Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.
En ce qui concerne le plan de relance, c’est un euphémisme de dire que les collectivités territoriales y contribuent : elles sont largement majoritaires dans l’investissement public, puisqu’elles en réalisent près de 80 % !
Pour le reste, je vous ai signalé un risque réel, dont tous les élus ont conscience et qui ne résulte pas d’une mauvaise volonté des collectivités territoriales. Dans la majorité des projets engagés, il arrive souvent que la totalité de l’opération ne soit pas terminée dans le délai prévu par la loi. Vous m’avez apporté quelques apaisements et garanties : j’espère simplement que, dans les départements, les préfets en seront bien informés.
M. Christian Cambon. Très bien !
compensation des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 592, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État.
M. Christian Cambon. Madame la secrétaire d’État, je vous souhaite à mon tour la bienvenue dans cet hémicycle !
Je souhaite appeler votre attention sur le dossier très sensible de la vente en bloc des 32 000 logements du patrimoine de la société Immobilière Caisse des dépôts, ICADE, vente lourde de conséquences pour les finances des communes concernées, soit près d’une quarantaine rien qu’en Île-de-France.
Les logements locatifs sociaux bénéficient, au moment de leur construction ou de leur rachat, de différents régimes d’exonération de longue durée – généralement pendant quinze ans – de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB. Cette exonération est décidée par l’État au profit des propriétaires bailleurs. En revanche, la perte de recettes pour les collectivités locales, qui bénéficient en principe du produit de cette taxe, n’est pas systématiquement compensée par l’État.
Initialement, la loi prévoyait que l’État ne compensait, de manière partielle, les exonérations accordées que si celles-ci entraînaient une perte « substantielle » de recettes, soit une perte supérieure à 10 % du produit total de la TFPB perçu par la collectivité concernée.
Aujourd’hui, les règles de compensation varient selon le type de logement social, la période de construction ou d’acquisition de celui-ci et selon que l’on se situe dans les quinze premières années de la période d’exonération ou les dix dernières : il s’agit donc d’un régime éminemment fluctuant.
La situation des collectivités locales varie excessivement : les exonérations accordées pour les opérations de construction financées par le prêt locatif social, ou PLS, ne sont pas compensées, sous réserve de l’application de la règle des 10 % que je viens d’évoquer ; quant aux opérations de construction ou d’acquisition sous le régime du prêt locatif aidé d’intégration, PLAI, et du prêt locatif à usage social, PLUS, elles sont compensées par l’État, mais avec application d’un taux de minoration de près de 17 %, qui évolue chaque année en fonction des arbitrages de la loi de finances. Enfin, les règles de compensation sont différentes pour les dix dernières années d’exonération, mais je n’entrerai pas dans ces détails d’une grande complexité.
L’ensemble de ces mesures a naturellement des conséquences directes sur le budget des collectivités locales, avec une acuité toute particulière dans la période actuelle.
En effet, pendant longtemps, le parc de logements sociaux, en particulier en Île-de-France, est demeuré relativement stable. Les constructions neuves étaient limitées et le patrimoine existant, datant pour l’essentiel des années 1950-1960, changeait peu de propriétaire.
Ainsi, la Caisse des dépôts et consignations a construit après la guerre, par l’intermédiaire de sa filiale immobilière, la Société centrale immobilière, ou SCIC, devenue ICADE, un nombre considérable de logements dans toute la région d’Île-de-France. Elle a commencé à se séparer de certains de ses logements à la fin des années quatre-vingt-dix et au cours des années deux mille, avant d’annoncer, dans un communiqué du 12 décembre 2008, sa décision de procéder à la vente de l’ensemble de son parc de logements en Île-de-France, soit 32 000 logements. Dans mon département du Val-de-Marne, 5 800 logements sont concernés, soit près de 700 pour la seule commune de Sucy-en-Brie, qui compte 25 000 habitants.
Par ailleurs, il est important de souligner que le patrimoine d’ICADE bénéficie d’un régime dérogatoire de rachat par les bailleurs sociaux : le rachat des logements sociaux appartenant aux sociétés immobilières à participation majoritaire de la CDC se fait sous financement PLS, mais des conditions d’occupation plus sociales que celles qui sont appliquées aux logements PLS « ordinaire » peuvent être prévues.
Autrement dit, même si le niveau de loyer pratiqué par le nouveau bailleur après rachat est de type PLAI ou PLUS, les ventes d’ICADE interviennent toutes dans le cadre d’un financement PLS, qui ne donne pas matière à compensation de l’État.
Ainsi, tout le patrimoine social conventionné d’ICADE actuellement mis en vente, une fois racheté par un bailleur social, bénéficiera pendant vingt-cinq ans d’une exonération de TFPB qui ne sera pas compensée par l’État.
En conséquence, la politique d’exonération de TFPB influera sérieusement sur les équilibres des budgets locaux pour une longue période.
Pour reprendre l’exemple de Sucy-en-Brie, qui permet de bien raisonner, la perte de recettes est estimée, en 2009, à 140 000 euros, alors même que la vente globale du patrimoine d’ICADE n’a pas encore eu lieu. Cette perte résulte de la vente partielle de 148 logements, réalisée en 2008, et à un changement de propriétaire pour 150 autres logements sociaux. Par ailleurs, 700 logements restent à vendre : si tous ces logements sont vendus à un bailleur social, 1 200 logements au total auront disparu des bases de TFPB en l’espace de deux ans.
Ainsi, du jour au lendemain, ou presque, le budget municipal de Sucy-en-Brie pourrait se trouver amputé d’une recette de l’ordre de 500 000 euros par an, ce qui correspond, dans cette ville de 25 000 habitants, à une augmentation des impôts locaux de plus de trois points – excusez du peu !
Or Sucy-en-Brie ne constitue pas un cas isolé dans notre région : trente-six maires d’Île-de-France se sont d’ailleurs mobilisés pour attirer l’attention de l’État sur les conséquences de la cession en cours du patrimoine d’ICADE.
Madame la secrétaire d’État, il est paradoxal de constater que l’État affirme sa volonté – qui ne saurait être mise en doute – d’encourager le logement social, alors que, dans le même temps, sa politique de compensation d’exonération de la TFPB peu lisible, souvent fluctuante et pour le moins partielle, n’incite pas les collectivités locales à s’engager dans cette voie, y compris celles qui ne respectent pas le fameux seuil des 20 % instauré par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Ma question est donc très simple : quelles mesures compensatoires l’État envisage-t-il de prendre pour aider les communes à faire face à des pertes de rentrées fiscales particulièrement lourdes de conséquences ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée des aînés. Monsieur le sénateur, permettez-moi de renouveler les excuses de M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, pour son absence de ce matin, en raison d’un déplacement en Chine.
La cession du pôle logements de la société ICADE relève, en premier lieu, d’une décision stratégique de l’entreprise et de son conseil d’administration.
Soyons clairs, l’État n’a pas d’intérêt particulier dans ce dossier. Des négociations sont en cours entre ICADE et un consortium constitué par la Société nationale immobilière, la SNI.
La reprise de la majeure partie de ce parc de logements par les bailleurs sociaux aurait l’avantage de sécuriser du logement social de fait, en le faisant accéder au statut de logement social conventionné.
Elle ne résout pas, pour autant, le déficit de l’offre de logements en Île-de-France où les besoins sont considérables. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement accorde la priorité à la construction.
Le Gouvernement est bien conscient de l’incidence que peut avoir l’opération de cession des logements d’ICADE sur l’équilibre des finances locales.
Comme vous l’avez rappelé, en l’état actuel des règles de compensation des exonérations de taxe foncière, la plupart des collectivités concernées seraient pénalisées financièrement, alors qu’elles bénéficient déjà d’un effort de redistribution important dans le cadre de la politique de la ville et qu’elles accueillent de nombreux logements sociaux, à un niveau bien souvent supérieur à celui de 20 % exigé par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.
Pour vous répondre précisément, et comme Éric Woerth l’a assuré lors d’une réunion avec une délégation d’élus, au début du mois de juin, le Gouvernement est ouvert à une évolution des règles pour aider ces communes à faire face à des pertes de recettes potentiellement importantes.
Naturellement, cette évolution devrait se faire en concertation avec le comité des finances locales, car elle s’inscrirait dans le cadre de l’évolution d’ensemble des concours de l’État aux collectivités locales. Le Gouvernement vous donne donc rendez-vous lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces éléments de réponse. Ils ne sont pas d’une précision totale, mais je reconnais que le problème est particulièrement difficile à régler et qu’il relève, bien évidemment, de la loi de finances.
Je souhaite que les engagements pris par M. le ministre Éric Woerth puissent être tenus dans les meilleurs délais et j’attire votre attention sur le danger qui résulterait du maintien de la situation actuelle. En effet, un certain nombre de communes de mon département, dont la mienne, vont s’opposer à la transformation de logements en logements sociaux, à cause de ces règles et de leurs conséquences fiscales.
Un tel résultat serait contraire à la volonté de l’État, dans notre région qui manque tant de logements sociaux, et aux intérêts des collectivités territoriales.
Je souhaite donc, pour ma part, que des mesures concrètes puissent être prises rapidement, afin de rassurer les maires – et ils sont nombreux ! – qui entendent répondre à leurs obligations dans le domaine du logement social.
extension du bénéfice de la pension de réversion au partenaire survivant d’un pacs
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la question n° 567, transmise à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la secrétaire d’État, je vous souhaite, à mon tour, la bienvenue dans cet hémicycle.
Ma question porte sur l’extension du bénéfice de la pension de réversion au partenaire survivant d’un pacte civil de solidarité, le PACS.
Récemment, à la veille de la « Marche des fiertés », le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a annoncé son intention d’étendre au partenaire survivant d’un PACS le bénéfice du capital décès, jusque-là réservé au conjoint décédé.
Nous saluons cette décision de bon sens, qui a le mérite de mettre un terme à une discrimination intolérable entre couples mariés et couples pacsés.
Mais elle n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des discriminations subies par les couples pacsés, notamment en matière de droits sociaux, par rapport aux couples mariés. Au premier plan de ces discriminations, se trouve le refus de faire bénéficier le partenaire survivant d’un PACS de la pension de réversion.
Le rapprochement inéluctable – voulu d’ailleurs par M. Sarkozy – entre le PACS et le mariage, en matières fiscale, sociale et successorale, opéré par les différentes lois adoptées ces dernières années, a rendu cette situation obsolète.
Elle est d’autant plus intolérable qu’elle a été condamnée par différentes autorités.
La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, a considéré, dans deux délibérations récentes, que le refus d’étendre le bénéfice d’une pension de réversion au partenaire survivant d’un pacte civil de solidarité constituait une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Dans sa délibération n° 2008–107, elle a précisé : « les obligations pesant sur les conjoints et les partenaires sont suffisamment comparables, au regard de l’objet poursuivi par la pension, pour rendre injustifiée toute différence de traitement en la matière ».
Dans un rapport remis au garde des sceaux le 30 novembre 2004 – voilà presque cinq ans ! –, le groupe de travail sur l’amélioration du régime juridique du PACS a clairement pris position pour une extension du bénéfice de la pension de réversion au partenaire survivant.
La Cour de justice des communautés européennes, dans un arrêt du 1er avril 2008, a également considéré que le refus de versement d’une pension de réversion à un partenaire survivant constituait « une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle » interdite par la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.
Enfin, le Médiateur de la République a récemment engagé une réflexion sur cette question, en créant un groupe de travail auquel j’ai participé, et a rappelé, dans une recommandation, qu’il était favorable à l’extension du bénéfice de la pension de réversion au partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité depuis au moins deux ans. D’ailleurs, lors d’une réunion de travail organisée sur l’initiative du Médiateur de la République, le représentant de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique a indiqué qu’il n’y avait pas d’opposition de principe à ouvrir le bénéficie de la pension de réversion aux fonctionnaires liés par un PACS depuis quatre ans.
Je souhaite donc savoir si le Gouvernement envisage d’étendre le bénéfice de la pension de réversion au partenaire survivant d’un PACS et, si oui, selon quel calendrier.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Madame la sénatrice, vous avez bien voulu appeler l’attention du Gouvernement sur la situation des personnes liées par un PACS, au regard du droit à réversion.
Comme vous le savez, ce droit a déjà fait l’objet de plusieurs extensions au cours des dernières années.
Ainsi, l’article 31 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu que, à partir du 1er juillet 2004, aucune condition d’absence de remariage et de durée de mariage ne serait plus exigée pour l’attribution d’une pension de réversion.
Ce même article a abrogé les règles qui visaient à limiter le cumul d’une pension de réversion avec une pension de retraite ou d’invalidité – cela pénalisait spécifiquement les conjoints survivants qui avaient travaillé – au profit d’une modulation de la pension de réversion en fonction du niveau des ressources du conjoint survivant.
Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a mis en œuvre l’engagement du Président de la République de relever de 54 % à 60 % le taux de la réversion pour les veuves et les veufs les plus modestes.
Cette mesure de solidarité et de justice sera mise en œuvre dès le 1er janvier prochain, et ce de façon automatique, sans que les intéressés aient à en demander le bénéfice. Elle concernera plus de 600 000 veuves et veufs.
Toutefois, comme vous le soulignez, madame la sénatrice, l’ouverture du droit à réversion demeure aujourd’hui liée à une condition de mariage. La réversion a, en effet, vocation à compenser la part prise par le conjoint survivant dans la constitution des droits à retraite du conjoint décédé ; elle est donc intimement liée à l’existence d’une solidarité financière totale entre les conjoints.
Vous proposez d’ouvrir le droit à réversion aux personnes pacsées.
Je souhaite toutefois vous faire remarquer que, dans son rapport publié le 19 décembre dernier, le Conseil d’orientation des retraites, qui avait envisagé cette possibilité, a reconnu qu’il convenait de l’assortir de certaines garanties portant sur la nature des engagements juridiques contractés par le couple.
Enfin, il va de soi que la situation financière de nos régimes de retraite ne permet d’envisager cette réforme qu’en l’accompagnant, parallèlement, de mesures d’économie destinées à assurer son équilibre financier : le Gouvernement sera évidemment attentif aux propositions que vous pourrez formuler dans ce domaine.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la secrétaire d’État, vous nous avez rappelé les mesures adoptées ces cinq dernières années en faveur des veuves et des veufs, et nous ne pouvons que nous réjouir de ce recul des discriminations.
Cependant, ma question porte sur la situation des couples liés par un PACS. Nous devons étendre d’urgence le bénéfice de la pension de réversion aux partenaires survivants d’un PACS au nom de l’égalité de traitement et de la lutte contre les discriminations.
Lorsque nous avons souhaité la reconnaissance des PACS enregistrés à l’étranger, nous n’avons pas attendu que le Gouvernement présente un texte : nous avons proposé un amendement, et nous nous sommes félicités de son adoption.
En l’occurrence, cependant, nous ne pouvons pas présenter un amendement visant à étendre le bénéfice de la pension de réversion au partenaire survivant d’un PACS, car une telle mesure, dont le coût est évalué à près de 30 milliards d’euros, tomberait sous le couperet de l’article 40 de la Constitution. Les parlementaires, vous le savez, ne peuvent déposer des amendements qui auraient pour conséquence d’augmenter les charges publiques.
Il revient donc au Gouvernement de présenter une telle disposition, d’autant qu’elle recueille un consensus véritable de la part de tous les partenaires, y compris au sein des directions générales.
C’est dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, qui sera discuté dans quelques mois, qu’il convient d’intégrer une disposition visant à pallier l’injustice que j’ai soulignée. Les arbitrages sur le budget de la sécurité sociale devant être rendus bientôt, c’est aujourd'hui qu’il faut trancher ! La balle est dans le camp du Gouvernement, madame la secrétaire d'État ! C’est à lui de prendre l’initiative !
situation financière des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés reprenant une activité professionnelle
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch, auteur de la question n° 577, adressée à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Mme Mireille Schurch. Madame la secrétaire d’État, je vous souhaite, à mon tour, la bienvenue dans cet hémicycle.
Ma question porte sur la situation financière des bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, reprenant une activité professionnelle.
J’illustrerai mon propos par deux cas concrets.
J’ai reçu, dans ma permanence de Montluçon, un jeune polyhandicapé, bénéficiaire en 2008 de l’allocation aux adultes handicapés, de la majoration pour la vie autonome et de l’aide personnalisée au logement.
Après s’être beaucoup battu, soutenu par ses parents, pour accéder à une formation initiale et professionnelle, il a réussi à créer une entreprise de valorisation des espèces avicoles dans le département de l’Allier, accompagné par la communauté de communes d’Huriel et fortement encouragé par la chambre d’agriculture.
Tout allait donc bien pour ce jeune homme jusqu’à ce qu’il se trouve, en mars 2009, débiteur de près de 3 000 euros. Bien que son entreprise n’ait pas encore dégagé de revenus, il est confronté à une baisse drastique de ses trois prestations. Sa situation a tourné au cauchemar.
Il n’a pourtant pas manqué de saisir toutes les instances concernées, la Caisse d’allocations familiales, la Mutualité sociale agricole, la maison du handicap, et même le Président de la République, sans succès, hélas !
À la suite de mon intervention, la CAF a procédé à un nouvel examen et, se rendant sans doute compte d’une erreur, a décidé la neutralisation des ressources du jeune homme pour un an, comme la loi le prévoit, mais seulement pour un an !
Par ailleurs, j’ai reçu une jeune femme qui a dû renoncer à un emploi à temps partiel dans le journalisme pour continuer à percevoir l’AAH. Une activité professionnelle aurait entraîné, en effet, une chute de ses revenus.
Ainsi, les personnes handicapées sont pénalisées, à l’encontre de la logique d’insertion défendue lors de l’adoption du revenu de solidarité active et à contre-courant de ce qui était attendu du Pacte pour l’emploi des personnes handicapées.
Un emploi de salarié ou d’entrepreneur offre un début de reconnaissance sociale, l’assurance à terme d’une retraite, l’épanouissement personnel et l’indépendance. Aussi, face à la volonté de ces personnes d’avoir une activité rémunératrice et source de valorisation sociale, tout doit être fait pour les accompagner et les encourager.
Le handicap est présent tout au long de la vie et induit des dépenses qu’il faut assumer. La collectivité publique a le devoir de créer pour la personne handicapée un régime lui permettant d’assumer son handicap et de trouver sa place dans la société, dans un souci d’équité entre les citoyens. L’aide aux adultes handicapés devrait alors contenir une part incompressible, liée au handicap et non aux revenus.
Il n’est pas certain que la prestation de compensation du handicap, se substituant à l’allocation compensatrice pour tierce personne et à l’allocation compensatrice pour frais professionnels, remplisse cette fonction. Les personnes handicapées sont réticentes à opter pour cette prestation. De plus, quelle considération a-t-on de la dignité de la personne lorsque cette dernière doit justifier toute sa vie des frais liés à son handicap par des factures et autres paperasseries qu’exige la prestation de compensation du handicap ?
Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement compte-t-il encourager les personnes handicapées à exercer une activité professionnelle tout en assumant le handicap ?
Ne pourrait-on pas envisager qu’une aide mensuelle comprenne une part incompressible liée au handicap et indépendante des ressources de la personne concernée ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés. Madame la sénatrice, les réformes engagées par le Gouvernement ont un même objectif : faire en sorte que l’accès à l’emploi se traduise toujours, pour les bénéficiaires des minima sociaux, par une augmentation de leurs ressources, et non l’inverse, comme cela pouvait être le cas jusqu’à présent.
Éviter que les bénéficiaires de l’AAH ne subissent une perte brutale de leur allocation quand ils accèdent à l’emploi était déjà une préoccupation forte de la loi du 11 février 2005, qui a autorisé un cumul entre l’AAH et le salaire, impossible jusque-là : la personne handicapée continue ainsi à percevoir une allocation partielle tant que son salaire n’atteint pas le SMIC à temps plein.
Lors de la Conférence nationale du handicap du 10 juin 2008, le Président de la République a voulu aller encore plus loin, en faisant de l’AAH un véritable tremplin vers l’emploi pour les personnes handicapées qui peuvent travailler.
C’est pourquoi, dès 2010, le mécanisme de cumul entre AAH et salaire sera réformé pour le rendre plus lisible, plus simple et plus équitable.
Le montant de l’allocation versée sera revu chaque trimestre afin de l’ajuster plus rapidement à l’évolution de la situation du bénéficiaire.
Les différents abattements existants sur les revenus d’activité seront remplacés par un abattement unique de 80 % sur les revenus compris entre 0 et 0,4 SMIC et un abattement de 40 % au-delà. Le dispositif tient ainsi compte du fait que les personnes handicapées, plus fatigables, travaillent souvent à temps partiel, voire très partiel.
Le cumul entre AAH et salaire sera désormais possible jusqu’à 1,3 SMIC, au lieu de 1 SMIC aujourd'hui. Ce point de sortie est ainsi supérieur à celui du revenu de solidarité active, qui est de 1,1 SMIC, pour tenir compte des difficultés particulières d’accès à l’emploi des personnes handicapées.
Enfin, les distinctions entre allocataires fondées sur le taux d’incapacité seront supprimées.
Cette réforme de l’intéressement s’intègre, plus globalement, dans une stratégie visant à renforcer l’accès à l’emploi des bénéficiaires de l’AAH : ainsi, depuis le 1er janvier 2009, une personne handicapée peut percevoir l’AAH dès son premier jour d’inactivité, au lieu d’attendre un an, délai prévu auparavant, et elle bénéficie automatiquement d’un bilan professionnel. Nous avons augmenté de 15 millions d’euros le budget des maisons départementales des personnes handicapées pour leur permettre de réaliser ce bilan.
Enfin, le Gouvernement a lancé une mission d’experts chargée de concevoir un nouvel outil d’évaluation de la situation des personnes handicapées au regard de l’emploi, qui permettra de mieux orienter les demandeurs de l’AAH en fonction de leur projet de vie. Ses premières conclusions seront connues cet été.
Par ailleurs, vous avez raison, il fallait prendre en charge les dépenses inhérentes au handicap et pesant sur les ressources des personnes handicapées. C’est bien ce que fait la prestation de compensation du handicap, créée par la loi de 2005, prestation qui ne fait l’objet d’aucune condition de ressources.
Comme vous pouvez le constater, madame la sénatrice, le Gouvernement met toute son énergie à faciliter l’accès à l’emploi des personnes handicapées. Mais il n’oublie pas celles qui sont dans l’incapacité de travailler. C’est la raison pour laquelle le Président de la République s’est engagé à revaloriser le montant de l’AAH de 25 % d’ici à la fin du quinquennat. Au total, en 2012, l’AAH aura augmenté de 150 euros, ce qui représente, dans ces temps de crise, un effort de la solidarité nationale de 1,4 milliard d’euros.
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Je vous remercie de ces précisions, madame la secrétaire d’État.
Certes, la prestation de compensation du handicap est accordée sans condition de ressources, mais je ne suis pas favorable à son versement en capital.
Un handicap lourd perdure toute une vie. Les personnes touchées ont donc besoin d’une aide mensuelle, indépendante de leurs revenus, versée pendant toute la durée de leur vie. Donnons-leur les moyens de percevoir plus que le SMIC en cumulant leurs revenus et une prestation liée strictement au handicap.
Par ailleurs, cette aide mensuelle ne doit pas être soumise à la fourniture de factures, ce qui est contraignant et démoralisant.
Les personnes handicapées que j’ai rencontrées souhaitent – et cela renforcerait le respect qui leur est dû – pouvoir accéder à un emploi, même partiel, dans de meilleures conditions. Or, à ce jour, elles n’ont reçu que des informations imprécises, voire erronées. Une plus grande clarté est donc nécessaire.