Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je sais votre attachement à des regroupements qui fassent sens. Je vous proposerai donc de modifier le texte issu de votre commission pour prévoir que les conseils de surveillance pourront s’opposer à l’adhésion à des communautés hospitalières de territoire, CHT, comprenant un centre hospitalier et universitaire, CHU. En revanche, je vous proposerai de maintenir la capacité d’initiative du directoire dans les autres cas.
Ces communautés doivent ressortir au volontariat de tous, sinon elles ne pourront pas produire leur plein effet.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Votre commission a proposé des amendements en ce sens. J’y suis favorable, même si je pense qu’il faut préserver la capacité d’initiative de l’agence régionale de santé – nous en sommes convenus - en cas de situations critiques en matière de qualité des soins ou de finances. Ce sont d'ailleurs les mêmes conditions qui permettent aujourd’hui aux agences régionales de l’hospitalisation de prononcer des fusions d’établissements. Elles le font peu,…
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dans deux cas seulement.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … mais cette possibilité permet de débloquer des situations très dégradées.
Je veux aussi m’efforcer de lever des difficultés soulevées par la notion « d’établissement siège ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si le Gouvernement a souhaité introduire cette notion, c’est uniquement pour éviter de devoir créer systématiquement une nouvelle structure « chapeautant » l’ensemble des établissements de la CHT.
Le texte prévoyait d’ailleurs que la gouvernance des établissements siège relèverait des établissements composant la CHT, qu’il s’agisse du directoire ou du conseil de surveillance.
À ce titre, je salue la clarification de votre commission, qui a modifié le mode de nomination des directeurs dans une CHT. Maintenir cette nomination dans le droit commun évitera les craintes, qui seraient au demeurant infondées, d’une « mainmise » de l’établissement siège sur tous les autres établissements de la CHT.
Pour autant, si nous ne développons pas les conditions d’un rapprochement harmonieux et structuré par une direction respectueuse de chacun des établissements de la communauté, nous ne tirerons pas les pleins bénéfices du dispositif des CHT.
J’en suis convaincue, des hôpitaux mieux adaptés sont aussi des hôpitaux plus sûrs. Nous ne pouvons pas nous permettre de passer à côté de l’occasion historique qui nous est offerte de faciliter les coopérations entre établissements de santé pour améliorer à la fois la qualité du service rendu à nos concitoyens et l’efficacité de leur fonctionnement.
Doit-on condamner, en effet, certains de nos concitoyens à des soins de qualité discutable, pour des pathologies parfois graves, au nom de la proximité ? Je ne le crois pas.
C’est la raison pour laquelle je souhaite que certains hôpitaux convertissent ou fassent évoluer certaines de leurs activités.
La modernisation de nos structures aura ainsi pour effet de consolider la réputation d’excellence de notre système hospitalier.
Mieux adapter l’hôpital, c’est aussi mieux prendre en compte l’évolution des parcours de soins.
Les soins et hospitalisations à domicile se développent, la population âgée en maisons de retraite et en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes est de plus en plus nombreuse. Il est donc impératif de faciliter les transferts par un décloisonnement de notre système de santé.
J’entends renforcer le dialogue entre l’hôpital, le secteur ambulatoire et le secteur médico-social.
Une meilleure continuité des soins sera ainsi assurée.
En ce sens, la commission des affaires sociales a formalisé la nécessaire coordination qui doit exister entre les professionnels libéraux et leurs confrères hospitaliers lors de l’hospitalisation des patients.
M. Jean-Pierre Fourcade. C’est essentiel !
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pour conclure sur notre système hospitalier, je veux dire un mot de la mission que le Président de la République a confiée au professeur Marescaux, qui a remis officiellement son rapport hier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. François Autain. Ah ! Enfin !
M. Guy Fischer. Il fallait commencer par là !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Pour avoir beaucoup travaillé avec le professeur Marescaux et les experts qui l’entourent, j’avais d’ailleurs été en mesure de vous dévoiler largement, et en avant-première, ses orientations. Vous n’avez donc pas été surpris de ses propositions.
Le sujet de la recherche et de l’enseignement dans les CHU est vital pour notre pays.
La recherche et l’enseignement doivent, au sein des CHU, être plus visibles et mieux financés. Il ne faut pas hésiter à le dire, car ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons rester au plus haut niveau mondial dans ces domaines. Certains CHU ont d’ailleurs beaucoup travaillé en ce sens, notamment celui de Lille, qui diffuse les résultats d’allocation des MERRI, les missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation, à tous les chefs de pôle.
Le Gouvernement a donc été très attentif aux conclusions de la mission de M. Marescaux. À cet effet, il a déposé deux amendements, qui ont été adoptés par la commission. Ils visent à ajuster la gouvernance des CHU pour mieux prendre en compte leur triple mission de soin, de recherche et d’enseignement. Il s’agit, d’une part, d’associer le ministre de la recherche et de l’enseignement supérieur à la nomination des directeurs généraux de CHU et, d’autre part, de prévoir, outre le président de la CME – il reste le vice-président du directoire comme pour les autres hôpitaux –, deux autres vice-présidents, le doyen de la faculté de médecine et un autre chargé de la recherche.
Je souhaite que nous ayons un débat approfondi sur ces sujets et je proposerai de nouveaux amendements centrés sur la valorisation des conventions hospitalo-universitaires.
M. François Autain. Quand disposerons-nous de ces amendements ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je ne doute pas que les conclusions du rapport Marescaux recueilleront un large consensus.
À l’inverse, si cette valorisation de la dimension hospitalo-universitaire des CHU est indispensable, elle ne doit pas occulter la nature hospitalière de ces derniers. C’est pourquoi je réaffirmerai mon attachement à ce que, dans les CHU, au moins l’un des membres du directoire soit un praticien hospitalier. Les praticiens doivent pouvoir prétendre être chefs de pôle, lesquels pôles pourraient désormais être qualifiés d’« hospitalo-universitaires ». La rédaction du rapport Marescaux pouvait laisser penser que les praticiens hospitaliers auraient pu être exclus de ces fonctions : je le dis clairement, ce n’est pas mon intention.
M. Michel Mercier. Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous devons pour cela améliorer, comme le suggère le professeur Marescaux dans son rapport, la participation de tous aux trois missions des CHU.
Enfin, ce projet de loi, prospectif et responsable, est aussi consacré à la prévention, qui, avec la thématique de la santé publique, inspire tout le texte : il s’agit non seulement de la politique de prévention, si essentielle et trop souvent oubliée, mais également de la prévention des difficultés futures de notre système de santé.
Notre politique de prévention ne se réduit évidemment pas à ce projet de loi. Pour accompagner la loi et la compléter, un travail de fond est mené, qui s’appuie sur la mobilisation de tous les acteurs concernés et sur des mesures et des programmes nationaux.
Le texte « Hôpital, patients, santé et territoires » n’a bien sûr pas vocation à être une loi de santé publique. Cette dernière, qui existe déjà, est actuellement en cours d’évaluation ; nous aurons l’occasion d’en débattre lors de sa révision, en 2010.
Cela étant, dans le cadre de ce projet de loi, j’ai tenu à proposer quelques mesures importantes, emblématiques, pour protéger les populations les plus vulnérables, singulièrement les personnes malades et les jeunes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, améliorer l’état de santé de nos concitoyens et, de ce fait, les aider à préserver, le plus longtemps possible, leur autonomie est un impératif essentiel.
Vous connaissez le poids croissant des maladies chroniques, qui concernent plus d’un Français sur cinq.
L’éducation thérapeutique du patient doit être développée afin de lui permettre de mieux comprendre sa pathologie et de devenir un véritable acteur de sa santé. Cela permettra d’améliorer sa qualité de vie, de stabiliser sa maladie et de réduire les complications. À ce propos, je veux d’ailleurs saluer la mobilisation des associations de patients, tout particulièrement du Collectif interassociatif sur la santé, qui a participé au débat et beaucoup apporté sur le plan conceptuel.
M. Guy Fischer. Oui, parlons-en !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Les programmes d’éducation thérapeutique du patient doivent trouver toute leur place dans le parcours de soins des malades. Cette mesure consacre le franchissement d’une nouvelle étape dans la relation du patient et de son entourage avec les professionnels de santé et les associations de malades.
Certes, de nombreuses initiatives existent d’ores et déjà sur le terrain. Nous devons nous en inspirer, les structurer et assurer leur développement dans des conditions permettant de fournir à la fois qualité et proximité.
Pour offrir à nos concitoyens une prévention réellement efficace, nous devons aussi agir en amont, avant l’apparition de la maladie.
Le tabac et l’alcool ont clairement été identifiés comme facteurs de risques. Nous savons qu’il s’agit là des premières causes de mortalité évitable. En particulier, il est impératif de protéger les plus jeunes, qui sont aussi les plus vulnérables. La consommation d’alcool chez les jeunes est, en effet, en constante augmentation.
Par ailleurs, nous sommes aujourd’hui confrontés à un changement radical des modes de consommation, avec une hausse importante des ivresses alcooliques. La proportion de jeunes hospitalisés pour ivresse aiguë a bondi de 50 % chez les 15-24 ans entre 2003 et 2007.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez le lourd tribut que les jeunes continuent de payer sur les routes. Les 15–24 ans représentent 12,6 % de la population, mais 25,6 % des personnes tuées sur la route en 2007. Chaque semaine, en France, 25 jeunes perdent la vie dans un accident de la route, ce qui représente 41 % des causes de décès chez les garçons de 15 à 19 ans. (Marques d’approbation de M. le président de la commission des affaires sociales.)
Nous devons garder à l’esprit qu’il est de la responsabilité des pouvoirs publics de protéger la santé de nos concitoyens, en particulier des plus fragiles.
Lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale, les députés se sont saisis de la question avec un indéniable sens des responsabilités, qui, je le sais, est aussi le vôtre. La vente ou la distribution gratuite d’alcool aux mineurs, ainsi que les open bars ont été interdits, tandis que les fêtes traditionnelles et les dégustations, qui n’ont d’ailleurs jamais été menacées, ont été préservées.
C’est un compromis équilibré et consensuel, qui conjugue les enjeux économiques et commerciaux avec les impératifs de sécurité routière et de santé publique. Les débats permettront de trancher, mais, en tout état de cause, l’équilibre initial, acquis de haute lutte, doit être, selon moi, préservé.
Comme les députés, vous avez souhaité ajouter à ce texte des mesures de santé environnementale. Je pense notamment à la protection des personnes dans leur logement, avec l’interdiction du radon et de l’amiante. Je m’en réjouis d’autant plus qu’elles viendront renforcer la politique de santé publique en matière de lutte contre le cancer.
Si la nutrition ne figurait pas à l’origine dans mon projet de loi, les débats à l’Assemblée nationale ont confirmé combien elle constitue une préoccupation quotidienne de la population, en particulier de celle qui est la plus en difficulté.
Je remercie ceux qui ont participé à ces échanges d’avoir su mettre cet enjeu majeur de santé publique au cœur du débat citoyen.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, c’est bien le patient, non pas abstrait, mais incarné et concrètement situé, qui est au cœur de nos préoccupations.
C’est bien la philosophie du pacte de 1945 qui inspire tous les choix d’une telle réforme.
M. René Teulade. Ce n’est pas vrai !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Rappeler les exigences de solidarité et de justice est non seulement utile, mais également indispensable.
Faut-il rappeler que ces principes fondamentaux sont mis en péril par les cloisonnements de notre système ou par les déserts médicaux ? C’est une évidence.
Pour autant, ces vieux refrains ne doivent pas rester de vaines incantations, coupées de toute réalisation concrète, pragmatique et efficace. Cette santé durable et solidaire que nous appelons de nos vœux dépend de notre action commune, de notre implication collective.
Je le répète, le statu quo n’est pas possible.
Le débat que nous engageons aujourd’hui déterminera en grande partie l’avenir de notre système de santé. Si la santé ne fait pas partie, à proprement parler, des fonctions régaliennes de l’État, elle constitue à n’en pas douter une préoccupation majeure de nos sociétés, nous ne devons jamais l’oublier.
Pour ma part, j’entre dans ce débat avec gravité, consciente de la responsabilité qui est la mienne, et qui est aussi la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs. Évitons les caricatures et les raccourcis, dissipons tout malentendu qui pourrait subsister. Œuvrons résolument ensemble, comme nos concitoyens le souhaitent, à la recherche d’un texte équilibré et harmonieux.
Mais j’entre aussi dans ce débat avec conviction et enthousiasme, persuadée que cette réforme saura donner corps, de manière pérenne, à notre ambition partagée, celle d’un patrimoine commun consolidé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le président, madame la ministre, chère Roselyne (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), mesdames, messieurs les sénateurs, étant chargée du volet médico-social de ce projet de loi, aux côtés de la ministre de la santé et des sports, mon intervention portera uniquement sur le titre IV de ce texte, qui crée les agences régionales de santé.
Ce titre IV, pilier majeur de la réorganisation de notre système sanitaire et médico-social, engage, avec l’article 28, une réforme profonde de la création et du financement des établissements médico-sociaux.
La réforme qui vous est soumise est véritablement fondamentale pour l’ensemble des établissements et services accueillant des personnes âgées et handicapées.
Dans les prochaines années, notre pays devra faire face aux enjeux du vieillissement de sa population. Si, comme nous nous en réjouissons, l’espérance de vie en bonne santé ne cesse d’augmenter, l’accroissement du nombre de patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée va constituer un défi majeur pour notre société.
À cela viennent s’ajouter les attentes de plus en plus grandes des personnes concernées et de leurs familles pour une amélioration de la prise en charge non seulement de la dépendance, mais aussi du handicap. Je citerai notamment le souhait d’une nouvelle approche concernant la prise en charge de l’autisme. Nous devons aux Français concernés de nous battre pour leur apporter des solutions de qualité, respectueuses de leur dignité et de leur volonté d’autonomie.
Pour cela, il faut bien opérer des décloisonnements entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social. Cette évolution ne pourra pas s’accomplir sans une adaptation de ce dernier à ces nouvelles attentes et à ces besoins accrus. Disposer d’outils plus performants pour répondre à cette demande pressante est impératif.
Voilà pourquoi ce projet de loi est tout aussi fondateur pour le monde médico-social que pour le monde hospitalier. Il faut d’ailleurs cesser de penser que ce secteur, parce qu’il est éclaté en de multiples structures, serait un « poids léger » de la réforme.
En effet, le secteur médico-social représente une dépense de 18 milliards d’euros par an. Il concerne 30 000 établissements répartis sur tout le territoire, qui représentent un million de places, et emploie plus de 700 000 personnes, 410 000 dans le champ de la dépendance et 310 000 dans celui du handicap.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce secteur représente aussi, vous le savez, un gisement d’emplois pérennes et non délocalisables. En ce début d’année 2009, c’est même le seul à avoir embauché plus que l’an dernier à la même époque. Notre défi est de rendre ses métiers attractifs et de les ouvrir pour assurer à tous ses salariés des perspectives de formation et de carrière intéressantes.
Avant d’aborder le dispositif tel qu’il ressort du texte de la commission, je voudrais remercier M. le rapporteur de l’attention qu’il a portée dans ses travaux préparatoires au secteur médico-social et pour le soin qu’il a pris à conforter les avancées obtenues lors du débat à l’Assemblée nationale.
Je ne peux que me réjouir de la volonté exprimée de concert par M. le rapporteur et par M. le président de la commission des affaires sociales de donner à la discussion du titre IV tout le temps et toute l’attention nécessaires, car, les débats en commission l’ont montré, il constitue à l’évidence un temps fort du projet de loi.
Avec Brice Hortefeux, je voudrais d’ailleurs aller tout à fait dans le sens des propos tenus par Roselyne Bachelot-Narquin et vous confirmer que cette réforme se fera, en ce qui concerne le secteur médico-social, en retenant les trois lignes forces suivantes.
Il s’agit, d’abord, de la pleine prise en compte des enjeux médico-sociaux dans les politiques conduites par l’agence, puisqu’ils figureront au même rang que les enjeux sanitaires.
Il s’agit, ensuite, de la pleine association des intervenants de ce secteur – associations et collectivité locales – à la définition des priorités de la politique régionale de santé et à ses conditions de mise en œuvre.
Il s’agit, enfin, de la garantie des moyens financiers adéquats par la mise en œuvre effective de ce qu’on appelle la fongibilité asymétrique.
Vous l’avez compris, le projet de création des ARS, loin de ne constituer qu’une simple réforme administrative, est bien une révolution culturelle, si vous me permettez l’expression. Il faut passer d’une administration centrée sur la santé, entendue comme la prise en charge des soins aigus et de la maladie, à un service public qui impulse une conception globale de la santé, envisagée, selon la définition de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé, comme un état de complet bien-être physique et mental. À ce titre, l’accompagnement des personnes en situation de perte d’autonomie sera bien, tout comme la prévention, au cœur du projet des ARS.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire devant les représentants des différents acteurs de ces secteurs, les ARS sont une chance pour le médico-social. Cela suppose, bien sûr, de préserver les acquis de ce secteur, notamment la prise en charge globale et personnalisée et la place privilégiée des usagers et associations.
Telle est justement l’intention du Gouvernement, dont je veux vous faire partager la conviction. L’ARS, c’est non pas la domination d’un secteur sur un autre, mais justement l’addition de toutes les forces pour assurer la cohérence des actions en matière de santé, qu’il s’agisse de prévention, de soins aigus ou d’accompagnement au long cours des personnes en perte d’autonomie.
La création des ARS constitue un cadre nouveau pour le secteur médico-social et un changement culturel important. C’est notamment le cas avec la mise en place d’une procédure d’appel à projets. C’est le cas également, pour ce qui a trait à la définition collective et transversale des besoins, avec le projet régional de santé et le schéma régional d’organisation médico-sociale. Ce que nous avons voulu, c’est un système de soins décloisonné, mais où la spécificité du médico-social reste garantie.
La discussion du projet de loi à l’Assemblée nationale a permis de faire considérablement progresser le texte. Je rappellerai simplement ici les quatre points les plus fondamentaux.
En premier lieu, après la lecture à l’Assemblée nationale, la place de l’usager est désormais garantie dans toutes les instances de gouvernance de l’agence régionale de santé : le conseil de surveillance, la conférence régionale de la santé et de l’autonomie, les commissions spécialisées et les commissions d’appel à projets. C’était essentiel pour ce secteur, car, en particulier dans le monde du handicap, les usagers, les associations et les familles ne peuvent pas être dans la même relation à l’institution que le patient face au médecin ou à l’hôpital. Nous avons été très vigilants sur ce point.
En deuxième lieu, le projet de loi a été complété pour garantir au secteur médico-social un financement pérenne et croissant afin de répondre à l’importance des besoins à venir grâce au mécanisme de la fongibilité asymétrique.
Par ce dispositif, complété à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a voulu non seulement garantir que les moyens de l’ONDAM médico-social resteront dédiés exclusivement aux établissements et services médico-sociaux, mais aussi s’assurer que, lorsque des restructurations hospitalières se traduiront par un développement de l’offre médico-sociale, les crédits nécessaires à cette nouvelle offre seront bien transférés. Ce dispositif, vous l’aurez compris, est crucial pour nous permettre de faire face à la montée des besoins.
En troisième lieu, toujours pour faire face aux besoins nouveaux, il nous faut ouvrir plus rapidement et efficacement de nouvelles structures. C’est l’objectif de la réforme des CROSMS, les comités régionaux de l’organisation sociale et médico-sociale.
La nouvelle procédure d’appel à projets sera plus simple. Elle accordera d’emblée autorisation et financement. Ainsi, le décalage important que l’on peut constater aujourd'hui entre l’autorisation technique et le financement « sonnant et trébuchant », et donc le démarrage des travaux, n’existera plus. Cela mettra fin aux listes d’attente actuelles qui font qu’un promoteur peut rester des années sans savoir si son projet répond aux besoins prioritaires et s’il sera réellement financé.
Cette procédure nouvelle fera une place particulière aux projets innovants et permettra donc de maintenir la capacité des acteurs de terrain à faire remonter les initiatives les plus intéressantes.
Enfin, en quatrième lieu, la prise en charge du handicap et de la dépendance implique en général très fortement l’entourage de la personne âgée ou de la personne handicapée. Cela doit nous conduire à nous préoccuper du soutien aux aidants familiaux. Le projet de loi prévoit désormais le financement de la formation des aidants et des accueillants familiaux. Cette mesure nécessitait en effet une intervention législative.
Quand la maladie d’Alzheimer survient, les familles sont trop souvent démunies.
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Il est donc primordial que les aidants – conjoints, enfants ou parents – soient formés afin de pouvoir faire face aux conséquences de cette maladie dans de meilleures conditions. C’est un axe fort du plan Alzheimer voulu par le Président de la République. Il s’agit par là même de répondre aussi à une demande très forte des personnes, qui souhaitent pouvoir rester à leur domicile le plus longtemps possible, souhait qui est d’ailleurs partagé par les familles.
Ce choix sera d’autant mieux assumé que les proches seront soutenus pour leur éviter les situations d’isolement et d’épuisement que l’on constate malheureusement encore trop souvent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les avancées obtenues à l’Assemblée nationale dans le champ médico-social ont encore été confortées lors de l’examen du texte par votre commission des affaires sociales, la semaine dernière. Sous l’impulsion de votre rapporteur ainsi que de Mme Desmarescaux, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour le secteur médico-social, de nouvelles précisions ont été apportées.
Je citerai pour mémoire les avancées en matière d’évaluation et de certification des établissements et services médico-sociaux, ou ESMS, la prise en compte des objectifs de qualité dans la signature des contrats d’objectifs et de moyens, l’amélioration du fonctionnement des groupements de coopération dans le secteur médico-social, la clarification des règles pendant la période de transition entre le dispositif actuel et la montée en puissance des commissions d’appel à projets.
Je suis consciente que certaines associations ont encore des craintes, qui peuvent transparaître dans les amendements que nous aurons l’occasion d’examiner en séance publique. Les collectivités territoriales, qui sont nos partenaires naturels dans ce champ, ont, elles aussi, exprimé la demande d’être davantage associées au processus de planification, d’autorisation et de financement des ESMS.
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Toutefois, en ce qui concerne la définition du rôle des uns et des autres - je pense en particulier aux départements -, le Gouvernement aura une limite, celle fixée par le calendrier de la réforme territoriale initiée par le comité Balladur. Cela nous imposera de ne pas préempter prématurément des questions qui relèvent de l’équilibre général de la décentralisation, que ce texte n’a pas vocation à remettre en cause.
Nous aurons, au cours de nos débats, l’occasion d’évoquer ensemble les points qui méritent encore des explications et ceux qui appelleront des garanties, notamment au moment où s’élaboreront les décrets d’application.
Pour tout ce qui ne relève pas du domaine législatif, à savoir la partie réglementaire du dispositif, je serai naturellement attentive à ce que les problématiques médico-sociales soient systématiquement prises en compte. Je souhaite également confirmer que nous consulterons largement le monde des personnes âgées et des personnes handicapées au moment de la sortie des décrets afin que cette concertation s’exerce véritablement à tous les moments : de l’élaboration de la loi, jusque dans son application.
Cette sensibilité aux problématiques médico-sociales devra en particulier transparaître dans le recrutement des directeurs des agences régionales de santé et dans l’organisation de leurs équipes. C’est un point sur lequel je sais que votre commission sera vigilante. Nous aurons bien sûr à cœur, Mme Roselyne Bachelot-Narquin et moi-même, d’y être attentives.
Malgré les préoccupations exprimées ici et là, je crois que, dans le champ médico-social, le projet de loi a atteint une maturité qui permet non seulement de préserver les équilibres, mais également d’aller de l’avant.
Une fois passée la phase législative, viendra la préparation des textes réglementaires. Il s’agira alors d’apporter les garanties nécessaires en termes de représentation des différents acteurs et de possibilités laissées aux promoteurs de proposer des projets innovants.
Décloisonner, assurer la participation de tous les acteurs à une programmation coordonnée, rendre plus rapides et plus efficaces les procédures de créations de places, à mes yeux, la mise en œuvre des ARS apporte des réponses à ces problèmes pour peu que nous sachions faire vivre ce projet et que la volonté de participation des acteurs l’emporte sur l’inquiétude et l’appréhension du changement. Plus que dans aucun autre secteur, le partenariat est déterminant en matière médico-sociale.
Afin d’assurer la continuité de la prise en compte de la proximité, le projet de loi prévoit des délégations territoriales de l’ARS dans chaque département. Les délégations départementales disposeront d’un mandat pour mettre en œuvre la stratégie de l’agence. Elles auront donc la capacité, dans le cadre de ce mandat, d’être de véritables interlocuteurs sur le plan local pour le préfet et les différents partenaires de l’agence régionale de santé.
Vous le voyez, le Gouvernement a été soucieux d’élaborer un cadre nouveau qui puisse assurer une mise en œuvre cohérente des évolutions de notre système de prise en charge de la dépendance et du handicap sur le plan régional, tout en préservant un échelon de territorialité qui « colle » au plus près des besoins.
La conviction que je souhaite vous faire partager est simple : à travers ce projet de loi, notre démarche est de faire de notre système de soins et de prise en charge de la dépendance un ensemble mieux articulé, plus dynamique et plus réactif pour nous préparer à la montée en puissance du vieillissement de la population française dans les dix prochaines années.
Face à ce véritable défi, il faut que nous soyons prêts. C’est l’objectif que nous nous sommes fixé avec ma collègue Roselyne Bachelot-Narquin, que je remercie de sa capacité à travailler en synergie avec l’ensemble des membres du Gouvernement ainsi qu’avec tous les acteurs extérieurs.
J’en suis convaincue, ce travail, fruit d’un long partenariat, de longs échanges, d’une longue construction, aboutira à un projet qui améliorera la qualité de la prise en charge de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)