M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour les parlementaires, l’une des mesures de la crise, c’est la fréquence des débats budgétaires. N’en abusons pas !
Ce projet de loi de finances rectificative pour 2009, le deuxième de l’année, est destiné à accompagner notre pays dans une phase économique, financière et sociale difficile. Il nous revient de le compléter, mais ne dispersons pas notre attention et ne faisons pas comme s’il s’agissait du miroir de notre exercice traditionnel de fin d’année où, en partant d’un prétexte et en tirant sur la ficelle, l’imagination de Bercy et celle des parlementaires conduisent à un inventaire à la Prévert. Sachons nous prémunir contre cette tentation. Telle est la première suggestion de la commission des finances.
Monsieur le président, je ne reviendrai pas sur ce qui figure dans mon rapport écrit, la salle des séances n’étant pas équipée d’un dispositif de projection permettant de visualiser l’évolution des courbes et des graphiques. Le commentaire des chiffres étant exagérément aride, je serai simplement allusif. En commission des finances, un équipement adéquat rend les considérations conjoncturelles et budgétaires plus aisées. On peut utiliser moins de mots et susciter une attention plus soutenue que dans l’hémicycle.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avions tenté une expérience, il y a quelque temps…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Grand souvenir !
M. Jean-Louis Carrère. Recommençons !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les choses étant ce qu’elles sont, je me contenterai de rappeler que nous en sommes aujourd’hui à l’interaction de la crise financière et de la crise réelle. Le Gouvernement nous convie donc à accompagner son action, qui s’exerce à la fois sur les deux sphères de l’économie. Aux yeux de la commission des finances, le projet de loi complète opportunément le plan de relance et anticipe d’une certaine façon les mutations structurelles inévitables.
Mes chers collègues, comme vous le savez, en ce début d’année 2009, il convenait de se préoccuper des classes moyennes et des catégories de population dont les revenus restaient trop élevés pour leur permettre de bénéficier pleinement des divers mécanismes sociaux qui jouent le rôle d’amortisseurs de la crise. Tel est le sens de l’article 1er, disposition essentielle, qui tend à effacer temporairement les deux derniers tiers de l’impôt sur le revenu pour les foyers fiscaux imposés à la première tranche et au tout début de la deuxième tranche.
La seconde disposition essentielle est le régime d’aide au secteur automobile. Il s’agit là d’une action à la fois financière et industrielle. Nous pouvons en effet tous observer dans nos départements l’importance de l’implantation de l’industrie automobile, qu’il s’agisse des constructeurs eux-mêmes, des équipementiers ou des sous-traitants. Rares sont les bassins d’emploi, quelle que soit leur taille, qui ne sont pas sensibles à la conjoncture de ce marché et aux baisses de perspective de la filière.
Avec ces deux dispositions majeures, le présent projet de loi nous conduit à tirer pour la seconde fois de l’exercice les conséquences de la crise sur les comptes de l’État. Le pacte automobile, le sommet social, les mesures sectorielles prises dans le domaine de la politique agricole ou dans le secteur de la presse et l’action sociale outre-mer forment ainsi l’essentiel du dispositif que nous soumet le Gouvernement.
À titre accessoire, mais néanmoins très significatif pour les départements qui ont eu la malchance d’être touchés par ce phénomène, la tempête du 24 janvier dernier est à l’origine de mesures destinées au secteur sylvicole.
Je souhaiterais à présent me livrer en quelques mots, mes chers collègues, à une double mise en perspective.
En premier lieu, je voudrais évoquer le dimensionnement de ce plan de relance par rapport aux différents pays qui, dans le monde, ont des politiques analogues. En d’autres termes, faisons-nous trop peu ? Notre plan de relance et ses mesures connexes sont-ils bien adaptés à la situation ?
En second lieu, je souhaiterais vous convier à une brève réflexion sur la soutenabilité de nos finances publiques dans un contexte caractérisé par l’expansion considérable des dettes souveraines de toute la planète.
La conviction de la commission des finances, mes chers collègues, étayée méthodiquement, chiffres à l’appui, par le rapport écrit que j’ai déposé, est que la réponse du Gouvernement à la crise est adaptée. La stratégie de riposte graduée que nous mettons en œuvre est en phase avec une situation mouvante qui, à ce stade, fait apparaître une détérioration rapide de la conjoncture économique et de la situation de l’emploi. Le « creux », c'est-à-dire le point le plus bas, n’est peut-être pas encore atteint.
Notre plan de relance est d’une ampleur analogue à celle de la plupart des autres grands pays industrialisés. Il importe, à cet égard, de considérer à la fois l’impulsion budgétaire et la dimension temporelle du plan. De quoi s’agit-il ?
Ce qui compte pour réagir à la crise et pour faire fonctionner le multiplicateur keynésien, le multiplicateur d’investissement, ce sont les fonds supplémentaires injectés par l’État ou le secteur public dans l’économie.
Lorsque l’on compare le plan américain et le plan français, on peut avoir le sentiment que le premier est beaucoup plus important et d’une échelle sensiblement plus élevée que le second. Des commentateurs ont un peu rapidement souligné cette disproportion. Or cela, me semble-t-il, est faux.
Dès 2008, les États-Unis ont mis en œuvre des actions de relance représentant 1,1 point de produit intérieur brut. Par conséquent, le fait de répéter le même effort en 2009 ne crée aucune impulsion supplémentaire. Par ailleurs, les États-Unis ont présenté un plan très global dont les effets vont se faire sentir jusqu’en 2015.
Si l’on raisonne en termes d’impulsion budgétaire et sur la seule année 2009, nous pouvons dire que nos efforts sont analogues. L’impulsion budgétaire supplémentaire mise en œuvre aux États-Unis en 2009 correspond à 0,9 point de son produit intérieur brut.
En ce qui concerne la France, nous disposons de deux évaluations. Le Gouvernement considère que l’effort supplémentaire se concentrera sur la seule année 2009, soit un effort global de 1,4 point de PIB. Le Fonds monétaire international, dont l’excellent directeur général était en France la semaine dernière, estime que la moitié seulement de l’impulsion sera efficiente au cours de l’année 2009, soit 0,7 point de PIB.
À supposer que l’excellent directeur général ait raison et que Mme la ministre, non moins excellente (sourires), soit légèrement optimiste, les efforts, de 0,7 % ou de 0,9 % du PIB, sont du même ordre de grandeur. Si nous supposons que le Gouvernement dispose d’éléments tangibles pour montrer que l’essentiel de l’effort va bien se produire en 2009, on dépasse 1 % du PIB,…
M. Roland du Luart. Ce serait une bonne nouvelle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … soit un peu plus que l’effort public, considéré en impulsion budgétaire, qu’annoncent les États-Unis.
Par conséquent, mes chers collègues, nous n’avons pas à avoir de complexes à ce sujet.
Notons qu’un effort de soutien de l’activité sera probablement encore nécessaire en 2010. C’est un sujet que je me permets d’évoquer en posant un jalon pour l’avenir, car en période de crise quinze jours paraissent bien lointains, un mois devient le long terme, et l’on ne sait plus rien lire à trois mois… Quoi qu’il en soit, il n’est pas absurde de penser qu’une nouvelle impulsion sera probablement nécessaire en 2010.
Je voudrais dès à présent revenir sur les déficits publics. N’oublions pas que les déficits ne sont pas sans limite. J’appelle en particulier votre attention sur deux points.
En premier lieu, les déficits ont un impact négatif sur les anticipations de certains agents économiques. Ils peuvent créer de l’anxiété, et en particulier alimenter le sentiment selon lequel on ne pourra les résorber qu’en augmentant les prélèvements obligatoires, ce qui conduit lesdits agents économiques à épargner davantage. N’oublions pas le caractère anxiogène du déficit qui, pesant sur certaines catégories d’anticipations, peut avoir un effet difficile à maîtriser sur l’arbitrage consommation-épargne, et donc sur le rythme de l’économie réelle au cours des prochains mois.
En second lieu, notre rapporteur spécial Jean-Pierre Fourcade le sait fort bien, il nous faut tenir compte de la limite des marchés de capitaux. L’effet d’éviction de la dette privée par la dette publique est une réalité et nous ne connaissons pas à l’avance les conditions dans lesquelles les marchés vont pouvoir absorber des volumes aussi considérables d’émissions publiques.
Nous pouvons noter que la dette souveraine française demeure, à ce jour, la deuxième meilleure dette, si j’ose ainsi m’exprimer, de l’Union européenne…
M. Jean-Marc Todeschini. Il y aurait de bonnes et de mauvaises dettes ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. … mais nous devons être très attentifs, mes chers collègues, à l’image que nous donnons à l’extérieur, et cela n’est pas sans lien avec la façon dont nous traitons les questions d’économie d’entreprise. Les marchés évaluent en effet les finances publiques et les comptes publics, mais également le modèle économique, la dynamique de l’économie.
Par exemple, si les marchés sanctionnent actuellement l’Espagne, dont les finances publiques sont dans l’absolu meilleures que les nôtres, c’est parce qu’ils mettent en doute le modèle économique espagnol, sa capacité à se refonder et à redémarrer.
J’attire votre attention sur ce jugement. Ce ne sont plus « les gnomes de Zürich », ce sont les données immatérielles du marché qui absorbent nos titres de dette souveraine. Il faut savoir convaincre ce marché que le chemin de la politique économique que nous conduisons est raisonné.
Je me permets de soumettre quatre principes à vos diverses sagacités. (Sourires.)
Premier principe : il convient de ne pas céder à la tyrannie de l’urgence et d’éviter de se lancer dans des opérations d’une efficacité limitée qui pourraient ébranler la confiance extérieure en la soutenabilité de notre modèle économique. En d’autres termes, nous devons faire attention à l’hyperréactivité – c’est toute la difficulté de l’art politique en cette période – par rapport aux demandes de l’opinion publique.
Deuxième principe : nous devons nous en tenir à des mesures réversibles – c’est notamment au regard de ce principe que nous approuvons l’article 1er du projet de loi de finances rectificative – s’inscrivant dans une perspective à moyen et à long terme de maîtrise de la dépense publique.
Troisième principe – et j’espère que la politique menée par le ministre du budget s’y conforme : il faut respecter la norme de dépense.
Si nous en sommes inévitablement réduits à observer l’évolution des recettes en fonction de l’activité économique, à l’inverse, la maîtrise de la dépense de l’État et de la sécurité sociale demeure une urgente nécessité, plus encore peut-être qu’en période normale. C’est la seule grandeur macroéconomique que l’État peut, dans une large mesure, librement contrôler.
Quatrième principe : l’appel aux marchés financiers ne doit jamais être réalisé sans perdre de vue que l’argent y est rare, les mécanismes complexes et non automatiques.
En conclusion, je voudrais souligner la nécessaire prudence en matière de système de prélèvements obligatoires et de fiscalité. Au sein de la commission des finances, nous estimons aujourd'hui qu’il faudrait appliquer un moratoire de la politique fiscale, car ce n’est pas en période de crise que les initiatives de politique fiscale sont audibles,…
Mme Nicole Bricq. Pour vous, ce n’est jamais le bon moment !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … sauf peut-être s’agissant de certains points très particuliers.
En période de crise, toute initiative est déformée,…
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … sort de sa logique et peut complètement échapper à la maîtrise de son auteur.
Mme Nicole Bricq. Et l’amendement Scellier ? Ce n’est pas une initiative fiscale ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Enfin, au moment où le G20 se réunit à Londres, je veux souligner que nous avons été capables de travailler ensemble, la délégation de la commission des finances du Sénat présidée par Jean Arthuis, la délégation de la commission des finances de l’Assemblée nationale présidée par Didier Migaud, avec des collègues de toutes sensibilités politiques. Nous avons remis hier à M. le Président de la République un document unique, consensuel – je n’ai plus le temps de vous le détailler, mes chers collègues, mais il a été largement diffusé – qui n’est pas « de l’eau tiède », qui n’est pas du genre d’une motion « nègre-blanc » d’un congrès politique…
M. Jean-Louis Carrère. De l’UMP !
M. Philippe Marini, rapporteur général. … de la IIIe République.
M. Aymeri de Montesquiou. Vous parlez du radicalisme ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. J’ai parlé de la IIIe République.
Ce document est un appel à la volonté, à l’initiative et au sens du long terme. Nous pouvons espérer que de réels progrès seront accomplis cette semaine grâce au Président de la République, Nicolas Sarkozy, afin de remettre l’économie de marché sur de bons rails et de préparer l’avenir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste. – M. de Montesquiou applaudit également.)
(M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis.
M. Michel Thiollière, en remplacement de M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en remplacement de notre collègue Jacques Legendre, empêché cet après-midi.
La commission des affaires culturelles a souhaité se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2009, dans la mesure où celui-ci procède à l’ouverture de crédits exceptionnels en faveur de la presse afin de donner une application immédiate aux mesures annoncées par le Président de la République, à la suite des états généraux de la presse écrite.
En effet, le 23 janvier 2009, le Président de la République a annoncé diverses mesures d’urgence, ainsi qu’un plan d’investissement massif en faveur de la presse, d’un montant de 600 millions d’euros, sur trois ans, pour permettre aux entreprises concernées de surmonter les turbulences exceptionnelles de 2009 et de mettre en œuvre les réformes structurelles qui s’imposent. Ces aides d’urgence ont été conditionnées à des engagements fermes de la part des professionnels de mettre en œuvre les réformes structurelles dégagées par les états généraux.
D’un montant total de 150,75 millions d’euros, les ouvertures de crédits sur le programme « Presse » de la mission « Médias », proposées dans le présent projet de loi, visent tout d’abord à financer deux mesures d’urgence issues des états généraux de la presse écrite et validées par le Chef de l’État.
D’une part, il est prévu de financer le moratoire d’un an sur l’application des accords entre l’État, la presse et La Poste, qui prévoyaient une revalorisation progressive des tarifs de la distribution postale de la presse. Le manque à gagner pour La Poste sera compensé par l’État à hauteur de 25,4 millions d’euros. La compensation ainsi budgétée permettra à la presse de ne supporter aucune augmentation de ses tarifs postaux en 2009, ni au titre de la revalorisation prévue dans les accords, ni au titre de l’inflation. Les éditeurs devraient se voir appliquer en 2010 les augmentations tarifaires prévues dans les accords au titre de 2009, majorées de l’inflation pour 2009, et ainsi de suite. Mais rien n’est définitif pour le moment ; un état des lieux concernant le moratoire devrait intervenir à la fin de l’année.
D’autre part, le collectif budgétaire prévoit une aide exceptionnelle en faveur des diffuseurs de presse d’un montant de 27,6 millions d’euros. Cette aide participe à la revalorisation de la rémunération des diffuseurs de presse voulue par le Chef de l’État et passe par une exonération temporaire de leurs cotisations sociales personnelles à hauteur de 30 %.
À ces deux mesures d’urgence s’ajoutera, en parallèle, le doublement des investissements publicitaires de l’État à destination de la presse, prévu par une circulaire du 24 février 2009 du service d’information du Gouvernement adressée à tous les ministères.
Au total, les trois mesures d’urgence recommandées par les états généraux seront mises en application dès le début de cette année.
De plus, le Gouvernement a annoncé très récemment, à l’occasion de notre débat de contrôle sur l’avenir de la presse, le doublement de l’aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires, qui devrait être portée de 7 millions à 14 millions d’euros cette année.
L’ensemble de telles aides exceptionnelles permettra de sécuriser l’environnement financier des entreprises de presse en ces temps de crise. C’est à cette condition qu’elles pourront entreprendre, dans un contexte plus serein, les réformes structurelles qui s’imposent.
À ce titre, le collectif budgétaire ouvre également plusieurs enveloppes budgétaires destinées à accompagner le secteur de la presse dans la voie de sa modernisation structurelle.
En matière de distribution, l’effort est significatif. Le portage, considéré comme la clé de la rénovation de notre circuit de distribution, voit son aide passer de 8 millions à 70 millions d’euros. Ce plan massif d’aide au portage reposera principalement sur un dispositif incitatif, ciblé sur la presse quotidienne d’information politique et générale pour aider prioritairement les nouveaux exemplaires portés.
Afin d’aller encore plus loin dans le soutien au portage de la presse, Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, a déposé, au nom de notre groupe, un amendement tendant à la création d’une exonération des charges sociales patronales pour tous les porteurs et vendeurs colporteurs de presse au niveau du SMIC. D’un montant total évalué à 12,6 millions d’euros, cette mesure s’inspire directement d’une préconisation défendue par le Président de la République à la suite des états généraux.
Le métier de diffuseur de presse fait également l’objet d’un soutien financier important. Le Président de la République a souhaité replacer le diffuseur de presse au cœur du circuit de distribution pour en faire un « vendeur », et non plus un « manutentionnaire des invendus ».
En conséquence, l’aide à la modernisation de la diffusion et à l’informatisation du réseau des diffuseurs de presse sera augmentée de 11,3 millions d’euros.
En outre, afin de permettre à la presse d’aborder dans les meilleures conditions le virage d’internet, le projet de loi de finances rectificative prévoit une enveloppe exceptionnelle en faveur du développement des services en ligne des entreprises de presse d’un montant de 19,7 millions d’euros, ce qui porte cette aide à un total de 20 millions d’euros en 2009. Il s’agit là d’une mesure longtemps réclamée par notre commission. Je me réjouis qu’une telle aide soit enfin ouverte aux titres de presse exclusivement disponibles en ligne.
Cette aide financière devrait également s’accompagner de l’inscription dans la loi d’un statut de l’éditeur de presse en ligne, ce qui permettra à la presse numérique de bénéficier des avantages fiscaux jusqu’ici réservés à la seule presse imprimée.
Enfin, afin de combattre la désaffection du lectorat et de conquérir les jeunes publics, le collectif budgétaire prévoit la participation de l’État, à hauteur de 5 millions d’euros, à la mesure permettant à tout jeune de dix-huit ans de bénéficier d’un abonnement gratuit d’un an à un quotidien dans des conditions à définir par les éditeurs. Ainsi, le journal sera payé par l’éditeur et le transport par l’État.
Face à une génération de plus en plus acquise au numérique, l’expérience a démontré que ce type de mesures conduisent les titres concernés à des efforts éditoriaux, en proposant des offres novatrices établissant une continuité entre internet et le papier.
Les crédits ouverts dans le collectif budgétaire couvriront la plupart des mesures ayant des conséquences sur l’exercice 2009, à l’exception de la participation de l’État à l’accompagnement de la modernisation des imprimeries de presse, dont les modalités ne sont pas encore définies et dépendent de l’avancée des négociations entre les partenaires sociaux qui ont débuté au mois de février 2009.
La commission des affaires culturelles se réjouit de ce dispositif, qui répond à ses attentes.
Par ailleurs, et sur un sujet qui est maintenant récurrent, notre commission a adopté à l’unanimité un amendement visant à exclure le groupement d’intérêt public, ou GIP, France Télé numérique des bénéficiaires de la redevance.
En effet, nous avions adopté une telle disposition à l’article 30 du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. La commission mixte paritaire avait suivi le Sénat sur ce point. Or le Conseil constitutionnel a annulé cet article, considérant qu’une telle disposition ne pouvait figurer que dans une loi de finances.
L’occasion nous est ainsi offerte de reprendre cette mesure, qui a été votée par le Parlement le 4 février dernier et que le Gouvernement n’a pas remise en cause lors de l’adoption définitive du texte.
Sous réserve de l’adoption de cet amendement, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable sur l’adoption du projet de loi de finances rectificative pour 2009. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Le collectif, la crise, la relance, la fiscalité et… les autres.
D’abord, la crise.
À l’occasion du collectif, le quatrième en six mois sur deux exercices budgétaires, le Gouvernement actualise son hypothèse macroéconomique. Il acte la récession à un niveau toutefois contestable et contesté, la limitant à 1,5 %, alors que M. le rapporteur général l’estime à 3 % dans son rapport. Pis encore, monsieur le rapporteur général vous n’excluez pas a priori un scénario avec une chute à 4 % en 2009 et une croissance légèrement négative pour 2010. Autant dire que l’époque où le Gouvernement convoquait la sortie de crise à date fixe, évoquant d’abord le 1er juillet 2009, puis le 31 décembre 2009, paraît bien lointaine… En la matière, il vaut mieux être modeste. D’ailleurs, le 4 mars dernier, le Premier ministre lui-même déclarait : « Personne aujourd’hui ne peut savoir quand on sortira de cette crise. »
Avons-nous atteint le creux de la crise ? Rien n’est moins sûr. Alors que le scenario d’une crise en V a été défendu avec une certaine pugnacité, je note que l’hypothèse la plus probable est aujourd'hui celle du W. Mme la ministre a même utilisé l’expression fort appropriée de « tôle ondulée », ce qui nous renvoie à la crise japonaise des années quatre-vingt-dix, où une telle image était pertinente.
Ensuite, la relance.
Face à la montée explosive du chômage – d’après les prévisions, le taux devrait atteindre 10 % en 2009 –, qui affectera encore le pouvoir d'achat, à la chute de la consommation et à la paralysie de l’investissement, les mesures du Gouvernement sont-elles à la hauteur ? Les nouvelles dispositions annoncées après le sommet social du 18 février, telles qu’elles sont traduites dans le présent collectif, sont-elles à la mesure de la crise ? Vous connaissez notre réponse.
M. le rapporteur général nous propose la « riposte graduée ». Je pense que cela ne correspond pas au bon tempo d’une crise cumulative. En effet, la crise est à la fois financière et économique, économique et sociale. Alors qu’on nous avait dit que ce serait la finance d’abord, l’économie ensuite et peut-être le social après, nous avons tout concentré en même temps.
De notre point de vue, notre pays a besoin d’une riposte massive et immédiate. Il faut prioritairement et fortement cibler les bas revenus, ceux qui consomment toute injection d’argent. À cet égard, monsieur le rapporteur général, vous avez utilisé un terme que nous n’avons pas l’habitude d’entendre dans votre bouche – c’est la preuve que la crise bouleverse les modes de pensée –, en faisant référence au multiplicateur keynésien. Eh bien, pour de telles populations, qui consomment l’ensemble de leurs revenus, le multiplicateur joue à plein !
Or, en Europe, en additionnant les plans nationaux pour 2009, on ne dépasse pas 1,4 point de PIB. Je vous mets au défi de me démontrer le contraire. En réalité, nous sommes arrivés au bout des mesures de court terme, ponctuelles, comme celles qui figurent dans le collectif budgétaire.
Vous connaissez nos propositions. Nous craignons que le refus de les entendre ne retarde la sortie de crise de notre pays et que la France ne souffre plus longtemps que ses partenaires.
Enfin, la fiscalité.
Le Gouvernement a choisi d’agir fiscalement sur la première tranche de l’impôt sur le revenu. Le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale a heureusement rectifié celui du Gouvernement pour éviter qu’une telle mesure ne bénéficie, comme c’était le cas au départ, aux contribuables riches se situant dans cette tranche en raison de la minoration de leur revenu par le jeu des niches fiscales.
Pour autant, la mesure « loupe » tout de même la cible des bas revenus que j’évoquais tout à l’heure, c'est-à-dire tous ceux – cela représente tout de même près de 50 % des foyers – qui ne paient pas l’impôt sur le revenu.
En outre, cette disposition ne peut occulter le débat fiscal qui nous oppose, gauche et droite. Nous avons développé nos arguments à l’occasion de l’examen de toutes les lois de finances depuis 2002. Je pense que mes collègues inscrits dans la discussion générale y reviendront mesure par mesure. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’exprimer nos positions tout récemment, jeudi dernier, lors de l’examen de la proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal et à encadrer les rémunérations des dirigeants de grandes entreprises, déposée par le groupe CRC-SPG.
Sur ce dernier point en particulier, nous considérons que le débat n’est pas tranché, et surtout pas par le décret annoncé, et signé ce matin même.
En effet, comment peut-on justifier que ceux qui s’inscrivent dans la fourchette supérieure des revenus ne contribuent pas au soulagement des plus modestes et des plus pauvres ? Il n’y a aucune justification possible !
Aussi, ne vous étonnez pas que, une fois encore, nous défendions un amendement de suppression du bouclier fiscal.
Du reste, je reprends à notre compte la recommandation adressée par Jacques Delors au Gouvernement et à sa majorité lors d’un récent entretien où il a utilisé une formule particulièrement adaptée : « Laissez tomber l’orgueil ». Il n’y aurait aucune honte, en effet, à renoncer aux mesures prônées en 2007, alors que vous n’aviez pas intégré la dureté de la crise.
En le faisant, vous rehausserez la crédibilité de l’action publique et de votre politique. Ne tergiversez pas plus longtemps, ne vous amusez pas avec la trilogie ! Ici et maintenant, entendez la sourde colère des Français. Il n’est pas un jour sans que l’on assiste à un acte de contestation, voire un acte violent. Cette colère ne fera que s’amplifier au fur et à mesure de l’annonce quotidienne de plans sociaux, de défaillances d’entreprises.
Suivez au moins la recommandation du Conseil des prélèvements obligatoires selon laquelle il faut veiller à maintenir un certain équilibre entre l’imposition progressive sur les revenus et les prélèvements sociaux. Tout est dit !
De toute façon, le débat sur l’impôt s’ouvrira une nouvelle fois, vous le savez bien, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010 et même avant, car il est fort à parier que, d’ici là, nous serons saisis d’un nouveau collectif.
S’agissant de l’encadrement des rémunérations, vous n’avez pas voulu nous entendre.
Ainsi, lorsque le groupe socialiste – que j’ai eu l’honneur de représenter – a défendu, le 4 novembre, son cadre général d’intervention après avoir constaté, dès le 8 octobre, que les contreparties demandées aux banques, soit en termes de garanties soit en fonds propres, pour avoir accès à l’aide publique étaient trop peu contraignantes, vous nous avez renvoyés au code de bonne conduite du MEDEF.
Vous ne nous avez pas davantage entendus, le 26 mars dernier, lors de la discussion de la proposition de loi du groupe CRC-SPG, à l’occasion de laquelle nous avons également rappelé nos propositions.
Pendant que le Sénat débattait de ce texte, le secrétaire général de l’Élysée annonçait un décret imminent, jugeant la voie – je reprends ses termes – plus facile et plus rapide. Aujourd’hui, il la déclare non pas « plus facile », mais « plus efficace ». Nous considérons que le recours à cette méthode est un déni du Parlement, alors que nous avons sous la main un véhicule législatif approprié.
Monsieur Arthuis, vous avez déposé en commission des finances, à titre personnel, un amendement que nous vous encourageons fortement à maintenir en séance publique, car – je l’ai dit ce matin en commission des finances – il sauve l’honneur du Parlement.
Cet amendement tend à élargir quelque peu le périmètre du décret et il n’en borne pas la durée. Même s’il ne répond pas à toutes nos attentes, puisque nous voulons que le cadre des rémunérations variables soit appliqué à l’ensemble des entreprises cotées, nous souhaitons en débattre à l’occasion de la discussion de l’article 11.
En effet, dans la mesure où le décret ne concerne que huit entreprises et n’apporte qu’une réponse partielle au problème des rémunérations variables, il valide le code de bonne conduite du MEDEF, dont la présidente, Mme Parisot, avait toujours dit qu’elle ne voulait pas d’une loi. De fait, il n’y aura pas de loi.
Faisons un bref retour sur le passé récent : à la suite de la déclaration du Président de la République, qui a fustigé les bonus lors de son discours prononcé à Toulon au mois de septembre dernier – ce n’est pas si ancien, même si cela paraît dater d’un siècle ! –, les dirigeants des entreprises concernées ont renoncé officiellement à ces bonus. Mais ils se sont reportés sur les stock-options. Comme ces dernières ont été fustigées à leur tour, elles se transforment en « retraites chapeaux » ! On n’en finira jamais !
Il nous faut donc définir un cadre général d’intervention, et ce dès maintenant ; c’est sur ce point que je suis en total désaccord avec M. le rapporteur général.
Nous avons bien une structure, le groupe de travail des vingt-quatre auquel vous avez fait allusion, qui travaille en toute sérénité et aboutit à de bons compromis.