autorité de santé ; ».
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. L’article 29 du projet de loi est très important dans la mesure où il prévoit que les assurés qui ne relèvent plus du régime de l’ALD, l’affection de longue durée, soient exonérés du ticket modérateur pour les actes médicaux et examens biologiques liés au suivi du cancer dont ils souffraient, et uniquement pour cette affection. C’est l’un des pôles du plan cancer II.
Le Gouvernement s’appuie ici sur une enquête de la HAS, la Haute Autorité de santé, d’ailleurs confirmée par le professeur Maraninchi de l’Institut national du cancer, selon laquelle plus de 60 % des cancers sont curables.
En tant que médecin, permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que je suis partagé.
Certes, on peut annoncer à un malade atteint d’un cancer que celui-ci est stabilisé, ce qui est effectivement vrai, dans la plupart des cas, après cinq ans. Je comprends cette démarche, car cela permettra peut-être de rassurer psychologiquement le patient, ainsi que ses proches.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Et de lui permettre d’avoir mieux accès au logement, par exemple !
M. Bernard Cazeau. Mais peut-on lui dire qu’il est guéri ? Tout le problème est là.
Tous les médecins le savent bien, les récidives tardives ne sont pas des exceptions. D’ailleurs, l’une de nos collègues, Michèle Delaunay, cancérologue réputée et députée de la Gironde, a affirmé qu’il ne faut pas confondre guérison et rémission. Tout dépend de la nature de l’agent pathogène et de sa localisation. Nous devons donc bien réfléchir aux conséquences que peut entraîner cette exonération.
Madame la ministre, je comprends bien que vous souhaitiez sortir un certain nombre de malades du régime des ALD : ce sont 10 millions de personnes qui mobilisent 64 % des dépenses d’assurance maladie et sont responsables de 90 % de la croissance annuelle des dépenses. Mais il faut, je le répète, réfléchir aux conséquences.
Je sais que vous accordez, madame la ministre, la possibilité de réintégrer l’ALD ou la prise en charge du suivi de l’affection, mais le fait de poser comme postulat la guérison du cancer me gêne.
J’aborderai maintenant une autre question, à savoir le secteur optionnel.
Il me semble légitime d’engager un débat sur le juste niveau de rémunération des professionnels de santé ; c’est d’ailleurs une demande récurrente.
Nous constatons que le tarif opposable ne permet pas à tous les professionnels de santé – en l’occurrence, pour l’instant, les spécialistes de chirurgie, de gynécologie obstétrique et d’anesthésie – de pratiquer une médecine de qualité, mais alors mettons-nous autour de la table pour en discuter ! C’est d’ailleurs ce qui a été fait dans le cadre de la convention.
Tout cela laisse penser qu’il y aura des lendemains. Si l’on met le doigt dans l’engrenage pour trois spécialités, qui ont peut-être effectivement été pénalisées à un moment donné, ce ne sera pas sans conséquence pour les autres.
Nos collègues de la majorité vont nous proposer des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 29. Non seulement certains d’entre eux sont antagonistes, mais ils peuvent tous créer une véritable broussaille tarifaire.
Nous le savons tous, certains médecins spécialistes de secteur 1 ont été autorisés – on ne sait trop sur quel fondement pour un certain nombre d’entre eux ! – à pratiquer des dépassements, alors que, en théorie, ils ne devraient pas le faire. Mais je ne lancerai pas ici le débat. Toujours est-il que nos concitoyens ne s’y retrouvent pas et ne sont pas en situation de le faire ! Cette incertitude, en elle-même facteur d’inflation tarifaire, est donc pénalisante pour la sécurité sociale.
Elle est néfaste pour notre système de santé dans son ensemble.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Bernard Cazeau. Je termine, monsieur le président.
Même si les dépassements d’honoraires ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale, ils provoquent, à l’évidence, un gonflement des tarifs, ce qui aura des conséquences désastreuses sur les mutuelles.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 143 est présenté par Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Le Menn, Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 297 est présenté par M. Autain, Mme David, M. Fischer, Mmes Pasquet, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l’amendement n° 143.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Cet amendement vise à supprimer l’article 29 du projet de loi au motif qu’il revient au médecin traitant de juger de l’état du patient et de décider si ce dernier peut sortir du régime des ALD.
La Haute Autorité de santé a proposé de ne pas renouveler l’ALD cancer au-delà de cinq ans pour les malades en rémission. L’article 29 s’inspire de cette proposition et prétend organiser la sortie de ces patients du dispositif ALD, tout en prévoyant que les actes médicaux et les examens biologiques nécessaires au suivi de l’affection continueront d’être pris en charge à 100 %. Mais peut-on réellement dire à un malade atteint du cancer qu’il est guéri ?
Les cas de récidives peuvent être fréquents et plus ou moins tardifs. À cet égard, je donnerai deux exemples.
Pour le cancer du poumon, le temps de survie est inférieur à cinq ans et le taux de guérison est faible.
M. Nicolas About. Cela dépend du type de cancer !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Le temps pendant lequel le patient peut rechuter est court et, s’il a survécu après cinq ans, il peut être considéré comme guéri.
Mais, pour le cancer du sein, le temps de guérison n’existe pas, et on ne peut jamais employer ce terme puisque les rechutes restent aussi importantes après trente ans qu’après quelques années ; il en est d’ailleurs de même pour le cancer de la prostate. La rémission n’est pas la guérison.
Dans votre logique, quel que soit le type de cancer, ces personnes sortent du dispositif de l’ALD.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Depuis plusieurs années, on nous explique que les affections de longue durée représentent les deux tiers des dépenses de l’assurance maladie et qu’elles sont majoritairement responsables de l’augmentation desdites dépenses.
Considérant la situation financière critique de notre protection sociale, le Gouvernement a évidemment la volonté de faire des économies, et ce au détriment du bien-être et de la santé du patient.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais non ! S’ils prennent des médicaments, ils sont pris en charge !
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Comme vous ne pouvez pas exclure certaines pathologies prises en charge dans le cadre des ALD, vous en revoyez les critères d’entrée et de sortie.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Comment pouvez-vous soutenir que la sortie de l’ALD doit relever du domaine législatif ? C’est au médecin d’apprécier ces critères et non pas à un décret de fixer qui doit rester ou sortir de ce dispositif !
Au-delà de l’arsenal de mesures économiques qui pèsent sur les malades, les seules d’ailleurs que vous nous présentiez pour remédier au déficit de la sécurité sociale, celle-ci est particulièrement entachée par votre manque d’humanisme.
Elle est dans la même lignée que les mesures que vous avez prises sur le déremboursement des médicaments, sur les franchises ou encore sur l’augmentation du forfait hospitalier.
Je vous le dis, madame la ministre, la santé n’est pas une marchandise ; elle ne doit pas être une variable d’ajustement vous permettant de compenser les difficultés auxquelles vous vous heurtez pour maîtriser les dépenses de la sécurité sociale. D’autres mesures existent, mais encore faudrait-il que vous vous attaquiez aux vraies niches sociales !