M. Roland Courteau. Bien dit !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. René Teulade. … et vous installez un chef-directeur puissant qui décide de tout, un directoire qui conseille le chef, et un parlement, appelé ici « conseil de surveillance », qui enregistre les volontés du directeur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG. – M. Alain Gournac s’esclaffe.) Sans compter que cette réforme fait la part belle à l’administratif dans la gouvernance de l’hôpital, au détriment du médical.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas le texte de la commission ! Vous commentez un texte qui n’existe plus !
M. René Teulade. Votre réforme ne renoue pas avec la tradition humaniste de l’hôpital : elle privilégie l’accroissement des pouvoirs de l’administration et du technocratique.
Pour rééquilibrer leurs comptes, les gestionnaires se voient contraints de sabrer les prestations médicales que le mode de tarification actuel rend peu rentables. Pour guérir économiquement, un hôpital déficitaire devra couper ou réduire une partie de son activité – et supprimer des emplois – et ne choisir que les actes médicaux rentables : c’est la logique même de la T2A, qui n’est autre qu’une forme de paiement à l’acte. Quel paradoxe !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Teulade.
M. Henri de Raincourt. Effectivement !
M. René Teulade. Nous voulons contenir le paiement à l’acte en médecine de ville, et vous voulez le systématiser à l’hôpital !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La T2A n’est pas une tarification à l’acte, c’est une tarification à l’activité !
M. René Teulade. Vos prédécesseurs, madame la ministre, sont allés trop loin dans la réforme du financement à l’activité. Tellement loin, d’ailleurs, que désormais vous êtes obligée de freiner, si je puis me permettre, « des quatre fers » ; ainsi, vous avez dû annoncer le report à 2018 de la date de la convergence tarifaire entre les hôpitaux et les cliniques privées.
M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. René Teulade. Autant dire que cette convergence ne verra jamais le jour. Et c’est tant mieux, parce que ce projet est dépourvu de sens.
M. François Autain. On peut le dire !
M. René Teulade. La concurrence ne vaut que s’il y a égalité de principe entre compétiteurs. Est-ce souhaitable en matière d’hospitalisation ?
Sans compter, et j’en termine, que nous en sommes à la onzième version de la T2A, avec désormais 2 200 tarifs différents.
M. René Teulade. Cela illustre bien le malaise de la haute administration !
Nous ne sommes pas opposés à une réforme du financement, mais elle ne doit pas se faire de cette manière. Pour réussir une réforme des hôpitaux, il faut remettre en état l’économie des établissements. Notre économie serait-elle en danger parce que le Gouvernement aurait dégagé 1 milliard d’euros ?
M. le président. Concluez, mon cher collègue ! (Bruyante approbation sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Bernard Cazeau. Laissez-le parler !
M. Josselin de Rohan. C’est fini !
M. René Teulade. Pour que je puisse terminer, il faudrait que l’on me laisse m’exprimer !
M. le président. Il faut pourtant vraiment conclure, je suis désolé.
M. René Teulade. Je disposais d’un quart d’heure ; ai-je vraiment dépassé mon temps de parole ? (Brouhaha.)
M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser l’orateur terminer son propos, nous gagnerons du temps…
M. François Autain. Donnez-nous un peu de temps !
M. René Teulade. Je voudrais pour terminer, donc, m’arrêter sur la régulation territoriale de la démographie médicale. Élu d’un département rural, je suis confronté aux inégalités d’accès aux soins. Je déplore ici que les membres de la majorité aient supprimé, lors de la discussion en commission, le caractère obligatoire du « contrat santé solidarité ». Ce dispositif était destiné à obliger les médecins exerçant en zones surdotées à prêter main-forte à leurs confrères des zones sous-dotées.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, le groupe socialiste vous demande d’adopter la motion tendant à opposer la question préalable, condition préalable à une large réécriture concertée du projet de loi, au nom du rassemblement nécessaire de toutes les sensibilités de notre assemblée. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. En écoutant M. Teulade, je n’ai pas eu le sentiment qu’il s’exprimait sur le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Alain Gournac. Il parlait d’une version ancienne !
M. Alain Milon, rapporteur. Son propos semblait porter plutôt sur la « petite loi » transmise par l’Assemblée nationale. (Mêmes mouvements.)
Il a pourtant participé, la semaine dernière, aux trente-trois heures de réunion de la commission… Je ne suis pas sûr qu’il ait tout compris ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Rires sur les travées de l’UMP.)
On peut toujours affirmer,…
M. François Autain. Quelle arrogance ! Comment peut-il dire cela ?
M. Daniel Raoul. Ce n’est pas possible !
M. Roland Courteau. C’est une insulte !
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le rapporteur, retirez ces propos !
M. François Autain. Mettre en doute les facultés mentales de M. Teulade, c’est à la limite de la diffamation !
M. Alain Milon, rapporteur. On peut donc toujours affirmer, sur quelque sujet que ce soit, qu’un texte ne suffira pas à résoudre tous les problèmes (Ah non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), et il serait bien présomptueux de prétendre le contraire.
De plus, monsieur Teulade, souligner que le texte a été enrichi par les amendements de vos camarades et affirmer dans le même temps qu’il ne résout rien, c’est faire bien peu de cas du travail de ces camarades ! (M. Gérard Dériot applaudit.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est parce que vous n’avez rien compris !
M. Alain Milon, rapporteur. Ce n’est pas à moi qu’il faut dire cela !
M. Jean-Louis Carrère. Enfin, nous nous y sommes habitués : il faut avoir un certain quotient intellectuel pour comprendre ces choses-là !
M. Alain Milon, rapporteur. Pratiquement, tout le monde reconnaît que le projet de loi qui nous est soumis comporte des avancées importantes, qu’il s’agisse d’organisation des parcours de soins, de mise en cohérence des divers aspects de la politique de santé ou de rationalisation de l’action au niveau régionale.
C’est, comme l’a rappelé Mme la ministre, une loi d’organisation : un effort d’organisation est en effet bien nécessaire si l’on veut, précisément, éviter de mettre en péril notre système de santé !
M. François Autain. Il est pourtant déjà en péril !
M. Alain Milon, rapporteur. Je vous confirme donc, monsieur le président, l’avis défavorable de la commission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Charles Revet. Très bien, monsieur le rapporteur ! Vous avez raison, nous perdons du temps !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
M. François Autain. Elle va en remettre une petite couche !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Finalement, l’argumentation de M. Teulade repose sur le fait que le texte n’aurait pas fait l’objet d’une concertation suffisante. (M. Alain Gournac s’esclaffe.) Bien évidemment, je ne peux pas souscrire à cette allégation.
Depuis un an et demi qu’a été lancé le débat sur le texte,…
M. François Autain. Quelle concertation y a-t-il eu sur les CHU ? (Chut ! sur les travées de l’UMP.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … nous faisons plusieurs constats.
Tout d’abord, la question de la médecine de premier recours a fait l’objet des états généraux de l’organisation des soins, durant lesquels l’ensemble des partenaires a été consulté. Au cours d’un débat, j’ai demandé aux acteurs de terrain s’ils pouvaient retrouver dans le texte du projet de loi une seule mesure qui ne résulte pas d’expérimentations, menées quelquefois, c’est d’ailleurs assez drôle, par des membres d’une organisation qui se montrait fort critique. (M. Alain Gournac s’esclaffe de nouveau.)
Pour ce qui concerne le chapitre sur l’hôpital, la mission Larcher a auditionné (M. François Autain s’exclame) plusieurs centaines de personnes, soit à titre individuel, soit en tant que représentants de syndicats ou d’organisations professionnelles.
Le rapport a d’ailleurs donné lieu à des commentaires très élogieux…
M. Jean-Louis Carrère. À des décisions unilatérales !
M. Jean-Louis Carrère. Quel projet de loi ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. …a repris quasi intégralement les conclusions de celui qui n’était pas encore le président du Sénat.
Nous avons évidemment depuis plusieurs mois réuni d’autres commissions : la commission présidée par le professeur Marescaux a fourni un certain nombre de précisions et donné des pistes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Autain. Nous n’avons pas eu son rapport !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous ai moi-même fait part d’un certain nombre d’idées et d’avis émis par cette commission, depuis le 8 février dernier. (Mme Annie Jarraud-Vergnolle s’exclame.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Il fallait nous transmettre le rapport !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Vous avez évoqué les innombrables mais très précieux rapports parlementaires sur ce sujet. Je citerai celui de M. Juilhard ici présent, mais de nombreux parlementaires tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat se sont saisis de ces problématiques.
Un très important travail de concertation a eu lieu, appuyé d’ailleurs dans la perspective de ce projet de loi par de très nombreux colloques, des études, des travaux d’étudiants, sur la nécessaire réorganisation de notre système de santé…
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Jean-Louis Carrère. Il y en a eu trop !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … allant pratiquement tous dans le même sens et qui se retrouvent dans le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».
À un moment, bien sûr, les travaux de concertation doivent s’arrêter parce qu’on en a tiré la substantifique moelle et qu’il est temps de passer à l’étape parlementaire. Mais cette dernière est en elle-même de nouveau une concertation : concertation à l’Assemblée nationale, aujourd’hui concertation au Sénat. Je ne suis pas un ministre qui considère que son texte est figé et que l’on n’a pas le droit de le changer.
Bien entendu, le débat parlementaire constitue à son tour une concertation qui enrichit le texte et il faudra ensuite le faire vivre sur le terrain.
Il y a urgence, mesdames, messieurs les sénateurs : notre système de santé montre des fractures, des difficultés, auxquelles il convient de remédier.
M. Christian Poncelet. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Aussi, je vous demande de ne pas voter la motion tendant à opposer la question préalable, présentée par M. Teulade. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je reprendrai les mots qui ont été prononcés par mes amis René Teulade et Guy Fischer : il y a en effet une « déshumanisation » de l’hôpital.
M. René-Pierre Signé. Ce sont des choses qui ne font pas plaisir à entendre mais c’est ainsi. Pourquoi y a-t-il une déshumanisation ? Elle est liée à l’application de la T2A et à la volonté de rentabilité…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !
M. René-Pierre Signé. Mais si ! L’hôpital deviendra l’« hôpital-entreprise », mot que vous ne voulez pas entendre.
Pour ce faire, on éloigne bien sûr de la direction les élus et les médecins, qui peuvent avoir des liens plus affectifs, plus amicaux avec les malades, parce qu’ils les connaissent mieux et qu’une sorte de tendresse a pu s’établir…
M. René-Pierre Signé. Madame, j’ai été longtemps médecin dans un hôpital, je sais un peu ce que c’est !
M. Alain Gournac. « Un peu » !
M. René-Pierre Signé. À l’évidence, un directeur n’a pas la même attitude, les mêmes liens,…
M. René-Pierre Signé. … il peut donc être beaucoup plus sévère et rechercher l’équilibre des comptes et la rentabilité.
Madame la ministre, hier le Président de la République a osé s’interroger : serait-on mieux soigné dans un hôpital non rentable ? La formule pourrait sembler habile, mais elle est affligeante, injuste et fausse. (Mme Gisèle Printz et M. Alain Fauconnier applaudissent.)
Pourquoi certains hôpitaux équilibrent-ils leurs comptes et d’autres pas ? Si des hôpitaux équilibrent leurs comptes, c’est parce qu’ils n’acceptent pas les urgences – pas d’urgences de nuit,…
M. Guy Fischer. Pas de permanence de nuit !
M. René-Pierre Signé. … moins de personnel, on réduit les frais – et, surtout, parce que l’on n’accepte pas les malades qui occupent trop longtemps les lits. (Mme Gisèle Printz applaudit.) C’est cela la tarification à l’activité !
M. François Autain. Bravo !
M. René-Pierre Signé. On supprime les soins palliatifs en refusant les malades en fin de vie. On ne gardera pas la cancérologie dans l’hôpital public. Si l’on veut équilibrer les comptes, les lits ne doivent pas être occupés trop longtemps.
Dès lors, on comprend que les prérogatives des élus et des médecins soient réduites, que les conseils d’administration disparaissent pour faire place à des conseils de surveillance qui auront peu de pouvoir. Le directeur arrêtera les comptes financiers et l’organisation interne de l’établissement. Mieux encore, il décidera de la qualité et de la sécurité des soins. Bientôt, c’est lui qui saura comment le médecin doit soigner ses malades et qui décidera des conditions d’accueil et de la prise en charge des urgences. Pourquoi ne prendrait-t-il pas en charge tous les malades ?
Il est un peu saugrenu de dire qu’il s’agira d’une direction collégiale et que le directeur sera assisté du doyen de la faculté de médecine et du représentant du secteur de recherche. On aura du mal à trouver des doyens de faculté de médecine dans les hôpitaux de proximité ! (M. Alain Fauconnier s’esclaffe.)
M. René-Pierre Signé. Madame la ministre, vous avez été une élue locale…
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. J’ai été pendant vingt ans membre du conseil d’administration d’un hôpital !
M. René-Pierre Signé. Nonobstant vos origines nivernaises, ce qui m’amène à beaucoup d’indulgence, je vous dis que le maire, les élus, les médecins, sont les réceptacles de tous les griefs, de toutes les désillusions, de toutes les déceptions dont se plaignent les malades, quelquefois des pratiques trop dures, un langage un peu trop familier, un tutoiement, toutes choses qui ne sont pas permises.
Ces élus locaux, ces médecins n’auront plus de pouvoir puisque le directeur gérera en totalité l’hôpital, y compris les conditions d’accueil, la qualité et la sécurité des soins.
Madame la ministre, votre projet de loi pèche beaucoup par manque de dialogue. Vous parlez de concertation, mais le dialogue entre les malades et les personnels soignants sera réduit.
Je conclurai en disant que les élus de gauche ne sont pas les seuls à être opposés à votre projet de loi. Le docteur Michel Chassang, le président de la Confédération des syndicats médicaux français, que vous connaissez bien et qui est plutôt de votre côté, est tout à fait opposé à ce projet de loi et souhaite qu’il soit retiré, ce que nous souhaitons également. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous soutiendrons la motion tendant à opposer la question préalable présentée par notre collègue René Teulade, parce qu’elle exprime parfaitement, nous semble-t-il, un certain nombre de critiques auxquelles nous souscrivons pleinement.
Mme la ministre a parlé de concertation.
Une concertation tous azimuts a eu lieu en effet, mais on n’en retrouve pas trace dans le projet de loi, notamment en ce qui concerne l’accès de tous à des soins de qualité.
S’agissant de l’hôpital, la concertation n’a pas été aussi importante que pour l’organisation des soins.
Vous avez organisé des états généraux pour l’organisation des soins, mais vous n’avez pas organisé d’états généraux pour les hôpitaux. Pourtant, j’avais cru comprendre que, précisément, les médecins des hôpitaux le demandaient.
En ce qui concerne la situation des hôpitaux publics, aujourd’hui, à vous entendre, il n’y a pas de problèmes.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Au contraire, j’ai dit qu’il y avait beaucoup de problèmes : c’est pour cela qu’on légifère !
M. François Autain. L’augmentation que vous accordez chaque année aux hôpitaux, environ 3 %, ne couvre même pas la hausse des dépenses incompressibles qui s’élève à 4 %. Cela veut dire que chaque année les hôpitaux ont un manque à gagner d’au moins 0,5 %.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. François Autain. Dans ces conditions, comment peuvent-ils faire face à leurs dépenses ?
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. François Autain. Il y a là un malentendu, pour ne pas dire plus…
Par conséquent, j’estime qu’il n’y a pas eu de concertation. Les trente-trois heures de réunion en commission constituent, à vos yeux, une concertation. Je considère quant à moi que c’est un travail qui n’a pas toujours été très efficace et qui n’a pas débouché sur des solutions pouvant recueillir notre assentiment.
S’agissant de l’organisation des soins, on ne retrouve pas la trace des nombreux rapports, que ce soit celui de M. Marc Bernier ou celui de M. André Flajolet. Les seules mesures légèrement contraignantes contenues dans votre projet de loi concernant le contrat de solidarité ont été retirées par la commission. Vous le regrettez sans doute, mais pas au point de déposer un amendement pour revenir au texte initial.
Il n’y aurait pas eu de concertation entre vous : M. le rapporteur aurait, bien sûr, décidé cela de son propre chef et, ce faisant, il aurait fait preuve de l’indépendance qui le caractérise ! On ne peut toutefois s’empêcher de penser qu’il y a eu tout de même une certaine connivence entre le Gouvernement et le rapporteur sur ce sujet.
Il n’y a donc plus aucune mesure susceptible de remédier à ces deux problèmes qui sont – j’y insiste – le cancer rongeant actuellement notre assurance maladie : les dépassements d’honoraires et les déserts médicaux.
Je pense qu’il serait nécessaire de réexaminer ce texte en commission afin de lui apporter les éléments manquant, d’autant plus qu’il y aura peut-être une deuxième lecture car, si j’ai bien compris, M. le président de l’Assemblée nationale n’est pas satisfait des conditions dans lesquelles sont déposés des amendements, notamment concernant les CHU.
Les députés n’auront jamais pu délibérer sur les amendements que vous avez déposés sur les CHU concernant le rapport Marescaux. (Mme Annie Jarraud-Vergnolle s’exclame.) On peut tout de même s’interroger sur les bizarreries du timing gouvernemental !
Un rapport sur la santé mentale a été déposé en décembre dernier et on n’a toujours pas de projet de loi sur ce sujet.
Le projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » a été présenté en conseil des ministres en octobre et le rapport Marescaux a été décidé par le Président de la République, alors que ce texte avait été adopté par le conseil des ministres.
M. Guy Fischer. Il y a un problème institutionnel !
M. François Autain. On nous demande d’intégrer le rapport Marescaux dans ce projet de loi alors que nous n’en connaissons pas le contenu. En outre, les députés n’auront jamais eu à débattre des amendements qui résultent de ce rapport.
Dans ces conditions, j’estime qu’il ne s’agit pas de concertation : c’est au contraire à des contraintes que vous soumettez notre assemblée. Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 281, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 149 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 138 |
Contre | 190 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Godefroy, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mmes Ghali et Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger, M. Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°282.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (texte de la commission n° 381, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la motion.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, que l’on ne se méprenne pas : si le groupe socialiste a décidé de déposer une motion tendant au renvoi à la commission, ce n’est ni pour gagner du temps ni pour remettre en cause le travail important réalisé par le président, le rapporteur, les administrateurs et l’ensemble des membres de la commission des affaires sociales !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce fut long et parfois difficile, mais chacun a rempli son rôle. C'est la raison pour laquelle nous regrettons les propos que M. le rapporteur a tenus tout à l'heure à l’égard de notre collègue René Teulade. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Milon, rapporteur. Moi, je ne regrette pas !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela dit, nous avons tout de même de sérieuses raisons de demander le renvoi de ce texte à la commission, qui sont essentiellement dues aux dysfonctionnements liés à l’application de la nouvelle procédure législative.
En effet, c’est une très mauvaise idée d’avoir voulu expérimenter la nouvelle procédure parlementaire avec ce projet de loi !
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. D’abord, rien ne nous y obligeait, puisque ce texte a été déposé au Parlement bien avant l’adoption et l’entrée en vigueur de la loi organique. Par ailleurs, le règlement de la Haute Assemblée n’a pas encore été modifié pour intégrer les nouvelles règles de fonctionnement internes au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ainsi, tout au long du travail en commission, nous avons navigué à vue entre anciennes règles, nouvelles règles, voire futures règles. Nous nous demandons même jusqu’à quel point tout cela est régulier. D’ailleurs, le président du Sénat semble, lui aussi, partager cette inquiétude, puisqu’il s’est dit pressé de voir adoptée la proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat qu’il a déposée le 30 avril dernier, afin d’assurer la « sécurité juridique » des textes en cours d’examen.
M. Guy Fischer. Elle sera examinée le 2 juin en séance publique !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il serait intéressant de savoir ce qu’en pense le Conseil constitutionnel.
M. Jean Desessard. Intéressant, en effet !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cette nouvelle procédure, censée illustrer le renforcement des droits du Parlement, prévoit de faire la part belle au travail réalisé en commission. On nous a promis beaucoup de choses à ce sujet, notamment une meilleure préparation en amont de la séance plénière par les groupes et les commissions. Mais le passage de la théorie à la pratique révèle souvent bien des surprises !
La théorie, c’est une discussion en quatre temps, censée « utiliser au mieux la garantie constitutionnelle » du délai de six semaines entre le dépôt d’un projet de loi et son examen par la première chambre et de quatre semaines avant l’examen par la deuxième chambre.
Il est ainsi prévu une première réunion de la commission au cours de laquelle est organisé un débat préalable d’orientation ; une deuxième réunion de commission pour examiner le rapport et établir le texte de la commission quinze jours au moins avant le début de la discussion en séance plénière ; une troisième réunion de commission pour examiner les amendements déposés en vue de la séance ; et enfin, la séance plénière, avec la garantie que tous les amendements seront présentés.
Mais qu’en est-il de la pratique ?
Il est vrai que nous avons commencé à travailler sur ce texte très en amont de son examen par le Sénat. Nous savons d’ailleurs gré à M. le rapporteur d’avoir organisé, dès le mois de décembre dernier, de nombreuses auditions, ouvertes à tous, et auxquelles nous avons participé. Mais toute cette belle mécanique a déraillé lorsque nous sommes passés à la phase terminale.
Dès la réunion de la commission des affaires sociales du 7 avril dernier, au cours de laquelle étaient organisés l’audition des ministres et le débat général sur le texte, M. le président de la commission avait pressenti la difficulté d’examiner sérieusement un texte aussi conséquent, qui comptait une centaine d’articles à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale, et aussi varié, avec des sujets très différents d’un titre à l’autre, certains pouvant même faire l’objet d’un projet de loi à eux seuls.
C’est pourquoi il avait pris soin de diviser le débat en trois temps afin de faciliter l’examen du texte. Néanmoins, personne ne le contestera, ce fut une séance marathon au cours de laquelle le débat a été très formel. Il ne fut pas vraiment possible d’entrer dans le détail du texte et, malheureusement, d’en débattre avec le Gouvernement – ce qui est notre souhait – ; de nombreuses questions posées par les commissaires sont même restées sans réponse.
Mais le problème le plus sérieux est intervenu lors de l’examen des amendements internes à la commission. Je le redis, car je veux que ce soit clair : nous ne nions absolument pas les efforts qui ont été réalisés par M. le président et M. le rapporteur pour faciliter le travail de la commission, et nous tenons d’ailleurs à rendre hommage à la disponibilité, à l’écoute et au sang-froid dont M. le président a su faire preuve tout au long de nos réunions, et encore récemment.
Les parlementaires ayant décidé de jouer le jeu, 1 420 amendements avaient été déposés. Au passage, cela démontre que les parlementaires continuent de travailler même lorsque le Parlement ne siège pas. (Mme Gisèle Printz et M. Alain Fauconnier opinent et applaudissent.) Le nombre d’amendements déposés en commission prouve que, quel que soit le groupe politique auquel nous appartenons, nous avons tous bien mis à profit les « vacances » parlementaires du mois d’avril pour rédiger nos amendements.
Aussi, nous sommes nombreux à ne pas avoir apprécié les propos de M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui, pour justifier l’organisation d’une session extraordinaire au mois de juillet, a déclaré : « Je crois que personne ne comprendrait que, dans une période de crise économique dans laquelle les Français sont inquiets, le Parlement se mette en vacances trois mois. » (Mmes Claire-Lise Campion et Gisèle Printz applaudissent.) Depuis que je suis sénateur, je n’ai pas le souvenir d’avoir eu trois mois de vacances,…