M. René-Pierre Signé. Voilà !
M. Guy Fischer. Enfin, et pour conclure sur cette question de l’inadéquation de vos mesures avec les principes qui gouvernent notre société, je ne peux pas ne pas évoquer les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, ou CPOM, qui vont contraindre les établissements publics de santé à mener une véritable politique de rigueur. Ainsi, ceux-ci font clairement mention d’« objectifs quantifiés ».
Autant dire que vous allez imposer aux hôpitaux la réalisation d’un nombre limité d’actes, notamment des plus coûteux, dans le seul but de réduire les dépenses hospitalières, même si les objectifs imposés sont contraires aux intérêts des populations concernées. Les CPOM pourraient considérablement varier d’un établissement à l’autre, les plaçant dans des situations d’inégalités que rien ne justifie, si ce n’est leur situation comptable à un moment donné.
Madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe CRC-SPG et moi-même sommes très inquiets des conséquences qui pourraient résulter de l’adoption de ce projet de loi. Car, à bien y regarder, il s’agit ni plus ni moins que de la transposition dans les faits d’un accord emblématique, signé au niveau mondial en 1995 sous le titre d’Accord général sur le commerce des services, l’AGCS, dont se sont très largement inspirés le projet de traité constitutionnel européen et le traité de Lisbonne, en prévoyant dans ses articles 86 et 87 que l’ensemble des services marchands doit être soumis à une concurrence libre et non faussée.
Dans la mesure où l’Union européenne se refuse – on comprend bien pour quelle raison – à préciser que les services sociaux d’intérêts généraux, notamment la santé, sont exclus du champ d’application de cet article, il y a véritablement de quoi s’inquiéter.
Mme Éliane Assassi. Bien sûr !
M. Guy Fischer. L’AGCS, comme sa traduction européenne, le traité de Lisbonne, vise en réalité à privatiser progressivement tous les services publics qui sont, pour les libéraux dont vous êtes, madame la ministre, autant d’entraves à la concurrence libre et non faussée. Nous y voyons, nous, autant de lieux et de formes dont l’objectif principal est non pas la création de richesses marchandes, mais la satisfaction des besoins légitimes des populations que les gouvernants ont la charge de protéger.
Votre projet, madame la ministre, en instaurant une relation verticale, en soumettant les besoins de santé à l’offre de soins, elle-même encadrée par la politique de rigueur qui est la vôtre, en imposant au secteur médico-social des règles inspirées du secteur sanitaire et qui ont déjà fait la preuve de leur incapacité à répondre aux besoins, est extrêmement dangereux.
L’hôpital est malade : malade de la multiplication de ses réformes, malade du sous-financement que vous lui imposez, malade du manque de personnels. Il y a effectivement des problèmes d’organisation à l’hôpital, mais la seule réponse autoritaire d’un directeur-patron ne peut y suffire. Nous avons le devoir, au-delà des clivages politiques, par-delà nos différences, de chercher à organiser le système sanitaire et médico-social le plus performant. La performance ne se mesure pas exclusivement, comme vous entendez le faire, par des critères comptables ou des indicateurs de qualité.
M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure !
M. Jean Desessard. C’était pourtant bien !
M. Guy Fischer. Je conclus, monsieur le président.
La performance se mesure notamment par le taux de satisfaction des patients, par la capacité du système de santé à être accessible à tous, sans distinction de maladies, de lieu d’habitation et, bien entendu, de revenus.
Mes chers collègues, au moment de voter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, je vous invite à vous souvenir du sens que les constituants ont voulu donner à notre République. Je voudrais que vous gardiez à l’esprit les principes de solidarité qui les ont guidés et que vous les compariez aux dispositions prévues dans ce projet de loi.
Je souhaiterais que vous vous rappeliez que, derrière le terme « patients » ou « usagers », il y a des femmes et des hommes qui peinent chaque jour un peu plus à boucler leurs fins de mois,…
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. … renoncent à leurs mutuelles complémentaires, retardent leurs soins les moins urgents.
M. René-Pierre Signé. L’hôpital est déshumanisé !
M. Guy Fischer. Pour eux, seule la solidarité est capable de leur garantir un accès minimal aux soins. C’est pour eux que les constituants ont rédigé ce onzième alinéa. C’est pour eux que je vous demande de voter en faveur de cette motion, de voter contre l’hôpital-entreprise. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je m’étonne de la motivation de cette motion.
M. François Autain. Votre étonnement m’étonne !
M. Alain Milon, rapporteur. Le projet de loi manifeste au contraire la volonté de garantir à tous la protection de la santé. (Marques d’ironie sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. François Autain. Comment peut-on dire une chose pareille !
M. Alain Milon, rapporteur. Ses principaux objectifs sont en effet de réduire les inégalités territoriales, qu’il s’agisse de l’accès aux soins, de l’accueil et de l’accompagnement médico-social,…
M. François Autain. C’est de l’affichage !
M. Alain Milon, rapporteur. … de garantir que les missions de service public seront assurées en tout point du territoire,…
M. René-Pierre Signé. Pas par la rentabilité !
M. Alain Milon, rapporteur. … enfin, de mettre l’accent sur la prévention, l’éducation à la santé et la veille sanitaire : tous éléments souvent trop négligés mais qui sont aussi essentiels à la protection de la santé.
Aussi, j’avoue, monsieur le président, ne pas comprendre le sens de cette motion, sur laquelle la commission des affaires sociales a bien sûr émis un avis favorable (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG),…
Un sénateur socialiste. Quel lapsus !
M. Alain Milon, rapporteur. … défavorable, veux-je dire.
M. François Autain. Il y a cru !
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Alain Milon, rapporteur. Je pense, comme M. Fischer, puisqu’il a dit dans son intervention que nous reverrions tout cela dans le cadre de nos travaux, que notre assemblée suivra l’avis défavorable de la commission. (Mme Brigitte Bout applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Il y a des grands bonheurs dans la vie ministérielle et parlementaire. L’un d’entre eux est d’avoir entendu un aussi vibrant hommage en faveur de la Constitution de la Ve République, émanant d’un homme issu d’un parti qui l’a toujours combattue. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Michel Mercier applaudit également.)
M. Guy Fischer. Il s’agissait de la Constitution de 1946, pas de celle de 1958 !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Mais ce plaisir étant bien sûr de courte durée, je souhaiterais revenir sur les différents points abordés.
Tout d’abord, comment le recrutement diversifié des directeurs pourrait-il être contraire au principe d’égalité ? Beaucoup de médecins, et vous avez demandé que leur avis soit pris en compte, ont appelé de leurs vœux un tel recrutement et ont souhaité que la formation soit complétée.
C’est la raison pour laquelle j’ai créé un institut du management à l’intérieur de l’École des hautes études en santé publique. Les nouveaux directeurs qui ne sont pas issus de cette école devront y suivre une formation complémentaire, afin de recevoir une formation spécifique à l’hôpital.
Mme Éliane Assassi. Management !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pourquoi voulez-vous priver l’hôpital de ces possibilités de recrutement et d’éventuelles compétences ? J’ai beaucoup de mal à comprendre en quoi cela serait contraire au principe d’égalité.
M. Christian Poncelet. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Quant aux coopérations, elles sont précisément destinées à maintenir la qualité des soins. Il arrive, dans un établissement hospitalier, que le service maternité, ou un autre service, connaisse un taux d’accidents graves quatre fois supérieur à la moyenne nationale. Parfois, le « taux de fuite » est supérieur à 90 %. Autrement dit, 90 % des malades qui devraient se rendre dans cet établissement renonce à le faire. La crise de confiance est alors bien réelle entre la « patientèle » et les établissements ; je pourrais vous en citer plusieurs exemples.
Il faut donc garantir la qualité des soins par une gradation des soins,…
M. François Autain. Cette expression cache la misère dans laquelle se trouve notre hôpital !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … par une coopération entre les établissements de santé, qui obéit à ce principe constitutionnel.
Vous souhaitez établir des mesures coercitives pour les médecins libéraux. Je me permets de vous dire que cela ne réglera rien et qu’ils fuiront un peu plus les zones sous-denses.
M. François Autain. Vous ne faites rien pour les retenir !
Mme Éliane Assassi. Ni pour les attirer !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. En ce qui concerne les conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens, elles existent déjà sous cette forme, et je ne vois pas en quoi elles contreviennent aux principes constitutionnels que vous avez rappelés, et notamment au principe d’égalité.
Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de ne pas souscrire à cette motion de procédure défendue par M. Fischer.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote.
M. Michel Billout. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la santé n’est pas une marchandise et les partenariats avec le privé que vous souhaitez développer ne feront qu’affaiblir l’hôpital public et développer le juteux marché de la santé.
Je voudrais illustrer mon propos par un exemple précis. En Seine-et-Marne, à Melun, ville préfecture, un accord-cadre a été signé en 2007 entre une clinique privée et le centre hospitalier Marc Jacquet. Ce projet, qui organise la répartition des activités entre la clinique Les Fontaines et l’hôpital public de Melun, comporte des clauses très restrictives pour le service public. De fait, avec ce projet, les patients n’auront plus le choix entre le public et le privé pour se faire soigner.
Le nouvel établissement va être construit d’ici à 2014 avec 50 % de crédits publics. Or, dans ce nouveau projet, l’hôpital conservera les contraintes sans bénéficier d’aucun avantage. Il conservera, par exemple les urgences de nuit que le privé refuse de prendre en charge pour d’évidentes raisons de coût en personnel. En revanche, la cardiologie et les spécialités chirurgicales seront entièrement confiées au secteur privé.
Bien entendu, la chirurgie d’urgence pourra être effectuée par le public mais toute intervention programmée sera faite dans le privé. Ainsi un patient reçu en urgence en chirurgie publique la nuit et dont l’intervention sera repoussée au lendemain devra-t-il être opéré dans le secteur privé. En économie, on appelle cela une distorsion de concurrence : les charges en personnel de nuit pour les uns ; les bénéfices de l’intervention le lendemain pour les autres !
De plus, le bloc opératoire sera entièrement privé et loué au secteur public pour les urgences. Et c’est ainsi que vous annoncez sans nuance vouloir mieux gérer l’hôpital public et assurer les missions de service public partout sur le territoire !
C’est la santé et l’offre de soins qui sont en cause à Melun et dans sa région, et cette remise en question n’attendra pas 2014. Elle est déjà à l’œuvre, de fait, depuis le mois de février dernier avec la fermeture, la nuit, du bloc opératoire du centre hospitalier de Melun. Passé dix-sept heures, à Melun, il vaut mieux ne pas avoir d’accident grave !
Si vous êtes transportable, en théorie, vous serez transféré à Montereau, à près de trente kilomètres de distance, avec le risque de voir votre cas s’aggraver pendant le transfert. Encore faut-il qu’il y ait de la place car aucun moyen supplémentaire n’a été prévu à l’hôpital de Montereau.
Melun n’est pas une exception. La même politique de réduction des coûts dans le secteur public est appliquée dans tous les hôpitaux de Seine-et-Marne, pour ne citer que ce département ; j’y reviendrai au cours du débat.
Pour toutes ces raisons, je voterai la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité présentée par mon ami Guy Fischer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. La démonstration faite par M. Fischer est claire et complète. Nous y souscrivons et nous voterons bien sûr en faveur de la motion qu’il a présentée et qui tend à opposer l’exception d’irrecevabilité.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 901, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 148 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 138 |
Contre | 203 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Teulade, Le Menn et Cazeau, Mmes Alquier et Blondin, M. Botrel, Mme Campion, M. Chastan, Mme Chevé, MM. Daudigny et Daunis, Mme Demontès, M. Desessard, Mme Durrieu, MM. Fauconnier et Fichet, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot et Lagauche, Mmes Le Texier et Printz, MM. Mirassou et Rebsamen, Mme Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°281.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (texte de la commission n° 381, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. René Teulade, auteur de la motion.
M. René Teulade. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec conviction et dans un esprit de raison et de responsabilité que, au nom du groupe socialiste et de nombreux autres collègues, je vous demande solennellement, étant donné la gravité de la situation de notre système de protection sociale (Oh ! sur les travées de l’UMP),…
M. Josselin de Rohan. Ça commence bien !
M. René Teulade. … d’opposer la question préalable au projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires » et donc d’ajourner son examen.
Je connais, madame la ministre, la difficulté de votre tâche et les nombreuses embûches que nous devons surmonter pour faire changer les comportements. Face à la gravité de la situation, je vous demande une réflexion sereine.
Nous avons connu une situation semblable. Nous avions alors fait voter une loi intitulée « Maîtrise médicalisée des dépenses de santé ». À l’époque, le déficit global était de 15 milliards de francs ; aujourd’hui, il dépasse les 100 milliards d’euros. La situation mérite donc d’être examinée avec sérénité.
Les travaux de notre assemblée sont très suivis par la communauté médicale, mais aussi par les Français. Je remercie particulièrement tous les camarades de l’opposition qui ont enrichi le débat de leurs arguments, de leur présence et de leur travail. Comme ils n’ont pas beaucoup été remerciés,…
M. François Autain. Ça, c’est vrai !
M. René Teulade. … je me permets de le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Les travaux de notre assemblée sont très suivis, disais-je. Nous en avons des échos quotidiennement.
Contenant 33 articles lors de sa présentation en conseil des ministres le 22 octobre 2008, votre projet de loi en comporte 103 au terme de son examen à l’Assemblée nationale.
Je me dois de le dire, sans polémique vaine, parce que je le pense profondément et que je m’appuie sur une longue expérience dans le domaine social, votre réforme ne présente aucune cohérence globale. L’empilement sans précédent d’amendements déposés par les élus de votre majorité déstabilise un projet qui aura plus souffert, au fil du temps, des contradictions de cette majorité que des assauts de l’opposition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.) Vous êtes victime de vos amis et des conservatismes professionnels et médicaux.
Ce texte, madame la ministre, porte aussi – ayons le courage de le dire, sans esprit de polémique – les stigmates de la méthode du Président de la République et de ses excès d’intervention sur les chantiers menés par le Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Tantôt, le chef de l’État vous demande un texte ferme sur les prérogatives des futurs directeurs généraux des établissements de santé, au risque de créer conflit et incompréhension, tantôt, sous la pression des mécontentements, il vous demande de reculer, quitte à créer davantage de confusion sur le futur système de gouvernance des hôpitaux.
M. Jean-Louis Carrère. C’est la méthode « deux pas en avant, trois pas en arrière » !
M. René Teulade. Plusieurs motifs de rejet de ce texte justifient le vote de la motion tendant à opposer la question préalable, pour que raison l’emporte.
Le gouvernement auquel vous appartenez a décrété en octobre dernier la procédure d’urgence. Or notre assemblée entame l’examen de ce texte aujourd’hui, soit huit mois après cette annonce ! Où est la cohérence de cette décision ? Qu’est-ce qui justifie une telle urgence à propos d’un tel enjeu ?
Si vous nous aviez saisis en urgence d’un projet de loi sur la sécurité sanitaire au profit de nos compatriotes, dans le contexte du risque de pandémie de grippe A, nous aurions compris cet impératif. Une réforme de l’hôpital couplée avec la création des agences régionales de santé, pour ne citer que l’essentiel de ce texte, ne justifie, en revanche, aucunement la procédure d’urgence (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), d’autant que les changements véritablement incessants sur le fond des choix interdisent au Parlement une discussion sereine. Pour satisfaire les préconisations du rapport Marescaux remis avant-hier au Président de la République, vous déposez des amendements en séance publique mais, avec la procédure accélérée, seule la commission mixte paritaire pourra discuter sur le fond. Nos collègues de l’Assemblée nationale seront privés de débat sur les nouvelles propositions du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Vous voulez gagner du temps sur le débat parlementaire. L’examen du texte au Sénat se fait dans la précipitation.
L’application de la réforme constitutionnelle est en cause, même si nous sommes favorables – et nous l’avons dit – au renforcement des droits du Parlement au travers de la revalorisation du travail en commission.
M. Henri de Raincourt. Réforme que vous n’avez pas votée !
M. René Teulade. Un nouveau motif de rejet puise sa source dans l’absence de réelle concertation sur cette réforme. Je n’ignore pas que vous-même, vos collaborateurs, ceux du Premier ministre et du Président de la République, n’avez pas lésiné sur votre temps pour recevoir les multiples organisations sociales et professionnelles, comme nous-mêmes d’ailleurs. Mais, paradoxalement, l’accumulation des rencontres ne garantit pas un dialogue sérieux : sur les choix fondamentaux, sur les objectifs et méthodes de cette réforme, il n’y en eut guère, et tous les acteurs nous ont dit leur déception devant le faux-semblant de cette concertation. L’accumulation des changements d’orientations, les annonces reportées, la pluie d’amendements, transforment ce texte, je le dis avec beaucoup de solennité, en un fourre-tout peu compréhensible, dépourvu de lisibilité politique et pratique.
Mme Gisèle Printz. Très bien !
M. René Teulade. Notre déception est grande, je le répète. Je le dis d’autant plus aisément, madame la ministre, que, lorsque vous avez organisé les états généraux de l’offre de soins, beaucoup nourrirent l’espoir, légitime, que la réforme s’engagerait sous les auspices d’un authentique dialogue social et d’une approche structurelle des défis de santé du pays.
Vos premières intentions, madame, laissaient espérer une réforme courageuse, une réforme d’ampleur, une réforme de qualité sur le plan social. Vous aviez vous-même déclaré que ce serait la plus importante depuis 1945. Que reste-t-il aujourd’hui ? Où est passé le souffle des états généraux de l’organisation des soins ? Où sont passées les recommandations du rapport établi par M. Flajolet, notre collègue de l’Assemblée nationale, sur les voies et moyens à mettre en œuvre pour réduire les inégalités sociales et territoriales de santé ?
M. René Teulade. Que reste-t-il de vos annonces sur le retour à l’opposabilité des tarifs médicaux dans les soins ambulatoires, dans le secteur libéral des hôpitaux, dans les cliniques ? Sur ce point précis, je vous le dis clairement, les reculs qui s’annoncent sont inacceptables. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Des expertises – de sources non ministérielles, comme par hasard – démontrent que l’égal accès aux soins de qualité est impossible en de nombreux endroits du territoire.
Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait !
M. René Teulade. Il est insupportable que désormais, dans les cliniques privées, les actes chirurgicaux donnent quasi systématiquement lieu à dépassement tarifaire. (Mêmes mouvements.)
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. René Teulade. Et cessons de dire que ces problèmes ne concernent que les Franciliens, les Lyonnais et les habitants de la Côte d’Azur ! Ces pratiques se répandent partout… (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est une politique de classe !
M. René Teulade. … et l’on sait bien que ce sont nos compatriotes les plus fragiles qui doivent les supporter.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. René Teulade. Pourquoi, madame la ministre, avez-vous promis des actes forts sur ce sujet sensible si c’est pour, finalement, revenir en arrière ? Il en est allé de même du refus de soins, pour lequel, après avoir soutenu le principe du testing, vous avez reculé. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. René-Pierre Signé. Il est excellent !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non ! Il existe déjà des moyens de tester !
M. René Teulade. Qui peut croire un instant qu’il est possible de réformer sérieusement l’hôpital en laissant la médecine ambulatoire « à vau-l’eau » ? Vous nous proposez une définition intéressante de la médecine générale de premier recours, mais dépourvue de projections concrètes sur le terrain. Quelle incohérence !
Vous aviez peut-être souhaité une grande réforme de la santé pour les Français ; vous finissez par devoir défendre un texte de protection des corporatismes médicaux et professionnels établis. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas vrai !
M. René Teulade. Sans compter que vous négligez aussi les attentes et les potentiels des jeunes générations de médecins, de professionnels qui aspirent bien plus qu’on ne le croit à exercer leur métier dans une véritable éthique de l’intérêt général.
Entre les besoins des Français et les intérêts de certains médecins – une profession que nous défendons également –, il faut aussi savoir choisir !
Madame la ministre, cela a déjà été souligné, et je crois que le mot était à la fois simple et fort juste : votre projet de loi marque l’avènement de l’hôpital-entreprise, organisé, répétons-le, autour d’un patron qui sera avant tout un bon gestionnaire financier.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas seulement !
M. René Teulade. Les professionnels de santé, disons-le, là encore, sans chercher les grands mots, seront écartés des décisions qui concernent l’hôpital et cantonnés dans un simple pouvoir consultatif,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. René Teulade. … y compris pour ce qui concerne le projet médical ou la politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins.
M. Alain Fauconnier. Bravo !
M. René Teulade. La réalité, c’est celle-là !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est faux ! Ce sera voté par le directoire !
M. René Teulade. Vous voulez imposer le modèle économique et de gouvernance de l’entreprise à l’hôpital. Mais vous oubliez qu’un service public, cela a été dit, mais je le répète, n’est pas une entreprise qui doit réaliser des bénéfices, même si, bien sûr, l’équilibre budgétaire doit rester au cœur des préoccupations ! (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas forcément une machine à gâchis, non plus !
M. René Teulade. Votre projet de loi fait également une place très importante aux cliniques privées.
Vous acceptez que les missions de service public ne soient plus l’exclusivité du secteur non lucratif. Le privé non lucratif a d’ailleurs bien failli voir son statut remis en question, avant que l’Assemblée nationale n’adopte des amendements visant à prendre en compte sa spécificité en créant des établissements de santé privés d’intérêt collectif.
En ce qui concerne la gouvernance, vous transformez le conseil d’administration en conseil de surveillance. Outre le nom, c’est la mission qui est changée : alors que le conseil d’administration « arrêtait la politique générale de l’établissement », le conseil de surveillance exercera le contrôle de l’établissement.
Je n’évoquerai pas le directoire, simple affaiblissement de l’ancien conseil exécutif.
Finalement, pour résumer votre vision de la gouvernance de l’hôpital, vous vous inspirez de la pratique du pouvoir adoptée par le Président de la République (Exclamations sur les travées de l’UMP)…