M. le président. Mes chers collègues, il semble que certains d’entre vous ne connaissent pas encore bien les dispositions de notre nouveau règlement. Je me permets donc de vous rappeler qu’il convient de respecter les temps de parole, qu’il s’agisse des interventions sur l’article, de la présentation des amendements ou des explications de vote.
On peut apprécier ou non ce nouveau règlement ; on peut même le discuter. Mais il n’en fixe pas moins des temps de parole précis : cinq minutes sur un article, trois minutes pour la présentation d’un amendement et cinq minutes pour une explication de vote, même si cela peut sembler anormal à certains.
Il m’appartient d’appliquer ce règlement, et c’est ce que je fais, à l’aide des deux chronomètres qui se trouvent devant moi !
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 6, présenté par MM. Vantomme et Tuheiava, Mme Voynet, MM. Bel, Boulaud, Carrère, Frimat, Badinter, Boutant, Marc, Rebsamen, Sueur, Berthou et Daunis, Mme Ghali, MM. Madrelle, Chastan, Antoinette, Guérini et Lise, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Auban, Mmes Durrieu, Demontès et Blondin, M. Piras et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par les mots :
, il comprend aussi des membres des associations représentatives des victimes des essais nucléaires
La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. Cet amendement vise, d’une part, à accorder une juste place aux associations de victimes et, d’autre part, à assurer au comité d’indemnisation une plus large autonomie.
Est-il encore nécessaire de souligner le rôle de ces associations solidaires des victimes, qui ont porté depuis des années le combat pour une juste indemnisation ? Nous avons recueilli maintes fois leurs revendications, et des élus de tout l’éventail politique ont signé les nombreuses propositions de loi ou les résolutions qui tendaient à exprimer le point de vue des victimes des essais nucléaires français.
Cet amendement vise donc à assurer la représentation des associations de victimes au sein du comité d’indemnisation. Il est en effet souhaitable de s’appuyer sur leur bonne connaissance des situations vécues par les intéressés. Le comité ne doit pas être constitué exclusivement de juristes et de scientifiques.
Les associations de victimes, fortes de leur expertise, pourront alors éclairer l’examen des dossiers. Par ailleurs, dans le but d’assurer la crédibilité et l’impartialité du dispositif, il est nécessaire d’affirmer l’indépendance des membres du comité d’indemnisation à l’égard des ministères concernés.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. Cet amendement pose la question de l’éventuelle représentation des associations de victimes au sein du comité d’indemnisation.
Je comprends les intentions de ses auteurs. La présence des associations au sein du comité permettrait à ce dernier de fonctionner, en quelque sorte, sous la surveillance bienveillante des victimes, et contribuerait sans doute à lui donner une meilleure connaissance des réalités du terrain des essais nucléaires.
Plusieurs arguments militent cependant contre cette proposition.
Tout d’abord, le texte prévoit que des associations peuvent assister les victimes lors de la procédure contradictoire et qu’elles sont membres de droit de la commission consultative de suivi. Si des représentants des associations figuraient dans le comité, ils représenteraient à la fois le demandeur et l’instance d’indemnisation. (Absolument ! sur les travées de l’UMP.)
Le texte adopté par l’Assemblée nationale fait montre d’une véritable cohérence en confiant aux associations un rôle d’appui des demandeurs et de suivi de l’application de la loi.
Le comité est par ailleurs une instance technique d’expertise juridique, médicale et financière, dans laquelle un représentant associatif n’aurait pas tout à fait sa place. Le rôle des associations est de soutenir les victimes dans leur démarche et d’assurer le suivi du dispositif au sein de la commission consultative de suivi ; il n’est pas de se substituer à des experts pour instruire les dossiers. Ces associations ne peuvent à la fois représenter le demandeur et le comité d’indemnisation.
J’ajoute que le texte de la commission conforte l’indépendance du comité d’indemnisation. Il fait de même s’agissant du rôle de soutien aux victimes, en prévoyant, d’une part, que les demandeurs puissent être assistés par la personne de leur choix et, d’autre part, que la commission consultative de suivi, dont les associations sont membres, puisse s’autosaisir à la demande de la majorité de ses membres.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. J’ai déjà répondu à maintes reprises à cette question.
J’ai bien réfléchi sur ce sujet important, en pesant le pour et le contre, et j’ai même considéré un temps que cette option pouvait représenter une solution permettant de rétablir le sentiment de confiance que chacun requiert. Mais je l’ai finalement écartée, et ce pour quatre raisons.
Premièrement, j’ai estimé que les amendements adoptés tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat prévoyaient le rôle d’assistance des associations en instituant une procédure contradictoire. En effet, les associations de victimes peuvent désormais accompagner le requérant dès lors que celui-ci est entendu. Par ailleurs, l’analyse technique, médicale et scientifique doit être menée, au sein du comité d’indemnisation, par des hommes et des femmes de l’art.
Deuxièmement, j’ai considéré qu’il était cohérent et logique que les dossiers médicaux individuels sur lesquels s’appuie cette analyse restent entre les mains d’hommes et de femmes tenus par la même obligation de confidentialité.
Troisièmement, se posait le problème de la représentativité des associations, que l’on aurait pu voir se multiplier au fur et à mesure de la mise en œuvre de ce texte.
Quatrièmement, et c’est la raison qui me paraissait la plus sérieuse, je voulais absolument éviter que chaque dossier n’évolue en fonction de l’appartenance du requérant à telle ou telle association, et ne soit traité par un défenseur mandaté, représentant d’une association chargée de plaider pour l’un de ses membres.
Pour toutes ces raisons, je ne pense pas raisonnable que les associations de victimes siègent au sein du comité d’indemnisation.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Ce que vous venez de dire est assez grave, monsieur le ministre !
Vous jetez a priori le discrédit sur la loyauté, l’équité et la représentativité des associations. Croyez-vous donc que, au conseil de prud’hommes, les représentants du personnel jugent en fonction de l’appartenance syndicale des requérants ? Croyez-vous que, au sein de la commission d’examen des circonstances de l’exposition à l’amiante, les représentants des associations ne défendent que les membres de ces associations à jour de leurs cotisations ?
Il nous faut avoir un raisonnement plus exigeant et être plus respectueux de l’esprit démocratique qui anime ces associations depuis bien longtemps !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous voterons bien sûr cet amendement. Cet article est déterminant, et nous demanderons un scrutin public.
Depuis que nous réclamons la reconnaissance des essais nucléaires et leur indemnisation, c’est-à-dire depuis le début des années 2000, les deux principales associations concernées, que nous connaissons fort bien, ont toujours eu une attitude très responsable. C’est pourquoi nous souhaitons qu’elles soient présentes au sein du comité d’indemnisation. Nous savons en effet que le débat contradictoire permet bien souvent de se rapprocher de la réalité et de la vérité. C’est un point très important !
Certes, un suivi sera ensuite assuré. Mais rappelez-vous, monsieur le ministre de la défense, de l’époque où les cours régionales des pensions rejetaient systématiquement toutes les demandes de pensions, après appel par le ministère des décisions des tribunaux des pensions !
Là, vous avez certes fait un pas en avant. Mais, dans le cadre d’un exercice contradictoire de la démocratie, vous pourriez aller encore plus loin.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 32, présenté par Mme Voynet, MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
Ce comité examine si les conditions de l'indemnisation sont réunies. Lorsque celles-ci sont réunies, le demandeur bénéficie d'une présomption de causalité entre les essais nucléaires et sa maladie. Il revient au comité d'indemnisation de faire la preuve, le cas échéant, de l'absence de lien de causalité entre les essais nucléaires et la maladie du demandeur.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. La question de la présomption de causalité entre la maladie et les essais nucléaires a fait l’objet de nombreux débats. Nous devons saluer le chemin accompli en la matière depuis l’adoption du texte en conseil des ministres.
On pouvait en effet lire, dans la rédaction initiale, que le comité d’indemnisation devait décider si le lien de causalité entre la maladie de l’intéressé et les essais nucléaires « pouvait être regardé comme existant ». L’Assemblée nationale a remplacé le mot « existant » par le mot « possible ».
Grâce au travail effectué par M. le rapporteur, la rédaction s’est encore améliorée. L’article 4 du projet de loi dispose désormais : « Ce comité examine si les conditions de l’indemnisation sont réunies ». Ces conditions sont au nombre de deux : d’une part, la maladie doit figurer sur la liste établie sur la base des données scientifiques et, d’autre part, la personne doit avoir résidé ou séjourné dans la zone considérée pendant la période considérée. Lorsque ces conditions sont réunies, « le demandeur bénéficie d’une présomption de causalité [...] ».
Si l’on s’en était tenu là, on pourrait penser que le demandeur bénéficie désormais d’une présomption de causalité, comme cela avait été annoncé. Mais la suite de la phrase annule son début prometteur : « [...] à moins qu’au regard de la nature de la maladie et des conditions d’exposition de l’intéressé, le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable ». Du mot « possible », on passe au mot « négligeable » : je ne vois pas en quoi cet exercice de grammaire consistant à changer la place des sujets et des compléments représente un progrès !
L’amendement n° 32 vise donc à apporter une précision : la présomption de causalité ne saurait être récusée que s’il est établi, par exemple, que l’une des deux conditions posées par la loi n’est pas réellement remplie.
M. le président. L’amendement n° 23, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher et Lise, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Au début de cet alinéa, insérer les mots :
À cet égard,
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 23 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 32 ?
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. La commission a émis le même avis que sur l’amendement n° 1, déposé à l’article 3. Elle est d’accord sur l’introduction du principe de présomption de causalité, mais pense que les modalités de la preuve contraire doivent être précisées, comme le fait son texte.
Elle émet donc un avis défavorable, car cet amendement est partiellement, sinon entièrement, satisfait. Une nuance nous sépare : celle de la difficulté de la preuve parfaite ou imparfaite.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Je me suis exprimé à de nombreuses reprises sur cette question. Je partage l’avis de M. le rapporteur. L’introduction d’une présomption de causalité irréfragable interdirait l’analyse au cas par cas.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite revenir sur la question déjà soulevée lors de l’examen de l’amendement n° 1.
Il est clair, monsieur le ministre, que des progrès ont été accomplis par rapport aux premières versions du texte. Mais je persiste à penser que ce n’est pas une simple nuance qui sépare le texte de la commission et l’amendement n° 32 de Mme Voynet. Ceux-ci procèdent d’un choix profondément différent !
Il est clair que la rédaction de la commission laisse subsister de nombreuses incertitudes et laisse aussi la porte ouverte à bien des arbitraires. Il est vrai que la rédaction proposée par Mme Voynet dans l’amendement n° 32 comporte également une part d’arbitraire : elle peut permettre l’indemnisation d’une personne dont la maladie procède d’autres causes. Mais nous pensons que le doute doit profiter à la victime ou à la personne susceptible de l’être. Notre philosophie est donc tout à fait différente de celle de la commission et du Gouvernement.
Le texte de la commission dispose que, lorsque les conditions de l’indemnisation sont réunies, « le demandeur bénéficie d’une présomption de causalité » – jusque-là, tout va bien ! – « à moins qu’au regard de la nature de la maladie et des conditions d’exposition de l’intéressé, le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable ».
Êtes-vous bien conscients, mes chers collègues, de tous les mots qui, dans ce membre de phrase, sont source d’incertitude et d’arbitraire, et risquent de priver les demandeurs des indemnisations auxquelles ils ont droit ? Il y a d’abord les « conditions d’exposition », puis le fait que « le risque puisse être considéré comme négligeable ».
Alors qu’il n’est déjà pas facile de déterminer un risque, prévoir que ce dernier « puisse être considéré comme négligeable » induit un grand flou qui pourra tout à fait jouer au détriment des demandeurs.
La rédaction proposée par Mme Voynet est très claire, et je vous renvoie, mes chers collègues, au texte même de l’amendement n° 32.
La différence entre les deux rédactions est considérable : elle porte sur la charge de la preuve, ce qui change absolument tout.
M. le président. La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Monsieur le président, les membres du groupe socialiste et apparentés demandent un vote par scrutin public sur l’amendement n° 32.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 4 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 29, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher et Lise, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Réunissent de plein droit les conditions d’indemnisation les personnes qui ont obtenu la reconnaissance irrévocable d’une maladie professionnelle radio induite inscrite sur la liste prévue à l’article 3, occasionnée par les essais nucléaires français, au titre de la législation française de sécurité sociale ou d’un régime assimilé ou de la législation des pensions civiles et militaires d’invalidité.
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Cet amendement tend à permettre l’indemnisation complémentaire de plein droit des personnes qui se seront vu reconnaître un droit à indemnisation irrévocable et à éviter une éventuelle contradiction d’appréciation de droit entre les décisions de reconnaissance administratives ou judiciaires et celles du comité d’indemnisation.
En effet, à ce jour, un certain nombre de victimes civiles et militaires ont déjà bénéficié de la reconnaissance de maladie professionnelle, au titre d’un régime de sécurité sociale ou du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, soit par des décisions définitives des autorités administratives, soit par des décisions de justice de l’ordre judiciaire.
Dans le cadre de la loi et d’une demande d’une indemnisation complémentaire et intégrale des intéressés, le comité d’indemnisation devrait faire siennes ces décisions sans pouvoir les remettre en cause sur le fond pour ensuite refuser le principe d’une indemnisation.
Dans ces situations, certes peu nombreuses à ce jour, l’instruction du comité d’indemnisation serait alors limitée à la seule appréciation de l’indemnisation complémentaire.
L’amendement n° 29, s’il est adopté, permettra d’accélérer la procédure d’indemnisation complémentaire des personnes concernées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marcel-Pierre Cléach. Cet amendement tend à instaurer une présomption irréfragable pour les personnes ayant déjà obtenu réparation devant les tribunaux de l’ordre administratif. Lorsqu’elles présenteraient leur requête devant le comité d’indemnisation, elles n’auraient pas à constituer un nouveau dossier. La présomption étant considérée comme irréfragable, elles bénéficieraient d’une indemnité définie par ledit comité.
Dans le texte adopté par la commission, rien n’interdit à une personne déjà indemnisée au titre des essais nucléaires de demander à être indemnisée par le comité. C’est même l’une des vertus de la loi : remettre les compteurs à zéro, si je puis dire, surtout pour les demandeurs déboutés par les tribunaux.
Une personne déjà indemnisée ne le sera pas une seconde fois. Les sommes déjà reçues seront imputées sur l’indemnisation décidée par le comité d’indemnisation.
Par ailleurs, nous avons voulu permettre au comité d’indemnisation de prendre sa décision en toute indépendance, en fonction de l’ensemble des éléments du dossier personnel du demandeur, des paramètres arithmétiques, des modélisations, des éléments statistiques en sa possession.
Le dispositif résultant des travaux de la commission paraît satisfaisant et suffisant. Il ne semble pas souhaitable que les personnes concernées puissent obtenir un complément d’indemnisation directement, ce qui mettrait en cause tout le dispositif prônant l’examen au cas par cas.
Un lien de causalité entre la pathologie et les essais nucléaires ayant été reconnu par les tribunaux, l’étude du dossier par le comité d’indemnisation sera une formalité. Il serait vraiment curieux que cette instance adopte une position différente.
L’amendement n° 29 semble superfétatoire. Les victimes considérées doivent suivre, selon moi, la procédure générale, sans qu’il soit possible de leur dénier le lien de causalité déjà reconnu par un tribunal.
La commission, tout en comprenant l’objectif poursuivi, émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. Le Gouvernement émet le même avis, et pour les mêmes raisons, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Tuheiava, l’amendement n° 29 est-il maintenu ?
M. Richard Tuheiava. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher et Lise, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, y compris lors des investigations scientifiques ou médicales
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Cet amendement tend à conforter le principe du contradictoire lors de l'intégralité de l'instruction de la demande individuelle d'indemnisation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’assurer que le principe du contradictoire s’impose même dans les expertises.
La commission n’a pas souhaité préciser dans quelles circonstances ce principe s’imposera, car il doit être respecté tout au long de la procédure. C’est également la raison pour laquelle elle a prévu que le demandeur puisse être assisté par toute personne de son choix, qu’il s’agisse d’un représentant d’association ou d’un médecin qui, le cas échéant, pourra faire procéder à des contre-expertises.
L’amendement n° 24, amendement de détail, relève quasiment du domaine réglementaire et semble satisfait. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Morin, ministre. En introduisant une telle disposition, monsieur le sénateur, vous risquez de limiter le principe du contradictoire, qui est au contraire beaucoup plus global. Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Tuheiava, l’amendement n° 24 est-il maintenu ?
M. Richard Tuheiava. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher et Lise, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 8, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Il en adresse également copie au demandeur.
II. - En conséquence, supprimer la dernière phrase du même alinéa.
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. L’impartialité du dispositif aurait pu être garantie, comme cela se passe dans la généralité des dispositifs non juridictionnels d’indemnisation des victimes de dommages corporels, par une transmission directe de l’offre d’indemnisation par le comité au demandeur, sans l’intervention du ministère concerné.
La mise en place d’un comité placé sous l’autorité finale du ministère de la défense, sans que soit assurée la présence des associations de victimes, ne permet pas de respecter les règles élémentaires de procédure, notamment le principe du contradictoire, ne garantit pas les droits de la défense et n’assure pas un accès effectif aux voies de recours.
Il n’est nullement dans mes intentions d’intenter un quelconque procès d’intention. Je crois simplement nécessaire de tenir compte du passif qui persiste dans les relations entre l’État, d’une part, et les victimes et les associations qui les ont soutenues, d'autre part. De même, il faut garder à l’esprit le cheminement qui a permis à ces dernières de s’adresser au ministère, à l’occasion de ce projet de loi.
C'est pourquoi, afin de respecter le principe du contradictoire, il nous semble important que le comité laisse au requérant la faculté de consulter le dossier établi à l’issue de l’instruction de sa demande et lui communique donc sa recommandation en même temps que celle-ci est adressée au ministère.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. J’approuve tout à fait le dispositif proposé.
Toutefois, nous sommes ici dans le domaine du droit commun, et même – j’y reviendrai plus tard – dans celui du règlement.
Or la Cour de cassation a défini à plusieurs reprises l’étendue du principe du contradictoire dans des procédures non contentieuses.
Certes, ces principes ne sont pas écrits dans la loi, mais il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que le comité d’indemnisation devra communiquer au demandeur tous les éléments susceptibles de lui faire grief, l’informer de la fin de la procédure d’instruction sans qu’il ait à solliciter ce renseignement, l’inviter à consulter le dossier établi à l’issue de l’instruction, enfin lui communiquer la date à laquelle la recommandation de prise en charge, ou de rejet, sera adoptée.
Toutes ces règles relèvent du domaine du règlement, et elles découlent de l’application du droit commun.
C'est pourquoi, mon cher collègue, la commission n’a pas jugé utile de vous suivre sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Tuheiava, l'amendement n° 25 est-il maintenu ?
M. Richard Tuheiava. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par MM. Tuheiava, Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher et Lise, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, rédigé en concertation avec les institutions de la Polynésie française pour tenir compte des spécificités de cette collectivité
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Avec cet amendement, nous revenons à la question de la concertation avec les institutions de la Polynésie française.
Une telle procédure nous semble nécessaire avant que ne soient édictées les dispositions prévues à l’alinéa 10 de l’article 4, c'est-à-dire, en résumé, l’ensemble des mesures réglementaires, ou du moins celles qui sont laissées au décret d’application.
En effet, compte tenu des spécificités de la Polynésie française, notamment en ce qui concerne l’organisation familiale, le contexte linguistique et culturel, les distances géographiques, les délais et le coût des déplacements pouvant retarder la constitution des dossiers ou des recours prévus par la loi, il importe de prévoir, en concertation avec les institutions polynésiennes, certaines des dispositions qui seront prises par le pouvoir règlementaire pour l’application du présent projet de loi.
Je le répète, si je réclame une concertation avec la Polynésie française, ce n’est pas par mauvais esprit, c’est seulement pour enrichir le présent texte ou pour préciser l’application que le pouvoir réglementaire lui donnera.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. Mon cher collègue, compte tenu de l’importance qu’ont revêtue les essais nucléaires en Polynésie, de nombreux habitants de cette collectivité seront concernés par la procédure d’indemnisation ; je comprends donc que vous souligniez les spécificités que celle-ci doit prendre pour eux.
Le coût du voyage à Paris est, me semble-t-il, de quelque 2 600 euros. Vous pouvez donc légitimement souhaiter qu’il soit pris en charge si le déplacement a lieu sur l’initiative du comité, par exemple quand celui-ci jugera nécessaire de convoquer un demandeur pour approfondir certains points de son dossier. Monsieur le ministre, je vous demande donc de nous donner des précisions sur les dépenses liées à ces déplacements.
Pour le reste, la commission ne peut approuver cette proposition, tout simplement parce qu’un décret en Conseil d'État ne se rédige pas en concertation avec une collectivité territoriale, quelle qu’elle soit et quelles que puissent être ses qualités ! Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.