Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, au nom de la commission des lois.
M. Yves Détraigne, au nom de la commission des lois. Monsieur le secrétaire d’État, après notre collègue Jean-Pierre Sueur, je tiens à insister sur le fait que le Sénat, par sa résolution, demande que soit purement et simplement exclue la transmission des données figurant dans la rubrique « 12) Remarques générales ». Je rappelle que cette rubrique ne contient pas uniquement des données sensibles.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Yves Détraigne, au nom de la commission des lois. Si j’ai bien compris votre réponse, monsieur le secrétaire d’État, vous considérez que ces données peuvent être transmises, même si certaines ne sont pas exploitées. Or, si j’ai proposé au Sénat l’exclusion de ces données de toute transmission, c’est parce que, outre les problèmes de tri que cela ne manquerait pas d’entraîner – des données très diverses figurent sous cette rubrique -, j’ai acquis la conviction, au fil des auditions auxquelles j’ai procédé, qu’il n’était ni nécessaire ni indispensable de disposer des données en question pour procéder aux recoupements permettant la surveillance plus particulière de tel ou tel passager.
Fort du rapport que j’ai cosigné avec ma collègue Anne-Marie Escoffier et qui est intitulé La vie privée à l'heure des mémoires numériques. Pour une confiance renforcée entre citoyens et société de l'information, je crois pouvoir dire qu’il serait sage, monsieur le secrétaire d’État, de suivre sur ce point la résolution du Sénat.
J’ai bien noté, par ailleurs, que vous penchiez globalement pour la durée de six ans préconisée par la résolution du Sénat, avec cependant une nuance. Dans la résolution, nous demandons qu’il y ait une première durée de conservation générale de trois ans, puis une seconde durée de conservation, également de trois ans, mais pour les seules données qui, au cours de la première période, auraient présenté un intérêt. Or, si j’ai bien compris votre propos, c’est la totalité des données qui serait conservée pendant six ans.
Je vous demande donc de bien vouloir préciser sur ce point votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je répondrai tour à tour aux différents orateurs qui m’ont interrogé.
Monsieur Fischer, la conservation de ces données a fait la preuve de son intérêt dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Elle a, par exemple, permis récemment, en Grande-Bretagne, le démantèlement d’importants réseaux pédophiles.
Cela ne doit pas pour autant se faire aux dépens des libertés individuelles, comme je l’ai dit tout à l’heure. C’est pourquoi nous avons demandé, durant notre présidence de l’Union, l’établissement d’un certain nombre de garde-fous.
Nous avons ainsi contribué à ce que soit prise en compte la protection des données, conformément aux textes existants, notamment la directive européenne de 1995. Sur ce point, vous pouvez donc être rassuré !
Monsieur Sueur, aux termes de l’article 7 de la loi du 23 janvier 2006 que j’ai citée tout à l’heure, seuls les agents habilités des services de renseignement ont accès à ces données. C’est une garantie qui n’est pas remise en cause.
Le débat se poursuit concernant le contenu de la rubrique n° 12. Certains des États qui ont déjà développé un système PNR national – j’ai évoqué la Grande-Bretagne dans mon propos liminaire – sont très attachés à ce que cette possibilité ne soit pas écartée d’emblée. Il convient de souligner que la rubrique concernée des dossiers de réservation, qui se présente sous la forme d’un champ libre, ne peut donner lieu à un traitement automatisé.
Au reste, dans la rubrique n° 12, toutes les données ne présentent pas le même degré de sensibilité, puisqu’elles vont des réservations d’hôtel et des moyens de transport à l’arrivée jusqu’à l’état de santé du passager en passant par son régime alimentaire.
Si le Conseil, dans la phase ultérieure des travaux que j’évoquais précédemment, autorisait une utilisation raisonnée des données sensibles, il faudrait naturellement encadrer strictement cette possibilité.
En revanche, si le Conseil excluait totalement l’exploitation des données sensibles, l’obligation d’effacement ne pourrait être mise à la charge des transporteurs aériens, sauf à leur imposer d’importantes contraintes.
Ce sont donc vos collègues du Parlement européen, si, comme nous le souhaitons tous, le traité de Lisbonne entre en vigueur, qui seront à même d’assurer de la meilleure manière la défense des droits fondamentaux.
S’agissant de la transposition, j’ai également pris bonne note de votre souhait, monsieur Sueur. Il est assez difficile, en l’état d’inachèvement de nos travaux, d’identifier le bon véhicule législatif, et je parle sous le contrôle du président de la commission des lois du Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut que le Parlement soit saisi, quel que soit le véhicule choisi.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Quoi qu’il advienne, quand il s’agit de libertés individuelles, le Parlement a toujours son mot à dire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est du domaine de la loi !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Cela relève en effet du domaine de la loi, comme le rappelle opportunément le président de la commission compétente. (Sourires.)
M. Yves Détraigne a soulevé la question, très importante, de la durée de conservation. Nous proposons une solution intermédiaire, à savoir trois ans auxquels s’ajouteraient quatre ans de stockage technique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si nous devons garder constamment à l’esprit la nécessaire lutte contre le terrorisme et la grande criminalité, notamment les trafics de drogues, il ne faut pas pour autant oublier que nous touchons ici aux droits des personnes, ce qui est toujours compliqué et mérite bien des précautions.
Répondant tout à l’heure à une question de votre collègue Marie-Hélène Des Esgaulx sur le vol Air France 447, j’ai insisté sur la prudence à observer tant que l’identité de tous les passagers n’était pas confirmée. Communiquer une liste de passagers après un accident peut emporter une série de conséquences complexes. Un nom mal orthographié peut créer une confusion sur l’identité d’une personne décédée ; une famille peut également découvrir qu’un père voyageait avec une amie…
C’est donc au nom de la protection de la vie privée et des libertés individuelles que l’on doit se garder de publier la liste de passagers après un accident aérien.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans la lutte contre le terrorisme comme dans le combat contre la grande criminalité, il faut raison garder, même si les deux objectifs sont une priorité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Nous en avons terminé avec le premier thème de ce débat.
II.- Congé de maternité
Mme la présidente. Sur le congé de maternité, la parole est à Mme Annie David, au nom de la commission des affaires sociales.
Mme Annie David, au nom de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 15 juin dernier, sur l’initiative de sa commission des affaires sociales, le Sénat a adopté une résolution européenne sur la proposition de directive portant modification de la directive 92/85/CEE concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, actuellement en cours de discussion à Bruxelles.
Je sais que, depuis cette date, aucune nouvelle discussion n’a eu lieu au Conseil à ce sujet. Le débat d’aujourd’hui aura donc pour objet sinon, à proprement parler, de nous permettre de contrôler la bonne application par le Gouvernement des résolutions du Parlement, du moins de nous faire connaître le détail des intentions de l’exécutif sur cette directive inquiétante à plusieurs égards.
Notre résolution reconnaît les avancées introduites par ce nouveau texte communautaire - je pense notamment à l’allongement du congé de maternité à dix-huit semaines -, mais elle soulève quatre difficultés qui pourraient le rendre inacceptable si elles n’étaient pas tranchées.
La première difficulté résulte de l’interdiction faite aux États membres d’inciter les femmes enceintes à prendre un congé prénatal. Je crois savoir que, sur ce point, le Parlement et le Gouvernement sont d’accord : cette interdiction non seulement serait contraire au principe de subsidiarité, mais encore, en encourageant les femmes à travailler jusqu’au dernier jour avant l’accouchement, nuirait à leur santé et à celle des nouveau-nés. Pouvez-vous nous confirmer, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement restera intransigeant sur ce point ?
La deuxième difficulté tient à la timidité des mesures prévues par la directive pour assurer l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans le domaine professionnel. Pour vous avoir entendue cet après-midi, madame la secrétaire d’État, je sais que ce point vous tient à cœur.
Il n’est pas contestable que le fait d’avoir des enfants constitue souvent un frein dans la carrière professionnelle des femmes. Bien sûr, ce désavantage n’est jamais reconnu ou assumé par l’employeur, ne serait-ce que pour des raisons juridiques.
Puisque l’interdiction de défavoriser les femmes enceintes ne suffit pas à garantir l’égalité des chances, une disposition plus contraignante doit y pourvoir. Il faut donc reconnaître, au niveau européen, l’équivalent de la loi française du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, texte qui donne aux femmes ayant bénéficié d’un congé de maternité le droit aux mêmes augmentations salariales et aux mêmes avantages que ceux qui ont été accordés, pendant leur absence, aux salariés appartenant à la même catégorie socioprofessionnelle.
Avez-vous l’intention, madame la secrétaire d’État, de vous appuyer sur cet exemple pour promouvoir le droit des femmes dans toute l’Union européenne ?
Quant au troisième sujet, la commission des affaires sociales y est particulièrement attentive. Au nom de la lutte contre les discriminations envers les femmes enceintes, le texte communautaire propose d’introduire une présomption de culpabilité, ce que nous avons jugé irrecevable. En effet, comment permettre que, dans un État de droit, de simples présomptions aient valeur juridique de preuves et qu’il suffise de présenter quelques indices pour qu’une faute soit reconnue par un tribunal ?
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire ce que fera le Gouvernement face à une disposition contraire aux principes fondamentaux de la République ? Et, je vous en prie, ne fuyez pas le débat en nous répondant qu’il n’y a de présomption d’innocence, techniquement, formellement, qu’en matière pénale ! Que ce soit au civil ou au pénal, condamner quelqu’un pour discrimination ou juger qu’une personne a eu un comportement discriminatoire, ce qui est très grave dans les deux cas, ne peut se faire à partir de simples hypothèses : c’est une règle fondatrice de l’État de droit, le reste n’est qu’une question de vocabulaire juridique. C’est pourquoi j’attache beaucoup d’importance à votre réponse sur ce point, madame la secrétaire d’État.
Je souhaite enfin connaître la position du Gouvernement sur l’introduction d’un congé européen de paternité préconisée dans notre résolution. Bien sûr, ce congé ne figure pas dans le texte initial de la directive. C’est une lacune regrettable, je le dis clairement, voire une faute politique, car comment espérer atteindre l’égalité des chances, dans le domaine professionnel, entre les hommes et les femmes, si l’on n’incite pas, d’une manière ou d’une autre, les pères à s’impliquer davantage à l’occasion de la naissance de leur enfant ?
Cet après-midi, en répondant à M. Biwer, vous n’avez évoqué que le congé parental, madame la secrétaire d’État, mais je sais que la question du congé de paternité vous importe.
Telles sont, madame la secrétaire d’État, les questions que le Sénat suivra avec vigilance et sur lesquelles il aimerait, dès à présent, connaître votre position. (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité. Madame David, la présidence de l’Union européenne a été l’occasion pour la France de montrer combien l’Europe, quand elle le voulait, pouvait mener une politique sociale ambitieuse.
Dès le 20 octobre 2008, dans le cadre de l’agenda social, la présidence française a ouvert les discussions sur la proposition de directive modifiant la directive de 1992 relative à la sécurité des femmes enceintes, accouchées et allaitantes au travail. C’est dire l’importance que la France attache à ce sujet et aux questions que soulève la résolution de la Haute Assemblée.
Les débats, riches et nourris, ont montré que les États membres soutenaient la protection des travailleuses et l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes et, dans le même temps, qu’ils tenaient à faciliter le retour vers l’emploi des femmes après leur grossesse.
Cet objectif est évidemment partagé par les partenaires sociaux français, qui ont à plusieurs reprises été consultés sur le projet de directive dans le cadre du Comité du dialogue social pour les questions européennes et internationales.
Notre pays connaît une démographie dynamique, avec un taux de fécondité de 2,018 enfants par femme pour l’année 2008, et nous concilions cette forte natalité avec un excellent taux d’emploi féminin de 82 % pour les 25-50 ans.
Cette double tendance est un phénomène que l’on observe de façon plus générale dans les pays occidentaux : plus le taux d’emploi des femmes est important, plus le taux de fécondité est élevé.
Pour continuer à soutenir ce dynamisme, il faut faire en sorte que les femmes n’aient pas à renoncer à leur carrière ou à la mettre entre parenthèses pour s’occuper de leurs enfants. Il faut aussi permettre aux pères de s’impliquer davantage dans l’éducation de leurs enfants, et peut-être aussi dans les tâches ménagères… (Sourires.)
M. Guy Fischer. Vous avez raison, madame la secrétaire d’État !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. C’est tout le sens de la politique menée par le Gouvernement en matière d’égalité entre les hommes et les femmes et de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle.
Le projet de directive soulève plusieurs questions que je voudrais évoquer devant vous.
En ce qui concerne d’abord la durée du congé de maternité, la proposition de directive prévoit de l’allonger de quatorze à dix-huit semaines dans l’ensemble des pays de l’Union européenne.
Vous le savez, les salariées françaises bénéficient déjà d’un régime très protecteur en la matière puisqu’elles disposent de seize semaines de congés légaux, et de vingt-six semaines à partir du troisième enfant. Dans les faits, les femmes prennent même souvent un congé plus long que le minimum obligatoire : sept femmes sur dix bénéficient ainsi d’un congé pathologique de deux semaines accordé sur avis médical, qui vient s’ajouter au congé de maternité proprement dit.
Le dispositif français se situe donc dans la moyenne supérieure des États membres. Ainsi, les Belges bénéficient d’un congé de quinze semaines, et celui des Allemandes n’excède pas quatorze semaines.
Désireux d’être toujours à la pointe de la politique sociale, le Gouvernement n’est cependant pas opposé à l’allongement du congé de maternité.
L’indemnité journalière de maternité est très proche du salaire dans notre pays, apparaissant comme l’une des plus favorables d’Europe. Dans de nombreux autres États, l’indemnisation est nettement inférieure ou encore diminue progressivement en fonction de la durée du congé. L’augmentation du montant des indemnités de maternité ne fait donc pas aujourd’hui partie de nos priorités. De plus, nous devons avoir conscience du coût supplémentaire pour les finances publiques qu’entraînerait le passage à dix-huit semaines du congé légal.
En ce qui concerne maintenant le déroulement du congé de maternité, et notamment le congé prénatal, les travaux au Conseil ont montré qu’il existe actuellement une très grande disparité dans l’ensemble de l’Union, avec des durées de congé pouvant s’échelonner jusqu’à un an en Bulgarie. Chaque État est d’ailleurs fort légitimement attaché à ses propres règles.
Pour sa part, la France fait partie de ces États qui estiment indispensable de garder une période obligatoire de repos prénatal pour protéger la mère de la fatigue du travail et limiter le nombre de naissances prématurées. (M. le président de la commission des affaires européennes approuve.) Je rappelle que celles-ci représentent, en France, 6% de l’ensemble des naissances.
La durée de notre repos prénatal – six semaines, éventuellement réduites à trois après accord médical – fait consensus dans notre pays. Nous souhaitons pouvoir la maintenir.
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage ainsi la position exprimée par la commission des affaires sociales du Sénat : la directive devrait s’en tenir à quelques principes généraux, laissant les États libres de poser ou non le principe d’un repos prénatal et d’en prévoir le cas échéant la durée.
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. En ce qui concerne les cas particuliers de naissances dites « atypiques », il convient de distinguer des situations très diverses. Dans l’hypothèse d’une naissance de jumeaux ou de triplés, d’un accouchement prématuré ou tardif ou encore d’une hospitalisation du nouveau-né, la réglementation française en vigueur protège davantage la femme salariée. En effet, dans toutes ces situations, la durée de son congé maternité, donc de son indemnisation, est augmentée.
Nous savons que la naissance d’un enfant handicapé n’a pas d’incidence sur la durée du congé maternité. En revanche, des allocations spécifiques peuvent être versées par la caisse d’allocations familiales aux parents d’un enfant handicapé.
Il s’agit, d’une part, de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, qui est destinée à compenser les frais d’éducation, mais également de soins, d’un enfant handicapé. Au 31 mars 2009, elle concernait 150 000 allocataires.
Il s’agit, d’autre part, de l’allocation journalière de présence parentale, octroyée lorsque l’enfant handicapé, gravement malade ou accidenté, a impérativement besoin de la présence soutenue de l’un de ses parents auprès de lui. Au 31 mars 2009, elle concernait 4 500 allocataires.
Par ailleurs, vous avez soulevé un point relatif au mécanisme d’aménagement de la charge de la preuve. Vos réflexions sur ce sujet ont retenu mon attention. En droit commun, le plaignant doit établir les faits allégués. En matière de discrimination – cela est consacré dans différents textes européens et en droit interne –, le salarié peut présenter au juge les éléments laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, et c’est à l’employeur de prouver que la décision est justifiée. Il s’agit d’un aménagement, et non d’un renversement, de la charge de la preuve. Cela existe d’ores et déjà en droit du travail.
Pour conclure, je voudrais souligner toute l’importance que le Gouvernement accorde à l’aménagement de dispositifs fondés sur le principe de libre choix et destinés à favoriser le retour à l’activité des femmes.
Le congé de maternité se traduit parfois par une rupture dans un parcours professionnel, alors même que nos efforts doivent porter sur la recherche d’un meilleur équilibre au sein de la famille pour aider les femmes dans leur carrière.
Je partage donc votre avis sur l’importance de l’inscription du congé de paternité dans la directive pour ne pas faire peser l’ensemble du dilemme lié à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle sur les épaules des seules femmes.
En parallèle, nous devons poursuivre nos efforts pour développer et diversifier l’offre de garde d’enfants. Aujourd’hui, près d’une femme sur deux prend un congé parental par défaut, faute d’avoir trouvé un mode d’accueil adapté. Comme vous le savez, le Président de la République m’a fixé l’objectif de créer 200 000 places d’accueil supplémentaires d’ici à la fin du quinquennat. Nous nous sommes donné les moyens d’y parvenir.
À présent, le travail de négociation va se poursuivre au sein du Conseil, sous présidence suédoise. Gardant à l’esprit la résolution du Sénat, la France s’efforcera de peser dans les discussions pour parvenir à un texte équilibré, qui, je le rappelle, doit être adopté à la majorité qualifiée et en codécision avec le Parlement européen.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit là d’un thème qui me tient à cœur et qui illustre concrètement la façon dont l’Europe peut améliorer les conditions de vie et de travail des citoyens européens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à la discussion interactive et spontanée.
Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 3 octobre dernier, la Commission européenne a lancé une initiative forte en soumettant au Conseil et au Parlement européen une proposition de directive relative à la sécurité et à la santé au travail des femmes enceintes.
Plusieurs avancées sont à relever. Le principe de l’interdiction de licenciement des femmes enceintes est enfin posé au niveau européen, tout comme le droit pour une femme enceinte de bénéficier de l’ensemble des avantages accordés à ses collègues pendant son absence. La possibilité de demander une modification des horaires et rythmes de travail est également acquise. Cependant, il faudra veiller à faire en sorte que cette disposition englobe le travail de nuit, afin que toute salariée enceinte ou ayant accouché puisse être affectée sur un poste de jour sans diminution de salaire.
Mais le texte manque cruellement d’ambition sur d’autres points.
C’est tout d’abord le cas s’agissant de la durée du congé de maternité. Pour certains États, dix-huit semaines peuvent constituer une avancée. Mais faut-il rappeler que l’Organisation internationale du travail en recommande vingt et que l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, et l’UNICEF en préconisent vingt-quatre ?
En outre, les États membres pourront décider de critères d’éligibilité au congé maternité. Mais si ces derniers sont trop restrictifs, ils pourraient limiter le champ des bénéficiaires et la mobilité des travailleurs. Nous devons faire preuve de vigilance sur ce point.
Par ailleurs, si le principe d’une rémunération équivalente au salaire perçu avant le congé est posé par la directive, il n’a pas un caractère obligatoire et risque ainsi de rester lettre morte dans nombre d’États. De plus, la possibilité ouverte de rémunérer le congé maternité à hauteur du congé maladie assimile une femme enceinte à une femme malade. Cette ambiguïté doit être levée, madame la ministre.
Enfin, le texte fait l’impasse sur certains aspects essentiels, notamment le rôle des pères. À cet égard, certains pays sont exemplaires. C’est le cas de la Suède, où les couples peuvent partager seize mois de congé de parenté. Ne pensez-vous pas que l’Union européenne doive proposer un dispositif approchant pour encourager le partage de l’éducation des enfants ? C’est essentiel pour atteindre une réelle égalité professionnelle.
La directive ne comporte rien non plus en faveur des femmes exerçant des professions non salariées – je pense notamment aux femmes chefs d’entreprise ou artisans –, qui sont trop souvent contraintes de reprendre rapidement leur travail.
En définitive, cette proposition n’apportera pas d’avancées significatives aux femmes françaises. Elle pourrait même constituer une régression s’agissant du congé prénatal. En effet, selon l’exposé des motifs, les États membres n’auraient plus la possibilité de l’imposer aux femmes enceintes. Ce congé relèverait alors du libre choix des femmes. Madame la secrétaire d’État, nous souhaitons connaître précisément la position du Gouvernement sur ce point.
Plus généralement, nous aimerions savoir quelles améliorations le Gouvernement proposera sur les points évoqués concernant cette directive, afin que cette dernière ne soit pas seulement une action a minima menée par la Commission européenne.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour des raisons de temps, je ne reviendrai pas sur les critiques portées par notre groupe à l’égard de cette proposition de directive. D’ailleurs, nos critiques sont très proches de celles qui ont été formulées dans la résolution européenne adoptée par le Sénat le 15 juin dernier et à laquelle mon amie Annie David a fortement contribué.
La proposition de directive européenne concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail a fait naître, disons-le clairement, de grands espoirs.
En effet, pour la première fois depuis l’adoption de la directive de 1992, un texte européen allait enfin revenir sur les règles relatives au congé prénatal, en proposant de porter ce dernier de quatorze à dix-huit semaines partout en Europe, les États membres demeurant libres d’établir une période plus longue, comme l’avait d’ailleurs fait la France en portant ce congé de maternité minimum à seize semaines.
Cet espoir est aujourd’hui dissipé, puisque le groupe majoritaire au Parlement européen, le parti populaire européen, ou PPE, dans lequel siègent les eurodéputés de votre majorité, madame la secrétaire d’État, a repoussé à une date indéterminée l’adoption de cette directive européenne. Autrement dit, les femmes de France et d’Europe, qui se réjouissaient de l’adoption de cette mesure, pourront attendre. Il s’agissait pourtant d’une recommandation de l’Organisation internationale du travail, qui, constatant la croissance continue du nombre de grossesses à risques, y compris en France, avait proposé d’étendre la période minimum du congé de maternité.
Madame la secrétaire d’État, je vous poserai deux questions simples. Que comptez-vous faire pour que le Parlement européen ait à se prononcer rapidement sur ce projet de directive ? Pouvez-vous prendre devant la représentation nationale l’engagement que le Gouvernement interviendra auprès de la Commission et des eurodéputés de votre majorité pour faire adopter ce projet de directive, au moins sur les mesures prévoyant l’allongement du congé de maternité ?