compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Romani
vice-président
Secrétaires :
M. Alain Dufaut,
M. Jean-Pierre Godefroy.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Anniversaire de la chute du mur de Berlin
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose d’observer une minute de silence pour nous recueillir en ce vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin, qui a permis aux peuples séparés de se rassembler et nous a aidés à construire l’Union européenne. À cette occasion, nous aurons également une pensée pour le général de Gaulle.
M. le président. C’est une excellente initiative ! (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)
3
Entreprise publique La Poste et activités postales
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée) (projet n° 599 rectifié, 2008-2009 ; texte de la commission n° 51 ; rapport n° 50).
Dans la discussion des articles, le Sénat va poursuivre l’examen de l’article 13.
Article 13 (suite)
L’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « conditionnement », sont insérés les mots : «, y compris sous forme de coordonnées géographiques codées » ;
2° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les prix sont orientés sur les coûts et incitent à une prestation efficace, tout en tenant compte des caractéristiques des marchés sur lesquels ils s'appliquent. » ;
3° Au début du cinquième alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le service universel postal » ;
4° Après le cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les services d’envois postaux à l’unité fournis par le prestataire du service universel postal sont proposés au même tarif sur l’ensemble du territoire métropolitain. Le tarif appliqué aux envois de correspondance en provenance et à destination des départements d’outre-mer, de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, des îles Wallis et Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises est celui en vigueur sur le territoire métropolitain lorsque ces envois relèvent de la première tranche de poids. Il en va de même des envois de correspondance relevant de la première tranche de poids en provenance du territoire métropolitain ou des collectivités précédemment mentionnées et à destination de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie. » ;
5° Le dernier alinéa est supprimé.
M. le président. Sur cet article, tous les amendements ont été présentés par leurs auteurs ; la commission et le Gouvernement ont donné leur avis. Nous allons donc poursuivre les mises aux voix.
La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote sur l'amendement n° 327.
M. Jacques Blanc. Avec cet amendement, comme avec celui que le Sénat a rejeté hier concernant les zones de montagne, il me semble que nos collègues jouent un jeu très dangereux.
Dire que les zones à handicaps naturels pourraient soulever des problèmes particuliers, alors même que l’on veut affirmer le principe du prix unique du timbre, c’est ouvrir une brèche qui risque d’être exploitée par la suite et aller dans le sens inverse de l’objectif visé. Je demande donc instamment aux auteurs de ces amendements de les retirer.
M. Roland Courteau. On l’a expliqué !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.
M. Michel Teston. Je ne sais pas si notre collègue Jacques Blanc a entendu Marc Daunis expliquer hier les raisons pour lesquelles nous avons déposé ces amendements. Je n’y reviens pas, mais j’interviendrai à ce sujet lors d’une explication de vote sur l’article 13.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Je ne reviendrai pas sur les propos que j’ai tenus hier soir pour ne pas allonger inutilement les débats.
En revanche, je poserai une question : L’article 13 affirmant la nécessité de fixer le prix unique du timbre, quel est l’intérêt d’ajouter qu’il devra être « orienté sur les coûts » ?
Monsieur Jacques Blanc, il y a une contradiction de fond entre, d’une part, votre volonté affichée de prendre en compte les spécificités des territoires, ce qui nécessitera des investissements coûteux, et, d’autre part, un prix unique.
Vous ouvrez ainsi la porte à un décalage grandissant dans les zones concernées, risquant en outre de mettre en porte à faux l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.
Nos amendements d’appel présentent l’intérêt de garantir le prix unique, d’assurer une politique équilibrée d’aménagement du territoire et d’éviter des augmentations vertigineuses du prix, fût-il unique, du timbre, comme on en a connues en d’autres lieux, et qui pénaliseraient le développement économique de nos territoires.
Tel est le sens de nos amendements qui s’inscrivent dans une logique que nous devrions tous partager afin d’assurer la cohérence du dispositif.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l’amendement n° 96.
M. Michel Teston. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 7, qui traite du prix unique du timbre. Nous ne le soutiendrons pas.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud, pour explication de vote sur l'amendement n° 193.
M. Adrien Giraud. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir pensé à notre petite île, qui se trouve à 12 000 kilomètres de Paris et de lui avoir donné la possibilité de bénéficier des mêmes règles postales que la métropole.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l'article.
M. Michel Teston. Avec cet article, le Gouvernement et le rapporteur soufflent le chaud et le froid.
Nous sommes totalement d’accord avec l’alinéa 7, qui maintient un élément essentiel de péréquation : le prix unique du timbre. En conséquence, nous sommes favorables à cet alinéa.
En revanche, l’alinéa 4, reprenant un certain nombre d’aspects et de considérants de la directive postale, vise à orienter les prix sur les coûts.
Cela nous paraît contraire à la logique d’un prix abordable qui prévaut en France depuis les lois de 1990 et 2005.
Il y a donc une contradiction dans cet article à deux faces.
Puisque nous sommes éminemment favorables au maintien du prix unique du timbre, mais défavorables à l’orientation des prix sur les coûts, nous nous abstiendrons sur cet article.
Je le répète à l’intention de Jacques Blanc, hier soir avant la suspension de séance et ce matin, Marc Daunis a expliqué les raisons pour lesquelles nous ne sommes pas d’accord avec l’alinéa 4 de cet article.
En conséquence, les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, s’abstiendront de voter cet article.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Je fais mienne l’argumentation de Michel Teston.
Dans le code des postes et des communications électroniques, il est question d’ « efficacité économique et sociale », c’est très clair.
En revanche, quand on écrit : « les prix sont orientés sur les coûts », « incitent à », « tout en tenant compte de », on est en présence d’un texte ambiguë, interprétable ad libitum, qui peut être considéré comme un exemple de cette législation gazeuse, peu formelle et très bavarde dont nous encombrons le travail parlementaire.
De deux choses l’une, soit l’alinéa 4 a un sens, il fait passer le message – c’est désormais non plus d’efficacité économique et sociale, mais d’efficacité économique seule qu’il s’agira – soit c’est une phrase pour rien, une phrase en trop, à interprétations multiples, visant à faire croire qu’on a fait alors qu’on n’a rien fait !
Cette phrase n’a aucun intérêt. Il convient de la retirer.
Je le confirme, il est hors de question pour nous de voter un alinéa qui n’apporte rien et suscite beaucoup de questions.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Cet article 13, au-delà des apparences de la préservation des caractères du service universel – qui n’a d’universel que le nom –, consacre en réalité la disparition du secteur réservé et l’ouverture de la guerre des tarifs.
Les prix vont s’orienter sur les coûts, précise l’article. En conséquence, le dumping social, déjà à l’œuvre dans le domaine postal – où l’ARCEP n’est même pas en mesure de poursuivre les opérateurs manifestement dans l’illégalité comme Alternative Post – aura demain sa traduction dans le cadre de la guerre des tarifs, avec tout ce que cela implique.
Le maintien de la rentabilité des opérateurs de courrier, motivé par le prix du timbre, se paiera par conséquent soit par un relèvement régulier du prix des prestations, soit par une dégradation du service rendu.
En outre, comment ne pas pointer qu’il est de plus en plus envisagé que les prestations postales, dans un marché qui sera totalement ouvert en 2011, soient demain soumises à la TVA ?
Cela permettra évidemment une hausse des tarifs d’environ 70 centimes d’euro et la possibilité pour les clients professionnels de récupérer cette TVA sur leurs dépenses de courrier.
Nous refusons tout cela. C’est pourquoi nous rejetons cet article 13 dans sa globalité.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. L’article 13 est d’importance, les nombreux amendements que nous venons d’examiner le prouvent.
Après les explications tant de M. le rapporteur et de M. le ministre, que de nos collègues à propos des zones de revitalisation rurale et des zones de montagne, nous pensons que cet article assure le tarif unique dans l’équité.
Par ailleurs, l’amendement déposé par M. Detcheverry représente une avancée significative, comme l’a indiqué très justement M. Giraud.
En conséquence, notre groupe votera cet article 13.
M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.
Mme Françoise Laborde. Abstention !
(L'article 13 est adopté.)
Article additionnel après l'article 13
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par M. Danglot, Mme Didier, M. Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Le maintien d'une réelle péréquation tarifaire qui assure l'égalité d'accès de tous les usagers quels que soient leurs moyens et leur situation sur le territoire national, est organisé par le présent code. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Le problème de la péréquation tarifaire se pose avec acuité, dès lors que le secteur réservé devrait être supprimé à partir du 1er janvier 2011 en raison de l’ouverture totale du marché postal à la concurrence.
La mention du secteur réservé disparaissant ainsi de l’article L. 1 du code des postes et communications électroniques, le Gouvernement était malgré tout tenu, dans son projet de loi, de conserver le principe de cette péréquation, qui est l’un des fondements du service public postal.
Pour cette raison, il en réintroduit la notion en insérant un nouvel alinéa dans cet article du code des postes et communications électroniques. Je dis bien la notion, car il est écrit dans le texte : « Les services d’envois postaux à l’unité fournis par le prestataire du service universel postal sont proposés au même tarif sur l’ensemble du territoire métropolitain. »
Il en étend par ailleurs le champ aux départements et collectivités territoriales d’outre-mer.
C’est une définition en creux de la péréquation.
On suppose que le seul moyen de pouvoir assurer le prix unique du timbre repose sur un système de péréquation tarifaire, c’est-à-dire de compensation et de transferts pour atténuer les coûts.
Ce système est constitutif de l’identité du service public et a fait ses preuves dans d’autres domaines.
Tout le monde a bien sûr en tête l’exemple d’EDF qui a longtemps permis d’avoir accès à l’énergie électrique au même prix, que l’on habite en ville ou dans un village reculé.
La péréquation tarifaire est ainsi une condition indispensable pour garantir l’accessibilité des services postaux au plus grand nombre d’utilisateurs, de manière équitable et à des prix les plus bas possible.
Évoquer ce principe ne suffit pas. Il est nécessaire que les termes figurent en toutes lettres dans cet article du code des postes et communications électroniques.
C’est le sens de notre amendement proposant d’insérer un article additionnel audit code.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Cet amendement est dans la même logique que les précédents.
Purement déclaratoire, il est largement satisfait par le code des postes et communications électroniques, qui, dans ses parties législatives et réglementaires, notamment à travers un fonds de compensation du service universel, prévoit et organise une réelle péréquation tarifaire.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 14
Les quatre premiers alinéas de l’article L. 2 du même code sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« La Poste est le prestataire du service universel postal pour une durée de quinze ans. Tous les trois ans, le Gouvernement, après avis de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques et de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, informe le Parlement des conditions d’exécution par La Poste de sa mission de service universel postal.
« En sus des obligations résultant de l’autorisation prévue à l’article L. 3, le prestataire du service universel postal est soumis, au titre des prestations relevant de ce service, à des obligations particulières en matière de qualité et d’accessibilité du service, de traitement des réclamations des utilisateurs et, pour des prestations déterminées, de dédommagement en cas de non respect des engagements de qualité de service. Il est également soumis à des obligations comptables et d’information spécifiques permettant d’assurer le contrôle du respect de ses obligations. À cette fin, il fournit à l’Autorité de régulation des postes et des communications électroniques, à sa demande, les informations détaillées qui lui sont nécessaires. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, sur l'article.
M. Jean-Claude Danglot. Cet article tire les conséquences des obligations posées par la directive communautaire de 2008, qui, dans une logique inébranlable, dispose que « la désignation du prestataire de service universel fait l’objet d’un réexamen périodique ».
Cette injonction doit se comprendre ici comme une obligation pour la puissance publique de contrôler la bonne exécution par le prestataire désigné de cette mission.
Le cas échéant, la périodicité de ce réexamen devrait permettre de changer de prestataire. Dans cette logique, cela se comprend.
Avant toute chose, replaçons cet article dans le contexte national.
L’État français disposait d’un formidable outil de contrôle des missions confiées à La Poste au titre du service universel. Cet outil, c’est évidemment le statut confié à La Poste, statut d’établissement public à caractère industriel et commercial ou EPIC.
Ce statut permet au ministre en charge des postes de disposer de leviers suffisants afin d’assurer que le service universel est rendu dans des conditions satisfaisantes, voire de modifier le cahier des charges de La Poste.
Pour atteindre ces objectifs de performance du service rendu, nous considérons qu’il est plus facile de conserver le statut actuel d’EPIC que d’instaurer une périodicité de la délégation du service universel.
Cette périodicité est également assortie d’une obligation faite au Gouvernement d’informer le Parlement des conditions d’exécution par La Poste de sa mission du service universel postal.
Or, nous le savons avant même d’examiner ces rapports, les conditions seront particulièrement difficiles pour La Poste.
Le monopole postal était nécessaire pour le financement des obligations de service public et pour la préservation de la péréquation tarifaire.
La fin du monopole postal constitue aussi la fin du service public postal et a fortiori la fin du service universel postal. La mise en place d’un fonds de compensation, préconisée par la Commission européenne, ne permettra pas de résoudre ce problème de manière positive. Nous y reviendrons.
À quoi sert un tel fonds dit de compensation ?
Il sert à compenser, pour l’opérateur historique, les pertes résultant de la captation par les opérateurs privés des créneaux rentables de l’activité du secteur, autrement dit à compenser l’écrémage auquel ne manqueront pas de se livrer les opérateurs privés en s’installant sur des niches particulièrement rentables.
Rien ne contraint l’opérateur privé à respecter l’obligation de desservir l’ensemble du territoire. Il reviendra donc à La Poste d’assumer seule les obligations de service public, sans aucune garantie de ressources pérennes.
Bref, nous en revenons toujours au même point : la question du service public, plus spécifiquement du service universel et de sa qualité est intimement liée à la question des financements dont le prestataire dispose pour remplir ses missions.
Vous continuez pourtant de faire comme si tout cela n’existait pas.
Certes, la commission a apporté deux précisions importantes. D'une part, elle a maintenu la compétence du ministre en charge des postes pour élaborer ou modifier les conditions d’exercice des missions de service public de La Poste, comprenant le régime applicable à la presse. D'autre part, elle a restreint le champ de compétences ouvert à l’ARCEP par cet article.
Pour autant, ces interventions positives ne changent rien à la philosophie générale : le service universel postal est clairement un service public au rabais puisqu’il ne correspond qu’à l’une des quatre missions de service public auxquelles est assujettie La Poste.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est, pour nous, une question fondamentale.
Au niveau européen et, donc, progressivement au sein des États membres, les services publics à caractère industriel et commercial sont progressivement détachés de la notion même de service public. Par ce processus, cette dernière perd progressivement de sa consistance au fur et à mesure de la réalisation d’un grand marché unique européen, où toute entrave à la libre circulation des biens, des hommes et des services est bannie, dans la droite ligne de l’Accord général sur le commerce des services.
Une telle dilution s’opère au profit de la notion de service universel, qui représente un véritable socle commun a minima pour l’ensemble de l’Union européenne, une limite au-dessous de laquelle on reconnaît qu’il ne faudrait pas descendre.
Autrement dit, pour les pays les plus développés, il s’agit d’une harmonisation par le bas des normes et de la réglementation sociale ; pour les pays les moins avancés, le gain est bien faible sur le plan social.
La notion de service universel est très réductrice et ne permet pas de répondre de façon satisfaisante aux besoins des populations et aux exigences de la modernité.
Il est en ce sens vital, pour les sénateurs du groupe CRC-SPG, de combattre l’orientation prise actuellement par la construction européenne, que le Gouvernement et sa majorité appliquent avec zèle. Il importe de maintenir un monopole postal suffisant pour garantir le financement pérenne du service public.
M. le président. La parole est à M. Michel Teston, sur l’article.
M. Michel Teston. Cœur de la transposition de la directive 2008/6/CE, l'article 14 met fin au monopole résiduel des postes nationales pour la levée, le tri et la distribution des plis de moins de 50 grammes. Il modifie dans sa quasi-totalité l’article L. 2 du code des postes et des communications électroniques et supprime, en conséquence, les dispositions relatives au secteur réservé.
Certes, La Poste est encore désignée dans le projet de loi comme le prestataire du service universel postal, mais pour une durée de quinze ans, avec une évaluation prévue tous les trois ans.
La suppression du secteur réservé est imposée par la nouvelle rédaction de l'article 4 proposée par la directive, qui laisse aux États membres le soin de déterminer la durée de la mission confiée au prestataire du service universel. En décidant de fixer cette dernière à quinze ans, le Gouvernement a sans doute jugé qu’il s’agissait d’une période suffisamment longue pour assurer la rentabilité des investissements consentis par le prestataire du service universel postal.
Or, aux termes de l'article L. 5-1 du code des postes et des communications électroniques, l’autorisation délivrée par l’ARCEP à tout prestataire a une durée de validité de dix ans. Il y a donc un évident problème de cohérence.
En outre, le caractère « éphémère » du prestataire du service universel constitue, de manière générale, une menace pour les investissements postaux. Il faut le rappeler, la directive ne prévoit aucune durée limite, mais précise simplement que celle-ci doit être « suffisante pour permettre la rentabilité des investissements ». Dès lors que La Poste aura réussi ses objectifs en la matière, elle pourra donc se voir écartée au profit d’un autre prestataire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, est-ce là le modèle que l'Union européenne souhaite donner ?
Dans sa seconde partie, l’article 14 du projet de loi reprend quasiment mot pour mot les dispositions déjà introduites par la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales, décrivant les obligations particulières auxquelles le prestataire du service universel postal est soumis, en plus de celles qui sont prévues par l’autorisation nécessaire à tout prestataire de services postaux.
Lors de l’examen de cette loi, nous avions déjà souligné combien ces obligations se limitaient au strict minimum et dénotaient une transposition purement libérale de la directive, plus encline à favoriser l’entrée de nouveaux acteurs qu’à défendre le service public.
Pourtant, la directive de 2008 n’interdit pas d’ajouter des obligations supplémentaires pour permettre, par exemple, selon les termes de l’article 5 de la directive de 1997 qu’elle tend à modifier, « d’offrir aux utilisateurs se trouvant dans des conditions comparables un service identique ». Seraient ainsi sauvegardées les exigences essentielles du service public, notamment la garantie d’une présence postale territoriale pérenne, équilibrée et adaptée aux besoins des usagers.
Dans la motion qu’elle a adoptée le 25 octobre dernier au cours de son assemblée générale, l’Association des maires ruraux de France, l’AMRF, demande en particulier que la mission d’aménagement du territoire confiée au prestataire du service universel postal fasse l’objet de « véritables garanties législatives ».
Mes chers collègues, plusieurs de nos amendements vont dans ce sens. Si vous les acceptez, nous pourrons non seulement répondre favorablement au souhait exprimé par l’AMRF, mais aussi rendre la transposition de la troisième directive postale un peu moins libérale.
Enfin, comme je l’ai déjà indiqué lors de la discussion de l’article 13, bien qu’il s’agisse de la transposition d’une directive, les sénateurs socialistes sont fermement opposés à la suppression du secteur réservé qui en est le corollaire. En effet, ce secteur assure aujourd’hui une part non négligeable du financement du service universel postal, ce qui ne sera plus le cas à l’avenir.
Nous le savons, de nombreux États membres de l'Union européenne souhaitent désormais le maintien du monopole résiduel des postes nationales pour la levée, le tri et la distribution des plis de moins de 50 grammes.
Ainsi, alors que le Gouvernement nous propose un modèle fondé sur un financement du service universel postal externe à La Poste, dont on sait déjà que le niveau sera contesté et le montant, à terme, insuffisant, peut-on nous reprocher de souhaiter conserver un modèle économique garantissant le financement endogène, par le prestataire, des obligations du service universel postal ?
Nous reviendrons, bien sûr, sur ces points lors de l'examen des amendements.