Mme Nicole Bricq. Par le travail !
M. Charles Guené. … en stigmatisant, en surtaxant la richesse et en la poussant à s’exiler. La richesse crée la richesse. Les entrepreneurs créent l’emploi. Cette stigmatisation de la réussite sociale propre à la France est regrettable, car elle est archaïque.
Au surplus, un niveau de prélèvements sur la richesse supérieur à 50 % est contre-productif économiquement. Toutes les études montrent que son coût est supérieur à ce qu’il rapporte. S’il était besoin d’avancer des justifications, rappelons que l’Institut Montaigne estime à 130 milliards d’euros le montant des capitaux qui ont quitté la France pour éviter l’ISF entre 1997 et 2006.
Pour conclure, notre politique fiscale doit reposer en 2010 sur le tryptique « non-augmentation, sécurisation et nouvelle répartition » des prélèvements obligatoires afin de permettre à notre fiscalité de servir au mieux le retour vers la croissance et la répartition de ses fruits. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je me trouvais ailleurs qu’à cette tribune, je resterais sans voix, car le constat du président de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’optimisation de la dépense publique, Jean-Luc Warsmann, quant à l’état de nos finances est saisissant.
La moitié des dépenses de l’État sera financée à crédit ; la dette de la France, passée en trente ans de 21 % à 74 % du PIB, représente 1 414 milliards d’euros en 2009 ; chaque Français naît avec une dette de près de 24 000 euros ; la charge d’intérêt sur la dette publique de 2,8 % du PIB en 2008 a été multipliée par quatre en vingt-cinq ans ; la dette publique explose : 65 % du PIB en 2004, 77 % en 2009, et la Cour des comptes l’estime à 84 % en 2010, à 88 % en 2012 et sans doute à 100 % en 2018… Halte au feu !
L’unique vertu de la crise, s’il y en a une, est de faire mieux comprendre à nos concitoyens l’état déplorable de nos finances publiques. Notre crédibilité internationale et surtout européenne est fragilisée. Tous nos partenaires de l’Union européenne stigmatisent nos déficits, qui désormais ignorent les critères de Maastricht. Ils nous demandent un retour à la discipline budgétaire dès 2011.
Le déficit conjoncturel tient à trois raisons principales.
La première réside dans l’effondrement du produit de l’impôt sur les sociétés : il sera divisé par deux par rapport à l’an dernier ; à titre d’exemple, son produit s’élevait à 2,95 milliards d’euros en septembre 2009, contre 27,43 milliards d’euros en septembre 2008 !
La deuxième raison tient à la baisse de la TVA à 5,5 % dans le secteur de la restauration, qui a pour conséquence un manque à gagner de 3 milliards d’euros en année pleine ;
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. C’est une catastrophe en période de crise : le calendrier ne pouvait être plus inapproprié !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Enfin, la troisième raison du déficit conjoncturel est la suppression de la taxe professionnelle.
De plus, le plan de relance de l’économie, nécessaire et même vital, qui a insufflé 26 milliards d’euros pour venir en aide aux banques et surtout aux entreprises, creuse les déficits pour le moyen terme. La croissance qu’il va entraîner n’aura, hélas ! pas d’incidence sur le déficit structurel.
Monsieur le ministre, vous voulez alléger la fiscalité des entreprises, qui est l’une des plus élevées d’Europe, par la suppression de la taxe professionnelle, au motif que cette dernière peut amener les entreprises à délocaliser et à licencier leurs salariés.
Mais si la compétitivité de notre économie est pénalisée par les taux de prélèvements obligatoires excessifs, ces derniers sont insuffisants pour financer l’ensemble des dépenses publiques ; quel paradoxe !
De plus, augmenter le déficit, donc emprunter plus, nous rend dramatiquement dépendants d’une hausse des taux et des prêteurs.
Quelles sont donc les solutions ?
La suppression de l’ISF, seul impôt de ce type dans l’Union européenne et au bilan global négatif, celle du bouclier fiscal, son fils adultérin (Sourires.),…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Aymeri de Montesquiou. …et la création d’une tranche supplémentaire d’impôt pour les plus hauts revenus forment le triptyque de la commission des finances proposé par le président de la commission des finances, Jean Arthuis, et le rapporteur général, Philippe Marini. J’y souscris pleinement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Ce serait un signal fort pour notre économie, et donc pour nos finances.
La finalité du bouclier fiscal se comprend et se justifie en période de croissance pour éviter que notre fiscalité ne constitue un « vol légalisé », selon les termes du Président Coolidge, et ne conduise à l’exil des plus forts revenus sous des cieux fiscaux plus accueillants, quoiqu’il serait intéressant d’en évaluer l’incidence.
Pour compenser l’éventuelle perte de recettes, le rapporteur général de la commission des finances a fait une démonstration convaincante de l’évaluation financière de ce triptyque, en intégrant des recettes annexes, comme la suppression de la déductibilité de la CSG sur les revenus du capital et l’augmentation de l’imposition des plus-values mobilières et immobilières.
Pourtant, le bouclier fiscal devient inéquitable en temps de crise.
Mme Nicole Bricq. Ah, tout de même !
M. Aymeri de Montesquiou. Si l’on demande au pays un effort fiscal, ceux qui sont protégés par le bouclier ne participeront pas à l’effort nécessaire de la nation ; ce n’est pas admissible, car c’est injuste.
Regardons la vérité en face : pour permettre de rembourser une partie de notre dette, on ne pourra que faire appel à la solidarité nationale en augmentant, après une reprise attendue par tous, les prélèvements obligatoires.
Certes, nous n’avons pas été élus pour augmenter les impôts. Mais pouvez-vous affirmer, monsieur le ministre, qu’il est possible, par les seuls fruits d’une croissance aléatoire, de résorber la dette sans procéder à de telles augmentations ? Même les Britanniques, Européens de l’Ouest les plus libéraux, n’imaginent pas que ce soit évitable. Nous devrions nous inspirer de l’un des plus illustres d’entre eux, Sir Winston Churchill, qui a su mobiliser toutes les forces du Royaume-Uni et qui estimait que « des difficultés surmontées sont des opportunités qui se présentent ». En vérité, les difficultés ne pourront être surmontées par la seule croissance lorsqu’elle surviendra.
S’ajoutant à cette trilogie, l’autre axe de réforme est celui des niches fiscales, dont le cumul atteint des sommes déséquilibrant davantage encore notre budget. Si les niches ont chacune leur justification, puisqu’elles sont presque toujours une incitation économique, leur cumul n’est pas équitable.
Il est indispensable de plafonner globalement le cumul des avantages fiscaux dont le contribuable peut bénéficier.
À l’Assemblée nationale, le chiffre de 20 000 euros de plafond cumulé a été évoqué pour remplacer le chiffre actuel de 25 000 euros.
Mme Nicole Bricq. Quinze mille !
M. Aymeri de Montesquiou. Une autre taxe, qui a été évoquée à plusieurs reprises sans avoir jamais été retenue, monsieur le ministre, est la taxe Tobin.
Dans le prolongement du G20 de Pittsburgh où tous les pays, sièges de places financières, étaient représentés, elle connaît un nouvel engouement. Il serait opportun d’appliquer une taxe sur les transactions financières indolore et non discriminante entre les diverses places afin de faire face en partie à cet endettement considérable. Proposée au taux de 0,005 %, cette taxe pourrait être appliquée dans tous les pays du G20 et permettrait de financer une grande partie de la dette.
La taxe carbone est un impôt d’avenir. Elle est adaptée à la mise en œuvre d’une stratégie globale de basculement de la pression fiscale du travail et de la production, souvent accompagnée de pollution, vers la consommation, et elle procurera des ressources stables à l’État. Mais il est nécessaire de rationaliser les nombreuses niches fiscales environnementales, vertes et grises.
Enfin, devant la gravité de la situation de nos finances publiques, je ne peux que souscrire à la proposition de M. Jean-Luc Warsmann sur la tenue d’un sommet national de la dette publique, au-delà des clivages politiques et syndicaux traditionnels, car, comme il l’a justement souligné, « la France est à l’aube d’un choc budgétaire et financier sans précédent ».
Monsieur le ministre, soyez Robin des Bois dans la forêt de Sherwood et non le shérif de Nottingham (Rires.) pour donner à chacun le sentiment que sa contribution est proportionnelle à ses facultés et que l’impôt est équitablement réparti. (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires est en quelque sorte le préambule à la discussion budgétaire et, pour filer la métaphore sportive, je dirai que c’est l’échauffement avant l’épreuve.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Voilà !
Mme Nicole Bricq. On nous promet que le débat budgétaire sera riche en péripéties du fait de l’introduction de la taxe carbone, de la suppression de la taxe professionnelle et du sort réservé à une fiscalité des revenus et des patrimoines que le groupe socialiste juge – ce n’est pas un scoop – de plus en plus injuste.
Cependant, je crains que, à l’avenir, ce débat ne relève de la pure rhétorique dans la mesure où l’emballement de la dette provoquera un choc sans précédent sur les finances publiques.
Les perspectives macroéconomiques ne sont guère plus réjouissantes. Nous ne retrouverons pas des niveaux de croissance propres à abonder les recettes de l’État, à autofinancer l’emprunt que l’on nous promet ; qu’il soit grand ou petit, ce dernier obérera encore davantage les finances de l’État.
Quoi qu’il en soit, le groupe socialiste entend donner son point de vue sur l’évolution des prélèvements obligatoires au regard des principes que nous défendons chaque année, c'est-à-dire la justice fiscale et l’efficacité économique.
Force est de constater que, depuis 2002 et encore plus depuis 2007, les gouvernements successifs ne répondent ni à l’un ni à l’autre de ces objectifs.
On assiste à une baisse des recettes de l’État sans précédent. Irresponsable, le Gouvernement accorde, en pleine crise, des cadeaux fiscaux comme la baisse de la TVA dans la restauration, sans qu’aucune contrepartie soit au rendez-vous. Mais il exigera des contribuables du milieu et du bas de l’échelle des recettes des efforts et des sacrifices. Qui plus est, la suppression de la taxe professionnelle fait fi des intérêts des collectivités locales, et le coût en sera supporté à terme par les mêmes.
Dans le même temps, au-delà de toute raison, le Président de la République, le Gouvernement ainsi que sa majorité, si j’ai bien entendu l’orateur du groupe UMP, pour l’essentiel, refusent toute remise en cause du bouclier fiscal et des dépenses fiscales, dont l’efficacité économique et l’utilité sociale ne sont pas avérées. Je reviendrai sur ce point.
Il me paraît intéressant, dans un premier temps, puisqu’il en a été beaucoup question, de comparer l’évolution des prélèvements obligatoires de l’État et de ceux des collectivités locales.
Il me semble souhaitable de le faire en prélude à notre débat budgétaire, notamment pour aborder l’article 2 du projet de loi de finances pour 2010, relatif à la suppression de la taxe professionnelle.
Du fait des choix politiques opérés à travers la loi TEPA et des allégements d’impôts octroyés aux entreprises, le poids de l’État dans les prélèvements obligatoires a reculé en 2008 de 0,7 point de PIB, ce qui représente une perte de 8 milliards de recettes. Il faut y ajouter les transferts de recettes vers la sécurité sociale, en compensation des allégements de cotisations, et vers les collectivités locales, à la suite des transferts de compétences.
À cet égard, je partage l’analyse développée par M. le rapporteur général de la commission des finances dans son rapport d’information – je lis toujours ses rapports avec attention ! –, il s’agit bel et bien ici d’une « baisse des prélèvements obligatoires en trompe-l’œil ».
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je vous remercie de votre lecture vigilante, ma chère collègue !
Mme Nicole Bricq. Sans l’adoption de ces mesures prises en 2008, les prélèvements obligatoires auraient eu une évolution spontanée légèrement supérieure à la croissance. À l’inverse, les prélèvements obligatoires perçus par les collectivités locales en 2008 ont augmenté de 0,1 point du fait du transfert de l’État vers ces mêmes collectivités d’impôts tels que la TIPP ou la taxe spéciale sur les conventions d’assurance. Ces chiffres prouvent que, contrairement à ce qui est affirmé, les collectivités locales ont su maîtriser la fiscalité locale.
En 2009, le taux des prélèvements obligatoires devrait chuter de 2,1 points, pour s’établir à 40,7 % du PIB. Cette baisse est due à la chute des recettes fiscales de l’État, conséquence de la crise, certes, mais aussi effet supplémentaire des exonérations prévues dans la loi TEPA.
De leur côté, les collectivités territoriales devraient voir leur taux de prélèvements obligatoires augmenter de 0,2 % en raison de la poursuite des transferts d’impôts de l’État et d’une hausse des taux qui contrebalancent les pertes de recettes, notamment les droits de mutation à titre onéreux.
En 2010, le taux des prélèvements obligatoires se stabiliserait à 40,7 % du PIB, exclusivement à cause de la suppression de la taxe professionnelle, et c’est là que l’on peut parler de trompe-l’œil.
L’année 2010 sera donc à la fois pour l’État et les collectivités locales une année de transition au terme de laquelle, mécaniquement, en raison de l’effet des mesures prévues dans le plan de relance et de la suppression de la taxe professionnelle, qui devrait être neutre l’année prochaine pour les collectivités locales, les prélèvements obligatoires des collectivités locales baisseront, tandis que ceux de l’État augmenteront.
En 2011, ce sera l’inverse du fait, pour l’État, de la fin du plan de relance et peut-être, espérons-le, d’une reprise économique – même légère – et, pour les collectivités territoriales, de la perception de la future contribution économique territoriale.
Les prélèvements obligatoires sont bien aléatoires puisqu’ils varient en fonction du contexte fiscal et économique.
Sur la période 2008-2010, les hausses d’impôt « ménages » des collectivités territoriales, souvent vilipendées, s’expliquent par la contrainte qu’exerce l’État sur les dotations budgétaires qui leur sont destinées, mais qui sont en diminution constante, par l’important effort d’investissement qu’elles maintiennent et par la sous-compensation des transferts.
Les entreprises, pour leur part, seront gagnantes, car elles auront été lestées de 11,7 milliards d’euros grâce à la suppression de la taxe professionnelle. En outre, elles recevront 2 milliards d’euros au titre de la taxe carbone. Pour autant, seront-elles plus compétitives ? À quelques jours de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, aucune étude d’impact ne l’a démontré.
Mme Raymonde Le Texier. Ça, c’est la grande inconnue !
Mme Nicole Bricq. Lors de sa visite à Saint-Dizier, le Président de la République a fait porter à la taxe professionnelle tout le poids des pertes d’emplois et des délocalisations. Mais la ficelle est grosse ! On pourrait même parler de corde de marine ! Nous aurions aimé qu’il nous apporte la démonstration de ses appréciations, mais nous attendons toujours…
Le Conseil des prélèvements obligatoires remet en cause, pour le passé, dans son rapport consacré à la fiscalité des entreprises qu’il a remis à la commission des finances, l’argument de la compétitivité comme contrepartie aux allégements fiscaux des entreprises. Du reste, il rejoint en cela d’autres études de source publique ou privée qui mettent en avant d’autres facteurs d’attractivité, comme la qualité des infrastructures, de la formation et de la main-d’œuvre.
Or la part des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises baisse significativement depuis plusieurs années sans, pour autant, que leur compétitivité en soit renforcée. Moult rapports ont prouvé que la compétitivité de nos entreprises ne se situait pas à ce niveau ; celle-ci réside plutôt dans leur taille, leur capacité à investir, à innover et à exporter.
De nouveau mis en avant pour justifier la suppression de la taxe professionnelle dans une économie mondiale concurrentielle, cet argument n’est guère recevable puisque les secteurs les plus favorisés seraient – mais nous ne disposons pas, à ce jour, de simulations précises – la construction, l’agriculture et les services à la personne, qui, par définition, ne sont pas délocalisables. L’industrie n’arrive qu’au quatrième rang !
Concernant les valeurs foncières, on peut douter du bénéfice qu’en tirera l’industrie si leur assiette n’est pas révisée. Sur ce point, je rejoins les propos du président Arthuis.
Réagissant au débat engagé à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2010, Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi s’est insurgée contre la proposition de certains députés de surtaxer l’impôt sur les sociétés versé par les banques, au prétexte que son taux est déjà trop élevé, notamment par rapport à ce qu’il est ailleurs en Europe. Or cet argument ne tient pas si l’on regarde l’assiette de l’impôt sur les sociétés en France, véritable gruyère du fait du régime d’amortissement, du report des pertes, du régime mère-fille et de l’intégration fiscale. Le taux effectif, et non pas facial, de l’impôt sur les sociétés en France s’avère plus bas que, par exemple, chez notre principal partenaire européen, l’Allemagne.
De fait, l’impôt sur les sociétés est, comme l’impôt sur le revenu, « mité » par les dépenses fiscales.
Cela m’amène au second point de mon propos : les dépenses fiscales sont en effet un élément essentiel pour apprécier l’évolution des prélèvements obligatoires.
Monsieur le ministre, le plafonnement instauré en 2009, que j’ai qualifié tout à l'heure de « cosmétique », a eu, si j’en crois les chiffres qui nous ont été communiqués, un effet bien moindre que prévu par les services de votre ministère, lesquels escomptaient pour 2010 une recette de l’ordre de 200 millions d’euros, alors que celle-ci serait plutôt de 20 millions d’euros !
Vous avez vous-même récemment déclaré, dans un entretien accordé à un journal économique, être ouvert à la fixation d’un plafond global des niches fiscales, mais défavorable aux coups de rabot. Tout à l'heure, vous avez vous-même utilisé une métaphore sportive en parlant de « slalom ». Si je vous ai bien compris, vous préférez attendre les conclusions de la mission de l’Inspection générale des finances, mais, dans la période actuelle, cet attentisme est pour le moins contestable.
En effet, la question des dépenses fiscales est primordiale au regard de l’économie générale des prélèvements obligatoires. La persistance de celles-ci vide l’impôt de son caractère progressif et, combinées au bouclier fiscal, elles permettent aux plus aisés de se soustraire à leur devoir fiscal. Cette situation n’est plus tenable. Et l’argument soutenu par le Gouvernement en 2007, faire revenir les exilés fiscaux, n’est plus recevable. On devait les voir se précipiter aux portes des services fiscaux… Nous les attendons toujours !
Devra-t-on, pour voir la question des niches fiscales tranchée, patienter jusqu’à la date ultime du 30 juin 2011, fixée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 ? Je n’y crois pas, car ce n’est pas en pleine campagne électorale, à la veille d’une échéance cardinale, à savoir l’élection présidentielle, que vous prendrez de telles mesures !
Il est vrai que l’objurgation élyséenne de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires contredit la remise en cause des niches fiscales, et l’on comprend bien l’embarras du Gouvernement et l’abandon en rase campagne des velléités des députés de la majorité de l'Assemblée nationale d’émettre des propositions : ils les ont vite remisées, l’été dernier.
Quant à la baisse de la TVA dans la restauration, c’est un plat que la majorité devra ingurgiter quoi qu’il en soit, puisque l’on ne sait même pas comment cette dépense fiscale a été gagée, monsieur le ministre. Or je vous rappelle tout de même que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 impose, dans son article 11, que toute dépense fiscale soit gagée ; mais peut-être nous apporterez-vous tout à l'heure des précisions sur cette question.
Mme Nicole Bricq. En résumé, le pire est devant nous : il nous faudra non seulement payer la charge de la dette, mais encore financer les dépenses liées au vieillissement de la population, tout en supportant durablement un niveau de chômage élevé.
Dans ce contexte, le recours à l’emprunt est une très mauvaise farce ! En passer par là pour financer les dépenses d’avenir, c’est avouer que le budget de l’État n’a plus aucune marge de manœuvre, même en comprimant la dépense. M. le rapporteur général de la commission des finances en est d’ailleurs convenu lui-même tout à l'heure en précisant que l’on avait atteint la limite de la compression de la dépense. En termes budgétaires, on est arrivé à l’os, si vous me permettez cette image !
Le pari de l’emprunt est d’abord destiné à permettre au Président de la République d’accoster au rivage de 2012 sans trop d’encombres, mais les Français ne se laissent plus bercer d’illusions. La France du travail, celle que vous avez tant mise en exergue, c’est maintenant qu’elle va payer lourdement l’entêtement idéologique de ses gouvernants ! (Mme Raymonde Le Texier applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames Bricq et Le Texier, que je remercie d’être encore parmi nous,… (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Nous sommes vaillantes ! (Nouveaux sourires.)
M. Nicolas About. … j’observe que ce débat sur les prélèvements obligatoires semble de plus en plus confidentiel. Nous devrions réfléchir, pour les années à venir, à une éventuelle modification des modalités de cette rencontre indispensable.
Moins d’un mois avant l’examen du projet de loi de finances pour 2010, ce débat est en effet un moment important et il est bienvenu dans un contexte extrêmement délicat.
En 2010, nos prélèvements obligatoires devront encourager la sortie de crise, alors que nos finances publiques subiront pleinement ses effets. Nos marges de manœuvre sont étroites : il ne serait pas responsable d’augmenter les prélèvements obligatoires dans la conjoncture actuelle, puisque l’urgence est à la relance, mais il serait sans doute tout aussi irresponsable de ne pas envisager leur hausse dans un futur proche, afin de contenir la dérive des déficits et de la dette.
Le taux des prélèvements obligatoires devrait se situer aux alentours de 40 % en 2009 et en 2010. Cela a été dit, il n’y a pas lieu de nous réjouir de la faiblesse de ce niveau puisqu’elle est largement subie et qu’elle consacre notre incapacité à satisfaire nos besoins collectifs autrement que par l’emprunt.
Si le niveau actuel de nos prélèvements est largement subi, leur structure, en revanche, est le fruit de nos choix. Force est de constater que ceux-ci ne sont pas tous adaptés à la situation actuelle de notre économie. Les dépenses fiscales que nous avons engagées ces dernières années n’ont pas toutes démontré leur intérêt.
L’examen du projet de loi de finances pour 2010 doit être l’occasion de tirer toutes les conséquences de ce constat et d’apporter les modifications que nous jugerons nécessaires. Nos travaux seront guidés par des lignes directrices claires. Systématiquement, nous chercherons à améliorer la simplicité et la lisibilité de nos prélèvements obligatoires : c’est une condition essentielle du consentement à l’impôt. C’est aussi un critère de compétitivité : nous le savons, les entreprises consacrent du temps et des moyens importants à essayer de voir clair dans notre paysage fiscal bien trop complexe.
Cet effort de simplicité doit aller de pair avec la lutte contre l’optimisation fiscale qui met en péril l’équilibre des finances publiques. Cette véritable industrie est un vecteur d’inégalités puisqu’elle profite essentiellement aux grandes entreprises.
La proposition du premier président de la Cour des comptes, consistant à imposer une obligation de dévoiler les schémas d’optimisation utilisés par les entreprises, mériterait d’être étudiée. Elle permettrait de mieux connaître ces pratiques et de circonscrire les schémas les plus excessifs.
Nous nous efforcerons également de formuler des propositions durables. L’instabilité de notre structure fiscale pénalise nos entreprises, limite leur visibilité et freine l’entreprenariat.
Enfin, nous procéderons à un examen systématique et sans a priori de l’ensemble de nos prélèvements obligatoires, tout particulièrement de nos dépenses fiscales. J’insiste sur cette dernière ligne de conduite, car c’est une question de principe. Nous savons que des marges d’amélioration existent ; nous savons que chaque euro dépensé doit être pleinement justifié et que cette discipline doit aussi s’appliquer à nos dépenses fiscales Il n’y a pas de raison valable d’exclure a priori toute révision de certains dispositifs fiscaux.
Vous le savez, monsieur le ministre, le groupe Union centriste pense, bien sûr, au bouclier fiscal. Ce dispositif de plafonnement des impôts directs devrait permettre de garantir que nul ne paie plus de 50 % de ses revenus en impôts. Nous partageons cet objectif. L’impôt ne doit pas revêtir un caractère confiscatoire, mais le dispositif, dans sa forme actuelle, ne nous apparaît pas pleinement satisfaisant.
Premièrement, grâce à de nombreuses niches fiscales, le plafond effectif du taux d’imposition est bien inférieur à 50 % puisque c’est non le revenu réel qui est pris en compte, mais le revenu fiscal calculé après une série de déductions. Le résultat du dispositif ne correspond donc pas à l’objectif qu’on lui avait assigné.
Deuxièmement, la situation qui prévalait lors de sa mise en place par la loi de finances pour 2006, puis au moment de son renforcement dans le cadre de la loi TEPA, a profondément évolué. Les changements que nous avons connus depuis sont considérables ; nous devons y adapter nos dispositifs fiscaux avec lucidité, sans dogmatisme.
Troisièmement, et c’est évidemment lié, notre groupe accepte difficilement l’idée selon laquelle les efforts que nous devrons inéluctablement consentir pour redresser nos finances publiques seront supportés par tous les contribuables, sauf ceux que le bouclier fiscal protège. La situation s’est présentée voilà quelques mois avec le financement du RSA et la création d’une taxe sur les revenus fonciers et immobiliers… Je ne doute pas qu’elle ne se présente à nouveau !
Ce n’est pas la révision du bouclier fiscal qui ouvrira la porte à des hausses d’impôt. Ce sera la crise, l’aggravation de nos déficits publics et le risque d’emballement de notre dette. (Mme Nicole Bricq manifeste son approbation.)
Pour ces trois raisons, nous ne pouvons faire l’économie d’un examen approfondi de ce dispositif, de ses effets et des contraintes qu’il fait peser sur notre marge d’action. Notre groupe examinera toutes les pistes d’amélioration envisageables.
La plus ambitieuse, pour ne pas dire la plus audacieuse, de ces pistes, c’est celle que nous propose de façon récurrente notre collègue Jean Arthuis, président de la commission des finances : elle consisterait à abroger conjointement l’ISF et le bouclier fiscal, en compensant le manque à gagner par la création d’une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu. Cette réforme d’ensemble permettrait d’assurer une meilleure corrélation – le rapporteur général l’a rappelé tout à l’heure – entre l’impôt et les facultés contributives réelles des uns et des autres.