M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sûrement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Deux points en particulier me paraissent devoir faire l’objet d’un examen attentif au cours des prochains mois : la préservation d’un certain degré d’autonomie de décision pour chaque catégorie de collectivités et la recherche de mécanismes de péréquation plus efficaces.
Ces deux objectifs peuvent paraître contradictoires. Incontestablement, leur conciliation passe par des réglages subtils et difficiles à réaliser. La réforme en cours nous offre, de ce point de vue, une occasion que nous devons saisir.
En ce qui concerne l’autonomie de gestion, il va de soi que les élus locaux ne pourront se satisfaire d’une disparition ou d’une forte diminution de leur pouvoir fiscal. Il sera donc indispensable de restituer une part des impôts versés par les ménages aux régions et aux départements. La commission des finances de l’Assemblée nationale a formulé des propositions en ce sens, et cette démarche me paraît bienvenue, même si elle mérite d’être approfondie.
Pour ce qui est de l’objectif de péréquation, la définition d’un taux national de cotisation complémentaire correspondant à une fraction variable de la valeur ajoutée en fonction du chiffre d’affaires est un instrument que j’approuve sans réserve, monsieur le ministre, à la condition que la répartition de la ressource entre les collectivités locales soit mise en œuvre sur la base de critères pondérés, comme vous le préconisez, et non en fonction de la valeur ajoutée produite dans chaque collectivité. En effet, ce dernier mode de calcul avantagerait les territoires les plus riches.
Si, au surplus, le chiffre d’affaires à partir duquel s’appliquerait l’imposition, c'est-à-dire 500 000 euros, devait être confirmé, je vous laisse imaginer les effets d’une telle mesure ! Les régions où les PME sont nombreuses et ont un chiffre d’affaires inférieur à ce seuil passeraient totalement à côté de la répartition et de la territorialisation envisagées.
Ce mécanisme jouerait au profit des régions Île-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur, mais au détriment de nombreux autres territoires, et il faudrait alors imaginer des écrêtements et je ne sais quels mécanismes de péréquation…
Très franchement, monsieur le ministre, un prélèvement national réparti sur la base de critères objectifs autres que le potentiel financier – la population et le nombre de salariés – constituerait à mon avis un bon mécanisme de péréquation.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour conclure, je ne puis que le répéter : la période qui s’est ouverte cette année avec l’annonce de la suppression de la taxe professionnelle est cruciale. Les solutions que nous mettrons en place dessineront pour les décennies à venir le paysage des finances locales, et, au-delà, des finances publiques, qui doivent s’adapter.
Mes chers collègues, les responsabilités qui nous incombent en ces circonstances militent pour que nous ne cédions pas à la précipitation et que nous nous en tenions à la feuille de route que je vous propose.
Cette réforme est majeure. De grâce, évitons de donner l’impression que tout bouge pour que rien ne change. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur les prélèvements obligatoires apparaît trop souvent comme une discussion de techniciens et de spécialistes.
Or il s'agit d’un débat de société, qui porte sur les choix collectifs, parce qu’un système de prélèvements obligatoires constitue la traduction de décisions politiques et idéologiques influant sur la société tout entière.
Bien que la France soit un pays développé, nous vivons dans une société profondément marquée par les inégalités de revenus, de ressources et de patrimoine.
L’égalité fait partie des valeurs de la République. Pourtant, le moins que l’on puisse dire est que, depuis 2002, et avec une accélération non négligeable depuis l’adoption, à l’été 2007, du paquet fiscal de la loi TEPA, c'est-à-dire de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, cette valeur s’inscrit à la baisse, victime des réformes de notre système fiscal et social, qui font subir aux plus fragiles les conséquences des mesures adoptées en matière tant de recettes publiques que de dépenses.
Monsieur le ministre, vous avez distingué les impôts des ménages et ceux des entreprises.
Néanmoins, quelques lignes de force transparaissent dans les réformes engagées depuis 2002 et amplifiées à partir de 2007 : un allégement sensible de la contribution fiscale des entreprises, avec une suppression de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés et des aménagements divers des modalités d’imposition des plus-values, et une diminution non moins sensible de la contribution des revenus et patrimoines les plus importants, qui sont les principaux bénéficiaires de la transformation du barème de l’impôt sur le revenu et des multiples mesures d’évasion fiscale.
D’ailleurs, de manière presque caricaturale, les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 accentuent encore les choix antérieurs.
On réévalue de façon minimale l’impôt sur le revenu et on supprime la taxe professionnelle, offrant là aux entreprises une recette de trésorerie qui ne changera guère leurs choix d’investissements futurs.
Pour faire bonne mesure, au nom de la protection de l’environnement et pour « changer les comportements », on invente la taxe carbone, qui semble promise à un bel avenir de recette de compensation de cadeaux fiscaux ultérieurs, plutôt qu’elle ne servira d’arme contre le réchauffement climatique !
On prétend faire la chasse aux niches fiscales, mais on s’attaque au premier chef, comme par hasard, à celles qui concernent les ménages les plus modestes, notamment en matière d’acquisition de l’habitation principale. Et certains de nos collègues ont un temps caressé l’espoir de rendre imposables les indemnités journalières « accident du travail »…
Le débat sur le plafonnement des niches participe, comme chaque année, de l’animation parlementaire, mais il ne débouchera sans doute pas plus que précédemment sur la moindre mesure pertinente !
D’autant que, niche pour niche, il en est une dont le montant sera singulièrement réduit en 2010 : c’est la prime pour l’emploi. En effet, les revenus distribués sur les fonds des collectivités locales aux allocataires du RSA seront tout simplement imputés sur cette prime, permettant à l’État de récupérer un milliard d’euros sur le dos des travailleurs précarisés, selon un dispositif inventé par Martin Hirsch, à la demande du Président de la République.
Et pendant ce temps, les centres des finances publiques tiennent table ouverte pour verser aux entreprises, avec une procédure de contrôle particulièrement allégée, les remboursements d’acomptes prétendument excédentaires de l’impôt sur les sociétés ou les crédits d’impôt recherche, qui remontent aussi vite qu’ils sont distribués aux holdings têtes de groupe !
Qu’il s’agisse de la fiscalité des donations, de celle des successions, de l’impôt de solidarité sur la fortune ou de l’imposition des revenus mobiliers, ce sont les patrimoines les plus élevés et les revenus les plus importants qui ont tiré partie de l’essentiel des dispositions votées.
Cette série de mesures s’est accompagnée d’une consolidation des droits et impôts indirects, qui sont essentiellement subis par les ménages modestes. Les effets de cette prétendue réforme fiscale sont connus : la part des droits indirects perçus par l’État ne cesse de croître, ajoutant l’iniquité fiscale aux inégalités sociales grandissantes !
On n’augmente pas les impôts, on crée chaque année un florilège de nouvelles taxes ! Et pour quels résultats ? La croissance se porte-t-elle mieux ? La création d’emplois se trouve-t-elle au rendez-vous des initiatives prises ?
En outre, la responsabilité citoyenne des entreprises se révèle de plus en plus un vœu pieux, surtout quand on apprend, par exemple, que les aides du FSI, le Fonds stratégique d’investissement, sont aujourd’hui distribuées sans exigence de contrepartie en termes de maintien de l’activité et de l’emploi, comme j’en ai donné ici même, ce matin, un exemple.
De fait, plutôt que d’en rester à quelques considérations philosophiques, rappelons quelques chiffres.
En 2001, l’industrie française et le secteur de la construction ont créé respectivement 32 600 et 41 400 emplois, soit un total de 84 000 postes de travail.
En 2002, l’industrie française a perdu 85 300 emplois, signe d’une hémorragie qui est toujours en cours. De 2003 à 2005, ce sont ainsi 274 300 postes industriels qui ont été détruits ! Et ce mouvement de liquidation d’emplois n’avait manifestement pas attendu la crise financière pour se prolonger.
Depuis 2005, ce sont en effet 166 000 autres postes industriels salariés qui ont été détruits, sans compter les effets de la réduction drastique de l’emploi intérimaire, qui a été largement utilisée en 2008 et en 2009 comme variable d’ajustement à l’évolution des carnets de commande.
D’ailleurs, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, le mouvement général de l’emploi accuse votre bilan.
Malgré les cadeaux fiscaux, malgré les allégements de cotisations sociales, le rythme des créations d’emplois dans le pays demeure faible, et il suffit de regarder les plus récentes statistiques fournies par l’INSEE lui-même pour se faire une idée de la situation.
Ainsi, dans une note publiée ces derniers jours, l’Institut national de la statistique et des études économiques indique que le mouvement de baisse de l’emploi s’est prolongé au second semestre 2009 – où sont donc les signes de reprise ? –, avec une chute de près de 114 000 emplois dans le secteur marchand.
La note de l’INSEE indique d’ailleurs que, contrairement à ce qui s’était passé au premier trimestre 2009, quand l’intérim avait largement servi de « variable d’ajustement », ce sont les emplois durables qui sont aujourd’hui concernés. On ne remplace plus les départs en retraite, ni les démissions, on délocalise, on restructure !
Notre pays compte ainsi, en 2009, moins d’emplois industriels qu’en 1970 ! C’est le résultat magnifique – c’est le moins que l’on puisse dire – de la politique menée depuis désormais sept ans et demi, et qui ne fait que relayer, à travers la loi, les revendications les plus antiéconomiques et antisociales, notamment celles du MEDEF.
La situation pourrait être résumée ainsi : le poids des prélèvements obligatoires n’a pas été réduit depuis 2002, puisqu’il reste stable aux alentours de 44 % du PIB, contrairement aux promesses qui avaient été effectuées alors, et la baisse constatée cette année, et probablement en 2010, a plus à voir avec la chute des recettes fiscales et sociales liées à la crise qu’avec toute autre politique !
Ce n’est pas parce que les prélèvements semblent avoir baissé que le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes s’est redressé et que le moteur de la consommation populaire a pu repartir, d’autant que cette diminution est liée aux remboursements anticipés et sans contrôle d’impôts dus par les entreprises !
La structure de nos prélèvements a donc évolué vers plus de droits indirects au sein des recettes de l’État, plus de prélèvements sociaux et plus de prélèvements de substitution aux obligations fiscales et sociales hier fixées aux entreprises.
De même, nos concitoyens peuvent avoir une impression particulièrement détestable de cette évolution.
S’ils paient plus de taxes sur les produits pétroliers, plus de TVA sur bien des produits et des services, plus d’impôts locaux ou plus de cotisations sociales, ils ont aussi, en contrepartie, moins de service public local, moins de couverture collective en matière de santé – il n’est qu’à voir la tarification à l’activité ou le forfait médicament, par exemple –, moins de pension au moment de la retraite, moins de présence de l’État dans bien des domaines, qu’il s’agisse de l’école, de la sécurité, de l’action sur le logement ou de la lutte contre la précarité.
De fait, cette rupture avec le pacte républicain, qui veut que les impôts, taxes et cotisations sociales servent à répondre à la charge publique, consacre la perversion accélérée de notre système de prélèvements, dont vous usez et abusez, chers collègues, pour pousser toujours plus avant les feux de la réduction des dépenses publiques.
Contrairement à bien des pays de l’OCDE, notamment ceux du G8, la France a opté, dès la Libération, pour une large socialisation des dépenses de santé, de protection de la famille et de l’enfant, des personnes âgées, pour un développement de la formation et de la scolarité, pour une ouverture sensible du champ de l’intervention publique dans l’ensemble de la vie du pays.
La même observation vaut pour les investissements en infrastructures, de longue date mis en œuvre par des entreprises publiques dont l’efficacité économique est reconnue.
D’aucuns ont d’ailleurs découvert que la France supportait moins mal la crise financière de 2008 que d’autres pays, plus attachés aux seules valeurs du tout marché et du libéralisme économique sans limites.
Ce n’est pas la politique du gouvernement actuel qui a conduit à ce constat. C’est bien plutôt parce que notre système de prélèvements est constitué d’autant d’« amortisseurs sociaux » que notre pays devient capable d’éviter certaines catastrophes...
De fait, proposer des comparaisons internationales en matière de taux de prélèvements n’a finalement que peu de sens.
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Thierry Foucaud. Ainsi, comparer la France aux États-Unis en matière de prélèvements obligatoires est discutable, dès lors que l’on sait que, outre-Atlantique, la dépense de santé publique prise en charge par l’impôt ne couvre en fait que l’équivalent de la couverture maladie universelle chez nous. D’ailleurs, le débat prend, ces temps derniers, un tour tout particulier avec la volonté du président Obama de renforcer le contenu de cette couverture maladie.
Cette escroquerie intellectuelle sur le volume des prélèvements obligatoires a une longue histoire, et nombreux sont les libéraux, en France, à l’avoir entretenue pour tenter de faire accepter à notre peuple le recul de civilisation que constituerait une large « désocialisation » des dépenses publiques, notamment en matière de protection sociale.
Pour nombre d’entre vous, la dépense publique a tous les défauts, ou presque ! Et le projet de loi de finances pour 2010, qui invente la taxe carbone, n’oublie pas, encore une fois, de procéder à quelques coupes claires dans les budgets publics, dont l’une des traductions est la suppression de 35 000 emplois de fonctionnaires !
Le gâchis de ressources privées, notamment l’argent des entreprises créé par le travail des salariés, ne provoque d’ailleurs pas chez vous la même indignation.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 se contente de soumettre à cotisations sociales quelques éléments de rémunération des salariés – par exemple, les primes d’intéressement –, mais ne prévoit aucune mesure mettant en question un déficit des comptes sociaux qui se paie, pour l’heure, en réduction des prestations servies ! En outre, la pénibilité n’est toujours pas prise en compte dans le calcul des droits à pension ni dans celui des annuités !
Pour notre part, nous entendons redonner tout son sens à l’action publique, à une juste fiscalité des citoyens, selon leurs revenus, à une juste fiscalité sur les sociétés et les revenus financiers, selon leur contribution au développement économique et à l’emploi, comme nous voulons créer les conditions d’un financement équilibré et équitable de notre protection sociale.
Avant de conclure, je veux apporter notre éclairage sur la taxe carbone.
Présentée comme une innovation fiscale de portée exceptionnelle dans le projet de loi de finances pour 2010, elle serait même le premier élément d’une fiscalité écologique nouvelle. À bien y regarder, mais seuls quelques esprits distraits ou malhonnêtes pourraient l’oublier, nous avons déjà de quoi faire...
En effet, entre la taxe intérieure sur les produits pétroliers, dont une part sert aujourd’hui à compenser, et mal, le coût du RSA pour les départements, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, les redevances pour l’eau et l’assainissement, que sais-je encore, notre droit fiscal est déjà fortement pourvu de tels objets fiscaux.
Le montant de ces prélèvements s’élève à plus de 30 milliards d’euros, somme partagée entre l’État, les collectivités locales et quelques établissements publics, comme les agences de l’eau, pour ne prendre que cet exemple.
La fiscalité environnementale et écologique est donc loin d’être une nouveauté. Encore faut-il qu’elle serve la cause de l’environnement, ce qui est une autre affaire !
Puisque, pour le moment, c'est-à-dire en 2009, la TIPP rapporte plus que l’impôt sur les sociétés, nous sommes aussi en droit de nous demander à quoi tout cela sert ! Certes, il n’est pas trop compliqué de deviner l’utilité de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères ou des redevances pour l’eau ou l’assainissement, même si nous observons que la TVA, qui grève les investissements concernés, participe également des recettes fiscales de l’État.
Ce qui est regrettable, c’est que la TIPP ne soit pas utilisée pour faire face aux enjeux environnementaux !
Au moment même où l’on souhaite mettre en place la taxe carbone « pour changer les comportements », on continue de faire en sorte que les 25 milliards d'euros de rendement de la TIPP ne servent à rien d’autre qu’à solder les comptes de l’État et, en partie, à répondre, mais mal, au problème du financement de certaines charges transférées aux départements et aux régions.
Pourquoi la taxe carbone ne servirait-elle pas – si tant est qu’elle existe un jour – à financer véritablement le développement des infrastructures de transport non routier, par exemple des réseaux de transport en commun ?
Pourquoi faut-il que le projet de loi de finances pour 2010, qui inscrit la taxe carbone, cette TVA sociale repeinte en vert pour aller dans l’air du temps, soit aussi celui qui donne aux régions, moyennant une hausse modulée et complémentaire de la TIPP, le droit de financer, en lieu et place de l’État, les mêmes investissements stratégiques en matière d’infrastructures ?
Pour notre part, nous sommes clairement opposés à la taxe carbone qui est, une fois de plus, et sans doute une fois de trop, un avatar de l’iniquité fiscale. Elle servira tout bêtement à gager demain telle ou telle baisse d’impôt, prioritairement au bénéfice des entreprises.
En revanche, nous sommes clairement partisans de la mise en place d’une véritable politique volontariste de développement d’alternatives au « tout routier », qui passe par des financements équilibrés et pertinents.
Nous ne pensons pas que la fiscalité réponde parfaitement, aujourd’hui, à cette exigence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Charles Guené.
M. Charles Guené. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise économique sans précédent qu’affronte notre pays depuis un an a creusé notre déficit de manière abyssale, puisqu’il est passé en un an de 56 milliards d'euros à 141 milliards d’euros. Et je n’évoque pas le déficit social, dont il faudrait tenir compte – je le dis à l’attention de M. Vasselle –² pour être tout à fait complet.
La question de l’augmentation des prélèvements obligatoires pour tenter de résorber une partie du déficit se pose et répond à un choix tout à la fois économique et politique.
D’un point de vue économique, le creusement du déficit doit être relativisé dans la mesure où une partie de celui-ci ne saurait être pérenne et se résorbera sitôt que la croissance sera retrouvée et stabilisée à un niveau suffisant.
Sur ces 141 milliards d'euros, 96 milliards d'euros sont dus à la crise : 39 milliards d'euros correspondent au plan de relance et 57 milliards d'euros à une diminution conjoncturelle des recettes consécutive à la crise.
La perte de recettes correspond d’abord à une diminution respectivement de 30 milliards d’euros du produit de l’impôt sur les sociétés, puis de 12 milliards d'euros de recettes de TVA, et, enfin, de 4 milliards d'euros au titre de l’impôt sur le revenu.
Le déficit structurel, de l’ordre de 45 milliards d’euros, pose, lui, davantage problème.
C’est là qu’intervient la dimension politique. Le Gouvernement a fait le choix, et le groupe UMP du Sénat le soutient, de ne pas jouer sur l’inflation et de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires.
Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit un taux de prélèvements obligatoires de 40,7 % du PIB, soit un niveau comparable à celui de 2009, en recul de plus de 2 points par rapport à 2008. Il s’agit du taux de prélèvements le plus faible depuis 1981.
Augmenter les impôts serait une fausse bonne idée dans le contexte actuel de sortie de crise.
Le Gouvernement prévoit un retour de la croissance à 0,75 %, le FMI à 0,9 %, mais cela reste fragile. Taxer les ménages ou les entreprises serait contre-productif et risquerait de compromettre le retour de la croissance, qu’il s’agit désormais d’accélérer et de consolider.
Nous partageons la conviction du rapporteur général de la commission des finances : il ne faut pas « ajouter la crise à la crise ».
Seuls le retour de la croissance, la diminution du chômage, le retour de la confiance des ménages, avec pour corollaire moins d’épargne et plus de consommation, ainsi qu’une maîtrise des dépenses publiques, c'est-à-dire de l’État, des comptes sociaux mais aussi des collectivités territoriales, permettront de diminuer notre déficit structurel.
Les collectivités territoriales doivent participer à cet effort de diminution des dépenses, plutôt que céder à la tentation d’agir fortement sur les impôts locaux. Elles devront maîtriser le nombre des fonctionnaires territoriaux. La réforme des collectivités devrait permettre également de réaliser des économies en simplifiant et en rationalisant l’exercice des compétences, ainsi qu’en évitant les « doublons ». La mutualisation des services devrait y contribuer.
Néanmoins, s’il semble inopportun, politiquement mais aussi économiquement, d’augmenter le niveau des prélèvements obligatoires, je suis d’avis que notre déficit est tel que toute diminution de prélèvements doit être compensée par une augmentation d’un même montant de recettes, si possible dans la période triennale de programmation de nos finances publiques. De même, toute création de niche fiscale ou sociale doit être compensée par la diminution d’une autre niche fiscale ou sociale, d’un même montant et dans la même année. Philippe Marini l’a très utilement rappelé lors de la communication préalable au présent débat, qui a eu lieu en commission des finances, le 15 octobre dernier.
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, que nous avons adoptée au mois de février dernier, prévoit ce système de compensation. Pour autant, celui-ci n’est pas toujours appliqué.
La question des niches fiscales et sociales, dont le nombre avoisine les cinq cents, est d’ailleurs cruciale. Leur plafonnement, que nous avons voté l’année dernière, est un premier pas.
Mme Nicole Bricq. Cosmétique !
M. Charles Guené. Comme le propose Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales, dans le rapport d’information sur les prélèvements obligatoires et leur évolution qu’il vient de publier, il conviendrait de mieux cibler notre politique d’allégements des charges sociales.
L’idée est donc de ne pas augmenter le niveau des prélèvements obligatoires, de les sécuriser, mais également de mieux les répartir. Il s’agit là d’un enjeu majeur pour les budgets à venir. Notre politique fiscale doit être modernisée. Le Gouvernement a commencé à s’y employer au travers d’une nouvelle ventilation des prélèvements obligatoires entre secteurs, qui réoriente la pression fiscale du travail, de la production, des investissements vers d’autres secteurs moins pénalisants pour les entreprises et l’emploi et, chaque fois que c’est possible, de la production vers les flux.
Ainsi, la taxe carbone transfère le poids des prélèvements obligatoires de l’emploi vers la pollution, et la réforme de la taxe professionnelle, des investissements productifs vers des secteurs qui ne peuvent pas faire l’objet de délocalisations.
L’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux pèsera sur les infrastructures de transport, les télécommunications ou l’énergie, des secteurs non susceptibles de délocalisations qui bénéficieront très largement de la suppression de la part « équipements et biens mobiliers » de la taxe professionnelle.
La suppression de la taxe professionnelle, qui pesait sur les investissements, est une réforme que le groupe UMP approuve.
La nouvelle formule proposée, la cotisation économique territoriale, nous satisfait, car elle maintient un lien économique entre les collectivités territoriales et les entreprises. La cotisation locale d’activité correspondra à la part foncière résiduelle de la taxe professionnelle, et la cotisation complémentaire, à l’actuelle cotisation minimale de taxe professionnelle, assise sur la valeur ajoutée et le chiffre d’affaires.
Le débat portant sur la compensation de la perte de ressources des collectivités aura lieu au Sénat à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2010. Gageons que nous saurons trouver un mode de répartition des ressources qui satisfera chaque niveau de collectivité grâce à de nouveaux transferts d’impôts, mais aussi grâce à une répartition qui garantira à chaque niveau une assiette basée à la fois sur une part ménages et sur une part entreprises, avec des ressources dynamiques, dans le cadre d’une autonomie financière mieux comprise.
La spécialisation des impôts par niveau de collectivité était, sans doute, une fausse bonne idée.
Le nouveau système proposé ouvre, en outre, le champ d’une nouvelle gouvernance où l’État sortirait de la prise en charge de la fiscalité locale par le biais des dégrèvements et allégements et de la liste des bénéficiaires d’impôts locaux, permettant ainsi aux collectivités de passer de l’autonomie fiscale intenable à une responsabilité fiscale.
De plus, la fiscalité devra être péréquatrice. L’autonomie fiscale des collectivités territoriales est une tradition prégnante, certes, mais il convient de la concilier avec les exigences de la péréquation.
Cet équilibre est essentiel et concerne le Sénat au premier chef. Je ne doute pas que chacun dans cette enceinte en percevra l’enjeu le moment venu, ainsi que vient de l’évoquer le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, dont je partage l’approche.
Enfin, je souhaite aborder en quelques mots la question du bouclier fiscal.
Le groupe UMP ne souhaite pas son abrogation ni même son ébrèchement, surtout pour l’heure.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Charles Guené. Notre position n’a pas changé quant à son esprit : il n’est pas concevable de travailler au-delà de six mois par an uniquement pour payer ses impôts ! (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Je souhaiterais que l’on m’explique par quel miracle économique l’on espère créer des richesses en France…