M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons à partir d’aujourd’hui est celui qui, en application de la nouvelle procédure voulue par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, est issu des travaux de la commission, travaux auxquels, conformément à la récente décision du Conseil constitutionnel, le Gouvernement a pleinement participé.
Cette nouvelle procédure a montré le souci partagé par tous les membres de la commission, au-delà de nos différentes sensibilités, de faire œuvre commune. Je voudrais souligner que nous avons tous eu à cœur de prendre notre part de ce travail approfondi et exigeant d’écriture collective.
En tant que rapporteur, je souhaite remercier tous les membres de la commission, et d’abord son président, Nicolas About, qui a assumé avec le talent que nous lui connaissons une tâche particulièrement difficile.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je vous remercie, monsieur le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Le nombre d’amendements dont nous avons été saisis – 1 423 – ainsi que le nombre de ceux que nous avons adoptés – 428 – suffisent à montrer l’intérêt suscité par ce projet de loi.
Ce texte est composé de quatre titres d’importance diverse traitant de sujets variés, mais qui ont pour point commun de porter sur des préoccupations qui sont celles de tous nos concitoyens.
L’égal accès de tous, et sur tout le territoire, à des soins de qualité, la sécurité sanitaire, la prévention, l’éducation thérapeutique, le développement des moyens d’accueil et d’accompagnement médico-social, l’organisation de parcours de soins cohérents, l’excellence de l’hôpital public, la permanence des soins, sont autant de sujets qui parlent à tous les Français.
J’y ajouterai le souci du bon usage et de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, car je crois profondément que nos concitoyens savent bien que l’emballement incontrôlé des dépenses et des déficits, outre qu’il n’est pas une garantie de qualité des soins, pourrait mettre en péril un système qui constitue un élément fondamental de notre pacte social.
Mais il faut prendre les choses dans l’ordre. Je commencerai donc par présenter les positions que nous avons adoptées sur le titre Ier, consacré à la modernisation du système de santé, qui traite essentiellement de trois sujets : la nouvelle définition du service public, l’organisation de l’hôpital public et la coopération entre les établissements de santé.
Tout d’abord, le projet de loi propose une nouvelle définition, matérielle et non plus organique, du service public, fondée sur l’accomplissement de missions et non plus sur le statut des établissements. Cela bousculera bien des habitudes, sans doute moins d’ailleurs celles des patients que celles des médecins. Mais, comme l’avait souligné M. Gérard Larcher dans son rapport, les conditions actuelles de la participation des établissements privés au service hospitalier ne correspondent plus toujours aux besoins d’accessibilité aux soins de la population.
Pour parvenir à ce que les missions de service public soient assurées sur tous les territoires, le projet de loi prévoit que celles-ci puissent être confiées à des établissements privés ou à d’autres structures, dans le cadre de leur contrat d’objectifs et de moyens ou, à défaut, d’un contrat spécifique. Ce contrat précisera les garanties offertes aux patients en termes d’égalité d’accès, de permanence des soins et de prise en charge aux tarifs opposables, garanties qui sont, par ailleurs, énoncées par la loi.
Notre commission a complété ce dispositif sur deux points : d’abord, en précisant que les missions de service public déjà assurées par un établissement feront l’objet d’une reconnaissance prioritaire dans le contrat d’objectifs et de moyens ; ensuite, en prévoyant que les garanties offertes aux patients seront également applicables en cas de soins consécutifs à sa prise en charge au titre du service public ou en urgence.
En revanche, elle n’a pas souhaité que, en dehors de ce cadre, et dans des conditions mal définies, il puisse être imposé à un établissement d’assurer une proportion minimale d’actes facturés aux tarifs du secteur 1. Nous n’ignorons pas qu’il peut y avoir des problèmes à cet égard dans certains territoires, mais nous avons estimé que la mesure adoptée par l’Assemblée nationale n’était pas de nature à les résoudre.
M. François Autain. C’est faux !
M. Alain Milon, rapporteur. Notre commission a aussi voulu préciser les conditions dans lesquelles les obligations de service public imposées à un établissement se traduiront dans les contrats passés entre ceux-ci et les praticiens qui y exercent.
Afin d’assurer une répartition équitable de ces obligations entre tous les praticiens et de ne pas remettre en cause sans nécessité l’équilibre de ces contrats, elle a prévu que le refus de la révision des contrats ne pourrait entraîner leur résiliation sans indemnité que lorsque les obligations imposées aux médecins excéderaient 30 % de leur temps travaillé.
Par ailleurs, la commission a reconnu, comme l’avait fait avant elle l’Assemblée nationale, l’existence d’une catégorie d’établissements de santé privés d’intérêt collectif, les ESPIC, qui permettra de perpétuer l’apport essentiel à notre système de santé d’institutions comme les centres de lutte contre le cancer et les anciens établissements privés à but non lucratif participant au service public hospitalier, ou PSPH.
Enfin, elle a adopté une nouvelle rédaction des dispositions du code de la santé public relatives aux centres de santé et à leurs missions.
Le deuxième sujet abordé par le titre Ier, et qui n’a pas été le moins controversé, est celui de la « gouvernance », comme on dit, de l’hôpital public.
Nous sommes très conscients de la nécessité d’assurer une bonne administration de l’hôpital, même si, comme vous l’avez rappelé en commission, madame la ministre, la proportion des établissements en déficit est faible, et même s’il faut parvenir à une évaluation plus juste des contraintes qui pèsent sur ces établissements.
À ce propos, si vous permettez cette parenthèse, madame la ministre, je me félicite de votre décision de revoir le calendrier de convergence « intersectorielle ».
Sans remettre en cause cette nécessité d’une bonne gestion de l’hôpital et d’une définition claire des responsabilités de son directeur, nous avons été guidés par deux préoccupations.
La première s’apparente à une évidence : on ne peut pas gérer l’hôpital sans les médecins ni, ajouterais-je, sans une certaine implication des élus.
Mme Isabelle Debré. Oui !
M. Alain Milon, rapporteur. La seconde tient à notre souhait – semblable à celui de la commission Larcher – d’assurer, dans l’intérêt même du directeur, un équilibre des compétences plus affirmé entre le conseil de surveillance, le directoire et le directeur.
Le conseil de surveillance doit avoir tous les moyens de suivre la gestion de l’établissement et d’obtenir les informations qui lui paraîtraient utiles. Nous avons aussi jugé nécessaire qu’il puisse se prononcer sur la politique de coopération de l’établissement et a fortiori sur d’éventuels projets de fusion.
Nous avons voulu également lui permettre de donner son avis, et uniquement son avis, sur le programme d’investissement – je le rappelle, les programmes d’investissement ne sont plus inclus dans le projet d’établissement soumis à son approbation –, sur le budget prévisionnel, sur les décisions immobilières et sur les contrats de partenariat, ainsi que sur le règlement intérieur de l’établissement.
Il nous a enfin paru légitime que trois des cinq personnalités qualifiées qui siégeront au sein de ce conseil soient nommées par le maire de la commune siège, pour deux d’entre elles, et par le président du conseil général, pour la troisième.
Pour ce qui est du rôle des médecins, nous avons eu soin de ne pas créer de situation de blocage, mais nous avons jugé primordial – dans la lignée, d’ailleurs, de la « nouvelle gouvernance » organisée par l’ordonnance de 2005 – de favoriser la coopération et le dialogue entre les médecins et l’administration.
Nous avons ainsi estimé indispensable d’associer le président de la commission médicale d’établissement, la CME, à la définition de la politique d’amélioration continue de la qualité des soins, ainsi que des conditions d’accueil et de prise en charge des usagers.
D’ailleurs, l’Assemblée nationale avait prévu un avis du conseil de surveillance sur ce sujet qui, par excellence, doit rassembler l’ensemble de la communauté hospitalière.
De même, et c’est essentiel, le président de la CME, qui élabore le projet médical d’établissement, doit coordonner avec le directeur la politique médicale de l’établissement.
Par ailleurs, sur mon initiative, notre commission, toujours dans le souci d’introduire plus de collégialité dans la gouvernance de l’hôpital, a souhaité que le président de la CME soit davantage associé au processus de contractualisation interne – des contrats de pôle –, conçu comme une déclinaison opérationnelle du projet médical.
Il doit en particulier pouvoir se prononcer sur la nomination des chefs de pôle : c’est pourquoi, notre texte prévoit que ceux-ci seront nommés par le directeur d’établissement sur la base d’une liste présentée par le président de la CME, lequel cosignera les contrats de pôle avec le directeur et le chef de pôle.
Notre commission a également tenu à réintroduire la disposition selon laquelle les pôles peuvent comporter des structures internes, ce que le texte du Gouvernement ne mentionnait pas.
En effet, pôles et services sont deux structures ayant chacune une finalité propre qu’il convient de préserver : aux services, l’activité strictement médicale ; aux pôles, la mise en cohérence des objectifs et des moyens des services qui les composent. Sur ce sujet, notre commission a en quelque sorte devancé la commission sur l’avenir des centres hospitaliers universitaires présidée par le professeur Jacques Marescaux, qui déplore dans son rapport « la logique de rapprochement circonstanciel ou matériel qui a trop souvent prévalu pour la création des pôles ».
Enfin, nous avons donné au directoire, qui prépare le projet d’établissement, compétence pour approuver le projet médical d’établissement. Je vous le signale au passage, nous avons déjà procédé à l’adaptation de la composition du directoire des CHU en créant deux postes de vice-président supplémentaires. Sur ce point, les propositions faites par le Président de la République hier sont donc déjà satisfaites par...
M. Guy Fischer. Par hasard ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, par anticipation ! (Nouveaux sourires.)
M. Alain Milon, rapporteur. ... par l’intelligente anticipation de la commission des affaires sociales ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Monsieur le président, mes chers collègues, ces ajustements permettront au directeur de s’appuyer sur toutes les compétences, et d’abord sur les médecins. Beaucoup d’entre eux s’étaient fortement impliqués dans la gestion des établissements depuis la réforme Mattei, et le projet de loi leur avait donné l’impression d’être, si vous me passez l’expression, un peu « mis sur la touche ».
J’en viens à présent à la coopération entre établissements, et d’abord à la coopération entre établissements publics, c’est-à-dire à la communauté hospitalière de territoire ou CHT.
C’était une recommandation emblématique du rapport Larcher. Il s’agissait de proposer aux établissements une démarche volontaire sur la base d’un projet commun, en s’inspirant des mécanismes et de la dynamique de la coopération intercommunale.
Le schéma prévu dans le projet de loi retenait la notion d’une coopération conventionnelle – même si cela n’apparaissait pas toujours dans les formulations retenues. Il ne faisait pas, en effet, de la CHT une personne morale.
Pour autant, l’alternative offerte entre « communauté fédérative » et « communauté intégrée » laissait peu de place à la souplesse contractuelle et aux « coopérations consenties » que voulait privilégier le rapport Larcher.
Dans le premier cas, la communauté était dirigée par un « établissement siège », dans le second cas, la convention devait déboucher directement sur la fusion des établissements intéressés.
Votre commission a jugé préférable de revenir à l’inspiration du rapport Larcher, estimant que l’autorité administrative dispose par ailleurs de moyens suffisants pour imposer une coopération organique, et même une fusion, aux établissements publics.
Selon le schéma que nous avons retenu, il appartiendra aux directeurs et aux présidents de CME d’élaborer la convention de CHT, qui sera approuvée par les conseils de surveillance, après information des représentants du personnel.
Bien sûr, et c’est un point sur lequel je voudrais insister, cette convention aura aussi été en quelque sorte négociée au préalable avec l’agence régionale de santé, puisque le projet commun qu’elle exprimera, les transferts ou délégations d’activité qu’elle prévoira seront mis en œuvre à travers les autorisations et les instruments contractuels dont les agences auront la maîtrise.
Les parties à la convention de CHT pourront s’organiser librement. Nous avons cependant prévu qu’une commission composée des présidents de conseil de surveillance, des présidents des CME et des directeurs des établissements partenaires, pourra proposer les mesures nécessaires pour faciliter l’application de la convention et favoriser la mise en œuvre de la stratégie commune.
Cela n’empêche pas, je voudrais le souligner, les établissements de confier le pilotage de certaines actions à tel ou tel d’entre eux. Le cas sera sans doute fréquent où un établissement pourra jouer le rôle d’établissement référent dans une communauté. Mais, dans cette hypothèse, notre sentiment est qu’il s’imposera de lui-même.
Nous ne souhaitons pas, en revanche, que l’ARS puisse imposer la création d’une CHT. Cela n’aurait d’ailleurs pas beaucoup de sens, puisqu’il s’agit d’une coopération purement contractuelle. Mais l’agence pourra toujours, si des raisons tenant à la sécurité des patients ou à la situation financière des établissements l’exigent, imposer des restructurations ou la création d’un groupement, que ce soit un groupement de coopération sanitaire ou un groupement d’intérêt public, voire une fusion d’établissements.
En revanche, l’ARS pourra obtenir la résiliation de la convention si elle n’est pas appliquée. La démarche conventionnelle ne doit en effet pas être le moyen de retarder les mesures qui seraient nécessaires pour organiser de façon satisfaisante l’offre sanitaire et le maillage du territoire.
J’en viens à présent au groupement de coopération sanitaire, créé en 1996 à l’image des groupements d’intérêt public, les GIP, et des groupements d’intérêt économique, les GIE, et qui, comme ces derniers, peut servir de cadre aux coopérations entre établissements publics et privés.
Le texte qui nous était soumis prévoyait que ces groupements puissent être transformés en établissements publics ou privés selon la nature juridique du groupement, dans des conditions un peu floues et qui ne nous paraissaient pas présenter toutes les garanties de sécurité juridique.
De surcroît, les prestations du nouvel établissement devaient être financées selon la tarification de son choix et en fonction des tarifications applicables aux membres de l’ancien groupement, ce qui ne paraissait pas très logique.
C’est pourquoi nous avons préféré nous en tenir, à ce stade, à une clarification, d’ailleurs nécessaire, du statut du groupement de coopération sanitaire de moyens. Aux termes de l’accord que nous avons obtenu du Gouvernement en commission, les groupements de coopération sanitaire d’établissements feront, pour leur part, l’objet d’amendements présentés en séance.
J’en viens maintenant au titre II du projet de loi, relatif à l’accès de tous à des soins de qualité.
Garantir la possibilité pour nos concitoyens, où qu’ils résident, de bénéficier du meilleur niveau de soins est un souhait et un souci unanimement partagés. Les états généraux de l’offre de soins, réunis de novembre 2007 à avril 2008, se sont penchés sur la répartition des professionnels de santé sur le territoire et sur leurs missions.
À cette occasion, des pistes ont été proposées pour lutter contre l’avancée de déserts médicaux, ces « zones blanches » causées par l’évolution tant des pratiques que de la démographie médicale.
Même si je reste un peu dubitatif sur la définition des différents niveaux de recours proposée par le texte, je lui reconnais l’intérêt majeur de consacrer la proximité comme élément essentiel des soins. Certes, les réponses en matière d’organisation territoriale de la santé seront à trouver du côté des ARS, dans le cadre de la définition des schémas régionaux d’organisation sanitaire.
Mais vous nous garantissez ainsi, madame la ministre, que l’impératif de qualité et de sécurité des soins n’entraînera pas automatiquement le sacrifice des structures de proximité.
Notre commission a d’ailleurs souhaité préciser que cette proximité s’apprécie en termes de distance et de temps de parcours, afin de prendre en compte la spécificité de certains territoires comme les zones de montagne.
Toutefois, elle n’a pas souhaité aller au-delà et imposer des délais-limites avant la prise en charge d’un patient.
Il faut, en ce domaine comme dans d’autres, rester pragmatique et ne pas adopter de dispositions irréalistes, nécessairement dépourvues d’effet et sources de contentieux.
C’est ce même souci de pragmatisme qui a conduit la commission, sur ma proposition, à supprimer le caractère obligatoire du contrat santé solidarité destiné à faire participer les médecins des zones « sur-denses » à la satisfaction des besoins des zones déficitaires.
Oui, la contrainte est parfois nécessaire, car la santé est un droit, mais il faut en user pour des mesures qui pourront réellement être mises en œuvre sur le terrain. Tel n’était pas le cas ici.
Je l’ai dit, l’évolution des pratiques des soignants a un impact direct sur la possibilité d’accès aux soins. Il faut donc faire un effort important en matière de formation initiale et continue et de transferts de compétences.
Notre commission a voulu, sur ma proposition et dans un souci partagé avec le président Nicolas About, avancer vers l’intégration de la formation des sages-femmes à l’université. Conformément à vos engagements, vous avez, madame la ministre, déposé un amendement qui va jusqu’au bout de cette logique, et je vous en remercie.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Alain Milon, rapporteur. La commission a également fait droit aux demandes des professionnels et exclu les stages à finalité pédagogique des étudiants orthophonistes de l’obligation d’indemnisation des stagiaires, qui empêche, dans les faits, leur formation pratique.
M. Charles Revet. C’est très important !
M. Alain Milon, rapporteur. Enfin, nous avons mis en place un dispositif de validation des acquis de l’expérience pour l’obtention d’un diplôme de formation médicale spécialisée qui pourra satisfaire les praticiens qui souhaitent faire évoluer leur pratique.
Concernant la délégation de tâches, la commission a pris le parti de préférer les dispositions précises aux simples projets, qui trouveront naturellement leur place dans le cadre des coopérations prévues par ailleurs par le projet de loi. Nous avons voulu que les protocoles innovants ayant fait leurs preuves et étendus par la Haute Autorité de santé soient intégrés à la formation initiale et continue des professionnels de santé pour se diffuser plus rapidement.
S’agissant de mesures concrètes, la possibilité a été ouverte, sur l’initiative du président Nicolas About, à un pharmacien spécialement formé de délivrer, sans ordonnance, une première contraception orale ; le renouvellement du traitement des maladies chroniques pourra également être effectué par un pharmacien, pour une seule fois.
Le titre II rénove les ordres médicaux et paramédicaux ; ses dispositions sont d’ailleurs pour la plupart consensuelles, hormis en ce qui concerne le seuil démographique imposé par l’Assemblée nationale aux infirmiers et aux masseurs-kinésithérapeutes pour la création de conseils départementaux, seuil que nous avons supprimé.
M. Guy Fischer. Ils sont contents !
M. Alain Milon, rapporteur. Je m’arrêterai un instant sur la question, sensible, des discriminations, qui sont parfois constatées dans l’accès aux soins de certains bénéficiaires de la couverture maladie universelle, la CMU, de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et de l’aide médicale de l’État, l’AME.
La sanction de ces comportements contraires à la déontologie professionnelle doit être renforcée, c’est pourquoi j’ai proposé qu’il ne soit plus question de conciliation dans les cas de récidive. À l’inverse, la commission a considéré que la pratique du testing, parce qu’elle fait peser un soupçon sur l’ensemble des professionnels, n’était pas opportune, et nous l’avons supprimée.
Toujours dans un souci de transparence, la commission a rendu obligatoire l’information du patient sur le coût d’achat et l’origine de fabrication de la prothèse qui lui est implantée ; elle a également prévu que le médecin chargé d’une personne hospitalisée devra s’enquérir auprès d’elle des noms des professionnels de santé à qui transmettre les informations utiles à la continuité de la prise en charge à l’issue de l’hospitalisation.
Enfin, toujours au titre II, le projet de loi habilite le Gouvernement à prévoir, par ordonnance, la réforme de la biologie médicale. Le sujet est important et la réforme doit, qui plus est, être conduite sous le regard de Bruxelles. Je tiens à vous remercier, madame la ministre, d’avoir transmis aux commissaires le projet d’ordonnance, ce qui nous permettra de débattre de manière pleinement informée.
J’en arrive au titre III, consacré à la santé.
Nous aurions pu, madame la ministre, continuer à enrichir le texte comme l’a fait l’Assemblée nationale, mais nous avons préféré concentrer notre attention sur les parties les plus novatrices du texte.
Certes, un projet de loi au spectre aussi large que celui-ci ne se présente pas tous les jours, mais nous ne pourrons pas durablement faire l’économie d’une loi de santé publique et d’une loi de santé mentale. Nous avons donc souhaité renvoyer ces différents sujets, sans nier leur importance, à ces débats à venir, hormis certaines dispositions relatives à la mise en œuvre du plan cancer II ou de nature sociale, comme la possibilité d’acheter des fruits et des légumes avec les tickets-restaurant.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et bien d’autres choses !
M. Alain Milon, rapporteur. En ce qui concerne le volet « alcool » du texte, la commission a interdit, sur l’initiative de son président, la vente de boissons alcooliques le long des autoroutes et des nationales à quatre voies ; elle a également complété les obligations en matière de formation des vendeurs, toutes dispositions qui lui ont paru cohérentes par rapport au double objectif de santé publique et de sécurité routière.
J’en viens à une disposition essentielle, en raison de son importance éthique, consacrée à l’éducation thérapeutique du patient, c’est-à-dire la possibilité pour les personnes atteintes de pathologies longues ou chroniques de prendre en charge certains aspects de leur traitement.
Disons-le d’emblée, l’éducation thérapeutique est, à certaines conditions, susceptible d’aider le suivi des traitements et de conforter les droits des malades. Elle mobilise autour du patient de nombreux acteurs : les personnels soignants, l’entourage du malade, les associations, les services du ministère, la Haute Autorité de santé et les entreprises.
Plusieurs tensions s’exercent sur les relations entre les intervenants : la défiance réciproque entre les associations et les médecins, la volonté d’encadrement du ministère, le souhait des entreprises de promouvoir l’usage des médicaments et des dispositifs qu’elles élaborent.
Dès lors, un problème se pose, celui de l’implication des entreprises dans l’éducation thérapeutique du patient. L’Assemblée nationale a estimé que les garanties éthiques offertes par le texte initial étaient insuffisantes et a donc rendu quasiment impossible la participation des entreprises aux différents programmes et actions. Cela a suscité une grande inquiétude des associations qui dépendant des entreprises pour leur financement.
Il faudrait, pour être parfaitement logique, passer à un système de financement public dès lors que l’on interdit la participation des entreprises à l’éducation thérapeutique, mais reconnaissons que ce n’est pas réaliste et aurait pour conséquence immédiate de mettre fin aux programmes existants. Cette mutation brusque s’effectuerait donc au détriment des malades.
J’ai cherché le moyen de garantir la séparation entre les entreprises et les patients, tout en tenant compte des souhaits exprimés par les associations. J’ai donc proposé de soumettre à une triple condition la possibilité, pour une entreprise, d’élaborer un programme : la participation des associations de patients et des professionnels de santé, l’autorisation de l’agence régionale de santé et l’évaluation par la Haute Autorité de santé.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Alain Milon, rapporteur. Par ailleurs, j’ai souhaité inclure l’observance dans la définition de l’éducation thérapeutique, sous l’appellation qui fait désormais consensus « d’adhésion aux traitements prescrits », et conservé le rapport demandé par l’Assemblée nationale sur la création d’un fonds national. C’est la position que notre commission a adoptée et qui me paraît équilibrée.
J’en viens à présent au titre IV…
Mme Isabelle Debré. Ah !
M. Alain Milon, rapporteur. … et à la création des agences régionales de santé, les ARS, requalifiées par la commission d’« agences régionales de santé et de l’autonomie ».
Nos amendements sur ces agences ont d’abord eu pour objet, en réécrivant certains articles ou intitulés de chapitre, de faire plus clairement apparaître que la politique de santé est une politique nationale, comme vous l’avez toujours affirmé, madame la ministre.
Nous avons donc voulu qu’il soit bien clair que les ARS seront un échelon déconcentré de la politique de santé, même si cet échelon est organisé sous une forme un peu inhabituelle, et qu’elles agiront, comme avant elles les ARH, au nom de l’État et sous l’autorité des ministres responsables.
Par ailleurs, nous ne contestons pas, bien au contraire, l’intérêt de « décloisonner » au niveau régional les compétences relevant des différents aspects de la politique de santé, ni de déconcentrer leur « pilotage », comme on dit, au niveau des régions et des territoires. Cela paraît être une bonne idée, et c’est sans doute le niveau adéquat pour organiser, sur le terrain, les parcours et l’offre de soins, l’égalité d’accès aux soins, les actions de prévention et l’accueil médico-social.
Mais nous étions plus inquiets sur les conditions de la participation des ARS à la politique de gestion du risque qui, pour nous, doit être définie et conduite au niveau national, d’abord parce qu’elle doit s’appuyer sur des études scientifiques très étayées au niveau national et international, ensuite, tout simplement, parce qu’elle doit respecter l’égalité des droits et des contraintes entre tous les citoyens.
Afin de soutenir le système de gestion du risque qui s’est mis en place au niveau national et qui commence à porter ses fruits, nous avons prévu de mettre en place des conventions d’objectifs conclues entre l’État et l’UNCAM, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, afin de définir des objectifs pluriannuels communs de la gestion du risque auxquels se conformeront les programmes nationaux.
Nous souhaitons par ailleurs que ces programmes puissent être complétés au niveau régional pour tenir compte des spécificités de chaque région ou de certains territoires, mais il faut espérer aussi que, sur le territoire, cette complémentarité ne nuise pas à la cohérence des actions menées par les organismes locaux.
En ce qui concerne la coordination indispensable de l’action des ARS, le texte que nous proposons résulte d’un amendement du Gouvernement. Nous vous laisserons donc le soin, madame la ministre, d’expliciter les rôles respectifs de la tutelle et du conseil de pilotage national. Selon votre texte, celui-ci donnera des directives aux agences et validera les instructions qui leur seront données. Doit-il exercer, en quelque sorte, la tutelle de la tutelle, et ne risque-t-on pas d’estomper ainsi quelque peu la responsabilité du politique que vous souhaitez, à juste titre, affirmer ?
J’en viens au volet médico-social du texte, pour lequel le projet de loi dessine un nouveau cadre, puisque les questions d’accompagnement et de prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées sont intégrées à la gouvernance des ARS. Nous partageons le souci de poser des passerelles entre le sanitaire et le médico-social, d’assurer la continuité du parcours de soins et de la prise en charge, et donc de décloisonner les secteurs sanitaire et médico-social.
Cela étant, ce nouveau cadre a suscité des inquiétudes dont je voudrais me faire l’écho. Il en est ainsi de la crainte que le secteur médico-social ne devienne le « parent pauvre » face au poids du sanitaire, voire sa variable d’ajustement en fonction des besoins de celui-ci.