M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. Sur la question de la visibilité des outre-mer dans les médias, j’ai déjà eu l’occasion de mentionner la convention passée avec le CSA.
La création d’une agence nationale, qui répond à une forte demande du milieu culturel, est aujourd'hui à l’étude.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Le rapport que j’ai évoqué tout à l’heure sur les impacts de la chlordécone et des pesticides aux Antilles met l’accent sur la pollution des eaux continentales et des milieux marins. Ce risque est, selon nous, avéré si l’on en juge aux prélèvements effectués par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER.
Récemment, le ministère de l’agriculture a fait interdire par arrêté préfectoral la pêche en Martinique comme, je crois, en Guadeloupe. Je devrais m’en réjouir, car cela signifie que notre rapport a été lu, mais je m’en garderai bien, car, s’il a été lu, il n’a manifestement pas été compris !
En effet, M. Jean-Yves Le Déaut et moi-même préconisions de plus amples prélèvements sur les poissons avant toute prise de décision. En effet, seuls cent quarante-quatre poissons avaient été étudiés en Guadeloupe, et deux cent quarante-quatre en Martinique - vous conviendrez que, sur deux ans, cela ne fait pas une population très importante -, et avec des résultats très contrastés. Un thazard contrôlé positif – il ne s’agit pas du Tour de France ! (Sourires) – ne signifie pas que tous les poissons de cette espèce sont « positifs », et inversement !
Comment l’IFREMER aurait-il pu réaliser suffisamment de prélèvements supplémentaires pour obtenir des résultats probants depuis le mois d’avril dernier ? J’en conclus donc que la décision a été prise sur le seul fondement de la législation européenne, qui fixe les limites maximales de résidus, ou LMR, à 20 microgrammes par kilogramme, alors que l’AFSAA, Agence française de sécurité sanitaire des aliments, pourtant prudente, a retenu, elle, la limite de 50 microgrammes par kilogramme, et les États-Unis, qui sont pourtant à l’origine de l’interdiction - et de la fabrication de la molécule ! - celle de 300 microgrammes par kilogramme.
Le principe de précaution appliqué aussi aveuglément sur le fondement de quelques échantillons est davantage de nature à angoisser la population qu’à la rassurer. Sans parler du fait que, interdire aux Antillais de manger du poisson local, c’est, à terme, accroître le diabète et les maladies cardiovasculaires, qui se développent avec la modification du bol alimentaire. C’est aussi concourir à la création de circuits de commercialisation clandestins et accroître les importations de poissons, ce qui est contraire à toutes les remarques qui ont été formulées cet après-midi sur l’économie locale.
Madame la secrétaire d'État, comptez-vous intervenir pour remédier à une situation qui fragilise non seulement les pêcheurs, mais aussi, au-delà, la population des Antilles ? Il faut exiger davantage de prélèvements pour savoir si cette mesure peut être levée ou non.
M. le président. La parole est à M. le président de la mission commune d’information.
M. Serge Larcher, président de la mission commune d’information. Dans le prolongement de la question posée par ma collègue, je souligne que la présence de chlordecone a entraîné une interdiction totale de la pêche sur une grande partie de la zone côtière de la Martinique.
De ce fait, l’activité des marins pêcheurs, qui se situe pour l’essentiel dans cette zone, est compromise, ce qui entraîne une chute importante de revenus. Des familles entières se trouvent en difficulté, comme on le comprend s’agissant d’un département qui est le deuxième consommateur de poisson au monde par habitant après le Japon !
Prendre des mesures dans le respect du principe de précaution, c’est bien, mais garantir des revenus convenables à ceux qui ont pour seule ressource le produit de la pêche, c’est encore mieux !
Madame la secrétaire d'État, quelles dispositions comptez-vous prendre pour compenser les pertes considérables de revenus que subissent aujourd'hui nos marins pêcheurs martiniquais ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, monsieur le président de la mission commune, je comprends votre souci de préserver l’activité économique de la pêche. Cependant, le problème que vous soulevez relève également de la santé publique.
Souvenez-vous des conditions dans lesquelles le plan « Chlordecone » a été mis en place. Mobilisant des moyens considérables de l'État et annoncé par le Premier ministre lui-même en Martinique, il invitait à augmenter les prélèvements effectués sur les poissons pour assurer la sécurité de nos compatriotes, dont certains, les Martiniquais et les Guadeloupéens en particulier, risquaient d’être victimes d’un empoisonnement. Car c’est de cela qu’il s’agit ici, mesdames, messieurs les sénateurs !
M. Serge Larcher, président de la mission commune d’information. C’est vrai !
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. Devant un tel risque, vous le comprendrez, il était normal que les autorités prennent un arrêté de suspension – et non d’interdiction - de la pêche dans la région, et ce pour quelques espèces seulement. Si les conclusions de l’AFSSA, qui devraient intervenir en novembre, confirment les résultats des prélèvements effectués cet été, nous serons dans l’obligation de prendre d’autres décisions pour préserver la santé publique. Dans le cas inverse, la mesure sera levée.
En tout état de cause, le Gouvernement ne voulait prendre aucun risque. Les mesures ont été décidées en vertu du principe de précaution, en lien d’ailleurs avec le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche et le ministère de la santé et des sports, qui sont largement compétents sur cette question.
M. Serge Larcher, président de la mission commune d’information. Et que dit-on aux pêcheurs ?
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. Quant à l’aspect économique, le plan « Chlordécone » prévoit une possibilité d’indemnisation. L’arrêté de suspension a fait l’objet d’une concertation préalable avec les comités régionaux des pêches réunis par les préfets de la Martinique et de la Guadeloupe, notamment pour faire le point de la situation économique des pêcheurs concernés.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la secrétaire d’État, Catherine Procaccia et moi-même vous avons interrogée sur le plan « Santé outre-mer » sans obtenir de réponses précises. Pouvez-vous nous indiquer le montant des crédits qui y seront consacrés ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. Le plan « Santé outre-mer » a été présenté dans le cadre des états généraux. Ce document est public et la programmation relève des prérogatives du ministre de la santé et des sports. Je ne peux donc la décliner aujourd'hui à la place de ce dernier.
En revanche, je peux reprendre dans le détail les différentes dispositions en matière de formation, de numerus clausus, de recherche et développement, de renforcement de nos établissements hospitaliers, de risques naturels, de plans particuliers pour certaines maladies.
Si vous souhaitez des éléments complémentaires, nous nous rapprocherons du ministère de la santé et des sports pour vous les fournir.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la mission commune d’information.
M. Éric Doligé, rapporteur de la mission commune d’information. Madame la secrétaire d’État, vous nous avez renvoyés, d’abord, au ministre de la culture et de la communication, puis, au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, et maintenant, au ministre de la santé et des sports. (Sourires.) Cela m’incite à recommander la constitution d’une mission interministérielle : une vision plus globale des dossiers vous éviterait de devoir faire appels à vos collègues.
Vous le voyez, finalement, nos propositions tiennent debout !
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Après notre nouveau collègue sénateur de l’Yonne, je souhaite revenir sur la situation de l’agriculture.
Les départements d’outre-mer ont des cultures traditionnelles à vocation d’exportation vers la métropole, telles que la banane ou la canne à sucre.
Afin de créer les conditions d’un développement économique solide dans les départements d’outre-mer, la mission commune d’information a estimé nécessaire, dans son rapport, un renforcement des secteurs économiques traditionnels des départements d’outre-mer, qui jouent encore aujourd’hui un rôle central.
En effet, selon des données communiquées par le ministère de l’agriculture et de la pêche, les cultures traditionnelles d’exportation représentent encore aujourd'hui plus du tiers de la valeur de la production agricole de ces régions, soit respectivement 34 % pour la Réunion, 36 % pour la Guadeloupe et 51 % pour la Martinique.
L’agriculture des départements d’outre-mer est aujourd’hui confrontée à un vrai défi : permettre aux exploitations d’atteindre une taille critique.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer quelle est la stratégie du Gouvernement pour le développement des filières agricoles ultramarines ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord de remercier le président et le rapporteur de la mission commune d’information, ainsi que tous les sénateurs qui ont participé aux travaux : les propositions qu’ils ont formulées notamment pour l’agriculture, singulièrement en matière de diversification, rejoignent tout à fait les préoccupations du Gouvernement et, plus spécialement, celles de mon département ministériel.
À l’évidence, nous sommes animés d’une volonté commune de mettre l’accent sur une plus grande diversification agricole. À ce titre, nous entendons aider au développement de certaines filières, notamment celle de la pêche, qui doit être soutenue plus fortement, ou celle de l’élevage. J’ai d’ailleurs eu l’occasion récemment de visiter un centre d’élevage à la Martinique.
Nous ferons en sorte que le POSEI, c'est-à-dire le programme portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union, vienne appuyer le développement d’activités agricoles nouvelles, tout en en préservant les cultures traditionnelles - la banane et la canne à sucre -, qui font partie du patrimoine de ces régions.
Il n’est pas question de donner la priorité à une activité au détriment d’une autre. Bien au contraire, nous entendons promouvoir la complémentarité, d’autant que l’organisation de la filière de la banane peut être un formidable exemple pour les autres filières, notamment lorsqu’il s’agit de les regrouper.
M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. Madame la secrétaire d’État, dans le prolongement de l’observation formulée par M. le rapporteur, et en attendant la mission interministérielle qu’il appelle de ses vœux, j’ajoute qu’il aurait été souhaitable de voir à vos côtés certains de vos collègues ministres, voire le Premier ministre, pour répondre à des questions concernant un sujet aussi important que l’outre-mer. Le sujet n’avait-il pas mobilisé le Président de la République lui-même, en février dernier ?
J’ai conclu mon intervention tout à l’heure en vous demandant, parmi les cent propositions, lesquelles seraient retenues et selon quel calendrier. À défaut d’avoir obtenu une réponse très précise, permettez-moi de reprendre, au hasard, trois de ces propositions.
Tout d’abord, s’agissant de la proposition n° 17, quelle est votre doctrine en matière de fiscalité des activités spatiales ? On invite le Gouvernement à remettre au parlement un rapport sur les retombées financières de l’activité spatiale en Guyane, notamment sur les exonérations accordées à la grande entreprise multinationale qu’est l’agence spatiale européenne, l’ESA. Avez-vous l’intention de répondre favorablement à cette proposition ?
Ensuite, quelle est votre position sur la proposition n° 20, c'est-à-dire l’allégement des dettes sociales accumulées par les collectivités locales, sous réserve que ces dernières s’engagent à honorer leurs dettes dorénavant ?
Enfin, dans le prolongement de cette proposition, deux communes en Guyane, actuellement confrontées à de sérieuses difficultés financières les empêchant de s’intégrer dans le plan de restructuration financière, peuvent-elles prétendre au plan COCARDE ? Ce dernier pourra-t-il être amplifié et étendu à l’ensemble des communes d’outre-mer ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, si vous cherchez à me faire dévoiler l’ensemble des propositions qui seront soumises au comité interministériel, vous allez être bien déçu ! Comprenez que je ne peux pas vous donner satisfaction aujourd’hui.
Cela étant, j’ai déjà mentionné quelques pistes, notamment le plan COCARDE et les mesures de restructuration financière destinées à soutenir de façon beaucoup plus forte et effective les collectivités qui traversent une période difficile.
Les propositions figurant dans le rapport sont prises en considération. Bon nombre d’entre elles ont été formulées par les états généraux, ce qui signifie qu’il y a de fortes chances de les retrouver au sein de la réflexion du comité interministériel, sinon ce serait le signe d’une absence totale d’écoute de notre part.
S’agissant du domaine spatial, il s’agit d’une demande réitérée depuis plusieurs années par la Guyane, qu’il importe d’examiner dans une perspective beaucoup plus globale. Les dirigeants de l’entreprise en question se sont engagés à augmenter leur contribution, mais le statut européen de cette activité nécessite un examen plus approfondi de la question.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Madame la secrétaire d’État, ma première question concerne le logement social, secteur d’activité clé pour l’outre-mer.
Le Sénat nous a apporté son soutien en votant un amendement que nous avions déposé dans le cadre de la discussion de la LODEOM et qui permettait de défiscaliser l’investissement dans le logement social outre-mer. Bien que le projet de décret ne nous ait pas été communiqué, notre réseau de renseignements, qui est bon (Sourires), nous a permis d’en prendre connaissance, et nous avons constaté, avec déception, que le plafond de ressources pris en compte était inférieur à celui qui est prévu pour le « Borloo populaire ». Si tel est le cas, les placements se dirigeront plus massivement vers ce dispositif en métropole que vers le logement social outre-mer.
Or, à ce jour, plus de 5 000 personnes ont déjà été licenciées à la Réunion dans le secteur du bâtiment. Les grands travaux ne reprenant pas dans l’immédiat, c’est le logement social qui constitue encore aujourd'hui le premier secteur d’activité dans l’île.
Je compte donc sur vous, madame la secrétaire d'État, pour revoir cette question et l’étudier sérieusement en relation avec les promoteurs et le secteur du bâtiment et des travaux publics, car laisser perdurer un mauvais plafond risque de coûter à l’État beaucoup plus cher qu’une incitation raisonnable et raisonnée.
Le deuxième secteur économique de la Réunion est celui des technologies de l’information et de la communication, les TIC, qui sont en passe de remplacer le bâtiment au premier rang. Nous avons pris connaissance, là encore, du projet de décret et nous l’avons soumis à nos amis membres de différentes associations spécialisées dans le développement des TIC outre-mer : nous avons constaté qu’un certain nombre d’activités clés pour l’avenir étaient omises, telles que l’édition de logiciels et de jeux électroniques, les services de distribution, les téléservices, les téléactivités, le multimédia, les productions audiovisuelles.
Je me suis permis de vous transmettre directement la liste de l’ensemble des secteurs qui sont ainsi exclus.
Si le décret est publié en l’état, il ne concernera que 36 % des TIC ! Reconnaissez avec moi qu’il serait dommage d’étrangler un secteur clé de notre économie au lieu de lui donner l’oxygène nécessaire pour développer l’emploi, cet emploi qui évite bien des misères et dont l’outre-mer a tant besoin.
Je poserai maintenant deux brèves questions.
Qu’il s’agisse de la pêche en Martinique ou dans d’autres régions d’outre-mer, y compris à la Réunion, la cellule qui sera créée auprès de vous-même ou auprès du Premier ministre, comme le propose la mission commune d’information, et nous sommes solidaires, permettra d’aller beaucoup plus loin dans l’adaptation des traités européens. Envisagez-vous plusieurs directives au cas par cas, une pour chaque secteur nécessitant une adaptation, ou bien une directive générale qui donnerait à l’outre-mer les moyens de son développement ?
Enfin, s’agissant du revenu de solidarité active, ou RSA, le haut-commissaire Martin Hirsch, lors de la discussion du projet de loi généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion – c’était avant l’accord Bino, qui ne durera que trois ans et qui joue le rôle d’« accord tampon », précisément parce que le RSA n’est pas encore applicable outre-mer –, avait clairement accepté que la période de non-application du RSA outre-mer soit transitoire. Vous pouvez le vérifier dans le Journal officiel des débats ! Et l’article 29 de la loi prévoit que le RSA entrera en vigueur outre-mer au plus tard le 1er janvier 2011.
Dans ce débat, je m’accroche aux engagements pris dans cet hémicycle par le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté : il faut que le RSA – et donc le « RSA jeunes » – soit appliqué outre-mer. C’est en persistant à avoir deux poids et deux mesures que l’on crée un clash outre-mer !
M. le président. Vous avez fait exploser votre temps de parole, mon cher collègue ! (Sourires.)
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, votre intervention pose de nombreuses questions.
D’abord, vous faites état du projet de décret d’application de la loi Scellier outre-mer. Permettez-moi de vous rappeler que, au moment où l’amendement a été adopté, le plafond retenu pour le loyer se situait entre 8 et 10 euros par mètre carré. Le projet de décret prévoit, aujourd’hui, un plafond de loyer d’environ 9 euros par mètre carré, qui s’établit donc entre le plafond du prêt locatif social, le PLS, et celui du logement locatif social, le LLS, et correspond donc à la gamme intermédiaire des logements sociaux.
En ce qui concerne les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les NTIC, la rédaction du décret n’est pas encore complètement achevée. Nous examinerons la liste des activités au cas par cas. J’attire simplement votre attention sur le fait qu’il ne faut pas dénaturer l’esprit de ce texte. L’objectif était de réaliser, autour de ces technologies, une zone franche globale d’activités, donc un secteur prioritaire : à ce titre, il faut veiller à rester dans le champ des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Vous soulevez par ailleurs la question de l’application de l’article 299-2 du traité instituant la Communauté européenne qui permet des adaptations du droit communautaire, en vous demandant s’il ne conviendrait pas d’adopter une directive communautaire sur la pêche.
Je ne pense pas qu’une directive constitue nécessairement une solution. Peut-être faudrait-il travailler sur cette question avec la Commission européenne ? Cette dernière considère aujourd’hui, à juste titre, que nos régions ultrapériphériques n’ont peut-être pas utilisé toutes les possibilités offertes par l’article 299-2 du Traité, qui auraient permis les adaptations nécessaires pour assurer la cohérence de notre législation avec les politiques communautaires.
S’agissant du RSA, les parlementaires, lors de la discussion du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, ont effectivement fait savoir qu’ils souhaitaient une entrée en vigueur du RSA simultanément en outre-mer et en France métropolitaine. Et, lorsque la question a été soulevée en vue de sortir de la crise, le Gouvernement a proposé cette application du RSA. Mais la solution n’a pas été retenue, un revenu complémentaire semblant alors préférable. Or le Gouvernement a considéré que telle n’était pas la vocation du RSA. Le dispositif du revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, a donc été préféré à celui du RSA. L’accord a été signé en ces termes, et nous sommes liés par cet accord.
Cela dit, je viens de répondre au sénateur Gillot que, s’il s’avérait possible de permettre une application anticipée du RSA en sortant du dispositif du RSTA, le Gouvernement ne serait pas opposé à une telle démarche. Pour l’instant, nous appliquons le RSTA, et les deux dispositifs ne peuvent être cumulés, puisque le RSTA est, en réalité, un RSA adapté.
M. le président. La parole est à M. André Dulait.
M. André Dulait. Madame la secrétaire d’État, lors de son passage en Guyane, la mission commune d’information a constaté la faiblesse des retombées financières résultant de la présence du centre spatial de Kourou pour les collectivités territoriales de ce département. Comment la réforme de la taxe professionnelle s’appliquera-elle ? Ce centre spatial sera-t-il inclus parmi les grandes entreprises de réseau, permettant ainsi d’équilibrer sur l’ensemble du territoire ces retombées financières tout en respectant les accords internationaux ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, j’ai expliqué tout à l’heure que le centre spatial de Kourou était soumis à un statut particulier, puisqu’il s’agit d’un centre européen : il n’est donc pas assujetti à la taxe professionnelle.
Aujourd’hui, ce centre spatial participe à l’aménagement du territoire en contribuant à la réalisation d’un certain nombre d’équipements : sa participation s’élève ainsi à quelque 23 millions d’euros sur cinq ans. La question ne doit donc pas être abordée sous l’angle de la fiscalité locale.
En revanche, il reste légitime de s’interroger sur les retombées financières de l’industrie spatiale. Cependant, j’attire votre attention sur le fait que ce secteur est très concurrentiel : de nouveaux pays investissent ce domaine et peuvent concurrencer, à terme, la France et l’Europe. Nous devons donc rester prudents lorsque nous engageons cette industrie à contribuer davantage au développement local.
M. le président. La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Madame la secrétaire d’État, le 8 octobre dernier, le conseil territorial de Saint-Barthélemy a adopté une délibération visant à demander au Gouvernement d’engager le processus d’accession de cette collectivité au statut communautaire de pays et territoire d’outre-mer, ou PTOM.
Il s’agit pour nous d’une démarche de cohérence, puisque Saint-Barthélemy bénéficie d’un régime de spécialité législative en droit national et que l’Union européenne impose à la France, et donc à toutes les régions ultrapériphériques, les RUP, un régime d’identité législative.
Autrement dit, si Saint-Barthélemy reste RUP, l’Union européenne continuera, via la France, à lui imposer des obligations dans les domaines de compétence qui lui ont été transférés. Or, certaines de ces contraintes sont difficilement acceptables : je citerai simplement l’exemple de l’application de la directive européenne concernant la qualité de l’essence et des carburants diesel, qui a eu pour effet immédiat une augmentation de 22 centimes du prix du litre. Le coût de cette mesure sur une année s’avère supérieur au montant des subventions que l’Union européenne avait prévu de nous accorder au titre du programme opérationnel intégré, le POI, lorsque Saint-Barthélemy était encore commune de la Guadeloupe. On nous donne un euro, mais nous en reversons deux !
Enfin, le PIB par habitant de Saint-Barthélemy étant supérieur à la moyenne européenne, notre collectivité va donc se voir fermer définitivement l’accès aux fonds structurels européens.
Pour autant, il ne s’agit pas de faire en sorte que Saint-Barthélemy n’applique plus les normes européennes. Nous souhaitons simplement adapter ces derniers aux dimensions de notre collectivité, car nous tenons à offrir une certaine qualité de vie à nos concitoyens, à nos visiteurs et à la planète.
À cet égard, madame la secrétaire d’État, je souhaiterais savoir comment s’opérera la jonction entre l’identité législative européenne et la spécialité législative locale. Pourriez-vous également m’indiquer quelles seront les étapes du processus et les conditions à remplir pour qu’il puisse aboutir ?
J’en viens à ma deuxième question. Mme la présidente Monique Papon a rappelé, en début de séance, que j’avais déposé une proposition de loi organique tendant à permettre à Saint-Barthélemy d’imposer les revenus de source locale des personnes établis depuis moins de cinq ans. Madame la secrétaire d’État, êtes-vous en mesure de m’indiquer dès à présent le point de vue du Gouvernement sur cette problématique ?
Enfin, ma dernière question s’adresse à M. le rapporteur. Notre collègue Denis Detcheverry souhaite attirer son attention sur le fait que les collectivités d’outre-mer connaissent des difficultés, que ces dernières relèvent de problématiques communes aux départements d’outre-mer ou qu’elles soient propres à certaines collectivités. Constatant que le Président de la République a voulu étendre les états généraux de l’outre-mer à l’ensemble de l’outre-mer, il souhaite savoir si la mission d’information commune a l’intention d’étendre ses travaux à certaines collectivités d’outre-mer.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État. Votre question est très technique, monsieur le sénateur, et elle nécessite donc d’être étudiée de manière approfondie. Je peux déjà vous dire qu’il appartient à chaque collectivité d’effectuer le choix d’un statut, celui de RUP ou celui de PTOM, aucune solution intermédiaire n’étant envisageable. Il faut donc procéder à un choix qui prenne en compte les avantages respectifs de chaque statut, celui de PTOM permettant de déroger aux règles communautaires dans certains cas.
Aujourd’hui, il semblerait que Saint-Barthélemy s’oriente vers le choix du statut de PTOM. Si tel est le cas, le Gouvernement appuiera cette demande auprès de la Commission européenne. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’en parler hier au commissaire européen en charge du développement et de l’aide humanitaire.
S’agissant de la procédure, votre question portait sur l’application de dispositions du droit communautaire déjà transposées dans le droit national : sous réserve de vérification, ces dispositions continueront à s’appliquer. En revanche, Saint-Barthélemy, en accédant au statut de PTOM, pourrait, à l’avenir, déroger à certaines dispositions communautaires, s’agissant notamment des droits de douane, puisque votre collectivité se préoccupe de trouver des recettes complémentaires.
Le Gouvernement est bien évidemment favorable à votre proposition de loi organique. Je vous avais d’ailleurs déjà répondu à ce sujet lors de l’examen du projet de loi relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie. Saint-Martin a fait la même demande. Il s’agit désormais de trouver une date, en fonction des priorités du calendrier parlementaire, pour que ces deux propositions de loi organique soient inscrites à l’ordre du jour. Sachez cependant qu’elles ne soulèvent aucune difficulté de principe.