M. Alain Milon. Nous discutons depuis tout à l’heure de la protection sociale des Françaises et des Français.
À ce sujet, la seule question à laquelle nous devons répondre est la suivante : voulons-nous conserver, demain, la protection sociale d’aujourd’hui ?
Si la réponse est « oui », nous devons dire à nos concitoyens, comme je l’ai fait dans le cadre de la discussion générale, que, si la santé n’a pas de prix, elle a obligatoirement un coût.
L’adoption des amendements déposés par la commission des affaires sociales et la commission des finances visant à augmenter de 0,15 point la CRDS entraînerait une légère reprise de dette, mais n’apportait pas une solution au problème global du financement de la sécurité sociale.
La proposition de M. le ministre me paraît intéressante. Il s’agit en effet de mettre en place une commission chargée d’examiner le financement de l’ensemble des problèmes liés à la santé, à la vieillesse et à la famille.
Je souhaite donc que nous nous rangions derrière M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, afin de travailler réellement à la disparition des déficits conjoncturels et, surtout, structurels de la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Eric Woerth, ministre. Je me félicite de la qualité du débat que nous avons eu.
J’aimerais dire à M. Vasselle et à la commission des affaires sociales combien j’apprécie son geste. Je sais qu’il est difficile de retirer un amendement, surtout s’il s’agit d’un amendement de conviction comme le vôtre.
Mme Isabelle Debré. Oui, c’est difficile !
M. Eric Woerth, ministre. Mais je vous rassure sur les engagements du Gouvernement.
Cette commission nous appellera à travailler ensemble, c’est important et ce sera plus utile. Pour faire déboucher ce débat, nous devons trouver un consensus, compte tenu des montants engagés, des enjeux considérables et du sujet, qui préoccupe les Français. Cela ne peut se faire de manière fragmentée, nous devons avoir une vision globale et tenter d’apporter des solutions. C’est ce que nous ferons.
M. François Autain. Que n’y avez-vous pensé plus tôt !
M. Eric Woerth, ministre. Il n’est pas question d’enterrer ce problème. Une commission est un lieu de réunion et beaucoup de commissions ont permis de résoudre des problèmes.
D’ailleurs, pour l’instant je n’ai parlé que du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Gouvernement, je n’ai pas élargi sa composition ni sa durée dans le temps. Il ne s’agit pas non plus de botter en touche en inscrivant un ordre du jour peu précis, bien au contraire, nous prévoyons un ordre du jour, des modalités de travail et un calendrier précis.
D’ailleurs, pour m’assurer qu’il en sera ainsi, j’écrirai au Sénat pour préciser les conditions de fonctionnement telles que je les ai indiquées. Les choses seront ainsi posées clairement et simplement.
La meilleure façon de faire déboucher cette commission, c’est-à-dire de la rendre opérationnelle, c’est de lui donner un calendrier. Or nous avons un calendrier, c’est le PLFSS pour 2011, qui est un rendez-vous et une date buttoir.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je n’interviendrai pas sur le fond, puisque tout a été dit, mais sur la forme.
M. Jégou, en qualité de rapporteur pour avis, a confirmé la position de la commission des finances après s’être rapproché du président Jean Arthuis, qui a demandé, au nom de ladite commission, que l’amendement soit maintenu.
Je souhaiterais, mes chers collègues, que le président du Sénat, Gérard Larcher, et que nous tous, nous puissions tirer des enseignements de ce que nous aurons vécu pendant près de deux heures et demi pour l’examen de cet amendement.
Sur des sujets aussi sensibles, on ne peut pas laisser penser que certains ont la notion de rigueur budgétaire et que d’autres, à la première occasion, sont prêts à plier à la demande du Gouvernement. (M. François Autain rit.)
Le souci de la commission des finances est le même que celui de la commission des affaires sociales.
Sur un sujet comme celui-ci, il aurait été souhaitable que les deux commissions puissent se réunir et se positionner ensemble. Monsieur le ministre, il est regrettable que, au moment où nous débattons d’un texte important, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, la commission des finances travaille sur la loi de finances.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Oui, depuis ce matin, je ne peux plus être en commission des finances !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Lors de l’examen et du vote de la loi de finances, l’hémicycle sera quasiment plein ; mais lors du vote, samedi ou dimanche, du projet de loi de financement de la sécurité sociale – on a d’ailleurs refusé un amendement de M. About qui souhaitait la même solennité pour le vote du PLFSS que pour celui de la loi de finances –, les sénateurs présents dans l’hémicycle se compteront peut-être sur les doigts des deux mains !
M. Nicolas About. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cela vaut-il la peine de passer autant de temps sur un sujet aussi sensible, considérant que la dette de la sécurité sociale est aussi importante, si ce n’est plus, que la dette de l’État, et y apporter si peu de considération dans le mode de fonctionnement de notre Haute Assemblée !
Sur le fond, nous nous sommes tous positionnés et chacun va maintenant prendre ses responsabilités. Pour notre part, nous les avons prises : nous accordons crédit à la parole du ministre et, avec lui, nous avons la volonté, par une approche globale, d’apporter des solutions pour le PLFSS 2011.
Mais ne croyez pas qu’en 2011 ce sera moins douloureux qu’en 2010 : ce le sera autant !
M. François Autain. Ce sera pareil, on fera un aller-retour !
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 287 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 47.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 64 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l’adoption | 9 |
Contre | 310 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 70, présenté par Mmes Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mmes Demontès, Campion, Alquier, Printz, Chevé et Schillinger, MM. Le Menn, Jeannerot, Godefroy, S. Larcher et Gillot, Mmes San Vicente-Baudrin et Ghali, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat est abrogée.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Puisqu’il est de bon ton de se congratuler dans cet hémicycle, je félicite et remercie à mon tour Jacky Le Menn et Jean-Pierre Godefroy de nous avoir rappelé avec une colère bien compréhensible et avec talent que ce Gouvernement a finalement fait le choix de taxer les pauvres parce que, tout compte fait, ils sont beaucoup plus nombreux que les riches ! (Protestations sur les travées de l’UMP. –Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Et moi, ce que j’ai dit n’était pas bien ! (Sourires.)
Mme Raymonde Le Texier. L’amendement n° 70 propose l’abrogation de la loi instaurant le bouclier fiscal.
Le bouclier fiscal est une mesure coûteuse pour les finances publiques et un dispositif qui profite aux contribuables les plus riches.
Nous l’avions condamné en 2007, et nous continuons à le condamner, rejoints par quelques membres de la majorité, qui n’ont pas hésité à étaler leur esprit frondeur, ce qui semble particulièrement courageux par les temps qui courent.
Il n’y a pas qu’à gauche que le bouclier fiscal est aujourd’hui critiqué !
Injuste en 2007, il est aujourd’hui, en temps de crise et avec plus de 2,5 millions de chômeurs, injuste, indécent et insupportable !
Les familles modestes subissent de plein fouet la hausse du forfait hospitalier, le déremboursement des médicaments, les franchises, l’arsenal de mesures qui pénalisent les malades ; je vous renvoie à l’étude publiée aujourd’hui, qui fait apparaître une augmentation de plus de 50 % des dépenses de santé de nos concitoyens au cours de ces dernières années.
Pendant ce temps, vous continuez à donner aux plus riches, à ceux qui ont un gros patrimoine et qui utilisent à fond les niches fiscales, que vous leur avez apportées sur un plateau, pour minorer leurs impôts et profiter du bouclier fiscal !
M. François Autain. Bien sûr !
Mme Raymonde Le Texier. Vous restituez même un chèque de 286 000 euros aux contribuables détenteurs d’un patrimoine supérieur à 15,5 millions d’euros !
M. François Autain. C’est scandaleux !
Mme Raymonde Le Texier. C’est un scandale !
Vous fermez les yeux sur les dérives de ce système rempli de failles, qui ont conduit les bénéficiaires à l’utiliser jusqu’au bout, à en faire un amplificateur de défiscalisations et d’autres opérations d’optimisation fiscale !
À l’image de ce qui se produisit lors du naufrage du Titanic, quand le bateau de la crise coule, seuls les plus riches bénéficient de canots de sauvetage !
À l’heure où s’annonce en France un débat sur l’identité nationale, à l’heure où nous pourrions mettre en avant notre modèle social, avec ses fondements et ses valeurs, sommes-nous encore dans la continuité et dans la volonté des pères fondateurs de la sécurité sociale ?
Est-ce ce visage de la France que nous voulons donner : une France inégalitaire, une France qui accentue la fracture sociale, une France qui creuse les inégalités face à la santé, une France qui ne protège plus et qui génère l’angoisse ?
Monsieur le ministre, trouvez-vous normal que les boucliers ne protègent plus que ceux qui n’en ont pas besoin, ceux qui sont à l’abri du besoin ?
La France UMP, s’accroche à cette mesure mais il n’est jamais trop tard pour bien faire !
Ne soyez plus sourds et aveugles ! La suppression du bouclier fiscal permettrait de dégager 8 milliards d’euros par an et de mener une vraie politique pour améliorer le quotidien des Français et sortir la France de la crise !
Mme la présidente. Veuillez conclure, chère collègue.
Mme Raymonde Le Texier. Madame la présidente, s’il vous plaît, je demande votre indulgence pour une minute.
Ne soyez pas sourds et aveugles au moment où notre pays ne va pas bien ! Ayez le courage de trouver les mesures qui permettent aux plus modestes d’entre nous de retrouver un peu d’espoir et une protection sociale qui les rassure !
Ne soyez pas sourds, aveugles et obsédés ! La volonté de revenir sur ce marqueur de la politique du quinquennat n’est pas une obsession de la gauche. Sur les rangs de l’Assemblée nationale, comme sur ceux du Sénat, des voix commencent à se faire entendre qui sont hostiles à ce privilège.
Ne soyez pas sourds, aveugles et injustes : à l’heure où nous voulons porter très haut notre identité nationale, continuons à porter très haut notre protection sociale, ne revenons pas sur nos valeurs, qui contribuent à son image, à sa force, à sa cohésion, à son identité.
Mes chers collègues, je vous incite vivement à voter notre amendement pour supprimer ce bouclier fiscal qui nous déshonore ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement témoigne de l’obsession du groupe socialiste pour le bouclier fiscal.
Mme Raymonde Le Texier. Et ce n’est pas fini !
M. François Autain. Parlez pour vous, monsieur Vasselle : à obsédé, obsédé et demi !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La solution proposée ici est pour le moins radicale : il s’agit de supprimer purement et simplement la loi TEPA,…
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … c’est-à-dire le bouclier fiscal, mais également toutes les mesures d’accompagnement qui lui sont liées, notamment les allégements de charges sociales sur les heures supplémentaires. M. le ministre pourra en parler, ces derniers ont pourtant donné des résultats et représenté un vrai plus pour nos entreprises.
Mme Raymonde Le Texier. Et pour les salariés ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous ne sommes pas favorables à une solution si radicale. Madame Le Texier, puisque c’est le bouclier fiscal que vous visez en réalité, faites donc preuve de discernement !
Il vous a été dit tout à l’heure qu’aucune solution ne serait exclue de l’analyse globale qui sera faite par la future commission de la dette sociale.
Mme Gisèle Printz. C’est ce qu’on verra !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Point n’est besoin de tomber dans l’excès. Quelqu’un n’a-t-il pas dit que tout ce qui est excessif est insignifiant ?
Mme Raymonde Le Texier. Sur cette question, je suis excessive, et je l’assume !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il serait donc préférable, ma chère collègue, que vous retiriez votre amendement, en attendant de connaître le résultat des travaux de la commission à laquelle M. le ministre nous invite à participer.
Mme Raymonde Le Texier. Commission à laquelle vous êtes les seuls à croire !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Madame la sénatrice, nous nous sommes déjà exprimés à maintes reprises sur ce sujet. Le bouclier fiscal ne déshonore personne, bien au contraire. Il est destiné à prendre en compte une situation très simple : le niveau de fiscalité en France est tel qu’il est apparu nécessaire de le plafonner, ce qui va d’ailleurs de soi. Il n’y aurait pas lieu de prévoir une telle mesure si notre pays n’était pas l’un des plus taxés au monde.
Qui peut dire que les contribuables payant 50 % de leurs revenus en impôts ou en charges sociales manquent à leur devoir de solidarité nationale ? Personne, bien évidemment ! D’autant que, ne l’oublions pas, ces personnes ont fait le choix de rester en France, quand d’autres ont préféré partir.
Très honnêtement, je ne pense pas que l’on puisse aborder le sujet sous cet angle.
Cela étant, M. le rapporteur général l’a rappelé, votre amendement va plus loin, puisqu’il vise à supprimer l’ensemble de la loi TEPA, notamment le mécanisme d’exonération des heures supplémentaires. Faut-il le rappeler, au deuxième trimestre 2009, 165 millions d’heures supplémentaires ont été effectuées.
M. François Autain. Et le chômage augmente !
M. Éric Woerth, ministre. C’est également dans la loi TEPA qu’a été introduite la quasi-suppression – à 95 % – des droits de succession. Aujourd’hui, seules les très grosses successions sont toujours taxées. Sur toutes les successions moyennes, les bénéficiaires ne payent plus rien. C’est, à mon sens, une avancée somme toute normale, mais tout à fait considérable et qui s’avère équitable.
Par conséquent, le Gouvernement ne peut bien évidemment que s’opposer à votre amendement.
Demande de priorité
M. Éric Woerth, ministre. Madame la présidente, le Gouvernement souhaite que l’article 13 bis, qui est lui aussi relatif au droit de consommation sur les tabacs, soit également appelé en priorité.
M. François Autain. Cela change sans arrêt !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission n’y voit pas d’objection.
Mme la présidente. La priorité est ordonnée.
Articles additionnels après l’article 9 (priorité) (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l’amendement n° 70.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, nous n’avons aucune obsession ! Si nous sommes contraints de déposer ce type d’amendement, c’est parce que vous ne voulez jamais nous entendre et accepter ne serait-ce qu’une simple dérogation.
Je réitère ma question : combien l’État a-t-il exactement reversé aux bénéficiaires du bouclier fiscal, aux plus riches de notre pays ?
M. Jacky Le Menn. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je ne sais pas !
M. Jean-Pierre Godefroy. Moi non plus, mais M. le ministre pourra peut-être nous le dire.
Chacun s’en souvient, nous avions prôné la transparence sur ce sujet, en demandant que nous soient communiqués les montants moyens ainsi rendus, s’agissant notamment des restitutions les plus importantes. Nous attendons toujours ! Vous le comprendrez, nous sommes donc dans l’obligation de poursuivre notre effort.
De plus, vous prétendez ne pas pouvoir revenir sur le bouclier fiscal, alors que, je l’ai dit tout à l’heure, vous faites marche arrière sur tout le reste, y compris quand vous avez pris des engagements ! Pourquoi vouloir à ce point favoriser tous ces « super-privilégiés » qui bénéficient du bouclier fiscal ? C’est incompréhensible ! À moins que, comme nous avons cru le comprendre, l’ordre ne soit venu d’en haut... Si tel est le cas, monsieur le ministre, vous pourrez créer toutes les commissions que vous voudrez, rien ne changera !
Il y a déjà des structures qui travaillent sur le sujet, et très bien même. C’est notamment le cas, au Sénat, de la MECSS, la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, à laquelle nous sommes nombreux à participer. Apparemment, il n’est tenu aucun compte de ses remarques.
M. Jean-Pierre Godefroy. L’annonce de la mise en place d’une commission de la dette sociale avait un double objectif inavoué : permettre à M. Vasselle de retirer élégamment son amendement aujourd’hui et gagner du temps pour la suite. Je vous l’ai dit, monsieur le ministre, vous êtes en train de dévisser : plus vous perdez de temps, plus dure sera la chute.
Il est tout de même paradoxal que vous défendiez un bouclier pour les plus riches, mais pas pour les plus pauvres. Ces derniers n’en auraient-ils donc pas besoin ?
Vous continuez à taxer ceux qui, même en se décarcassant tous les jours au travail, ont du mal à boucler leurs fins de mois. Il n’est qu’à voir l'augmentation de un euro proposée par M. Jégou. Je suis curieux de voir comment, tout au long de l’examen du PLFSS, vous allez traiter les plus fragiles, les plus modestes, les plus pauvres de nos concitoyens !
Je ne dis pas que les bénéficiaires du bouclier fiscal ne payent pas des impôts ; je dis simplement que, compte tenu du niveau du déficit de la sécurité sociale, ils pourraient participer davantage. Pourquoi ne feraient-ils pas le même effort que celui que vous demandez aux plus démunis ?
Vous ne voulez pas l’entendre, mais rien ne pourra se passer si nos concitoyens ont le sentiment que tout le monde n’est pas traité de la même façon.
M. François Autain. Exactement !
M. Jean-Pierre Godefroy. Dès l’instant où il y a de l’injustice,…
M. Jean-Pierre Godefroy. … on rompt le pacte républicain. Il suffit d’écouter ce que les gens disent. Je suppose que, vous aussi, vous les entendez, ou alors c’est qu’ils n’osent pas vous parler !
M. Alain Gournac. M. le ministre est aussi maire !
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous ne pouvez donc pas ignorer la situation ! Je ne comprends pas votre refus obstiné de revenir sur le bouclier fiscal, même par petites touches. Les amendements présentés tout à l’heure n’avaient pas d’autre but : nous ne vous demandons pas de casser la baraque, seulement d’accepter une contribution supplémentaire qui n’aurait pas chamboulé le dispositif.
C’est bien votre refus obstiné qui nous oblige à défendre une mesure plus radicale pour poser le problème devant l’opinion publique ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous voterons cet amendement puisque nous avions également combattu la loi dite TEPA lors de son examen. Monsieur le rapporteur général, vous souteniez tout à l’heure qu’elle avait eu des effets positifs, notamment sur les heures supplémentaires. Monsieur le ministre, vous avez renchéri sur ces propos, en indiquant que 165 millions d’heures supplémentaires avaient été effectuées au deuxième trimestre.
Mais, en pratique, qu’est-ce que cela représente pour les salariés ? Combien ont-ils touché en plus ? Je rappelle que l’un des objectifs affichés dans la loi était, précisément, l'augmentation du pouvoir d’achat.
Il serait pour le moins instructif de mettre cette somme en balance avec celle qui a été rendue, notre collègue Jean-Pierre Godefroy l’a évoquée tout à l’heure, aux bénéficiaires du bouclier fiscal, c’est-à-dire aux plus riches. Cette dernière, ô surprise, n’a jamais été portée à notre connaissance !
Au demeurant, une autre question se pose : pourquoi les salariés sont-ils obligés de faire des heures supplémentaires ? Si celui qui travaille déjà 35 ou 40 heures accepte de travailler plus, ce n’est pas de gaieté de cœur, c’est parce qu’il y est contraint par la politique salariale menée dans son entreprise ! Je l’ai dit, nombre d’employeurs privilégient une politique de bas salaires pour pouvoir continuer à bénéficier des allégements de cotisations sociales y afférents, ce qui, soit dit en passant, contribue à creuser le fameux trou de la sécurité sociale.
M. François Autain. Voilà !
Mme Annie David. Plus globalement, monsieur le ministre, quel effet la loi TEPA a-t-elle eu sur l’emploi ? Vous nous parlez des heures supplémentaires, mais combien d’intérimaires ont-ils perdu leur emploi depuis le vote du texte en août 2007 ? Curieuse coïncidence, cela fait maintenant deux années de suite que le chômage ne cesse d’augmenter et la masse salariale de diminuer. C’est d’ailleurs l’une des causes de la baisse des recettes de notre système de protection sociale.
Cette fameuse loi TEPA, hormis le fait qu’elle a pu permettre aux contribuables bénéficiant du bouclier fiscal, autrement dit d’une nouvelle niche, de récupérer encore un peu plus d’argent, n’a eu aucun effet positif pour l’ensemble de nos concitoyennes et de nos concitoyens, notamment pour les plus démunis. Nous voterons donc cet amendement qui vise à le supprimer ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je soutiens évidemment avec détermination et conviction l’amendement présenté par Mme Le Texier.
Non, monsieur le ministre, le bouclier fiscal ne peut pas être une question de « tout ou rien ». À cet égard, je voudrais citer les chiffres suivants, qui émanent du Syndicat national unifié des impôts : « 18 893 restitutions ont été effectuées en 2008 pour un montant global de 578 millions d’euros, soit 30 593 euros en moyenne par bouclier. Parmi ces restitutions, 1 000 concernent des contribuables […] qui ont reçu chacun en moyenne 337 241 euros (+ 84 % par rapport à 2007). Mieux encore, le montant moyen des 100 plus gros remboursements […] est de 1,154 million d’euros (+ 89 % par rapport à 2007) et le montant moyen des 10 plus gros remboursements est de 5,97 millions d’euros (+ 270 % par rapport à 2007). »
Qui, dans cet hémicycle, pourrait défendre une seule seconde et en toute sincérité que l’extension de la CRDS au-delà du bouclier fiscal serait susceptible de mettre ces quelques milliers de familles en difficulté ? Qui pourrait prétendre que la suppression de ce dispositif contribuerait à l’exode des contribuables les plus riches ? Autant que je sache, l’existence du bouclier fiscal n’a jamais empêché une grande vedette de la chanson française de rester bien à l’abri dans sa Suisse d’adoption, ni d’autres fortunes de la grande distribution de préférer vivre et payer leurs impôts à Bruxelles !
Ce débat n’est pas sans en rappeler un autre, de même nature : lors de l’instauration du RSA, le Gouvernement s’est montré tout aussi obstiné et buté pour refuser que la participation qui était demandée à l’ensemble des Français puisse également concerner les plus riches.
Mes chers collègues, il est insupportable que notre pays soit gouverné par des principes qui sont ceux du Fouquet’s et de Neuilly ! (Exclamations prolongées sur les travées de l’UMP.)
M. François Autain. Très bien !
M. Christian Cointat. Arrêtez !
M. Alain Gournac. C’est ridicule !
M. Yves Daudigny. Il y va de la crédibilité de notre contrat social, qui est l’un des fondements de notre République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 70.
Je suis saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°65:
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 166 |
Pour l’adoption | 151 |
Contre | 179 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. François Autain. C’est un bon score !
M. Guy Fischer. La majorité est pour bientôt !