M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Raoul, en ce qui concerne l’étude d’impact, tout d'abord, vous savez bien qu’un tel document a été élaboré et transmis au Parlement.
Toutefois, le dispositif spécifique sur l’usure relevait d’une proposition de la commission spéciale et nous n’avons donc pu réaliser d’étude d’impact sur ce thème. En revanche, nous avons soumis au Sénat le rapport réalisé conjointement par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales sur la question spécifique du taux de l’usure. Ce document, volumineux et bien documenté, présente un certain nombre de recommandations.
Nous devons faire très attention, me semble-t-il car nous allons infliger un véritable choc au modèle économique qui est utilisé actuellement, et cela quel que soit le jugement que l’on porte sur la manière dont il est structuré autour des taux d’usure.
La commission spéciale propose de modifier radicalement la fixation du taux d’usure, qui ne s’appliquerait plus en fonction des catégories de prêts mais du montant de ces derniers, sous certains plafonds et sur la base d’un coefficient de 1,33 %.
Or, on peut supposer que cette réforme, lorsqu’elle s’appliquera, suscitera un déplacement de la demande, du crédit renouvelable vers des prêts amortissables. Le crédit « renouvelable long », celui que l’on considère véritablement comme du « malendettement », c'est-à-dire les prêts renouvelables qui portent sur des sommes excédant 10 000 euros et parfois même 20 000 euros, va très probablement devenir amortissable.
Toutefois, il faut laisser les établissements s’adapter à ce changement de modèle économique. Si nous imposons un délai très court, les modifications de taux ne seront pas considérables et nous appliquerons un coefficient de 1,33 % à des bases qui n’auront pas été profondément modifiées.
Nous avons intérêt, me semble-t-il, à laisser aux établissements le temps nécessaire, pour que le modèle économique évolue, pour que les taux baissent, pour que la concurrence joue véritablement, pour que le crédit évolue du renouvelable vers l’amortissable et pour que l’on constate un authentique changement, au bénéfice des emprunteurs.
C'est pourquoi je suis défavorable à cet amendement, même si j’en comprends la portée et en partage d’une certaine manière les objectifs.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 20.
Mme Nicole Bricq. Je voudrais opposer trois arguments au refus de M. le rapporteur de prendre en compte notre amendement sur les délais.
Premièrement, nous sommes au début d’une navette parlementaire. Or, exceptionnellement, le Gouvernement n’a pas demandé l’urgence sur ce texte, …
Mme Nicole Bricq. … alors que la procédure accélérée est déclarée pour tant d’autres textes !
M. Daniel Raoul. Bien joué !
Mme Nicole Bricq. Nous n’avons donc pas de chemin critique, comme diraient les ingénieurs, sur la durée de la navette parlementaire, qui risque de prendre du temps. Nous avons donc intérêt à fixer un délai plus bref à la période de transition qui court à partir de la promulgation de la loi, dont nous ignorons pour l’heure quand elle aura lieu.
Deuxièmement, en ce qui concerne la profession – j’y reviens toujours –, les établissements de crédit ne sont pas pris par surprise par la proposition de la commission spéciale ! Ils ont déjà commencé à réfléchir et à travailler sur ce sujet, en avançant des montants pour fixer les taux de l’usure par catégorie. Du reste, ils mènent certains travaux de concert avec votre administration, madame la ministre... On ne peut donc pas affirmer qu’il leur faut un temps considérable pour s’adapter !
Troisièmement, je voudrais que l’on comprenne bien la cohérence d’ensemble des propositions du groupe socialiste. Mes chers collègues de la majorité, vous affirmez que vous allez modifier le modèle économique en changeant le taux d’usure. Je ne prétends pas que vous ayez tort.
M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Dont acte !
Mme Nicole Bricq. Toutefois, notre cohérence doit s’analyser aussi au regard de l’offre de crédit que nous proposons.
Pour notre part, nous voulons modifier le modèle économique en donnant un large accès au crédit personnel à ceux qui, aujourd'hui, se tournent vers le crédit renouvelable sans raison valable, parce qu’ils y sont forcés et non par un libre choix !
C'est pourquoi nous ne voulons pas que le taux de référence du crédit personnel augmente, ce qui sera inévitablement le cas, vous verrez, avec la proposition de la commission spéciale. Nous souhaitons que l’adaptation du marché se fasse à travers un transfert des crédits renouvelables, qui, aujourd'hui, sont souscrits par des gens pour lesquels cette formule n’est absolument pas adaptée, vers les crédits personnels. Tel est le sens de notre proposition de « crédit social ».
Quant à vous, madame la ministre, vous vous obstinez à garder le même cap, bien loin de notre objectif de modification du schéma économique actuel, et ce malgré ces temps de crise économique et sociale que nous traversons, pour de nombreux mois encore. Quand vous aurez bien négocié avec les banquiers, la conjoncture sera peut-être autre, du moins je l’espère !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.
(L'article 1er A est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er A
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mmes Bricq et Chevé, MM. Sueur, Angels, Anziani, Collombat et Fauconnier, Mme Ghali, MM. Guérini, Hervé, Patriat, Raoul, Teulade, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 313-6 du code de la consommation, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 313-6-1. - Le taux variable d'un contrat de prêt ne peut excéder, à tout moment de son exécution, un plafond correspondant au niveau mensuel moyen des taux des contrats de prêt à taux fixes conclus par l'établissement de crédit pour une durée de vingt ans au cours du mois considéré.
« Les perceptions excessives au regard de l'alinéa précédent sont imputées de plein droit sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital de la créance. »
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Avec cet amendement n° 26, il s’agit, pour les prêts à taux variable, d’instaurer un plafond correspondant au niveau mensuel moyen des taux des contrats de prêt à taux fixes conclus par l'établissement de crédit pour une durée de vingt ans au cours du mois considéré.
Nous souhaitons également assortir ce dispositif d’une sanction : les perceptions excessives en cas de déplacement du plafond seront « imputées de plein droit sur les intérêts normaux alors échus et subsidiairement sur le capital de la créance. » Ainsi sera assurée une meilleure protection du consommateur, qui, lorsque son prêt est à taux variable, peut se retrouver très rapidement dans une situation extrêmement difficile si des modifications de taux interviennent, modifications qu’ils n’avaient pas prévues et qui renchérissent fortement le coût de son crédit.
L’augmentation des mensualités peut, en effet, faire basculer dans le malendettement ou la précarité bancaire nombre de ménages subissant une brutale augmentation du taux de leur contrat de prêt.
La solution consistant à plafonner ce taux est tout à fait réalisable et permettrait d’éviter à de nombreux foyers de devoir faire face à des situations difficiles liées à de très fortes hausses de taux non contrôlées et pénalisantes budgétairement.
Vous aurez compris, mes chers collègues, le sens de cet amendement. Vous avez tous en mémoire des exemples de dégâts causés par les taux variables : au moment du vote, souvenez-vous-en !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. Je rappelle que le taux d’un prêt à taux variable évolue en fonction de taux courts sur le marché financier, notamment de l’Euribor, et que ces derniers sont généralement inférieurs aux taux longs, donc favorables, raison pour laquelle ils sont appréciés par un certain nombre d’emprunteurs.
Aujourd’hui, l’Euribor a fortement reflué, et les taux variables reprennent l’avantage sur les taux fixes.
Prendre pour référence des taux fixes, comme cela est préconisé dans cet amendement, tendrait à dénaturer ce type de crédit, qui a été élaboré pour avantager le consommateur, en prenant référence sur les taux courts.
Par ailleurs, cet amendement vise à modifier l’article L. 313-6 du code de la consommation. Les crédits immobiliers seraient donc également affectés, outre le crédit à la consommation : si la disposition recommandée avait été appliquée, elle se serait soldée, au premier trimestre de 2009, par une contraction de crédit de l’ordre de 5 milliards d’euros, soit 0,25 % du PIB.
Enfin, je rappelle que, lorsque les banques et les établissements financiers pratiquent les taux variables, ces derniers sont généralement sécurisés et plafonnés à un ou deux points au-dessus du taux initial.
Pour ces trois raisons, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Je répondrai tout d’abord à Mme Bricq, qui a manifesté de l’agacement à l’égard des estimations chiffrées que nous avons données sur les effets qu’aurait telle ou telle mesure, que c’est à partir des données fournies par la Banque de France et concernant l’ensemble des crédits disponibles – qu’il s’agisse de crédits immobiliers, personnels, ou à la consommation –, que mes services ont procédé à un calcul simple : ils ont appliqué le taux préconisé dans l’amendement à chaque type de crédit et ont ainsi obtenu le montant des crédits qui seraient supprimés. Ce n’est pas plus sorcier que cela !
S’agissant du présent amendement, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
En effet, il en résulterait un rationnement des crédits.
De plus, aux termes de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, les banques sont désormais obligées de fournir à l’emprunteur, dans l’hypothèse de prêts à taux variables, des simulations du coût que représenterait l’emprunt.
Enfin, chacun, ici, se souvient de l’initiative conjointe prise à l’Assemblée nationale par M. Didier Migaud, président de la commission des finances, et M. Frédéric Lefebvre, consistant à demander aux banques de prendre des engagements en matière de taux variables, puisque, pendant une certaine période, les taux courts étaient plus élevés que les taux longs, et que les emprunteurs en subissaient les conséquences.
Les banques ont alors pris deux engagements : en premier lieu, celui d’examiner chaque dossier et d’offrir une alternative à toute proposition de prêts à taux variables ; en second lieu, celui de supprimer les taux d’appel.
Les emprunteurs se trouvent donc déjà relativement protégés.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Nous sommes évidemment favorables à cet amendement, qui tend à encadrer la pratique des taux variables.
Une telle pratique est, en effet, un élément central du recours aux prêts renouvelables, puisque ceux-ci sont souvent assortis d’un taux d’intérêt « d’appel » pendant les premiers mois de leur amortissement, avant de retrouver rapidement un taux sensiblement plus élevé et plus coûteux que le taux d’appel.
La pratique des coûts variables conduit nombre de ménages qui ne sont pas forcément surendettés à supporter des crédits jamais totalement remboursés, des crédits dont ils ne parviennent jamais à se débarrasser.
Les prêts à taux variable sont tout de même des prêts hautement risqués.
Si l’on considère, en effet, le crédit comme une anticipation de ressources ultérieures, force est de constater que le prêt à taux variable devient, compte tenu de son coût, une sorte d’épée de Damoclès, un pari très risqué sur l’avenir lorsque les revenus sont fragiles et limités.
Nous avons tous, ici, suffisamment à l’esprit le souvenir du désastre des prêts progressifs d’accession à la propriété et la connaissance des difficultés majeures rencontrées par certains ménages pour rembourser des prêts immobiliers à taux variable pour souhaiter que l’usage de ces formules de prêt ne soit pas encouragé d’une manière ou d’une autre.
S’il assure, moyennant quelques accidents de paiement – accidents de paiement que les taux d’intérêt permettent, d’ailleurs, d’amortir largement par solidarité involontaire entre emprunteurs –, une forte rentabilité à l’établissement prêteur, le taux variable se présente aussi comme une forte contrainte pour les ménages, obérant leurs capacités d’épargne comme de consommation.
De fait, décourager le recours aux prêts à taux variable permettrait de restaurer ou, pour le moins, de maintenir, ces capacités d’épargne et de consommation dont nous avons un besoin essentiel pour le développement économique du pays, sauf à dire que le Gouvernement préfère que la relance se fasse sur la limitation de l’épargne et sur l’accroissement de l’endettement des ménages, dans un contexte de modération salariale généralisée.
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.
M. Joël Bourdin. Je comprends le souci des auteurs de cet amendement, mais non le dispositif qui est prévu.
En effet, les prêts à taux variables sont remboursables à tout moment, contrairement aux prêts à taux fixes, qui, eux, ne peuvent être remboursés par anticipation que moyennant le versement d’une indemnité. Rien n’empêche un emprunteur ayant souscrit un prêt à taux variable de prier son banquier de le convertir en prêt à taux fixe, si les taux variables s’envolent. La démarche est facile à accomplir et ne nécessite pas une disposition législative.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er B
Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Les articles L. 311-6, L. 311-7 et L. 311-7-1 deviennent respectivement les articles L. 311-27 à L. 311-29 ;
2° L'article L. 311-9 devient l'article L. 311-16 ;
3° L'article L. 311-9-1 devient l'article L. 311-26 ;
4° L'article L. 311-12 devient l'article L. 311-19 ;
5° L'article L. 311-14 devient l'article L. 311-20 ;
6° Les articles L. 311-15 et L. 311-16 deviennent l'article L. 311-14 et l'article L. 311-17 devient l'article L. 311-15 ;
7° Les articles L. 311-20 à L. 311-25 deviennent les articles L. 311-31 à L. 311-36 ;
8° L'article L. 311-25-1 devient l'article L. 311-38 ;
9° Les articles L. 311-26 à L. 311-28 deviennent les articles L. 311-39 à L. 311-41 ;
10° L'article L. 311-29 devient l'article L. 311-22 ;
11° L'article L. 311-30 devient l'article L. 311-24 ;
12° L'article L. 311-31 devient l'article L. 311-25 ;
13° L'article L. 311-32 devient l'article L. 311-23 ;
14° Les articles L. 311-33 à L. 311-35 deviennent les articles L. 311-47 à L. 311-49 ;
15° L'article L. 311-37 devient l'article L. 311-50 ;
16° Les articles L. 311-8, L. 311-10, L. 311-11, L. 311-13, L. 311-18, L. 311-19 et L. 311-36 sont abrogés. – (Adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 11 rectifié bis, présenté par M. Revet, Mme Henneron, MM. Pointereau, Bécot, Vasselle et Lardeux, Mme Procaccia, MM. Bailly et Portelli, Mme Rozier, MM. Doublet et Laurent, Mmes Hermange et Keller et M. Juilhard, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de la date de publication de la présente loi et dès la classe de quatrième ou assimilée, les programmes scolaires doivent inclure des cours de formation à la gestion d'un budget familial ou personnel. Un décret précise les conditions d'application du présent article.
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Ayant déjà largement développé tout à l’heure l’objet de cet amendement, je n’y reviendrai pas longuement.
J’ai expliqué pourquoi il me paraissait indispensable de préparer les jeunes à savoir assumer leurs responsabilités dans la vie. S’il est un domaine dans lequel cela est particulièrement important, que ce soit à titre personnel ou au sein de leur famille, c’est bien celui de la gestion d’un budget : c’est de la saine gestion du budget que dépend pour une bonne part le bon fonctionnement de la famille ou la réussite personnelle.
Madame la ministre, vous nous avez dit tout à l’heure – et je m’en réjouis – que M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale, préparait les personnels destinés à remplir de telles missions.
Lorsque nous recevons des personnes en situation de surendettement dans nos permanences, nous constatons que bon nombre d’entre elles en sont arrivées là parce qu’elles n’avaient pas su bien gérer un budget familial ou personnel. Je ne parle pas de la gestion d’un budget d’entreprise qui, elle, demande une formation professionnelle et adaptée.
Le Parlement doit donner un signe fort pour montrer qu’il est préoccupé par de telles situations et faire en sorte que, dans les programmes de formation, soient incluses de telles formations. Certes, il appartiendrait à l’éducation nationale d’en mettre en place les modalités, comme je l’indique, d’ailleurs, dans l’amendement : « Un décret précise les conditions d’application du présent article. » Cependant, c’est au Parlement de montrer, dans la loi, son souhait de voir les jeunes bien préparés, pour éviter, dans la mesure du possible, qu’ils ne se retrouvent un jour dans des situations dramatiques comme celles que nous déplorons aujourd’hui et qui nous amènent à légiférer sur le surendettement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Dominati, rapporteur. L’intention des auteurs de l’amendement est extrêmement louable, et je tiens à préciser qu’elle était partagée par tous les membres de la commission spéciale, quel que soit leur groupe.
Pour autant, la commission spéciale a estimé qu’il n’était ni prudent, ni légitime de prévoir de tels cours dans un projet de loi, bien qu’ils soient évidemment nécessaires, car ils relèvent plus de l’éducation nationale que du droit de la consommation. Dans chaque projet de loi, nous pourrions d’ailleurs avoir une disposition de ce type. C’est la raison pour laquelle un certain nombre d’amendements ont été retirés avant la séance, le dernier en date étant celui de Mme Muguette Dini, et qu’il ne reste que celui-ci.
Par ailleurs, il n’appartient pas nécessairement au législateur de définir le programme de l’éducation nationale. Il faudrait déterminer à quel moment du cursus scolaire – en quatrième ou un peu plus tard ? – il serait opportun de dispenser ces notions de base. Ce n’est pas au législateur de prendre position sur cette question, en tout cas pas dans le présent débat.
Il serait sans doute préférable de consacrer à ce type de formation un article spécifique dans un texte lié à l’éducation nationale. Encore cela dépendrait-il de son degré de spécificité.
C’est la raison pour laquelle je vous invite, mon cher collègue, à retirer votre amendement. Dans le cas contraire, et pour rester conforme à la position que la commission spéciale a adoptée à l’égard des amendements d’autres formations politiques, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Revet, votre proposition est excellente. Elle est même si bonne que nous l’avons nous-mêmes devancée, en créant, je l’ai déjà évoqué, l’Institut pour l’éducation financière du public.
Outre sa mission éponyme, cet institut participe au Haut Comité de place que j’ai installé il y a deux ans afin d’essayer de mettre en place des règles d’organisation un peu plus saines, logiques et cohérentes pour la place financière de Paris. J’ai demandé qu’il puisse être financé par une fraction des sanctions prononcées par l’Autorité des marchés financiers.
L’Institut a conclu, le 20 mai dernier, une convention avec le ministère de l’éducation nationale pour officialiser leur partenariat. Ils ont en effet préparé ensemble, avec des enseignants, un certain nombre de modules d’éducation qui sont dorénavant mis à la disposition de tous les enseignants en sciences économiques et en mathématiques appliquées.
Ces derniers pourront ainsi les utiliser de manière transversale dans le cadre de leurs travaux, pour faire comprendre aux élèves, au travers de cas concrets, la gestion d’un budget familial et, notamment, les mécanismes de l’emprunt, de son remboursement et du calcul des intérêts. Point ne sera donc besoin d’y consacrer des enseignements spécifiques.
Il appartiendra au ministère de l’éducation nationale de préciser, par la voie réglementaire, puisque c’est la plus appropriée, à quel niveau, dans quelle classe et selon quelles modalités ces modules pourront être utilisés.
Monsieur Revet, vos préoccupations semblent donc satisfaites. Tout en reconnaissant le bien-fondé de votre amendement, je vous demande de bien vouloir le retirer.
M. le président. Monsieur Revet, l’amendement n° 11 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Charles Revet. Madame la ministre, mes chers collègues, me voilà bien ennuyé ! Il appartient tout de même au Parlement de donner des signes forts. Certes, il n’a pas à préciser dans quelle classe et sous quelles conditions cet enseignement doit être dispensé, les modalités pratiques étant effectivement du ressort de l’administration. Et je ne propose pas d’aller aussi loin dans les détails. Cela étant, on a tendance, dans cette enceinte, à renvoyer toujours plus au domaine réglementaire : c’est à se demander sur quoi on peut légiférer !
Madame la ministre, d’après ce que vous nous indiquez, des dispositions ont été prises. En quoi est-il gênant que le Parlement inscrive dans la loi, sans toutefois en préciser les modalités pratiques, que l’éducation nationale doit, dans ses programmes, veiller à ce que chaque jeune reçoive une formation à la gestion d’un budget, particulièrement d’un budget familial ? Ce faisant, il enverrait un signe fort, car il importe que le système éducatif prépare les futurs citoyens à ce qu’ils devront assumer.
Monsieur le rapporteur, vous nous dites que tous les groupes ont eu la même idée que moi, mais qu’ils ont retiré leurs amendements. Je n’insisterai donc pas, tout en regrettant que le Parlement se dessaisisse du sujet. Nous rencontrons tous dans nos permanences des familles confrontées à d’importants problèmes de ce genre auxquels elles n’ont manifestement pas du tout été préparées. Il est donc essentiel que l’on puisse pallier ces défaillances au travers de l'éducation : cela permettrait d’éviter bien des situations de surendettement. (Mmes Muguette Dini et Françoise Férat applaudissent.)
Cela étant dit, monsieur le président, je retire cet amendement.
Mme Nathalie Goulet. Dommage !
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 115, présenté par Mmes Terrade et Pasquet, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le premier alinéa de l’article L. 3231-8 du code du travail, les mots : « à la moitié » sont remplacés par les mots : « aux trois quarts ».
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement porte sur la question essentielle du pouvoir d’achat. Il n’y a pas trente-six manières, sur le fond, d’éviter aux familles les plus modestes, c’est-à-dire celles qui sont souvent le « cœur de cible » des organismes de crédit à la consommation, le malendettement et le surendettement.
La première manière, c’est de mettre le holà à la publicité mensongère, aux pratiques léonines, aux contrats illisibles recélant chausse-trapes et arnaques diverses.
La seconde, c’est de se poser la question du pouvoir d’achat des ménages et, donc, de leur faculté à consommer, à épargner et à s’endetter, dans des limites et pour des objectifs restant raisonnables.
Pour les ménages, la persistance de difficultés de paiement s’explique bien souvent par l’insuffisance notoire de ressources disponibles.
Certains arguent du fait que les commissions de surendettement examinent des dossiers traitant de surendettements consécutifs à des accidents de la vie. Mais il se trouve que, parmi ces accidents, figurent au premier chef le sous-emploi et le chômage, qui s’apparentent très vite, dès lors que les personnes concernées ont souscrit des engagements auprès d’établissements de crédit, à de véritables machines infernales les entraînant dans la spirale de l’endettement.
Dans notre pays, 17 % des salariés, de l’aveu même du Président de la République, sont aujourd’hui payés au SMIC ou par référence expresse à ce minimum de rémunération. Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs complété son discours en repoussant toute idée d’augmentation significative du SMIC, au motif, justement, qu’il n’était attribué qu’à 17 % des salariés.
Le sensible ralentissement de l’inflation en France, comme dans l’ensemble de la zone euro, signe de déflation sur les coûts de production, pourrait servir de prétexte pour ne fournir aucun effort particulier au 1er juillet prochain en vue de revaloriser de manière plus significative ce minimum social. Belle récompense que cette rigueur salariale accrue pour ceux qui auraient eu la naïveté de penser que l’élection de Nicolas Sarkozy allait permettre de réhabiliter le travail !
Malgré tout, nous souhaitons modifier les conditions d’évolution du SMIC au regard des autres salaires.
Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 3231-8 du code du travail précise : « En aucun cas, l’accroissement annuel du pouvoir d’achat du salaire minimum de croissance ne peut être inférieur à la moitié de l’augmentation du pouvoir d’achat des salaires horaires moyens enregistrés par l’enquête trimestrielle du ministère chargé du travail.
« L’indice de référence peut être modifié par voie réglementaire. »
Par cet amendement, nous proposons tout simplement que cette évolution soit encore plus proche de celle des autres rémunérations, en appliquant la règle selon laquelle l’accroissement du SMIC ne peut être inférieur aux trois quarts de l’augmentation du pouvoir d’achat des salaires horaires moyens.
Une telle disposition renforcera le pouvoir d’achat des plus modestes et conduira à éviter de trop grandes disparités de rémunération, toujours préjudiciables aux capacités de consommation des ménages salariés.